Pierre Rameau

1725

Le maître à danser [graphies originales]

Édition de Jean Villette
2018
Pierre Rameau, Le Maître à danser. Qui enseigne la manière de faire tous les différents pas de danse dans toute la régularité de l’art, et de conduire les bras à chaque pas. Enrichi de figures en taille-douce, servant de démonstration pour tous les différents mouvements qu’il convient faire dans cet exercice. Ouvrage très utile non seulement à la Jeunesse qui veut apprendre à bien danser, mais encore aux personnes honnêtes et polies, et qui leur donne des règles pour bien marcher, saluer et faire les révérences convenables dans toutes sortes de compagnies. Par le Sieur Rameau, Maître à danser des Pages de Sa Majesté Catholique la Reine d’Espagne, Paris, Jean Villette, 1725, XIV-271-[1] p., 57 f. de pl. : ill. ; in-8. PDF : Gallica. Errata intégré
Ont participé à cette édition électronique : Éric Thiébaud (Stylage sémantique), Wordpro (Numérisation et encodage TEI) et Anne-Laure Huet (édition TEI).

[Frontispice] §

Le Maître à Dancer

[iii]

A Monseigneur le duc de Rets,
pair de France,
et capitaine des gardes du corps.
§

MONSEIGNEUR,

Je sçai que des Noms comme le vôtre, qui servent de soutien à tout ce que les Sciences & les beaux Arts ont de plus noble & de plus élevé, ne devroient paroître qu’à la tête des plus grands Ouvrages. Aussi ai-je balancé long-tems avant que d’oser prendre la liberté de vous dédier mon Livre.

[iv]

Ce n’est pas que la Danse, d’abord inventée pour le plaisir, & ensuite employée à l’utilité publique, ne mérite de la consideration. Fille de l’Harmonie, elle est de tout tems entrée pour quelque chose dans l’éducation des hommes. Elle fait partie des exercices du corps qui servent à former la Jeunesse, elle contribuë à la pompe & à la magnificence des Spectacles qui font les délices des Peuples, & quelquefois les amusemens des plus grands Princes.

Notre jeune Monarque n’a pas dédaigné dans ses momens de loisir, d’y faire briller son adresse & sa grace ; c’est-là, Monseigneur, qu’on vous a vû dès vos premieres années charmer toute la Cour, & faire honte à nos plus habiles Maîtres.

Rien ne pourroit mieux assurer la réüssite de cet Ouvrage, que l’approbation d’un Seigneur, qui a executé avec autant d’agrément que d’exactitude, les Regles que nous cherchons à établir.

Oüi, Monseigneur, son succès sera dû à votre seule protection ; & pour vous la demander j’ai recours à cette bonté, [v]qui, avec tant d’autres vertus, est hereditaire dans votre illustre Maison.

Ce seroit ici l’occasion d’en étaler toute la grandeur, de parler de l’éclat de votre Sang, né pour former nos Rois, & de ce haut courage qui en est l’ame : mais il n’est permis qu’à des génies capables de manier adroitement la loüange, de vous en donner une digne de vous, & de raconter toutes les qualitez qui vous font estimer & aimer personnellement de toute la France.

Dans le désir ardent que j’ai toujours eu de vous marquer mon attachement & mon zele, je dois me borner à vous en renouveller les assurances. Je suis avec une très-profonde soumission,

MONSEIGNEUR,
Vôtre très-respectueux Serviteur, Rameau.
[vj]

Préface. §

Si j’ai intitulé ce Livre Le Maître a danser, ce n’est pas que j’aie voulu par une présomption temeraire, m’attribuer à moi-même un pareil titre. Mais comme de tous ceux qui enseignent avec applaudissement l’Art de la Danse, il ne s’est trouvé personne qui en ait écrit les regles, j’ai osé l’entreprendre ; & quoique j’aie fait toute ma vie de serieuses reflexions sur les positions & sur l’équilibre du corps, pour être plus à portée de donner des leçons utiles à mes Ecoliers, je me suis moins fondé sur ma propre experience, que sur l’habileté des plus grands Maîtres, que j’ai eu l’avantage de frequenter.

C’est pour ainsi dire, leurs leçons qu’ils ont souvent donné en ma presence, que je trace ici sur le papier : Ainsi sans examiner, si j’ai tenu le [vij]premier rang dans ma profession, les regles que je donne peuvent justifier le titre de mon Ouvrage.

J’ose me flatter que mon travail ne sera point inutile aux jeunes gens qui, se servant de cette methode, pourront comprendre, & executer plus facilement ce que le Maître leur aura enseigné ; c’est pour cela même que j’ai fait graver plusieurs Planches qui representent le Danseur en diverses positions : les préceptes qui passent par les yeux aïant toûjours beaucoup plus d’effet, que ceux qui sont dénuez de secours.

Le Public n’attend pas d’un homme comme moi, qui a passé tout le tems de sa vie à étudier & à enseigner la Danse une longue dissertation sur l’origine & l’ancienneté de cet Art : je laisse ce soin aux Sçavans. Quelques Auteurs celebres en ont parlé, & je ne m’arrêterai point à compiler leurs ouvrages.

Mais le Lecteur auroit lieu de se plaindre, si dans un tems où la Danse [viij]est parvenuë au plus haut degré de sa perfection, je ne parlois point des progrès qu’elle a fait sur la fin du dernier siécle, qu’elle fait encore tous les jours par l’émulation qu’excitent les spectacles de l’Academie Roïale de Musique. Il ne faut pourtant pas regarder la Danse comme un exercice uniquement inventé pour le plaisir. Je crois bien que la joye des Festins, que la vivacité des Fêtes lui ont donné la naissance ; mais il en est de même de la Danse que de la Comédie, les hommes ont cherché à tirer de l’utilité de ce que le seul plaisir leur avoit fait inventer. Si la Danse ne devoit servir qu’à paroître sur les Theatres, elle ne feroit l’occupation que de peu de personnes ; mais on peut dire qu’elle merite les soins presque de tous les hommes, quand même ils n’en devroient faire usage que dans les premiers tems de leur jeunesse destinez à cet exercice. C’est la Danse qui donne la grace aux avantages que [ix]nous recevons de la nature, en reglant tous les mouvemens du corps, & l’affermissant dans ses justes positions : & si elle n’efface pas absolument les défauts que nous apportons en naissant, elle les adoucit, ou les cache. Cette seule definition suffit pour en faire voir l’utilité, & pour exciter le desir de s’y rendre habile.

Nous pouvons dire à la gloire de notre Nation, qu’elle a le veritable goût de la belle Danse. Presque tous les Etrangers loin d’en disconvenir, viennent depuis près d’un siécle admirer nos Danses, se former dans nos Spectacles & dans nos Ecoles ; même il n’y a point de Cour dans l’Europe qui n’ait un Maître à danser de notre Nation.

Le Regne de Louis le Grand sera toûjours regardé avec justice, comme le Regne des hommes les plus illustres. Entre tous les Arts qui se sont perfectionnez sous les yeux, & par les liberalitez d’un si puissant Monarque, [x]la Danse a fait les plus rapides progrès ; tout sembloit y contribuer. Ce Prince qui avoit reçû des mains de la Nature une figure noble & majestueuse, avoit aimé dès son enfance tous les exercices du corps, & avoit ajoûté aux dons naturels toutes les graces qui peuvent s’acquerir. Le goût qu’il avoit pour la Danse l’engageoit dans les momens paisibles de son Regne, à donner de ces Ballets magnifiques, où ce Souverain ne dedaignoit pas de paroître lui-même avec les Princes & les Seigneurs de son Roïaume. Quelle émulation ne ressentoient pas tous les jeunes Courtisans, dans l’esperance d’être admis aux plaisirs d’une Cour si brillante ? Cependant la Danse ne parut dans tout son éclat qu’à la naissance des Opera. Lully, Italien de Nation, étant venu en France à l’âge de neuf ans ; y appris la Musique : & comme il avoit un genie rare & sublime, il s’éleva bien-tôt au-dessus de tous les [xj]Compositeurs de son tems. Après avoir composé la Musique des divers Ballets dont je viens de parler, il entreprit de donner aux yeux de la Cour & de la Ville ces Tragedies Lyriques qui font encore l’admiration & le charme des Spectateurs. On vit sur les Theatres de Paris ce nouveau genre de spectacle qui sous le nom d’Opera, n’avoit été connu jusqu’alors que des Italiens.

Lully, qui dès sa premiere jeunesse s’étoit attaché à la Cour de Louis le Grand, oublia en quelque façon sa Patrie, & fit si bien par ses travaux que la France triompha sans peine & pour toûjours de l’Italie, par le charme de ces mêmes spectacles que Rome & Venise avoient inventez. Il ne se borna point à leur donner tout l’éclat que la Musique pouvoit fournir ; comme il étoit obligé de representer des Triomphes, des Sacrifices, des Enchantemens, & des Fêtes galantes qui exigeoient des Airs caracterisez [xij]pour la Danse, il fit choix de tout ce que la France avoit de plus habiles Danseurs. Beauchamp qui étoit pour lors à la Cour Compositeur des Ballets du Roi, comme Lully l’étoit de la Musique, fut choisi pour composer les Danses de l’Opera. Je ne puis trop donner de loüanges à la juste reputation qu’il s’est acquise. Ses premiers essais furent des coups de Maître, & il partagea toûjours legitimement les suffrages que le Musicien s’attiroit de plus en plus. Il étoit sçavant & recherché dans sa composition, & il avoit besoin de gens habiles pour executer ce qu’il inventoit : heureusement pour lui qu’il avoit dans Paris & à la Cour les Danseurs les plus habiles, St André, Favier l’ainé, Favre, Boutteville, Dumiraille & Germain. Mais quelques fussent les talents de tous ces Danseurs, de leur propre aveu, la palme étoit reservée à Pecour & à l’Etang, qui depuis ce tems ont été les modeles de tous ceux qui ont voulu [xiij]briller dans la même carriere. Le caractere de l’un & de l’autre n’étoit pas le même. Ils étoient tous deux formez par la nature avec les graces, & avec toutes les dispositions de la belle Danse.

L’Etang dansoit avec noblesse & avec précision, & Pecour remplissoit toutes sortes de caracteres avec grace, justesse & legereté. Ils étoient d’ailleurs l’un & l’autre d’un caractere pour le commerce de la vie, que les plus grands Seigneurs se faisoient un plaisir de vivre avec eux, & de les admettre à leurs parties.

Lully qui avoit assez vecu pour sa reputation, mais qui auroit encore pû augmenter la gloire de la France par les nouveaux ouvrages, qu’il étoit en état de donner, mourut en 1687. à sa mort Beauchamp quitta l’Opera. Pecour qui jusqu’alors s’étoit fait une si grande reputation par l’execution des Danses, & qui même s’étoit essaïé par des Ballets pour la Cour, fut choisi [xiv]pour la composition des Danses de l’Opera, & il fit bien-tôt voir qu’il avoit un genie superieur. Il avoit besoin de tous ses talents, pour remplacer dignement le Maître qui l’avoit précedé ; mais il en vint à bout par la varieté infinie & par les nouveaux agrémens qu’il prêta aux mêmes Ballets, que Beauchamp avoit déja fait executer.

Les femmes qui depuis quelque tems avoient été admises dans les Bales de l’Opera, contribuerent beaucoup à la magnificence du spectacle. Mesdemoiselles de la Fontaine & Subligny qui se distinguoient, exciterent l’émulation de plusieurs jeunes Danseurs qui entrerent à l’Opera, on les emploïa à figurer avec plusieurs Danseurs des plus habiles.

Blondy neveu & digne éleve de Beauchamp commençoit dès-lors à se distinguer, & disputoit de gloire avec Ballon dont la réputation est si justement établie. Ce dernier avoit un goût [xv]infini & une legereté prodigieuse. Il fit pendant plusieurs années le plaisir & l’admiration des spectateurs, ses talents furent récompensez par l’honneur qu’il reçut, en donnant le premier la main à LOUIS XV. notre Auguste Monarque, l’amour de ses Peuples & l’esperance de tous les Arts.

Ballon aïant quitté l’Opera, les amateurs de la Danse sentirent cette perte. Les jeunes Danseurs qui avoient des talents s’animerent d’une juste émulation pour remplir cette place.

Dumoulin le dernier de quatre freres qui ont tous des talents, & qui se distinguent encore aujourd’huy dans divers caracteres, fut celui qui approcha le plus de Ballon, & qui consola en quelque façon le public. Il eut l’avantage d’être d’abord associé pour les pas, de deux avec Mademoiselle Guiot, qui étoit une excellente Danseuse, & par ses essais qui réussirent, il se rendit capable de figurer avec l’illustre Mademoiselle Prevost.

[xvj]

C’est ici que je souhaiterois pouvoir payer le juste tribut de loüanges que meritent ses rares talents. Dans une seule de ses Danses sont renfermées toutes les regles qu’après de longues meditations nous pourrions donner sur notre Art, & elle les met en pratique avec tant de grace, tant de justesse, tant de legereté, tant de précision, qu’elle peut être regardée comme un prodige dans ce genre. Elle merite avec justice d’être regardée comme Terpsicore, cette Muse que les anciens ont fait présider à la Danse. Elle a les mêmes avantages que Prothée avoit dans la Fable. Elle prend à son gré toutes sortes de formes, avec cette difference que Prothée les emploïoit souvent pour effraïer les mortels curieux qui venoient le consulter ; & elle ne s’en sert que pour enchanter les yeux avides qui la regardent, & pour attirer les suffrages de tous les cœurs. D’ailleurs les justes applaudissemens qu’on lui donne, excitent [xvij]une noble ambition parmi les autres Danseuses.

Mademoiselle Menese qui presque toûjours unie avec Marcel pour danser les pas de deux dans un genre particulier, ne manque jamais d’embellir le spectacle, & d’attirer les applaudissemens du public.

Le commencement de la réputation de Marcel est une époque assez remarquable dans l’Opera.

Campra qui de tous les successeurs de Lully dans la composition de la Musique, a donné au Theatre le plus grand nombre de beaux ouvrages, avoit mis au jour les Fêtes Venitiennes. Il y avoit dans ce Ballet une Scene très singuliere où un Maître à danser vient vanter en chantant tous les avantages de son Art, & comme il executoit en même tems les divers caracteres de Danse qui se trouvent dans les Ballets, & qu’il avoit un peu de voix & beaucoup de goût pour le chant, il [xviij]entreprit de faire ce rôle, & le remplit si bien qu’il engagea dès ce jour-là le public à remarquer avec plus d’attention les talens qu’il avoit pour la Danse, où il a soûtenu constamment ce qu’il fit attendre de lui.

Je puis dire, que les pas de deux qu’il a dansé & qu’il danse encore tous les jours avec Blondy, sont autant de tableaux où les rapports sont si justes, & les couleurs si vives, qu’on ne peut s’empêcher de les admirer.

Voilà quels sont les Maîtres qui m’ont fourni les regles que je donne dans mon Ouvrage, & il a passé sous les yeux du Maître qui depuis la mort de Lully a composé les Ballets de l’Opera, & sous lesquels les plus habiles Danseurs d’aujourd’hui se sont formez. J’en ai reçû une Approbation trop avantageuse pour ne pas me flatter de quelque réussite.

{p. 1}

Le maître a danser.
premiere partie
§

CHAPITRE I.
De la maniere de se poser le corps. §

Tout dépend pour bien apprendre, du bon commencement, ce qui est l’affaire du Maître, mais comme l’Ecolier a beaucoup de vivacité, ou que souvent le trop d’étude dont il est chargé, lui fait oublier la plûpart de ses exercices, & ordinairement celui de la {p. 2}Danse, que l’on ne croit pas aussi nécessaire qu’elle est, puisque c’est par elle que nous nous comportons dans le monde avec cette bonne grace & cet air qui fait briller notre Nation ; & c’est sur cette idée que je me suis fait un plan ou maniere de leçon que le Maître donne à son Ecolier pour le mener de pas en pas, même lui enseigner tous les differens mouvemens des bras, afin de les conduire à propos à chacun de ces differens pas de danse : & comme il est essentiel de sçavoir se poser le corps dans une situation gracieuse, c’est ce qui est expliqué dans ce premier Chapitre, de même que le represente cette Figure : Il faut avoir la tête droite sans être gêné, les épaules en arriere (ce qui fait paroître la poitrine large & donne plus de grace au corps,) les bras pendans à côté de soi, les mains ni ouvertes ni fermées, la ceinture ferme, les jambes étenduës, & les pieds en {p. 3}dehors : j’ai tâché de donner à cette Figure l’expression possible, afin qu’en la voïant on puisse se poser le corps tel qu’il doit être.

3. De la Position du Corps

Je lui ai donné une attitude prêt à marcher, c’est pourquoi elle a le pied gauche devant, & le pied droit prêt à partir, soit pour faire un pas en avant ou à côté, parce que le corps étant posé sur le gauche, par ce moïen le droit doit agir facilement ; j’espere que prenant toutes ces précautions on ne tombera pas dans le ridicule d’être gêné ou roide, ce que l’on doit éviter, ni même d’affectation ; la bienséance ne demandant que ce beau naturel & cet air aisé que la danse seule est capable de procurer.

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Chapitre II.
De la maniere de bien marcher. §

Le corps étant posé comme il est representé ci-devant, il est prêt de faire tout ce que l’on veut : de cette position vous partez, soit pour marcher, ou faire une reverence, soit pour danser. Mais comme la maniere de bien marcher est très-utile, parce que d’elle dépend les premiers principes que la danse inspire, qui est le bon air. C’est pourquoi je prie le Lecteur de faire attention à cette méthode facile que je vais d’écrire ; on n’y trouvera que les propres mouvemens que la nature fait.

Je suppose que vous ayez le pied gauche devant, comme la Figure l’a démontré, il faut appuyer le corps dessus & du même tems le genouil droit se plie & le talon se leve par le {p. 5}mouvement que le corps fait en se posant dessus la jambe gauche, & par consequent fait lever la droite, ce qui se fait par son genouil, qui étant plié cherche à s’étendre, ce qu’elle fait en se passant devant vous. Mais observant de ne la pas porter plus loin que la grandeur ou distance du pied entre les deux mêmes, ce qui est la proportion du pas, mais il faut poser le talon avant la pointe ; ce qui fait avancer le corps sur le pied que vous posez, au lieu que si vous posiez la pointe la premiere elle rejetteroit le corps en arriere, & vous fatigueroit infiniment. Les jambes doivent être fort étenduës dans leur tems, les hanches fort tournées en dehors, parce que les autres parties inferieures se tournent d’elles-mêmes, ce qui est incontestable, d’autant que cette jointure commande & dispose des genoux & des pieds : ce que je viens de dire que les jambes doivent être étenduës dans leur tems, c’est lorsque {p. 6}vous passez l’une ou l’autre, d’étendre fort les genoux, ce qui vous empêche de croiser vos pas : ce feroit un défaut auquel plusieurs personnes sont sujetes faute d’attention : ayant aussi les genoux en dehors & les jambes étenduës, cela empêche le penchant qu’ils auroient à devenir cagneux, & même remet ou accoûtume la rotule dans une meilleure situation.

J’ai dit aussi que l’on devoit étendre les jambes en les passant devant soi, ce qui est pour éviter de ne les point trop écarter ni les trop serrer ; & je suis certain que lorsque l’on prendra tous ces soins, on ne tombera pas dans aucun des défauts que je viens de citer.

Il faut aussi donner à sa maniere de marcher un tems qui ne soit ni trop vîte, ni trop lent ; celui-ci tient de l’indolence, & l’autre sent l’étourdi ; ainsi il faut éviter ces deux extremitez.

J’ai dit encore qu’il faut avoir la {p. 7}tête droite & la ceinture ferme, c’est que par ce moyen le corps se maintiendra dans une situation avantageuse, & ne dandinera point. Quant au maintien des bras, il faut les laisser étendus à côté du corps en observant seulement que lorsque vous faites un pas du pied droit, c’est le bras gauche qui fait un petit mouvement en devant, ce qui fait le balancier & même cela vient naturellement. Mais comme plusieurs peuvent ignorer cette action faute d’attention, c’est ce qui m’a obligé de faire cette remarque comme très-essentielle.

Le pas étant de passer le pied devant, ou en arriere, & de côté ; ce qui s’entend d’un pied comme de l’autre, quant à la maniere de marcher ; mais en fait de danse le nom de pas renferme plusieurs pas ensemble, & qui sont quelquefois differentiez de plusieurs mouvemens, qui cependant ne compose qu’un pas.

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Comme le pas de Menuet, le pas de Courante, le pas de Bourée, & nombre d’autres, que j’enseigne la maniere de les faire ; & comme tous ces differens mouvemens doivent être pris à propos, & que les regles que l’on doit suivre ne sont fondées que sur les cinq Positions, c’est ce qui sera expliqué dans les Chapitres suivans.

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Chapitre III.
Des Positions, & de leur origine. §

Ce qui s’appelle Position n’est qu’une juste proportion que l’on a trouvé d’éloigner ou d’approcher les pieds dans une distance mesurée, où le corps soit dans son équilibre ou à plomb sans se trouver gêné, soit que l’on marche, soit que l’on danse, ou lorsque l’on est arrêté. Ces Positions ont été mises au jour par les soins de feu Monsieur de Beauchamp, qui s’étoit formé une idée de donner un arangement necessaire à cet Art.

On ne les connoissoit pas avant lui, ce qui prouve sa penetration dans cet Art. Elles doivent être regardées comme des regles indispensables qu’il faut suivre. J’ai sçu de lui que suivant les regles de son tems on comptoit cinq pas dans la danse, desquels dérivent {p. 10}les autres pas, qui se pratiquent dans la danse ; & comme il avoit beaucoup de goût pour le Dessein, (ce qui est très-necessaire pour un Compositeur de Ballet aussi-bien que la Musique,) ce rare génie trouva que rien n’étoit plus important pour maintenir le corps dans une attitude gracieuse, & les pas dans une grandeur mesurée, que d’introduire ces cinq Positions ; aussi on doit les regarder comme des regles indispensables que l’on doit suivre.

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Chapitre IV.
De la premiere Position. §

11. Premiere Position

Ces positions, comme je viens de dire, n’étant que pour donner aux pas une juste proportion, afin que le corps se conserve dans son à plomb, je ne dis pas équilibre, ce qui est different & que j’expliquerai dans la suite. Je donne l’explication & la démonstration de chacune en particulier, comme aussi de leur utilité. Mais pour la comprendre avec plus de facilité, il faut remarquer que cette Figure de même que les autres, n’est differente que par les positions des jambes & des pieds : pour le corps il doit être toujours droit & placé sur les deux jambes. Cette premiere est d’avoir les jambes fort étenduës, les deux talons l’un près de l’autre & les pieds en dehors également. Son usage est {p. 12}pour les pas assemblez, & pour prendre ses mouvemens lorsque l’on doit plier, parce que tous les pas qui se commencent par des demi-coupez se doivent prendre de cette position. Et la raison est, que lorsque vous pliez, si l’un des deux étoit derriere, cela facilite de laisser venir le genouil en dedans, au lieu que les talons étant près l’un de l’autre, vos genoux se tournent également en dehors. Et de plus c’est que le corps paroît plus droit ; ce que j’expliquerai plus au long dans la maniere de prendre les mouvemens, puisque je n’entens faire ici que l’explication des positions, & en donner la démonstration.

{p. 13}

Chapitre V.
De la deuxiéme Position. §

13. Deuxieme Position

Cette seconde Position démontre par sa situation la distance qu’il faut observer dans les pas ouverts qui se font en allant de côté, elle est representée les deux jambes écartées ; mais ils ne le doivent être que de la longueur du pied distant entre les deux, ce qui est la juste proportion du pas & la vraie position du corps sur les deux jambes, qui se voit par les épaules qui ne sont pas plus hautes l’une que l’autre ; c’est pourquoi le corps se trouve dans la facilité de se poser sur l’une des deux jambes sans faire aucun mouvement forcé, comme elle sert pour les pas ouverts qui se font de côté conjointement avec la cinquiéme, qui sont celles que l’on met en usage pour aller de côté ; la {p. 14}cinquiéme étant pour les pas croisez.

Il faut considerer que les deux pieds soient sur une même ligne, les jambes étenduës, & les pieds tournez également en dehors, pour que le corps se trouve posé sur les deux jambes, de même qu’à la premiere Position. Je prie le Lecteur de bien retenir ces Positions par cœur, non seulement pour la proportion des pas, mais aussi pour la maniere de les faire, parce que dans la suite je citerai de quelle Position un pas se commence, & celle par où on le finit : outre qu’au lieu d’avancer ; s’il ne les retenoit pas, il seroit obligé de recourir au commencement du Livre, ce qui retarderoit encore l’execution du pas.

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Chapitre VI.
De la troisiéme Position. §

15. Troisieme Position

Cette Position est pour les pas emboëtez & autres pas : on la nomme emboëture, & ce n’est pas sans raison : c’est que cette Position n’est parfaite, que lorsque les jambes sont bien étenduës l’une près de l’autre : ce qui fait que les deux jambes & les pieds étant bien serrez, l’on ne peut voir de jour entre deux : ainsi elles se joignent comme une boëte, aussi j’ai tracé cette Figure avec soin, pour qu’on la comprenne plus facilement, & que l’œil qui est le miroir de l’ame donne plus de force à mon expression, en conduisant plus aisément le Lecteur à cette intelligence claire que je desire lui donner.

Elle est posée sur les deux pieds dans son à plomb, le pied gauche devant, {p. 16}mais croisé devant le talon au droit du cou de pied, tel qu’il est démontré par cette Figure.

Elle est une des plus necessaires pour bien danser, elle apprend à se tenir ferme, à tendre les genoux, & assujettit à cette regularité qui fait toute la beauté de cet Art.

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Chapitre VII.
De la quatriéme Position. §

17. Quatrieme Position

Celle-ci sert à regler les pas en avant, ou en arriere, & leur donner cette juste proportion que l’on doit observer, soit pour marcher, soit pour danser. Elle est posée dans le même goût des autres, à l’exception des pieds dont le gauche est devant, & le droit derriere. Mais quoi qu’elle ne paroisse pas si sensible pour voir la distance qu’il doit y avoir entre les deux jambes, que si elles étoient une de profil ; on voit bien pourtant par le point de perspective que le pied gauche est plus avancé que le droit : & de plus, ce qui m’a engagé de les mettre de face, c’est qu’on en voit mieux toutes les parties. On doit observer dans cette Position que les deux pieds soient l’un devant l’autre, & {p. 18}sur une ligne droite sans les croiser, & sur tout en dansant ; en ce que lorsque l’on prend un mouvement, & que l’on croise le pied quand on va en avant, il arrive que l’on ne se releve pas avec la même facilité, outre que le corps sort de son équilibre, ce qui fait faire des contorsions.

Quant à marcher, si l’on croise les pieds, cela fait aller de travers & dérange le corps, c’est à quoi on ne peut trop prendre garde : il est vrai que cela dépend aussi des soins du Maître ; car dans les commencemens on contracte quelquefois de mauvaises habitudes, dont par la suite on a toutes les peines du monde de s’en défaire ; & quelque bon cependant que soit le Maître, si l’Ecolier ne travaille de son côté à s’en corriger, il ne peut y réüssir. Mais on me dira que l’on n’a pas de disposition : je réponds à cela que l’on en a toujours quand on le veut, cela ne va que du plus au moins.

{p. 19}

C’est ce qui n’est pas difficile de prouver. Ne marche-t-on pas ? ne fait-on pas des reverences ? Ainsi il ne s’agit que de s’appliquer à les bien faire, à bien marcher : & lorsque vous êtes parvenu à bien faire une reverence avec grace, insensiblement on prend du goût pour la danse.

On me dira encore qu’il faut beaucoup de disposition pour bien danser, je l’avouë, mais la volonté l’emporte sur le moins ; & celles-ci peuvent danser passablement, je dirai plus, sans même de disposition ; car ce qui fait danser n’est que de sçavoir plier & se relever à propos.

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Chapitre VIII.
De la cinquiéme Position. §

20. Cinquieme Position

Dans cette derniere elle est comme j’ai déja dit pour les pas croisez en allant de côté soit à droit, soit à gauche. Elle est inséparable de la deuxiéme : ce sont ces deux qui font aller de côté sans se tourner, en restant le corps en presence. Mais pour la bien faire, il faut que le talon du pied qui croise ne passe point la pointe de celui qui est derriere, ce qui seroit contre les regles ; car le corps ne se trouveroit pas dans son à plomb, outre que votre pied se croisant plus que la pointe, le pied qui marche reviendroit en dedans : c’est ce que l’on peut voir dans cette Figure, elle n’est croisée qu’autant que la regle le permet : dans toutes ces Positions j’ai observé de poser le corps d’à-plomb sur les {p. 21}deux jambes, ce qui fait voir par la distance qui s’observe que l’on peut lever un pied en se posant le corps sur l’autre sans faire de mouvement forcé ; je ne parle pas des fausses positions, parce qu’elles m’ont paru inutiles pour les jeunes personnes qui apprennent, je laisse ce soin aux Maîtres qui conduisent leurs Ecoliers ; & de plus c’est qu’elles ne se trouvent guere que dans les pas en tournant, ou dans les pas de Ballet.

Quant à mes Figures je ne leur ai donné que le trait, sans les charger d’ombres, afin que l’on puisse les distinguer avec plus de facilité.

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Chapitre IX.
Des Reverences en général. §

Une chose tres-necessaire de sçavoir pour tout le monde dans quelque état que ce soit, c’est de sçavoir ôter son chapeau comme il faut, & faire une reverence de bonne grace ; mais c’est à quoi le plus souvent on s’attache le moins : tout nous porte cependant à bien faire l’un & l’autre. Cela nous fait admirer d’abord, & nous attire mille gracieusetez, & dispose même un chacun à avoir de la consideration pour nous, en nous regardant comme une personne qui sçait profiter de l’éducation que l’on a reçu.

Mais comme il se fait des reverences de plusieurs manieres suivant les differentes occasions qui les demande, je les expliquerai chacune en particulier, {p. 23}conformément aux Figures qui representent l’action principale que le corps doit faire, après que j’aurai démontré dans le Chapitre suivant la maniere d’ôter & de remettre le chapeau, instruction très-utile, sur tout à la Jeunesse à laquelle on a de la peine à en faire bien comprendre la consequence.

{p. 24}

Chapitre X.
De la maniere d’ôter son chapeau, & de le remettre. §

24. Premiere temps pour oster le Chapeau

[Légende intérieure] plie du coude

Après avoir donné la démonstration des Positions, & parlé des Reverences en general, pour suivre l’ordre que je dois observer, & que l’on ne fait pas de reverence sans ôter le chapeau avant de la commencer. C’est ce qui fait le sujet de ce Chapitre, qui enseigne la maniere de l’ôter & de le remettre, afin de prévenir les défauts dans lesquels on tombe en l’un & en l’autre faute d’attention.

Le corps étant posé suivant les regles ci-devant prescrites, si vous voulez saluer quelqu’un, il faut lever le bras droit à la hauteur de l’épaule, comme le represente cette premiere Figure 1. ayant la main ouverte 2. puis plier le coude pour prendre votre chapeau, ce {p. 25}qui fait un demi cercle, suivant ces mots, ply du coude, qui prend son point du coude même.

25. Deuxieme attitude de l’exercisse du Chapeau

[Légende intérieure] Chemin que fait le bra

Le coude étant plié comme vous le voyez par la deuxiéme Figure, & la main ouverte comme vous l’avez vu par la premiere ; il faut que vous l’approchiez de la tête, qui ne doit faire aucun mouvement, puis porter le pouce contre le front, les quatre doigts posez sur le retroussi du chapeau, & en serrant le pouce & les doigts, le pouce par son mouvement leve le chapeau, & les quatre doigts le maintiennent dans la main ; mais le bras se haussant un peu plus, leve tout-à-fait le chapeau de dessus la tête, en s’étendant & le laissant tomber à côté de soi, ce qui fait l’effet que representent ces mots : chemin que le bras fait.

26. La maniere de tenire son Chapeau a coté de soi

Cette troisiéme Figure represente la maniere de tenir le chapeau à côté de soi la forme en dessous.

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Toutes ces differentes attitudes representées par ces trois Figures ne sont que pour marquer tous les differens tems & toutes les mesures que l’on doit observer dans cette action, on ne doit pas entendre par ces differentes attitudes que l’on doive s’arrêter à chaque tems, ce qui seroit ridicule. Pour moi j’entends qu’il n’y ait aucun intervale, & que ces tems soient si imperceptibles, qu’ils n’en fassent qu’un ; parce que ce n’est qu’une seule action en trois tems, que j’ai jugé à propos de marquer par chaque attitude principale pour les faire mieux sentir : sçavoir lever le bras à côté de soi en pliant le coude, approcher la main de la tête & prendre le chapeau, le lever de dessus, & laisser tomber le bras à côté de soi.

Mais pour le remettre on doit observer le même ordre ; c’est-à-dire lever votre bras de la situation où vous l’avez pour lors à côté de vous à la hauteur {p. 27}de l’épaule, en pliant le coude, mettez le chapeau dessus la tête en appuyant de même tems votre main contre le retroussi pour l’enfoncer, sans vous reprendre à deux fois, & non pas appuyer la main sur le milieu de la forme, ce qui n’est pas séant ; mais la tête ne doit faire aucune démonstration pour le recevoir, c’est le bras & la main qui le doivent poser. On ne doit pas non plus trop l’enfoncer par la difficulté que vous auriez de l’ôter, le chapeau ne devant que couronner la tête & lui servir d’agrément : on doit aussi prendre garde de ne le point prendre par la forme, & d’avancer le bras & la main trop en devant, ce qui cache le visage, ni même de baisser la tête, & de laisser tomber votre chapeau devant le visage, en le conduisant négligemment devant vous, ce qui ne fait qu’un très-mauvais effet.

Voila la maniere qui m’a paru la plus séante pour le porter avec grace : {p. 28}on doit le poser d’abord sur le front un peu au-dessus des sourcils, & en appuyant la main moderément contre le retroussi, elle ne le fait enfoncer par derriere qu’autant qu’il le faut, devant être plus bas devant de deux ou trois lignes que derriere ; le bouton doit être du côté gauche, de même que le bec ou la pointe au-dessus de l’œil gauche, ce qui dégage le visage : car de le porter tout-à fait en arriere, cela donne un air niais & imbécile : le trop enfoncer par devant donne un air sournois, ou colere, ou rêveur, au lieu que la maniere de le porter tel que je vous l’ai representé, vous fait paroître bien sensé, modeste & temperé.

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Chapitre XI.
Des Révérences de differentes façons. §

Ayant prévenu le Lecteur dans l’article précedent par la maniere d’ôter son chapeau, il me reste maintenant de lui parler de chaque reverence en particulier pour lui en faire connoître la difference, en lui montrant la maniere de les faire à propos, suivant les differentes occasions où il se trouve tous les jours.

29. Premiere attitude de la Reverence En avant veu de Profile

29. Premiere attitude de la Reverence en avant veue de Face

Je commencerai par celle en avant : le corps droit, glissez le pied devant vous, soit le droit ou le gauche, (mais je dis le pied droit pour m’assujettir à mes Figures démonstratives qui en parlent,) pour le passer à la proportion ordinaire qui est la quatriéme Position, telle qu’elle est representée par ces deux Figures qui expriment dans {p. 30}leurs attitudes la droiture du corps, desquelles le pied est passé devant, afin de vous faire remarquer que le corps ne se doit incliner ou plier qu’après que vous aurez commencé de passer le pied, parce que le corps suit la jambe, & qu’elle se doit faire de suite, ce qui se voit par les deux autres Figures qui sont pliées.

Je dis donc que vous devez passer le pied doucement devant vous, en laissant le corps posé sur le pied de derriere, duquel son genouil est obligé de se plier par le poids du corps : au lieu que la jambe qui est devant doit être fort étenduë : mais l’inclination du corps se fait de suite plus ou moins profonde selon la qualité des personnes que vous saluez, & la tête même s’incline, ce qui est encore une des parties essentielles de la reverence, en vous pliant la ceinture, n’étendez pas le genouil de la jambe qui reste derriere, parce que cela feroit lever la {p. 31}hanche, & de plus vous feroit paroître le corps de travers, au lieu qu’étant comme je vous le démontre, toutes les parties se soutiennent par leur opposé : mais lorsque vous vous redressez, que ce soit avec la même douceur que vous vous êtes plié : & en vous redressant, laissez poser le corps sur le pied de devant, ce qui donne la liberté à celui de derriere d’agir, soit pour aller en avant, ou se porter à côté pour faire une seconde reverence qui se fait ordinairement en arriere, ce que j’expliquerai dans la maniere de faire les reverences en entrant dans un appartement.

31. Deuxieme Figure Inclinée et veüe de profil

31. Deuxieme Figure Inclinée veüe de face

Quant à la reverence en passant, elle se fait comme celle en avant, excepté qu’il faut effacer le corps en passant devant les personnes que vous saluez. Effacer signifie que vous vous tournez à demi du côté qu’elles sont, mais en glissant devant soi le pied qui se trouve de leur côté, soit à droit, soit à {p. 32}gauche : en se pliant de la ceinture & s’inclinant la tête du même tems, ainsi que j’ai tâché de l’exprimer dans cette Figure.

32. Reverence de côté saluant du costé gauche

Elle saluë du côté gauche, ainsi c’est le pied gauche qui s’est glissé devant ; ce qui s’observe de même du côté droit : mais comme cette reverence se pratique en differens lieux, elle mérite que je fasse ressentir les endroits où on la doit faire avec plus d’attention. Par exemple, lorsque vous passez dans une ruëil ne la faut faire que très-légerement, c’est à proprement parler, une reverence en marchant.

Mais pour celles qui se font dans les promenades, comme aux Thuilleries ou autres semblables où est ordinairement l’assemblée que nous disons du beau monde, il ne faut pas les faire avec la même legereté, elles doivent être faites plus modérément, elles ont beaucoup plus de grace.

On doit aussi faire attention que {p. 33}lorsque l’on se promene, on tient ordinairement le chapeau dessous le bras ; si quelqu’un d’un rang au-dessus de vous vous salue, c’est de prendre votre chapeau de la main droite, & de faire de suite votre reverence très-profonde pour marquer plus de respect.

Autre remarque très-necessaire, c’est que lorsque vous pliez le corps, de ne pas incliner si fort la tête que l’on ne puisse vous envisager, faute d’autant plus grossiere que vous jettez la personne dans le doute de sçavoir si c’est elle que vous saluez, de même qu’avant de commencer votre reverence de regarder modestement la personne, ce que l’on appelle adresser sa reverence avant de la faire, je suis très-persuadé que lorsque l’on fera attention à ces remarques que je viens de faire on ne fasse ces reverences avec toute la grace qu’elles méritent d’être faites. Mais comme rien n’est plus capable de nous apprendre que de {p. 34}repeter souvent ce que nous voulons sçavoir ; c’est à cette occasion que j’exhorte sur tout cette illustre Jeunesse qui demeure dans les Academies & les Colleges de s’appliquer à bien faire ces reverences, plus exposée qu’elle est que par-tout ailleurs par les frequentes rencontres qu’elle fait, & qu’elle ne peut éviter en allant & venant, soit de leurs Maîtres ou de leurs Regents, qu’elle elle obligée indispensablement de saluer ou de leur rendre le salut. Je l’exhorte, dis-je, de s’y appliquer pour qu’elle en acquiert l’habitude, si bien qu’elle ne se trouve pas décontenancée, comme il lui arrive très-souvent dans les compagnies extraordinaires dans lesquelles elle se trouve rarement.

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Chapitre XII.
Des Reverences en arriere. §

35. Premiere Figure pour la Reverence En arriere

Ces reverences se font tout differemment de celles en avant, aussi sont-elles plus respectueuses ; c’est pourquoi elles demandent aussi plus de circonspection, mais on en est recompensé par le plaisir que l’on a de se distinguer du vulgaire. Je suppose que l’on ait le chapeau à la main & le corps placé à la 4e Position, ainsi que cette Figure le represente, ayant le corps posé sur le pied gauche 1. & par consequent le droit prêt à partir, que l’on porte à côté sur la même ligne 2. mais comme l’on pose le talon premier en faisant ce pas, ce qui donne la facilité au corps de se poser dessus.

Puis l’on s’incline tel que cette deuxiéme Figure le represente qui est à la seconde Position.

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36. Deuxieme Figure Inclinée

Le corps donc posé sur le pied droit 3. & le gauche 4. prêt à partir, vous le tirez doucement derriere le droit à la 3e Position, en vous relevant à mesure que vous tirez le pied derriere, ce qui remet le corps dans son à plomb, & qui fait l’étenduë de votre reverence.

J’ai vû plusieurs personnes se plier de la ceinture & tirer le pied du même tems, je la crois fort bonne, mais de la maniere que je viens de la décrire, elle m’a paru bien plus gracieuse & de meilleur air.

J’ai dit aussi que cette reverence est contraire à celle en avant ; cela est vrai, car pour faire celle en avant, le premier mouvement est de glisser le pied devant & de se plier de suite, afin qu’elle ne paroisse point coupée, & celle en arriere, vous marquez d’abord le pli du corps & l’inclination de tête avant de tirer le pied ; mais néanmoins sans beaucoup de distance, parce que les reverences se doivent faire de suite ; {p. 37}de plus c’est que l’on doit éviter l’affectation : mais pour se mettre dans l’habitude de les bien faire, c’est d’en faire plusieurs de suite, cela vous sera plus facile, d’autant que le pied tiré derriere ayant fini l’étenduë de son pas, vous laissez poser le corps dessus, & de-là vous portez le pied de devant à côté pour en refaire une autre & continuer d’en faire plusieurs de suite, mais lorsque vous avez la facilité de les faire d’un pied, vous les faites du pied contraire, afin que vous les fassiez également d’un pied comme de l’autre.

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Chapitre XIII.
De la maniere dont les Demoiselles doivent marcher, & celle de se bien presenter. §

Je ne douterois pas que l’on ne m’accusât d’indifference, ou bien de ne sçavoir montrer qu’aux hommes, si je ne marquois du zele & de l’attention pour l’instruction du beau Sexe, lui qui est l’ame de la danse, & qui lui donne tout le brillant qu’il a, outre que je retrancherois ce que la Nature a fait de plus gracieux ; c’est que sans la presence des Dames la danse n’est pas si animée, car ce sont elles qui font naître cette ardente & noble émulation qui paroît entre elles & nous quand nous dansons ensemble, & sur-tout avec celles qui possedent cet exercice, desquelles il y a un assez grand nombre, car rien ne me paroît {p. 39}plus interessant à une compagnie que de voir danser deux personnes de l’un & de l’autre sexe avec justesse, que d’applaudissement ! que d’acclamations de toutes parts ! c’est pourquoi indépendamment de ce que j’ai déja dit de la maniere de marcher dans les Chapitres précédens qui regardent également l’un & l’autre Sexe, les mêmes remarques sont necessaires pour les Demoiselles, car elles doivent tourner les pieds, & étendre les genoux, quoique l’on prétende que l’on ne s’apperçoit pas de ces défauts ; mais pour s’en désabuser, sur tout pour les jeunes personnes qui se négligent, je ne veux que leur propre aveu, qu’elles se presentent devant un miroir, & qu’elles marchent quelques pas en observant la maniere de marcher que je viens de décrire dans les Chapitres ci-devant, ou qu’elles marchent nonchalemment, elles se trouveront tout un autre air ; alors elles conviendront {p. 40}que d’avoir la tête droite, le corps en est plus ferme, les genoux étendus, les pas en sont plus assurez.

41. Maintien d’une Demoiselle en marche

Enfin j’ai fait une remarque qui m’a paru très-juste sur la maniere de sçavoir porter la tête : c’est qu’une Demoiselle quelque gracieuse qu’elle soit dans sa maniere de porter sa tête, fera juger tout differemment. Par exemple, si elle la tient droite & le corps bien campé, sans affectation ni trop de hardiesse ; on dira voila une Demoiselle d’un grand air : si elle la laisse aller negligemment, on la traitera de nonchalante ; si elle la laisse tomber en avant, d’indolente ; enfin si elle la baisse, de rêveuse ou de honteuse, & tant d’autres que je ne détaillerai pas pour ne point être prolixe. Je souhaite seulement que les jeunes Demoiselles fassent attention à la methode facile que je trace ici, afin qu’elles ne tombent point dans les défauts que je viens de citer, c’est ce qui m’a engagé de {p. 41}mettre cette Figure qui leur represente le maintien qu’elles doivent avoir en marchant. Elle aura la tête droite, les épaules basses, & les bras retirez en arriere accompagnant bien le corps, mais pliez, & tenant ses mains devant soi l’une dessus l’autre avec un évantail à la main, mais sur tout sans affectation.

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Chapitre XIV.
Des Reverences de plusieurs manieres. §

Les Dames n’ont pas les mêmes embarras que les Messieurs pour faire leurs reverences ; il suffit qu’elles se presentent bien, qu’elles portent les pieds en dehors, les glissent à propos, plient les genoux également, & qu’elles tiennent la tête droite, le corps ferme & les bras bien placez, comme cette Figure ci-devant le represente, ce qui est le plus essentiel.

On peut distinguer trois manieres de reverences également pour elles, que pour nous ; sçavoir reverence en avant, reverence en passant, & reverence en arriere, qui est celle qui marque plus de respect, en ce qu’elle est arrêtée & pliée plus profondément.

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43. Reverence droite veue de Face

Je commencerai par celles qui se font en avant : il faut glisser doucement le pied devant jusqu’à la quatriéme Position, & laisser poser le corps sur les deux jambes, puis plier doucement les genoux sans plier de la ceinture : au contraire le corps doit être fort droit sans chanceler, ce qui arrive très-souvent par les pieds qui sont mal placez, soit de les avoir en dedans, ou d’être trop écartez ; mais lorsque vous êtes plié assez, vous vous relevez avec la même douceur, ce qui termine cette reverence.

Quant à celle en passant, elle se fait pareillement, excepté que lorsque vous passez devant une personne vous faites deux ou trois pas avant de commencer votre reverence : regarder la personne que vous devez saluer pour lui adresser votre reverence, & du même tems vous vous tournez à demi du côté que sont les personnes que vous saluez, & vous glissez le pied qui est {p. 44}de leur côté en avant, puis vous pliez & vous relevez très-doucement, en observant de laisser poser le corps sur le pied qui a passé devant, afin de marcher du pied de derriere.

44. Reverence en passant

Cette seconde Figure est pour representer & donner une juste idée de cette reverence ; elle saluë du côté droit, la tête est tournée du même côté, l’épaule droite, comme vous la voyez est retirée en arriere. Mais comme ces reverences se pratiquent dans les promenades également comme dans d’autres endroits de ceremonie, on doit observer que lorsque vous saluez quelqu’un au-dessus de vous, au lieu de la faire en passant il la faut faire en arriere, elle marque plus de respect.

Cette reverence se fait en portant le pied à côté soit le droit, soit le gauche ; on fait un pas à côté à la deuxiéme Position, le corps se porte sur ce pied, & l’on tire l’autre tout auprès, {p. 45}les deux talons près l’un de l’autre à la premiere Position, puis plier les genoux également & très-bas, & vous relever avec la même douceur que vous vous êtes pliez. Mais si vous devez en faire une seconde, il faut laisser poser le corps sur le pied que vous avez tiré, & vous portez l’autre pied à côté, & faire la même chose de l’autre pied, c’est à cette occasion que j’ai tracé cette Figure qui represente la reverence droite ou en presence. Je l’ai cru très-necessaire pour parvenir à cette vraie intelligence. Il faut aussi prendre garde de tirer le pied & de plier en même tems, ce qui dérange le corps de son à plomb & fait chanceler.

J’ai dit aussi qu’il faut que les deux talons soient près l’un de l’autre, c’est que les ayant ainsi lorsque vous pliez les genoux en les tournant en dehors, ils n’avancent pas plus l’un que l’autre, au lieu que tirant le pied derriere, {p. 46}il fait paroître un genouil en avant, & de plus facilite de se tourner en dedans, ce qui sont deux défauts que l’on évite.

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Chapitre XV.
Des Reverences en entrant dans un appartement, ou dans une assemblée. §

Lorsque vous entrez dans un appartement, il faut ôter le chapeau de la main droite, de même que je l’ai dit dans le Chapitre X. & avancer deux ou trois pas en avant pour ne vous point embarasser entre la porte, & aussi pour vous donner le tems d’adresser vos reverences : ensuite faire la premiere en avant ; mais en vous relevant poser le corps sur le pied qui a passé devant, & porter celui de derriere à côté sur une même ligne à la deuxiéme Position pour faire votre reverence en arriere.

Ces deux reverences étant finies, vous entrez, & s’il se trouve du monde placé à droit & à gauche, vous faites {p. 48}des reverences en passant de côté & d’autre, en marchant au milieu de la compagnie.

Mais au cas que vous aïez à parler à quelqu’un, vous allez l’aborder en faisant de pareilles reverences que celles que vous avez faites en entrant, & en quittant vous faites deux reverences en arriere, & d’autres en passant, autant que la civilité le permet, ce qui n’a point de limites, l’usage du beau monde étant le plus grand maître.

Après avoir enseigné la maniere d’entrer dans un appartement, il nous reste pour suivre l’instruction necessaire à cette noble Jeunesse, à lui donner une idée du Bal & la maniere de s’y comporter avec politesse, soit que l’on vienne vous prendre pour danser, ou que vous alliez prendre quelqu’un, c’est ce qui sera expliqué dans les Chapitres suivans.

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Chapitre XVI.
Du Cérémonial que l’on observe au grand Bal du Roy. §

J’ay cru ne pouvoir donner une description plus capable d’inspirer de l’attention pour les cérémonies, & les regles des Bals particuliers, que de faire d’abord une petite relation du grand Bal du Roy ; comme étant celui qui occupe le premier rang, & auquel on doit se conformer pour les autres Bals particuliers ; tant par l’ordre qui s’y garde, que par le respect & la politesse que l’on y observe.

Il faut sçavoir d’abord, qu’il n’y a personne admis dans le Cercle, que les Princes & Princesses du Sang, ensuite les Ducs & Pairs, & les Duchesses : & après les autres Seigneurs & Dames de la Cour, chacun selon le rang qu’ils doivent occuper ; mais les {p. 50}Dames sont assises sur le devant, & les Seigneurs aussi assis derriere les Dames : quoique je les aye réprésenté debout ; mais c’est afin de donner moins de confusion à mes groupes de Figures, & les rendre plus distinctes.

Ainsi chacun étant placé dans le même ordre, lorsque Sa Majesté souhaite de commencer, elle se leve, & toute la Cour en fait de même.

Le Roy se place à l’endroit de l’appartement où l’on doit commencer de danser, (qui est du côté de l’Orchestre.) Du tems du feu Roy, c’étoit la Reine avec qui Sa Majesté figuroit, au deffaut, c’étoit la premiere Princesse du Sang que Sa Majesté prenoit, & se plaçoient les premiers, & chacun se venoit placer derriere leurs Majestez à la file, chacun selon leur rang. Sçavoir, Monseigneur & Madame la Dauphine, Monsieur & Madame ; ainsi des autres Princes & Seigneurs ; tous les Seigneurs sont d’un côté à la {p. 51}gauche, & les Dames à la droite : & dans ce même ordre on se fait la reverence l’un devant l’autre, ensuite Sa Majesté & sa Dame mene le branle, qui étoit la danse par où les Bals de la Cour se commençoient, tous les Seigneurs & Dames suivent leurs Majestez, chacun de leur côté, & à la fin du couplet, le Roy & la Reine se mettoient à la queuë, & celui & celle qui étoient derriere leurs Majestez menent le branle à leur tour ; ensuite se vont placer derriere le Roy & la Reine, & successivement des autres de deux en deux, jusqu’à ce que leurs Majestez soient revenus les premiers : après quoy ils dansent la Gavotte, qui se danse dans le même ordre du branle, qui est de se remettre à la queuë jusqu’à ce qu’ils soient revenus devant, & les branles finis on se fait de pareilles reverences en se quittant, que celles que l’on a fait avant de danser.

Ensuite ce sont les danses à deux, {p. 52}autrefois c’étoit la courante qui se dansoit aprés les branles, & même Louis Quatorze d’heureuse mémoire la dansoit mieux que personne de sa Cour, ce que je dirai dans la suite ; mais à présent c’est le menuet qui se danse après les branles.

C’est pourquoi après que le Roy a dansé le premier menuet, il va se placer, & tout le monde pour lors s’asseoit, d’autant que lorsque Sa Majesté danse tout le monde est debout ; après quoy le Prince qui doit danser lorsque Sa Majesté est placée, il lui fait une très-profonde reverence, ensuite il vient à l’endroit où est la Reine, ou premiere Princesse, & font ensemble les reverences que l’on fait avant de danser, & de suite ils dansent le menuet, & aprés le menuet on fait de pareilles reverences que celles que l’on a fait devant. Ensuite ce Seigneur fait une reverence très-profonde à cette Princesse en la quittant, parce que l’on {p. 53}ne va-pas reconduire chez le Roy.

Du même instant-il fait deux ou trois pas en avant, pour adresser une autre reverence à la Princesse ou Dame qui doit danser à son tour, afin de la convier de venir danser, & là il l’attend, afin de faire tous les deux une reverence très-profonde au Roy, de même qu’il est réprésenté par ces deux Figures 1. 2. ensuite ils descendent un peu plus bas, comme ces deux autres Figures 3. 4. le réprésentent, & font ensemble les reverences que l’on fait ordinairement avant de danser, & dansent le menuet, ils font à la fin du menuet les reverences que l’on fait ordinairement ; ensuite il fait une reverence en arriere en quittant la Dame, & se va mettre à sa place ; mais la Dame observe le même cérémonial pour convier un autre Prince, ce qui se pratique successivement jusqu’à la fin. Mais si Sa Majesté souhaite que l’on danse quelqu’autre danse, c’est un des {p. 54}premiers Gentilhommes de la Chambre qui le dit, ce qui n’empêche pas que l’on n’observe toujours les pareilles reverences.

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Chapitre XVII.
De la maniere de se conduire avec politesse dans les Bals reglez. §

Comme dans tout ce Traité je me suis proposé de montrer à cette noble Jeunesse la maniere de se bien conduire dans les endroits où l’usage du monde l’appelle, & que le Bal donne une certaine liberté, par la facilité que tout le monde a de s’y introduire, & qu’il s’y glisse nombre de personnes, dont la plûpart enflez de je ne sçai quelle naissance ou de quel rang, mais peu civilisez, prennent cependant des licences qui en dérangent tout le bon ordre.

C’est à cette occasion que je mets ici les cérémonies qu’il y faut observer, afin que du moins ils préviennent en leur faveur par une noble politesse.

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Comme dans les Bals reglez il y a un Roy & une Reine ; pour en suivre la regle, ce sont eux qui commencent à danser, & lorsque leur premier menuet est fini, la Reine convie une autre Cavalier de venir danser avec elle, & après qu’ils ont dansé, il va reconduire la Reine, & lui demande poliment qui elle souhaite qu’il prenne, & après lui avoir fait une reverence, il va en faire une autre à la personne avec qui il doit danser, pour la convier de venir danser.

Mais si la personne que vous conviez parloit à quelqu’un, & qu’elle ne vienne pas aussi-tôt, il faut se transporter à l’endroit de la salle où l’on commence de danser & l’attendre, & être attentif lorsque cette Demoiselle vient de la laisser passer devant vous, ce sont des attentions que la vie civile veut que l’on observe ; & lorsque vous avez fini votre menuet ou autre danse, vous faites de pareilles reverences {p. 57}en finissant, que celles que vous avez fait avant ; mais indépendamment de celle-là le Cavalier en fait une autre en arriere, & se va placer, afin de faire place à ceux qui dansent.

Mais si l’on vient vous reprendre, lorsque c’est à vous de prier, il faut aller convier la personne qui vous a prié en premier lieu : autrement ce seroit un manque de sçavoir vivre tout des plus grossier ; cette regle est également pour les Dames.

De même que lorsque l’on vous vient prier pour danser, il faut vous transporter à l’endroit où l’on commence, & faire les reverences que l’on fait avant de danser ; mais si vous ne sçavez pas danser, il faut faire vos excuses, soit sur le peu d’usage que vous en faites, ou sur le peu de tems qu’il y a que vous apprenez : ainsi vos reverences finies vous reconduisez cette Dame à sa place, & du même tems vous allez faire une reverence à une {p. 58}autre Demoiselle, pour la convier de venir faire la reverence avec vous, afin de ne point déranger l’ordre du Bal ; mais si l’on vous pressoit de danser, quelque instance que l’on vous fit, ayant refusé une fois, il ne faut pas danser dans tout le Bal, parce que ce seroit offenser la personne qui vous a prié d’abord, ce qui se doit observer d’un sexe comme de l’autre : comme aussi ceux qui ont la conduite d’un Bal, d’être attentif que chacun danse à son tour, afin d’éviter la confusion & le mécontentement ; comme aussi lorsqu’il arrive des Masques, de les faire danser des premiers, afin qu’ils prennent ceux de leur compagnie de suite. On doit faire honneur préferablement aux Masques, car très-souvent ce déguisement cache des Personnes du premier rang.

Je ne doute pas, que lorsque l’on prendra toutes ces précautions, tant de la part de ceux qui assistent dans les {p. 59}Bals, ou de ceux qui en font la convocation, ils ne se fassent distinguer par les bonnes manieres & la politesse.

Quant aux Assemblées qui se font dans les familles, & qui ordinairement ne sont composées que de parens & d’amis, on doit y observer presque le même cérémonial que dans les Bals, qui est de sçavoir inviter une personne pour danser, en lui faisant une reverence à propos, & d’être attentif de rendre le réciproque lorsque l’on vous a pris pour danser de faire la même honnêteté que l’on vous a faite quand c’est à vous à prier.

Je recommande sur tout à cette Jeunesse, pour qui très-souvent l’on fait ces sortes d’assemblées, d’observer les regles que leurs Maîtres doivent leur avoir enseigné, afin de se faire honneur de l’éducation qu’ils reçoivent.

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Chapitre XVIII.
De la maniere de faire les Reverences avant de danser. §

Quoique les reverences que l’on fait avant de danser se forment de même que celles en arriere, elles demandent néanmoins quelques instructions particulieres : c’est pourquoy je prie de faire attention aux regles que je donne pour la bien faire ; ce qui est de consequence, parce que dans quelque compagnie que l’on soit, on est ordinairement très-curieux à regarder qui va danser, & lorsque vous vous y présentez de bonne grace, vous préviendrez si fort en votre faveur, que quand bien même on ne danseroit pas parfaitement, cela donne un mérite de sçavoir faire une reverence de bon air.

61. Cavallier presentant la Main pour Danser

Je me trouve engagé en quelque {p. 61}maniere d’avertir que l’on doit être ganté avant de vous placer pour danser, & même avant que d’aller convier une Demoiselle pour venir danser ; car c’est commettre une incivilité que de faire attendre celle qui doit danser avec vous.

61. Homme et Femme prest a faire la premier Reverence avant de Dancer

Je suppose donc que vous soyez à côté l’un de l’autre, le pied droit devant à la quatriéme position, comme cette Figure le réprésente ; je ne repete pas la maniere d’ôter le chapeau, en ayant déja parlé cy-devant, je dirai seulement qu’il faut le prendre icy de la main gauche avec les mêmes précautions que celles que j’ay dit pour l’ôter de la main droite ; le corps étant posé sur le pied gauche 1. le pied droit devant 2. vous ôtez le chapeau de la main gauche en laissant tomber le bras gauche à côté de soy ainsi que le bras droit, de même qu’il est démontré 3. & vous présentez en même tems la main droite 4. à la Demoiselle en la regardant.

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Cette seconde démonstration est pour le Cavalier & la Demoiselle ; ils sont posez tel que l’on doit être, la Demoiselle à la droite, & le Monsieur à gauche, à côté l’un de l’autre sur une même ligne, le Cavalier tient la Demoiselle par la main ; la main de l’homme en dessous 5. & celle de la Demoiselle en dessus 6. son bras droit étendu à côté de soy en tenant ses jupes avec le pouce 7. parce que le bras étant tourné en dehors, la main paroît enveloppée dans les jupes.

De cette attitude l’homme porte le pied droit a côté de soy, de même qu’il est représenté par ces points qui partent du pied droit & s’étendent jusqu’à 5. qui est la seconde, & la Demoiselle porte son pied gauche aussi à côté d’elle 9. à la deuxiéme position.

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63. Homme et Femme faisant la Reverence pour Dancer

Ces deux Figures icy sont pour exprimer la forme de cette reverence ; l’homme ayant porté son pied à la deuxiéme position, il pose le corps dessus, & se plie du même tems pour faire sa reverence, qui se fait comme les reverences en arriere, ainsi que je l’ai dit cy-devant ; mais en faisant cette reverence on ne quitte point la main de la Demoiselle, & pour en faire sentir tous les tems, je vais vous les détailler.

Le corps étant entierement posé sur le droit, 10. le gauche prêt à partir, 11. mais en commençant de vous relever de votre inclination le gauche dont le talon est levé, se glisse dans le même tems derriere le droit, un peu plus que la troisiéme position, de même qu’il est exprimé par ces points 12. & qui se termine derriere la droite un peu plus que la troisiéme position, ce qui remet le corps dans son à plomb.

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Mais en vous relevant le corps se pose sur le pied gauche ; & vous quittez la main de la Demoiselle : en glissant le pied droit devant en le croisant un peu plus que la cinquiéme position ; mais en faisant ce pas le corps se porte differemment des autres pas ordinaires, parce qu’il se tourne du côté gauche, & c’est le même bras & le même pied qui se passe devant dans le même tems, & lorsque vous glissez le pied droit le genoüil gauche se plie, qui renvoye par son mouvement le corps sur le pied droit, & l’on tourne un demi tour dessus en se tournant du côté droit, ce qui vous met en présence de la Demoiselle, & de suite l’on porte le pied gauche à côté à la deuxiéme position, & vous regardez la Demoiselle pour lui adresser votre reverence, puis se plier la ceinture & s’incliner la tête, de même qu’à la premiere : & en se relevant tirer le pied droit derriere, & lorsque c’est le menuet {p. 65}que vous devez danser, il faut en vous relevant laisser le corps sur le pied gauche, afin de partir du pied droit pour votre pas de menuet ; mais si c’est une autre danse, en finissant de tirer le pied droit derriere, on doit y laisser poser le corps dessus afin de glisser du même tems le gauche devant, en remontant à la place que l’on a fait sa premiere reverence, & on tourne un demi tour à la gauche, ensuite on fait un autre pas du pied droit en se retournant du côté droit, ce qui vous remet en présence de la compagnie ; & là attendre que l’air de votre danse commence pour commencer votre danse.

Quant à la Demoiselle, ayant le pied gauche devant à la quatriéme position, elle le porte à côté à la deuxiéme, & tout de suite elle tire le droit tout auprès à la premiere position, puis plier les deux genoux également, comme je l’ai expliqué cy-devant ; & {p. 66}la premiere reverence finie, il faut laisser le corps posé sur le pied droit, & glisser le gauche devant un peu plus que la cinquiéme position, pour tourner dessus un demi tour à la gauche, & porter du même tems le pied droit à côté, ce qui vous met en présence l’un de l’autre, & en se regardant tirer le pied gauche auprès du droit & plier doucement, & se relever de même, & laisser le corps poser sur le pied gauche afin de partir du droit pour votre menuet ; mais si c’est une autre danse, il faut glisser le pied droit devant en remontant un peu plus que la cinquiéme position, & en revenant à l’endroit où l’on a commencé la premiere, & se tourner un demi tour du côté droit en faisant un pas du pied gauche à la deuxiéme position, ce qui vous met en présence de la compagnie, & attendre que l’air commence pour partir.

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Chapitre XIX.
Discours sur les mouvemens en general. §

Comme le plus essentiel pour bien danser est de sçavoir bien prendre ses mouvemens ; pour les faire justes, il faut bien les connoître, & pour les bien connoître il faut en sçavoir le mobile ; c’est ce que je vais tâcher de faire comprendre, suivant les regles de l’art.

Il y a trois mouvemens depuis la ceinture jusqu’aux pieds, qui est celui de la hanche, celui du genoüil, & celui du cou-de-pied ; c’est de ces principaux mouvemens que l’on forme tous les differens pas de danse.

Mais ils ne sont dans leur perfection qu’autant que les jointures ont fait leur pliez, & qu’ils sont revenus dans la situation qu’ils étoient avant, c’est-à-dire, la jambe tenduë.

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Je commencerai donc par l’explication de celui de cou-de-pied : il a deux manieres de se mouvoir ; sçavoir, tension, & extension, suivant le terme de l’anatomie, qui est ce que nous appellons lever la pointe & la baisser.

Selon moy, je trouve que c’est celui qui fatigue le plus, parce qu’il soutient tout le poids du corps dans son équilibre : aussi est-il des plus nécessaires pour bien danser. Ce n’est que par le plus ou moins de force qu’il possede que la jambe s’étend avec plus de facilité, soit en dansant, soit en sautant, parce que lorsque vous pliez pour sauter, le cou-de-pied par sa force vous releve avec vivacité, & lorsque vous retombez vous tombez sur les pointes ; ce qui vous fait paroître en quelque façon plus leger, en dansant vous avez nombre de pas qui sont marchez sur la pointe, ce n’est que la hanche qui conduit le pas, mais le {p. 69}cou-de-pied qui soutient le corps & qui perfectionne ce pas en le faisant couler avec legereté.

Le mouvement du genoüil est different de celui-ci, parce qu’il n’est dans sa perfection qu’autant que la jambe est étenduë & la pointe basse, ce qui se voit dans les demi-coupez, le genoüil se plie & la pointe se leve un peu, mais lorsque vous passez le pied & que vous vous élevez, c’est le cou-de-pied qui perfectionne ce pas ; ainsi le mouvement du genoüil est inseparable du cou-de-pied : celui de la hanche est très-different, son mouvement n’est pas si apparent en ce qu’il est plus caché, néanmoins c’est elle qui conduit & dispose des autres mouvemens, puisque les genoux ni les pieds ne se peuvent tourner si les hanches ne sont tournées d’abord, ce qui est incontestable, puisqu’elle est superieure aux autres jointures ; il se fait des pas où il n’y a que la hanche qui agit comme dans les {p. 70}battemens terre à terre, les entrechats & les cabrioles qui sont des pas de Ballets, ou lorsqu’ils se font en l’air, il n’y a que les hanches qui agitent les jambes, parce que pour les faire dans leur perfection elles doivent être étenduës : ainsi le cou-du-pied ni les genoux ne se meuvent pas ; mais comme je n’ai entrepris que de donner l’instruction de faire les differens pas des danses de ville, c’est ce qui m’engage de ne me pas étendre sur ces pas qui sont d’une plus grande execution.

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Chapitre XX.
De la maniere de faire les demi-coupez. §

Après avoir donné l’éclaircissement des trois mouvemens, je vais décrire la maniere de s’en servir à propos.

71. Premiere Figure du demi Coupé

Comme on ne peut faire aucuns pas pliez sans un mouvement du genoüil, & qu’ordinairement les pas composez de plusieurs pas, se commencent par un demi-coupé, soit du droit ou du gauche il n’importe, puisqu’il se fait d’un pied comme de l’autre ; mais je suppose que ce soit du droit, il faut avoir le gauche devant à la quatriéme position & le corps posé dessus, ainsi qu’il est représenté par cette premiere Figure qui a le corps posé en avant dessus, le droit prêt à partir, puisqu’il n’a que la pointe qui pose à terre.

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72. Deuxieme attitude du demi Coupé

73. Troisieme Figure du demi Coupé

Ainsi pour commencer ce demi-coupé vous apportez le pied droit contre le gauche à la premiere position, & vous pliez également les deux genoux, ayant toujours le corps posé sur le pied gauche, de même qu’il est representé par cette deuxiéme Figure, qui a les deux pieds l’un près de l’autre, mais le corps posé sur le gauche 1. le droit en l’air 2. sans qu’il pose à terre, les deux genoux sont pliez également & tournez en dehors la ceinture non pliée, & la tête fort en arriere.

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De-là vous passez étant plié le pied droit devant vous sans vous relever, à la quatriéme position, ainsi que cette troisiéme Figure le démontre, & dans le même temps apporter le corps dessus en vous élevant dessus la pointe du pied droit.

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74. Quatrieme Representant l’equilibre

Et dans le même tems apporter le corps sur le pied droit en vous élevant sur la pointe du pied 3. de même que le représente cette quatriéme Figure, ce que l’on peut appeller pour lors équilibre, parce que le corps n’est supporté que d’un seul pied. Mais en vous élevant il faut étendre le genoüil, & de suite approcher la jambe gauche 4. auprès, comme vous le voyez, & sur tout que les deux jambes soient bien étenduës, lorsque vous êtes élevé sur la pointe du pied, & de suite vous laissez poser le talon à terre, ce qui termine la fin de ce pas, & vous met dans la facilité d’en faire autant de l’autre pied, en observant les mêmes regles ; ce que l’on doit continuer d’en faire plusieurs de suite, sans se relâcher de bien plier sous soy, & de se relever sur la pointe en étendant les genoux à chacun de ces demi-coupez, qui est un des pas le plus essentiel pour bien danser ; car il vous donne la facilité {p. 75}d’étendre les genoux, & vous communique de la force au cou-de-pied : Ainsi c’est de ce premier pas que dépend de bien danser, puisque ce n’est que de sçavoir bien plier & élever qui fait le bon danseur.

Pour les faire en arriere & de côté, c’est la même regle, qui est de ne passer le pied qu’après que vous avez plié, ce qui est de consequence, parce que très-souvent les Ecoliers se relâchant prennent leur mouvement à faux, & ne se relevent pas avec la même facilité.

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Chapitre XXI.
Du pas de Menuet, & la methode la plus facile pour le faire de differens côtez. §

Ayant exprimé intelligiblement la maniere la plus facile pour faire les demi-coupez, qui sont la base & le fondement des differens pas, & que le Menuet, qui est la danse la plus en usage, je vais vous en donner la methode la plus facile pour parvenir à le bien danser.

Il faut d’abord sçavoir que le vrai pas de Menuet est composé de quatre pas, (qui cependant par leurs liaisons, suivant le terme de l’art ne font qu’un seul pas,) ce pas de menuet a trois mouvemens & un pas marché sur la pointe du pied ; sçavoir, le premier est un demi-coupé du pied droit, & un du gauche, un pas marché du pied {p. 77}droit sur la pointe & les jambes étenduës ; à la fin de ce pas vous laissez doucement poser le talon droit à terre, pour laisser plier son genoüil ; qui par ce mouvement fait lever la jambe gauche, qui se passe en avant en faisant un demi-coupé échappé, qui est le troisiéme mouvement de ce pas de menuet & son quatriéme pas.

Mais comme ce pas ne convient pas à tout le monde, parce qu’il faut posseder beaucoup de force dans le cou-de pied ; c’est pourquoi on en a adouci l’usage, en ne faisant faire que deux mouvemens, cette maniere est plus facile, & c’est celle que je vais décrire.

Il faut sçavoir que ce pas, de même que l’autre est composé de quatre pas, qui se commencent par deux demi-coupez, le premier du pied droit, & le second du pied gauche, ensuite deux pas marchez sur la pointe des pieds, sçavoir l’un du droit & l’autre {p. 78}du gauche, ce qui s’execute dans le cours de deux mesures à trois tems, dont l’une s’appelle cadence, & la seconde contrecadence. Pour le bien comprendre on le peut diviser en trois parties égales ; la premiere est pour le premier demi-coupé, la seconde pour le deuxiéme, & les deux autres pas marché pour la troisiéme ; ce que l’on ne doit pas être plus de tems à les faire, que celui que l’on met à faire un demi-coupé ; on doit aussi observer qu’en faisant ce dernier pas il faut laisser poser le talon afin que le pied posant entierement à terre on soit plus ferme pour plier ; en recommençant un autre pas. Mais pour en donner une intelligence plus facile, je vais décrire la maniere de faire ce pas de suite, afin de n’en pas retarder l’execution.

Ayant donc le pied gauche devant, vous apportez le corps dessus, en approchant le pied droit auprès du gauche {p. 79}à la premiere position, & de la plier sans poser le droit à terre, & lorsque vous êtes assez pliez, vous passez le pied droit devant vous à la quatriéme position, & vous élever du même tems sur la pointe du pied en étendant les deux jambes près l’une de l’autre, de même qu’il est représenté par la quatriéme Figure des demi-coupez, que l’on nomme équilibre, & de suite vous posez le talon droit à terre, pour avoir le corps plus ferme, & plier du même tems sur le droit sans poser le gauche, & de là le passer devant, de même que vous avez fait du pied droit, jusqu’à la quatriéme position, & du même tems s’élever dessus ; & marcher les deux autres pas sur la pointe des pieds l’un du droit & l’autre du gauche, mais au dernier il faut poser le talon à terre, afin de prendre votre pas de menuet avec plus de fermeté.

On doit observer aussi que lorsque l’on prend ces demi-coupez, faut ouvrir {p. 80}les genoux & tourner la pointe fort en dehors, mais pour avoir plus de facilité de les bien faire, c’est de continuer d’en faire plusieurs de suite en avant, parce que cela vous met dans l’habitude de les faire sans peine. Ces deux mouvemens se doivent succeder l’un à l’autre en vous élevant également ; mais après que vous vous êtes élevé au second demi-coupé, il ne faut pas laisser tomber le talon, afin de faire une liaison avec ces deux pas marchez, & au dernier qui est du pied gauche vous laissez poser le talon à terre pour reprendre un autre pas de menuet.

On ne doit pas entreprendre a faire d’autre pas de menuet, soit en arriere, ou de côté que l’on ne soit bien certain de celui en avant. Celui en arriere se fait approchant de même que celui en avant, à l’exception qu’au premier demi-coupé du pied droit, vous laissez la jambe gauche étendue {p. 81}devant vous & en pliant sur le droit, pour le second le talon gauche s’approche du pied droit, où il s’arrête lorsque vous pliez jusqu’à la derniere extremité, que vous le passez derriere pour vous relever ; ce qui vous donne plus de facilité de le bien faire, au lieu que si vous le passez en pliant, vous ne vous relevez jamais si bien, & les genoux paroissent toujours pliez ; toutes ces remarques sont très-essentielles pour bien danser le menuet, sur tout.

Quant aux pas de menuet de côté, allant à droit, & que l’on peut appeller pas de menuet ouvert, parce que son premier pas est porté à la seconde position, c’est la même maniere que celui en arriere, il n’y a que le chemin different : celui en arriere se fait en reculant en une même ligne droite, & de côté il se fait sur ligne horisontale allant à droit.

Il s’en fait un autre en revenant du {p. 82}côté gauche, qui est different en ce qu’il est croisé, quoiqu’il se fasse sur une même ligne, mais en revenant de la droite à la gauche ; voicy la maniere de le faire. Le corps étant sur le pied gauche vous pliez dessus, ensuite vous croisez le droit devant jusqu’à la cinquiéme position, & vous élevés dessus, & la jambe suit & s’étend à côté de la droite les deux talons près l’un de l’autre, de-là vous posez le talon droit, & vous pliez sur le droit les pointes tournées en dehors, ensuite vous glissez le pied gauche jusqu’à la deuxiéme position, & vous élevés sur la pointe les jambes bien étenduës sans poser le talon, après faites deux pas sur la pointe, l’un du droit en le croisant derriere à la cinquiéme position, & l’autre du gauche en le portant à la deuxiéme position, & en laissant poser doucement le talon, ce qui fait une espece de troisiéme mouvement lorsque l’on est dans l’habitude de le bien {p. 83}faire, & qui donne plus de vivacité à votre menuet.

Mais lorsque vous êtes dans l’exercice de faire tous ces differens pas, on en forme une figure reglée que l’on appelle Menuet, & que je vais expliquer dans le Chapitre suivant.

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Chapitre XXII.
Du Menuet, & de la maniere de le danser régulierement. §

Le Menuet est devenu la danse la plus usitée, tant par la facilité que l’on a de le danser, que par la figure aisée que l’on pratique à présent, & dont on est redevable à Monsieur Pécour, qui lui a donné toute la grace qu’il a aujourd’huy, en changeant la forme S, qui étoit sa principale figure en celle d’un Z, où les pas comptez pour le figurer, contiennent les Danseurs dans la même régularité, comme il est démontré dans la suite de ce Chapitre.

84. Premiere Figure. Maniere de tenire la Main

[Légende intérieure] Pas de menuet en remontant [deux fois]

84. Deuxieme Figure

[Légende intérieure] [en haut] en suitte vous faites chacun deux pas de menuet en avant en vous tenant la main Comme vous le voyez écrit ci dessous

[en bas, verticalement de bas en haut] [à gauche] deux pas de menuet en avant pour l’homme [à droite] deux pas de menuet en avant pour la demoiselle

Après que vous avez fait les reverences que l’on fait ordinairement avant de danser, la seconde étant finie, il faut faire un pas de menuet en retrogradant à la place où vous avez {p. 85}commencé la premiere reverence, en formant un quart de cercle, de même qu’il est figuré par 1. ce qui vous rapproche, & vous présentez la main en dessous à la Demoiselle, comme il est représenté par 2. ces deux mains démontrant que celle du Cavalier doit être en dessous, pour que la Demoiselle s’appuie dessus.

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86. Troisieme Figure

[Légende intérieure] [du centre vers le haut] L’homme un pas en arriere / Un de Coté en quittant la main / deux en avant Un en arriere qui vous mets en presence [du centre vers le bas] La demoiselle fait trois pas de menuet en avant et au second quitte la main / Un pas en arriere qui vous mets en presence

Par cette Figure, elle vous represente que l’homme fait un pas de Menuet en arriere, pour laisser passer votre Demoiselle devant vous ; mais à la fin de votre pas de Menuet de côté, vous quittez la main & vous faites un pas de Menuet en avant, & la Demoiselle en fait un aussi en descendant, ainsi qu’il est démontré par cette Figure écrite, qui indique le chemin, & qui nomme les pas ; ensuite vous faites l’un & l’autre un pas de Menuet du côté droit en arriere, qui vous remet en presence par le quart de tour que vous faites à votre premier pas, de ce pas de Menuet de côté, ainsi qu’il est écrit ; mais en faisant ce pas vous effacez l’un & l’autre l’épaule droite, & la tête un peu tournée du côté gauche en vous regardant ; ce que l’on doit observer dans tout le courant de votre Menuet, mais sur-tout sans affectation.

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87. Figure Principal du Menuet

[Légende intérieure] [du haut vers le bas] L’homme (2) deux pas du coté gauche .... deux pas en avant et en (3) effaçant l’épaule un en arriere (1) du coté droit [du bas vers le haut] La demoiselle (2) deux pas de menuet du coté gauche deux en avant et en (3) effaçant l’épaule .... un en arriere (1) du coté droit

Pour suivre le chemin que cette Figure répresente, il faut faire deux pas, 2. du côté gauche, vous devez pour lors, avoir le corps droit, & en passant à vos deux pas en avant, 3. effacer l’épaule droite l’un & l’autre, mais en donnant toûjours la droite à la Demoiselle, en vous regardant tous deux en passant, (effacer l’épaule, c’est la retirer un peu en arriere, en se presentant le haut du corps presque devant) néanmoins en continuant de faire vos pas en avant, ainsi que cette Figure le trace, qui est la Figure principale du Menuet ; mais lorsque vous avez fait cinq ou six tours de fuite, il faut d’un coin de la Salle à l’autre, en vous regardant, vous presenter la main droite en allant en avant.

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88. Figure pour presenter la main droite

[Légende intérieure] [du centre vers la droite] figure de la demoiselle en tenant la main droite et faisant le tour entier et quite la main........... [du centre vers la gauche] figure de l’homme en faisant le tour entier en tenant la main et la quite en tournant......

Et pour vous le faire mieux comprendre, lorsque vous allez en avant, levez (à la fin de votre dernier pas en revenant du côté gauche) le bras droit à la hauteur de la poitrine, la main en dessous, de même qu’il est representé par ces deux bras : la tête étant tournée du côté droit en se regardant, vous faites un petit mouvement du poignet & du coude de bas en haut, ce qui est accompagné d’une legere inclination en presentant la main, & toûjours vous regardant en faisant un tour entier, comme il est representé & tracé par cette Figure.

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89.

[Légende intérieure] [du centre vers le haut] figure de l’homme en tenant la main gauche et faisant le tour entier en quittant la main (4) un pas de menuet de coté [du centre vers le bas] figure de la demoiselle en tenant la main gauche en faisant le tour entier et quité la main ; (4) un pas de menuet de coté

Ayant quitté la main droite, il faut aller en avant, en faisant un demi tours.

Pour presenter la seconde fois la main qui est la gauche, en observant le même ceremonial que vous avez fait en presentant la main droite, ce qui est démontré par cette Figure.

Et quand vous vous quittez la main gauche, il faut faire un pas de Menuet du côté droit en arriere, ainsi qu’il est écrit 4. ce qui vous remet dans votre Figure principale que vous continuez trois ou quatre tours ; ensuite vous vous presentez les deux mains en levant vos deux bras à la hauteur de la poitrine, & le corps même se plie.

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90.

En presentant les mains à la Demoiselle, dans le même goût que j’ai tâché d’exprimer dans ces deux Figures, & lorsque vous tenez les deux mains, vous faites un tour ou deux, mais l’homme fait un pas de Menuet en arriere, en amenant à lui la Demoiselle dont il quitte la main gauche seulement, pour en ôter du même tems son chapeau : enfin le pas du Menuet fini, l’homme porte le pied droit à côté de la deuxiéme position : & puis ils font ensemble les mêmes reverences qu’ils ont faites avant de danser.

Ce n’est pas que je pretende qu’un Menuet, qui seroit dansé un peu plus long-tems ne soit pas bon ; mais il m’a paru que quoiqu’il soit arbitraire, en lui donnant cette proportion, il est plus dans la bien-séance, & la raison la plus essentielle, c’est que quelque bien que l’on danse c’est toûjours la même Figure, ainsi le plus court qu’on le {p. 91}peut faire c’est le meilleur.

Mais lorsque l’on est parvenu au point de le bien danser, on peut de tems à autre y faire quelque agrément ; ce que je vais expliquer dans le Chapitre suivant.

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Chapitre XXIII.
Des agrémens que l’on peut faire dans le Menuet, & l’attention qu’il faut avoir pour le figurer également. §

Quoique le Menuet le plus uni selon le goût de beaucoup de personnes, soit le mieux dansé : cependant, j’y ai vû faire quelques agrémens, qui lui donnent plus d’enjoüement, & plus de grace, & comme je vois qu’ils sont fort en usage, c’est ce qui m’engage de vous donner l’intelligence de les faire, afin que l’on puisse les mettre en pratique, soit en donnant la main, ou dans d’autres endroits.

Ainsi pour faire cet agrément dans le Menuet, je commencerai par celui qui se fait en avant. Ayant fini votre pas de Menuet en avant, & le corps {p. 93}posé sur le pied gauche, vous approchez le pied droit auprès vous pliez, & vous vous relevez du même tems, ensuite vous glissez le pied droit devant jusqu’à la quatriéme position, & vous élevés dessus, & faites un jetté échapé du pied gauche, & reprenez votre pas de Menuet ; mais pour se mettre dans l’habitude de le faire facilement, c’est de s’exercer, d’en faire plusieurs alternativement avec un pas de Menuet, & lorsque vous avez acquis cette facilité de les faire, vous les placez dans les endroits convenables, où ils font un effet tout des plus gracieux : par exemple, en presentant la main lorsque vous avez fini votre pas de Menuet en revenant du côté gauche, & en allant à la Demoiselle, vous levez le bras droit, comme je l’ai déja dit, dans la maniere de presenter les mains dans ce même tems à la place d’un pas de Menuet en avant, vous faites ce tems qui doit être fort soûtenu, {p. 94}on peut dans ce même tems faire un petit mouvement du corps, & la tête fait aussi une legere inclination, & le corps & la tête se redressent en faisant le jetté échapé, & vous reprenez de suite vôtre pas de Menuet, en continuant la Figure que vous devez faire.

Je dis un jetté échapé ; parce que lorsque vous avez fait ce tems soûtenu, & que vous vous êtes élevez dessus le droit les jambes étenduës, aussi-tôt le genoüil droit se plie, qui par son mouvement rejette le corps sur la jambe gauche qui se passe doucement devant, en se laissant tomber sur son pied : ce qui ne se peut appeller autrement, d’autant qu’il n’est sauté qu’à demi.

Il se peut encore faire dans une autre occasion ; sçavoir lorsque vous faites vos pas de Menuet en avant, en passant à côté l’un de l’autre.

On le fait encore dans une autre occasion, par exemple, vous dansez {p. 95}quelquefois avec une personne qui fera trois pas de Menuet en avant, dans le tems que vous n’en avez fait que deux, ainsi il se trouve que vous faites votre pas de Menuet en allant à droit, dans le tems que la personne avec qui vous dansez va en avant ; ainsi pour vous remettre dans une conformité de Figure, vous faites ce pas soûtenu en allant du côté droit, en pliant sur les deux jambes, & en vous relevant sur la gauche la jambe droite se glisse à côté jusqu’à la deuxiéme position, & vous posés le corps dessus en vous élevant du même temps sur la pointe, mais par la position du corps & cette élevation, la jambe gauche suit, en laissant poser le talon droit à terre, & le genoüil se pliant ; par ce mouvement il oblige la jambe gauche de se croiser devant la droite en faisant un jetté échapé ; ensuite vous faites votre pas de Menuet en revenant du côté gauche, ce qui vous remet {p. 96}l’un & l’autre dans la même regularité de figurer.

Il se trouve quelquefois des personnes qui les font en passant à côté l’un de l’autre, mais il ne faut pas le reiterer souvent, parce que cela paroîtroit trop affecté.

Après avoir examiné tous les temperamens & l’intelligence necessaire pour bien figurer, il me reste encore deux parties essentielles qui sont l’oreille, & les bras, pour cette premiere, si l’on n’a pas cette facile disposition ; qui fait entendre d’abord cette cadance ; c’est alors qu’il faut s’appliquer à battre cette mesure, lorsque vos Maîtres vous donnent vos leçons, & même vous en faire instruire, afin que vous puissiez entendre & comprendre cette cadance, qui fait l’ame de la danse, & qui bien souvent ne dépend que du peu d’application.

J’ai déja dit, que le pas de Menuet se faisoit dans l’étenduë de deux mesures {p. 97}à trois tems legers, ainsi il y a une vraye, & une fausse cadance ; la bonne est la premiere mesure, & la seconde est la fausse, mais comme les couplets du Menuet, sont de huit ou douze mesures, c’est ce qui fait que la bonne est en commençant & la fausse à la fin ; cette cadence se marque en frapant de la main droite dans la gauche, & vous levez la main à la seconde ou fausse cadence, ce qui continuë par ces deux tems égaux.

Mais le pied fait tout le contraire de la main, puisque dans le tems que vous relevez sur la pointe du pied droit, c’est dans ce même tems que vous frapez ; ainsi on doit plier sur la fin de la derniere mesure, pour se trouver à portée de relever dans le tems que vous frapez : la cadance s’exprime de deux manieres en dansant, sçavoir les pas qui ne sont que pliez & élevez sont relevez en cadence, mais ceux qui sont sautez doivent {p. 98}tomber en cadence. Ainsi les mouvemens doivent toûjours la prevenir, c’est-à-dire, qu’il faut plier sur la fin de la derniere mesure, afin de relever lorsqu’elle se doit marquer.

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Chapitre XXIV.
De la maniere de faire les bras du Menuet. §

La maniere de conduire ses bras avec grace dans le Menuet, est aussi necessaire que celle des pas ; parce que ce sont eux qui accompagnent le corps, & en font tout l’ornement.

99. Premiere attitude des bras du Menuet

Ainsi les bras doivent être placez à côté du corps comme cette premiere Figure le represente, les mains ni ouvertes ni fermées : car si le pouce se joignoit à un des doigts, cela marqueroit un mouvement arrêté qui feroit roidir les jointures superieures, & empêcheroit que les bras ne se remuent avec la même douceur necessaire que l’on doit observer dans cette occasion.

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100. Deuxieme tems des bras du Menuet

Les bras ainsi posez, vous les laissez tomber presque dessus l’extremité des poches de l’habit, en prenant votre premier demi-coupé du pied droit, & les mains en dedans de même que le represente cette seconde Figure.

{p. 101}

101. Troisieme temps des bras du Menuet

Mais du même tems en prenant le second mouvement du pied gauche, le coude se plie un peu en levant les mains imperceptiblement, de même que le represente cette troisiéme Figure ; & de suite vous les ouvrez très-doucement en les étendant avec grace, jusqu’à la fin de votre pas de Menuet ; ce qui se continue dans le courant de chaque pas de Menuet que vous faites, soit en avant, en arriere, ou de côté.

On doit aussi faire attention que quoique j’aie mis ces trois Figures differemment, ce n’est que pour en exprimer mieux leurs differentes situations, & en faire sentir tous les tems distinctement : afin que ces mouvemens distinguez se succedant l’un à l’autre, n’en composent qu’un seul dans l’étenduë d’un pas de Menuet.

J’ai vû plusieurs personnes faire des balancez en dansant le Menuet ; les bras se font differemment des autres pas : on doit les lever à la hauteur des {p. 102}hanches, & en faisant votre premier balancé qui est du pied droit, le bras gauche s’oppose en l’avançant un peu en devant de même que l’épaule, & le bras & l’épaule droite s’effacent en arriere : comme aussi du même tems la tête fait une petite inclination, & au second, elle se redresse & les bras se remettent dans leurs situations.

Pour les Demoiselles qui ne doivent point faire de bras dans le Menuet, que lorsqu’elles presentent les mains il suffit qu’au premier balancé elles effacent l’épaule droite, ce qui fait avancer la gauche, & forme une espece d’opposition au pied ; & fassent aussi une legere inclination de tête, & sur-tout sans affectation, cela donne une grace infinie à ce pas.

Mais dans tout le courant du Menuet, il suffit qu’une Demoiselle ait la tête droite & bien placée, sans être gênée, les épaules en arriere, ce qui fait paroître la poitrine large & donne {p. 103}plus de grace au corps, les bras étendus à côté du corps, de façon que les coudes touchent presque sur les hanches, mais tout naturellement.

103. Demoiselle tenant ces jupes pour Danser

Et pour en donner une plus forte idée, on peut jetter la vûë sur cette Figure, je lui ai donné tout l’air & la contenance qu’une Demoiselle doit avoir en dansant, elle tient ses jupes avec le pouce & le doigt suivant les bras étendus à côté du corps, les mains en dehors, & sans étaler ses jupes ni les tenir trop serrées ; A l’égard de leur maniere de figurer, c’est la même que celle de l’homme, tant pour effacer l’épaule dans les pas de côté, que ceux en passant en avant ; & en presentant les mains, comme aussi les agrémens dont j’ai parlé sont pour l’un & pour l’autre.

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Chapitre XXV.
Des contre-tems du Menuet, & la maniere de les faire. §

Les contre-tems se font à la place d’un pas de Menuet ; mais depuis quelque tems on ne les pratique guere dans le Menuet ordinaire : depuis que les Passe-pieds & les Menuets figurez sont venus à la mode, il est vrai que ces danses ont beaucoup d’agrément, par la varieté de leurs figures, & les differens pas dont elles sont remplies, & comme les contre-tems en font en partie la construction, je vais décrire la maniere de les faire selon les regles de l’Art.

Mais pour les bien faire, il faut auparavant comprendre comme ils se forment, ils renferment trois manieres de sauter differentes : l’une est sautée avant le pas, la deuxiéme est sautée après le {p. 105}pas, & la troisiéme en faisant le pas.

La premiere maniere est, que lors que vous avez fini votre pas de Menuet ; (& comme vous le finissez du pied gauche) il faut porter le corps entierement dessus, & approcher le droit auprès à la premiere position, puis plier dessus le gauche, & vous relever en sautant ; c’est ce qu’on appelle communément sauter à cloche-pied, & c’est sauter avant le pas.

La deuxiéme est qu’ayant le corps sur le pied gauche, vous repliez une seconde fois dessus, & puis estant pliez, vous glissez le pied droit devant vous à la quatriéme position ; & vous vous relevez dessus en sautant, & c’est sauter après le pas.

La troisiéme enfin est, que comme vous avez le corps posé sur le droit, vous pliez dessus, approchant le gauche tout auprès ; puis en vous élevant vous le passez devant doucement, & vous vous laissez tomber dessus, en {p. 106}sautant : ainsi c’est sauter en faisant le pas.

Mais quand vous comprenez bien ces trois tems differents, vous les faites tout de suite pour former votre contre-tems dans toute son étenduë.

Et pour se mettre dans l’habitude de les faire avec facilité, c’est de les faire alternativement après un pas de Menuet, en continuant d’en faire plusieurs de suite ; outre que cela vous facilitera, c’est qu’il vous donnera de la legereté, par consequent il faut dans les commencemens les bien marquer, d’autant que vous serez toûjours le maître, lorsque vous les executerez bien, de les adoucir.

A l’égard des Dames, c’est la même maniere : à l’exeception qu’elles ne doivent pas tant marquer le saut, tant par bien-séance que parce qu’il seroit trop outré pour elles ; & même lorsque vous dansez un Passe-pied ou Menuet figuré avec une Demoiselle, {p. 107}il faut adoucir vos contre-tems, pour se conformer à sa maniere temperée, & pour ménager cet accord entre vous deux, qui fait en partie la beauté de la danse.

De plus, c’est que les contre-tems sautez ne conviennent qu’à de jeunes personnes, ou des personnes de moyenne taille : & pour ceux qui sont d’une taille avantageuse, il les faut faire en tems de Courante & demi-jetté, comme je l’ai déja marqué dans la maniere de donner les mains : parce qu’il ne convient point à de grandes personnes de sauter, & de se tourmenter dans les danses figurées, où ce n’est que des mouvemens doux & gracieux, qui ne dérangent pas le corps de ce bon air qui est si fort estimé & usité par notre Nation : ce qui n’est pas de même de plusieurs contre-danses que l’on a introduit en France depuis quelque temps, & qui ne sont pas du goût de tous ceux qui aiment la belle danse.

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Il est vrai, qu’il y en a plusieurs qui n’ont aucuns desseins, ni aucuns goûts, puisque c’est toûjours les mêmes figures, sans aucuns pas assurez, toute la plus grande perfection de ces contre-danses, est de se bien tourmenter le corps, de se tirer en tournant, de taper des pieds comme des Sabotiers, & de faire plusieurs attitudes qui ne sont point dans la bien-séance : on me dira que cela divertit une compagnie ; parce que plusieurs personnes dansent à la fois, il n’est pas impossible de faire des danses où plusieurs personnes peuvent danser ensemble, mais avec des pas & des regles gracieuses & moderées à l’imitation des danses Allemandes, que j’ai veu danser en Allemagne ; quoiqu’elles changent de mouvement, il s’y garde une certaine regle qui ne cause point de confusion, surtout parmi les personnes de distinction, ainsi on peut composer des danses {p. 109}qui soient dansées à plusieurs personnes, & qui peuvent avoir different mouvement, comme d’air à deux tems legers & de Menuet, mais je souhaiterois que Messieurs les Maîtres qui composeroient ces danses les missent en Choregraphie, afin que l’on puisse les danser regulierement.

On a vû même l’usage des Branles où chacun menne à son tour, ce qui ne cause pas de confusion comme à nombre de ces contre-danses, que j’ai vû danser qui n’ont nul goût ; ce qui diminue le plaisir que l’on a à voir bien danser.

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Chapitre XXVI.
Discours sur la Courante en general. §

La Courante étoit autrefois fort à la mode : aussi est-elle une danse très grave, & qui inspire un air de Noblesse plus que les autres danses, qui ont un air enjoüé, & beaucoup diversifiez dans leurs Figures ; mais la Courante par ses mouvemens graves est distinguée, inspire un air de Noblesse ; aussi LOUIS XIV. d’heureuse memoire, n’a pas dédaigné de la preferer, puis qu’après les Branles qui sont, ou qui étoient les danses par où les Bals de la Cour se commençoient, comme je l’ai deja dit, Sa Majesté ensuite de ces Branles dansoit la Courante : il est vrai, qu’il la dansoit mieux que personne {p. 111}de la Cour, & qu’il lui donnoit une grace infinie.

Mais ce qui prouve encore plus l’attachement & la prédilection que Sa Majesté avoit pour la danse ; c’est que malgré les penibles travaux qui occupoient continuellement ce grand Conquerant, il n’a pas laissé de s’en dérober quelques heures pendant plus de vingt à vingt-deux ans, que Monsieur de Beauchamp a eu l’honneur de le conduire dans ce noble exercice : enfin cette danse dont je viens de parler, du propre aveu des plus habiles Maîtres ; a toûjours esté regardée comme une danse très-necessaire à sçavoir pour bien danser ; c’est ce qui m’engage d’en faire une legere description tous ses mouvemens sont si essentiels, qu’il vous donnent une facilité pour bien danser les autres danses, ce qui se va prouver par la maniere dont elle se dansoit.

Après que l’on a fait les reverences {p. 112}qui se font ordinairement avant de danser ; & de même que je les ay representées ci-devant : en vous relevant de votre seconde reverence, vous laissez poser le corps sur le pied droit ; & vous portez le pied gauche à la quatriéme position, & posez le corps dessus en presentant la main à la Demoiselle & en faisant un tems de Courante : ensuite vous commencez le pas de courante, par un demi-jetté du pied gauche, & ensuite un coupé du pied droit, ce qui termine le pas de Courante (& fait voir la difference du pas au tems) & vous en recommencerez une autre du pied droit, en faisant un demi-jetté de ce pied & un coupé du gauche ; mais comme tous ces differens pas vous conduisent dans une figure reglée, qui forme une espece d’ovale longue, mais à ce dernier coupé, vous recommencez de faire un pas, marchez du pied gauche, & un tems de Courante ou pas {p. 113}grave du pied droit, & recontinuer les demi-jettez & les coupez ; ce qui se repete dans tout le courant de cette danse, & comme je n’entreprends pas de décrire les figures des danses, je laisse ce soin aux Maîtres de conduire leurs Ecoliers : de plus c’est que cette danse n’est plus en usage, non plus que les autres Courantes figurées de ce tems là, comme la Dauphine, la Duchesse, & la Bocanne, qui étoient de parfaitement belles danses, & que les personnes qui seront curieux de les sçavoir, pourront avoir recours à la Choregraphie.

Quant aux danses qui sont en usage aujourd’hui, & dont les figures & les pas sont si fort diversifiez, qu’elles meritent que l’on y donne quelque application, c’est ce qui m’engage de fournir les moyens les plus faciles, pour faire tous ces differens pas chacun à leur particulier : afin que les Maîtres puissent avoir le plaisir, que {p. 114}par ces moyens aisez, cette jeunesse se trouve plus en état de profiter de leurs leçons.

Ce qui est un des plus grands plaisirs que nous ayons, de voir nos Ecoliers profiter ; c’est tout ce que je me suis proposé dans ce traité, & j’ose me flater d’y avoir réussi.

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Chapitre XXVII.
Des Tems de Courantes, ou pas graves. §

Comme l’on commençoit autrefois par la Courante à montrer à danser, & que d’ailleurs j’ai promis d’aller de pas en pas ; pour me mettre en regle, je commencerai donc par le tems de Courante, ou pas grave, comme étant un des premiers pas & qui inspire le plus de grace.

Il faut d’abord sçavoir, que ce pas n’est nommé tems que parce qu’il n’est renfermé que dans un seul pas & un seul mouvement, & qu’il tient la même valeur que l’on employe à faire un autre pas composé de plusieurs mouvemens, & plusieurs pas comme un pas de Courante, ou pas de Bourée ; voilà la difference que je fais du pas au tems.

Mais ce tems n’est pas seulement {p. 116}dans la Courante, on le place dans toutes sortes de danses, où il fait un bon effet, & même il procure beaucoup de grace au corps par ses mouvemens doux & temperez, qu’il faut observer pour le bien faire.

Je suppose que vous deviez le faire du pied droit ; ainsi ayant le pied gauche devant, & le corps posé dessus, & le pied droit derriere à la quatriéme position, le talon levé prest à partir, de là vous pliez en ouvrant le pied droit à côté, & lorsque vous êtes élevé & les genoux étendus, vous glissez le pied droit devant jusqu’à la quatriéme position, & le corps se porte dessus entierement, mais à mesure que le pied droit se glisse devant, le genou gauche se détend & son talon se leve, ce qui renvoye avec facilité le corps sur le pied droit, & du même tems vous vous élevez sur la pointe : ensuite vous baissez le talon appuyant tout le pied à terre, ce qui {p. 117}termine votre tems de Courante ou pas grave, le corps étant dans son repos par le pied qui pose entierement ; de là vous pouvez en faire un autre du pied gauche en observant les mêmes précautions, & même pour se mettre dans l’habitude de les faire, il en faut repeter plusieurs de suite tant d’un pied que de l’autre.

J’ai vû plusieurs personnes les prendre de la premiere position, ils font aussi un fort bon effet, ils m’ont paru plus difficiles, d’autant que lorsque le corps se pose sur un pied, la jambe de derriere suit, & s’approche de l’autre à la premiere position, & de là vous pliez & vous vous élevez du même tems sans passer le pied, que lorsque les jambes sont bien étenduës, vous posez le talon du pied sur lequel vous vous estes élevé, & son genou se détend à mesure que vous glissez le pied qui étoit en l’air jusqu’à la quatriéme position, qui est l’étenduë {p. 118}ou proportion rde votre pas ; mais comme vous passez le pied à plein, & que le talon porte à terre, le corps se pose facilement sur ce pied, & vous vous élevez sur sa pointe, & de suite laissez appuyer le pied ce qui termine ce pas, on en fait aussi en allant de côté : alors on le commence dans une position differente ; parce que ordinairement il se fait après un pas de Bourée dessus & dessous, qui finit son dernier pas à la troisiéme position.

Ainsi c’est de cette position que vous partez en pliant sur les deux jambes, sans changer de position que vous ne soyez relevé, ensuite vous glissez le pied qui se trouve devant.

Par exemple, vous faites un pas de Bourée dessus & dessous, du pied gauche en allant du côté droit, le pied droit se trouve devant à la troisiéme position ; ainsi de là vous pliez sur les deux jambes également, & de là étant relevé & les deux jambes bien étenduës {p. 119}vous glissez le pied droit à coté à la deuxiéme position, & vous portez le corps dessus, ce qui termine votre pas ; mais si vous voulez faire ce pas de l’autre pied, il faut poser le corps sur le pied gauche, & votre pas de Bourée fini, vous pliez également sur les deux jambes, & vous vous relevez sur la droite, en glissant le pied gauche à côté à la deuxiéme position, & le corps se pose dessus en vous élevant sur la pointe du pied qui a glissé à côté, & le talon se pose dans le même tems, ce qui termine ce pas : le corps étant dans son à plomb, ainsi de cette situation vous pouvez entreprendre de faire tels pas que vous souhaitez, soit d’une jambe, soit de l’autre.

Il se fait des pas que nous appellons seulement tems, mais qui ne doivent pas être confondus dans la même maniere de ceux-ci ; quoique leurs premiers mouvemens se prennent de même, mais il ne se terminent pas {p. 120}comme les autres. Parce que ce tems est plié & levé, & vous portez le pied à côté sans le glisser, ce qui fait la difference de l’un à l’autre : comme il s’en trouve plusieurs dans l’Aimable Vainqueur placez differemment, c’est ce qui m’engage de vous en donner une claire intelligence.

Par exemple, ayant le corps posé sur le pied gauche, à la quatriéme position, vous pliez dessus & vous vous relevez en portant le pied droit à côté à la deuxiéme position, en ne posant que la pointe du pied, & vous restés un tems pour reprendre un autre pas, ce qui fait un agrément tout des plus gracieux : car ce pas étant pris à propos, le corps restant dans son repos, dans une situation avantageuse, vous donne beaucoup de grace, après on fait un autre pas qui en paroît plus animé par l’opposé d’un pas lent à un autre, qui se fait plus vivement, ce qui fait en partie la beauté de la danse, lorsque {p. 121}l’on sçait faire tous ces differens mouvemens & pas à propos, en conservant beaucoup de noblesse dans les pas lents & de vivacité dans les vistes.

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Chapitre XXVIII.
Des pas de Bourée & des Fleurets. §

Le pas de Bourée est composé de deux mouvemens sçavoir, un demi coupé, un pas marché sur la pointe du pied & d’un demi-jetté, ce qui fait le second mouvement, & l’étenduë de votre pas, je dis un demi-jetté ; parce qu’il n’est sauté qu’à demi, & comme ce pas est un pas coulant, c’est pourquoi son dernier pas ne doit pas être marqué si fort, mais comme il faut avoir beaucoup de cou de pied, pour faire ce pas aisément & surtout pour les Demoiselles ; c’est pourquoi on en a adouci l’usage, en faisant des fleurets, qui est aprochant le même pas, puisqu’il ne contient non plus que 3. pas. Mais il n’a qu’un mouvement ; c’est un pas aisé & que l’on apprend {p. 123}facilement, il suffit d’en connoître la construction pour le faire de suite : il est composé d’un demi-coupé & de deux pas marchez sur la pointe des pieds.

Quoique j’aye donné la maniere de faire ces demi-coupez dans la construction du pas du Menuet, néanmoins pour vous en donner de suite l’intelligence, je dirai que lorsque vous voulez faire un fleuret, étant posé à la quatriéme position, si c’est le pied gauche que vous ayez devant, qu’il faut que le corps soit entierement dessus, en approchant le pied droit à la premiere position, sans qu’il touche à terre ; puis plier les deux genoux également, ce qui s’appelle plier sous soi, mais il ne faut pas passer le pied droit devant vous à la quatriéme position, que lorsque vous avez plié, & du même tems qu’il est passé vous vous élevez sur la pointe : puis marcher deux autres pas tout {p. 124}de suite sur la pointe ; sçavoir, l’un du gauche, & l’autre du droit, & à ce dernier il faut poser le talon, en le finissant, afin que le corps soit plus ferme, soit pour en reprendre un autre, ou tel autre pas que la danse que vous dansez le demande ; mais pour se mettre dans l’habitude de faire ainsi que des autres, il est à propos d’en repeter plusieurs de suite ; outre que cela vous donne la facilité de faire d’un pied ce que vous faites de l’autre.

Ainsi, si l’on vous demandoit de combien de pas le fleuret est composé, vous pouvez répondre de trois. Sçavoir d’un demi-coupé & de deux pas marchez sur la pointe.

Il se fait en arriere de même, & de tous côtez, ce n’est que les positions qui sont differentes, tant par la figure des danses qu’il faut observer, soit en tournant ou en allant de côté.

Par exemple, si vous voulez faire un pas de Bourée ou fleuret dessus & {p. 125}dessous, en revenant du côté gauche, le droit étant à la premiere position, vous pliez sur le pied gauche en ouvrant les genoux, & étant pliez vous croisez le pied droit devant vous jusqu’à la cinquiéme position, & vous élevez dessus ; ensuite vous portez le pied gauche à côté à la deuxiéme position & le droit se croise derriere à la cinquiéme position, ce qui fait l’étenduë de votre pas.

Il y en a qui se font dessous & dessus, ce qui est la même chose excepté que le demi-coupé se croise derriere, & le troisiéme se croise devant : voilà toute la difference de l’un à l’autre.

D’autres qui se font de côté en effaçant l’épaule ; qui se pratique de la maniere suivante, sçavoir le corps posé sur le pied gauche, vous pliez dessus ayant le pied droit en l’air prés du gauche, & vous le portez à côté en vous élevant sur la pointe & en retirant l’épaule droite en arriere, mais la jambe {p. 126}gauche suit la droite, & se pose derriere à la troisiéme position, les genoux étendus sur la pointe ; & pour le troisiéme vous laissez glisser le pied droit devant à la quatriéme position, en laissant poser le talon à terre ce qui finit ce pas ; le corps étant posé sur le droit vous pouvez plier dessus, & en faire un autre du gauche, en observant les mêmes principes, on les trouve placés à la fin de la Bretagne, & dans plusieurs autres danses de Ville ; lorsque ces pas sont bien pris, ils sont des plus gracieux.

Il s’en fait aussi d’une autre façon, que l’on appelle pas de Bourée ouverts qui se font de la maniere suivante, sçavoir si on le prend du pied droit l’ayant en l’air, à la premiere position : vous pliez sur le gauche & vous portez le droit à côté à la deuxiéme position & vous élevez dessus : en vous élevant sur le droit la jambe gauche suit la droite en s’approchant à la premiere {p. 127}position, dans le même tems le pied droit se pose entierement, & de suite vous posez le pied gauche à côté à la seconde position en posant le talon premier, & lorsque le corps se pose sur ce pied, vous vous élevez sur la pointe ; ce qui attire la droite dont le pied se glisse derriere le gauche jusqu’à la troisiéme position, ce qui termine ce pas ; mais si vous en voulez faire un autre du pied gauche, il faut poser le talon droit à terre & plier dessus, & porter le pied gauche à côté en observant la même maniere, d’autant que l’on doit s’habituer de faire un pas d’un pied comme de l’autre.

Ce même pas se fait encore d’une autre maniere, en ce qu’en faisant votre premier pas qui est un demi-coupé, ayant le corps posé sur le pied gauche vous pliez dessus, & en prenant ce mouvement la jambe droite qui est en l’air marche en faisant un batement sur le cou du pied, & du même {p. 128}tems se porte à côté à la deuxiéme position en vous élevant dessus, & continués votre pas comme cy-devant.

On en fait encore un autre que l’on appelle pas de Bourée emboëté, en ce qu’il s’arrête au second pas à l’emboëture ; ce que je vais vous expliquer. Il faut faire le demi-coupé en arriere en portant le pied à la quatriéme position, le second pas se porte vîte à la troisiéme, & vous restez un peu dans cette position sur la pointe des pieds les jambes étenduës ; puis vous laissez glisser le pied qui est devant jusqu’à la quatriéme position, ce mouvement se fait en laissant plier le genou du pied de derriere qui renvoie par son plié le corps sur le pied de devant, ce qui fait l’étenduë de ce pas.

On place ce pas dans toute sorte d’airs, & vous en faites toutes les figures des danses avec facilité, parce que ce pas est aisé & coulant on le fait en tournant de la même façon que les {p. 129}précedens ; mais c’est aux Maîtres de conduire leurs Ecoliers dans la regularité des danses qu’ils leur enseignent, je me contenterai seulement de donner une explication de la maniere de faire tous ces differens pas.

Il se fait un autre pas dans le même genre à qui l’on a donné le nom de pas de Bourée vîte ou à quatre pas ; mais comme j’ai consulté de très-habiles gens non-seulement sur la maniere de former les pas ; mais même sur les noms propres que l’on leur a attribué : & comme j’ai vû les sentimens partagez, je ne veux pas non plus en décider, je laisse aux uns & aux autres la liberté de les nommer : quant à ce pas je dirai que le vrai pas de Bourée est celui que j’ai décri le premier, le second est un fleuret ; ainsi comme le vrai pas de Bourée a deux mouvemens, & que le fleuret n’en a qu’un, il me paroît que l’on pourroit attribuer à celui-ci le nom de pas de Bourée {p. 130}doublé, puisqu’il se commence par un demi-coupé : ensuite deux pas marchez sur la pointe, & un demi-jetté qui termine ce pas ; c’est pourquoi on peut dire que ce pas est composé d’un fleuret & d’un demi-jetté.

Mais comme je ne me suis proposé que de donner la maniere de faire tous ces differens pas, sans m’arrester à l’étimologie de leurs noms, parce que la plus grande partie de ces pas sont tirés des differentes danses qui sont en usage dans nos Provinces, à laquelle on leur a donné toute la propreté que l’art permet, & dont il porte le nom de ces danses.

Par exemple, le pas de Rigaudon est tiré du Rigaudon, qui est une danse fort en usage en Provence, & que les originaires du païs dansent naturellement, & même chaques Cantons le danse differemment les uns des autres, ce que j’ai vû dans le tems que j’étois dans ce païs.

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La Gavote vient originairement du Lyonnois & du Dauphiné, & c’est de-là que l’on a tiré nombre de contre-tems que nous avons dans nos danse ; ce qui s’est introduit par les soins de plusieurs grands Maîtres que nous avons eu, à qui l’on est redevable des soins qu’ils se sont donnez, d’avoir mis ces pas dans toute la grace qu’ils ont aujourd’hui, ce qui a donné tout le brillant & le bon goût à cet art.

La Bourée vient d’Auvergne, les Menuets du Poitou & de l’Anjou, le Passepied qui est plus leger, est la danse la plus en usage en Bretagne, quoique selon plusieurs Historiens ils citent le Passepied comme une danse très-ancienne.

Et ainsi que plusieurs autres danses, dont je n’entreprend pas de donner l’origine.

Il y a un autre pas que l’on appelle positivement fleuret, il se fait de deux manieres differentes ; mais comme je {p. 132}ne l’ai trouvé dans aucune danse de Ville ; c’est ce qui fait que je n’en donnerai aucune explication. Ne l’ayant rapporté qu’à l’occasion du pas de Bourée à un mouvement, & que l’on nomme fleuret ; c’est pourquoi je reserve cette explication pour un autre volume, ce qui se trouvera dans la maniere de faire tous les differens pas de Ballet.

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Chapitre XXIX.
Des Coupez de differentes manieres. §

Le Coupé ordinaire est composé de deux pas ; sçavoir, un demi-coupé, & un pas glissé : comme je m’aperçois que le terme de glisser pourroit n’être pas connu de tout ceux qui apprennent à danser ; sur tout cette jeunesse à qui trés-souvent la trop grande vivacité leur fait oublier ce que leur Maître leur enseigne ; c’est à cette occasion que je fais la remarque suivante : Le pas glissé est de passer le pied doucement devant soi en touchant le parquet ou plancher très-legerement ; ce qui doit s’entendre que ce pas est plus lent que si l’on portoit le pied sans qu’il touchât à terre, ainsi se glisser signifie un pas trés-lent, ce qui fait en partie la perfection du {p. 134}coupé : il doit être plié à propos, élevé en cadence & soûtenu gracieusement. Je dis qu’il faut le plier à propos, c’est qu’il faut que vous pliez sur la fin de la mesure pour vous lever, lorsque l’on frappe la mesure, ce qui se nomme en terme de danse cadence.

Ainsi pour commencer ce pas si c’est du pied droit, il faut ayant le pied gauche devant & le corps posé dessus, aprocher le pied droit auprès à la premiere position, puis plier les deux genoux également, & étant pliez, vous passez le pied droit devant jusqu’à la quatriéme position & vous élevez dessus la pointe, en étendant les genoux & du même tems le talon droit se pose, & le genou se plie, mais la jambe gauche se glisse devant jusqu’à la quatriéme position, & le corps se posant dessus ; il termine l’étenduë de votre coupé.

D’autres personnes le prennent differemment ; c’est qu’après votre demi-coupé, {p. 135}étant élevé sur la pointe il glisse le pied dans le même tems qu’il s’éleve jusqu’à la quatriéme position ; en le passant la pointe doit être basse, la jambe bien étenduë, & à mesure que cette jambe gauche se passe devant, le genou droit se plie, & par ce mouvement renvoie le corps sur le pied gauche, ce qui termine ce pas ; ces deux manieres sont bonnes l’une & l’autre ; mais je trouve que la premiere est plus aisée, en ce que le corps est plus assuré par le talon droit que vous appuyez ; il se fait aussi en arriere, & de côté, aux positions près qui sont differentes selon le chemin que vous devez tenir.

Comme on en fait de differentes façons, & que le changement ne consiste que dans le second pas, puisque le premier est toûjours un demi-coupé ; c’est pourquoi ayant expliqué plusieurs fois la maniere de faire ces demi-coupez, je ne la repeterai plus {p. 136}dans les pas suivans ; je dirai seulement un demi-coupé d’un tel pied. Il se trouve dans les danses de Ville des coupez battus : par exemple, vous faites votre demi-coupé en avant du pied droit, & la gauche s’approche de la droite en frapant sur le gras de la jambe & se reporte derriere à la quatriéme position. Ce battement fait l’équivalent du temps que l’on est à le soûtenir, lorsque vous le passez devant.

D’autres où l’on fait le demi-coupé en avant : par exemple, si vous faites le demi-coupé du pied droit en avant, lorsque vous estes élevé dessus dans ce même moment la jambe gauche fait un battement derriere & devant & se porte à côté, ou restera en l’air, selon l’enchaînement des pas.

D’autres qui se terminent par une ouverture de jambe, ou un tour de jambe, & la jambe reste en l’air pour faire un autre pas, qui se trouve à la {p. 137}suite selon que la danse que vous apprenez le requiert.

Il se fait une autre espece de coupé que l’on nomme glissade, mais elle ne se pratique que pour aller de côté & sur une même ligne, soit à droit, soit à gauche : par exemple, si vous voulez faire des glissades en allant du côté droit, il faut plier sur le pied gauche, pour faire votre demi-coupé du pied droit en le portant à côté à la deuxiéme position, & en vous élevant dessus vous tirez le pied gauche du même tems derriere jusqu’à la troisiéme position, en laissant poser le corps dessus pour en reprendre un autre de suite du droit : parce qu’ordinairement on en fait trois de suite, quoiqu’il n’en entre que deux dans une mesure, c’est pourquoi on doit les faire de suite, afin que par cette liaison les mouvemens se succedent l’un à l’autre.

On les fait encore d’une autre façon {p. 138}quoiqu’elles tiennent le même chemin ; mais à la place du demi-coupé on fait un demi-jetté & on tire le pied derriere à la troisiéme position, mais comme on en fait trois de suite, ainsi qu’aux précedentes ; à la premiere on tire le pied derriere, à la seconde on le tire devant, & à la troisiéme elle se termine quelquefois devant ou bien ensemble à la premiere position, & quelquefois même à la quatriéme position en avant selon les pas qui suivent, ces dernieres sont plus brillantes par leur premier mouvement qui est à demi sauté ; mais il faut s’appliquer à bien faire les premieres, parce que par la suite les dernieres viennent d’elles-mêmes.

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Chapitre XXX.
Des Coupez du mouvement. §

Ce pas est un des plus gracieux & le plus gai qui soit dans tous les differens pas que l’on a inventé, tant par la varieté de ses mouvemens qui sont moderez ; ce qui facilite en quelque façon d’acquerir beaucoup de grace lorsque l’on les sçait bien faire.

C’est pourquoi je vais donner la maniere de les faire selon toute la propreté qu’ils doivent estre faits ; ainsi lorsque vous prenez votre demi-coupé, soit en avant, vous le pliez très-doucement, & vous vous élevez de même sur le pied qui a passé devant, les jambes bien étenduës : le corps se portant sur le pied de devant attire celle de derriere qui s’étend également, mais dans le même moment le talon du pied de devant se pose, & son genou {p. 140}se plie & la jambe qui est en l’air s’ouvre un peu à côté, & le genou, qui est plié en s’étendant rejette cette jambe en devant, en vous laissant tomber dessus en ne sautant qu’à demi, ce qu’on appelle demi-jetté, ce qui termine ce pas.

Je dis qu’il est diversifié par ces mouvemens, parce qu’il n’est composé que de deux pas, & ces deux pas renferment deux mouvemens differens. Le premier est plié sur un pied, & passer l’autre en vous élevant dessus ; ce qui vous engage à le faire avec grace : le second est de plier sur ce pied, & de vous relever avec plus de vivacité pour retomber sur l’autre en sautant à demi, ce qui donne à ce pas la gayeté.

Pour ceux qui se font en allant de côté, c’est la même chose, à l’exception que l’on porte le pied à la cinquiéme position pour le demi-coupé, & à la deuxiéme pour le demi-jetté. D’autres qui se prennent de la premiere, {p. 141}& vous portés le pied à côté à la deuxiéme position, en vous élevant dessus, & du même tems poser le talon à terre pour plier, & le demi-jetté qui pour lors se croise à la cinquiéme position ; ce qui termine ce pas, on donne des exemples de ce pas dans l’Aimable Vainqueur ; qui est une fort belle danse de Ville, ils y sont placez de differentes manieres & si à propos, qu’il semble que la jambe exprime les notes ; ce qui prouve cet accord ou plutôt cette imitation de la Musique avec la danse, puisque l’on doit imiter la douceur de ses sons par des pas doux & gracieux.

Comme ce pas est des plus agréables, & qu’il y a une maniere de conduire les bras avec grace en faisant ce pas, c’est ce qui se trouvera dans ma seconde partie Chapitre X.

{p. 142}

Chapitre XXXI.
Des pas tombez & des pas de Gaillarde. §

Ce pas est très-singulier dans sa maniere de le faire, & je croy qu’il ne tient son nom que de sa seule construction, au lieu qu’aux autres la plus grande partie sont composez des autres pas ; mais celui-ci est different de son premier pas, il faut d’abord s’élever sur la pointe du pied & plier après le pas, ce que l’on va voir par cette description : par exemple, vous voulez faire un pas tombé du pied droit ; ayant le corps posé sur le pied gauche, & les jambes écartées à la deuxiéme position, en vous élevant sur le pied gauche, la jambe droite suit ; parce que le corps se penchant sur le côté gauche, il attire la jambe droite qui le tire derriere, jusqu’à la {p. 143}cinquiéme position, en se posant entierement à terre & son genou se plie, ce qui fait lever le pied gauche, mais le genou droit s’étendant vous oblige à vous laisser tomber sur le pied gauche à la deuxiéme position, ce qui est un demi jetté, qui se fait en sautant à demi, ce pas n’est pas d’une difficile execution, lorsque l’on sçait prendre ses mouvemens à propos, c’est par la force du coup de pied & la pente du corps qui attire les jambes & les genoux se plient comme si les forces manquoient, ce qui oblige le talon du pied droit que vous tirez derriere de se poser à terre & son genou se pliant par le poids du corps qui se pose dessus, en se relevant cela fait comme un ressort qui étant pressé cherche à s’étendre, ainsi le genou en s’étendant rejette le corps sur le pied gauche, ce qui termine l’étenduë de ce pas.

La description que je viens de faire de ce pas, n’est que pour en faire remarquer sa singularité, & en donner {p. 144}une intelligence facile pour parvenir à le bien faire ; parce que ce pas est prevenu par un autre pas que l’on fait devant, & qui pour lors le fait changer de nom par l’assemblage de cet autre pas.

Par exemple, il peut estre devancé par un coupé, ou un tems grave, & même très-souvent par un pas assemblé, ce qui le fait changer de nom en l’appellant pas de Gaillarde ; ainsi le pas de Gaillarde est composé d’un assemblé, un pas marché & d’un pas tombé ; ce qui fait toute sa construction, & même il est repeté plusieurs fois dans la danse qui en porte le nom, ce qui me fait croire que c’est la seule raison qui lui a donné le nom de pas de Gaillarde.

Enfin quoiqu’il en soit, ce pas est très gracieux, & ce n’est pas sans raison, que l’on en conserve encore l’usage, & même il est dans plusieurs danses de Ville ; ce pas se fait en avant & de {p. 145}côté, aprochant de la même maniere.

Je commencerai d’abord par celui qui se fait en avant, ayant le pied gauche devant à la quatriéme position, & le corps posé dessus le talon du pied droit levé ; ce qui marque que la jambe est preste à partir, de-là vous pliez sur le pied gauche & du même instant la jambe droite se leve, & en vous relevant pour sauter, la droite se croise devant à la troisiéme position, en retombant de ce saut sur les deux pieds les genoux étendus, mais la jambe droite qui a croisé devant, se porte à la quatriéme position en avant, & laissez poser le corps dessus en vous élevant du même tems, ce qui attire la jambe gauche derriere la droite ; mais à peine la touche-t’elle que le pied se pose à terre, & le corps se posant dessus & fait plier le genou gauche par le fardeau du corps, ce qui oblige la jambe droite de se lever ; mais dans le {p. 146}même moment le genou gauche qui est plié, en voulant s’étendre renvoye le corps sur la jambe, qui se pose à terre en faisant un saut que l’on appelle jetté-chassé, mais en vous laissant tomber sur le pied droit la jambe gauche se leve, & le corps étant dans son équilibre entierement posé sur le pied droit, vous pouvez de cette situation en faire autant du pied gauche, on en voit l’exemple dans la Bachante au commencement de son troisiéme couplet. Je trouve ce pas fort gracieux lorsqu’il est bien fait, & il merite que l’on y fasse attention, il se fait aussi de côté en allant sur une même ligne, mais il se fait differemment de celui en avant.

Par exemple, ayant le corps posé sur le pied gauche vous pliez, & vous élevez en sautant & assemblant le pied droit auprès du gauche à la premiere position, en tombant sur les deux pointes ; mais le corps posé sur le gauche, {p. 147}parce que du même tems vous portez le droit à côté à la deuxiéme position en vous élevant dessus pour faire votre pas tombé ; qui fait la seconde partie dont le pas de Gaillarde est composé ; mais comme j’ai fait une description assez étenduë touchant le pas tombé, cela me paroît inutile de le repeter une seconde fois, ce pas se prévient encore par un coupé & fait un fort bon effet par les mouvemens soûtenus que l’on doit observer pour le bien faire.

{p. 148}

Chapitre XXXII.
Des Piroüettez. §

Le Piroüetté est un pas qui se fait en place, c’est-à-dire, qu’il ne va pas en avant ni en arriere ; mais sa proprieté est de faire tourner le corps sur un pied ou sur les deux, comme sur un pivot, soit un quart de tour, ou un demi tour selon que vous croisez le pied, ou bien la figure que la danse que vous apprenez le demande.

Ainsi je suppose que vous deviez le faire du pied droit, & que vous ne deviez tourner qu’un quart de tour à la droite, il faut plier sur le gauche le droit en l’air ; & à mesure que le genou gauche se plie, la jambe droite en l’air marche en formant un demi cercle, puis posant la pointe de son pied derriere la jambe gauche à la troisiéme position, pour se relever {p. 149}sur les deux pointes, ce qui vous fait tourner un quart de tour au lieu que si vous voulez tourner un demi tour, il faut poser la pointe du pied plus croisé jusqu’à la cinquiéme position ; ce qui fait qu’en vous élevant vous tournez un demi tour.

Il faut aussi remarquer que lorsque vous vous relevez, le pied qui a marché, & qui s’est posé derriere à la troisiéme ou cinquiéme position de derriere qu’il étoit, le corps en se tournant le fait changer de situation sans le faire changer de position ; parce que le pied qui est derriere revient devant, lorsque vous vous élevez le corps se tournant un quart, ou un demi tour, il oblige les jambes par son mouvement de changer de situation, pour se trouver dans l’équilibre ; ce qui fait que le pied qui étoit derriere change de situation comme je viens de le dire.

Mais lorsque vous êtes élevé & {p. 150}que vous avez tourné le quart ou demi tour, il faut poser le talon du pied où le corps est posé : afin d’être plus ferme pour en reprendre un autre ; ce pas est très-agréable lorsqu’il est fait avec soin, il doit estre accompagné d’un contour de bras, & d’une maniere de porter sa tête avec grace, ce qui fait une des plus grande perfection de ce pas ; ce qui sera expliqué plus au long dans ma seconde Partie, celle-ci n’étant que pour la maniere de former les pas, & l’autre pour la conduite des bras selon les regles de l’Art.

Mais comme ce pas est très-gracieux, & qu’il demande quelque reflexion pour le bien faire ; c’est ce qui m’a engagé de faire les remarques suivantes, afin qu’étant instruit clairement on puisse le faire dans toute sa propreté.

Premierement, à ce Piroüetté où le corps n’est posé que sur un seul pied, le plié doit estre pris très-doucement {p. 151}le corps entierement posé sur la jambe qui plie, parce que celle qui marche ce n’est que la pointe qui pose à terre, & qui sert pour ainsi dire de guide au corps pour se tourner autant qu’il le doit être, & lorsque vous vous relevez ce doit être avec la même douceur que vous vous êtes plié : ainsi les mouvemens doux sont toûjours les plus gracieux & sont plus agréables.

Il s’en fait d’une autre maniere qui sont pliez sur les deux pieds, & qui sont placez au commencement de la seconde partie de la Bacchante ; ce pas est trés-facile à faire, parce qu’il ne faut que plier sur les deux pieds également, & se relever de même : par exemple, le pied droit étant devant à la quatriéme position, le corps posé sur les deux jambes vous pliez tous les deux genoux, & vous vous élevez également en tournant le corps un quart de tour du côté gauche, au contraire lorsque c’est le pied gauche qui est {p. 152}devant, ce doit être du côté droit que l’on doit se tourner.

Il s’en fait un autre dans un genre different des précedens, qui se fait de cette maniere : étant à la deuxiéme ou quatriéme position, car il se prend également de l’une comme de l’autre, & le corps posé sur un seul pied, la pointe de l’autre à terre, vous pliez les deux genoux, & vous vous relevez en sautant sur le pied où le corps est posé ; mais en sautant le pied qui ne posoit qu’à demi, la jambe s’étend en suivant le corps dans le tour qu’il fait, soit à droit ou à gauche, si vous devez tourner du côté droit vous pliez, & vous sautez sur le pied gauche, & la jambe droite & le bras droit s’étend ; ce qui vous fait tourner du côté droit & de même du côté gauche.

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Chapitre XXXIII.
Des Balancez. §

Le Balancé est un pas qui se fait en place comme le Piroüetté, mais il se fait ordinairement en presence, quoiqu’il se puisse faire aussi en tournant ; mais comme ce n’est que le corps qui se tourne, & que cela ne change aucun mouvement ; c’est pourquoi je vais décrire la maniere de le faire en presence : je dirai d’abord qu’il est composé de deux demi-coupez, dont l’un se fait en avant & l’autre en arriere ; Sçavoir, en commençant vous pliez à la premiere position, & vous le portez à la quatriéme en vous élevant dessus la pointe, puis vous posez le talon à terre, & la jambe qui est en l’air s’étant aprochée de celle qui est devant, & sur laquelle vous vous estes élevé, étant en l’air {p. 154}vous pliez sur celle qui a fait ce premier pas, & l’autre étant plié se porte en arriere à la quatriéme position, & vous vous élevez dessus ce qui finit ce pas ; mais en faisant ce pas au premier demi-coupé l’épaule s’efface, & la tête fait un petit mouvement ; ce qui donne l’agrément à ce pas, & que j’expliqueray avec la maniere de conduire les bras dans la seconde Partie.

J’ai vû plusieurs personnes le porter à côté à la deuxiéme position, mais il ne m’ont pas paru avoir la même grace ; parce qu’il paroît que le corps se dandine : outre que les mouvemens qui se doivent faire de la tête & des bras ne sont pas si avantageux ; pour ceux qui se font en tournant, c’est la maniere de plier & de s’élever, en se contenant dans la proportion du pas & la position du pied, afin que le corps se conserve dans son équilibre, d’autant que tous les pas qui se font en tournant sont d’une plus difficile {p. 155}execution que ceux qui se font en avant.

Le Balancé est un pas fort gracieux & se place dans toutes sortes d’airs ; quoique les deux pas dont il est composé soient relevez également l’un & l’autre, & c’est par cette raison qu’il s’accomode à toutes sortes de mesures ; parce que ce n’est que l’oreille qui avertit de presser les mouvemens ou de les ralentir.

Il est fort usité dans les Menuets figurez & Menuets ordinaires, de même qu’au Passepied, il se fait à la place d’un pas de Menuet, & occupe la même valeur ; c’est pourquoi il doit être plus lent, puisque ces deux pas se font dans l’étenduë de quatre pas que contient le pas de Menuet.

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Chapitre XXXIV.
Des pas de Sissonne. §

Ayant enseigné la maniere de faire tous les differens pas, qui ne sont que pliez & élevez, je passe à present à ceux dont les mouvemens doivent estre plus forcez ; qui sont les pas sautez, & comme le pas de Sissonne m’a paru un des plus faciles, je commencerai par lui en enseignant la maniere de le faire.

Sa composition renferme deux façons de sauter differentes l’une de l’autre ; sçavoir, plier pour sauter & retomber plier, & l’autre étant plié est de se relever en sautant : ainsi, si vous voulez le faire du pied droit, ayant le corps posé sur le pied gauche, il faut plier dessus & la jambe droite qui est en l’air s’ouvre de même tems à côté ; mais lorsque vous {p. 157}vous relevez en sautant, elle se croise devant la gauche à la troisiéme position en tombant sur les deux pieds, & restez plié pour vous relever en sautant du même tems, sur le pied droit ce qui termine ce pas.

Il se fait de même en arriere, excepté qu’au lieu de prendre le mouvement de derriere pour venir en avant, il doit se prendre de la jambe de devant, pour la passer derriere en tombant sur les deux pieds, en vous relevant sur la jambe qui a passé derriere.

D’autres qui se font en place, mais au second saut vous vous relevez sur le pied de derriere, sçavoir, vous pliez sur le pied gauche en sautant, & en tombant sur les deux pieds, & au second saut vous relevez sur le pied gauche, & le pied droit reste en l’air pour prendre un autre pas de ce pied.

On les fait aussi en tournant, c’est la même maniere de tomber sur les {p. 158}deux pieds, & de vous relever sur un pied, il n’y a que le contour que le corps fait qui en fait le changement, parce que les jambes étant pour suporter le corps elles le suivent dans tous ces mouvemens ; de plus le Maître en conduisant son Ecolier par les mains assure ce que le discours a commencé.

D’autant que les pas en tournant sont plus difficiles que les pas en avant : enfin il y en a d’autres qui se font presque de même, excepté qu’au premier saut vous retombez sur vos deux pieds, sans que les genoux soient pliez ; mais vous pliez après pour faire le second saut, ce qui se peut nommer pas de Sissonne coupé ; parce que l’on s’arreste pour plier, au second saut ce pas est placé dans differens couplets de l’Aimable Vainqueur. Et comme c’est une mesure à trois tems lent, ce pas doit estre fait de cette maniere ; parce qu’il remplit mieux la mesure ; & exprime mieux la cadence.

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Chapitre XXXV.
Du pas de Rigaudon. §

Ce pas dans sa construction est très-singulier, il se fait à la même place sans avancer ni reculer ; ou aller de côté, & si les jambes font plusieurs mouvemens differens, il est fort gay dans sa maniere, aussi on le place dans les airs à deux tems legers, comme les Bourées, Rigaudons & autres.

Il se commence de la premiere position ayant les deux pieds assemblez, vous pliez les deux genoux également, & vous vous relevez en sautant & en levant du même temps la jambe droite qui s’ouvre à côté, & le genou étendu & là reposez du même mouvement aussi à la premiere position ; mais à peine est-elle posée que la jambe gauche se leve en s’ouvrant à côté, sans faire {p. 160}aucuns mouvemens du genou, ce n’est que la hanche qui agite la jambe & la baisse tout de suite, & les deux pieds étant à terre, vous pliez & vous relevez en sautant & en tombant sur les deux pieds ; ce qui termine ce pas, après on fait un pas en avant ou à côté selon le pas que vous entreprenez de faire après ; mais il est indépendant du pas de Rigaudon, ce n’est que pour faire une liaison de ce pas avec un autre, & faire le mouvement du pas suivant avec plus de facilité.

Tous ces differens mouvemens se doivent faire de suite, ne formant qu’un seul pas qui se fait dans une mesure à deux tems, comme je viens de dire, aussi toute l’attention qu’il faut avoir en faisant ce pas ; c’est que vos jambes soient bien étenduës quand vous les levez, & lorsque vous sautez de retomber sur les deux pointes & les jambes tenduës ; ce qui vous fait paroître plus leger.

{p. 161}

Comme ce pas est fort en usage en Provence, je l’ai vû faire dans ce païs un peu differemment, c’est qu’au lieu d’ouvrir les jambes à côté, ils les passent en devant en les croisant un peu ; mais il n’a pas la même grace, & de plus c’est que lorsque vous le faites l’un devant l’autre, il semble que l’on aille donner un coup de pied à la personne avec qui l’on danse.

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Chapitre XXXVI.
Des Jettez, ou demies Cabrioles. §

Comme il est parlé dans plusieurs pas de ces Jettez, sans que j’en aye donné aucune instruction particuliere, je vais l’expliquer dans ce Chapitre, en suivant l’ordre des pas, qui est d’aller des plus faciles aux plus difficiles.

Ce pas ne fait que la partie d’un autre pas, comme on la déja pû remarquer dans plusieurs pas ci-devant, ainsi un Jetté seul ne peut remplir une mesure, il en faut faire deux de suite pour faire l’équivalant d’un autre pas.

Mais il se lie aisément dans la construction des autres pas, comme on le voit à la fin du contre-tems du Menuet, dans les coupez de mouvement, pas tombez pas, de Bourée vîte & autres ; {p. 163}ce qui leur donnent plus d’anjoüement.

Comme ce n’est que par le plus ou le moins de force, que vous possedez dans le cou de pied qui vous fait élever : ainsi ce pas dépend du cou de pied pour le faire avec legereté ; pour le faire en avant, je suppose que vous ayez le pied gauche devant & le corps posé dessus, la jambe droite preste à partir dans le moment que vous pliez sur la jambe gauche, la droite s’aproche auprès, & lorsque vous vous relevez ; ce qui se fait par la force du pied gauche, qui en s’étendant avec force vous en rejette sur la droite, parce qu’elle acheve de se passer devant, lorsque vous vous relevez en tombant sur la pointe du pied droit, & ne poser son talon qu’après, ce qui termine ce pas : ainsi vous pouvez en faire plusieurs de suite d’un pied, comme de l’autre en observant la même regle ; ce qui donne beaucoup de facilité & de legereté.

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Il se font en arriere, & de côté également, c’est-à-dire, plier sur une jambe & retomber sur l’autre.

On les fait encore d’une autre maniere, en ce qu’il faut prendre plus de force pour les sauter ; ce qui se fait en se relevant plus vîte, & étendre fort les jambes, en les battant l’une contre l’autre, en retombant sur le pied contraire à celui qui a plié, pour lors il change de nom & on l’appelle demie cabrioles ; mais comme c’est un pas de Ballet, & que je n’entreprends dans ce Traité que de donner la maniere de faire les pas qui sont en usage dans les danses de Ville, c’est ce qui m’engage de ne pas embarasser l’Ecolier des pas que l’on aprend les derniers, comme étant ce qui donne la perfection aux danseurs qui sont nez avec toute la belle disposition, & même à ceux qui en font leur principale occupation.

A l’égard des Dames, elles ne doivent pas tant les sauter, il suffit qu’elles {p. 165}en prennent le tems en pliant, & qu’en se relevant elles se laissent tomber sur l’autre pied que celui qui a plié : par consequent lorsque vous dansez avec une Demoiselle, & qu’il se trouve des Jettés ou autres pas sautez, il les faut prendre modérément, afin de conserver cet accord d’un sexe avec l’autre ; ce qui est une des parties essentielles à laquelle ont doit se conformer.

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Chapitre XXXVII.
Des Contre-tems de Gavotte, ou Contre-tems en avant. §

Les Contre-tems sont de ces pas sautez, qui animent la danse par les differentes manieres de les faire. C’est pourquoi je vais commencer par donner l’intelligence de les faire en avant, comme étant les plus faciles.

Pour le faire du pied droit, il faut avoir le corps posé sur le gauche, étant posé à la quatriéme position, le droit derriere le talon levé, puis plier sur le gauche, & se relever en sautant dessus, mais du même tems la jambe droite qui étoit preste à partir, passe devant en se portant à la quatriéme position, & sur la pointe du pied, les deux jambes fort étenduës : ensuite faites un autre pas du pied gauche en avant à la quatriéme position ; ce qui fait le Contre-tems complet.

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Il se fait de la même maniere en arriere : par exemple, le pied gauche étant derriere à la quatriéme position, le corps posé dessus, il faut plier sur le même pied, & du même tems la jambe droite se leve étant fort étenduë, & se porte derriere à la quatriéme position : vous faites ensuite un autre pas en arriere du pied gauche, & sur la pointe des pieds ; mais à ce dernier pas, il faut poser le talon ; ce qui met le corps en son repos & finit votre pas, ce pas se fait dans l’étenduë d’une mesure à deux tems legers, ou d’une à trois tems : il occupe le même tems d’un pas de Bourée ordinaire.

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Chapitre XXXVIII.
Des Contre-tems de côté de plusieurs sortes. §

Le Contre-tems de côté se fait differemment de celui en avant, sur tout celui qui est croisé ; la difference est qu’il faut plier sur un pied pour celuy en avant, & celuy-cy on doit plier sur les deux pieds.

168. Premier mouvement du Contretems

Par exemple, si vous devez faire un Contre-tems en venant du côté gauche, il se fait du pied droit, ayant les deux pieds à la deuxiéme position, le corps droit dans son à plomb, & vous pliez comme cette Figure le répresente, puis vous vous relevez en sautant.

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169. Deuxieme attitude ayant sauté

Mais comme le mouvement que l’on prend pour sauter, est plus forcé que celui pour s’élever au demi-coupé ; cela fait qu’en vous élevant la jambe droite rejette le corps sur le pied gauche, & elle reste en l’air fort étenduë à côté, comme il est representé par cette seconde Figure, & de suite vous faites un pas de cette même jambe en la croisant jusqu’à la cinquiéme position, en posant le corps dessus, puis faites de suite un autre pas du pied gauche, en le portant à côté à la deuxiéme position, ce qui finit ce pas.

Plusieurs le font faire comme celui en avant, c’est-à-dire, plier ayant le corps posé sur le pied gauche, & le pied droit en l’air, mais il m’a paru que le corps estoit moins ferme, & de plus c’est que la jambe droite se passe trop vîte, jointe à ce qu’il n’a pas tant de grace, ce que j’ai remarqué plusieurs fois ; c’est pourquoi j’ai tracé cette {p. 170}attitude ; afin que l’on comprenne ce pas avec facilité.

On fait aussi de ces mêmes Contre-tems en tournant, & qui se prenent de la même maniere : ainsi en faisant ce pas vous pouvez tourner un demi tour, ou trois quarts selon que la danse est composée.

Il s’en fait encore d’une autre maniere qu’on appelle Contre-tems de Chaconne ou bien ouvert ; & qui est different : celui-cy se fait approchant comme celui en avant ; sçavoir, le pied gauche devant, & le corps posé dessus la jambe droite s’approche derriere, & vous pliez & vous vous relevez en sautant sur le pied gauche, & la jambe droite qui est en l’air se porte à côté à la deuxiéme position, & le pied gauche se porte soit derriere ou devant à la cinquiéme position, ce qui en fait l’étenduë ; car on se sert ordinairement de ces pas pour aller de côté, ainsi ce pas est composé {p. 171}d’un mouvement sauté, & de deux pas marchez sur la pointe ; mais au dernier, il faut poser le talon, afin que le corps soit ferme pour faire tel autre pas que l’on veut ; mais en faisant ce pas de cette maniere, c’est pour aller du côté droit, de sorte qu’en prenant le contraire qui est de commencer par sauter sur le droit, c’est pour revenir du côté gauche.

Vous devez aussi observer lorsque vous pliez & que vous sautez, de retomber presqu’à la même place, surtout dans les danses de Ville où les pas doivent estre faits dans toute leur regularité & proportion.

Il y a encore une autre espece de Contre-tems, que l’on appelle Contre-tems à deux mouvemens, d’autres le nomment Contre-tems balonné, cette maniere de Contre-tems est des plus gracieuses & des plus gaies, sur tout aux personnes qui ont de la {p. 172}legereté, & même elle en procure à ceux qui n’en ont pas, quand ils veulent s’y appliquer, & pour en donner l’intelligence necessaire ; je vais l’expliquer dans toutes ses circonstances.

Ce pas se fait en avant, en arriere & de côté, les uns comme les autres ; mais je commencerai par ceux que l’on fait en avant. Pour le faire du pied droit ayant le gauche devant, à la quatriéme position le corps posé dessus, il faut plier & vous relever en sautant sur le même pied, & la jambe droite qui est derriere se passe devant dans le même tems que vous pliez, & se tient en l’air fort étenduë pendant ce premier mouvement ; mais vous reprenez de suite un second mouvement en pliant sur le pied gauche, ce qui vous rejette sur le pied droit en formant un jetté : ainsi ce pas est composé de deux mouvemens differens, sçavoir, plier & sauter sur un {p. 173}pied ; puis plier sur le même pied, & se rejetter sur l’autre.

J’ai déja dit que tous ces differens pas sont également pour les Dames, comme pour les Messieurs, à l’exception qu’elles ne doivent pas tant les sauter ; mais quant aux pliez il les faut toûjours bien marquer, surtout dans les commencemens en ce qu’ils rendent une danse plus agréable, au lieu que quand ils ne sont pas si fort marquez qu’à peine peut-on distinguer les pas, ils font paroître une danse seche, & qui n’a aucun agrément.

J’ai dit que ces mêmes pas se font en arriere, on doit observer les circonstances pareilles ; Sçavoir, plier & sauter sur le pied qui est celuy qui est posé derriere, & celuy de devant se leve dans l’instant du premier mouvement en restant en l’air, le passer derriere lorsque l’on fait le second mouvement, ce qui est un demi-jetté {p. 174}par où se termine ce pas.

Ceux du côté se prenent ordinairement après un pas de Bourée dessus & dessous, ainsi vous pliez & sautez sur le pied qui vient de finir le pas de Bourée, & celui qui est devant se leve, & au second mouvement vous vous laissez tomber sur ce pied en le jettant à la deuxiéme position.

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Chapitre XXXIX.
Des Chassez de differentes façons. §

Comme il y plusieurs chassez differens les uns des autres je commencerai par les plus faciles ou ceux qui m’ont parû les plus usitez dans les danses de Ville, telle que dans la Mariée, l’Allemande, la Babette & plusieurs autres.

Ce pas est ordinairement prévenu par un coupé, ou autre pas qui vous conduit à la deuxiéme position, en ce que ce pas se prend de cette même position, & se fait en allant de côté, soit à droit, soit à gauche ; mais pour vous l’expliquer plus clairement, je vais fixer le côté : par exemple, si vous allez du côté gauche, il faut plier sur les deux jambes & vous relever en sautant à demi, c’est-à-dire, raze de terre ; & en prenant {p. 176}ce mouvement sur les deux pieds, la jambe droite se raproche de la gauche pour retomber à sa place, par consequent la chasse en l’obligeant de se porter plus loin à la deuxiéme position, ce qui se doit faire très-vîte ; parce que vous retombez sur le droit premier, & la jambe gauche se pose vîte â la deuxiéme position, ce qui fait paroître que l’on retombe sur les deux pieds & comme l’on en fait ordinairement deux de suite ; c’est pourquoi au premier saut vous retombez, pliez & du même temps sautez une seconde fois, en portant le corps sur le droit ou sur le gauche, selon que le pas qui suit le demande.

Mais lorsque vous en avez plusieurs de suite, comme à l’Allemande, vous faites vos sauts de suite, sans vous relever sur un seul pied, & sans vous relever comme il se pratique, quand il n’y en a que deux, ainsi que je viens de vous le dire.

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Ce pas est coulant, parce qu’en sautant vous gagnez le terrain pour faire la Figure que la danse demande, il est gai c’est lors qu’il y en a plusieurs de suite, il semble que l’on soit toûjours en l’air, néanmoins sans sauter qu’à demi.

Il se fait de même en arriere, en changeant seulement les positions, sçavoir étant à la quatriéme position la jambe droite devant, vous pliez & vous vous relevez en sautant, en reculant, & la jambe droite s’approche de la gauche en retombant à sa place, ce qui la chasse en arriere à la quatriéme position ; mais comme vous tombez plié au second saut qui se fait de suite vous vous relevez, soit sur le droit, ou le gauche selon le pas qui suit : en observant toûjours au premier saut, que c’est la jambe qui est devant qui chasse l’autre, & qui se pose aussi la premiere en retombant ; ainsi que j’ai dit dans ceux qui se font de côté.

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Il s’en fait encore un autre en allant de côté, de même que ceux qui sont placez dans l’Aimable Vainqueur au cinquiéme couplet, dont il y en a trois de suite pour remplir une mesure, ce qui marque les trois tems d’où la mesure de cet air est composé ; mais ce genre de pas est à proprement parler des jettez en chassez, ce qui se va voir par la maniere de le faire.

Ce pas se fait ayant le corps posé sur le pied gauche, vous pliez sur le même, & la jambe droite qui est en l’air se passe devant en s’étendant, & lorsque vous vous relevez elle se croise, en se jettant dessus à la troisiéme position, ce qui forme ce jetté chassé ; ce pied droit tombant devant le gauche en prend la place, & par consequent l’oblige de se lever derriere, & de suite plier le genou droit, & en vous relevant jettez-vous sur le gauche, qui tombe derriere à la troisiéme position ; en chassant le droit & {p. 179}en le faisant lever, puis plier sur le pied gauche & se rejetter sur le droit, comme vous avez fait au premier pas : ces trois mouvemens se doivent succeder l’un à l’autre, sans aucune interruption, de même que fait le Balancier d’une Pendule dont les mouvemens s’entresuivent : car dans le moment que vous pliez sur une jambe son mouvement fait lever l’autre, & en vous relevant vous retombez le corps dessus le pied droit en devant, & au second que vous vous rejettez dessus le gauche, le corps tombe en même tems sur ce pied ; par-là vous voyez l’équilibre qu’il faut observer dans ce pas, ce qui en fait la perfection.

Il y en a un aussi d’une autre façon qui approche de ce dernier ; mais qui est different, en ce qu’il a deux pas dans sa construction, le premier est un jetté & le second est marché ; ce pas se fait de cette maniere : par exemple, si vous revenez du côté gauche, {p. 180}ayant le corps posé sur le pied gauche, le droit en l’air, comme represente cette premiere Figure.

{p. 181}

181. Premier attitude du chassé dans la babet

Et de cette situation vous pliez legerement, & en vous relevant la jambe droite qui est en l’air se raproche de la gauche en faisant un jetté chassé en se laissant tomber sur le pied droit derriere le gauche à la troisiéme, ou cinquiéme position, ce mouvement jetté par le poids du corps qui tombe avec le pied, fait lever le gauche qui se porte de suite à côté, en faisant un pas sur la pointe du pied ; mais à peine est-il posé que le corps se porte dessus, ce qui fait lever le pied droit, & le talon gauche se pose, afin d’estre ferme pour en reprendre un autre, parce que ces pas se font très-legerement, n’estant que des demi mouvemens tant du cou-de-pied que des genoux & de la hanche ; ce pas a deux temps differens, la jambe droite levée en commençant, comme il est démontré par la premiere Figure.

182. Deuxieme attitude du Chassé de la babet

Et en se laissant tomber le pied droit, la jambe gauche se leve & la jambe {p. 182}étenduë, comme vous le voyez par cette seconde Figure, & de la vous portez le pied gauche à la seconde position, ce qui termine ce pas.

Ils se doivent faire de suite & très-legerement, parce qu’il en entre deux dans une mesure à deux tems legers, ces sortes de chassez sont très gais, & donnent beaucoup d’enjouëment à une danse.

Il y en a encore de differentes manieres, mais comme je ne les ai point trouvé dans aucune danse de Ville, c’est ce qui m’oblige de n’en point parler.

{p. 183}

Chapitre XL.
Des Saillies ou Pas échapez des deux pieds. §

Ce Pas m’ayant paru singulier dans son genre, & comme il est placé dans une danse de Ville intitulée la Babette ; je me trouve indispensablement obligé d’en faire la description, en fournissant les moyens de le faire selon les regles.

Il m’a semblé tenir du pas tombé dans sa maniere ; car il faut estre élevé sur les deux pointes des pieds pour le commencer.

Etant élevez sur la pointe des pieds ainsi que je viens de le dire, les pieds à la quatriéme position, le corps également posé ; je suppose que le pied droit soit devant, de-là vous laissez échaper vos deux jambes, comme si les forces vous manquoient, en laissant {p. 184}glisser le pied droit derriere, & le pied gauche revient devant en partant tous deux à la fois, & en tombant les deux genoux pliez, & du même instant vous relever en remettant le pied droit devant, & le pied gauche revient derriere, ce qui vous remet à la même position que vous estiez en commençant ; mais vous estes encore plié, & vous vous relevez du même tems en rejettant le corps sur le pied gauche, & assemblant par ce mouvement sauté, le pied droit auprès du gauche en se posant à la premiere position, puis vous faites un pas du pied gauche ; ce qui s’appelle dégager le pied, & c’est aussi ce qui vous met dans la liberté de faire les pas qui suivent, mais cet enchaînement de pas se fait dans l’étenduë de deux mesures à deux tems legers, j’ay taché de le circonstancier dans toutes ces parties, afin d’en rendre l’execution plus facile.

186. Premiere Figure des saillies ou pas échapée

186. Deuxieme attitude des saillies

186. Troisieme Figure des saillies

{p. 185}

Ce pas se fait encore en tournant, on fait encore de ces échapez de cette maniere, sçavoir ayant les deux pieds à la premiere position, & étant élevé sur la pointe vous pliez en laissant échaper les deux pieds à la fois à la distance de la seconde position en tombant pliez, & en vous relevant raprocher les deux pieds proche l’un de l’autre à la premiere position, & en suite dégager l’un ou l’autre des deux pieds, pour faire tels autres pas que l’on souhaite de faire.

Mais pour donner une intelligence plus facile de comprendre ce pas dans tous ces differens mouvemens ; j’ay mis ces trois figures de suite qui en démontrent tous les tems ; Savoir, la premiere lorsque vous êtes élevé sur la pointe des pieds, comme je viens de le dire, le pied droit devant en laissant échaper les deux jambes à la fois, le pied droit qui étoit devant se trouve derriere, & les genoux pliez de même {p. 186}que le represente cette premiere Figure ; la seconde fait voir le changement au second mouvement, puis que le pied droit revient devant & les genoux sont pliez, comme au premier ; & la troisiéme represente le dernier mouvement qui se termine par un assemblé, ce qui finit l’étenduë de ce pas.

{p. 187}

Chapitre XLI.
Des ouvertures de Jambes. §

L’Ouverture de jambe, est une action, que la jambe fait pour montrer l’agilité qu’il faut avoir en conservant le corps dans son équilibre, pendant qu’on se tient sur l’autre, & aussi pour faire voir que l’on sçait la mouvoir avec grace & liberté, sans que le corps se dérange ; ce qui est encore une des perfections de la danse, de sçavoir agiter les jambes en faisant differens pas, & conserver le haut du corps dans une situation agréable : de plus ce tems se faisant très-lentement, lorsque l’on fait un autre pas qui se fait avec vitesse, cela fait une varieté qui donne à connoître le bon goût que l’on a pour la danse, en gardant beaucoup de gravité dans les pas lents & de legereté dans les vîtes.

{p. 188}

188. Demonstration de l’ouverture de jambe

Ainsi, si vous devez faire l’ouverture de jambe du pied gauche, il faut avoir le corps posé sur le droit à la quatriéme position, pour que la jambe qui est derriere se leve de sa position, & marche lentement en passant près de la droite, & se croisant devant en forme de demi cercle qui se finit à côté ; & cette jambe reste en l’air pour faire tel pas que votre danse le demande ; mais afin de vous en donner la démonstration dans toutes ses circonstances, je dis que lorsque la jambe gauche vient pour se croiser devant qu’elle s’étende en s’aprochant, & lorsqu’elle se croise, son genou se plie, & qu’il s’étend en terminant le demi cercle : ainsi qu’il est exprimé par cette Figure où sont écrits ces mots, demi cercle que la jambe fait.

J’ai déja dit dans plusieurs endroits que lorsque l’on fait un pas d’un pied, on doit s’exercer à faire d’une jambe, ce que l’on fait de l’autre, ce qui {p. 189}fait & rend le Danseur parfait, & lui donne la facilité d’aprendre plus vîte, & de plus c’est que par cet exercice égal, le corps se porte avec liberté sans paroître gêné dans tous les divers mouvemens que la danse demande, sur-tout avec cette grace, & justesse que cet Art seul est capable de procurer.

{p. 190}

Chapitre XLII.
Des Battemens de differentes façons. §

Les Battemens sont encore des mouvemens en l’air que l’on fait d’une jambe pendant que le corps est posé sur l’autre, & qui rendent la danse très-brillante, sur-tout lorsqu’ils font faits avec liberté, & comme ont en fait de plusieurs manieres, & qu’ils sont mêlez dans quelques danses de Ville, je vais donner la maniere de les faire avec facilité.

Il faut sçavoir d’abord que c’est la hanche, & le genou qui forme & dispose ce mouvement, la hanche conduit la cuise pour s’écarter ou s’approcher, & le genou par sa flection forme le battement en se croisant, soit devant, soit derriere l’autre jambe qui porte.

{p. 191}

Je suppose donc que vous soyez sur le pied gauche, la jambe droite en l’air & bien étenduë, il faut la croiser devant la gauche en aprochant la cuise & en pliant le genou, & l’étendre en l’ouvrant à côté du même tems son genou se plie, en la croisant derriere, puis l’étendre à côté & continuer d’en faire plusieurs de suite, tant d’une jambe que de l’autre ; ce qui les délie & les met dans l’habitude de les faire vîte, en observant à chacun de ces battemens d’étendre le genou après que vous l’avez plié.

Ils sont necessaires dans la danse en ce qu’on les mêle avec d’autres pas : ce qui differentie, & rend la danse enjouée.

On les prend quelquefois en sautant, dont on en voit un exemple dans l’Allemande au troisiéme couplet ; ce pas commence par une espece de contre-tems en sautant sur une jambe, & de suite la jambe qui est en l’air fait {p. 192}deux battemens, l’un devant, & l’autre derriere, & se porte à la quatriéme position derriere, & poser le corps dessus pour en faire autant de l’autre jambe ; on doit en faisant ce pas effacer le corps du même côte que vous faites les batemens ; c’est-à-dire, que si c’est de la jambe droite que vous faites les battemens, ce doit estre l’épaule droite que vous retirez en arriere.

Il se rencontre quelquefois des battemens simples qui se mêlent dans d’autres pas : par exemple, vous faites un coupé en avant du pied gauche, & la jambe droite qui est derriere vient faire un battement, en frapant la jambe gauche, & en se reportant du même tems en arriere à la quatriéme position ; mais ce battement se fait les jambes tenduës, parce qu’aux demi-coupez que vous faites en avant, l’on doit être élevé sur la pointe & les jambes étenduës, & c’est dans ce même {p. 193}tems que vous faites ce battement, & la jambe droite se portant en arriere, le talon gauche se pose à terre ; ce qui donne la liberté au pied droit de se porter à la quatriéme position : ainsi que je l’ai déja dit dans le Chapitre des Coupez.

On fait encore d’autres battemens qui se font differemment des autres ; ce n’est que des hanches que ces battemens se forment, comme dans les Entre-chats, Cabrioles & autres pas qui sont reservez pour le Ballet ; ce qui m’engageroit dans une trop longue description : c’est pourquoi je finis cette premiere Partie pour passer à la deuxiéme, qui enseigne la maniere de conduire ses bras à chaque differens pas.

{p. 194}

Le maître a danser.
Seconde partie. §

Chapitre I.
Discours sur les Bras & sur l’utilité de les sçavoir conduire avec grace. §

Rien n’est plus avantageux à ceux qui ont de l’inclination pour la danse, & de la disposition pour l’executer, que de s’attacher à bien conduire leurs bras : c’est pourquoi ils doivent lire avec beaucoup d’attention les regles que je vais leur prescrire, d’autant qu’ils comprendront {p. 195}plus facilement les leçons de leurs Maîtres & avanceront davantage.

Il est vrai, que le bon Maître sçait les placer à propos selon la construction de l’Ecolier, comme de les faire porter plus haut, si le sujet a la taille courte, & s’il a la taille longue ils doivent estre à la hauteur des hanches ; mais s’il est proportionné, il les tiendra à la hauteur du creux de l’estomac ; Remarque que j’ai sçû d’un des plus habiles de nos jours.

Et de plus chacun sçait que Monsieur de Beauchamp a été un des premiers qui les a mis au jour ; & qu’il en donnoit les regles, & c’est-là ce qui a fait naître le desir à tant de personnes de l’un & de l’autre sexe de s’y exercer, pour y augmenter tous les agrémens qu’ils ont aujourd’hui, & qu’ils n’auroient pas si tous ces excellens sujets n’y eussent donné leurs soins & leurs attentions.

{p. 196}

Pour moi, je dirai seulement que je regarde les bras qui accompagnent bien le corps en dansant comme la bordure fait à un Tableau : car si elle n’est faite de façon qu’elle puisse convenir au Tableau, quelque beau qu’il soit, il n’est pas si parent : ainsi quelque bien qu’un Danseur fasse les pas, s’il n’a point les bras doux & gracieux, sa danse ne paroîtra pas animée, & par consequent fera le même effet que le Tableau hors de sa bordure : quelque-uns m’allegueront que c’est un don particulier, je l’avoüe ; mais néanmoins j’espere que je ne laisserai pas de donner des moyens pour les acquerir par une ample & distincte démonstration que j’en ferai dans cette Partie, & qui ne doit pas moins contribuer à l’avancement de la jeunesse, qu’au soulagement des Maîtres ce qui est tout ce que je me suis proposé dans mon Livre.

{p. 197}

Chapitre II.
De la position des Bras & de l’élevation qu’ils doivent avoir. §

197. Elevation des bras pour Dancer

Comme l’ornement du corps en dansant, ainsi que je viens de le dire, dépend de bien faire les bras, on ne peut donc prendre trop de précaution de les sçavoir bien poser d’abord, afin qu’ils puissent se mouvoir dans toute la liberté necessaire ; c’est pourquoi je suppose dans l’élevation que je represente par cette Figure, qu’une personne soit bien proportionnée : ainsi il m’a paru suivant les regles, qu’il faut les élever à la hauteur du creux de l’estomac, comme je le démontre par cette Figure : elle est representée de face pour que l’on puisse distinguer toutes les parties dans leur juste égalité, elle a la tête droite, le corps posé sur les deux jambes, {p. 198}les pieds à la deuxiéme position ; ce qui est relatif avec les bras, en ce que les jambes étant ouvertes, & les deux pieds sur une même ligne, les bras doivent estre ouverts & élevez également ; car s’ils étoient plus hauts, ils tiendroient du crucifix, outre qu’ils seroient plus portez à la roideur, & n’auroient pas la même douceur ; néanmoins comme nulle regle n’est pas sans exception, & que l’on est obligé d’aider ou de cacher les défauts de la nature, c’est dans cette occasion que les Maîtres doivent gouverner leurs Ecoliers : par exemple, si une personne a la taille courte il faut de necessité lui faire lever les bras un peu plus haut, afin de lui dégager la taille, ce qui par consequent lui donne plus d’agrément ; de même que si la taille est longue, il faut ne les faire lever qu’à la hauteur des hanches, ce qui diminue en quelque façon cette disproportion, & donne tout l’agrément que l’on n’auroit {p. 199}pas sans ces sortes d’attentions ; Je lui ai aussi répresenté les mains ni ouvertes ni fermées, pour que les mouvemens du poignet & du coude se fassent avec toute la douceur & la liberté qu’il faut observer dans leurs mouvemens : au lieu que si le pouce se joignoit à un des doigts, cela causeroit un retardement dans les autres jointures qui leur ôteroit cette facilité.

Je ne me suis pas entêté sur l’attitude que j’ai donné à mes Figures dans l’élevation de leurs bras ; j’ai voulu consulter ce qu’il y a de plus habile, non-seulement dans la danse ; mais même dans le dessein, & qui ont trouvé que je les avois dessinées selon les regles, pour pouvoir accompagner le corps, & se mouvoir avec facilité dans les differens pas où il faut observer le contraste, ce qui fait l’ornement de la danse.

{p. 200}

Chapitre III.
Des differens mouvemens des bras. §

On compte dans les bras trois mouvemens de même que dans les jambes, & qui sont rélatifs l’un à l’autre : Sçavoir, celui du poignet, celui du coude, & celui de l’épaule ; mais il faut qu’ils s’accordent avec ceux des jambes, en ce que, si vous faites des demi-coupez en des tems & ouvertures de jambes, & autres pas qui se prennent plus du cou-de-pied que du genou, ce sont les poignets qui agissent, au lieu que si ce sont des pas fort pliez, comme pas de Bourée, tems de Courante, pas de Sissonne, Contretems & autres pas qui demandent du contraste ou de l’opposition, pour lors c’est le coude qui agit, ou du moins qui est le plus apparent ; parce que l’on ne doit pas plier le coude, sans {p. 201}que son mouvement soit accompagné de celui du poignet : ainsi du cou-de-pied & du genou, qui ne peut finir son mouvement sans que l’on soit élevé sur la pointe du pied, qui par consequent est le cou-de-pied qui l’acheve.

Quant au mouvement de l’épaule, il n’est apparent que dans les pas tombez où il semble par la pente que le corps fait, que les forces vous manquent : aussi l’épaule par son mouvement fait comme si les bras tomboient ; ce qui sera ci-après expliqué dans la maniere de faire les bras à chaque pas.

Ces mouvemens d’épaule se manifestent encore dans les oppositions, en ce que les bras étant étendus, l’épaule s’efface en arriere : par exemple, si vous passez à côté de quelqu’un vous effacez l’épaule.

Mais pour en donner une facile intelligence, je vais expliquer dans {p. 202}les Chapitres suivans, la maniere de prendre les mouvemens des poignets separément de ceux des coudes, afin que l’on en connoisse la difference, & que l’on puisse parvenir à cette précision de grace que la danse demande.

{p. 203}

Chapitre IV.
De la maniere de prendre des mouvemens du poignet. §

Quoi que les mouvemens des poignets ne semblent pas difficiles, ils meritent pourtant que l’on y fasse attention : en ce qu’ils se prennent dans les extremitez des bras ; & c’est de ces mêmes extremitez qu’il sort des graces infinies, quand les bras sont conduits avec douceur, & en suivant les regles que je vais décrire ; c’est pourquoi je donnerai des Figures dans tous les endroits necessaires : afin que l’on puisse s’instruire plus facilement.

203. Premiere Representation des bras pour le mouvement des Poignets

[Légende intérieure] 3 de haut en bas [+ de part et d’autre] Rond du poignet

4 de bas en haut [+ de part et d’autre] Rond du poignet

2 la main en desous

1 la main en haut

Ce qui se voit par cette premiere démonstrative 1. qui represente la main en haut, & par 2. la main en {p. 204}dessous, c’est ce qui fait le contraire de l’un à l’autre.

Mais comme le mouvement du poignet se prend de deux manieres ; Sçavoir, de haut en bas & de bas en haut, ainsi lorsque vous le voulez prendre de haut en bas, il faut laisser plier le poignet en dedans faisant un rond de la main, qui de ce même mouvement se remet dans la premiere situation qu’elle étoit, comme il est démontré 3. par ces mots rond du poignet, qui en expriment la forme ; ce qui est conforme à la premiere representation des bras, 1. mais il faut prendre garde de ne point trop plier le poignet, car il paroîtroit cassé.

Quant au second mouvement qui se prend de bas en haut, la main étant en dessous, comme il est répresenté par 2. il faut laisser plier le poignet, 4. puis laisser retourner la main en haut faisant un demi-tour, comme vous le {p. 205}tracent ces mots rond du poignet, & par ce mouvement la main se trouve à la premiere representation des bras de même qu’à cette derniere. 1.

{p. 206}

Chapitre V.
Du mouvement du Coude & de l’Epaule. §

Le coude, comme le poignet a son mouvement de haut en bas & de bas en haut ; avec cette difference, que lorsque vous pliez les coudes, les poignets les accompagnent ; ce qui empêche que les bras ne soient roides, & leur donnent beaucoup de grace ; néanmoins il ne faut pas tant plier le poignet, parce qu’il paroîtroit outré, & il en est de même des jambes, quand vous pliez le genou, c’est le cou-de-pied qui acheve le mouvement en relevant le pas, & ainsi du coude avec le poignet.

Mais comme ces mouvemens demandent un éclaircissement net, & que les Figures démonstratives dont je me suis servi dans tout le {p. 207}cours de ce Livre m’ont paru aussi necessaires que le discours ; c’est ce qui m’oblige de repeter cette seconde répresentation des bras, afin de ne rien omettre pour faire tous ces mouvements à propos.

208. Representation des mouvements des poignets Coudes et de l’épaule

[Légende intérieure] 5 de haut en bas [+ à gauche] Rond du poignet Rond du coude [+ à droite] Rond du coude Rond du poignet

6 plie des bras

8 [+ à gauche deux fois] de bas en haut [+ à droite deux fois] de bas en haut

Comment les bras doivent Rester [+ à gauche] Relevé tombé [+ à droite] tombé Relevé

Ainsi pour les mouvoir de haut en bas, les bras étant placez comme ils sont representez 5. il faut plier le coude & le poignet, de même que ces mots rond du Coude, rond du Poignet, vous le marquent ; & lorsque les bras sont pliez 6. vous achevez de l’étendre 7. & les bras se remettent dans la même situation qu’ils étoient, 5. Comme aussi lorsque vous prenez un mouvement des poignets ils doivent se plier & s’étendre de même que lorsqu’ils se plient avec les coudes.

Quant au second mouvement qui se prend de bas en haut, les mains se trouvant en dessous : de même que le represente 8. il faut plier les poignets {p. 208}& les coudes, en faisant seulement un cercle, tel que vous le tracent ces mots de bas en haut, à chacun en particulier : afin de faire comprendre que les deux bras se doivent plier également l’un comme l’autre, & qu’ils reviennent dans la même attitude que le represente, 5.

Ce dernier mouvement de bas en haut, n’est pas moins necessaire que le premier ; parce qu’il y a des pas ausquels il faut les prendre de bas en haut ; de plus pour les oppositions, ordinairement le bras qui est étendu se tourne en dessous, & il se plie en s’opposant au pied contraire ; ce qui est expliqué plus au long dans le Chapitre suivant.

A l’égard du mouvement de l’épaule, comme ils ne sont gueres distinguez que dans les pas tombez ; lorsque vos bras sont étendus 9. il faut les laisser baisser un peu plus bas que les hanches, sans plier les coudes, ni les {p. 209}poignets de même qu’il est exprimé par ces mots tombé & relevé, ce qui est à chacun des bras, & lorsqu’ils ont baissé ils se remettent à la hauteur d’où ils sont baissez, ce qui ne se fait que par le mouvement de l’épaule.

{p. 210}

Chapitre VI.
De l’opposition des bras aux pieds. §

De tous les mouvemens qui se font en dansant, c’est l’opposition ou contraste du bras au pied qui nous est la plus naturelle, & à laquelle on fait le moins d’attention.

Par exemple, regarder marcher differentes personnes ? vous verrez que lorsqu’ils portent le pied droit en avant, ce sera le bras gauche qui s’opposera naturellement ; ce qui me paroît estre une regle certaine.

C’est sur cette même regle que les habiles Danseurs ont conduit leurs bras, l’opposition du bras au pied, qui est, que lorsque vous avez le pied droit devant, c’est le bras gauche qui doit être opposé pendant l’étenduë de ce pas, je dis l’étenduë du pas, parce {p. 211}que pour le tems de Courante en avant, qui n’a qu’un pas, si c’est du pied droit, le bras gauche s’oppose de même que le pas de Bourée ou Fleuret en avant, quoiqu’il soit composé de trois pas, il n’oblige pas à faire trois changemens de bras, il suffit de l’opposer au premier pas.

Mais comme cette opposition demande une démonstration, pour la rendre plus sensible ; c’est pourquoi j’ai tracé cette figure à qui j’ai donné l’attitude convenable.

Elle a le corps droit, la tête tournée du côté du bras opposé, qui est le droit, & qui est plié devant vous, mais la main à la hauteur de l’épaule & même devant ; le bras gauche étendu à côté & même un peu en arriere, mais élevé à la hauteur du creux de l’estomac ; elle est posée sur le pied gauche, le talon du pied droit levé & prêt à partir.

Mais lorsque vous voulez changer {p. 212}d’opposition, remarquez que vos deux bras agissent ensemble, & font chacun un mouvement contraire, en ce que le bras qui est étendu, se tourne en dessous 3. & celui qui est opposé 2. fait un demi cercle comme ces mots Rond du coude de haut en bas, ce qui se doit faire dans le même tems de l’un avec l’autre, pour se trouver également en dessous, comme il est démontré par 4.

212. Demonstration du changement de l’oposition

[Légende intérieure] [à gauche] 2 Rond du coude de haut en bas [à droite] 3

[à gauche] 4 [à droite] 5 Rond du coude de bas en haut

[à gauche] 6 [à droite] 7

Etant donc tous les deux en dessous le bras gauche, retourné de bas en haut 5. de la même maniere que le tracent ces mots Rond du coude de bas en haut, & le droit du même tems ne fait que retourner la main en dessus ; ce qui se fait par un petit rond du poignet de bas en haut, ce qui termine le changement d’opposition, comme vous le represente 6. & 7. quoique j’ai fait remarquer que ces mouvemens se doivent faire ensemble, je repete une seconde fois, que ces mouvemens {p. 213}se doivent prendre avec beaucoup de douceur & de suite, pour en rendre l’execution plus facile, & je conseillerois de vous presenter devant un miroir, & là d’y conduire vos bras de la maniere que je viens de vous le montrer, pour le peu de discernement & de goût que vous ayez, la glace vous fera d’abord appercevoir des fautes que vous y ferés, & par consequent vous vous en corrigerez.

Ce sont tous les moyens les plus faciles & les plus courts, que je puisse vous fournir pour faire les mouvemens des bras avec la grace & la précision que cet Art le demande.

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Chapitre VII.
De la maniere de faire les bras avec les tems de Courante, & les demi coupez en arriere. §

Après que l’on s’est mis dans l’habitude de se mouvoir les bras avec tous les agrémens qu’ils doivent avoir ; si l’on veut acquerir la facilité de les faire avec les pas, on n’en peut point choisir de plus aisez que les tems de Courante, ou Pas grave qui est très-lent dans la maniere de le faire : outre que l’on s’accoutumera aussi d’accorder les mouvemens des bras avec les jambes ; c’est pourquoi j’ai mis ces quatre Figures de suite qui expriment les differentes attitudes dans lesquelles les bras & les jambes doivent se mettre.

Premierement, vous devez vous ressouvenir de la maniere dont se fait le {p. 215}tems de Courante, qui est de plier & de vous relever avant de passer le pied devant.

215. Figure preste à faire le tems de Courante

[Légende intérieure] 6 Rond du poignet 5 5 Rond du coude de haut en bas 7 3

Cette premiere Figure a le corps posé sur le pied droit à la 4e. position 1. le talon du pied gauche levé 3. n’y ayant que la pointe du pied qui touche à terre, & par consequent prête à marcher, le bras gauche 4. opposé au pied droit, & le bras droit 5. étendu à côté, la main en dehors 6. & l’écriture qui fait le demi cercle 7. est pour vous marquer le chemin que le bras doit faire.

Pour commencer ce tems, il faut approcher le pied gauche du droit ; & en l’approchant, laissez tourner votre coude ainsi qu’il est representé par ces mots : Rond du coude du haut en bas, qui forment le demi cercle ; & vous tracent le tour que le bras doit faire de haut en bas, comme ces autres mots : Rond du poignet, vous marquent le mouvement du poignet droit.

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216. Deuxieme figure du tems de Courante

Cette 2e. Figure marque jusqu’à quel point vous devez plier. Elle est posée sur le pied droit 2. le pied gauche en l’air 3. les deux talons l’un près de l’autre, les bras en dessous 4. à la même hauteur : afin que vous fassiez tous ces mouvemens avec facilité, il faut faire attention à toutes ces differentes Figures en observant leurs situations ; ce qui vous conduira à la vraye intelligence de sçavoir le pas avec les bras.

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217. Figure du mouvement du cou du pied

La 3e. Figure represente comme vous devez vous relever après que vous avez plié, (ce que l’on peut dire être dans l’équilibre) le corps est sur la pointe du pied droit 3. la jambe gauche étenduë comme la droite, mais son pied en l’air 4. les mains tournées en dehors 5.

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218. Naissance de l’oposition

La 4e. enfin est pour l’opposition contraire au pied gauche qui passe devant, & à mesure que vous le glissez à la quatriéme position, votre bras droit doit former son contraste ; ce qui termine le pas & la conduite des bras dans l’étenduë de ce pas.

Mais comme on ne peut trop avoir d’attention, pour bien conduire ses bras en dansant, & que tout dépend du commencement, je vous prie de faire attention à cette Figure, elle a le bras droit 6. opposé au pied gauche 7. qui se trouve devant, & le bras gauche 8. étendu & retiré en arriere de même que l’épaule se rend l’opposition juste dans toute la regularité de l’Art.

Quoique je vous aye donné une démonstration particuliere de ces quatre Figures differentes, c’est pour vous en donner une claire intelligence, & vous en faire connoître tous les differens tems : afin que vous puissiez les {p. 219}mettre en pratique avec facilité, mais comme toutes ces quatre Figures ne sont que pour l’intelligence d’un seul pas, elles se doivent faire de suite dans l’étenduë de ce pas ; mais comme on doit sçavoir faire un pas d’un pied comme de l’autre, je vous conseillerois de vous mettre au bas de la salle.

{p. 220}

Afin qu’étant expliqué si distinctement vous puissiez les faire de suite ; ce qui se doit entendre aussi d’un pied comme de l’autre, & en continuer plusieurs jusqu’à ce que vous soyez au haut ; puis il faut revenir en arriere, observant qu’après avoir fini votre dernier tems, vous posiez le pied qui est derriere à terre & le corps dessus : afin de faire des demi-coupez en arriere qui se prenent de la maniere suivante.

Supposé que votre dernier tems soit du pied droit ; c’est le bras gauche qui se trouve opposé devant : ainsi vous pliez sur votre pied gauche, (comme il est dit dans la maniere de faire les demi coupez,) & à mesure que vous prenez votre plié, le bras qui étoit opposé fait son demi-cercle de haut en bas, & celui qui étoit étendu retourne de bas en haut : ce qui fait votre opposition.

Vous devez aussi remarquer que {p. 221}lorsque vous allez en arriere, c’est le même bras, & le même pied qui agissent ; parce que cela forme toûjours l’opposition : par exemple, si c’est le pied droit qui fait le demi-coupé, c’est aussi le bras droit qui vient devant de bas en haut.

Il se forme plusieurs tems differens des tems de courantes : vous avez même des pas graves qui se forment en allant de côté ; mais comme ces tems sont ouverts, en ce qu’ils se prennent ordinairement de la 3e. position à la 2e. qui est une position ouverte, & qui par consequent ne demande pas d’opposition ; les bras étant ouverts dans ce pas il faut faire un mouvement leger des deux, & aussi des poignets de bas en haut : par exemple, vos deux bras ouverts, & les mains tournées de même qu’ils sont representez dans la premiere Figure cy-devant, il faut en pliant que vous laissiez tourner vos bras en dessous, & en vous relevant {p. 222}& finissant votre pas, faire un petit mouvement des coudes & des poignets de bas en haut ; ce qui remet vos bras dans leur premiere situation.

{p. 223}

Chapitre VIII.
De la maniere de faire les bras avec les pas de Bourrée, ou Fleurets. §

Après avoir fait mes efforts pour vous donner une intelligence claire sur les differens mouvemens des bras, & sur la maniere de les conduire suivant les regles tant du poignet, du coude que de l’épaule, vous ayant fait sentir en même tems l’opposition ou le contraste du pied au bras, il ne me reste plus que de vous conduire dans la maniere de les conformer à chaque pas, en vous instruisant seulement des oppositions ou contraste que vous y devez observer, sans néanmoins vous repeter de quelle maniere ils se doivent faire, vous en ayant ce me semble assez parlé ; c’est pourquoi je vais commencer par {p. 224}les pas de Bourrée en avant.

Je dirai donc, que si vous faites un pas de Bourrée en avant du pied droit, votre changement de bras se doit faire de cette sorte ; c’est que le bras droit qui est opposé au pied gauche, doit s’étendre dans le tems que vous prenez votre plié, & le bras gauche se tourne en dessous du même tems pour se plier devant vous, lorsque le pied droit se passe devant pour s’élever le corps dessus : ce qui fait l’opposition du bras gauche au pied droit. Quant aux deux pas qui sont de suite, & qui font la construction de votre pas de Bourrée, il ne faut pas changer vos bras, en ce qu’il n’y a qu’une opposition dans ce pas.

Pour ceux qui se font en arriere, c’est la même regle qu’aux demi-coupez, c’est-à-dire, si vous faites votre pas de Bourrée du pied droit, en prenant votre demi coupé du même pied en arriere, c’est le bras droit qui {p. 225}se doit plier, en ce que l’on ne regarde l’opposition que de devant : ainsi regle generale, lorsque l’on fait un pas en arriere d’un pied ; c’est aussi le bras du même côté qui s’oppose.

A l’égard du pas de Bourrée dessus & dessous, si vous le prenez du droit en allant à la gauche, en croisant votre pied droit, c’est le bras gauche qui s’oppose, & le droit qui s’étend ; mais au second pas de votre pas de Bourrée qui est du pied gauche, & que vous portez, à côté à la 2e. position, dans le même tems le bras gauche s’ouvre ; & lorsque vous tirez le pied gauche derriere à la 3e. & qui fait le troisiéme pas de votre pas de Bourrée, le bras droit se plie en formant l’opposition au pied gauche qui se trouve devant : ce qui produit deux oppositions dans ce pas, mais quelquefois on ne la fait pas à cause de l’enchaînement d’un autre pas qui suit, & qui en change sa regle ; parce qu’il peut arriver que vous {p. 226}soyez obligé de plier les deux bras, pour faire ce pas suivant, alors c’est l’affaire du Maître de vous conduire.

Il s’en fait en tournant où l’on doit observer les mêmes regles cy-devant prescrites.

Quant au pas de Bourrée emboëté, il faut deux oppositions de necessité, sçavoir, une en commençant à faire votre demi-coupé, & l’autre au dernier pas que vous faites : par exemple, vous commencez votre pas du pied droit, & vous le portez comme il est dit, dans la maniere de le faire à la 4e. position derriere : ce qui vous oblige de plier le bras droit pour faire l’opposition au gauche qui est devant. Mais à peine estes vous élevé sur le pied droit, que la jambe gauche se porte derriere la droite à la 3e. position, en restant un peu de tems sur les deux pointes des pieds, les jambes tenduës emboetées, sans changer vos bras, & lorsque vous glissez le pied {p. 227}droit devant, qui est le dernier pas de votre pas de Bourrée, le bras droit s’étend en arriere en effaçant l’épaule, & le bras gauche se plie devant ; en faisant son contraste au pied droit.

Il y a une autre espece de pas de Bourrée, qui se fait en place & en presence ; mais comme ce pas est ouvert d’abord, les bras imitent les pas : par exemple, vous prenez votre demi-coupé du pied droit à côté à la 2e. position, & comme vos deux bras sont ouverts, vous pliez les deux poignets en faisant un rond entier de haut en bas, je dis un rond entier, parce que les mains retournent en haut comme elles étoient ; mais au second pas que vous portez à côté, comme il est dit dans la maniere de le faire, en tirant l’autre pied derriere qui fait le troisiéme pas, vous pliez le même bras du pied que vous tirez derriere ; ce qui fait le contraste au pied qui se trouve devant.

{p. 228}

La maniere de faire les bras à ce pas est differente des autres ; parce que vous opposez le bras au pied en commençant, & à celui-ci vous ne l’opposez qu’à son dernier pas.

Il s’en fait encore d’une autre sorte de côté, en effaçant l’épaule, dont il y en a deux dans le premier couplet de l’Aimable Vainqueur, dans la Bretagne, dans la Nouvelle Forlanne, & dans plusieurs autres, & dont l’opposition ne se fait qu’à la fin du pas : par exemple, vous avez le pied gauche devant, & le bras droit opposé ; vous faites votre demi-coupé en pliant sur le pied gauche, & vous vous élevez sur le droit qui dans le même tems le bras s’étendant, vous donne la facilité d’effacer le corps, ou de vous tourner un peu de côté, & le pied gauche s’étant porté derriere, vous restez sur la pointe des deux ; ensuite vous laissez glisser le droit devant à la 4e. position, le bras gauche se plie du même {p. 229}tems, & s’avance aussi devant qui fait l’opposition au bras droit.

Il y en a d’autres aussi que l’on appelle pas de Bourrée vîtes, ou à deux mouvemens ; ce pas se fait en avant & de côté : quant aux bras, il n’y a qu’une opposition ; en ce que si vous le prenez du pied droit, c’est le bras gauche qui se plie en devant, & lorsque vous faites le dernier pas de ce même pas qui est un demi-jetté, le bras gauche s’étend : ainsi les deux bras sont ouverts.

Mais quand vous le faites de côté, il est un peu different, en ce que si vous faites vôtre demi-coupé du pied droit en le croisant devant le gauche, c’est le bras gauche qui vient s’opposer, & s’étend tout aussi-tôt à ce second pas & au troisiéme, lorsque vous tirez le pied droit derriere, en vous jettant sur le gauche pour son quatriéme pas (ce qui fait une espece de pas tombé :) dans ce tems, les deux bras {p. 230}qui sont étendus se baissent un peu & se relevent ; ce qui finit l’action que les bras doivent observer dans tout le cours du pas.

{p. 231}

Chapitre IX.
De la maniere de faire les bras avec les Coupez de differentes façons. §

Comme il se fait des Coupez de plusieurs façons selon l’enchaînement des pas dont la danse est composée, je vais vous en décrire de plusieurs sortes, afin que vous soyez instruit des uns & des autres, & je commencerai par ceux qui se font en avant.

Coupé en avant.Lorsque vous voulez faire un Coupé, supposé que vous le preniez du pied droit en avant, par consequent vous devez avoir le pied gauche devant & le bras droit opposé ; c’est pourquoi en pliant votre demi-coupé, vous étendez ce bras en lui faisant prendre son contour de bas en haut, & sans plier le gauche ; mais lorsque vous glissez le pied gauche devant qui fait la seconde {p. 232}partie de votre coupé, ce bras droit se plie en devant ; ce qui fait la juste opposition du bras au pied.

Coupé sans poser le corps.Il y en a d’autres où l’on ne fait que porter la pointe du pied à côté sans poser le corps dessus : pour lors ayant étendu un bras à votre demi-coupé, vous laissez les deux ouverts comme ils sont representez par la premiere Figure ci-devant, qui démontre la hauteur où les bras doivent être ; d’autant que lorsque vous êtes placé à la 2e position, il n’y a pas d’opposition, à moins que vous n’ayez un pas en tournant à faire après ; ce qui est très-rare, en ce que c’est de la premiere ou 4e. position que l’on doit tourner.

Autre coupé en avant avec une ouverture de jambe.D’autres se terminent par une ouverture de jambe où vous devez observer la même chose au demi-coupé, qui est d’étendre le même bras du pied que vous faites le demi-coupé, sans néanmoins que ni l’un ni l’autre {p. 233}bras fasse aucun mouvement pendant l’ouverture de jambe.

Autre coupé en avant pour vous disposer à tourner.D’autres que vous prenez en avant ; c’est qu’ayant étendu le bras en prenant votre demi-coupé, vous le passez avec le même pied, si vous devez tourner ; parce que ce doit être ce bras qui vous serve de guide ou de balancier pour vous faire tourner : c’est pourquoi, regle generale, si vous avez à tourner du côté droit, il faut que le bras droit se plie, parce qu’après il s’étend & donne par son mouvement la facilité au corps de se tourner : ainsi de même quand vous tournez du côté gauche.

Coupé en arriere.Le coupé en arriere est different en ce qu’il faut faire deux oppositions ; Sçavoir, une en pliant votre demi-coupé, supposé que vous le fassiez du pied droit, c’est le bras droit aussi qui s’oppose, & se remet dans le même tems : l’autre opposition est que le pied gauche, se passant derriere le bras gauche {p. 234}revient aussi devant ; ce qui fait l’opposé au pied qui est devant.

Pour ceux qui se font de côté, si vous les commencez du pied droit vous pouvez faire une opposition du bras gauche, en faisant votre demi-coupé, & l’étendre dans le même tems au second pas ; parce qu’il est ouvert : c’est pourquoi il ne faut pas de contraste.

Pour moi je trouve que l’on peut faire un mouvement des deux poignets, en faisant ce coupé, cela même m’a parû moins embarrassant.

Coupé battu derriere.Il y en a qui se font devant & se finissent derriere, dont la maniere est singuliere en ce que, si vous faites un demi-coupé en avant du pied droit, en vous relevant la jambe gauche s’approche de la droite, faisant un battement derriere ; & se remet à la même place qu’elle étoit avant à la quatriéme position derriere, ce qui fait le coupé entier dans ce pas en prenant {p. 235}votre demi-coupé en avant du pied droit, c’est le bras gauche qui s’oppose à la jambe droite, & pour le mieux distinguer, l’épaule droite s’efface, son bras fort étendu en arriere ; ce qui dégage le corps, & lui donne de l’agrément ; pour ceux qui se font en avant & qui sont battus au second pas, on ne doit faire aucun mouvement de bras dans le tems que vous formez vos battemens ; parce que ce pas n’est que pour faire voir la liberté de jambe que vous possedez, sans tourmenter le haut du corps ; ce qui le dérangeroit de la grace qu’il doit toûjours conserver.

{p. 236}

Chapitre X.
De la maniere de faire les bras avec les Coupez de mouvemens. §

J’ai separé le coupé de mouvement des autres coupez, pour ne le pas confondre, & pour faire sentir toute la grace qu’il faut lui donner, ce pas se fait en avant & de côté.

Mais comme je veux suivre dans tout ce plan, ce que je me suis proposé, qui est de commencer toûjours par le plus aisé, pour vous donner aussi plus de facilité, je vais commencer par ceux qui se font en avant.

C’est pourquoi, lorsque vous prenez votre premier pas qui est un demi-coupé fort soûtenu dans ce même tems, vous laissez tourner vos deux bras un peu en dessous, & vous faites un demi mouvement des poignets, & des coudes en commençant de bas en haut : {p. 237}ce qui doit être accompagné aussi d’une petite inclination du corps & de la tête imperceptible & sans paroître affectée ; mais lorsque vous prenez votre second mouvement qui est le jetté échapé, en commençant votre plié, vos bras s’étendent, & dans le même moment ils prennent un petit mouvement de l’épaule, en se baisant & en se relevant, le corps se redresse de même que la tête qui doit se retirer en arriere ; ce qui lui donne un port majestueux, & fait une liaison parfaite de tous les mouvemens, tant des jambes & des bras que de la tête & du corps.

Quant à ceux que l’on fait de côté, quoique les mouvemens des bras se prennent à peu près de même, il y a cependant quelques petites observations à faire, qui sont un peu differentes ; Sçavoir, lorsque vous prenez votre demi-coupé (soit du pied droit) comme il se croise devant le gauche {p. 238}à la 5e. position, cela vous oblige pour vous assujetir en quelque façon à la regle de l’opposition, d’effacer un peu l’épaule droite, & de laisser venir un peu aussi la gauche en devant qui par consequent fait cette sorte d’opposé au pied droit, sans néanmoins vous distraire de faire ces mouvemens de bras de bas en haut ; mais les laisser un peu baissés en prenant votre second mouvement, & les relever en le finissant, comme aussi de faire une demie inclination du corps, & un petit baissement de tête, en observant pourtant que si c’est du côté droit que vous alliez, la tête doit aussi s’y tourner à demi.

Toutes ces observations misent en usage, font un effet merveilleux dans la danse, & lui donnent la vivacité & le bon goût qu’elle n’auroit pas sans ces agrémens.

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Chapitre XI.
De la maniere de faire les bras avec les pas Tombez & les pas de Gaillarde. §

Comme dans ma premiere Partie j’ai fait une démonstration du pas tombé & du pas de Gaillarde qui étant un pas composé, en ce qu’il renferme dans son étenduë plusieurs autres pas, & plusieurs mouvemens me donnent lieu aussi que je vous explique la maniere de faire les bras convenables à ces differens pas.

Par exemple, si c’est un pas tombé simple, tel que je l’ai deja dit dans la maniere de le faire, il faut que vous le commenciez par vous élever sur la pointe des pieds, les bras étant à la hauteur que le represente la Figure qui est au commencement de cette deuxiéme Partie : ainsi lorsque {p. 240}votre pied se tire derriere en tombant, les bras quoique étendus se baissent ; ce qui se fait par le mouvement de l’épaule qui se d’étend, en laissant baisser les bras & les relever dans le moment : vous voyez par là, la conformité des jambes avec les bras ; puisque dans le tems que vous tirez votre pied derriere, & que les genoux se plient, comme si les forces vous manquoient (ce qui fait votre pas tombé) les bras se baissent aussi & se relevent, lorsque vous faites votre second pas qui termine votre pas tombé, qui est un demi jetté : ainsi pour ce pas, les bras ne font que se baisser & se relever, ce qui est le mouvement de l’épaule, puisque ce n’est que par cette jointure que les bras s’émouvent.

A l’égard des pas de Gaillarde, il faut les prendre differemment, en ce qu’ils se commencent par un assemblé ; c’est pourquoi les bras se tournent en dessous avant que vous pliez, lorsque {p. 241}vous assemblé les bras & les poignets se plient à demi en les prenant de bas en haut : mais lorsque vous faites votre second pas que vous portez à côté à la deuxiéme position, vos bras en retournant de haut en bas, s’étendent dans leur premiere situation : aussi lorsque vous vous élevez sur le pied que vous avez porté à côté pour tirer ensuite l’autre derriere, les bras font le même mouvement que je viens de dire au pas tombé, qui est de se baisser & de se relever.

Il se fait encore un autre pas en avant qui approche du pas de Gaillarde, & que j’ai oüi nommer pas de Sissonne-de-Chaconne : pour celui-ci, comme il se fait en avant, vous posez un bras au pied contraire. Mais comme j’ai deja dit, que ce pas ce commençoit par un assemblé ainsi si vous le faites du pied droit en avant, c’est le bras gauche qui doit s’opposer en avant de bas en haut : par exemple, en {p. 242}prenant votre mouvement pour assembler, le bras droit qui étoit devant, s’étend en dessous ; & dans le même tems le gauche se tourne aussi en dessous, & vient s’opposer au pied droit qui s’assemble devant le gauche : mais à peine cet assemblé est-il fait que le pied droit se glisse à la 4e position ; & en glissant le corps & la tête font un petit mouvement ; puis ils se redressent en vous élevant sur ce pied droit, & le bras gauche s’étend, pour lors vos deux bras restent dans leur situation, sans faire aucun mouvement pendant les deux jettez-chassez qui terminent l’étenduë de ce pas.

{p. 243}

Chapitre XII.
De la maniere de faire les bras avec les Pirouettez. §

Quoique le Piroüetté soit de ces pas qui se fassent en place, & qu’il semble que l’on ne doit pas y faire beaucoup de façon ; néanmoins il demande autant d’application que les autres pas, & c’est en cela que je trouve l’étenduë de la danse ; puisque de ces pas mêmes qui nous paroissent les moins difficiles, naissent des graces infinies, quand on veut s’adonner à bien danser ; & c’est à quoi j’exhorte tous ceux qui voudront s’y perfectionner.

244. Figure preste à faire le piroëté

Mais comme ce pas est ordinairement prevenu par un autre pas qui vous prepare à faire le suivant, comme un coupé : par exemple, en posant la pointe du pied, ou une ouverture de jambe {p. 244}qui se termine la jambe en l’air, ces differens pas vous conduisant à faire le Piroüetté, je vais donc vous donner la maniere d’en faire les bras : aussi pour que vous soyez instruit plus intelligiblement, j’ai mis cette Figure qui en exprime les parties les plus essentielles & par laquelle vous devez comprendre plus facilement les mouvemens, que les bras doivent faire.

Cette Figure est posée sur le pied droit, 1. la jambe gauche en l’air, 2. le bras droit étendu, 3. le bras gauche plié, 4. la tête tournée du côté gauche 5.

Mais lorsque vous pliez sur le pied droit & que le gauche du même tems se croise (ainsi que je l’ai deja dit dans la maniere de le faire) en vous relevant sur la pointe des pieds, le bras s’étend en faisant un rond du coude & du poignet : de même que ces mots, rond du bras fait entier, l’expriment, {p. 245}ce qui accompagne le corps dans le tour qu’il fait, & le bras se tournant doucement de bas en haut un tour entier, revient dans la même attitude qu’il est dans cette figure.

Vous devez aussi observer que votre tête soit fort droite, pour conserver le corps dans son équilibre ; parce qu’il doit tourner sur un seul pied comme sur un pivot, & c’est ce que j’ai tâché d’exprimer dans ma Figure, en la faisant porter à plomb sur un seul pied, & regarder le bras gauche pour le conduire avec la justesse & la douceur que demande cette action.

Il se fait aussi des Piroüettez qui sont sautez, où les bras se conduisent à peu prés de même : excepté que le mouvement du bras imite celui de la jambe, en ce que lorsque vous sautez le mouvement se releve plus vîte : aussi le bras s’étend vivement ; ce qui facilite le corps de se tourner du même côté que le bras s’étend.

{p. 246}

Ces mouvemens cependant quoique sautez, doivent être moderez : car ce pas étant fait en tournant, & pour ainsi dire en place, si vous le sautez trop haut il dérangeroit le corps de son équilibre, par les efforts que vous seriez obligé de faire pour vous élever. De plus, c’est que les danses de Ville qui ne sont que gracieuses par elles-mêmes, ne demandent que des mouvemens doux & remplis de beaucoup de noblesse.

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Chapitre XIII.
De la maniere de faire les bras avec les Balancez. §

Le Balancé est un des pas les plus faciles qui se fassent en dansant, & auquel on peut ajouter plus d’agrémens. Il se place dans quelque air que l’on veut où il fait toûjours un fort bon effet, mais comme j’ai dit que l’on le fait differemment je donnerai aussi deux manieres d’y faire les bras.

C’est pourquoi, lorsque vous portez votre premier pas à la 2e position (ce pas se faisant après un autre pas, qui vous engage à avoir un bras opposé) le bras qui est opposé devant, s’étend de haut en bas, & l’autre bras qui est étendu fait un petit mouvement du poignet de haut en bas, aussi parce qu’il faut que vous tâchiez {p. 248}quand vous faites un mouvement d’un bras, que celui qui est étendu fasse une petite action qui accompagne : ainsi c’est jusques dans ces moindres parties que naissent cette grace & cette delicatesse dont j’ai parlé ci-devant.

Quant aux autres Balancez que l’on porte en devant à la quatriéme position : par exemple, si vous le commencez du pied droit, le bras droit qui est devant, s’étend en prenant son mouvement de haut en bas, & le bras gauche se tournant en dessous, se plie & s’oppose au pied droit en revenant de bas en haut ; ce qui est le mouvement contraire de l’un à l’autre ; mais au second demi coupé la tête se tourne un peu du côté droit, puis se baisse doucement, & se releve de même ; ce qui accompagne ce pas, puisque dans le tems que vous vous relevez sur le pied gauche, la tête se releve aussi & fait voir un accord parfait de l’un avec l’autre.

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Chapitre XIV.
De la maniere de faire les bras avec les pas de Sissonne. §

Vous ayant donné l’explication la plus facile pour bien faire ce pas, il vous reste celle de sçavoir y mouvoir les bras avec cette douceur qui doit accompagner les pas ; d’autant que ce pas succede à un autre, & que chaque pas a son opposition.

Supposé que vous ayez le pied gauche devant, par consequent le droit se trouve opposé : alors en prenant votre premier mouvement, votre bras droit fait aussi du même tems son mouvement en le prenant de haut en bas, & le gauche dans le moment se tourne en dessous, & se plie en faisant l’opposition au pied droit qui se croise devant le gauche, & sur lequel vous faites un second saut, sans que le bras {p. 250}gauche change son opposition, puisque ce second saut se releve dessus ce pied droit qui est devant ; ce qui fait le contraste du pied au bras.

J’ai dit qu’il se fait d’une autre façon en place, & voici comment ; c’est au premier saut de tomber sur les deux pieds ; au second, vous relever sur le pied de derriere, ce qui ne change point pour cela cette maniere de bras, en ce que le pied droit se trouve devant : ainsi l’opposition y est conforme.

Pour ceux qui se font en tournant, se doit être le bras opposé qui vous fasse tourner, dont vous en trouvez plusieurs dans les danses de Ville : par exemple, dans la Mariée à la fin du premier couplet où il se trouve deux contre-tems, de côté sur le pied droit, le bras gauche opposé qui en s’étendant vous fait faire par son mouvement le demi tour à gauche ; mais comme le pied droit se croise derriere, c’est le {p. 251}bras droit aussi qui se plie, en ce qu’il se trouve opposé au pied gauche qui est devant.

Une regle generale est que pour les pas en tournant, il faut que ce soit le bras du côté que vous voulez tourner qui vous en donne la facilité, parce que par son mouvement il oblige le corps de ce tourner du côté qu’il s’étend.

A l’égard de ceux qui se font en arriere, c’est la même regle que des autres pas qui s’y font ainsi, sçavoir, le même bras, & le même pied.

Je conseillerois volontiers à ceux qui sont curieux de faire les bras avec liberté, lorsqu’ils commencent à les faire, d’exercer aussi plusieurs de ces pas avec les bras, parce qu’outre que ces pas donnent de la legereté au corps, ils donnent aussi aux bras cette liberté.

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Chapitre XV.
De la maniere de faire les bras avec les pas de Rigaudon, & les Jettez. §

Les bras de ce pas sont des moins embarrassans, & la raison en est facile à comprendre, comme je vais vous l’expliquer en peu de mots ; ce pas se fait en place & ne marche pas, il ne fait point non plus de grands mouvemens qui demanderoient beaucoup de force : ce n’est à proprement parler qu’un jeu de cou-de-pied qui engage les autres jointures à faire aussi quelques mouvemens : ainsi dans les bras ce ne sont que les poignets qui s’émouvent ; Sçavoir une fois de bas en haut, & l’autre de haut en bas.

Premierement, lorsque vous pliez sur les deux jambes pour lever le pied droit, en prenant ce mouvement vous {p. 253}pliez les poignets de haut en bas, & vous les étendez en vous relevant ; mais lorsque vous pliez sur les deux pieds pour faire votre dernier saut, vous pliez aussi vos deux poignets en les relevant de bas en haut : ce qui fait l’accord des bras avec le pas.

On doit remarquer dans ce pas la relation qu’il y a des poignets avec le cou-de-pied, puisqu’il n’y a qu’eux qui se plient.

Les Jettez sont encore de ces pas qui se font par l’articulation du cou-de-pied : c’est pourquoi il n’y a que les poignets qui agissent : par exemple, vous faites un Jetté du pied droit & un du gauche, en ce que l’on en fait deux de suite, pour la valeur d’un autre pas, les deux emplissant une mesure à deux tems : de sorte qu’en les commençant du droit, vous prenez seulement un petit mouvement des poignets de haut en bas, & les bras demeurent étendus dans le cours du second {p. 254}pas ; mais comme ces deux pas se succedent l’un à l’autre, & que ce sont des mouvemens très-legers, les bras par consequent ne se doivent pas tourmenter.

Quand vous faites vos jettez en arriere ; c’est la même chose pour les bras, en observant sur tout d’en prendre les mouvemens avec douceur, pour ne point déranger le haut du corps de cet air gracieux qu’il doit avoir.

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Chapitre XVI.
De la maniere de faire les bras avec les Contre-tems de Gavote. §

Ce pas est un des principaux que l’on fasse en dansant, tant par son ancienneté que par les differentes manieres dont il se pratique ; car il se fait tantôt en avant, & en arriere, tantôt de plusieurs côtez, & en tournant : enfin dans quelque mesure que l’on le mette, il s’y place avec facilité, & anime la danse par son mouvement sauté & sa variation.

Commençons par ceux qui se font en avant comme les plus faciles à faire. Mais pour suivre toûjours le point de fiction que je me suis fait d’abord par le pied droit, je le suppose & par conse quent le gauche est devant à la quatriéme position : ainsi vous devez avoir le bras droit opposé : pour lors en {p. 256}pliant sur le pied gauche pour sauter dessus, le bras droit du même tems s’étend en prenant son contour de haut en bas, & le poignet du bras gauche se plie aussi de haut en bas ; mais ses trois mouvemens se doivent prendre conjointement ensemble, c’est-à-dire, lorsque vous pliez sur le pied gauche ; les bras par consequent prenent leurs mouvemens dans l’instant.

Pour les faire en arriere, c’est la maniere & pour les bras aussi.

Quant à ceux de côté ils se font differemment, tant à l’égard des jambes que des bras, & comme je vous en ay fait sentir tous les differens tems dans la premiere Partie, tant par le discours que les Figures, c’est ce qui m’engage de mettre les trois figures de suite, pour mieux faire sentir tous les differens tems & mouvemens que les bras doivent executer dans le cours de ce pas.

257. Premiere attitude pour le contretems en allant du coté gauche

[Légende intérieure] [de part et d’autre] chemin du bras

Sçavoir, lorsque vous avez les {p. 257}pieds à la deuxiéme position, & le corps posé sur les deux jambes : ainsi qu’il est representé par cette premiere Figure dont les deux bras sont étendus & où sont ces mots à chacun, chemin du bras, ce qui est pour faire remarquer de quelle situation les bras se doivent plier.

{p. 258}

258. Deuxieme attitude pour le Contretems de coté

[Légende intérieure] [de part et d’autre] contour du bras de haut en bas

Lorsque l’on prend le mouvement du contre-tems, comme cette seconde Figure vous le represente : elle a le corps droit sur les deux jambes, la tête droite, les genoux pliez, & la ceinture ferme, mais en vous relevant en sautant, vous retombez sur le pied gauche, & vos bras s’étendent par le contour qui est exprimé par ces mots, contour du bras de haut en bas, ce qui est à l’un & à l’autre : afin de faire comprendre que les deux bras font le même mouvement à la fois.

{p. 259}

259. Troisieme attitude apres avoir sauté

Cette troisiéme Figure, est pour vous faire voir, comme les bras doivent être étendus après le saut, & pour faire ressentir comme j’ai dit à la premiere Partie, que la jambe droite s’étend à côté, lorsque vous sautez sur la gauche, puis vous la croisez de suite devant la gauche à la cinquiéme position, & vous portez le pied gauche à la deuxiéme position, mais pendant ces deux pas les bras restent étendus sans faire aucun contraste.

Quant à la tête, lorsque vous vous relevez, elle se doit tourner un peu du côté que vous allez : quoique ce ne soit pas une regle que l’on observe toûjours, car si vous dansez avec une personne & que vous fassiez de ces contre-temps en passant l’un devant l’autre, il faut bien que vous vous regardiez tous deux, non plus que lorsque je dis que la tête soit fort droite, j’entends qu’elle ne se doit mouvoir que par ressorts, {p. 260}tout au contraire j’entens qu’elle la soit sans gêne, sans roideur, & sans affectation.

De la maniere de faire les bras avec les Contre-tems ouverts ou de Chaconne. §

Le Contre-tems de Chaconne se prend de la 3e ou 4e position ; comme il est expliqué dans ma premiere Partie : ainsi il demande une opposition ; c’est pourquoi si vous avez le pied gauche devant, c’est le bras droit qui se trouve opposé : & dans cette attitude ayant le corps posé sur le pied gauche, il faut plier dessus, & sauter en étendant le bras droit ; puis porter le pied droit à côté à la 2e position en allant à droit, & si vous portez le pied gauche derriere à la troisiéme, qui est votre second pas, dans le même tems le bras gauche se plie de bas {p. 261}en haut ; ce qui fait le contraste au pied droit qui est devant. Mais lorsque vous portez le pied gauche devant le droit à la cinquiéme position ; c’est le bras droit qui s’oppose : par consequent dans l’étenduë de ce pas, il se trouve deux oppositions differentes dans une seule : ce qui n’est causé que par un seul pas, soit devant, soit derriere.

Pour les bras il faut en commençant votre pas, étendre les bras, & ne faire l’opposition qu’au dernier pas ; au lieu qu’aux autres pas, il faut opposer en les commençant.

De la maniere de faire les bras avec les Contre-tems Balonnez. §

Ce Contre-tems est un pas des plus gais : aussi est-il fort en usage dans les danses de Ville. La maniere d’en faire les bras n’est pas fort embarrassante, {p. 262}& on ne doit faire qu’une opposition, il est vrai, qu’il n’a qu’un pas ; mais dans ce seul pas il y a deux mouvemens, comme je l’ai déja dit ; ce qui le rend vif & brillant.

Si vous le prenez en avant & que vous ayez le corps posé sur le pied gauche, vous pliez dessus en levant le droit, & le bras droit dans l’instant se contourne de haut en bas, & le gauche vient de bas en haut ; ce qui fait le contraste à la jambe qui se passe devant, mais en vous jettant sur le droit pour ce second mouvement, il ne faut pas changer vos bras.

Vous devez aussi observer en faisant ce pas en avant, d’avoir le corps fort en arriere, & la tête un peu tournée du côté que le bras est opposé.

Mais lorsque vous le faites en arriere, il faut suivre la même regle qu’aux autres pas, c’est-à-dire qu’en partant du pied droit en arriere, comme {p. 263}il est devant le bras gauche opposé : ainsi dans le tems que vous prenez votre premier mouvement pour passer le pied droit derriere, le bras gauche se contourne de haut en bas, & le bras droit revient de bas en haut ; ce qui fait tout le changement de bras que vous devez observer dans ce pas.

Quant à celui qui se fait de côté : il est different en ce qu’il ne faut pas d’opposition : d’autant que son premier mouvement se prend de la troisiéme ou cinquiéme position, & au second vous vous jettez à la deuxiéme qui ne demande point d’opposition ; c’est pourquoi il suffit de faire un petit mouvement des deux poignets. Voilà toutes les manieres les plus convenables pour les bras avec ces differens pas.

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Chapitre XVII.
Des differentes manieres de faire les bras avec toutes sortes de Chassez. §

Après vous avoir donné les moïens les plus aisez pour faire tous les chassez qui se font dans les danses de Ville ; il est necessaire aussi que je vous explique la maniere d’y faire les bras de plusieurs façons.

Je vais donc commencer par ceux qui se pratiquent dans la Mariée, parce qu’outre qu’elle est connuë de tout le monde ; c’est qu’elle est à juste titre une des belles danses que l’on ait jamais dansé.

Ces chassez s’y trouvent au commencement du troisiéme couplet, où ils sont précedez d’un coupé : ainsi dans ce coupé vous pliez les deux bras, & vous les étendez au premier {p. 265}mouvement du chassé ; mais au second mouvement qui se releve sur le pied contraire à la jambe, qui a chassé le même bras du côté de la jambe, qui se leve, il se plie, parce qu’ordinairement à la suite de ce pas, c’est un pas en tournant, & comme j’ai dit ci-devant dans le Chapitre des Piroüettez, que c’est le bras qui donne au corps la facilité de se tourner du côté qu’il s’étend ; c’est pour cela que l’on fait cette opposition : car si c’étoit comme à l’Allemande où il s’en fait plusieurs de suite, il n’y faudroit pas d’opposition ; il est vrai, que l’on ne fait pas de bras dans les chassez de cette danse, à cause qu’elle est parfaitement caracterisée.

Il y a une autre maniere de chassez dans l’Aimable Vainqueur, qui ne sont que des jettez-chassez dont on en fait trois de suite, qui ne renferment dans leurs trois mouvemens que le tems d’un seul pas ; mais il suffit à ce pas {p. 266}une seule opposition qui se commence dès le premier mouvement, & qui se contient dans les deux autres pas.

On en fait encore de côté, comme je les ai marqué dans ma premiere Partie, desquels il y a deux Figures qui en expriment les mouvemens ; à ce pas il suffit d’avoir les bras étendus : par exemple, si vous le prenez en revenant du côté gauche, la jambe droite doit se lever pour chasser la gauche : c’est pourquoi le bras & l’épaule droite doivent être levez plus que le bras & l’épaule gauche, quoique étendus les uns & les autres ; parce que les bras ne servent dans ce pas que de balancier. Ils ne laissent pas néanmoins de faire une petite action des poignets au premier mouvement, & c’est pour éviter cette roideur où ils paroîtroient, s’ils n’en faisoient aucun.

J’ai dit aussi qu’il y avoit d’autres chassez, mais comme je n’en ai point {p. 267}trouvé de cette sorte dans aucune danse de Ville, je ne parlerai pas de la maniere d’y faire les bras.

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Chapitre XVIII.
De la maniere de faire les bras avec les Saillies, ou pas échapez des deux pieds à la fois. §

Cette sorte de pas est particulier dans sa maniere, il tient pour ainsi dire du pas tombé, en ce qu’il faut être levé sur la pointe du pied pour le commencer ; mais comme j’ai donné dans ma premiere Partie l’intelligence pour le faire, & qu’il ne me reste plus que de vous instruire sur la maniere d’y faire les bras ; je vous dirai seulement, que, lorsque vous le commencez ayant les pieds l’un devant l’autre à la quatriéme position, par consequent un bras opposé qu’il faut faire votre premier mouvement : pour lors ce bras qui est opposé doit s’étendre de haut en bas, & l’autre dans le même tems vient de {p. 269}bas en haut ; mais ne change pas au second saut : ensuite en faisant le troisiéme qui est un assemblé, vous laissez tomber vos deux bras à côté de vous ; puis vous faites un petit mouvement de la tête en la baisant, & vous la relevez de même que les bras, lorsque vous faites un autre pas comme de Bourrée, ou tels que la Danse le demande ; cette petite action, quand elle est faite à propos donne beaucoup d’agrémens, mais sur tout point d’affectation.

Je n’ai pas parlé de la maniere de faire les bras avec les tours de jambe, & avec les ouvertures de jambe ; parce que ce sont de ces actions, où les bras comme le corps doivent observer de la tranquillité.

Il y a même d’autres pas de danses dont je n’ai point fait de mention, ne m’étant engagé dans ce Livre que de traiter de la maniere de faire tous les principaux pas des danses de Ville, & {p. 270}de fournir en même tems les moïens les plus faciles de les executer avec les bras, pour que l’on puisse apprendre à danser avec tout le bon goût, & la delicatesse que cet exercice demande, à quoi je me flatte d’avoir réussi.

Mais si par la suite mes esperances ne sont point trompées, je donnerai incessamment un autre Traité qui enseignera la maniere de faire tous les differens pas de Balets, tant serieux que comiques, aussi tous les differens caracteres avec lesquels ils doivent être executez, & ornez de Figures en Taille-douce, qui representeront non-seulement les diverses attitudes ; mais aussi les habillemens comiques. J’y joindrai encore un petit Traité de la composition du Balet, afin que cette Noble Jeunesse ne se trouve pas embarassée, lorsqu’elle sera obligée de paroître dans les Balets du Roi, & autres semblables où j’espere qu’elle se distinguera, pourvû qu’elle veüille {p. 271}indépendamment des bonnes leçons que lui en auront dû donner les Maîtres, s’appliquer à bien comprendre les moïens clairs & faciles que je lui en donnerai.

Errata §

Page 40. ligne 8. de porter sa tête feja juger, lisez, fera juger.

Page 57. l. 9. ce se soit un manque, lisez, ce seroit un manque.

Page 45. derniere l. l’autra, lisez, l’autre.

Page 82. l. 7. vous le croisé devant, lisez, vous croisez le droit devant.

Page 103. l. 4. sur les anches, lisez, sur les hanches.

Page 154. l. 10. de condiure les bras, lisez, de conduire les bras.

Page 160. l. 2. qui agite la jambe & la brise, lisez, & la baisse tout de suite.

Page 162. l. 18. du contenu du Menuet, lisez, du contre-tems du menuet.

Page 181. avant penultiéme l. en laissant tomber le pied droit, lisez, en se laissant tomber sur le pied droit.

Page 199. l. premiere, sans ces cortes, lisez, sans ces sortes.

Page 207. l. 5. pour de faire lisez, pour faire.

Page 225. l. 6. à l’égard des pas de Bourrée dessous, lisez, du pas de Bourrée dessus & dessous.

Ibid. l. 14. au second pas de votre pas de Bourrée qui est du pied droit, lisez, qui est du pied gauche.

Ibid. l. 16. le bras droit s’ouvre, lisez, le bras gauche s’ouvre.

Ibid. l. 19. ce qui produit deux positions, lisez, deux oppositions.

Ibid. 20. on ne le fait pas, lisez, on ne la fait pas.