1685

Mercure galant, mars 1685 [tome 3].

2017
Source : Mercure galant, mars 1685 [tome 3].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, mars 1685 [tome 3].5 §

[Devises] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 20-22

Mr Magnin, toûjours zélé à faire connoistre l’admiration qu’il a pour les grandes Actions de Sa Majesté, a fait deux nouvelles Devises, que je vous envoye. L’une a le Soleil pour corps, & ces mots pour ame, Spes rerum & decus. Ils sont expliquez par ce Madrigal.

 Par ses mouvemens divers,
 Par son heureuse influence,
 N’est-il pas de l’Univers
 L’ornement & l’espérance ?
La grandeur de LOUIS, & l’état de la France,
Expliqueront par tout ma Devise & mes Vers.

L’autre Devise est sur l’Ambassade du Roy de Siam, & sur la deférence que tous les Potentats du Monde ont pour le Roy. Ce sont plusieurs Eléfans qui fléchissent les genoux devant le Soleil, avec ces mots. Et Magnos hæc fata manent.

Est il rien de grand icy bas
Qui ne doive te rendre hommage ?
Grand LOUIS, qui ne connoist pas
Que c’est là ta parfaite Image ?
Est-il rien de grand icy-bas
Qui ne doive te rendre hommage ?

[Sonnet en bouts-rimés]* §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 22-24

Voicy un Sonnet fort heureusement remply, sur les Bouts-rimez Latins qui ont cours. Comme il est fait pour le Roy, il ne sçauroit manquer de vous plaire. Mr Blanchard, Curé de Fissé aux Environs de Dijon, en est l’Autheur.

Estre en tout & par toutnon Impar omnibus,
Sçavoir l’Art de parler, sans rien dire qui fâche,
Pour sa gloire & l’Etat travailler sans relâche,
Plus qu’Hercule jadis, faire teste tribus.
***
Contraindre l’Ennemy de ramper comme un lâche,
Estre dans l’Univers ce qu’au Ciel est Phœbus,
Faire par son esprit plus que par son quibus,
Qu’au milieu des Lauriers son Peuple boive & mâche.
***
Quoy que toûjours vainqueur, faire la Paix, item
La donner, la régler, c’est-là le tuautem,
Regner, gouverner seul, & commander sans ire ;
***
N’oüir de ses Sujets que vivat & qu’amo,
Faire par sa valeur plus qu’on ne sçauroit lire,
C’est plus que Pelisson n’en dira calamo.

[Théses d’une composition particuliere, présentées au Roy de la part du Provincial des Minimes de Provence] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 25-33

Sur la fin du mois passé, le Pere Charles Guilhet, Provincial des Minimes de Provence, fit presenter à Sa Majesté par les Peres Bertier & d’Antrechaux ses Collegues, & Definiteurs de cette même Province, une These d’une composition fort particuliere. Elle fut tres-bien receuë de toute la Cour, & il n’y a point à douter qu’elle ne le soit de mesme de tous ceux qui la verront, puis que toutes ses Positions contiennent l’Eloge de nostre Auguste Monarque, mais d’une maniere si ingenieuse, que cet Eloge entre dans les Questions naturellement, & sans violence. Le Roy écouta avec une bonté inconcevable le Compliment de ces Peres, qui luy fut fait en ces termes.

 

SIRE,

Comme tous les Peuples qui ont le bon-heur de vivre sous le Regne de V. M. s’interessent à sa gloire, nous esperons qu’Elle ne trouvera pas mauvais que les Minimes y prennent part. Le nom qu’ils portent ne les doit pas priver de cet avantage, car bien que cette gloire n’ait rien que de grand, son étenduë demande toutefois que les plus petits travaillent aussi sur une matiere si vaste.

C’est par cette raison, SIRE, que nous avons pris la liberté de vous dédier une These, & nous avons creu que si nos forces ne nous permettoient pas de faire en grand l’Eloge de V. M. dans lequel nous pussions faire voir toutes les grandes qualitez qu’Elle possede dans un degré si éminent, Elle agréeroit néanmoins le dessein que nous avons de le faire en petit, par cette bonté qui luy est si naturelle, & qui luy fait toûjours recevoir avec complaisance, jusques aux plus petits témoignages de nostre zéle.

Nous sommes d’ailleurs obligez de prendre un Interest particulier à la Gloire de V. M. Les Minimes, SIRE, vous regardent non seulement comme leur Protecteur, & comme leur Bienfaicteur, mais encore comme leur Pere.

Ce futLoüis le Sagequi les appella en France, c’est de sa liberalité qu’ils ont reçeu une grande partie des biens qu’ils y possedent ; ses Successeurs confirmerent tous ses dons, & les augmenterent considerablement ; & vôtre auguste AyeulHenry le Grand, & vostre PereLoüis le Justede Triomphante mémoire, nous ont fait les mesmes Graces : mais V. M. les a tous surpassez en bonté & en generosité, nous ayant comblez de ses Faveurs.

C’est pour vous en remercier, SIRE, que le Pere Charles Guilhet, Provincial de vos tres-humbles & tres-fidéles Sujets les Religieux Minimes, de vostre Province de Provence, nous a Députez au nom de tout l’Ordre ; comme aussi pour vous presenter cette These, & vous supplier d’agréer qu’il la soûtienne sous vostre Auguste Nom, dans le Chapitre General que nous devons tenir dans vostre Ville de Marseille, sous le bon plaisir de V. M. l’asseurant que nous n’oublierons jamais ces Graces, pour lesquelles nous continuërons de demander à Dieu, qu’il répande ses Benedictions sur vostre Personne Sacrée, sur la Famille Royale, & sur tout vostre Etat.

 

Le Roy les ayant congediez apres une réponse fort obligeante, ils allerent presenter cette mesme These à Monseigneur le Dauphin, & à Madame la Dauphine, qui la reçeurent aussi avec beaucoup de bonté. Le Pere Guillet dont vous venez de lire le nom, est un Homme d’un tres grand merite. C’est luy qui présidera aux Theses que ces Députez ont presentées à Sa Majesté. Elles feront l’ouverture du Chapitre General que ces Peres doivent tenir à Marseille, aux Festes de la Pentecoste prochaine, ce qu’ils font de dix-huit en dix-huit ans, le tenant alternativement de six ans en six ans en France, en Espagne, & en Italie. La Theologie que ce Provincial possede excellemment bien, n’est pas le seul avantage qui le fait considerer dans son Ordre. Il est encore grand Predicateur, & a remply les meilleures Chaires avec une entiere satisfaction de ses Auditeurs. C’est pour la seconde fois qu’il a esté fait Provincial. Le Pere Madon, Religieux aussi estimé par son esprit que par sa vertu, doit avoir l’honneur de soûtenir cette These, sous un President de cette force. On a tout sujet d’esperer de luy, qu’il fera voir aux Italiens & aux Espagnols qui l’ataqueront, que les François ne craignent les Nations Etrangeres en aucune sorte de Combat.

Oenophile. Conte §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 33-49

Je vous envoye un Conte nouveau de Mr de la Barre de Tours. Ses Galans Ouvrages ont tant d’agrément, & vous avez toûjours pris tant de plaisir à les lire, que je croy vous en procurer un fort grand, en vous faisant part de celuy-cy.

ŒNOPHILE.
CONTE.

 Toutes les Grandeurs de la Terre
 Sont aussi fragiles que verre,
 (De tel propos je n’auray pas les Gants)
Et l’Histoire fournit mainte & mainte Avanture
 Parmy les Petits & les Grands,
Qui montre ce propos n’estre pas imposture.
Suivons donc. Les grandeurs de l’Humaine Nature
 N’ont rien que de prest à finir ;
 Un mesme instant les voit naistre & mourir ;
C’est un resve qui plaist dans le moment qu’il dure,
Et qui laisse à sa suite un fâcheux souvenir ;
 C’est un abus, une peinture,
Une idée, un fantôme, une ombre, enfin un rien.
 Quelque Censeur me desavoüe,
Et traite ma Morale en Morale de Chien.
Quoy, ce gros Financier, dira-t-il, & son Bien
Sont des Chansons ? Hé-oüy. C’est à tort qu’on le loüe ;
 Je vais le montrer aujourd’huy ;
Et le gueux Oenophile au milieu de sa boüe,
Quand il a bû dix coups, est plus heureux que luy.
 Paschal, un Autheur d’importance,
 Dans ses Ecrits met peu de diférence
 Entre le Gueux resvant la nuit
Posseder sous son Toict tous les trésors de France,
 Et le Riche avec sa Finance
 En pauvreté qui resve estre réduit.
De Fortune en effet n’est-ce pas une niche,
 Que le dormir, & du Pauvre, & du Riche ?
 Pourquoy ne pas dans le sommeil
 Laisser le Gueux, dont le réveil
Renouvelle les maux ? ou-bien tout au contraire,
Pourquoy faire dormir qui doit veiller toûjours ?
 Mais sans m’embarrasser à faire
De longs, & par ainsi de fort mauvais discours ;
 Longs & mauvais, c’est assez pour déplaire,
 Quand on fait le Prédicateur.
 Ne preschons plus ; parlons d’une autre Affaire,
 Et plûtost devenons Conteur ;
Car un Conte, fust-il un Conte à la Cigogne,
 Vaut toûjours mieux qu’un ennuyeux Sermon.
***
Disons donc, que du temps de Philippe le Bon,
(Ce Philippe le Bon estoit Duc de Bourgogne)
  Avint un certain Fait
Assez plaisant, & digne de mémoire,
Et pour moraliser un assez joly trait,
Au demeurant tres-vray, je l’ay lû dans l’Histoire ;
 Quiconque ne me voudra croire,
La peut lire à son tour. Philippe par hazard
 Dans le temps qu’on boit à la neige,
(C’est à dire l’Eté) suivy d’un gros Cortége,
  S’en revenoit fort tard,
Apres avoir fait un tour du Rampart
 De Bezançon, promenade ordinaire
Qu’avec ses Courtisans le bon Duc souloit faire.
En traversant la Rüe, il aperceut un Gueux,
  Faisant vilaine moüe,
 Déchiré, plein de sang, hideux,
 Renversé sur un tas de boüe.
 Cet objet émut le bon Duc,
Qui pensa que le Gueux tomboit du mal caduc ;
 Et comme il estoit charitable,
Et pour tous ses Sujets plein d’extréme bonté,
 Il voulut que ce Misérable
De son bourbier dés l’instant fust ôté,
Et bien plus, il voulut, pour estre décroté
 Qu’au Palais il fust emporté.
Au premier appareil on connut Oenophile,
Fameux Beuveur, qui n’avoit pour métier
Que de fesser du Vin de Quartier en Quartier,
Et que de promener une soif inutile
 Dans les Tavernes de la Ville,
D’où sortant sans avoir le moyen de payer,
 N’ayant pas vaillant une obole,
Yvre mort il dormoit dans le premier bourbier.
 Quand le Duc sceut qu’estoit le Drôle,
(Car le nom d’Oenophile en tous lieux faisoit bruit,
Et de ses Faits en Vin chacun estoit instruit)
Il luy fit préparer un assez plaisant rôle.
 Il ordonna qu’il fust frisé,
Musqué, frotté, lavé, poudré, peigné, razé,
 Proprement aromatizé.
 (Précaution fort nécessaire
  Pour ce qu’on vouloit faire)
Il fut couché dans un superbe Lit,
 Avec les Ornemens de nuit
 Qu’on donne à Gens de consequence,
 Dont je tais la magnificence.
 Pour la marquer en un mot, il suffit
  Que le Duc de Bourgogne
Ordonna qu’on traitast comme luy cet Yvrogne.
Chacun se retira pour prendre son repos,
 Laissant au lendemain le reste.
La nuit sur le Palais jetta d’heureux Pavots,
Tout dormit à merveille ; aucun resve funeste,
Excité par Bacchus & sa douce vapeur,
 N’embarrassa le cerveau du Beuveur.
Le Phœbetor des Gens qui se plaisent à boire,
Luy parut mille fois versant à pleines mains
  Par sa Corne d’yvoire
Tous les resves plaisans qu’il prodigue aux Humains.
L’Aurore dont l’éclat embellit toutes choses,
 Avoit, pour marquer le retour
Du Dieu qui tous les jours du Monde fait le tour,
Parfumé tous les airs de Jasmins & de Roses,
 Cela veut dire en Prose, il estoit jour.
 Vous sçaurez que qui versifie,
Je veux dire les Gens qu’Apollon deïfie,
Peuvent impunément s’exprimer par rébus,
Ou par mots qu’en François nous appellons Phébus.
Dans mes Contes par fois je mesle ce langage,
 Qui paroist tant-soit-peu guindé ;
Mais quoy ? je vais comme je suis guidé,
Sire Apollon pour moy n’en fait pas davantage.
Nous avons de son Lit fait sortir le Soleil,
 Allons en Courtisan habile
Nous trouver au Levé du Seigneur Oenophile,
Et nous sçaurons quel sera son réveil.
 Imaginez-vous la surprise
D’un Gueux qui n’avoit pas vaillant une Chemise,
Et qui (souvent couché dehors)
Se trouve en Draps de lin bordez de Point d’Espagne,
 Et comme un Prince de Cocagne,
Se voit environné des plus riches trésors.
 En croira-t-il ses yeux ? Il n’ose.
Est-ce un enchantement ? Est-ce métempsycose,
 Illusion, métamorphose ?
Par quel heureux destin est-il Grand devenu,
 Luy qui naguere estoit tout nud ?
Pendant qu’à débroüiller tel Cahos il s’applique,
  Une douce Musique
Acheva de troubler sa petite raison ;
Il ne pût s’empescher de dire une Oraison
 Qu’il sçavoit contre l’Art Magique.
 S’il eust crû gouster dans ces lieux
Des douceurs à la fin semblables aux premieres,
 Il ne se pouvoit rien de mieux ;
 Mais il craignoit les Etrivieres ;
Catastrophe où souvent aboutit le plaisir
 De pareille galanterie.
 De malle-peur il se sentit saisir ;
Estimant, pis encor, que ce fust Diablerie.
En Bourgogne en ce temps couroient des Farfadets,
 Autrement dits Esprits Follets,
 Qui n’entendoient point raillerie,
Fougueux comme les Gens qui battent leurs Valets.
Achevons. Il entra quatre Pages bien faits,
 Maistre d’Hostel, une autre Troupe
 De Valets de pied, de Laquais,
 Dont l’un tenoit une Soucouppe,
L’autre une Ecuelle-oreille avec un Consommé.
 Voicy, luy dit un Gentilhomme,
 Vostre Boüillon accoûtumé,
 Monseigneur. Il le prit tout comme
Si veritablement il eust tous les matins
 Fait tel métier. Aisément l’habitude
Se feroit à tels Mets ; & quand d’heureux destins
 Succédent au mal le plus rude,
 On s’accoûtume avec facilité
 Au bien que l’on n’a point gousté.
  Bien plus, à nostre compte
 Le bien qui nous vient nous est dû ;
Et si quelque chagrin nous vient, tout est perdu.
Mais heureux mille fois l’Homme qui se surmonte,
 Et qui sagement se contient,
 Quand le bien ou le mal luy vient !
  Par trop je moralise ;
Venons au Fait. Le Duc Philippe se déguise,
Et vient accompagné de trente Courtisans,
 Sous autant de déguisemens.
 Chacun luy fait la révérence,
 Luy vient souhaiter le bonjour,
 Et tout de mesme qu’à la Cour,
 Luy dit autrement qu’il ne pense,
 On l’habille superbement ;
Tous les Bijoux du Duc firent l’ajustement.
 C’étoient Canons de Point de Géne.
(Génes lors s’amusoit à fabriquer du Point,
 Et son orgueil n’attiroit point
De Bombe à feu Grégeois sur sa superbe aréne)
Enfin pour trancher court, l’Yvrogne estoit brillant
 Autant que le Soleil levant ;
Et Bacchus revenant des Climats de l’Aurore,
 Paroissoit moins Vainqueur que luy.
Mais pour rendre parfait ce Spectacle inouy,
 Il manquoit quelque chose encore ;
 C’est que les Dames du Palais
 Vinssent avec tous leurs attraits ;
Ce qui se fit. Ce dernier trait l’acable,
 Mais il revint dans un moment
  De son étonnement,
Quand on le fit passer dans un Apartement,
 Qui luy parut d’autant plus agreable
  Qu’il y vit une Table
 Qu’on servoit magnifiquement.
Il ne soupçonna plus que ce fust Diablerie,
Quand il se vit placé dans l’endroit le plus haut,
Où sans se déferrer il mangea comme il faut,
Commençant à trouver l’invention jolie.
  Dans cette Cour
A diférens plaisirs on passa tout le jour,
Comme au Bal, comme au Jeu, comme à la Comédie,
Ou comme à l’Opéra. Mais non ; dans ce temps-là
On ne connoissoit point ce que c’est qu’Opera.
Bref, on se divertit à ce qu’on eut envie,
 Jusqu’à ce que le Soleil se coucha.
On servit le Souper, Oenophile soupa ;
 Il y beut trop, il s’y soula,
 Si bien qu’il s’y couvrit la vüe,
Et sa Principauté par ce trop fut perdüe ;
Ce qui fit qu’à l’instant on le deshabilla,
 De ses Haillons on le poüilla ;
Quatre Valets de pied le portent dans la Rüe,
Au mesme endroit d’où le Duc le tira.
Voila comment la Fortune se jouë,
Aujourd’huy sur le Trône, & demain dans la bouë.
Que ne sçay-je comment Oenophile parla
 Dans le moment qu’il s’éveilla !

[Description de tout ce qui s'est fait à Rome à l'occasion de Dom Alphonse VI. Roy de Portugal, avec la Description du Mausolée dressé pour cette Cerémonie] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 49-51, 62-66

 

On a eu nouvelle que le Mercredy 24. de Janvier dernier, on fit à Rome un Service solemnel pour Dom Alphonse VI. Roy de Portugal. La Ceremonie fut faite avec tant d'ordre, d'éclat & de pompe, que quoy que ce soit un lieu où les somptueux Spectacles soient fort ordinaires, on ne laissa pas de l'admirer. Ainsi, je croy vous faire plaisir de vous en apprendre les particularitez, & je me sers pour cela des mesmes termes qui ont esté employez dans une Lettre écrite sur ce sujet à Mr de S. Romain, Ambassadeur Extraordinaire du Roy à Lisbonne. L'Eglise Nationale de S. Antoine des Portugais ayant esté destinée pour cette fonction, par Mr le Cardinal d'Estrées, Protecteur des Affaires de Portugal, & par Dom Domingos Darreiros Leita, Resident de ce Royaume, Son Eminence concerta la Décoration de l'Eglise, avec Mr l'Abbé Benedetti, Agent de France, à qui il donna le soin de l'execution. Il s'en acquitta parfaitement bien, estant assisté de Mr l'abbé Mesquira, & du sieur Antonio Gherardi, Architecte & peintre, fameux.[...]

[Suit la description de la décoration de l'église du mausolée dressé devant l'autel.]

 

[...] le matin du jour que ce service fut fait, Mr le Cardinal d'Estrées fit distribüer de grandes Aumônes à plus de quatre mille pauvres, afin de les obliger à prier Dieu pour le repos de l'Ame du Roy défunt. Tous ceux qui devoient accompagner ce Cardinal, s'assemblerent cependant au Palais Farnese. On leur presenta à tous & en grande abondance du Chocolat, des biscuits, & des Massepains, à cause que son Eminence prévoyoit que la Ceremonie seroit longue.

Sur les deux heures M. le Cardinal d'Estrées partit avec un Cortege de pres de cinquante Prélats, & quantitê d'autres Personnes considérables. On ne se souvient point à Rome, d'avoir veu un si grand nombre de Prélats à aucune fonction, & cette circonstance est d'autant plus remarquable, qu'il y en avoit de tous les Ordres, quoy que ce jour là la pluspart des Congregations & des Tribunaux fussent assemblez. Son Eminence fut reçeuë à la Porte par le Resident de Portugal accompagné des principaux de la Nation ; & des Officiers de l'Eglise. Après que ce Cardinal eut pris sa Place aupres de l'Autel, sur une Estrade, les Prélats à la droite du Mausolée, du costé de l'Evangile, & le Resident & ceux qui l'accompagnoient, vis à vis du costé de l'Epistre, la Messe commença. Elle fut celebrée par Mr l'Archevesque de Trebisonde, qui étoit assisté de quatre Evesques, suivant le Ceremonial que l'on observe, aux Obseques des Roys. La Musique parut merveilleuse, tant par la beauté de la composition, que par le nombre des voix, & des instrumens.

Il étoit environ deux heures apres midy, lors que toutes les Ceremonies furent achevées. [...]

A Madame *** en luy envoyant un Cartaut de Muscat au lieu de Bouquet, le jour de la Feste §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 68-72

Je vous envoye deux Lettres de Mr Vignier de Richelieu. Elles sont d’un Caractere à ne vous déplaire pas. L’une à estre écrite à une Dame, qui ayant eu la Féve la veille des Roys, fut nommée la Reyne Martessinde.

A MADAME ***
En luy envoyant un Cartaut de Muscat,
au lieu de Bouquet, le jour
de sa Feste.

Je suis bien fâché, Illustre & Charmante Reyne, de ce que vostre Feste arrive dans une Saison où il n’y a pas de Fleurs assez belles pour vous faire un Bouquet.

Je sçay bien qu’en tout Temps,
L’Esté, l’Hyver, l’Automne, & le Printemps,
Le Parnasse a des Fleurs, mais helas, quelle peine !
Quand on croit bien choisir, il arrive souvent,
Que loin d’avoir touché le cœur d’une inhumaine,
 Autant en emporte le Vent.

Je me suis donc moins attaché à la forme qu’à la matiere du Bouquet. On ne me prendra pas sans doute pour un Galant de Flore. On croira plustost que Bacchus est mon Patron.

Mais qu’il le soit, ou qu’il ne le soit point,
 Honny soit qui peut en mesdire ;
 Je suis friand au dernier point,
Du Fruit qui croit dans son Empire.

Le froid est l’ennemy des Fleurs, & on les méprise dés qu’elles ont perdu leur éclat ; mais il n’en est pas de mesme de ce charme des Humains. Plus il géle, & plus il a de brillant & de force pour se faire aymer.

C’est une verité connuë,
Qu’il sçait par sa vive couleur,
 Charmer d’abord la vuë
Et gagner ensuite le cœur.

J’espere, Belle Reyne, que vous en ferez l’épreuve.

Et que vostre goust delicat,
N’aura pas de regret au change,
Si je vous donne un Cartaut de Muscat,
 Pour un Bouquet de fleur d’Orange.

[Lettre en Vers] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 72-76

Quand vous serez à Table avec ces heureuses Personnes que vous avez honorées, des plus considerables Charges de vostre Cour, ce ne vous sera pas un petit plaisir de voir que toutes,

En beuvant de cette Liqueur,
Entonneront à vostre honneur,
 Des Chansons à douzaine,
Qui toutes auront pour Refrein,
Rien n’est si beau que nostre Reyne,
Et rien n’est si bon que son Vin.

L’autre Lettre a esté écrite par l’Autheur à un de ses Amis, de qui la Femme accoucha d’un Garçon le jour du Mardy Gras.

Mon cher Lisis, j’ay receu le Billet
Que m’apporta ton verdoyant Valet ;
Et quoy qu’ennuy de tous costez m’aboye,
Mon cœur pourtant a tressailly de joye,
Pour avoir sçû que ta chere Moitié,
Apres douleurs qui font moult grand’ pitié,
Enfin t’avoit de rechef rendu Pere.
O l’heureux Fils ! O fortune prospere !
O Ciel benin, que de contentement
Vous promettez à ce nouvel Enfant !
Un Mardy-Gras éclaire sa naissance ;
Les Jeux, les ris, les Festins, & la Dance,
Semblent par tout venir faire la cour
Au bel Enfant qui par toy voit le jour.
O qu’il sera grand amateur d’Epices !
Langues de Bœuf, Saucissons & Saucisses,
Jambons fumez, gros & courts Cervelas
Feront un jour l’honneur de ses Repas.
Goutte de vin ne laissa dans sa Couppe,
A gros monceaux mettra le sel en Soupe,
Et ne fera jamais dans son Tonneau,
Pour le remplir, y répandre de l’eau.
Plante, croy-moy, pour cet Enfant insigne
Le meilleur plan de la meilleure Vigne.
O quel transport ! O quel plaisant soulas,
Quand il verra courber les Echalas
Sous le fardeau de mainte & mainte Grappe,
Et gros Flacons arangez sur la Nappe !
 Mais garde-toy que celle qui nourrit
Cet Enfançon à qui Mardy-Gras rit,
Fasse Caresme, & mange de Molüe.
Prens les Chapons les plus gras de la Müe,
Jarret de Veau, longe, éclanche & roignon,
Fais faire sauce, ou d’Ail, ou-bien d’Oignon,
Et sois certain que cette nourriture
Aide beaucoup à la bonne nature,
Et que l’Enfant qui succe de ce lait,
Un temps viendra sera maître Poulet,
Et ne fera par amour d’abstinence,
Affront au jour qui luy donna naissance.
Mais j’en dis trop pour un Homme chagrin,
Qui pour rimer n’est pas en trop bon train.
Un mal de dents, douleur des plus cruelle,
Que jour, que nuit me devore & bourelle.
Attends ; adieu. Si j’obtiens guérison,
J’iray te voir en ta belle Maison,
M’y falust-il courre à beau pied sans Lance ;
Onques je n’eus tant de réjoüissance,
Que j’en auray de prendre entre mes bras
Ce bel Enfant, ce Fils du Mardy-Gras.

[Dialogue des Choses difficiles à croire] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 87-106

Depuis qu’on a veu les Dialogues des Morts, tous les Dialogues sont devenus du goust du Public. On les aime avec raison, puis qu’en peu de mots, & d’une maniere agréable, on y apprend l’Histoire, les Mœurs, & les Coûtumes de divers Païs, & quantité d’autres choses qui sont d’érudition. En voicy un de Mr B.… On m’en promet d’autres du mesme Autheur, & si l’on me tient parole, vous me verrez ponctuel à vous en donner une Copie.

DES CHOSES
DIFFICILES A CROIRE.
DIALOGUE I.
LAMBRET, BELOROND.
Lambret.

Ouy, je me souviens que nous nous sommes donnez rendez-vous icy, & que tous les mois nous devons nous y rendre compte de nos Lectures, & particulierement des choses qui à cause qu’elles sont ou prodigieuses, ou extraordinaires, ou opposées à nos Coûtumes, ou mesme fausses & impossibles, nous paroissent tres difficiles à croire, ou entierement incroyables.

Belorond.

Je ne doute point que vous n’ayez fait diverses recherches sur cette matiere.

Lambret.

Je vay vous en dire quelques-unes touchant les Coûtumes qui se sont établies dans quelques Païs pour conclure le Mariage, & qui pour estre fort differentes des nostres, semblent si extravagantes, que nous pouvons sans scrupule les mettre au nombre des choses difficiles à croire. Chez les Cimbres, Peuples de Scythie, & qui sont aujourd’huy les Danois, pour conclure le Mariage, il falloit que le Fiancé se rognast les ongles, & envoyast les rogneures à sa Fiancée, & que celle-cy en fist autant à son Fiancé. Puis, s’ils acceptoient mutuellement leurs presens, ils étoient censez entierement mariez.

Belorond.

C’étoit peut-étre pour se témoigner reciproquement, qu’ils ne se feroient l’un à l’autre aucun tort, si nous en croyons nostre Proverbe, quand pour témoigner que nous osterons à quelqu’un le pouvoir de nous nuire, nous disons, Je luy rogneray les ongles, ce que Pline appelle fort bien, Exarmare.

Lambret.

Chez les Teutons anciens Allemands, pour conclure le Mariage, la Femme rasoit les cheveux à son Amant, & l’Homme les rasoit aussi à son Amante.

Belorond.

Vous n’ignorez pas que nos Amans se font icy un fort grand plaisir, d’avoir des cheveux de leurs Maistresses, parce qu’ils les regardent comme autant de chaînes, sur lesquelles ils trouvent matiere de dire mille jolies choses, pour témoigner la douceur de leur esclavage. Ne se peut-il pas faire que les Peuples dont vous me parlez étoient dans les mesmes sentimens.

Lambret.

Si vous voulez moraliser sur toutes les Coûtumes, vous en aurez bien à dire.

Belorond.

Il est constant que les Coûtumes sont fondées, ou sur quelque évenement considerable, ou sur quelque raison de bien-séance, de moralité, ou de précepte.

Lambret.

Ainsi.… Permettez-moy de vous interrompre ; ce qui me vient maintenant dans la mémoire pourroit m’échaper. Apprenez-moy, je vous prie, pourquoy chez les Armeniens, pour contracter le Mariage, l’Epoux tailloit le bout de l’oreille droite à son Epouse, & l’Epouse celuy de l’oreille gauche à son Epoux.

Belorond.

Vous sçavez ce que c’est lors que les oreilles cornent, ce que Plaute appelle Tinnimentum, ou lors que, comme dit Celsus, Aures sonant intra se ipsas. Vous sçavez encore qu’on dit, que lors que l’oreille droite nous corne, c’est signe que l’on parle bien de nous, & qu’au contraire, lors que c’est la gauche, nous sommes les objets de la médisance de quelqu’un. C’est là une superstition, je l’avouë ; mais ne se peut-il pas faire que cette superstition regnast chez les Armeniens, ainsi que chez nous, & que l’Epoux coupoit l’oreille droite à son Epouse, pour la faire souvenir de ne pas écouter les cajoleries & les fleurettes, qui sont ordinairement si agréables aux Femmes, & que l’Epouse coupoit le bout de l’oreille gauche à son Epoux, pour l’avertir de ne pas écouter ce qu’on luy pourroit raporter de desagréable contre sa conduite, afin de le jetter dans la jalousie, passion si naturelle à ceux de ce Païs-là, Mais, continuez je vous prie, ce que vous avez si bien commencé, sans exiger de moy que je vous rende raison de ce que vous m’aprendrez, puis que nous sommes convenus de nous instruire l’un l’autre, de ce que nous aurions lû d’extraordinaire & de difficile à croire, & non pas de faire une dissertation sur ces matieres, parce que ce ne seroit plus un entretien agréable ; mais une espece d’étude, peut estre aussi ennuyeuse qu’inutile. Avoüons seulement pour faire en quelque façon une Préface à ce que nous dirons dans la suite touchant les extravagantes opinions, les coûtumes differentes, & les sentimens paradoxes ; avoüons, dis-je, qu’il n’y a rien de si constant & de si certain en un lieu, dont le contraire ne soit encore plus opiniastrément tenu en un autre, & dans la contemplation de cette obstinée varieté, nous ne nous étonnerons pas si un Philosophe interrogé de quelle matiere l’Homme luy sembloit estre composé, répondit, d’un amas de disputes & de contestations. Il devoit adjouster de varietez & d’inconstances. En effet, l’Homme pense bien autrement des choses en un temps qu’en un autre, jeune que vieux, affamé que rassasié, de nuit que de jour, grand que petit, triste que joyeux, pauvre que riche. Joignez à cela la difference des temperamens, des climats, des saisons, des employs, & mille autres circonstances qui le tiennent dans une perpetuelle instabilité ; ce qui a fait dire à Seneque, Epist. 109. Pauci illam quam conceperunt mentem domum perferre potuerunt. C’est cet esprit de contestation & d’instabilité qu’on peut apporter, pour principale cause de toutes les differentes coûtumes & opinions, dont nous pourrons parler dans la suite de nos entretiens.

Lambret.

Vous serez sans doute confirmé plus que jamais dans les sentimens que vous venez de me témoigner, quand vous sçaurez encore quelques autres coûtumes sur le mesme sujet, comme ce qui se faisoit chez les Elamites, Peuples qui habitoient entre les Provinces de Perse & de Babylone, où le Mary piquoit le doigt du cœur de sa Femme jusques au sang, & la Femme en faisoit autant à son Mary ; chez les Numidiens Peuples d’Afrique, où l’Epoux & l’Epouse crachoient en terre, & de la bouë qui se faisoit de leurs crachats, ils s’oignoient le front l’un à l’autre ; chez les Sicyoniens, Peuples du Peloponese, où le Mary envoyoit un Soulier du pied droit à sa Femme, & la Femme un du pied gauche à son Mary ; chez les Tarentins, où le futur Epoux & la future Epouse ne concluoient leur Mariage, qu’en prenant à manger tous deux d’une mesme main, en presence de leurs Parens assemblez ; chez les Scythes, où le Mary & la Femme se touchoient réciproquement les genoux, les pieds, les coudes, le front, les yeux, les oreilles, & la bouche ; chez les Moscovites, où les Parens de la Fille font la demande du Mariage ; enfin, chez les Talchéens, où le Pere de celle qui étoit à marier, appelloit à souper tous ceux qui la recherchoient en mariage ; & apres les avoir priez de faire chacun un Conte plaisant, celuy à qui elle témoignoit par un soûris que son Conte luy agréoit, étoit en mesme temps reconnû pour son Epoux.

Belorond.

Si cela est, Arlequin auroit assurément épousé la fille du Souverain de ces derniers Peuples, mais je me persuade qu’on ne trouvoit le Conte agréable, qu’aprés avoir agreé le Conteur.

Lambret.

Voilà ce que je sçay, & ce que j’avois à vous dire d’extraordinaire, sur les differentes manieres de contracter le Mariage. Je ne doute pas que vous n’adjoustiez bien d’autres choses plus agréables sur ce sujet, ou sur quelqu’autre.

Belorond.

Je n’ay qu’une chose à adjoûter, & qui, si vous me croyez, servira de fin à ce premier Entretien. C’est que tout ce que vous venez de m’apprendre touchant les differentes manieres de s’épouser, n’a rien de si extravagant que la ridicule opinion des Esseniens, chez les Juifs. Solin les appelle, Gentem æternam sine connubiis. Ils faisoient profession du Celibat, sur ce seul fondement, que jamais Femme n’avoit gardé la Foy conjugale à son Mary. Nous ne pouvons mieux finir, ce me semble, qu’en mettant au nombre des choses difficiles à croire, l’injustice que ces Peuples faisoient à cet aimable Sexe.

Lambret.

Si nostre entretien tombe entre les mains du Public, nous devons esperer qu’il en sera bien reçeu, puis qu’en le finissant, nous nous rendons les Dames favorables par la qualité de chose difficile à croire, que nous donnons à l’infidelité dont on les accuse.

Chanson à boire §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 107

Apres quantité de Chansons d’amour, je vous en envoye une à Boire. Les paroles sont de Mr Diéreville.

CHANSON A BOIRE.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Pourquoy me dites-vous, Catin, doit regarder la page 107.
 Pourquoy me dites-vous, Catin,
 Que je ne suis plus qu’un Yvrogne,
Et qu’on me voit toûjours avec ma rouge trogne
 Au Cabaret le Verre en main ?
 C’est vostre rigueur sans pareille
Qui me fait tant aimer le doux jus de la Treille.
Que vostre cœur pour moy devienne plus humain,
 Et vous me verrez dés demain
 Casser mon Verre & ma Bouteille.
images/1685-03_107.JPG

[Histoire] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 108-126

Il est dangereux de forcer l’amour à se tourner en fureur ; il en arrive ordinairement des suites funestes, & ce qui s’est passé depuis peu de temps dans une des plus grandes Villes du Royaume, confirme les sanglans exemples que nous en trouvons dans les Histoires. Une jeune Demoiselle naturellement sensible à la gloire, & pleine de cette loüable & noble fierté, qui donne un nouveau merite aux belles Personnes, vivoit dans une conduite qui la mettoit à couvert de toute censure. L’agrément de ses manieres, joint à un brillant d’esprit qui la distinguoit avec beaucoup d’avantage, luy attiroit des Amans de tous côtez. Elle recevoit leurs soins, sans marquer de préférence, & conservoit une égalité, qui n’en rebutant aucun, leur faisoit connoître qu’elle vouloit se donner le temps de choisir. C’estoit en effet son but ; elle gardoit avec eux la plus éxacte regularité ; ne leur permettant ny visites assiduës, ny empressemens trop remarquables. Ainsi la bienséance régloit tous les égards complaisans qu’elle croyoit leur devoir ; & sa raison demeurant toûjours maîtresse de ses sentimens, elle attendoit qu’elle connût assez bien leurs differens caracteres, pour pouvoir faire un heureux, sans se rendre malheureuse, ou qu’il s’offrist un Party plus considerable, qui déterminast son choix. Elle approchoit de vingt ans, quand un Cavalier assez bienfait vint se mêler parmy ses Adorateurs. Comme il n’avoit ny plus de naissance, ny plus de bien que les autres, il ne reçût d’elle que la mesme honnesteté qu’elle avoit pour tous ; & cette maniere trop indifferente l’auroit sans doute obligé de renoncer à la voir, si par une vanité que quelques bonnes fortunes luy avoient fait prendre, il n’eust trouvé de la honte à ne pas venir à bout de toucher un cœur qui avoit toûjours paru insensible. C’estoit un homme d’un esprit insinuant, & qui sçavoit les moyens de plaire mieux que personne du monde, quand il vouloit les mettre en usage. Il feignit d’estre content des conditions que luy préscrivit la Belle ; & sans se plaindre du peu de liberté qu’elle luy laissoit pour les visites, il la vit encore plus rarement qu’elle ne parut le souhaiter. Il est vray qu’il repara le manque d’empressement qu’il sembloit avoir pour elle, par le soin qu’il prit de se trouver aux lieux de devotion où elle alloit ordinairement. Il la saluoit sans luy parler que des yeux, & ne manquoit pas dans la premiere entreveuë, de faire valoir d’une maniere galante le sacrifice qu’il luy avoit fait en s’imposant la contrainte de ne luy rien dire, pour ne pas donner matiere à ses scrupules. Il prenoit d’ailleurs un plaisir particulier à élever son merite devant tous ceux qui la connoissoient, & ce qu’elle en apprenoit la flatoit en même temps, & luy donnoit de l’estime pour le Cavalier. Toutes ces choses firent l’effet qu’il avoit prévû. On souhaita de s’en faire aimer. Il s’en apperçût ; & rendit des soins un peu plus frequens, en protestant que son respect luy en feroit toûjours retrancher ce qu’on trouveroit contre les regles. La Belle qui commençoit à estre touchée, adoucit en sa faveur la severité de ses maximes. Elle apprehenda qu’il n’eust trop d’exactitude à luy obéir, si elle vouloit s’opposer à ses assiduitez ; & trouvant dans sa conversation un charme secret qu’elle n’avoit point senty dans celle des autres, elle crût que ce seroit user de trop de rigueur envers elle-même, que de se resoudre à s’en priver. Tous ses Amans eurent bientôt remarqué le progrés avantageux que le Cavalier faisoit dans son cœur. Ils le voyoient applaudy sur toutes choses ; & le dépit les forçant d’éteindre leur passion, ils se retirerent, & laisserent leur Rival sans aucun obstacle qui pust troubler ses desseins. Ce fut alors que la Belle ouvrit les yeux sur le pas qu’elle avoit fait. Le Cavalier demeuré seul auprés d’elle, fit examiner le changement que l’Amour mettoit dans sa conduite. Toute la Ville en parla ; & ce murmure l’ayant obligée à s’expliquer avec luy, il luy répondit qu’elle devoit peu s’embarasser de ce qu’on pensoit de l’un & de l’autre, si elle l’aimoit assez pour vouloir bien devenir sa Femme ; que c’estoit dans cette veuë qu’il avoit pris de l’attachement pour elle ; & que ne souhaitant rien avec plus d’ardeur que de l’épouser, il luy demandoit seulement un peu de temps pour obtenir le consentement d’un Oncle dont il esperoit quelque avantage. Je ne puis vous dire s’il parloit sincerement ; ce qu’il y a de certain, c’est que la Belle se laissa persuader. Les promesses que luy fit le Cavalier la satisfirent ; & croyant n’avoir besoin de reputation que pour luy, elle se mit peu en peine d’estre justifiée envers le Public, pourvû qu’un homme qu’elle regardoit comme son Mary, n’eust point sujet de se plaindre. Une année entiere se passa de cette sorte. Elle parla plusieurs fois d’accomplir le Mariage, & le fâcheux obstacle d’un Oncle difficile à ménager empéchoit toûjours qu’on n’éxecutast ce qu’on luy avoit promis. Cependant le Cavalier qui ne s’estoit obstiné à cette conqueste, que par un vain sentiment de gloire, s’en dégoûta quand elle fut faite. L’amour de la Belle ne pouvant plus s’augmenter, il cessa d’avoir pour elle les mêmes empressemens qui faisoient d’abord tout son bonheur. Elle s’en plaignit, & il rejetta sur ses plaintes trop continuelles les manieres froides qu’il ne pouvoit s’empécher de laisser paroître. Elles luy servirent même de prétexte pour estre moins assidu. Les reproches redoublerent ; & leurs conversations n’estant plus remplies que de choses chagrinantes, le Cavalier s’éloigna entierement. Ce fut pour la Belle un sujet de desespoir qu’on ne sçauroit exprimer. Elle envoya plusieurs personnes chez luy, elle y alla elle-même ; & ses réponses estant toûjours qu’il l’épouseroit sitôt qu’il auroit gagné l’esprit de son Oncle, elle luy fit proposer un mariage secret. Il rejetta cette proposition d’une maniere qui fit connoistre à la Belle, qu’elle esperoit inutilement luy faire tenir parole. L’excés de son déplaisir égala celuy de son amour. Elle aimoit le Cavalier éperdument ; & quand elle eust pû changer cet amour en haine, aprés l’éclat qu’avoient fait les choses, l’interest de son honneur l’auroit obligé à l’épouser. Toutes les voyes de douceur ayant manqué de succez, elle forma une resolution qui n’estoit pas de son sexe. Elle employa quelque temps à s’y affermir, & s’informa cependant de ce que faisoit son Infidele. Elle découvrit qu’il voyoit souvent une jeune Veuve, chez qui il passoit la plupart des soirs. La jalousie augmentant sa rage, elle prit un habit d’homme, & encouragée par son amour & par la justice de sa cause, elle alla l’attendre un soir dans une assez large ruë où elle sçavoit qu’il devoit passer. La Lune estoit alors dans son plein, & favorisoit son entreprise. Le Cavalier revenant chez luy comme de coûtume, elle l’aborda ; & à peine luy eust-elle dit quelques paroles, qu’il la connût à sa voix. Il plaisanta sur cette metamorphose ; & la Belle luy déclarant d’un ton resolu, qu’il faloit sur l’heure venir luy signer un contract de mariage, ou luy arracher la vie, il continua de plaisanter. La Belle outrée de ses railleries, éxecuta ce qu’elle avoit resolu. Elle mit l’épée à la main ; & le contraignant de l’y mettre aussi, elle l’attaqua avec tant de force, que quelque soin qu’il prît de parer, il fut percé de deux coups qui le jetterent par terre. Il tomba, en disant qu’il estoit mort. La Belle satisfaite & desesperée en même temps de sa vengeance, cria au secours sans vouloir prendre la fuite. Les Voisins parurent, & on porta le Blessé chez un Chirurgien qui demeuroit à vingt pas de là. Les blessures du Cavalier estant mortelles, il n’eut que le temps de déclarer qu’il meritoit son malheur ; qu’il avoit voulu tromper la Belle, & qu’il en estoit justement puny. Il ajouta qu’elle estoit sa Femme par la promesse qu’il luy avoit faite plusieurs fois de l’épouser ; qu’il vouloit qu’on la reconnust pour telle, & qu’il la prioit de luy pardonner les déplaisirs que son injustice luy avoit causez. Il mourut en achevant ces paroles, & la laissa dans une douleur qui passe tout ce qu’on peut s’en imaginer. Le repentir qu’il avoit marqué luy rendit tout son amour ; & le desespoir où elle tomba, ne fit que trop voir combien il avoit de violence. Jugez de la surprise de ceux qui estoient presens, de voir une Fille déguisée en Homme, & qui demandoit par grace qu’on vangeast sur elle la mort d’un Amant qu’elle avoit dû sacrifier à sa gloire. Elle dit les choses du monde les plus touchantes ; & il n’y eut personne qui ne partageât sa peine. Je n’ay point sçeû ce que la Justice avoit ordonné contre elle. Son crime est de ceux que l’honneur fait faire, & il en est peu qui ne semblent excusables, quand ils partent d’une cause dont on n’a point à rougir.

[Regalle donné à leurs Altesses Royales de Savoye] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 171-173

 

S. A. R. de Savoye, ayant agreé que Mr le President Truchy, l'un de ses Ministres d'Etat, luy offrist un Bal, & à Mesdames Royales, ce Ministre fit préparer son Palais, qui est un des plus magnifiques de Turin, pour la nuit du 28. de Fevrier passé, & se disposa à recevoir les Personnes Royales qui devoient y venir, suivies de toute la Cour, de la maniere qu'il fait, & a toûjours fait toutes choses, c'est à dire en grand Homme, qui entend aussi finement à ordonner une Feste, qu'à soûtenir les plus importantes affaires. [...]

[Suit la description de l'architecture du palais.]

Le Ruisseau. Idyle de Madame des Houlières §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 177-186

Préparez-vous, Madame, à battre des mains. Je vous envoye un Ouvrage de l’Illustre Madame des Houlieres. Ce Nom vous promet quelque chose d’achevé ; vous le trouverez asseurément, & si cette expression peut rien souffrir qui aille au delà, vous pouvez attendre plus, sans crainte d’estre trompée. Tout est pensé delicatement, tout est exprimé de mesme, & il y a par tout sujet d’admirer.

LE RUISSEAU.
IDYLE.
De Madame des Houlieres.

Ruisseau, nous paroissons avoir un mesme sort,
D’un cours précipité nous allons l’un & l’autre,
 Vous à la Mer, nous à la mort ;
Mais hélas ! que d’ailleurs je voy peu de rapport
 Entre vostre course & la nostre !
Vous vous abandonnez sans remords, sans terreur,
 A vostre pente naturelle ;
Point de Loy parmy vous ne la rend criminelle,
La vieillesse chez vous n’a rien qui fasse horreur.
 Prés de la fin de vostre course
 Vous estes plus sort & plus beau
 Que vous n’estes à vôtre source,
Vous retrouvez toûjours quelque agrément nouveau.
 Si de ces paisibles Bocages
La fraischeur de vos eaux augmente les appas,
 Vostre bienfait ne se perd pas ;
 Par de délicieux ombrages
 Ils embellissent vos rivages.
Sur un sable brillant, entre des Prez fleuris,
 Coule vostre Onde toûjours pure,
Mille & mille Poissons dans vostre sein nourris
Ne vous attirent point de chagrins, de mépris.
Avec tant de bonheur d’où vient vôtre murmure ?
 Hélas ! vostre sort est si doux.
 Taisez-vous, Ruisseau, c’est à nous
 A nous plaindre de la Nature.
De tant de passions que nourrit nostre cœur,
 Aprenez qu’il n’en est pas une
Qui ne traisne apres soy le trouble, la douleur,
 Le repentir, ou l’infortune.
 Elles déchirent nuit & jour
 Les cœurs dont elles sont maîtresses ;
 Mais de ces fatales foiblesses
 La plus à craindre, c’est l’Amour,
 Ses douceurs mesme sont cruelles.
Elles sont cependant l’objet de tous les vœux,
Tous les autres plaisirs ne touchent point sans elles ;
Mais des plus forts liens le temps use les nœuds,
 Et le cœur le plus amoureux
Devient tranquille, ou passe à des Amours nouvelles.
 Ruisseau, que vous estes heureux !
Il n’est point parmy vous de Ruisseaux infidelles !
 Lors que les ordres absolus
De l’Estre indépendant qui gouverne le Monde,
Font qu’un autre Ruisseau se mesle avec vostre Onde,
Quand vous estes unis, vous ne vous quittez plus.
A ce que vous voulez jamais il ne s’opose,
 Dans vôtre sein il cherche à s’abîmer,
 Vous & luy jusques à la Mer
 Vous n’estes qu’une mesme chose.
 De toutes sortes d’unions
 Que nostre vie est éloignée !
De trahisons, d’horreurs, & de dissentions
 Elle est toûjours accompagnée.
Qu’avez-vous merité, Ruisseau tranquile & doux,
 Pour estre mieux traité que nous ?
Qu’on ne me vante point ces Biens imaginaires,
 Ces Prérogatives, ces Droits,
Qu’inventa nostre orgueil pour masquer nos miseres ;
C’est luy seul qui nous dit que par un juste choix
 Le Ciel mit en formant les Hommes,
 Les autres Estres sous leurs loix.
 A ne nous point flater, nous sommes
 Leurs Tyrans plûtost que leurs Roys.
 Pourquoy vous mettre à la torture ?
Pourquoy vous renfermer dans cent Canaux divers,
Et pourquoy renverser l’ordre de la Nature
 En vous forçant à jaillir dans les airs ?
Si tout doit obeir à nos ordres suprémes,
Si tout est fait pour nous, s’il ne faut que vouloir,
Que n’employons nous mieux ce souverain pouvoir ?
 Que ne régnons-nous sur nous-mesmes ?
Mais hélas ! de ses sens Esclave malheureux,
 L’Homme ose se dire le Maistre
 Des Animaux, qui sont peut estre
Plus libres qu’il ne l’est, plus doux, plus genéreux,
 Et dont la foiblesse a fait naistre
Cet Empire insolent qu’il usurpe sur eux.
 Mais que fais-je ? Où va me conduire
La pitié des rigueurs dont contre eux nous usons ?
 Ay-je quelque espoir de détruire
 Des erreurs où nous nous plaisons ?
 Non, pour l’orgueil & pour les injustices
 Le cœur humain semble estre fait.
Tandis qu’on se pardonne aisément tous les vices,
 On n’en peut souffrir le portrait.
 Hélas ! on n’a plus rien à craindre,
 Les vices n’ont plus de Censeurs,
Le Monde n’est remply que de lâches Flateurs,
 Sçavoir vivre, c’est sçavoir feindre.
 Ruisseau, ce n’est plus que chez vous
 Qu’on trouve encor de la franchise,
On y voit la laideur ou la beauté qu’en nous
 La bizarre Nature a mise,
 Aucun defaut ne s’y déguise,
Aux Roys comme aux Bergers vous les reprochez tous.
 Aussi ne consulte-t-on guere
De vos tranquiles eaux le fidele cristal.
On évite de même un Amy trop sincere.
Ce déplorable goust est le goust genéral.
Les leçons font rougir, personne ne les souffre,
Le Fourbe veut paroistre Homme de probité ;
 Enfin dans cet horrible gouffre
 De misere & de vanité,
 Je me perds ; & plus j’envisage
La foiblesse de l’Homme & sa malignité,
 Et moins de la Divinité
 En luy je reconnois l’Image.
Courez, Ruisseau, courez, fuyez-nous, reportez
Vos Ondes dans le sein des Mers dont vous sortez,
Tandis que pour remplir la dure destinée
 Où nous sommes assujettis,
Nous irons reporter la vie infortunée
 Que le hazard nous a donnée,
Dans le sein du neant d’où nous sommes sortis.

[Description entiere du Carnaval de la Cour, & de la Course des Testes] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 202-229

 

Je viens à l'Article que je vous ay promis du Carnaval de la Cour, pendant les mois de Janvier & de Fevrier. Les Divertissemens n'y ont point cessé. L'Opera de Roland y a esté representé une fois chaque Semaine, & il y avoit alternativement Bal, Comedie & Opera. Toute la Cour a masqué sept fois, & auroit continué à se donner ce plaisir, si la mort du Roy d'Angleterre n'eust interrompu pour quelques jours tous les Divertissemens. Chaque jour de Mascarade, Monseigneur le Dauphin changeoit quatre ou cinq fois d'habits, où l'on n'oublioit rien pour empescher qu'il ne fust reconnu. Il surprit toute l'Assemblée dans la premiere Mascarade, avec un habit de Chauve-souris. La magnificence & l'invention ont paru dans tous les déguisemens de Monsieur le Duc. Les habits de sa Troupe estoient à cette premiere Mascarade de grandes Robes, de differentes couleurs, diversement & richement chamarées, d'où sortoit un Col qui s'élevoit fort haut, & s'abaissoit, & sur lequel paroissoit une teste d'Animal, coeffée en Chauve-souris. Monsieur le Duc de Bourbon, qui étoit sous l'une de ces Machines, avoit un habit de Femme de Strasbourg. Mademoiselle de Bourbon, qui estoit sous une autre, en avoit un de Magicienne, & les Filles d'honneur de Madame la Dauphine, qui en remplissoient d'autres, estoient diversement vétuës. Je ne dois pas oublier icy à vous dire, que Monsieur le Duc de Bourbon n'avoit encor fait de sejour à la Cour, que pendant ce Carnaval, & qu'il a paru au sortir de ses Etudes, avec un air, des manieres, & un esprit aussi libre que s'il y eust passé ses premieres années, & qu'il eust eu un âge plus avancé. Le second jour qu'on masqua, la Mascarade de Monseigneur le Dauphin representoit toute la Troupe Italienne. Ce Prince estoit vestu en Docteur. Ceux qui formoient cette Mascarade, estoient Monsieur le Prince Conty, Monsieur le Prince de la Roche-sur-Yon, Mr le Prince de Turenne, Mr le Duc de Roquelaure, Mrs les Marquis de Bellefonds, d'Alincour, & de Liancour. Madame la Dauphine, fit ce jour là une Mascarade de Perroquets, Monsieur le Duc de Bourbon parut avec un riche habit de Seigneur Hongrois, & Mademoiselle de Bourbon, avec un habit de Païsane, d'une proprieté surprenante. Monsieur le Duc du Maine, se fit admirer le mesme jour, avec une Mascarade de petits vieillards & de petites vieilles. Rien n'a paru plus beau, & l'on ne pouvoit se lasser de les regarder. Ceux qui composoient cette Mascarade estoient, Monsieur le Duc du Mayne, Monsieur le Comte de Thoulouse, Mr de Mansini, Mr le Marquis de la Vrilliere, Mademoiselle de Nantes, Mademoiselle de Blois, & Mademoiselle de Château-neuf.

Dans la troisiéme Mascarade, Monseigneur le Dauphin parut d'abort déguisé avec quatre visages. Ensuite, il prit un habit de Flamande avec un Masque de Perroquet, & changea à son ordinaire quatre ou cinq fois d'habit. Monsieur le Duc de Bourbon, parut ce soir là avec un habit de Noble Venitien, & Mademoiselle de Bourbon s'y fit remarquer par sa propreté, & la richesse d'un habit magnifique. Toute la Cour masqua ce soir là, & le mélange des habits grotesques, & superbes, estant fort agréable à la vuë, divertit beaucoup.

Le quatriéme jour qu'on masqua, Monseigneur le Dauphin mit pour premier habit celuy d'un Operateur, & tirant seulement un petit cordon, il parut en un instant vétu en grand Seigneur Chinois. Des changemens aussi surprenans le firent paroistre encore le mesme soir avec deux autres habits. Monsieur le Duc de Bourbon mit ce soir-là un habit de Païsan, aussi riche que bien entendu. Monsieur le Duc de Mortemar, qui se distingue en tout ce qu'il fait, vint à l'Assemblée du mesme jour avec un habit tout formé de Manchons jusqu'à la coëffure. Ils étoient de differentes couleurs. Il avoit une Palatine pour Cravate, & un Masque qui imitoit le visage d'un homme tout transi de froid. Sa barbe paroissoit toute gelée, & les glaçons y pendoient. Il eust esté impossible de le reconnoistre, s'il ne se fust pas découvert luy-même.

Neuf Quilles & la Boulle se trouverent dans le Bal le jour de la cinquiéme Assemblée ; c'estoit la Mascarade de Monseigneur le Dauphin. Ceux qui representoient ces Quilles estoient assis dessous, & de petites fenestres leur donnoient de l'air ; jugez par là de leur contour, & de leur hauteur ; elles estoient peintes de diverses couleurs. Monseigneur le Dauphin fit paroistre beaucoup d'agilité dans quelques-uns des habits qu'il prit le reste de la Soirée, les uns n'en demandant pas tant que les autres. Monsieur le Comte de Thoulouse se fit admirer en Scaramouche, & l'on n'auroit pas eu de peine à le prendre pour un Amour déguisé. Monsieur le Duc de Bourbon, Mademoiselle de Bourbon ne masquerent ce soir-là qu'en Avocats ; mais ce fut avec une propreté qui faisoit assez connoistre que les Robes de ces Avocats là n'avoient jamais essuyé la poussiere du Palais.

La Mascarade des Cris de Paris fut la sixiéme de Monseigneur le Dauphin. Ceux qui accompagnoient ce Prince, étoient Monsieur le Prince de Conty, Monsieur le Prince de la Roche-sur-Yon, Mr le Grand Prieur, Mr le Prince de Turenne, Mr le Comte de Brienne, Mr le Prince de Thingry, Mr le Marquis d'Alincours, Mr le Marquis de Courtenvau, Mr de la Rocheguion, Mr de Liencourt, Mr de Grignan, & Mr du S. Esteve. Selon les Mestiers qu'ils representoient, ils portoient ce qu'il y avoit de plus delicat à boire & à manger, & quelques uns portoient jusqu'à des Boutiques garnies de ce qui regardoit leur Personnage. Monsieur le duc de Bourbon, & Mademoiselle de Bourbon vinrent ce soir-là au Bal avec une Troupe de huit Personnnes, dont les habits representoient des Pavillons. La Mascarade de Monsieur le Duc du Mayne, qui parut le mesme soir, étoit de dix Seigneurs Chinois, & de cinq Dames Chinoises, avec des habits aussi magnifiques, que bien imaginez. Voicy les Noms de ceux qui composoient cette Mascarade ; Monsieur le Duc du Mayne, Monsieur le Comte de Thoulouse, Mr de Mancini, Mr le Comte de Crussol, Mr de Duras, Mr Sully, Mr de Grignan, Mr le Marquis de la Vrilliere, Mr de Soyecourt, Mr Bontemps, Mademoiselle de Nantes, Mademoiselle de Blois, Mademoiselle d'Usez, Mademoiselle de Senneterre, Mademoiselle de Chasteauneuf. Quelques jours avant la fin du Carnaval Monseigneur le Dauphin ayant resolu de faire une Course de Testes en maniere de petit Carousel, avec des Quadriles, on chercha un Sujet, on imagina des Habits, on les fit, on s'exerça, & l'on courut enfin six jours apres qu'on eut resolu ce divertissement. La France seule est capable d'executer des choses de cette nature en si peu de temps. Vous en serez surprise, quand vous aurez sçeu ce que j'ay à vous en dire. Le Dimanche 4. de Fevrier, le Roy, Madame la Dauphine, & toute la Cour se rendirent à trois heures apres midy sur les Amphitheatres du Manege découvert de Versailles. La Quadrille de Monseigneur le Dauphin entra aussi-tost dans la Carriere, au son des Timbales & des Trompettes ; les Armes de cette Quadrille estoient noir & or, les habits de dessous noirs & bordez d'or, & toutes les plumes tant des Hommes que des Chevaux étoient blanches, & les garnitures de mesme. Mr le Marquis de Dangeau, sous le nom de Charlemagne, entra le premier comme Juge du Camp. Monseigneur le Dauphin, estoit sous le nom de Zerbin ; Mr le Prince de Tingry, sous celuy de Renaud ; Mr de la Roche-Guyon, sous celuy d'Aquilan le noir ; Mr le Marquis de Liancour, sous celuy de Grifon le blanc ; & Mr le Marquis d'Antin, sous celuy de Roland. La seconde Quadrille entra aussi-tost apres, précedée de ses Trompettes, & de ses Timbales. Les couleurs de cette Quadrille estoient or & vert, avec des plumes blanches, & mouchetées de vert. Mr le Duc de Gramont estoit Juge du Camp. Il entra le premier sous le nom d'Agramant, Monsieur le Prince de la Roche-sur-Yon, avoit celuy de Mandricard, Mr le Duc de Vandosme, celuy de Gradasse ; Mr le Prince de Turenne, celuy de Roger ; Mr le Comte de Briône, celuy de Rodomont ; & Mr le Marquis d'Alincour, celuy de Sacripant. On ne peut avoir plus de satisfaction que cette Course en donna aux Spectateurs, ny meriter plus d'aplaudissemens que Monseigneur le Dauphin, qui est le Prince du Monde, qui a la meilleure grace les Armes à la main. Apres une fort longue dispute, le Prix demeura à la seconde Quadrille, & ceux qui la composoient le disputerent long-temps entr'eux ; mais enfin, Mr le Prince de Turenne l'emporta, & reçut de la main du Roy, au son des Timbales, & des Trompettes, une Epée d'or avec de riches Boucles. Mr du Mont Ecuyer de Monseigneur le Dauphin, montoit un Cheval nud qu'il gouvernoit, comme auroit pû faire le plus habile Ecuyer à qui rien n'auroit manqué, pour bien manier un Cheval, sur lequel il auroit esté monté. Je croy que vous sçavez de quelle maniere se fait cette Course de testes. Il faut d'abord en emporter une avec la Lance ; puis on en darde une autre, on se retourne ensuite vers la Meduse que l'on darde aussi, apres quoy on emporte à l'épée la derniere teste, qui est plus basse que les autres. Je vous envoyeray le mois prochain les Devises de tous ceux qui estoient de cette Course. Le lendemain on representa l'Opera d'Amadis à Versailles. Le Roy ne l'avoit point encore veu, parce que cet Opera avoit paru dans l'année de la mort de la Reyne, & vous sçavez que pendant ce temps, le Roy n'a pris aucun divertissement. Le jour suivant qui estoit le dernier du Carnaval, la Mascarade de Monseigneur le Dauphin, estoit d'un Marquis de Mascarille porté en Chaise, avec un équipage convenable à son fracas d'ajustement, Monsieur le Comte de Thoulouse masqua ce soir là avec un habit de Persan, & charma toute la Cour. Parmy les Mascarades qui ont le plus diverty, il y en a eu une de Suisses, qui a donné un fort grand plaisir, & dont l'invention causa beaucoup de surprise. Toutes les fois que Madame la Dauphine a dancé, pendant les jours destinez aux Mascarades, sa bonne grace & la justesse de son oreille ont toûjours paru. Madame la Princesse de Conty s'y est souvent fait admirer sous plusieurs habits, mais sur tout avec un habit Grec, dont on fut tellement charmé, que plusieurs en firent faire de semblables pour les Bals suivans. Mes Dames les Marquises de Richelieu & de Bellefonds, se sont fort distinguées par divers habits aussi riches que bien entendus ; & Madame la Marquise de Seignelay a aussi brillé de la mesme sorte, & sur tout avec un habit à la Hongroise. Je serois trop long si j'entrois dans le detail de toutes celles qui en ont eu de tres riches en masquant. Quoy que ces habits n'eussent le Caractere d'aucune Nation, ils n'en estoient ny moins beaux, ny moins magnifiques, ny moins bien entendus, & n'en paroient pas moins les Dames qui les portoient. Il y a eu encore un divertissement, qui pour n'avoir pas esté du nombre des Mascarades qui se sont faites chez le Roy, n'a pas laissé d'estre un des plus agréables, dont on ayt jamais entendu parler. Le Roy estant entré un soir chez Madame de Montespan, fut surpris de voir que tout son appartement representoit la Foire de S. Germain. Ce n'étoit par tout que Boutiques remplies de Marchands, & l'on voyoit mesme des Compagnies entieres de Personnes qui se promenoient dans cette Foire, & qui faisoient conversation, ou entr'elles, ou avec les Marchands & les Marchandes. Enfin, tout ce que l'on a coustume de voir à la Foire, y paroissoit dépeint au naturel. C'est ainsi qu'on doit surprendre pour bien divertir, & tous ces sortes de divertissemens sont de bon goust.

L'Opera de Roland qui avoit esté fait pour le Roy, n'ayant pû estre representé à Paris, avant que les divertissemens de Versailles eussent cessé, fut donné pour la premiere fois au Public, le huitiéme de ce mois, accompagné des Machines & des Décorations qui n'avoient pû luy servir d'ornement à la Cour, parce que le superbe Théatre où ces grands spectacles doivent paroistre, n'est pas encore achevé. Ces Décorations & ces Machines, ont donné un nouvel éclat à cet Opera. Ils sont de Mr Berrin, aussi bien que les desseins des habits des Mascarades & du Carousel, dont je viens de vous parler. La Troupe Italienne est augmentée d'un Acteur nouveau, qui attire les applaudissemens de tout Paris, & qui n'a pas moins plû à la Cour qu'à la Ville. Il a une agilité de corps surprenante, & seconde admirablement l'incomparable Arlequin.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 229-230.

Quoy que le Printemps ait commencé, la Saison est encore si rude, que rien n'y sçauroit mieux convenir que les paroles suivantes. C'est un fort habile Maistre qui les a mises en Air.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Vents qui portez par tout vostre funeste rage, doit regarder la page 229.
Vents qui portez par tout vostre funeste rage,
Redoublez, redoublez vos bruits impétueux,
Et ne permettez pas en cet Hyver affreux,
Que pas un de nos jours soit exempt de l'Orage.
Mais épargnez le doux calme des nuits,
Rentrez pour quelque temps au fonds de vos Cavernes,
Et quand du Cabaret je reviens au Logis,
Gardez-vous bien d'éteindre les Lanternes.
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[Benédiction de la premiere Pierre d'une Eglise des Capucins à Montelimar] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 299-301

 

Les Peres Capucins de Montelimar en Dauphiné, voulant avoir une Eglise proportionnée à leur Couvent, & au Zèle qu'ils ont pour le service du Public, en firent benir la premiere Pierre le 7 de ce mois, avec autant de Solemnité que l'on en pouvoit atendre dans une pareille occasion. Mr l'Abbé Colombet, Doyen du Chapitre, accompagné de tout le Clergé, fit la Ceremonie au bruit des Tambours & des décharges du Regiment de Poitou, qui estoit en quartier d'hyver dans la Ville, & rangé alors en Batailles aux avenuës du lieu destiné pour cette Eglise. Elle sera dédiée sous le nom de S. Jospeh, Mr le Comte de Virreville, Gouverneur de Montelimar, & Madame la Comtesse de Vogne, mirent cette premiere Pierre, apres qu'elle eut esté portée processionnellement par toute la Ville. Ils estoient suivis des Consuls en Chaperon, avec la Maison de Ville, de la Noblesse, & de la Bourgeoisie, de l'un & l'autre sexe.

[Missions des Capucins] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 301-303

 

Il ne faut pas s'étonner si l'on s'empresse pour toutes les choses où les Capucins ont quelque interest. Ils sont d'un Ordre que l'on estime par tout, & qui par mille actions d'édification pour l'Eglise, & de charité pour le Prochain, donne tous les jours des marques de l'ardeur qu'ils ont de voir dans tous les Chrestiens, une Pieté solide, & une Foy qui réponde à la Sainteté de nostre Religion. S'il falloit prouver cette vérité, je vous donnerois pour un exemple récent, la Mission que vient d'achever à S. Sulpice le Pere Honoré de Cannes, avec le Pere Claude de Paris, & vingt autres Capucins. Elle a eu tout le succez qu'on en pouvoit souhaiter, tant par le nombre des Restitutions considerables que l'on y a faites, que par des Conversions surprenantes, de grandes reconciliations, & plusieurs pratiques de Penitence, qui ont fait connoistre la parfaite resolution où l'on estoit, de renoncer aux plaisirs du Monde. Ainsi, l'on peut dire que dans tout le temps du Carnaval, qui estoit celuy de la Mission, l'on a vécu dans la Paroisse de S. Sulpice, avec la mesme reforme qu'on tasche d'avoir la semaine Sainte. Mr l'Archevesque de Paris en fit la closture le 17. de ce mois, apres avoir assisté au Salut, où il y eut deux Choeurs de Musique, & une excellente Simphonie. [...]

[Fables Nouvelles] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 305-307

Je vous envoye les Fables Nouvelles en Vers, dont je vous ay déja parlé une fois. Il y a huit ou dix jours que les sieurs de Luynes, Blageard & Girard, ont commencé à les debiter. Elles sont fort approuvées, & je puis répondre du plaisir que vous donnera cette lecture, puis que vous en avez déja veu quelques-unes dans mes Lettres, & que le tour agréable que vous leur avez trouvé, vous a obligée souvent à vous plaindre de ce que l’Autheur avoit cessé de me faire de pareils presens. Il ne laissoit pas de travailler, mais il amassoit dequoy fournir le Recueil qu’il a donné au Public. Ce genre d’écrire luy est extrémement naturel, & il faudroit estre d’un goust difficile pour n’estre pas satisfait, & de ses pensées, & de ses expressions.

[Divertissemens] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 307-308

 

Je ne vous dis rien de la manière dont on a passé le Carnaval à Paris. C'est une description que l'on auroit peine à faire. On y a pris tous les Divertissemens qui se peuvent prendre dans une Ville, où les plaisirs se trouvent en abondance. Il y a eu force Bals, & force Masques, & entr'autres Assemblées, celle qui se fit en ce temps-là chez Mr le Marquis de Pommereüil, Maréchal de Camp, & Gouverneur de Doüay, est très remarquable ; il donna un fort grand Bal, où étoient quantité de Dames, de la premiere qualité. Il fut suivy d'une Collation des plus magnifiques.

[Benédiction des Drapeaux des Gardes Françoises] §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 312-316

 

Il s'est fait icy [à Paris] une Marche aussi éclatante & superbe, que guerriere ; & je ne croy pas qu'on en ait jamais veu de pareille chez aucune nation Etrangere, sans qu'on en ait répandu le bruit, long-temps auparavant, & qu'on ait travaillé pour cela à de grands préparatifs. En effet, il semble qu'un assemblage pareil à celuy qui s'est veu dans cette Marche, demande qu'on ait recours à beaucoup de lieux étrangers, pour avoir les choses qui y peuvent estre nécessaires. Elles n'estoit composée que d'Officiers & de Soldats, & vous ne douterez point que tout ny fust extrémement magnifique, lors que vous sçaurez qu'ils sont du Régiment des Gardes Françoises. Ce Corps est depuis peu habillé de neuf. L'Or & l'Argent brillent à l'ordinaire sur les Habits de tous les Officiers, & ceux des simples Soldats sont si bien entendus, qu'on diroit qu'ils en sont aussi couverts. Le sujet de leur marche estoit pour porter Benir quelques Drapeaux neufs de ce Regiment, à l'Eglise Nostre-Dame, ce qu'on fait de temps en temps. Comme la Marche de tout ce Regiment auroit esté trop grande, il n'y avoit que les Capitaines, les Lieutenans, les Sous-Lieutenans, les Enseignes, les Sergens, & ceux du Regiment qu'on appelle le Porte-Enseignes, car les Officiers ne portent leurs Drapeaux que devant le Roy, dans des jours de Bataille, & en montant la Garde ; dans les routes où il n'y a nul danger à craindre, ils sont portez par ces Portes-Enseignes. Outre tous ceux que je viens de vous marquer, il y avoit encore à cette Marche quatre vingt Tambours du Regiment, & plusieurs Hautbois, vestus des Livrées du Roy. On se rendit en cet équipage dans le Chœur de Nostre-Dame, où les Drapeaux furent portez au bruit de tous ces instrumens, & les Enseignes les ayant pris de mains des Portes-Enseignes, les mirent aux pieds de Mr l'archevesque de Paris, qui fit la Ceremonie de les Benir.

Sur les Soins que le Roy prend de détruire l’Heresie §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 319-321

SUR LES SOINS
que le Roy prend de
détruire l’Heresie.

Nostre Roy triomphoit en mille & mille endroits,
Son Bras faisoit trembler les Rivaux de sa gloire ;
Et ce Prince entassant victoire sur victoire,
Eust mis, s’il eust voulu, l’Empire sous ses Loix.
***
Ses Ennemis distraits estoient tous aux abois ;
Mais par une bonté qu’ils ont eu peine à croire,
Et qui n’aura jamais d’exemple dans l’Histoire,
Il ne veut pas pousser plus avant ses Exploits.
***
Il leur donne la Paix, & n’a plus d’entreprise,
Que contre des Sujets qui déchirent l’Eglise,
Et qui n’ont jusqu’icy que troublé ses Etats.
***
Mais bien loin de les perdre, il fait comme un bon Pere,
Qui ne leve le foüet sur des Enfans ingrats,
Que pour les engager d’obeir à leur Mere.

[Sur le livre Theriaque]* §

Mercure galant, mars 1685 [tome 3], p. 321

Je vous ay parlé de la Theriaque au commencement de cette Lettre. Ce grand Ouvrage a esté achevé depuis ce temps-là, mais c’est un Article qui demande trop d’étenduë pour pouvoir estre renfermé dans le peu de place qui me reste. Cela m’oblige de differer jusqu’au mois prochain, à vous en mander les particularitez. Je suis vostre, &c.

 

A Paris ce 31. Mars 1685.