1685

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12].

2017
Source : Mercure galant, décembre 1685 [tome 12].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12]. §

[Lettre de Rome] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 4-7, 9

 

Avant que d'entrer dans ce détail, j'ay à vous faire part d'une Lettre écrite de Rome à Mr le Duc de S. Aignan par Mr de Chassebras de Cramailles. Elle contient ce qui s'est passé de considerable à quelques Festes qu'on a celebrées avec les Solemnitez particulieres à la Procession des Nouveaux Convertis, & aux Réjoüissances qui ont esté faites à l'occasion des avantages remportez par les Chrestiens sur les Turcs.

A Rome ce 15. Septembre 1685.

Le 4. du mois passé, on fit icy une Feste extraordinaire de S. Gaëtan, dans les deux Maisons des Peres Theatins, principalement en leur Eglise de Saint André Della Valle, une des plus belles de Rome. Sa Sainteté ayant ordonné par un Bref, qu'on feroit d'oresnavant la Feste de Saint Gaëtan double, qui n'êtoit auparavant que semidouble.

Le mesme jour l'on fit l'ouverture de l'Eglise de S. Ignace des Peres Jesuites du College Romain, qui est la Maison où ils enseignent, comme celle de la Ruë Saint Jacques à Paris. C'est une des plus belles Eglises de Rome aprés Saint Pierre. La pluspart de Messieurs les Cardinaux, & ce qu'il y a icy de personnes de Qualité la vinrent voir ce jour là, & le lendemain Dimanche. L'Autel estoit garny d'une quantité surprenante d'argenterie, & le Service se fit à quatre Choeurs de Musique. Cette Eglise, celle de la Maison Professe & celle du Noviciat, sont trois des plus belles de Rome.

Le mesme jour & le Dimanche suivant, les Dominiquains celebrerent la Feste de Saint Dominique, Patron de cét Ordre. Leur Principale Eglise est celle de Sancta Maria super Minervam, qui estoit autrefois le Temple d'Isis. La Musique estoit à huit Choeurs. [...]

 

Le 25. Aoust on celebra la Feste de Saint Loüis dans l'Eglise de ce Saint, qui est de la Nation Françoise. Il y eut une tres-belle Musique. M. l'Ambassadeur de France s'y rendit en grand cortege à douze à treize heures, qui sont sept à huit heures du matin selon l'Horloge de France, pour recevoir Messieurs les Cardinaux qui y estoient invitez, il s'en trouva un fort grand nombre. [...]

[Extrait d’un Sermon presché à Soissons] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 50-57

Voicy un autre endroit d’un Sermon que Mr de Fessel Docteur de Sorbonne, & Chanoine Theologal de l’Eglise Cathedrale de Soissons, y fit le Dimanche 18. du mois passé. Il vous plaira d’autant plus, qu’ayant une estime tres-particuliere pour le merite & les grandes qualitez de Mr l’Abbé Huet, nommé à l’Evesché de Soissons, vous verrez dans ce Discours avec quelle joye & quels applaudissemens toute la Ville a appris ce digne choix de sa Majesté. Mr l’Abbé du Fessel, aprés l’Ave Maria, de ce Sermon, par la de cette maniere.

Je vous dis il y a fort peu de temps, mes Freres, que par le deceds de Messire Charles de Bourlon, nostre digne Evesque, nous estions tous devenus des Enfans sans Pere, un Troupeau sans Pasteur, des Membres sans Chef, & que dans cette perte generale, l’esperance d’un Successeur capable de la reparer, estoit la seule consolation que nous devions nous permettre ; mais que comme un digne Evesque estoit un grand don de Dieu, il nous le falloit meriter par nos prieres. J’invitay tous les Colleges, toutes les Communautez, toutes les Familles, à demander qu’il plust au Ciel d’inspirer le Roy de nous donner un Prelat que Dieu luy mesme eust formé selon son cœur, & qu’il eust remply de son double esprit ; un homme Apostolique de la trempe de ceux des premiers Siecles, qui eust long-temps travaillé au dedans à se rendre digne de l’Episcopat, sans avoir jamais pensé à estre Evesque ; car, comme dit admirablement Saint Chrysostome, celuy qui brigue un Evesché, ne croit pas au Jugement de Dieu, & il a renoncé à son salut. J’ay à vous dire aujourd’huy, mes Freres, que nos prieres ont esté exaucées. LOUIS le Grand, toûjours auguste, toûjours éclairé, toûjours équitable dans ses choix, persuadé qu’il ne peut mieux conserver les conquestes miraculeuses qu’il fait pour l’Eglise, par le retour general de tous ses Sujets qui s’en estoient malheureusement separez, qu’en luy donnant des Evesques aussi vertueux que sçavans, aussi zelez pour la verité de la doctrine, que pour la sainteté des mœurs, a nommé pour la conduite de ce Diocese Messire Pierre Daniel Huet. Nous ne pouvions souhaiter un plus illustre Prelat. Il est si remply de merite, d’érudition & de science ; il a tant de probité, de sagesse, de vertu solide & de pieté ; il est si profond dans les belles lettres, & dans la discipline de l’Eglise, si interieur, si homme d’Oraison, si honneste & si affable, que nous avons tout sujet de benir Dieu, & de remercier le Roy qui nous l’a donné pour nostre Pasteur. C’est à nous maintenant à travailler à nous mettre en estat de profiter des rares talens & des graces extraordinaires dont Dieu l’a remply. C’est à nous à redoubler nos prieres. Joignons-les, mes Freres, joignons-les aux siennes. Il est presentement en retraite, où il se prepare aux fonctions excellentes de son Ministere. Là il converse avec Dieu comme Moïse sur la Montagne. Là il se transfigure comme le Sauveur du Monde sur le Thabor. Là il parle de nous à Dieu, & luy-mesme represente nos maladies spirituelles, en attendant qu’il nous en vienne parler, & y donner les remedes necessaires. Demandons que par l’onction de son Sacre, il soit transformé en un homme tout nouveau, que par la plenitude de la charité qui forme le caractere des Evesques, il soit autant élevé au dessus de luy-mesme, qu’il est élevé au dessus de nous par son merite ; que cette onction luy donne toute l’humilité, tout l’amour, toute la fermeté, tout le détachement de Saint Pierre, toute la fidelité, tous les bons desirs, tous les sages conseils de David. Mais en demandant pour luy toutes ces graces, demandons à Dieu pour nous toute la docilité & toute l’obeissance, sans les quelles nous luy serions une double charge. Il est nostre Pere, nostre Maistre, nostre Pasteur, nostre Chef ; & les Enfans devant aimer leur Pere, les Disciples écouter leur Maistre, les Oüailles suivre leur Pasteur, les Membres s’unir à leur Chef, ce nous est une obligation indispensable d’appliquer nos soins à nous acquitter fidellement de tous ces devoirs.

[Services faits pour feu Mr le Chancelier [Le Tellier] en plusieurs Communautez de Paris, & en plusieurs Villes du Royaume, avec la Description de quelques Mausolées, & la Lettre Circulaire des Capucins, sur le mesme sujet, où l'on voit l'Eloge de ce Ministre] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 82-83

 

[...] On a rendu ce mesme devoir à la mémoire de ce digne Chef de la Justice dans l'Abbaye de S. Arnoult de Mets. On y chanta la Messe en Musique, & le Service fut fait par les soins de Messieurs les Secretaires du Roy. [...]

[Sonnets] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 90-96

Voicy un Sonnet de Mr de Benserade, sur cette mort.

Sur la mort de Mr le Chancelier.

L’Ame de ce grand Homme est au dessus des airs,
D’une eternelle paix elle goûte les charmes.
Oste un peu ton bandeau pour essuyer tes larmes,
Justice, & pour bien voir quel Ministre tu perds.
***
Employe à son Tombeau la main des plus experts,
Il y descend aimé, tranquile, & sans alarmes ;
Dans un sang qui prend soin des Autels & des Armes,
Il est encore utile au Maistre que tu sers.
***
Comblé d’ans & d’honneurs, la Parque le respecte,
Attend qu’il ait scellé l’Arrest contre une Secte,
Par qui de son repos l’Etat se vid privé.
***
Il en a veu la fin qu’il a tant souhaitée,
Et cette mesme mort fatale & regrettée,
Est le premier malheur qui luy soit arrivé.

Vous ne serez pas fâchée de voir ce qu’a fait le mesme Mr de Benserade, sur une autre mort qui n’a pas moins affligé que surpris toute la France.

Sur la mort de Monsieur le
Prince de Conty, mort
de la petite verole.

Quelle marque d’amour Conty vient de produire !
Quel couple se separe, & quel sort est le leur !
Qui des deux ne meurt pas, & traîne sa douleur,
En pire estat que l’autre, helas ! se voit réduire.
***
Fleau des Teints délicats, qui cherche à les détruire,
D’un si digne Heros le peu digne malheur !
Falloit-il que ce mal s’en prist à la valeur,
De ce qu’à la Beauté ce mal n’avoit sceu nuire ?
***
Pour la Foy, pour la gloire il courut aux dangers,
Exposa son beau sang sur les bords étrangers ;
Là que ne fit-il point, & qui le pourra croire ?
***
Mesme, il n’attendit pas les ordres de son Roy,
Le plus ferme soutien qu’ait jamais eu la Foy,
Et le plus chaud amy qu’ait jamais eu la gloire.

Je vous envoye un second Sonnet sur cette mort.

A Madame la Princesse
de Conty.

Princesse, tarissez la source de ces larmes,
Qui font tort à l’éclat d’un visage si doux,
Et dont un noir venin fatal à vostre Epoux,
Dans toute sa fureur a respecté les charmes.
***
Conty naquit d’un sang nourry dans les alarmes ;
L’infidelle Croissant sentit ses premiers coups :
Et si le Sort cruel n’en eust esté jaloux,
Son Roy l’eust veu combattre, & briller par nos Armes.
***
Tous vos tristes regrets ne le rappellent pas ;
Les Rois & les Bergers sont sujets au trépas :
Il n’est point de secret pour ranimer leur cendre.
***
Quel plus charmant remede à vos vives douleurs,
Que de voir un grand Roy d’une amitié si tendre,
Prendre soin de vous plaindre, & d’essuyer vos pleurs ?

Ce dernier Sonnet est de Mr le Clerc de l’Academie Françoise.

[Discours fait par Mr le Duc de S. Aignan, en prenant sa place de Directeur de l’Académie Françoise, & ce qui s’y passa le mesme jour] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 96-99

Mr le Duc de S. Aignan ayant esté fait Directeur de cette fameuse Compagnie au commencement d’Octobre, vint y prendre seance en cette qualité de Directeur le 17. du mois passé, & dit à ces Messieurs d’une maniere toute obligeante ; Que la place dans laquelle ils le voyoient alors ne luy auroit pas esté moins agreable qu’elle luy estoit glorieuse, s’il avoit pû se persuader qu’ils eussent approuvé par leur choix ce que le sort avoit fait en sa faveur ; Que c’estoit un avantage dont il n’osoit se flater ; mais qu’il occuperoit au moins cette place avec un esprit si soûmis à leurs sentimens, & un cœur si remply d’estime & de veneration pour cette Illustre Compagnie, qu’elle auroit lieu d’en estre satisfaite ; Que si quelque chose luy pouvoit donner de la peine, au milieu de tant de sujets de satisfaction, c’estoit le peu de temps qu’il pourroit avoir d’en profiter, à cause de l’assiduité où sa Charge l’obligeoit auprés du Roy ; mais que comme il ne pourroit s’éloigner d’eux, que pour s’approcher de ce grand Monarque, de qui le Regne estoit plein de merveilles, pour la sacrée Personne, duquel ils avoient tant d’attachement & de zele, & à la gloire duquel ils parloient si bien ; il vouloit esperer qu’ils excuseroient ce mauvais effet par la bonté de sa cause ; & qu’ils luy permettroient d’achever son année de Service auprés de Sa Majesté, comme il l’avoit commencée ; aprés laquelle il se rendroit auprés d’eux le plus souvent qu’il pourroit, afin de leur faire connoistre à quel point il estoit charmé de ce qu’il leur entendoit dire, & ce qu’il voudroit faire pour mèriter leur approbation.

[Compliment de l’Académie à Mr le Chancelier] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 99-111

Ce mesme jour, il fut resolu que la Compagnie députeroit à Mr Boucherat, Chancelier de France, pour le feliciter sur le choix que le Roy venoit de faire de sa Personne pour remplir une place si importante, & Mr le Duc de S. Aignan ayant eu quelques raisons pour se dispenser de porter la parole comme Directeur, Mr Boyer, alors Chancelier de l’Academie, s’en trouva chargé. Ceux qui l’accompagnerent furent Mr Doujat, Doyen, Mr Charpentier, Mr l’Abbé de Dangeau, Mr l’Abbé Tallemant le jeune, & Mrs Bergeret, Racine, Despreaux, & le Clerc. Mr le Duc de S. Aignan les presenta à M. le Chancelier, & luy dit ; Que ne se trouvant pas assez d’éloquence pour s’en servir aupres d’une Personne de sa Dignité & de son grand merite, il avoit prié Mrs de l’Academie Françoise de trouver bon qu’il les presentast seulement, & que Mr Boyer qui remplissoit dans la Compagnie la seconde Charge apres celle de Directeur qu’il occupoit, portast la parole dans le Compliment qu’ils venoient luy faire. Apres cela Mr Boyer luy par la de cette sorte.

Monseigneur,

L’Academie Françoise, toûjours attentive à tous les pas & à toutes les démarches que fait son Auguste Protecteur, ne sçauroit assez loüer aujourd’huy sa Sagesse & sa Justice dans le choix qu’il a fait de vostre Personne, pour remplir la plus haute Dignité de l’Estat, & pour nous consoler en mesme temps de la mort de vostre Illustre Predecesseur. Ce n’est point une de ces élevations precipitées qui surprennent l’attente publique, & qui causent quelquefois moins de joye que d’étonnement. Il y a long-temps que nous vous suivions des yeux dans le chemin que vous vous estes tracé vous-mesme pour arriver à la place où vous estes. Nous avons vû par quels degrez vous y estes monté : Une application infatigable à tout ce qui fait le Magistrat achevé ; un Sçavoir à qui rien n’est échapé de ce qui sert à l’administration de la Justice, une Probité incorruptible, une Experience consommée, une Sagesse nourrie des plus solides connoissances de la Politique & de la Jurisprudence. Mais pourquoy s’engager dans un détail qui seroit trop long, pour voir dans toute son étenduë un Merite que vôtre Modestie a pû vous cacher à vous-mesme, & qu’elle n’a pû dérober aux yeux de toute la France ? Ne suffit-il pas de voir la Grandeur que ce Merite vous a procurée ? Souffrez pour cela, Monseigneur, que l’Academie Françoise qui sçait l’Art de définir les choses, & d’en faire des images vives, vous represente à vous-mesme, avec cette nouvelle Gloire qui vous environne. Souffrez qu’elle vous contemple sur le plus auguste & le plus glorieux Tribunal de l’Univers, où vous estes devenu la premiere Intelligence de l’Estat, sous le plus grand Roy de la Terre ; l’Organe de sa Justice souveraine, l’Oracle de ses Loix, le Dispensateur de ses Graces, & le Dépositaire de son Authorité.

Il est mal-aisé, Monseigneur, d’ajoûter quelque chose à de si grands noms : mais au moins vous sçavez que dans le Regne deLouis XIV. si la Grandeur peut avoir des bornes, la Gloire n’en a point. Luy mesme en donne l’exemple. S’il a borné ses conquestes par la Paix, on voit en mesme temps quelle abondante moisson de Gloire il s’est fait au milieu de cette Paix. Tant de milliers d’ames égarées, & ramenées au sein de l’Eglise, font plus d’honneur à sa Pieté, que tant de Places conquises sur ses Ennemis n’en ont fait a sa Valeur.. C’est à cette Gloire plus solide & plus durable que toute autre, que vous allez contribuer par vos soins & par vos conseils, & c’est par là que la vostre s’augmentera tous les jours.

Cependant, Monseigneur, agréez qu’aprés vous avoir regardé dans ces importantes occupations sous cette idée de Grandeur, pour nous rassurer contre cette Majesté si severe & si terrible qui est presque inseparable de vostre Dignité, nous regardions en vous cette charmante politesse qui vous gagne les cœurs de tout le monde ; cette noble facilité qui vous rend toûjours accessible au merite & à la vertu ; cette Bonté bienfaisante & genereuse, qui est le Refuge des foibles & des malheureux. Agréez sur tout que l’Academie Françoise, qui vous regarde comme le Chef & le second Protecteur des Sciences & des belles Lettres, se flatte de cette douce pensée que vous voudrez bien jetter quelquefois vos regards sur une Compagnie qui travaille à polir une Langue que vous parlez si bien, qui doit estre la Langue de toutes les Nations, & qui servira mieux à immortaliserLouis le Grand, que ces bronzes & que ces marbres qu’on luy prepare avec tant de magnificence.

Ce Discours que Mr Boyer prononça avec beaucoup de force & de grace, luy attira de grands applaudissemens. L’attention que Mr le Chancelier luy presta, fit assez connoistre combien il en estoit satisfait. Il y répondit avec cette honnesteté qui luy est si naturelle, & avec des termes pleins de bonté & de reconnoissance. Il dit, Qu’on luy faisoit beaucoup d’honneur de croire qu’il avoit une estime particuliere pour les Gens de Lettres ; Qu’il avoit eu autrefois Messieurs Godeau, Chapelain & Conrard, Illustres Academiciens de la premiere Institution, pour ses intimes & familiers Amis, & qu’il avoit toûjours crû que le Corps des Gens de Lettres estoit un des plus considerables de l’Estat, & que sans eux il n’y avoit point de Regne heureux, poly & florissant ; Que c’estoit un des principaux avantages de celuy du Roy, comme c’en estoit un pour les Gens de Lettres d’avoir dans les admirables Actions de cet incomparable Monarque une ample matiere pour exercer leur éloquence. En suite il s’étendit sur le succez incroyable qu’on voit tous les jours dans cette grande entreprise, & si digne d’un Roy Tres-Chrestien, que Sa Majesté a faite d’exterminer en France une Secte malheureuse qui a duré si longtemps. Il finit par des asseurances de l’estime tres-sincere & tres-passionnée qu’il avoit pour l’Academie Françoise, & de l’ardeur qu’il auroit toûjours de la servir, & de luy conserver ses Privileges.

[Sonnets] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 116-119

Voicy encore deux Sonnets de Mr le Clerc. Ils sont à la gloire de ce nouveau Chancelier.

Enfin selon nos vœux tes glorieux travaux,
Illustre BOUCHERAT, trouvent leur recompense ;
LOUIS à l’Univers apprend ce que tu vaux,
Par le discernement dont il te la dispense.
***
D’un Roy si vigilant à prévenir nos maux,
A porter jusqu’au Ciel le bonheur de la France,
Digne d’avoir un jour tous les Rois pour Vassaux,
Seconde les projets, & remplis l’esperance.
***
Mais parmy tant d’éclat dont il l’a revestu,
Parmy ce vaste champ qu’il ouvre à ta vertu,
Songe à ceux dont la main dresse un Temple à sa gloire ;
***
Dans ce tas de lauriers qu’on luy voit moissonner,
Tu sçais qu’il n’appartient qu’aux Filles de Memoire
D’en faire la guirlande & de l’en couronner.

Sur le mesme Sujet.

Du sommet glorieux de ce degré sublime,
Où vient de t’élever le plus puissant des Rois,
BOUCHERAT, voy la France applaudir à son choix ;
De tes nobles travaux c’est le fruit legitime.
***
Que tu vas dignement répondre à son estime !
Ton genie a brillé dans tes moindres emplois.
Que ne fera-t-il point sur le thrône des Lois
Pour sauver l’innocence, & pour punir le crime ?
***
Avec ce cœur si grand, si desinteressé,
Réunis en toy seul ceux qui t’ont devancé :
Leur souvenir est cher, & leur nom est auguste :
***
Themis te tend les bras, & je t’y vois voler :
Sage, éclairé, sçavant, actif, prudent & juste,
De ce qu’elle a perdu tu vas la consoler.

Air nouveau §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 137-138.L'attribution de cet air à Lambert est possible grâce au XXIXe Livre d'airs de differents autheurs [...] (Paris, C. Ballard, 1686), ainsi que grâce aux manuscrits F-Pn/ Res. Vm7. 583, F-Pn/ Res. Vmd. ms. 302 et F-Pc/ Res. F. 673.

L'Air nouveau que je vous envoye, est d'un de nos plus grands Maistres.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Le repos, l'ombre, le silence, doit regarder la page 138.
Le repos, l'ombre, le silence,
Tout m'oblige en ces lieux à faire confidence
De mes ennuis les plus secrets ;
Je me sens soulagé d'y conter mon martyre.
Je ne le dis qu'à des Forests,
Mais enfin c'est toûjours le dire.
images/1685-12_137.JPG

[Histoire] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 147-166

Il y a de la destinée dans les Mariages, & il s’en fait tous les jours par des voyes si peu communes, qu’il y a lieu de penser qu’ils sont arrestez dans un Conseil Souverain, dont les Arrests sont irrevocables. Un Cavalier en qui beaucoup de merite soutenoit les avantages du bien & de la naissance, passoit un jour par un Bourg, où il apprit qu’une jeune Demoiselle prenoit l’habit de Religieuse. La necessité où il se trouvoit d’y rester un jour entier, luy fit naistre le desir de voir la Ceremonie. Il se rendit dans l’Eglise en habit de Voyageur, & se cachant dans la foule, il examina toutes les Femmes que cette prise d’Habit avoit attirées en fort grand nombre. En les parcourant des yeux, il apperceut une jeune brune, qu’une aimable modestie rendoit aussi remarquable que l’éclat de sa beauté. Il la regarda long-temps, & eut le plaisir d’en entendre dire tous les biens imaginables à plusieurs personnes qui la regardoient ainsi que luy. Ces loüanges qui ne pouvoient luy estre suspectes, ayant commencé à luy donner pour elle plus que de l’estime, il voulut sçavoir son nom. On luy apprit qu’elle estoit d’une petite Ville éloignée du Bourg de quatre lieuës ; que sa Mere, Femme des plus vertueuses, la faisoit vivre dans une grande retraite ; que sa Maison ne s’ouvroit qu’à des gens devots, & que mesme c’estoit l’usage dans toute la Ville de ne recevoir que des personnes d’Eglise par tout où il y avoit des Filles à marier. Le Cavalier attacha ses yeux sur la belle brune tant qu’il put la voir, & quand on eut achevé la Ceremonie, il en emporta l’image si profondement gravée dans son cœur, qu’il tascha inutilement de l’en bannir. Quoy qu’il fust persuadé de son esprit & de sa vertu, par ce qu’il venoit d’en entendre dire, il voulut la connoistre par luy-mesme, & un mouvement pressant, auquel il fut contraint de s’abandonner, le fit resoudre à n’épargner rien pour venir à bout de son entreprise. Il estoit luy-mesme d’une Famille devote, & les exemples de pieté qu’il avoit receus, luy faisoient mener une vie fort reguliere. Ainsi il avoit fait diverses lectures qui luy avoient éclairé l’esprit sur la Morale, & se resolvant à prendre un habit d’Abbé, il avoit dequoy soûtenir ce Personnage. Il donna ordre à toutes les choses qui luy estoient necessaires pour cette metamorphose, & ayant pris le petit Collet & une courte Perruque, il se rendit dans la Ville où demeuroit la belle Personne, qui l’attiroit avec tant de force. Son esprit insinuant, & ses manieres douces & honnêtes, luy eurent bien-tost acquis l’estime de tout le monde. Joignez à cela une conduite toute édifiante, & une telle assiduité pour tout ce qui se peut appeller Pratiques Spirituelles, qu’il fut regardé parmy les Devots comme tres-digne de participer à leurs privileges, & d’estre receu dans leurs Conferences. Ils le menerent en plusieurs Maisons, & en peu de temps il connut toute la Ville. Il avoit l’air bon, & son entretien marquant sa naissance, les Dames les plus austeres eurent de l’empressement pour ses visites. Il ne leur parloit que de leur salut, & la reputation où le mit sa probité, leur fit prendre en luy tant de confiance, qu’elles ne pouvoient rien faire que par son avis. Enfin il fut introduit où il souhaitoit avec tant d’ardeur d’être receu favorablement. Il s’attacha d’abord à la Mere, sans que l’on pust soupçonner qu’aucun interest d’amour entrast dans les soins qu’il luy rendoit. Il n’adressoit le Discours qu’à elle, & il s’observoit si bien que jamais ses yeux ne le trahissoient. Il s’acquit par là son entiere confiance, & quand il luy survenoit la moindre affaire, elle ne faisoit aucune difficulté de le laisser seul avec sa Fille. Ce fut alors qu’il s’enflama tout de bon. Quelle égalité d’humeur, & quelle douceur d’esprit ne trouva-il pas dans cette aimable personne ! Il connut que sa beauté estoit le moindre de ses avantages. La droiture de son ame & la bonté de son cœur, l’emportoient sur tous les charmes dont la Nature luy avoit esté prodigue. Il la mettoit souvent sur le Mariage, & sur la necessité où il la voyoit de faire un choix pour son établissement. Elle répondoit toûjours qu’ayant du bien pour vivre sans dépendance, & voulant remplir exactement ses devoirs en toutes sortes d’estats, elle ne se marieroit jamais qu’avec un homme, qui par une reputation solide & bien confirmée, se seroit acquis toute son estime. Comme son merite estoit extraordinaire, il luy attira divers Pretendans, sur lesquels la Mere ne manqua pas de le consulter. Il leur trouva à tous des défauts qui empescherent qu’elle ne les écoutast, & eut la joye de connoistre que la Fille entroit avec plaisir dans les raisons qui les faisoient rejetter. L’amour secret qu’il avoit pour elle s’augmentant de jour en jour par l’indifference qu’elle luy marquoit pour tous les hommes, il tâcha de l’engager à prendre pour luy des sentimens, qui n’estant fondez que sur l’amitié, pussent passer aisément à quelque chose de plus, quand on connoistroit son déguisement. La Belle prévenuë pour luy d’une veritable estime, s’y montra fort disposée, & lors qu’il se creut asseuré de son esprit, il employa un de ses Amis pour la demander en mariage. La Mere à qui l’on vanta son bien & les autres avantages qui se rencontroient dans ce party, prit conseil de luy sur cette affaire, & il vous est aisé de juger qu’il ne parla pas contre luy-mesme. Il dit qu’il connoissoit la Maison du Cavalier qu’on luy proposoit pour Gendre, & que voulant donner à sa Fille un homme de probité, & qui eust ce qu’on pouvoit souhaiter dans un Mary capable de rendre une Femme heureuse, il croyoit qu’elle auroit peine à faire un choix plus avantageux. Ce fut assez pour faire accepter le Cavalier. Elle consentit à sa recherche, & le faux Abbé eut une joye incroyable de voir ses desseins en estat de reüssir ; mais cette joye fut bien-tost troublée. La Fille marqua de l’aversion pour ce mariage, & il fut surpris de trouver en elle une repugnance qu’il n’attendoit pas. Il eut beau luy dire que la reputation du Cavalier luy estoit connuë ; elle le pria de rompre l’affaire, & de trouver des raisons pour le faire exclure, comme il en avoit trouvé en d’autres occasions. Il combattit cette aversion pendant quelques jours, & l’ayant priée de luy en dire la cause, elle répondit qu’un panchant secret avoit entraisné son cœur, sans qu’elle eust pû s’en deffendre, & que mille belles qualitez qu’elle connoissoit dans un homme qui estoit fort éloigné de penser à elle, luy avoient donné pour luy une estime si particuliere, que cette estime luy sembloit incompatible avec ce que son devoir luy demanderoit pour un Mary. Le faux Abbé fut fort affligé de cette réponse, & d’autant plus que la Belle luy parut entierement resoluë à demeurer dans l’estat où elle estoit. Elle ajoûta qu’il avoit sujet de souhaiter qu’elle persistast dans ces sentimens, puis qu’estant de ses Amis, elle auroit toûjours la joye de le voir, au lieu que le Mariage l’assujettissant à d’autres devoirs, elle ne pourroit entretenir l’amitié parfaite qu’il luy avoit demandée. Une déclaration si obligeante fit ouvrir les yeux au faux Abbé. Il commença de comprendre qu’il estoit luy-mesme l’obstacle de son bon-heur, & que la Belle ne le refusoit que par l’attachement qu’elle avoit pour luy. Il l’observa avec plus d’attention, & ses regards, & quelques paroles qui luy échaperent, l’ayant confirmé dans une pensée si agreable, il la pria de souffrir que le Cavalier luy rendist une visite, l’assurant que si sa personne ne luy plaisoit pas, il viendroit à bout de dégager la parole de sa Mere. Le peu qu’elle hazardoit par là, la fit consentir à ce qu’il voulut. Le jour fut pris pour cette Visite, & on le pria d’y estre present. Il s’en excusa sur ce que l’interest seul de la Mere & de la Fille, l’ayant porté à estre d’avis que l’on fist ce Mariage, il se croyoit obligé de les laisser dans une entiere liberté d’agir, sans qu’il se trouvast à une Entreveuë qui regleroit ce qu’elles devoient resoudre. Le jour arresté estant venu, il se rendit en équipage fort propre où il estoit attendu de la Mere & de la Fille. Sa longue Perruque, & l’habit de Cavalier, les empescherent d’abord de le reconnoître ; mais à peine eut-il parlé, qu’elles s’écrierent toutes deux en mesme temps, & luy marquerent l’étonnement où elles estoient du changement qu’il faisoit paroistre. Il leur expliqua son avanture, & les ayant asseurées que Cavalier ou Abbé, il estoit tel qu’elles l’avoient veu, inébranlable dans les sentimens qu’elles avoient approuvez, & tres-sincere dans la conduite qu’il avoit tenuë, il leur demanda quelle esperance elles vouloient luy permettre. La réponse de la Mere luy fut favorable, & la Fille dont il avoit sceu toucher le cœur, ne put se défendre de luy avoüer qu’elle n’avoit resisté à la proposition qu’on luy avoit faite, que par la secrete inclination qu’elle avoit sentie pour luy. Le Mariage se fit peu de jours aprés, & fut suivy de réjoüissances où toute la Ville témoigna de prendre part.

[Ce qui s'est passé en plusieurs Villes du Royaume, touchant les affaires de la Religion, & les Conversions qui se sont faites] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p.186-187, 190-193, 232-237

 

Mr le Marquis de saint Germain, Gouverneur de la Marche, ayant receu de la part du Roy une copie de l'Edit qui suprime l'Exercice de la Religion Pretenduë Reformée, avec ordre de faire démolir en execution de cét Edit, le Temple de la Ville d'Aubusson, qui estoit le seul lieu de la Province où si fist cét Exercice. [...]

 

[...] Mr le Marquis de Saint Germain fit son Entrée dans la Ville, & à peine fut-il descendu dans la Maison qui luy avoit esté preparée ; qu'une foule des Habitans Religionnaires vinrent le prier de vouloir estre témoin de l'Abjuration qu'ils estoient tout prests de faire entre les mains de leur Curé. Des dispositions si promptes & si favorables le surprirent agreablement. Il y répondit avec des honnêtetez & des caresses, qui engagerent ce qui restoit là de Calvinistes à se convertir les jours suivans. Le peu de temps qu'on eut ce premier jour, ne permit de recevoir l'Abjuration que de six-vingt personnes. Le lendemain 23. d'Octobre plus de trois cens adjurerent, & une des Femmes de ces nouveaux Catholiques estant accouchée la nuit d'un Fils, Mr le Gouverneur en voulut bien estre le Parrain. Ce baptesme fut solemnel & singulier de toutes manieres. Toute la Ville se remit sous les Armes, & en allant à l'Eglise, il fut precedé, accompagné, & suivy de plusieurs salves de Mousqueteries. Les Conversions continuerent ce mesme jour 24. du mois, & le nombre des Calvinistes qui estoit de plus de six cens, fut reduit à douze. Il parut d'abord que ces derniers cherchoient à se distinguer par l'opiniâtreté qui est le caractere des Heretiques ; mais Mr le Gouverneur, Mr de Cressat, & Mr de Gedoüin Vicomte du Monteil son Gendre, leur parlerent avec tant de force & de douceur, qu'ils les ramenerent comme les autres, & ils assisterent à la Messe chantée en Musique avec le Te Deum, & les Prieres ordinaires pour le Roy. [...]

 

Il ne reste plus aucun Pretendu Reformé dans la Ville de Niort en Poitou, & toutes ces Conversions sont deuës à Mr de Fontmort, President & Lieutenant General, & à Mr de la Teraudiere, Maire de la mesme Ville. [...] Les Calvinistes ont esté instruits ; ils ont esté convaincus ; ils ont vû clair dans les Misteres de la Foy, & ils se sont convertis, sans que de plus de cinq mille personnes, il en soit resté une seule qui fasse encore Profession de la Religion Pretenduë Reformée. Mr le President de Fontmort a esté si pénetré du plaisir que ce changement luy a causé, qu'il a fait un feu de joye, où quatre jeunes Demoiselles mirent le feu à la teste de deux cens Filles converties, & aux bruits des Tambours & des Trompettes. Je ne vous décris point cette Feste, ny la Statuë du Roy que l'on avoit élevée exprés, & autour de laquelle trois cens Mousquetaires firent de continuelles décharges, & burent à la santé de Sa Majesté avec le vin de plusieurs Fontaines qui couloient aux dépens de ce génereux President, qui avoit chez luy une Table de soixante couverts pour les personnes les plus qualifiées de la Ville, sans celles qui se trouverent encore en plusieurs endroits de son logis. Cette réjoüissance se communiqua dans toute la Ville, de sorte que l'on peut dire que tous les Habitans burent ensemble ce soir là. [...]

[Chapitre general de Cluny]II §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 278-279, 289-290, 295-296

 

 

Je ne vous ay point parlé du Chapitre general qui a esté tenu depuis deux mois dans l'Abbaye de Cluny, parce que les circonstances ne m'en estoient pas connuës.

 

[...] on alla au Définitoire, où tout le monde mangea maigre [...] Mr le Cardinal de Boüillon, qui se trouva aussi bien qu'eux au Réfectoire, où il fit toutes les fonctions, ayant dit le Benedicite & les Graces que l'on finit dans le Chapitre, où l'on alla au sortir du Refectoire, en chantant le Miserere. [...]

 

Plusieurs Personnes des environs se sont trouvées à l'Ouverture de ce Chapitre, entr-autres Mr l'Evesque de Chaalons sur Saone, le Prieur des Chartreux de Lyon, & quelques Jesuites de la mesme Ville ; Mr l'Abbé de Septfonds, Mr le Doyen de l'Eglise d'Autun, quelques Chanoines de Tournus, & Mr de Santeüil Chanoine Regulier de l'Abbaye de Saint Victor de Paris, dont les Hymnes qu'il a composées pour le nouveau Breviaire de Cluny, furent leuës dans le Définitoire avec reconnoissance & avec applaudissement.

[Comedies nouvelles] §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 303-306

 

La Troupe du Roy a donné plusieurs Representations d'une Comedie intitulée, Les Façons du Temps. Comme on ne dit point le nom de l'Autheur, j'observeray là-dessus le silence que sa modestie veut qu'on garde. Elle est d'un Homme du monde, qui en sçait les manieres, & de qui mesme des personnes de distinction & de naissance, veulent bien recevoir des préceptes pour apprendre à vivre. Cette Piece a d'abord esté traitée comme le sont celles qu'on estime assez pour les critiquer ; car chacun sçait que l'on ne se donne pas la peine de censurer, ce que l'on trouve tout-à-fait méchant. Aprés avoir essuyé la critique de ceux que ne voyent les Ouvrages nouveaux que pour en chercher les endroits foibles, elle a esté joüée à la Cour, où elle a receu un accueil plus favorable, & où parmy les suffrages illustres qu'elle a eus, elle en a merité de personnes reconnuës & estimées, pour n'avoir jamais déguisé leurs sentimens. Le Public desinteressé l'a veuë ensuite. Il s'y est fort diverty, & les Assemblées ont esté nombreuses. Comme elles font le plus grand succés des Pieces, on peut dire que celle-cy a eu beaucoup d'Approbateurs, puis qu'elle a toûjours eu des Auditeurs en tres-grand nombre.

Je ne puis encore vous parler d'Alcibiade, Tragedie nouvelle de l'Autheur d'Andronic. Elle sera representée avant que ma Lettre parte, mais ma Lettre sera finie avant qu'on la jouë. Cependant je puis vous dire d'avance, que cette Piece qui a esté leuë a beaucoup de Connoisseurs, est tellement estimée qu'elle doit avoir un tres-grand succés.

Air nouveau §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 314-315.

Je vous envoye un second Air, qui peut servir de Chanson à boire.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Mille sujets de jalousie, doit regarder la page 315.
 Mille sujets de jalousie
 M’obligent de quitter Sylvie,
 Et ne le pouvant sans secours,
C’est à Bachus qu’il faut avoir recours.
Mais si ce Dieu me devient favorable,
 S’il me charme de sa liqueur,
 Helas ! au sortir de la table,
 Que faut-il faire de mon cœur ?
images/1685-12_314.JPG

[Sur les livres Histoire des Troubles de Hongrie et La Morale d’Epicure]* §

Mercure galant, décembre 1685 [tome 12], p. 318-320

Je n’ay point douté que l’Histoire des Troubles de Hongrie que je vous ay envoyée, ne dust vous causer autant de plaisir que vous me marquez en avoir receu de cette lecture. Il y a un si grand nombre d’années que les Desordres arrivez dans ce Royaume font l’entretien de toute l’Europe, qu’il est difficile que les personnes les moins curieuses ne soûpirent d’en apprendre le commencement & les progrez. La Conspiration des quatre Comtes qui ont esté executez pour leur révolte, y est amplement traitée, & peut-étre n’a t-on jamais fait aucune Relation plus exacte que celle que vous y avez trouvée Siege de Vienne. Je vous envoye aujourd’huy la Morale d’Epicure, qu’on a imprimée depuis peu de temps, avec des Reflexions dignes de celuy qui les a faites. Les Sentimens de ce Philosophe vous estoient déja connus, par ce qui en a esté dit dans un des derniers Dialogues sur les choses difficiles à croire. Je suis, Madame, vôtre, &c.

A Paris, ce 31. Decembre 1685.