1687

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8].

2017
Source : Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8]. §

[Vers sur la Santé du Roy] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 3-11

 

Voicy des Vers d’un de ces zelez Sujets qui m’est inconnu. La matiere n’est pas nouvelle, & je ne croy pas mesme qu’ils soient nouveaux, mais je ne les avois point encore vûs, & je vous envoye la premiere copie qui m’en est tombée entre les mains. Vous trouverez dans ces Vers des endroits inimitables, qui font connoistre que c’est l’amour des Sujets qui fait distinguer le vray Monarque, de celuy qui n’a ce nom que parce qu’il le tient de sa naissance.

SUR LA SANTÉ
De Sa Majesté.

Le débris de cent murs qui tombez sous ta foudre
Fument encor du coup qui les a mis en poudre,
Et ce Monstre écrasé, qui sorty des Enfers,
De nos Roys trop long-temps avoit bravé les fers,
Grand Roy, marquoient déja que Dieu par sa clemence
Sous ton regne attachoit ses faveurs à la France.
 Mais ces divers Ramparts foudroyez en courant,
Et ce Monstre d’Erreur sous tes mains expirant
De la faveur d’en haut n’est pas le plus beau gage,
Le Ciel te conservant fait pour nous davantage ;
Et l’Univers entier soumis à nostre Loy
Ne nous vaudroit pas tant qu’un Maistre tel que toy.
 Aprés nous avoir mis à l’abry des tempestes
Porté de toutes parts tes rapides Conquestes,
Souvent dans un Combat dompté trente ennemis,
Sur le Rhin, sur l’Escaut, par tout planté nos Lys,
Fait marcher devant toy la crainte & les alarmes,
Triomphé par ton nom autant que par tes armes,
Exterminé l’Erreur, sur des Temples nouveaux,
Fait passer ton couroux, & tomber tes carreaux,
Accordé le secours de ta main triomphante
À la Religion par tes soins florissante,
Soutenu noblement ton Thrône, & nos Autels,
Si la mort t’avoit mis au rang des immortels,
Quel avantage helas ! de voir l’Hydre étouffée,
Quand toy-mesme on t’eust veu tombé sous ton Trophée ?
Quel fruit de tes travaux ? car aprés tout, grand Roy,
Qu’auroient pû nous servir tes triomphes sans toy ?
 Aussi dés que la France apprit d’un bout à l’autre
Avec un juste effroy ton danger & le nostre,
Des mains qui te frappoient nous sentismes les coups,
La blessure d’un seul devint le mal de tous.
 Que de tristes sanglots vers le Ciel se pousserent !
À former mille vœux que de cœurs s’empresserent !
Qu’à son Royaume entier LOUIS coûta d’ennuy !
Nous tremblions pour nous ne tremblant que pour luy.
 Mais nostre amour alors plus fort que la nature
Cent fois pour te guerir envia ta blessure,
Et pour prendre sur soy le hazard de ton sort,
Quel lâche n’eust trouvé des charmes dans la mort,
N’eust compté pour un gain la perte de sa vie,
Si d’un heureux succés sa noble ardeur suivie
Eust pû te conserver à ton Peuple, à ta Cour,
Et par vingt de ses ans t’acheter un seul jour ?
 Ce n’est pas ton bonheur, ce n’est pas ta Couronne,
Qu’adorent tes Sujets, grand Roy, c’est ta Personne,
Ton Peuple avec raison n’aime que toy dans toy,
Car le Royaume entier vaut bien moins que son Roy.
Cet amour des Sujets, est l’infaillible marque
Qui nous fait demesler un vray d’un faux Monarque.
Ce n’est pas son Palais dont le faiste orgueilleux
Semble par sa hauteur vouloir braver les Cieux,
Ny sa Pourpre, ou l’éclat que jette sa Couronne,
Ny la nombreuse Cour qui par tout l’environne,
Ny d’un peuple flateur le respect importun,
Les Roys, & les Tyrans ont cela de commun.
 L’amour, le seul amour d’un Peuple envers son Maistre
Nous peut faire juger s’il est digne de l’estre,
Et cet heureux amour jamais brilla-t-il mieux
Qu’aux momens fortunez où l’on sçeut que les Cieux
Ecartant leur couroux rappelloient leur clemence,
Et sauvant Loüis seul sauvoient toute la France ?
 Fut-il âge, ny sexe à qui cette faveur
Cent fois avec transport n’en fist benir l’Autheur ?
Nos applaudissemens, nos yeux, nôtre visage
De ce que nous sentions tout porta témoignage,
On sceut le prix du bien que le Ciel nous rendoit,
Il estoit infini, la joye y répondoit ;
Et maintenant encor, que cette mesme joye
Dans le Royaume entier à l’envy se déploye,
Que c’est avec raison que tu te réjoüis !
France, tout est à toy, tu possedes LOUIS.

Loüis le Grand également chéry, & redouté §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 11-13

 

Si ces Vers font voir combien le Roy est aimé de tous ses Peuples, le Sonnet qui suit vous apprendra que ce Prince sçait l’art de se faire aimer. Il est de Mr Magnin ; & a pour titre,

LOUIS LE GRAND
également chery,
& redouté

De mille Conquerans les forces redoutables
Ont par un air severé effrayé l’Univers,
Mais faute d’estimer le bonheur d’être aimables,
Ils se sont attiré de terribles revers.
***
 D’autres tout au contraire, à ceux-là peu semblables,
Par crainte, par foiblesse, ou bons, ou trop ouverts,
Loin d’estre reverez, devenus méprisables,
Ont souffert lâchement cent outrages divers.
***
 Heureux & rare accord de bonté, de puissance !
En nous montrant LOUIS & sa sagesse immense
Tu ne le dépeins point sous des traits supposez.
***
 Il sçait se faire aimer, il sçait se faire craindre,
Ménageant tour à tour, ces talens opposez
De douceur pour charmer, de force pour contraindre.

[Vers Latins de M. le Cardinal Ranuzzi avec la traduction qu’on en a faite] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 14-17

 

Le Roy n’est pas seulement loüé par ses Sujets. Comme par tout où il est connu, les personnes du premier rang l’admirent, ainsi que celles qui ne sont distinguées que par leur esprit, Mr le Cardinal Ranuzzi a adressé à Mr le Cardinal d’Estrées ces six Vers Latins, sur les actions de ce grand Monarque, qui sont décrites sur l’Orison du Globe terrestre que le Pere Coronelli a fait pour Sa Majesté, par l’ordre de son Eminence.

Grandia gesta manent, Solis non excipit annus,
 Nec soliti possunt enumerare dies.
Longior annus adest. Saturnus suppetat orbem,
 Hic valeat melius vota fovere sua ;
Hic rediviva sui miretur tempora regni,
 Regis & acta notans, aurea sœcla notet.

Je ne doute point que vos Amies ne me pardonnent sans peine ce peu de Vers dans une Langue qu’elles n’aiment pas, puis qu’ils sont faits pour le plus grand Roy de la terre, par un Cardinal d’un tres-grand merite, & que d’ailleurs elles en trouveront la traduction dans ces autres Vers de Mr l’Abbé Laurent.

Que de faits inoüis n’ont point icy de place !
Un an peut-il nombrer tant de fameux Combats ?
Non, les jours limitez que le Soleil nous trace,
Pour les renfermer tous ne te suffisent pas.
***
 Il faut qu’une plus longue année,
 Donne un plus grand nombre de jours,
Et que de cette vie illustre & fortunée,
 Saturne décrive le cours.
***
Son regne avec LOUIS, enfin se voit renaistre ;
Qu’il admire du Ciel ce precieux trésor ;
Et s’il peut nous marquer tout ce que fait son Maistre,
 Il marquera le Siecle d’Or.

[Liste des Compagnies establies à Rome, à Venise, & à Paris, pour contribuer à la depense des Globes du Pere Coronelli] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 17-49

 

Ces Vers me donnent lieu de vous dire que le Pere Coronelli, qui fait ces fameux Globes, estant venu à Paris pour les faire transporter de l’Hostel d’Estrées à l’Hostel de Lionne, en attendant qu’ils puissent estre placez à Versailles, communiqua à quelques-uns de ses Amis le dessein qu’il avoit de reduire ces grands Globes à un volume qui pust estre commode aux Bibliotheques & aux Curieux. Il dit à Mr l’Abbé Laurent qu’il se formoit à Venise une Compagnie pour contribuer à la dépense de cette entreprise, & qu’on ne seroit peut-estre pas fâché en France d’avoir part à ce dessein. Mr l’Abbé Laurent en parla à quelques personnes de qualité qui résolurent, en formant une Societé, de faire voir que la France le dispute à l’Italie pour l’amour des belles Lettres. Dés ce temps-là ils jetterent les fondemens d’une Compagnie qui commença à Paris le 10. Novembre dernier. On en fit imprimer une Liste dans les premiers jours de Janvier, & cette Compagnie s’estant beaucoup augmentée en peu de temps, on en publia une nouvelle quelques mois aprés. Je vous en envoye une copie.

Messieurs les Associez aux Globes du Pere Coronelli, vous envoyent ce nouveau Catalogue de leur Societé, qui comprend ceux qui la forment à Venise & à Rome. Ceux qui auront dessein d’y entrer, adresseront leurs Lettres à Mr l’Abbé Laurent, l’un desdits Sieurs Associez, demeurant ruë Payenne au Marais, lequel aprés en avoir informé Mr de Guenegaud Maistre des Requestes, se chargera d’y faire réponse.

Ledit Sieur Abbé Laurent a esté prié par lesdits Sieurs Associez, de se charger du soin de voir le progrés de l’Ouvrage de Paris, & d’avoir toutes les semaines des nouvelles du Pere Coronelli, pour sçavoir en quel estat est celuy de Venise, & tous les mois il rendra compte de l’un & de l’autre à Mr le Pelletier, Conseiller d’Estat ordinaire & Intendant des Finances, à Mr Bignon Conseiller d’Estat ordinaire, à Mr Roüillé du Coudray, Procureur General de la Chambre des Comptes, à Mr de Guenegaud, Maistre des Requestes, & cy-devant Ambassadeur pour le Roy en Portugal, au R.P. Verjus, Jesuite, & au R.P. du Molinet Chanoine Regulier de Saint-Augustin à Sainte Geneviéve, lesquels voudront bien en informer ceux qui souhaiteront en sçavoir la verité.

Tous les trois mois on donnera un nouveau Catalogue des Associez de Paris, de Venise, de Rome, & des autres lieux où ladite Societé s’établira, & les noms des Associez seront mis dans ces Catalogues, suivant l’ordre de leurs payemens.

On envoyera à Mrs les Associez un Billet d’avis de l’écheance de leurs termes, pour les avertir de satisfaire à leurs payemens ; & l’on prie ceux qui sont entrez, ou qui entreront dans ladite Societé, de donner leurs demeures, afin qu’on puisse leur envoyer seurement ces Billets d’avis.

LISTE DES ASSOCIEZ
de Paris.

Mr le Duc de Brissac, Pair de France.

Mr l’Abbé Venier.

Mr de Poix, Seigneur de Bequerel.

Mr le Pelletier, Conseiller d’Estat ordinaire, & Intendant des Finances.

Mr Titon, Procureur du Roy de la Ville.

Mr de Guenegaud, Maistre des Requestes, & cy-devant Ambassadeur en Portugal, a payé entierement.

Mr l’Abbé de Dangeau.

Mr le Marquis de Broon premier Escuyer de Madame.

Mr l’Abbé Laurent.

Mr de S. Laurent, sous-Gouverneur & Precepteur de Monsieur le Duc de Chartres.

Mr de Vilermont.

Mr le Mareschal d’Estrées, Vice-Amiral de France.

Mr Contarini.

Mr l’Abbé de la Fayette.

Mr le Comte de Lionne, Premier Escuyer de la grande Escurie du Roy.

Mr l’Abbé Morel, Conseiller au Parlement.

Mr Roulland Docteur de Sorbonne, Prieur de Mortain.

Mr l’Evesque de Laon, Duc & Pair de France.

Mr l’Abbé de Noailles.

Mr le Maréchal Duc de Vivone, General des Galeres.

Mr le Maréchal Duc de la Feüillade, Colonel du Regiment des Gardes.

Mr Cassini, Astronome du Roy.

Mr Bignon, Conseiller d’Etat ordinaire.

Mr de la Ferriere, Maistre des Requestes.

Mr de Fieubet, Conseiller d’Etat ordinaire.

Mr de Marillac, Conseiller d’Etat ordinaire.

Mr Bignon, Maistre des Requestes & President au Grand Conseil.

Mr Roüillé du Coudray, Procureur General de la Chambre des Comptes.

La Bibliotheque de Saint Germain des Prez.

La Bibliotheque de Saint Victor.

Le Reverendissime Pere de la Chaise, Confesseur du Roy.

Le R. P. Verjus, Jesuite, pour M. Constance, premier Ministre d’Etat de Siam.

Ledit R. P. Verjus, pour l’Empereur de la Chine

Mr de Tralage.

Mr le Duc d’Estrées, Pair de France, & Gouverneur de l’Isle de France.

Mr le Duc de Brancas, Pair de France.

Mr le Duc d’Aumont, Pair de France, premier Gentilhomme de la Chambre du Roy.

Mr l’Abbé d’Estrades, Conseiller d’Etat, & cy-devant Ambassadeur à Venise & en Savoye.

Mr le Cardinal Ranuzzi, Nonce extraordinaire en France.

Mr Begon, Conseiller d’honneur au Parlement de Provence, & Intendant General des Galeres à Marseille.

Mr Colbert, Abbé de Bonport.

Mr Colbert, General de de l’Ordre de Prémontré.

Mr de la Croix, Conseiller du Roy, Maistre ordinaire & Doyen en sa Chambre des Comptes.

Mr Amelot de Gournay, Maistre des Requestes, & Ambassadeur pour le Roy en Portugal.

Mr l’Abbé Blondel.

Mr le Camus, Maistre des Requestes.

Mr Gault.

Mr de Caumartin, Maistre des Requestes.

Mr l’Abbé de Vaubrun.

Mr de Blanpignon, Docteur de Sorbonne, Curé de Saint Mederic.

Mr Betaud de Chemaux, Conseiller au Parlement.

Mr le Bret, Maistre des Requestes, & Intendant de Justice à Lyon.

Mr le Cardinal de Boüillon, Grand Aumônier de France.

Mr l’Archevesque de Lyon, a payé entierement.

Mr Roüillé, Lieutenant General des Eaux & Forests de France.

Mr l’Abbé Amelot, Aumônier du Roy.

Mr de Morges, Conseiller au Parlement de Grenoble.

La Bibliotheque de Sainte Geneviéve.

Mr Chaponel, Secretaire du Roy.

Mr le Duc de Noailles, Pair de France, Capitaine des Gardes du Corps.

Mr l’Abbé de Croissy.

Mr le Normand, Secretaire du Roy.

Mr du Lieu, Conseiller du Roy, & Maistre ordinaire en sa Chambre des Comptes.

Mr l’Evesque de Chalon Comte & Pair de France.

Mr d’Aligre, Abbé de S. Jacques de Provins.

Mr du Ham, Marchand Libraire à Aix en Provence.

Mr du Fresnoy, Conseiller du Roy, & premier Commis de M. le Marquis de Louvois, Ministre & Secretaire d’Etat.

Mr de Mesmes, Commandeur des Ordres du Roy, & President à Mortier.

Mr Tomassin, Seigneur de Mazaugues, Conseiller au Parlement de Provence.

LISTE DES ASSOCIEZ
de Venise.

N.H.S. Pietro Emo.

N.H.S. Gio Battista Dona.

N.H.M. Silvestro Valier Cavalier, Procuratore di S. Marco.

N.H.M. Girolamo Balsadona, procuratore di S. Marco.

N.H.M. Antonio Grimani Cavalier, e Procuratore di S. Marco.

N.H.S. Gio. Antonio Ruzuni.

N.H.S. Gio, Battista Nani.

N.H.S. Gio : Francesco Barbarigo.

N.H.S. Ferigo Venier.

N.H.S. Francesco Loredan.

N.H.S. Christino Martinelli.

N.H.M. Vettor Correr, Procuratore di S. Marco.

N.H.S. Giacomo Riva.

N.H.S. Cattarin Corner.

N.H.M. Giulio Giustiniani, Procuratore di S. Marco.

N.H.S. Giulio Giustiniani, Cavalier.

N.H.S. Girolamo Correr.

N.H.S. Giorgio Corner.

N.H.S. Girolamo Ravagnin.

N.H.S. Girolamo Duodo.

N.H. Vincenzo Finis.

N.H.S. Gio Battista Gradenigo.

N.H.S. Marin Zorzi.

N.H.S. Antonio Maria Bernardi.

N.H.S. Gio : Francesco Morosini.

N.H.S. Bernardino Dona.

N.H.S. Pietro Contarini.

N.H.S. Gio : Bernardi.

N.H.S. Giust’ Antonio Belegno.

N.H.S. Angelo Contarini.

N.H.M. Nicolo Venier, Procuratore di S. Marco.

N.H.S. Constantin Renier.

Monsignor Leoni Vescovo di Ceneda.

N.H.S. Filippo da Molin.

Monsignor Badoer, Primicerio di Venezia.

N.H.S. Gio : Battista Minelli.

N.H.M. Angelo Morosini Cavalier, e Procuratore di S. Marco.

N.H.S. Giovanni Lando.

N.H. Giaino Nani q. Bernardo.

Sig. Abbate Belloni.

N.H.S. Benedetto S. Gio : Toffetti.

S. Cardinal Barbarigo Vescovo di Pad.

N.H.S. Bartolomeo Grimani.

N.H.S. Suanne Renier.

N.H.S. Carlo Contarini Cavalier.

N.H.S. Nicolo Dolfin.

N.H.S. Gio : Battista Erizzo.

N.H.S. Nicolo Contarini.

N.H.S. Pietro Valier.

N.H.S. Sebastien Foscarini Cavalier.

N.H.M. Marco Contarini Procuratore di S. Marco.

N.H.S. Girolamo Pisani q. Vettor.

N.H.S. Girolamo Zen Cavalier.

N.H.S. Ferigo Marcello.

N.H.S. Antonio Martinelli.

N.H.S. Claudio Gonzaga Marchese.

S. Marchese Michiel Sagramosa.

S. Gio : Battista Nicolosi, Secretario del l’Eccell. Senato.

S. Medico Senacchi.

S. Medico Bracchi.

Padre Felice Donati.

S. Avocato Francesco Fanelli.

S. Avocato Stefano Morelato.

S. Cau : Conte Matteo Alberti.

S. Sigismondo Alberghetti.

S. Francesco Savioni, Secretario della S. Republica.

N. Signor. Marchese Guido Rangom.

N.H.S. Giovanni Malipiero q. Vettor.

N.H.S. Almoro Giustinian q. Benetto.

LISTE DES ASSOCIEZ
de Rome.

Il Signor Cardinale d’Estrées, Duca e Pari di Francia.

Il Sig. Principe di Bozolo, Duca di Sabionetta.

Il Padre Reverendiss. Cloche, Ministro Generale dell’Ordine de Predicatori.

Il Padre Reverendiss. Maëstro Aversani, Ministro Generale dell’Ordine de Minori Conventuali.

Monsignor Ciampini.

Je soussigné le P. Coronelli, Cosmographe de la S. Republique de Venise, promets à .… de luy fournir & delivrer à Paris avant la fin de deux années, deux Globes, l’un Celeste, & l’autre Terrestre, enluminez & montez sur leurs pieds, lesquels auront chacun trois pieds & demy de diametre, mesure de France, qu’on grave actuellement à Paris & à Venise, aux dépens de Messieurs les Academiciens, qui ont déja fourny partie des sommes necessaires ; & ce, aux conditions suivantes. C’est à sçavoir que ledit Sieur.… fournira pour lesdits Globes seize Loüis d’or à onze livres dix sols piece, comme ils ont cours à present, entre les mains de M. le Secretaire de l’Ambassade de Venise, loge à Paris à l’Hostel des Ambassadeur ; de ladite Republique, ruë de Torigny au Marais, qui donnera ses receus de ladite somme au pied du present imprimé, rapportant lequel signé de moy, & les receus dudit Sieur Secretaire, on delivrera audit Sieur.… lesdits Globes dans le temps marqué. Pour faciliter le payement desdits seize Loüis d’or, il en sera payé d’abord deux seulement, & le surplus sera payé d’avance de trois mois en trois mois, à raison aussi de deux Loüis d’or pour chacun payement. Comme cet argent doit estre employé à Paris, ainsi que celuy de Venise l’est dans cette Ville-là, au payement des Dessinateurs, Graveurs, & autres qui travaillent ausdits Globes, & que le retardement qu’on apporteroit audit payement interromproit le cours de l’Ouurage, chacun de ceux qui voudront avoir ces Globes, doit estre ponctuel à envoyer audit Sieur Secretaire tous les trois mois par avance lesdits deux Loüis d’or. Ceux qui manqueront d’y satisfaire, perdront les avances qu’ils auront faites, & le droit d’avoir lesdits Globes, dont ils seront décheus, mesme quand ils offriroient le payement du reste qu’ils auroient differé à envoyer. Ainsi le Sieur.… donnera ordre à satisfaire ponctuellement ausdites avances. Il est aussi prié d’avertir ceux qui auroient dessein d’avoir lesdits Globes, de s’adresser à M. de Guenegaud, Maistre des Requestes, cy-devant Ambassadeur pour le Roy en Portugal, logé ruë du Grand Chantier, vers les Enfans-rouges. qui voudra bien se charger de distribuer des imprimez pareils à celuy-cy, & signez de moy, & de donner les lumieres necessaires à ceux qui voudront estre informez de la qualité de cet Ouvrage. Et en de ce que dessus, j’ay signé le present, le jour 1687.

Comme cette Societé s’augmente de jour en jour, voicy les noms de ceux qui viennent encore d’y entrer,

SUITE DES ASSOCIEZ
de Paris.

M. Laugeois, Seigneur d’Imbescourt.

M. Bazin, Maistre des Requestes.

M. Voisin de la Morage, Maistre des Requestes.

M. Grudaine, Conseiller au Parlement.

M. le Pelletier de la Houssaye, Conseiller au Parlement.

M. Pecquot de S. Maurice, Conseiller au Parlement.

M. de Menars, Maistre des Requestes, & Intendant de la Generalité de Paris.

SUITE DES ASSOCIEZ
de Venise.

N.H.S. Abbate Abbondio Rezzonico.

N.H.S. Francesco Diedo.

N.H.S. Agostino Correggio.

N.H.S. Antonio Cænale.

Il P. Maëstro Antonio dal borge per la Libraria del Convento di. San Francesco di Minori Conventuali di Conegliano.

Sr Gio : Giacomo Heris Marcante Libraro.

SUITE DES ASSOCIEZ
de Rome.

Il Signor Marchese Rangoni.

Il P. Antonio Baldigiani della Compagnia di Giesú, Professore di Mathematiche nell’ Università di Roma per la Galeria del Collegio Romano.

Il P. Reverendiss. Gio. Domenico Marini, Vicario-Generale della Compagnia di Giesú per la Libraria del Giesú di Roma.

Mr Nolin grave à Paris le Globe celeste. Il y a déja huit Fuseaux de vingt-quatre qu’il doit faire. Le Globe Terrestre se grave à Venise, & doit estre achevé au mois de Septembre. Tous les deux seront plus beaux, plus exacts, plus corrects, & plus curieux que tout ce qui a paru jusqu’à present. Il est ainsi marqué dans le Privilege que le Roy a accordé au Pere Coronelli, & il y a mesme dans ce Privilege, que ces Globes ne seront pas un des moindres ornemens du Chasteau de Versailles.

[Lettre écrite à un Pretendu Reformé qui differe sa Conversion] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 50-71

 

La tranquillité qui regne dans le Royaume depuis qu’on en a banny le Calvinisme, fait que je ne vous entretiens presque plus sur cette grande matiere. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que ceux qui ont eu le plus de peine à se départir de leurs erreurs, sont aujourd’huy plus zelez dans nostre Religion, que les Catholiques mesmes qui l’ont professée dés leur naissance. Cela vient sans doute du grand soin qu’ils ont pris de se faire instruire. Ce soin leur a fait connoistre plus à fond la verité de la Religion qu’ils ont embrassée ; de sorte que depuis un an, on a souvent veu que ceux qu’on ne croyoit pas sincerement convertis, ont procuré la conversion de plusieurs autres. Nous ne voyons presque plus de ces obstinez qui ne l’étoient que pour tirer quelque gloire de leur obstination, & qui fermoient les yeux à la verité, moins parce qu’ils n’en estoient pas persuadez, que parce qu’ils s’imaginoient qu’il leur estoit honteux de ceder, aprés avoir resisté avec chaleur. Il y a lieu d’esperer que le peu qui reste de ces obstinez, renoncera bientost à ce faux honneur. On les combat tous les jours avec les armes de la raison, d’une maniere qui donne sujet de croire qu’ils vont estre sans deffence. Voicy une Lettre écrite sur ce sujet par un Capitaine de Cavalerie, à un de ses Amis, qui differe de jour en jour sa Conversion. Vous en trouverez le stile fort naturel, & la maniere dont il combat l’obstination de son Amy, pourra donner lieu à ceux qui sont encore dans le mesme estat, de faire d’utiles reflexions.

A MONSIEUR D.L.C.D.G.

Ce 10. May 1687.

J’Entre, Monsieur, autant que vous pouvez l’attendre de nostre amitié, dans toutes les peines d’esprit où je connois que vous devez estre. Cependant je ne puis me dispenser de faire des vœux, afin qu’il plaise au Ciel vous inspirer de prendre un parti que j’ay souhaité depuis longtemps que vous puissiez vous résoudre à prendre. Il mettroit fin à vos peines, & feroit cesser le triomphe de vos ennemis. Ne vous souvenez-vous point, Monsieur, que vous m’avez fait l’honneur de me dîre une fois, que s’il n’y avoit que vous & moy, l’on pourroit accommoder le differend ? Je me reconnois de ma part tres-incapable de discourir de cette matiere qui me passe, aussi-bien que beaucoup d’autres qui l’ont plus étudiée ; & comme les misteres de la Religion n’ont pas esté fondez sur la raison des hommes, qui est moins que rien en cette occasion, j’ay toûjours mieux aimé, à l’exemple du Charbonnier, croire que sçavoir, suivant ce que dit un Ancien, Sanctiùs ac reverentiùs de actis Deorum credere quàm scire. Et Saint Augustin aprés luy, Melius scitur Deus nesciendo ; en sorte que le party le plus raisonnable, & le plus seur pour un particulier, est de voguer simplement & avec confiance, dans la grande Nef, dont la conduite regarde nos Superieurs, & que le Seigneur a promis de ne jamais abandonner. Il est vray que je suis demeuré d’accord avec vous, que les Docteurs particuliers qui s’avancerent le Siecle passé de prescher de leur chef une pretenduë reforme au scandale de l’Eglise, n’avoient pas manqué tout-à-fait de pretexte specieux pour cela, & qu’ils n’avoient pas tout le tort en certaines choses. L’opulence & l’ignorance du Clergé de ce temps-là, sa conduite déreglée en la pluspart de ses membres. & le mauvais usage qui se faisoit de ces grands biens, luy avoient attiré des envieux, & disposa les Peuples à écouter volontiers ceux qui commencerent à l’attaquer & à décrier sa conduite. Mais au pis aller, cela ne regardoit que les mœurs, & il n’y avoit pas le mesme lieu d’attaquer la doctrine, en contredisant impudemment, & osant abroger d’autorité privée des Constitutions autorisées & sanctifiées par la pratique generale de tant de Siecles, desavoüant par ce changement la Religion de nos Peres, comme s’ils eussent esté des idiots à leur égard, & supposant l’Eglise corrompuë presque dés sa naissance, voulant fixer & renfermer sa pureté dans les deux ou trois premiers Siecles. L’aigreur qui s’alluma en ce temps-là entre les deux Partis, empescha, outre la consideration d’autres interests temporels, que que l’on ne pust se reconcilier ; mais à present que l’on peut examiner les choses de sens froid & en bons freres, se peut-il faire qu’un homme raisonnable se croye plus en seureté de conscience, & mieux fondé dans le Schisme que dans le giron de l’Eglise ? Je ne touche point les matieres de dispute, ny les questions de controverse, je ne suis pas assez sçavant pour cela ; mais m’arrestant simplement au Schisme, de bonne-foy, Monsieur, pouvez-vous croire qu’un certain nombre de Docteurs mécontens, témeraires & discordans entre eux, ayent eu l’autorité d’attaquer l’Eglise en leur nom, sans autre titre ny mission, & sous pretexte d’abus s’en separer, & se faire des reformes selon leur caprice ? Vous avez pû voir ce qu’en pensoit Montagne, quand il a écrit, que nonobstant tout pretexte de reforme, & sans entrer dans la question, il estoit bien hardy pour un particulier de se mettre à la teste de cette affaire, & de se charger luy-mesme sur le garant de sa foible raison d’une chose de cette importance ; & je trouve aussi que c’est une garantie mal assurée pour ceux qui ont osé s’en contenter. Sapiens non conturbabit publicos mores, nec populum in se novitate vitæ convertet, a dit Seneque, & non pas Calvin. Ce n’est pas d’aujourd’huy qu’il y a des abus dans les mœurs & dans la conduite ; mais ces abus ne doivent point empescher que l’on ne respecte la doctrine ; & je ne voy pas quelle repugnance vous pouvez avoir de rentrer dans le sein de nostre Mere commune, dont vos derniers Peres, en suivant le torrent du temps, eurent l’imprudence de se separer le Siecle passé. Reverti unde veneris quid grave est ? Ne sommes-nous pas tous Chrestiens, enfans d’une mesme Mere ? Ne prions-nous pas Dieu de la mesme maniere, suivant le modelle que le Sauveur nous en a laissé dans l’Oraison qu’il adresse à son Pere, & ne louons-nous pas le Seigneur dans les mesmes termes par la bouche du Prophete Royal ? Ne croyons-nous pas aussi la mesme chose au fond, & le précis de nostre Foy rapporté dans le Symbole des Apostres, n’est-il pas commun entre nous ? À l’égard du mystere de l’Eucharistie, qui a esté le grand point de la querelle, où nous disons, comme il est écrit, Cecy est mon Corps, & que vous expliquez d’une maniere differente & détournée, Icy est mon Corps, ne nous doit-il pas estre également adorable, comme nous le devons adorer en effet, sans trop penetrer dans une chose aussi ineffable qu’incomparable, comme le témoigne le devot à Kempis, n’approuvant point à ce sujet les disputes de l’Ecole, qui ont donné lieu au differend ? Qui scrutator est Majestatis, opprimetur à gloria. Revenez donc à nous, Monsieur, vous le devez par toutes considerations, & la revolution generale que vous venez de voir, ne peut-estre qu’un coup de la main de Dieu, comme mesme tous ceux du party l’avoüent, & ce ne peut estre l’ouvrage des hommes. Si quantité de pieuses pratiques qui sont en usage parmy nous, vous blessent à cause de leur moderne institution, & bien, ne les pratiquez point ; mais dans les choses de pratique essentielle & necessaire commandée par l’Eglise, comme les Jeûnes & les abstinences ordonnées, trouvez-vous que la penitence soit contraire à l’Evangile, & à la Loy du Sauveur du monde, dont la vie qu’il nous a laissée pour modelle, n’a esté qu’une continuelle penitence, & est-ce un merite ou une veritable reforme, comme l’ont pretendu les Novateurs, que de la retrancher ? La Foy de vous & de nous n’implique point de contradiction, & la difference qu’il y a, c’est que nous croyons & pratiquons plus que vous ; en quoy nous accomplissons plus parfaitement, & d’une maniere plus étenduë & meritoire, le sacrifice de l’esprit & de la nature, dont le Seigneur nous ordonna de luy rendre hommage, comme tenant l’un & l’autre de luy ; en quoy consiste, ce me semble, l’esprit de la Loy, & l’essence de nostre Religion, que l’Ange rebelle, & nostre premier Pere trompez par leur propre suffisance, n’eurent pas le bonheur de bien comprendre, non plus que l’Apostre infidelle. Mais les Autheurs du Schisme ont tellement affecté de se masquer & déguiser, pour établir entre nous de pretenduës disparitez, qu’ils se sont avisez de desavoüer jusques à leurs propres noms ; & comme s’ils avoient honte de porter ceux qui leur ont esté imposez au Baptême en memoire des Saints Apostres, Martyrs, & Confesseurs de nostre Religion, qui estoient en usage de tout temps dans l’Eglise, ils ont esté rappeller chez les anciens Hebreux ceux d’Abraham & de Sara, d’Isaac & de Rachel, pour les faire revivre en la personne de leurs enfans, faisant par une nouvelle revolution succeder l’Ancien Testament au Nouveau ; ce qui ne vous doit-il pas paroistre ridicule aussi-bien qu’à moy ? S’agit-il donc en revenant à nous, & au centre commun, de sacrifier aux Idoles, comme il semble que vous l’entendiez, lors que je vous ay oüy dire, pensant imiter le zele des premiers Chrestiens, que vous souffririez plûtost comme eux les rouës & les chevalets, que de vous ébranler en la moindre sorte dans vostre resolution ; & puis qu’on est convenu parmy vous, comme vos Ministres l’avoüerent en presence du Grand Henry, que l’on pouvoit se sauver dans nostre Religion, pouvez-vous l’envisager comme un estat de perdition ; & avez-vous juste raison de vous acharner dans un Party douteux pour le moins & contesté, & visiblement plein d’erreur, ainsi que dépourveu de juste autorité, plûtost que de vous réunir à celuy qui de l’aveu commun, renferme une pleine seureté ? Je n’ignore pas que vous vous piquez de fermeté, & que vous estes ferme en effet ; mais si vostre grand cœur a quelque repugnance à se rendre, la procedure sommaire que l’on a tenuë pour vous obliger à rejoindre le Troupeau, n’estant pas de vostre goust, par rapport aux ménagemens que l’on avoit eus cy-devant pour le Party, outre que les plus sensez de ce Party sont demeurez d’accord qu’il s’y falloit prendre ainsi pour y parvenir, sans quoy cet Ouvrage important, qui achevera de rendre le regne du plus grand de nos Rois, fameux dans les temps à venir, n’auroit jamais esté consommé, pouvez-vous avoir honte à l’heure qu’il est, & devez-vous rougir, aprés avoir disputé le terrein jusques-icy, de sortir le dernier par la bréche d’une Place démantelée, & qui n’est plus tenable par aucun endroit ? M. le Marquis du Bordage, que je cite par estime, estoit-il moins zelé que vous, & ne peut-on point vous le comparer ? Vous sçavez comment abandonnant tous ses interests, il fut arresté avec sa Famille en voulant sortir du Royaume. Cependant aprés avoir donné en cette occasion toutes les marques d’une heroïque fermeté, la grace du Seigneur l’ayant enfin éclairé, il donna ensuite des marques si touchantes d’une veritable conversion, lors qu’il prit le party de renoncer au Schisme, qu’il ne put rester aucun lieu de douter de sa sincerité. Enfin, de quelque opinion que vous soyez, je n’en seray jamais moins plein de zele pour vous, sçachant que vous estes un parfaitement honneste homme, & un genereux Amy. Mais souffrez que ce zele s’explique & s’interesse pour ce qui vous regarde de plus prés, & qui vous doit estre le plus cher. Je suis, &c.

[Reception faite à Albi à M. le Goux de la Berchere] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 72-81

 

Je vous ay déja mandé quelque chose de la Reception qui a esté faite à Albi, à Mr le Goux de la Berchere Archevesque d'Aix, nommé par le Roy pour remplir la place de Messire Hyacinte Serroni, premier Archevesque d'Albi, mort à Paris depuis quelques mois. En voicy une Relation exacte & fidelle. Mr du Chapitre de la celebre Eglise de Sainte Cecile qui est la Metropolitaine de la Ville, n'eurent pas plûtost appris la mort de ce Prelat, qu'ils s'assemblerent pour nommer et choisir des Officiers pendant le Siege vacant. Ils nommerent quatre Vicaires Generaux, deux Dignitez, & deux Chanoines, sçavoir, Mr Catriere, Prevost, Mr Regnaudin, Grand Archidiacre, Mr Paraire & Mr Galaup. Mr Arquier, Chanoine de la mesme Eglise, fut continué dans la Charge de Vicaire General, & Official Metropolitain, & Mr de Ripis, aussi Chanoine, dans celle d'Official. Ayant sçeu quelque temps aprés, la nomination qui avoit esté faite de Mr le Goux de la Berchere à l'Archevesché d'Albi, ils se mirent en estat de luy aller rendre leurs devoirs à Aix où il estoit, & firent une députation de quatre Chanoines, qui furent Mrs Carriere, Regnaudin, Arquier, & Galaup ; mais comme Mr Arquier estoit Syndic il sle preirent de vouloir rester, afin de veiller aux affaires du Chapitre. Il leur accorda ce qu'ils souhaitoient, & donna sa place à Mr de Ripis. Les Deputez se disposoient à partit, lors qu'ils furent avertis par une Lettre de leur nouvel Archevesque, qu'au premier jour il devoit se rendre à Montauban, qui n'est qu'à une journée d'Albi, auprés de Mr de la Berchere son Frer, Intendant en Guienne, & qu'il les recevroit en ce lieu-là. Ainsi ils attendirent qu'il fust arrivé à Montauban, & firent cependant une déliberation par laquelle ils offrirent à ce Prelat, de se demettre en ses mains de toute leur autorité, si-tost qu'il seroit dans son Diocese. Le Clergé fit aussi sa députation, & nomma Mr Arquier Metropolitain. La Ville d'Albi députa Mr Martinon, premier Consul, & Mr Breüil fut député par les Officiers de la Justice Seculiere de l'Archevesché. Mr des Innocens le fut par le Chapitre de Saint Salvy, qui est l'Eglise Collegiale de la mesme Ville, dans laquelle il est Chanoine. Tous ces Deputez eurent Audience à Montauban le 27. Février. Il y en avoit cinq du Corps du Chapitre. Mr Carriere Prevost, porta la parole, & sur la fin de son compliment il presenta à Mr l'Archevesque la délibération du Chapitre dont je viens de vous parler. Mr Arquier le harangua aprés luy au nom du Clergé. Ensuite Mr Martinon le complimenta pour la Ville, M. Breüil pour les Officiers de la Justice, Mr des Innocens pour le Chapitre de Saint Salvy, & M. Arquier finit les Harangues par une seconde qu'il luy fit pour la Metropole, en qualité de Metropolitain. Le lendemain, ce Prelat fit prier à disner les cinq Deputez du Corps du Chapitre, & les regala avec beaucoup de magnificence. Il partit de Montauban accompagné de M. l'Itendant son Frere, & arriva le 4. Mars à Gaillax, premiere Ville de son Diocese qui se trouva sur sa route. Il y fut logé dans l'Abbaye, & harangué par ses Deputez qu'on y avoit envoyez pour le recevoir à son Entrée. Il en partit le 5. pour se rendre à Albi, qui est éloigné de Gaillax de trois lieuës du Païs. Tout le chemin se trouva bordé de gens en armes que M. de Montmaur y avoit fait poster. M. de Cramaux en fit de mesme, & les Paroisses qui estoient sur sa route s'acquiterent aussi du mesme devoir M. de Montmaur est de la Maison d'Usez du costé paternel, & de la Maison d'Amboise du maternel.M. de Cramaux est Fils de feu M. de Ceron, president au Mortier du Parlement de Toulouse. Ces Troupes ne se retirerent que lors que Mr l'Archevesque fut arrivé prés d'Albi, où il trouva celles de la Ville, qui estoient venuës au devant de luy fort propres & en bon ordre, & qui firent plusieurs décharges. Il y avoit une Compagnie de Marchands, composée de deux cens hommes, bien lestes & bien montez, precedez de Trompettes. Les Consuls l'attendirent à la porte de la Ville, où Mr Martinon le harangua, & l'accompagnerent en Carrosse jusqu'à l'Archevesché. Le soir le Te Deum fut chanté dans l'Eglise de Sainte Cecile. Mr Regnaudin, premier Archidiacre l'entonna, & il fut continué par la Musique avec des Trompettes & d'autres Instrumens. Le mesme soir on illumina le Clocher de cette Eglise. Les Filles de la Visitation illuminerent aussi leur Monastere, & le Seminaire dirigé par les Jesuites, fit la mesme chose. Le Dimanche 9. de Mars, la Ville fit faire un Feu de joye pour le recouvrement de la santé de Sa Majesté. Mr l'Archevesque y mit le feu, & trois jours aprés Mr l'Abbé de la Chaise fit faire une tres-belle Illumination sur la Riviere pour la mesme occasion.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 84-85.

Je vous envoye un nouveau Printemps. Il est de Mr Ennelin de Saint Quentin.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Heureux Oyseaux, doit regarder la page 86.
Heureux Oyseaux qui sans alarmes
Goûtez d'un tendre amour les plaisirs & les charmes,
Que vostre sort est doux !
Jamais une Cruelle
Ne vous fait sentir son couroux,
Et jamais une infidelle
Ne vous rend jaloux.
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Sur la Mort du petit Cheval blanc de Mademoiselle de Fouroy. Elegie §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 85-91

 

Il est dangereux de s’attacher. Le Moineau de la Maîtresse de Catulle a merité les regrets qui ont passé jusqu’à nous, & le petit Cheval blanc de Mademoiselle de Fourcy, qu’elle nommoit Sans Pareil, luy a couté la douleur que vous trouverez exprimée dans les Vers qui suivent.

SUR LA MORT
Du petit Cheval blanc de Mademoiselle de Fourcy.
ELEGIE.

 Amours prenez le deüil, & mourez de tristesse.
Rien ne peut consoler vostre belle Maistresse.
Et toy, quitte ton char, impetueux Soleil,
Et viens pleurer la mort d’un Bidet sans pareil.
Il faisoit, digne prix de ses petits services,
De la jeune Daphné les plus cheres delices.
Docile à ses leçons il connoissoit sa voix,
Et rétif à tout autre, il plioit sous ses loix.
Tel Bucephale estoit sous la main d’Alexandre.
Prés d’elle chaque jour on le voyoit se rendre,
Et baisé de sa bouche en mangeant dans ses mains,
Faire envier son sort aux plus grands des humains ;
Tantost le dos chargé de sa belle Guerriere,
Fournir d’un pied leger une douce carriere,
Sous le poids d’un fardeau si charmant & si doux,
Toûjours las du repos, & jamais de ses coups ;
Tantost sur le gazon d’une retraite sombre,
De ses travaux naissans se delasser à l’ombre ;
Tantost dans ces Jardins récemment embellis,
Paître mignardement les roses & les lys.
Bidet, dans les beaux jours de ta course mortelle,
Daphné vivoit contente, & tu vivois pour elle ;
Mais depuis que la mort t’a ravy de ces lieux,
Un déluge de pleurs inonde ses beaux yeux.
Ta perte a dérobé les trois quarts de ses charmes,
Et les fleurs de son teint languissent dans ses larmes.
 Ton Ombre cependant, malgré tous ses efforts,
Marche dans le chemin qui conduit chez les Morts.
Déja froide elle passe en la fatale Barque,
Et va de sa blancheur faire hommage à la Parque.
Helas ! si l’on osoit esperer ton retour !
Mais nul ne voit deux fois la lumiere du jour.
Pleurez, petits Amours, & pour ses funerailles
Tirez mille soûpirs du fond de vos entrailles.
Privez du Compagnon de vos jeux les plus doux,
Pour les autres Bidets n’ayez que du couroux.
Eteignez vos flambeaux, jettez toutes vos méches,
Et brisez maintenant vos Carquois & vos fléches.
Et toy, qui de pavois semes tes noirs guerets,
Toy qui causes nos cris, nos pleurs, & nos regrets,
Mort, sous qui le Monarque & le Berger succombe,
Verras-tu d’un œil sec ce Bidet dans la tombe ?
Affreuse Déité, Monstre dont les Autels
Fument toûjours du sang des malheureux mortels,
Puisses-tu, pour payer la peine de ton crime,
De ta propre fureur devenir la victime,
Faire quelque faux pas, & briser en tombant
Ton squelete hideux sur la corne d’un banc.
 Belle Ombre du Bidet d’une aimable Maistresse.
Reçois ce souvenir pour prix de sa tendresse ;
Mais ne plains plus ton sort, il est trop glorieux
Puis qu’il a pû tirer des pleurs de ses beaux yeux.

[Benediction de l'Eglise des Capucins de Montelimar] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 154-159

 

J'oubliay de vous mander la derniere fois que le 27. d'Avril on fit à Montelimard en Dauphiné, la Benediction de l'Eglise que les Peres Capucins y ont fait bastir, des Materiaux du Temple des Pretendus Reformez que l'on avoit abatu, lesquels Materiaux ces Peres ont achetez par un secours de la liberalité du Roy, qui leur a donné quatre mille francs. La ceremonie fut faite par M. l'Abbé de Colombet, Doyen du Chapitre de l'Eglise Collegiale & Paroissiale de Sainte Croix. Le lendemain au matin, les Cordeliers, les Recollets, & les Penitens du Saint Sacrement se rendirent tous en Corps dans la mesme Eglise de Sainte Croix. Mr d'Haverre, Lieutenant pour le Roy de la Ville & Citadelle, suivy de la Noblesse, Mr Bayle, Vice-Senéchal, Mr du Claux, President de l'Election en Corps, & Mr les Consuls en chaperon, en firent de mesme. De cette Eglise ils allerent en Procession avec Mrs du Chapitre, dans l'ancienne Chapelle des Capucins, où le S. Sacrement estoit exposé. Aprés quelques Motets chantez par douze Musiciens choisis de quatre Corps de Musique, Mr le Doyen le porta dans la nouvelle Eglise. Il fut suivy de tous les Corps, chacun ayant un cierge à la main, & l'on chanta le Pange lingua, pendant que quelques Compagnies d'Infanterie, qui sont en Garnison à Montelimard, firent des salves au son des Tambours. Le S. Sacrement ayant esté posé sur l'Autel, on fit l'ouverture des Prieres de quarante heures, aprés quoy Mr l'Abbé de Colombet Doyen, assisté de son Chapitre, celebra solemnellement la premier Messe. Elle fut chantée en Musique avec plusieurs Motets en l'honneur de S. Joséph titulaire de cette Eglise, & de S. François. La Messe étant achevée, cet Abbé entonna le te Deum, & prescha l'aprésdînée avec beaucoup de succés. Le concours du Peuple à cette Eglise, fut extraordinaire pendant ces trois jours, & le dernier. L'Indulgence de quarante heures estant finie, on para tous les Autels d'ornemens noirs. Alors les Capucins, qui estoient en fort grand nombre, sortirent de leur Sacristie chacun un cierge à la main, & allerent prendre dans leur ancienne Chapelle les ossemens des corps de leurs Religieux qu'on y avoit enterrez. Ils les exposerent dans leur Eglise couverts d'un drap mortuaire, & ayant allumé plusieurs cierges autour de ce drap, ils chanterent solemnellement l'Office des Morts, & porterent ces ossemens dans le tombeau avec les ceremonies qu'ils ont accoûtumé de faire quand ils enterrent un Religieux. Tout le peuple fut extremement touché de cette lugubre ceremonie, aprés laquelle le Gardien donna la benediction, & enfin un Exaudiat, chanté par ces Peres finit la ceremonie.

[Réjoüissances faites à Mercurol dans le Dauphiné pour la guerison du Roy] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 159-166

 

Je vous ay parlé depuis six mois des réjoüissances faites dans toute la France, pour le rétablissement de la santé de Sa Majesté ; cependant il y en a encore beaucoup dont je ne vous ay dit aucune chose. Je supprime la ceremonie des Te Deum ; mais je croy devoir entrer dans quelques détail des réjoüissances qui ont attiré dans Mercurol, prés de Tain en Dauphiné, un nombre infiny de Spectateurs. C'est une Terre de Mr le Marquis de Lionne, possedée par Madame la Marquise de Claneson sa Belle-mere.

La Feste se fit le 27. d'Avril. Mr l'Abbé de Lessins, Oncle de Mr de Lionne, partit de Romans pour venir à Mercurol, mettre le feu au Bucher avec Mr le Comte d'Autun, fils unique de la Maison de Lionne son petit Neveu. Il fut receu avec toute la Noblesse qui l'accompagnoit, chez Mr Barbier, Lieutenant de Chastellenie, qui estoit allé au devant de luy jusqu'à la Frontiere de la Terre, suivi d'une Compagnie de Milice, composée de cent vingt hommes bien faits & fort propres. A l'issue de son disné on entendit un grand bruit de guerre, qui sembloit estre le défilé d'une Armée. C'estoient deux Quartiers de la Ville de Romans qui demandoient la permission d'estre de la Feste. Elle leur fut accordée, & aprés avoir passé en bon ordre devant la Maison de Mr Barbier, ils allerent au lieu où estoit dressé le Feu, & ils y camperent dans une Plaine fort élevée. Le Quartier de S. Nicolas marchoit le premier au nombre de plus de mille hommes, avec des Tambours, des Hautbois, & des Trompettes Marines. Il y avoit des Cuirassiers à cheval, des Turcs, des Mores, des Instrumens de leur Nation, des Chars de triomphe, des Bagages, des Fourages, des Fourgons, & de semblables attirails de Guerre. Aprés venoit le Quartier de la Presle qui n'estoit pas moins nombreux. Tous les Soldats avoient des gibecieres de bazane rouge chargées de Fleurs-de-Lys blanches, & des habits extremément propres. On avoit si bien choisi les Tambours de ce quartier, qu'il n'y en avoit aucun qui n'eust esté Tambour Major. Une bande de Violons dans un Char de Triomphe suivy de plusieurs Figures grotesques, faisoit entendre une mélodie fort agreable. Le feu ayant esté allumé, toutes ces Milices firent de grandes décharges, qui se mêlerent au bruit de vingt-quatre Boëtes, que Mr l'Abbé de Lessins avoit envoyées exprés en ce lieu-là. Ce feu consistoit en une grande piramide de fagots de sarments, couverte de Bois, au sommet de laquelle il y avoit une Couronnes royale de Laurier, chargée d'un grand Guidon aux Armes du Roy. Cette piramide estoit flanquée de quatre petites Tours, ayant au haut des couronnes de Marquis faites de Boüis, chargées de banderoles avec les Armes de Mr le Marquis de Lionne, de Madame la Marquise de Claneson, de Mr l'Abbé de Lessins, & de la Communauté. D'une Tour à l'autre estoit un Portique aussi de Boüis. Les perches etant encore droites aprés que le Feu fut consumé, les deux Quartiers de Romans firent une espece de combat pour se rendre maistres des Guidons. Celuy de S. Nicolas les emporta, & ensuite tout défila avec le mesme ordre, & par le même chemin que l'on avoit tenu en venant.

[Feste de M. le Baron d'Olieres, faite à Aix en Provence pour le mesme sujet] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 166-171

 

Dans la Feste que Mr le Baron d'Olieres, de l'illustre & ancienne Maison d'Agoult fit faire à Aix en Provence pour la mesme occasion, il y eut un Carrousel, où Mr de Mirabeau, & Mr le Chevalier d'Agoult son Frere, tous deux fils de ce Baron, parurent avec une grace qui les fit admirer de tout le monde. Ils estoient habillez à la Romaine, sous l'Etendard bleu, & montoient chacun un tres-beau cheval d'Espagne. Ces chevaux estoient couverts de Housses à fond bleu, richement bordées, toutes chamarrées de dentelles, & bordées de franges de mesme. Les brides, les étriers & les éperons estoient d'argent, & les longes & testieres garnies de rubans bleus à fond d'or, qui formoient des poires en noeuds tres-bien assortis. Chaque cheval portoit une aigrette, & tout le harnois estoit d'une grande propreté. Les deux jeunes Gentilshommes qui les montoient, estoient magnifiquement parez. L'un & l'autre avoit un casque de brocard bleu à fond d'or, couvert d'un bouquet de Plumes blanches & bleuës, & leurs cravates estoient d'une toufe de rubans façonnez or & argent à fond bleu, avec des Juste-au-corps en broderie de mesme couleur, les brodequins d'une toile d'argent, relevez par des jartieres de rubans de mesme. Leurs Ceinturons, Epées, custodes, & pistolets, répondoient à la richesse de l'habillement & ils tenoient chacun un bouclier embelly d'Emblêmes & de Devises hieroglyphiques, representant d'un costé la douleur de la France dans la maladie du Roy, & sa joye de l'autre, dans son heureuse convalescence. Ce fut en ce superbe équipage qu'ils firent le tour de la Ville d'Aix avec les autres qui composoient les trois Quadrilles de ce Carrousel, estant precedez de Trompettes & de Timbales, & suivis d'un Char de triomphe tiré par six chevaux, dans lequel estoient quatorze jeunes Gentilshommes magnifiquement vestus, qui representoient le premier âge du Roy. Cette Feste ne fut pas plûtost terminée, qu'ils partirent l'un & l'autre, & se rendirent à la Baronnie d'Olieres, à six lieuës d'Aix, où ils en firent une nouvelle, aussi-bien qu'à Poureiourd. Bourg assez connu par son grand passage, à demy-lieuë de la Baronnie. Ils firent ensuite la mesme chose à Mirabeau, situé dans la Senéchaussée de Sisteron en Provence, dont Mr le Baron d'Olieres est aussi Seigneur, & ce fut par tout la mesme magnificence, tant le zele que ceux de cette Maison ont pour le Roy, est ardent à embrasser les occasions qui le peuvent faire distinguer.

[Autre Feste de M. de Mirmand, Medecin des Galeres du Roy ; faite à Marseille] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 172-174

 

Je ne vous parleray point des magnificences qui ont esté veuës le 9. de Février dans l’Eglise des Augustins Déchaussez, hors les murs de la Ville de Marseille, lors que Mr de Mirmand, Medecin du Roy & des Galeres, y fit rendre des actions de graces particulieres pour le rétablissement de la santé de ce Grand Monarque. Je vous diray seulement qu’il engagea tous les Chirurgiens qui sont de sa dépendance & de son Corps, à commencer cette action par un Jeûne, afin de la rendre plus agreable à Dieu, & qu’à l’Offertoire de la Messe, il vint offrir une somme d’argent avec un billet, dans lequel estoit écrit ce verset du Pseaume 115. Vota mea Domino reddam, pour marquer qu’il faisoit vœu de faire dire le neuviéme jour de chaque mois une Messe à l’intention du Roy pendant sa vie, en action de graces du retour de sa santé. L’Exaudiat doit estre dit à la fin de cette Messe, & il a assigné un fond pour satisfaire à ce vœu. Voilà comme l’amour qu’on a pour Louis le Grand, éclate par tout de toutes manieres.

[Ceremonie de l'Enterrement du Prince Loüis de Brandebourg] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 174-185

 

Vous sçavez la mort du Prince Loüis de Brandebourg, arrivée à Postdam le 7. d'Avril. On soupçonna qu'il estoit mort de poison, & ce fut le sentiment des Medecins aprés que l'on eut ouvert son Corps. Cependant quoy qu'on ait fait arrester ses Domestiques, il a esté impossible de découvrir les Autheurs de cet empoisonnement. Le Mercredy 7. du mois passé, son Corps fut porté de Postdam à Berlin, Capitale des Etats du Marquis Electeur de Brandebourg, & il y fut inhumé avec beaucoup de ceremonies. Le Regiment des Gardes estoit en haye des deux costez depuis la porte neuve jusqu'à l'Eglise, sous seize Drapeaux blancs couverts de crespe, ainsi que les Hautbois & les Tambours. Seize Carrosses de deüil à six chevaux caparaçonnez, le tout avec des housses trainantes, étoient à la teste de la marche. Cinquante autres venoient ensuite attelez de mesme, & ils estoient suivis de deux Compagnies de Trabans ou Pertuisaniers avec leurs Drapeaux, ayant leurs Timbales & leurs Trompettes couvertes de Taffetas noir. Aprés eux paroissoient les Pages en longs manteaux de deüil conduits par leur Gouverneur ; puis les Ecoliers de Tricdrichsucoder, de Berlin & autres lieux avec les Regens ; les Ministres & tous les Corps du Clergé ; les Timbaliers de la Chambre ; douze Trompettes, & tous les Commissaires en Corps deux à deux, conduits par les Maréchaux. Les Etats de la Province & la Noblesse suivoient, separez par dix Drapeaux de distance en distance. Le premier de ces Drapeaux estoit rouge, avec le nom du Prince défunt écrit au milieu. Les neuf autres estoient noirs, & representoient les Armes de Minden, d'Herbstadt, du Burgraviat de Nuremberg, de Pomeranie, de Cleves, de la Prusse Ducale, de Magdebourg, de la Marche de Brandebourg, & de toute la Marche en general. Dix Chevaux de main venoient derriere caparaçonnez & houssez de deüil avec de semblables Ecussons. Ils estoient conduits par un Cuirassier à cheval, en habit tout couvert d'or & d'argent, le Casque en teste, & un bouquet de plumes rouges, blanches & bleuës. Son cheval avoit une housse en broderie semée de perles, & des aigrettes à la teste. Le Corps enfermé dans un Coffre orné d'Ecussons aux Armes de Lituanie, estoit sur un Chariot couvert de velours noir, & attelé de huit chevaux, houssez & caparaçonnez de mesme. Plusieurs Officiers soûtenoient les coins du Drap mortuaire, & il y avoit au dessus du Chariot un grand Dais noir, porté par huit des principaux Officiers de la Cours Electorale. Vingt-quatre Trabans suivoient le Corps, tous en longs manteaux, & precedoient le Prince Electoral, accompagné du grand Maréchal de la Cour, aprés lequel venoient le Prince Albert Frederic, le Prince Charles Philippes, le Prince d'Anhalt, le Prince de Mekelbourg, le Prince de Holstein, les Ministres & Conseillers d'Estat, les Ambassadeurs & les Gentilshommes de la Chambre. La Veuve du Prince Loüis, riche heritiere, & Fille du Prince Radzevvil de Pologne, qui venoit aprés tous ceux que je viens de vous nommer, estoit menée par deux Princes de Holstein, & l'on voyoit ensuite paroistre la Princesse Marie, & la Princesse Elisabeth, menées par des principaux Ministres. Aux costez de ces Princesses estoient des Trabans, & derriere elles, les Dames & les Filles d'Honneur, suivies des Secretaires, des Avocats de la Chambre Aulique, des Magistrats de Justice & de Police, des Officiers de la Chancellerie & de la Venerie, & des Magistrats des trois Villes, avec une grande partie de la Bourgeoisie. L'electeur de Brandebourg, Pere du Prince défunt, se fit porter en chaise à l'Eglise, à cause de la difficulté qu'il avoit à marcher. Le Docteur Berquius prononça l'Oraison funebre,aprés laquelle on fit trois salves de tout le Canon & de la Mousqueterie. La Compagnie retourna au Chasteau par le mesme chemin qu'elle estoit venuë, & elle y fut regalée avec beaucoup de magnificence. La Religion que professe l'Electeur de Brandebourg, est la Reformée, c'est à dire, celle de Calvin, qui fur introduite dans ses Etats par Jean Sigismond son Ayeul, vers l'an 1614. C'est luy qui épousa Anne, fille aisnée d'Albert Frederic, Duc de Prusse, & Marie Eleonor de Cleves, & par elle il a eu des droits sur la Prusse, sur Cleves & sur Juliers. Il mourut en 1619. & laissa Georges Guillaume, Pere de Frederic Guillaume, presentement Electeur de Brandebourg qui épousa en 1646. Loüise henriette de Nassau, Fille de Frederic Henry, Prince d'Orange, & d'Amelie Comtesse de Solm, laquelle estant morte, il prit en 1668. une seconde Alliance avec Dorothée de Holsace, Fille de Philippe de Holsace Glucksbourg, & veuve de Christian Loüis, Duc de Lunebourg-Zell. Quoy que cet Electeur soit Calviniste, ses Sujets suivent la doctrine de Luther, & il leur permet de l'enseigner dans tous ses Etats. Ils s'étendent depuis le Duché de Cleves jusqu'à celuy de Prusse, éloignez l'un de l'autre de deux cens lieuës, mais il est à remarquer qu'ils ne sont pas contigus. L'Electeur de Brandebourg est grand Chambellan de l'Empire. Il porte le Sceptre devant l'Empereur, & pour luy rendre au Festin le devoir de Grand Chambellan, il court à cheval depuis l'entrée de la Salle jusques au Buffet, & là il prend l'éguiere, la serviette, & le Bassin. Ensuite il retourne de la mesme sorte, & estant descendu de cheval il donne à laver à l'Empereur. Il a son rang à main droite du Duc de Saxe.

Le Rossignol et la Linotte §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 185-193

 

La Fable que vous allez lire apprendra à celles que leur beauté rend trop fieres, qu’elles doivent craindre la vangeance de l’amour.

LE ROSSIGNOL
ET
LA LINOTTE.

 Pendant cette belle Saison,
Où Flore du Zephire écoute les fleuretes,
Et qu’avec les beaux jours, & l’aimable gazon,
Naissent les Ris, les Jeux, les tendres amourettes,
 Dans un bocage agreable & charmant,
Que l’amour pour luy seul sembloit avoir fait naistre,
Un jeune Rossignol aimant éperdûment
Une Linotte belle autant qu’on le peut estre,
 De son coeur presque nuit & jour
 Par sa voix exprimoit l’amour ;
Mais elle estoit orgueilleuse & cruelle.
 Il avoit beau l’aimer & s’attacher,
À peine pouvoit-il jetter les yeux sur elle,
Que d’un rapide vol elle s’alloit cacher,
 Et ses soins propres à toucher
 La Linotte la plus rebelle,
 Estoient toûjours comptez pour rien.
Ce n’est pas quelquefois qu’elle ne voulust bien
Ecouter les douceurs de son tendre ramage ;
Mais quoy qu’il fist pour fléchir son courage,
L’orgueil que luy donnoient ses petits agrémens
 Luy faisoit dédaigner l’hommage
Des soins qu’on luy rendoit, & des empressemens
Qu’on avoit pour toucher son coeur fier & sauvage.
Le tendre Rossignol sur un ton gemissant
Se consume à chanter son amour innocent.
 Tout penetré d’une douleur extrême ;
 Qu’on est à plaindre quand on aime,
Dit-il, une beauté que l’on ne peut toucher !
Heureux qui peut alors à ses feux s’arracher !
 Mais tout d’un coup songeant aux belles chaisnes,
 Qui l’ont sceu si fort attacher,
Loin de les vouloir rompre, il est prest de chercher
 À souffrir ses premieres peines.
 Il sçait aussi que pour aimer
 Il n’est rien tel qu’une insensible,
Que son coeur est un lieu long-temps inaccessible,
Mais que quand une fois on a sceu l’enflâmer,
 Et qu’à nos voeux il commence à se rendre,
 C’est un retour charmant & tendre.
 Tant de raisons animant ses desirs,
Au milieu de sa peine il trouve des plaisirs.
Il se soutient par là dans ses tristes alarmes,
Et flaté d’un espoir pour luy si plein de charmes,
Fait oüir en tous lieux sa voix & ses soupirs ;
Mais c’est toûjours en vain que son amour s’empresse,
 Et que par des endroits touchans
Il pretend attendrir cette fiere Maistresse.
Pour mieux faire écouter la beauté de ses chants,
 Un jour il s’arresta sur l’arbre,
 Où si plaçoit ce coeur de marbre ;
Mais loin de la fléchir par ses tendres accens,
Elle part, & d’un vol toûjours plein de vîtesse
L’ingrate se dérobe aux yeux de son Amant.
On peut s’imaginer sa cruelle tristesse,
Il ne peut soûtenir ce rude accablement,
Et d’une branche, helas ! en tombant par foiblesse,
Sa chute avec ses jours termina son tourment
Quelques momens aprés la petite Tigresse
 Revint dans cet endroit charmant
D’où sa fierté l’avoit tant de fois exilée.
Ce fut alors pour elle un déplaisir pressant
 De ne se voir plus regalée
D’un ramage si doux & si réjoüissant,
 Pendant ce lugubre silence,
Elle ne sentoit plus la fiere indifference
 Qui tant de fois luy fit fermer les yeux
Sur les soins d’un Amant si remply de constance.
Elle écoute, elle vole & le cherche en tous lieux,
Pretendant reparer cette sensible perte ;
Mais quel triste spectacle, helas ! lors que ses yeux
Au pied du mesme Ormeau sur une feüille verte
Eurent rencontré mort cet Oyseau malheureux.
 Quel vif chagrin dans son amour naissante ?
 Elle rapelle alors sa voix touchante,
 Se peint tous ses soins amoureux,
Et luy trouve sur tout une beauté charmante
Que toûjours à ses yeux sa fierté déroba ;
Et puis se reprochant sa dureté cruelle
Pour un Oyseau charmant autant qu’il est fidelle,
À sa douleur bien-tost la belle succomba.
***
 Vous qu’une indifference étrange
Engage à rebuter nos soins les plus pressans,
Et qui vous refusez des plaisirs innocens,
Craignez, fieres beautez, que l’amour ne se vange.
 Quand on résiste injustement
 Aux soupirs d’un fidelle Amant.
 De le vanger ce Dieu fait son affaire ;
Sa gloire & vos rigueurs allument son couroux,
  Et pour lors la plus fiere
 Est la plus sensible à ses coups.

[Feste du Jeu de l’Arquebuse, faite à Caën] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 193-206

 

Je vous ay souvent parlé dans mes Lettres de certaines Festes qui se font tous les ans en plusieurs Villes de France. On peut dire qu’elles ne sont pas inutiles à l’Etat, puisque la jeunesse apprend insensiblement par là, & en se divertissant, la maniere de bien manier les Armes. Il s’est fait une de ces Festes à Caën. Quoy que l’adresse de ceux qui composent la Compagnie, appellée du Papeguay, dont les Privileges regardent les Jeux de l’Arquebuse, de l’Arc & de l’Arbalestre, y paroisse tous les ans au premier jour de May, on a tâché cette année de rendre cette Feste encore plus éclatante que les precedentes, à cause de la joye qui faisoit regner dans tous les cœurs l’heureux & entier rétablissement de la Santé de Sa Majesté. Ce n’est pas que la Ville de Caën n’eust déja donné par ses Festes, & par ses Prieres, ainsi que je vous l’ay mandé dans une de mes Lettres, des marques de la vive joye qu’elle ressentoit ; mais les réjoüissances generales n’ont point satisfait cette Compagnie, qui pleine d’amour pour son Souverain, en a voulu faire de particulieres. Ainsi le 6. d’Avril Mr d’Aumesnil, qui en est Capitaine-Lieutenant, donna ses ordres pour commencer la ceremonie le Jeudy 1. de May, auquel jour leurs Jeux recommencent tous les ans. Les Affiches furent mises au son des Tambours à tous les Carfours & lieux publics de la Ville, afin que rien ne fust oublié pour la solemnité de la Feste, & le jour choisi estant arrivé, la Generale fut battuë dés le matin, & la Compagnie composée de trois cens hommes, sous les armes, parut fort propre & fort leste. Elle se trouva sur la Place Royale devant la Statuë du Roy, que la Ville y a fait élever depuis deux ans avec une dépense digne de son zele, & aprés qu’elle eut esté mise en ordre, on plaça au quatriéme rang un Trophée de quinze pieds de hauteur porté sur les épaules de quatre hommes, qui par leurs habillemens representoient les quatre parties du monde. Le Piedestal estoit de cinq pieds de haut, & de trois pieds & demy de quarré avec les Armes du Roy & de Monseigneur, & au dessous, celles de Mr le Comte de Coigny Gouverneur, & celles de la Ville. Au dessus estoient plusieurs Trophées avec un Cartouche entre le Soleil & la Couronne, où se lisoient ces paroles, Unus sufficit Orbi. Au milieu de la Compagnie, l’Officier Enseigne ou Sous-Lieutenant, portoit un Drapeau blanc, dans lequel étoit peinte une Renommée, les mains pleines de Couronnes de Laurier, avec des Anges descendans du Ciel, qui chargez de Palmes d’Olivier, faisoient en tendre que Dieu avoit accordé la paix aux Peuples de France, & que la grace de la guerison du Roy devoit remettre le calme dans tous les esprits. La Compagnie marcha dans cet ordre par la Ville, au son des Hautbois, & au bruit des Fifres & des Tambours, pour se rendre en l’Eglise des Cordeliers. Chacun en passant distribuoit des Sonnets aux Spectateurs pour les inviter à prendre part à la la Feste. Voicy un de ceux qui furent donnez.

SONNET

Enfin il est guery, ce Roy victorieux,
Qu’on crut prest à tomber sous les coups de la Parque ;
Caron ne verra point dans sa funeste Barque
Ce Heros dont les jours nous sont si précieux.
***
 Dieu touché par les pleurs qui couloient de nos yeux,
De sa bonté pour nous donne une forte marque,
Et veut bien qu’icy-bas regne encore un Monarque,
Que ses hautes Vertus alloient placer aux Cieux.
***
 Peut-on de son amour avoir un plus beau gage ?
Allons, Enfans de Mars, sans tarder davantage,
Luy presenter nos cœurs pour un Roy qu’il nous rend.
***
 Hautbois, Fifres, Tambours, accordez-vous ensemble ;
Et vous, Peuple de Caën, que cette Feste assemble,
Chantez avecque nous, Vive Loüis le Grand.

Le Portail de l’Eglise estoit couvert de plusieurs pieces de Tapisseries, & orné principalement d’un tres-beau Tableau de Sa Majesté avec ses Armes, celles de Monseigneur, & celles de Mr le Duc de Montausier, Gouverneur de la Province, & de Mr de Matignon, Lieutenant de Roy. On posa les armes dans une grande Salle, puis on entra dans le Chœur, remply de quantité de personnes considerables, qui avoient suivy Mr de la Croisette, Commandant pour le Roy dans la Ville & Chasteau de Caën, accompagné des principaux Officiers & des Echevins. La magnificence paroissoit dans la quantité de belles Tapisseries, tenduës depuis le haut de la Nef jusques en bas, & disposées de telle sorte, que l’Eglise ne recevoit de lumiere que par les cierges, dont le nombre paroissoit estre infiny. Ce n’estoit de tous costez que Devises à la loüange du Roy, & cela formoit une décoration fort agreable. La Messe ayant esté chantée en Musique, la Compagnie reprit les armes, & retourna dans le mesme ordre à la Place royale, au milieu de laquelle, & devant la Statuë de Sa Majesté, estoit un Theatre de dix pieds de haut. On y plaça le trophée, & les Arquebusiers s’estant rangez alentour en double haye, firent trois décharges avec de grands cris de Vive le Roy, aprés quoy ils remenerent M. d’Aumesnil chez luy. Sur les cinq heures du soir, la Compagnie se trouva au même lieu de la Place royale, d’où elle se rendit encore aux Cordeliers. Le Te Deum y fut chanté en Musique avec simphonie, & au bruit de plusieurs décharges. Ensuite on alla remettre le Trophée sur le Theatre avec les mesmes ceremonies, & la Compagnie s’estant rangée en double haye autour d’un Bucher, le feu y fut mis par les Officiers de la Compagnie, Cela fut suivy de six décharges. On reprit ses rangs, & l’on remit de nouveau le Capitaine-Lieutenant en son logis, où il donna un magnifique repas aux Echevins & à plusieurs de la Compagnie. La Feste se termina par un beau Feu d’artifice, qui fut tiré à dix heures. Il avoit esté dressé autour du Theatre où l’on avoit placé le Trophée. Aprés cela on se separa par Troupes de dix à douze, qui se mirent à des tables dans la Place royale, & burent à la santé de Loüis le Grand, au son des Hautbois, des Fifres & des Tambours.

[L’Ambitieuse trompée, Histoire] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 206-233

 

L’ambition qui n’est point reglée, a des suites dangereuses, & quelquefois en voulant trop acquerir, on s’expose à perdre tout. Une jeune Demoiselle, ayant de l’esprit, & de l’agrément dans sa personne, s’attira les vœux d’un Cavalier, dont la fortune estoit assez grande pour luy faire un fort agreable établissement. La maniere dont il fut receu chez elle luy fit connoistre qu’il n’avoit qu’à s’expliquer pour estre bientost heureux. Cependant comme il estoit delicat, avant que de parler serieusement d’affaires, il voulut sçavoir s’il possedoit le cœur de la Belle. Il prit du temps pour l’examiner. Elle luy parut d’une humeur imperieuse ; & aprés un attachement de quelques mois, il n’eut pas de peine à découvrir que son caractere estoit la fierté. L’amour qu’il avoit pour elle luy fit imputer à une noblesse d’ame tous les mouvemens qu’elle en fit paroistre, & ses manieres pour luy estant toûjours des plus engageantes, il crut ne pouvoir douter qu’il n’eust dans son cœur la part qu’il y pretendoit. Dans cette pensée il parla de mariage. Elle n’avoit que sa mere, qui se gouvernant par elle, entroit dans ses sentimens sans la contredire en aucune chose, On avoit déja parlé d’un projet d’Articles, lors qu’un Marquis fort évaporé s’estant un jour rencontré avec la Belle dans une partie de promenade, luy debita des douceurs qu’elle prit plaisir à écouter. Il alla chez elle dés le lendemain, & la promptitude de cette visite luy donnant sujet de croire qu’il la trouvoit à son gré, elle se servit si bien de ses charmes, qu’elle l’engagea insensiblement. Il n’estoit pas peut-estre plus riche que le Cavalier, mais il l’emportoit du costé de la naissance. C’estoit un homme qui faisoit fracas par son équipage & par son train, & le titre de Marquise qu’il devoit donner à la personne qui l’épouseroit, avoit dequoy flater agreablement la vanité d’une ambitieuse. Le Cavalier qui s’aperceut que le Marquis ne déplaisoit pas, jugea qu’il n’y avoit point de moyen plus propre à faire cesser ses trop frequentes visites, que de presser la conclusion de son mariage. Son empressement ne fut pas receu avec toutes les marques de joye qu’il avoit sujet d’attendre. On prit des pretextes pour ne rien précipiter, & cette froideur étonnant le Cavalier, il se plaignit à la Mere du retardement que l’on apportoit à son bonheur. La Mere qui regloit ses sentimens sur ceux de sa Fille, trouvoit des raisons pour l’excuser, & il ne connut que trop par le procedé de l’une & de l’autre qu’on ne vouloit se déterminer qu’aprés que l’on auroit sceu quelle resolution prendroit le Marquis. On continua d’en recevoir les visites, & le Cavalier commençant à voir qu’on n’aimoit en luy que ce que son bien avoit de considerable, resolut de ne faire aucun éclat, & de laisser finir l’avanture sans trop marquer le dessein où il estoit, de ne pas servir de dupe à la Demoiselle. Elle avoit une Cadette qui meritoit bien qu’on luy en contast. Il s’accoûtuma à l’entretenir pendant les visites du Marquis, & son Aisnée qui n’apprehendoit rien tant que les reproches qu’il avoit droit de luy faire, n’avoit garde de se plaindre d’un amusement qui la laissoit dans l’entiere liberté de travailler à avancer le succés de son entre prise. Plus il entretint cette Cadette, plus il s’en laissa charmer. Il luy trouva beaucoup de douceur d’esprit, & une droiture d’ame, qui fit sur luy une impression plus vive qu’il ne l’avoit cru. S’il se plaignoit quelquefois du peu de fermeté de sa Sœur, elle prenoit son party avec des honnestetez qui ne se peuvent comprendre, & luy disoit en des termes fort touchans, qu’il devoit croire impossible que sa Sœur aprés un engagement pareil à celuy qu’ils avoient pris l’un pour l’autre, fust capable de changer de sentimens. Le commerce du Marquis duroit toûjours, & les choses furent poussées si avant, qu’on ne douta plus qu’il ne dust bien-tost épouser l’Aisnée. Le Cavalier qui avoit changé comme elle, le souhaitoit avec passion, & ce fut alors que s’ouvrant à la Cadette, il la pria d’agréer les assurances qu’il luy donnoit de n’estre jamais qu’à elle. Elle ne voulut luy promettre rien qu’aprés que sa Sœur seroit mariée ; mais il luy fut aisé de connoistre, & dans ses yeux & dans ses manieres, qu’il estoit aimé fort tendrement. L’heureux estat où ils se trouvoient fut troublé en peu de temps par l’infidelité du Marquis. Il se lassa d’estre aimé, & le plaisir d’avoir fait une conqueste luy fut moins sensible, dés qu’il se vit assuré de l’avoir faite. Il eut quelque differend avec la Belle, & se servit de l’occasion pour une entiere rupture. La Belle voulut s’en faire un merite avec son premier Amant. Elle feignit de s’estre apperceuë qu’il avoit craint un Rival dans le Marquis, & prenant un air flateur qui auroit pû l’ébloüir, s’il n’eust pas aimé ailleurs, elle tâcha de luy faire croire qu’elle n’avoit rompu avec luy, que pour empescher que ses assiduitez ne luy donnassent de la jalousie. Le Cavalier receut cette excuse avec assez de froideur, & lors que pour le convaincre qu’elle l’aimoit veritablement, elle se montra toute preste à l’épouser, il prit à son tour divers prétextes pour reculer la conclusion du mariage dont on le pressoit. Comme ils ne pouvoient toûjours durer, il se voyoit dans un tres-grand embarras. Il estoit charmé de la Cadette, & la generosité qu’elle témoignoit en luy conseillant d’épouser sa Sœur, redoubloit de jour en jour la passion qu’il avoit pour elle. Il n’avoit pourtant aucune esperance de la faire réüssir. La Mere qui n’avoit des yeux que pour son Aisnée, n’auroit jamais consenty à luy donner le chagrin de voir sa Cadette luy enlever son Amant, & c’eust esté inutilement qu’il luy auroit proposé l’échange. Enfin, aprés avoir resvé plusieurs jours à ce qui pouvoit le tirer d’affaires, le plus seur moyen qu’il imagina, ce fut de chercher à prendre encore l’Aisnée par son foible. Il luy falloit donner un Amant dont la naissance & le bien luy pussent promettre un rang élevé. Un jeune Comte dont le mariage estoit arresté avec une tres-riche Heritiere de Province, luy parut tout propre à joüer ce personnage. Il estoit assez de ses Amis pour le vouloir faire, & il ne pouvoit mieux passer le temps qu’il avoit à s’arrester à Paris, où il devoit acheter des meubles, & se faire faire un équipage pour épouser l’Heritiere dans fort peu de temps. Le jeune Comte ayant de l’esprit, n’eut pas de peine à trouver accés chez la Demoiselle qui aimoit tant les grands airs. Il y fut receu fort civilement, & en peu de jours ses soins empressez firent leur effet. Il fit paroistre un si violent amour, que malgré la recente épreuve du peu de constance du Marquis, la Belle se laissa encore persuader que les protestations qu’on luy faisoit, estoient l’effet d’une passion sincere. Elle s’abandonna de nouveau à la douceur de ses esperances, & elle y trouvoit d’autant plus de charmes, qu’outre que son ambition estoit satisfaite, elle se vangeoit du peu d’ardeur que le Cavalier avoit commencé de faire paroistre. Il se plaignit à la Mere & à la Fille de l’injustice qui luy estoit faite, & l’aigreur qu’il affectoit dans ses plaintes, ne laissoit point soupçonner que le Comte & luy fussent amis. On employa de fausses raisons pour l’amuser quelque temps, & enfin on ne garda plus aucunes mesures, lors que le Comte se fut declaré, & qu’ayant consulté la Belle sur un équipage, il eut commencé suivant ses avis à faire travailler à un Carosse des plus magnifiques. Ce fut alors que le Cavalier parla hautement. Il dit à la Mere, qu’aprés avoir marqué si long-temps qu’il faisoit tout son bonheur de son alliance, il meritoit peu qu’on luy manquast de parole, & qu’il voyoit bien qu’on ne l’avoit écouté qu’en attendant qu’il se presentast un party plus considerable. La Mere pour l’adoucir, luy dit qu’elle avoit pour luy toute l’estime qui estoit deuë à un parfaitement honneste homme, mais qu’elle le croyoit assez genereux, pour vouloir bien sacrifier son amour aux interests de sa Fille, en luy laissant épouser un homme qui la mettoit dans une haute fortune ; & que pour luy faire voir combien l’avantage de l’avoir pour Gendre la touchoit sensiblement, si sa Cadette pour laquelle il témoignoit d’assez grandes complaisances, avoit de quoy remplacer ce qu’il perdoit dans l’Aisnée, elle estoit preste à la luy donner pour femme. Le Cavalier fit paroistre beaucoup d’agitation, & n’oublia rien de ce qui pouvoit luy persuader qu’il se faisoit de grands combats dans son cœur. Il feignit de n’en pouvoir arracher une passion qu’elle avoit autorisée. Il se reprochoit d’ailleurs de ne sçavoir pas aimer, s’il demandoit que l’on renonçast pour luy à des avantages que sa Maistresse ne rencontroit pas en l’épousant ; & venant de là à l’habitude qu’il s’estoit formée de passer sa vie avec des personnes qui luy estoient cheres, il avoüoit qu’il ne pouvoit se resoudre à prendre une autre alliance. Ce sentiment obligeant fit esperer à la Mere qu’il accepteroit ce qu’elle venoit de luy proposer. Elle l’embrassa fort tendrement, luy vanta dans sa Cadette des qualitez qui luy étoient mieux connuës qu’à elle mesme ; & ce qu’il y eut de particulier, elle pretendit luy faire valoir l’appuy qu’il devoit attendre du jeune Comte lors qu’il seroit son Beau-frere. Le Cavalier soupira, & aprés s’estre montré quelque temps irresolu pour se faire encore presser davantage, il dit enfin que l’on pouvoit disposer de luy, à condition que le mariage se feroit dans quatre jours. Il en demanda les assurances, pour n’estre pas exposé avec la Cadette, au mesme chagrin que luy avoit fait éprouver l’Aisnée. On l’assura qu’il seroit content, & la Mere & les deux Filles furent également satisfaites. L’Aînée ne pouvoit donner assez de loüanges au Cavalier sur ce qu’il faisoit pour elle. Elle exagera son procedé genereux, & luy protesta que dans l’estime & l’amitié qu’elle avoit pour luy, elle auroit peine à se marier avec le Comte, si elle n’avoit le plaisir de voir qu’il choisissoit dans sa Sœur une autre elle-même. Il ne perdit point de temps pour avancer les affaires. On acheta aussi-tost tout ce qui parut le plus pressé, & le jeune Comte de son costé fit amener dés le lendemain six fort beaux chevaux qu’il marchandoit pour un attelage, & qu’il paya devant sa Maistresse pretenduë. Il la pria de venir choisir des Meubles, & n’en trouvant point d’assez somptueux, il en commanda sur des desseins qu’elle luy fournit. Jugez combien son cœur estoit abîmé dans les idées de grandeur qu’elle se faisoit à tous momens. Les quatre jours estant expirez, on ne put se dispenser de tenir parole au Cavalier. Son mariage se fit avec la Cadette. Celuy du Comte se devant faire avec plus d’éclat, fut differé sous le pretexte des preparatifs qui demandoient quelque temps. Il y faisoit travailler pour l’Heritiere avec laquelle il y avoit un Contrat signé, & les raisons qui faisoient tenir l’affaire secrete, ayant cessé tout à coup, il fut question de finir cette avanture. Il passa un jour sans voir la Belle, & vous pouvez croire qu’on ne manqua pas d’envoyer le soir chez luy pour en sçavoir la raison. Il répondit qu’il iroit en rendre compte, & le lendemain il écrivit à la Belle, qui prit à mauvais augure de voir une Lettre au lieu de le voir luy-mesme. La Lettre portoit qu’un engagement qu’il croyoit rompre avoit precedé celuy qu’il avoit pris avec elle, & que les choses ayant tourné autrement qu’il ne pensoit, il estoit contraint d’épouser une Heritiere, qui en luy donnant beaucoup de bien, ne pouvoit l’indemniser de la perte qu’il faisoit. Il luy nommoit l’Heritiere, & accompagnoit cette fâcheuse déclaration de toute l’honnesteté qui pouvoit rendre excusable un procedé si cruel. Je ne vous dis rien du desespoir de la Belle. Ses sentimens sont aisez à deviner. Elle s’informa de l’Heritiere, & apprit bien-tost que le Comte ne luy avoit rien écrit que de vray. Elle n’avoit aucune promesse qui luy donnast droit de s’opposer à son mariage, & elle n’eust fait qu’un éclat fort inutile contre des personnes puissantes, dont le credit auroit prévalu à toutes ses plaintes. L’estat où elle se voyoit avoit quelque chose de terrible. Son ambition estoit trompée ; elle avoit cedé son Amant à sa Cadette, & les applaudissemens qu’elle avoit receus sur une fortune qui luy paroissoit certaine, jettoient sur elle une honte qu’elle ne put soûtenir. Ses reflexions furent solides. Il luy sembla qu’aprés ce qui venoit de luy arriver, elle ne pourroit faire dans le monde qu’une mauvaise figure, & sans consulter sa Mere, qui n’estoit pas moins touchée qu’elle du mauvais succés de ses esperances, elle se jetta dans un Convent. On dit qu’elle presse pour avoir l’Habit, & qu’elle est fort resoluë de sacrifier à Dieu une ambition qui luy a causé de si vifs chagrins. Sa Mere & sa Sœur font ce qu’elles peuvent pour l’en détourner ; mais dans la fermeté qu’elle fait paroistre, on ne croit pas qu’elles en viennent à bout.

[Vers, sur un reproche de Vieillesse] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 240-244

 

L’amour est une passion vive, mais comme elle a trop de violence, elle est moins solide que l’amitié. C’est ce qui a donné lieu aux Vers que je vous envoye. Ils sont d’une personne de vostre sexe, dont je ne puis vous faire connoistre le nom que par les lettres suivantes, A. D. L. V. Je suis asseuré que vous les lirez avec plaisir, tant la maniere dont ils sont tournez est agreable.

REPONSE
SUR UN REPROCHE
DE VIEILLESSE.

Si je vous croy, Philis, mes beaux jours sont passez ;
 J’entre, selon vous, dans un âge
 Où mon sexe déplaist assez
Quand il n’est pas encor sous le joug du ménage.
J’en demeure d’accord, mais je ne m’en plains pas ;
 Le temps qui détruit les appas,
 N’a rien changé dans ma personne.
J’estois laide à quinze ans, maintenant je la suis ;
Des Amis éprouvez dissipent les ennuis
 Qu’un trop grand nombre d’ans me donne.
 Avec eux je passe mes jours
À l’abry des chagrins que causent les amours ;
 Je suis pour eux toûjours la mesme,
Rien ne peut égaler leur constante amitié
 Et pour eux la mienne est extrême.
Qu’a donc mon sort, Philis, qui vous fasse pitié ?
Nous ne sçaurions changer l’ordre des destinées.
Les jours forment des mois, les mois font des années ;
Le temps où le Soleil a suspendu son cours
 Est passé pour toûjours.
Vos charmes n’auront pas une faveur pareille ;
Ce beau teint, ces grands yeux, cette bouche vermeille
Tous ces airs enfantins si remplis d’agrémens
 Qui vous attirent tant d’Amans,
Tout cela doit passer avec vostre jeune âge,
Et vous aurez alors le chagrin en partage,
 Puisque le temps à qui tout est soumis
Changera vos Amans plûtost que mes Amis.
Ainsi n’insultez plus à la peine des autres,
 Prevoyez sagement les vostres,
Et tâchez d’acquerir dans vostre beau Printemps
 Du merite pour tous les temps.

[Traduction des Vers Latins de M. Senteüil sur la venuë du Roy à Paris] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 266-270

 

Je vous envoye une de ces Traductions, n’ayant pas accoûtumé de mettre dans mes Lettres des Pieces Latines, quand elles passent deux Vers. La traduction que vous allez lire, est de Mr Perachon, qui a un talent particulier pour les Ouvrages de cette nature.

SUR LA VENUE
du Roy à Paris.

Vante par tout ta gloire, ô Reyne des Citez.
Paris, tu vois ton Prince, & tu sens ses bontez.
Il ne vient point suivy de nombreuses cohortes,
Les cœurs de ses Sujets sont des gardes plus fortes,
Tes vœux sont exaucez. Ce Soleil de l’Etat
Paroist hors du nuage en son plus vif éclat.
Pour ne point t’ébloüir, son auguste Presence
Mêle à la Majesté les traits de la Clemence.
Il regne par l’Amour autant que par la Loy,
Pere de la Patrie, aussi-bien que son Roy.
Pour luy tu rends au Ciel le tribut des loüanges,
Il le rend à son tour chez la Reyne des Anges,
Et charmé de ta foy, le plus grand des Mortels
Vient jusqu’en ta Maison, au sortir des Autels.
Avec toute sa Cour, ce Prince te visite.
Il vient mesme au Festin, où ton zele l’invite,
Et tu peux t’applaudir du destin glorieux,
D’avoir dans ton Hostel fait un Banquet des Dieux.
Ce Monarque au milieu de sa Royale Troupe
Des mains de ton Preteur daigne prendre la Coupe.
L’Heroïne feconde où renaist ton bonheur,
Aux mains de son Epouse accorde un mesme honneur.
Illustre Magistrat, qui n’enviroit ta gloire ?
Paris, grave la tienne au Temple de Memoire.
Si d’un fameux Repas tu regales ton Roy,
Sa douceur beaucoup mieux te regale chez toy.
De ses plus tendres soins ton Roy te favorise.
Ce Roy, ton Dieu visible, avec toy s’humanise.
On diroit qu’il oublie & son rang, & le tien.
La Cité paroist Reyne, & le Roy Citoyen.

[Mort de M. le Duc de Saint Aignan] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 270-281

 

Je vous ay parlé depuis dix ans de Mr le Duc de S. Aignan dans la pluspart de mes Lettres, & je l’ay toûjours fait avec plaisir. Son esprit, sa galanterie, & les marques de zele qu’il donnoit pour nostre Auguste Monarque en toutes sortes d’occasions, me fournissoient fort souvent quelque agreable sujet de vous en entretenir. Jugez, Madame, avec combien de douleur je vous apprens aujourd’huy sa mort, arrivée le 16. de ce mois. Une Fiévre de cinq jours l’a emporté dans sa soixante & dix neuviéme année, lors que sa force, son agilité, & son adresse dans les exercices les plus fatigans, pouvoient donner lieu de croire qu’il estoit encore dans son plus bel âge. Il avoit un attachement inébranlable pour le service du Roy, & on ne l’a jamais veu dans aucun party contraire à ce qu’il devoit à son Souverain. Il estoit de l’Academie Françoise, & de celle de Padouë, & Protecteur de l’Academie Royale d’Arles ; ce qui fait connoistre combien il s’estoit acquis d’estime par son esprit. Il aimoit & favorisoit les gens de Lettres, & quoy qu’il en fust souvent accablé, non seulement il les recevoit d’une maniere agreable, mais il tâchoit de leur procurer du bien. S’il ne faisoit pas tout ce qu’il auroit voulu pour servir ceux qui avoient recours à luy, il avoit pour eux des honnestetez qui les consoloient sans peine du mauvais succés de leurs esperances. Les preuves de valeur qu’il a données en diverses occasions, sont connuës de tout le monde. Il se trouva en 1635. à la Retraite de Mayence sous le Cardinal de la Valete, & fut blessé au visage au Combat de Vaudrevange. L’année suivante étant au Siege de Dole, il receut une blessure à la cuisse, & se distingua lors que l’on reprit Corbie. Ensuite il se signala aux Sieges de Landrecy, de Maubeuge, & de Chimay, & fut blessé dangereusement en 1644. à celuy de Gravelines, où il estoit Maréchal de Camp. Il se trouva au passage de la Colme en 1645. & à la prise du Fort de Link, & servit utilement dans le Berry en 1650. au Siege de Sainte-Menehout en 1653. à Montmedy, à la Guerre contre les Anglois. & en d’autres lieux. Sa naissance & ses services luy ayant fait meriter l’honneur d’estre fait Chevalier des Ordres du Roy, il receut le Collier en 1661. Sa Majesté érigea en Duché & Pairie la Terre de S. Aignan. Elle est dans le Berry, & avoit auparavant titre de Comté. Ce Duc épousa en 1634. Antoinette de Servient, Fille de Nicolas Servient, St de Montigny, & il en eut trois Fils. L’Aisné fut François de Beauvilliers, Comte de Sery, Mestre de Camp du Regiment d’Auvergne, qui aprés avoir fait connoistre sa bravoure au Siege de Montmedy en 1657. au Combat de Saint Godard en Hongrie en 1664. & ailleurs, mourut à Paris en 1666. à l’âge de vingt-six ans. Il avoit la survivance de la Charge de premier Gentilhomme de la Chambre, & estoit fort estimé de toute la Cour. Le second, fut Pierre de Beauvilliers, Chevalier de S. Aignan, tué en combattant contre les Turcs à la mesme journée de Saint Godard. Paul de Beauvilliers fut le troisiéme. Il estoit Abbé ; & il est aisé de voir par sa maniere de vie, & par sa sagesse, combien il auroit dignement remply les devoirs de cette Profession. La mort de ses deux Aînez l’obligeant à se marier, pour ne laisser pas éteindre son nom, il épousa en 1671. Henriette Colbert, Fille puisnée de feu Mr Colbert, Ministre & Secretaire d’Estat. Vous sçavez qu’il est Chef du Conseil des Finances, & qu’il y a déja fort long-temps qu’il avoit esté receu en survivance de la Charge de premier Gentilhomme de la Chambre du Roy. Je vous appris il y a quelques années que Mr le Duc de Saint Aignan avoit épousé en secondes Noces Mademoiselle de Lucé, dont je vous parlay en ce temps-là. Il a eu plusieurs Enfans de ce second mariage, & un Fils entre autres qui porte le nom de Comte de Saint Aignan.

La Maison de Beauvilliers a esté feconde en hommes illustres. Emery de Beauvilliers, Bailly & Gouverneur de Blois, Baron de la Ferté Hubert, épousa Loüise de Husson-Tonnerre, qui ayant succedé avec ses Sœurs aux biens de ses Neveux Claude & Loüis, l’un tué à la Bataille de Pavie en 1525. & l’autre mort sans posterité en 1537. eut le Comté de S. Aignan qu’elle porta dans la Maison de Beauvilliers. De ce Mariage sortit René de Beauvilliers, qui a épousé Anne de Clermont Talart, Fille d’Antoine II. Vicomte de Clermont, Bailly de Viennois, & de Françoise de Poitiers, Sœur de Diane, Duchesse de Valentinois, Il fut Pere de Claude de Beauvilliers, Comte de S. Aignan, Gouverneur d’Anjou, qui en 1560. épousa Marie Babou la Bourdaisiere, Fille de Philibert Babou. & Sœur de Philibert, Cardinal, & de Jean, Grand Maistre de l’Artillerie. Il en eut Honorat de Beauvilliers, Comte de S. Aignan, Mestre de Camp de la Cavalerie Legere de France, & Lieutenant General de Berry, qui prit alliance avec Jaqueline de la Grange, Fille de François de la Grange, Sieur de Montigny, Maréchal de France, & de Gabrielle de Crevant. Ce fut de ce Mariage que sortit François de Beauvilliers, premier Duc de S. Aignan, Pair de France, Chevalier des Ordres du Roy, premier Gentilhomme de sa Chambre, & Gouverneur du Havre de Grace, & de la Ville & Chasteau de Loches, dont je vous apprens la mort.

[Prix donnez dans l’Academie Royale d’Angers] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 284-288

 

Messieurs de l’Academie Royale d’Angers ayant proposé deux prix depuis quelques mois pour ceux qui réussiroient le mieux dans une matiere d’éloquence & dans un ouvrage de Poësie, choisirent le 14. du mois passé pour en faire la distribution, parce que c’estoit le jour où Loüis le Grand a commencé à regner. Ces Prix estoient deux Medailles de ce Prince. Le premier fut remporté par M. l’Abbé d’Arnoye, connu par le talent qu’il a pour la Chaire, & l’autre par M. Magnin, ancien Conseiller au Presidial de Mascon, tous deux de l’Academie Royale d’Arles. La ceremonie commença par un discours d’éloquence, que Mr Gohin Premier President du Presidial, & l’un des trente Academiciens d’Angers, prononça avec beaucoup d’applaudissement. L’Assemblée se fit dans la grande Salle de l’Hostel de Ville, à cause qu’on ne crut pas que le lieu ordinaire de l’Academie pust contenir tous les Auditeurs qui se preparoient à estre de cette Feste. Les Dames mesme y furent receuës, ce qui n’avoit point encore esté pratiqué dans ces sortes d’Assemblées publiques. Les Pieces qui remporterent le Prix furent leuës avec une approbation generale. Le Corps de Ville qui avoit fait la despense des Medailles d’or & de la Feste, en donnant à Mrs de l’Academie un Appartement dans son Hostel, leur a demandé qu’on fist tous les ans le Panegyrique du Roy à pareil jour, ce que ces Messieurs qui ont dans leur Corps beaucoup d’Orateurs, ont accepté avec joye. Vous voyez par là, Madame combien l’establissement des Academies est utile, puis qu’outre les avantages que ceux qui les composent tirent de leurs Conferences, les Prix que l’on y propose de temps en temps, font naistre une noble émulation qui sert à reveiller les esprits par les charmes de la gloire.

[Feste de l’Arc faite à Morienval] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 288-295

 

Je vous ay parlé de divers Jeux qui se font en plusieurs Villes. Ce qui s’est passé à Morienval, Bourg situé à deux lieuës de Crépi, Capitale du Valois, merite que je vous en fasse le détail. La Feste appellée de l’Arc, y fut celebrée le Lundy 19. du dernier mois avec beaucoup de solemnité. Trente Compagnies considerables y arriverent des Villes voisines, precedées de magnifiques Enseignes, de Tambours, Fifres, Violons, Hautbois, Musettes de Poitou, & en general de toutes sortes d’Instrumens de Musique, qui estoient suivis d’un Cortege fort leste de gens tres-bien faits & de bonne mine. À mesure que ces Compagnies arriverent à la porte du Bourg, elles y furent receuës par les Capitaines, Enseignes, Tambours, & Chevaliers de Morienval, qui les avoient convoquez pour faire des Courses, & qui les menoient d’abord rendre leurs devoirs à Madame de Kerfilis, Abbesse de Morienval, & Sœur de Madame la Marquise de Pluvaux. Cette Abbesse qui est d’un tres-grand merite, est Dame du Bourg, & des lieux voisins. Les Chevaliers de toutes ces Compagnies aprés l’avoir saluée la Pique en bas, remirent au sort le rang de leur marche. On évita par là toutes sortes de dispute. Le jour de la Feste estant arrivé, les Compagnies se rendirent le matin à l’Eglise de l’Abbaye, où Mr Gilluy, Docteur de Sorbonne, & Chanoine de la Cathedrale de Soissons, officia, & fit un fort beau Discours touchant l’honneste maniere de se divertir, sur tout dans un temps où la santé de nostre auguste Monarque donnoit à la France de si grands sujets de joye. Aprés le disné, les Officiers de chaque Compagnie s’assemblerent dans le grand Parloir de Madame l’Abbesse pour y regler toutes choses. On alla joüer la Partie que l’on appelle d’Honneur, & qui semble estre un seur prejugé de la victoire qu’on doit remporter dans tous les Combats. Les Chevaliers de Morienval la gagnerent avec gloire dés leurs premiers coups aprés quoy toutes les Compagnies vinrent les Enseignes déployées & en fort bel ordre, chercher Mademoiselle de Bremenfany, Pensionnaire du Convent, & que Madame l’Abbesse avoit choisie pour tirer en sa place le coup du Seigneur. Elle est de Bretagne, de l’Illustre Maison de Vauborel, & a mille belles qualitez qui soustiennent dignement les avantages de sa naissance. Elle se mit avec un air martial à la teste de toutes ces Compagnies, & tira son coup avec tant d’adresse, que de 4240. autres coups qui furent tirez par tous les Chevaliers & Archers du Jeu, il n’y en eut que deux qui furent pareils au sien. Cela donna lieu aux Vers suivans, qui luy furent envoyez.

 C’est pour vous, charmante Déesse,
 Que paroissent nos Demy-Dieux.
C’est pour vous qu’ils vont faire admirer leur adresse.
 Sus, qu’à l’envy dans ce jour glorieux
 Chacun pour le Combat s’empresse.
Heureux qui touchera d’un coup victorieux
Celle qui touche tout d’un seul trait de ses yeux !
***
 À voir les differentes bréches
 Que nous ressentons de vos fleches,
Nous ne sçavons si c’est la Déesse d’Amour
 Ou bien quelque jeune Guerriere
 Qui paroist en cette carriere,
Et nos Buts, & nos Cœurs les sentent tour à tour,
Et bien mieux que Venus, que Diane & Bellonne,
Vous meritez de nous une triple Couronne.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 326-327.

Je vous envoye un nouveau Printemps qui est extrémement estimé. Aussi est-il d'un excellent Maistre.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Printemps tu n'as plus rien, doit regarder la page 327.
Printemps, tu n'as plus rien qui flate mes desirs,
Je suis trahy de celle que j'adore.
Helas ! dans ces beaux lieux où tu fais regner Flore,
Je ne puis retenir mes pleurs ny mes soûpirs.
Envain la naissante verdure,
Le chant de mille Oyseaux, & les plus doux Zephirs
Se joignent pour calmer la peine que j'endure ;
À des cœur plus heureux reserve les plaisirs,
Printemps, tu n'as plus rien qui flate mes desirs.
images/1687-06a_326.JPG

[Gouvernemens du Havre & de Loches donnez] §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 334-335

 

J’apprens que le Gouvernement du Havre qu’avoit feu M. le Duc de S. Aignan, a esté donné à M. le Duc de Beauvilliers son Fils, & celuy de Loches à Mr le Marquis de Livry son Gendre, & que M. de Beauvilliers donne encore cent mille francs à Madame de Livry, parce qu’elle avoit un Brevet de retenuë de cinquante mille écus sur le Gouvernement du Havre. M. de Saint Aignan avoit aussi les provisions d’une Charge de grand Arpenteur de France, dont il n’avoit pas encore joüy, & le Roy les a fait expedier en faveur de M. le Duc de Beauvilliers. Je suis, Madame, Vostre, &c.

A Paris ce 30. Juin 1687.

Avis §

Mercure galant, juin 1687 (première partie) [tome 8], p. 335-336

 

AVIS.

Quelques prieres qu’on ait faites jusqu’à present de bien écrire les noms propres employez dans les Memoires qu’on envoye pour le Mercure, on ne laisse pas d’y manquer toûjours. Cela est cause qu’il y a de temps en temps quelques uns de ces memoires dont on ne se peut servir. On reitere la mesme priere de bien écrire ces noms, en sorte qu’on ne s’y puisse tromper. On ne prend aucun argent pour les memoires, & l’on employera tous les bons ouvrages à leur tour, pourvû qu’ils ne desobligent personne & qu’il n’y ait rien de licentieux.

Le sieur Guerout qui debite le Mercure à la place du feu sieur Blageart, avertit que non seulement il l’envoyera tous les mois de fort bonne-heure à tous les particuliers & Libraires de Province qui luy auront donné leur adresse, mais qu’il y joindra tous les livres nouveaux des autres Libraires de Paris qu’on voudra avoir, dont il fera les paquets sans demander autre chose que le prix des Livres : il prie seulement que l’on ait soin d’affranchir les lettres de port.