1692

Mercure galant, février 1692 [tome 2].

2017
Source : Mercure galant, février 1692 [tome 2].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, février 1692 [tome 2]. §

[Prelude] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 7-17.

Vous avez raison, Madame, de dire, que quoy que j'aye déja commencé plus de deux cens cinquante de mes Lettres historiques, par des Eloges du Roy, cette matiere ne s'épuisera jamais. (...) On ne doit pas s'étonner si l'ordre se trouvant en toutes choses, ses affaires sont dans une si glorieuse situation, qu'encore que depuis trois ans ce Prince soit attaqué par toute l'Europe, ses Troupes toujours triomphantes n'ont encore passé aucune Campagne que dans le Pays ennemy, ny aucune saison sans vaincre. C'est ce qui vient de nous faire chanter un Te Deum au milieu du plus rude hyver que nous ayons eu depuis longtemps, & c'est ce que nos Ennemis n'ont point encore fait. Vous jugez bien que je veux parler du Te Deum que l'on a chanté pour la prise de Montmelian. Toute la France a suivy l'exemple de la Capitale du Royaume ; mais comme on sçait avec quel zele & quelle magnificence ces sortes de réjoüissances s'y font, & que je vous en ay fait une infinité de descriptions, vous vous les imaginez assez sans qu'il soit besoin que j'entre dans le détail des Festes qui les accompagnent. Elles ont esté d'autant plus grandes en Dauphiné, que cette Province se trouvoit exposée aux incursions des Troupes des Princes de la Ligue, & que loin qu'ils ayent fait réussir le moindre de leurs projets, le Roy ayant pris toute la Savoye, en a fait comme une barriere entre la France & les Ennemis qu'il a de ce costé-là, & comme il ne restoit que Montmelian par où cette barriere pust estre forcée, si toutefois il eut esté possible de se faire jour en France, il n'y a pas lieu d'estre surpris que la joye ait esté aussi grande qu'on l'a veuë en Dauphiné.

[Autre action de grâce pour la prise de Montmelian] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 28.

Le 15. du mois passé, Mr de Martangis, Ambassadeur Extraordinaire de France en Dannemarc, ayant receu la nouvelle de la prise de la même Place, fit chanter le Te Deum dans sa Chapelle, en action de graces à Dieu, & donna un magnifique repas à tous les Seigneurs, Ministres, & Dames de cette Cour. Ce regale fut suivy du Bal, & d'une grande Illumination. Mr de Martangis a toujours soûtenu son caractere d'Ambassadeur par une belle dépense.

[Poëme sur la restitution des Saints Lieux] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 28-55.

Le Pere Louis de Verdun, Religieux de l’Observance de Saint François, & Commissaire general de la Terre Sainte, presenta au Roy le 6. de ce mois, un Poëme Chrestien sur la restitution des Saints Lieux. Je vous parlay amplement il y a prés de deux ans, de cette restitution, & de toutes les circonstances glorieuses pour Sa Majesté qui l’accompagnerent, ainsi que des réjoüissances qui furent faites en ce temps-là au grand Convent des Cordeliers de Paris, ces Peres ayant marqué tout le zele imaginable pour la gloire de nostre auguste Monarque, à qui ils sont si redevables, & sur tout le Pere Verdun, Commissaire General de la Terre Sainte. Comme ce Poëme n’est pas fort long, & qu’il roule sur des matieres qui ne peuvent que vous estre fort agreables, je ne doute point que vous ne le lisiez avec plaisir. Il est de Mr l’Abbé de Maumenet, qui a remporté le prix de Poësie dans la pluspart des Academies de France.

LA RESTITUTION
DES
SAINTS LIEUX.
Poëme heroïque.

Cent Monarques jaloux du bonheur de la France,
S’efforcent vainement d’abbaisser sa puissance.
Sous le plus grand des Rois, à l’abry de leurs coups,
Elle rit des projets, qu’a formez leur couroux.
Sans troubler son repos, le demon de la guerre,
Dans les champs ennemis fait gronder son tonnerre,
Et tout ce que Bellone a de triste & d’affreux,
LOUIS sçait l’écarter de son Empire heureux.
Mais ce n’est point assez que ses vertus guerrieres,
Les armes à la main, protegent nos frontieres ;
Son zele, qui soûtient ses fidelles Sujets,
Luy presente aujourd’huy de plus dignes objets.
Le culte des Autels, les droits du Diadême,
Dont l’erreur veut soüiller la Majesté suprême,
Plus que nos interests ont excité Loüis,
D’exercer sa valeur par des faits inoüis.
Il sçait, ce Roy Chrestien, que les grandeurs humaines,
Sans l’appuy du Seigneur, sont fragiles & vaines,
Et qu’il n’est point icy de lauriers immortels,
Que ceux qu’un Roy moissonne aux pieds de nos Autels.
De ces beaux sentimens son ame penetrée
Combat seule aujourd’huy l’Europe conjurée,
Et voit le Ciel propice à l’Empire des Lis,
Favoriser des droits sur les siens établis.
Mais tandis qu’au Couchant sa valeur animée
Défend les interests de l’Eglise opprimée,
Jusque dans l’Orient il cherche à signaler
Ce zele dont pour Dieu son cœur se sent brûler
De ces Lieux, où Jesus daigna mourir & naistre,
Sa pieté le rend & l’arbitre & le maistre,
Et les Chrestiens en foule à l’abry de son Nom,
Viennent baiser les murs de la sainte Sion.
Là, sans armer son bras, ses vertus pacifiques
Bannissent pour jamais d’insolens Sehismatiques,
Qui du Dieu d’Israël osant braver la loy,
Ont usurpé des biens conquis par Godefroy.
Ennemis des Autels que la France protege,
Où n’ont-ils point porté leur fureur sacrilege,
Lors que par leur secours des Tirans a odieux,
Oserent envahir l’Empire des Saints Lieux ?
A cent affronts divers l’Eglise abandonnée,
Vit la Cité de Dieu tristement profanée.
Bethléem regretta ses Temples démolis,
Des sacrez ornemens on arracha nos Lis,
Et ces dons precieux, dont nos plus grands Monarques
Avoient d’un zele ardent donné d’illustres marques,
Ces lampes qui brilloient dans cet auguste lieu,
Cesserent de servir au culte du vray Dieu.
Ce Bois même, où vaincu par sa bonté feconde,
Jesus en expirant rendit la vie au monde,
La Croix, ce digne objet du respect des humains,
Vit sur elle imprimer la fureur de leurs mains,
Lors qu’à grands coups de foüet leur aveugle manie
Tenta ce qu’ils n’ont pû sur l’Auteur de la vie.
Mais que ces insensez par de telles horreurs,
Couterent aux mortels & de sang & de pleurs !
Par la main de nos Rois justement protegée,
Adorable Sion, tu dois estre vangée !
Voy pour te secourir combien d’hommes armez
A l’envy dans tes champs accourent animez.
Enflamé par b Bernard, un de nos fameux c Princes
Quitte avec cent Heros le sein de nos Provinces,
Et d Conrad imitant leur genereux dessein,
Aux forces du François joint celles du Germain.
La distance des lieux, le danger & la peine
Ne sçauroient arrester l’ardeur qui les entraine,
Et bientost l’Orient alloit estre soumis,
S’ils avoient sceu dompter de secrets Ennemis ;
Si d’un perfide e Grec qui meditoit leur perte,
L’horrible trahison eust esté découverte.
Luy seul jaloux de voir leur terrible armement,
Parmy d’affreux deserts l’engage adroitement,
Et là de ces guerriers vaincus par la famine,
L’Infidelle a sans peine achevé la ruine.
Cependant un succés si contraire à tes vœux,
Sion, de tes Enfans n’éteignit pas les feux,
Et f Philippe, & g Richard touchez de tes disgraces,
A travers cent écueils ont marché sur leurs traces,
Et ces deux vaillans Rois en la fleur de leurs ans,
Consacrerent leurs noms par cent faits éclatans.
Alors, loin d’abolir le culte de l’Eglise,
L’Angleterre à ses loix, à ses Princes soumise,
Des droits les plus sacrez, qu’elle brave aujourd’huy,
Se montra tout ensemble & l’azile, & l’appuy.
Mais quel demon, jaloux d’une si sainte guerre,
En détourna soudain la France & l’Angleterre,
Tandis qu’un des h Cesars devançant nos Guerriers,
Accourut dans tes champs se couvrir de Lauriers ?
Que ne soûmit-il point au gré de son courage !
Le i Grec voulut en vain disputer le passage,
Frideric le força de ceder à ses loix,
Et Saladin luy même enflé de ses exploits,
N’auroit pû resister à l’effort de ses armes,
Si sa mort, du Tyran n’eust calmé les alarmes,
Et si, comme Alexandre k en tous lieux redouté,
Le Cydnus en son sein ne l’avoit arresté.
D’un Esté trop brûlant il crut par cette eau vive,
En se baignant dompter la chaleur excessive ;
Mais helas ! dans cette onde il trouve le trépas,
Qu’il évita cent fois dans l’ardeur des combats.
C’est à vous d’achever cette noble entreprise,
Princes, de qui la foy depuis longtemps promise,
Ne differe que trop ce voyage sacré,
Que vous avez tous deux publiquement juré.
Dans sa captivité, Sion infortunée,
En perdant Frideric, se voit abandonnée ;
Sans tarder plus long-temps volez à son secours,
Pour l’affranchir des fers, consacrez vos beaux jours,
Et sans vous déchirer par des guerres cruelles,
S’il faut à vos Vertus des palmes immortelles,
Allumez pour Dieu seul un si juste couroux,
L’ennemy des Chrétiens est plus digne de vous.
Ils partent, & bien-tost leur effroyable Armée
Eut arboré la Croix dans toute l’Idumée,
Si la division fatale à tant d’Etats,
N’eust trop tost rappelé ces deux grands Potentats.
Leurs esprits differens, & leurs humeurs contraires,
Confondirent alors leurs projets militaires.
L’ennemy plus superbe au bruit de leur départ,
Vendit cher aux Chrétiens son plus fameux Rampart,
Et par mille travaux Ptolemaïs soumise,
Fut le prix, & la fin d’une longue entreprise.
Que ne souffris-tu point, Sion, quand de tes champs,
La discorde eut banny deux Rivaux si puissans ?
Malgré les vains efforts que fit la Germanie,
Elle ne put jamais vaincre la tyrannie,
Ny par le bras vangeur de ses Princes unis,
Reparer en trente ans la perte que tu fis.
Il est temps qu’un saint Roy, l qu’a veu naître la France,
Ainsi que ses Ayeux, s’arme pour ta défense.
Ses forces, sa valeur, & son Zele épuré,
Promettent aux Chrétiens un triomphe assuré.
Il s’avance, & déja sur ses pas la victoire
Couronne ses projets de bonheur & de gloire.
Jusqu’au fond de ses eaux le Nil épouvanté,
Voit au premier combat le Sarrazin dompté,
Et de ses champs feconds la plus superbe m Ville,
N’oppose à sa valeur, qu’un obstacle inutile.
Mais qu’apperçois-je ? ô Ciel ! quel étrange revers !
Loüis aimé de Dieu, loin de briser tes fers,
Malheureuse Sion, pour fruit de tant de peines,
Est n luy même tombé dans de barbares chaînes,
Où le Ciel éprouvant sa constance, & sa foy,
Fait par l’adversité, d’un grand Prince, un saint Roy.
Juste dans ses desseins, dont l’humaine foiblesse
Ne doit jamais blâmer l’ordre, ny la sagesse,
Dieu, peut-estre, exerçant ce Roy plein de vertus,
Punissoit les excés des Chrétiens corrompus,
Dont o le zele apparent, la pieté fardée,
N’offroient aux yeux mortels qu’une trompeuse idée,
Tandis qu’abandonnez à de sales ardeurs,
Ils recouroient à Dieu, qu’ils chassoient de leurs cœurs.
Loüis, dont la vertu magnanime & solide
Est de tous ses desseins l’objet, l’ame & le guide,
Ne sçait point démentir la noble fermeté,
Qui le suit dans la pompe, & dans l’adversité,
Toujours prompt à benir l’Auteur de la Nature,
Il compte pour des biens tous les maux qu’il endure,
Et sçait qu’un vray Chrétien persecuté, souffrant,
Suit l’exemple d’un Dieu sur la Croix expirant.
C’est en vain qu’à ses yeux, des Tyrans pleins d’audace,
Le poignard à la main, insultent sa disgrace.
Sa vertu jusqu’au fond du plus barbare cœur,
Va changer en respect la haine & la fureur.
Ces inhumains charmez de sa constance extrême,
A ce noble Captif offrent le Diadême ;
Mais l’honneur de regner dans ces lointains climats,
Doit ceder aux besoins de ses propres Etats.
Il revient y calmer le trouble, & les alarmes ;
Et quand il peut goûter un repos plein de charmes,
A vanger tes mépris plus ardent que jamais,
Sion, il vole encore à de nouveaux projets,
Et veut dans une vie exempte de mollesse,
Jusqu’au dernier soupir couronner sa sagesse ;
Mais Dieu, content des maux qu’il a soufferts pour toy,
Dans le sein d’Abraham va placer ce grand Roy.
Prest de forcer Tunis, sa vigueur abbatuë
Cede à l’air corrompu qui l’infecte, & le tuë,
Il meurt ; & ton espoir expirant avec luy,
Parmy de fiers Tyrans, te laisse sans appuy.
Combien de fois, helas ! sous leur joug asservie,
Plaignis-tu vainement ta liberté ravie,
Sans qu’aucun Potentat touché de tes malheurs,
S’efforçât d’arrêter le torrent de tes pleurs ?
Quatre siecles entiers, témoins de tes miseres,
N’ont point vû refleurir cette ardeur de nos Peres,
Jusqu’à ce jour heureux, où ton éclat perdu
Renaist sous un Heros du saint Roy descendu.
Heritier de son nom, ainsi que de son zele,
Il consacre ses soins à ta gloire immortelle,
Et ce que Charlemagne intrepide, & pieux,
Fit par le seul éclat de son nom glorieux,
Loüis, dont l’Ottoman revere la puissance,
Le fait sans employer sa force, & sa vaillance.
Sans voir tomber des murs sous l’effort de son bras,
Ce Prince, ménager du sang de ses Soldats,
Préfere les Lauriers, que son Zele moissonne,
A ceux, dont la valeur dans nos Champs la couronne.
Certes, s’il faut vanter un triomphe éclatant,
Qu’au prix du sang humain achete un Combatant,
Confessons qu’à nos yeux ce qu’il offre de charmes,
A mille infortunez fait répandre des larmes.
Mais ce triomphe heureux, que l’estime & l’amour
Luy dressent aux climats, où se leve le jour,
Sans répandre de sang, ny forcer de murailles,
Illustre mieux son nom, que n’ont fait cent batailles,
Où le Vaincu cedant à l’effort du Vainqueur,
Ne soumet que son bras, & refuse son cœur.
Un Roy qui sur ses pas voit marcher la justice,
N’aime que la vapeur d’un libre sacrifice,
Et sans estre contraint n’arme point son couroux.
Tel on verroit Louis, peuple ingrat & jaloux,
Germains, par ses bontez attirer vôtre hommage,
Si par mille attentats éveillant son courage,
Vous ne l’aviez forcé vous mêmes de s’armer,
Pour punir les complots que vous osiez tramer.
A quel excés d’horreur vôtre effroyable Ligue
N’a t-elle point porté la malice, & la brigue,
Lors qu’au mépris du sang, de l’Eglise & des Lois,
Vous appuyez l’erreur, & détrônez les Rois ?
C’est assez insulter le Ciel & la Nature.
Rompez l’injuste nœud d’une Ligue parjure,
Et n’autorisez pas vos rebelles sujets,
A former contre vous de semblables projets.
Pour vous, qui connoissant ce Prince magnanime,
Rendez à ses Vertus un tribut legitime,
Superbes Ottomans, accordez vôtre appuy,
Aux Saints Lieux, qu’à nos vœux vous rendez aujourd’huy,
Et laissez-y regner sans desordre & sans guerre,
Le culte qu’on y doit au Sauveur de la Terre ?
Rien ne plaist davantage au plus Chrétien des Rois,
Que d’y voir triompher l’étendart de la Croix,
Et d’y servir un Dieu, dont la gloire suprême,
Est plus chere à ses yeux, que n’est son Diadême,
Mais si perdant un jour ces respects inoüis,
Qu’ont fait naître en vos cœurs les Vertus de Louis,
De son zele Chrétien vous détruisez l’ouvrage,
Fiers Ottomans, craignez l’effet de son courage.
Ce Prince redoutable autant qu’il est aimé,
S’ouvrira le chemin que vous aurez fermé,
Et par ses dignes Fils formez sur ses exemples,
Soutenant aprés luy les honneurs de nos Temples,
Il ne verra jamais braver impunément
La foy, que ses Neveux garderont constamment.
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[Lettre sur la beauté] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 64-92.

Je vous envoye un Discours sur la Beauté qui a donné lieu à une Lettre de Mr Cypiere que vous avez veuë dans l’une des miennes. Il y répondoit par cette Lettre, & comme elle a fait souhaiter de voir ce discours, je vous en fais part, en ayant heureusement recouvré une Copie.

LETTRE
SUR LA BEAUTÉ
Ecrite par Mr Bellet à
Mr Schreuder.

Monsieur,

Je n’aime en moy, ny la qualité d’Auteur, ny celle d’Innovateur. Je n’ay point aussi resolu de m’exposer à la Critique, comme font tous ceux qui font paroistre des sentimens particuliers. Ainsi je ne consentirois point à vous écrire, si je croyois que ma Lettre deust paroistre. Je vois tous les jours qu’une chose qui plaist à une personne, déplaist à cent autres ; & peut-estre que ce que je vous écris seroit desaprouvé d’un grand nombre de gens ; car il en est des Beautez qui se trouvent dans les ouvrages de l’esprit, comme des Beautez du corps. L’estime qu’on fait d’elles dépend du goust des personnes qui les regardent, & pour entrer en matiere, ce different goust, que sera-ce ? Une differente imagination, un different temperament du cerveau, la grossiereté ou la delicatesse des fibres, un ply, une habitude, une opinion, & peut estre la mode nouvelle. C’est là une heresie en amour, dira t-on ; mais vous trouverez que c’est une verité, vous, dis-je, qui avez assez voyagé pour connoistre le different genie des Peuples. Vous sçavez aussi qu’en Europe & en Perse les beaux Nez sont aquilins, qu’au Japon & dans la Chine ils sont larges, & qu’en Afrique ils sont gros. Vous sçavez que dans Borneo, dans Achem, & à Siam les belles dents sont noires ; a que dans les Celebes elles sont dorées ; qu’en Ethiopie elles sont jaunes. Mais souvenez-vous de m’avoir dit que les Belles de Venise se lavoient les cheveux de lessive pour les faire roussir. Cependant vous voyez que la France s’est tellement déclarée contre cette rousseur, que si le Roy David se presentoit aujourd’huy à Versailles avec ses cheveux roux, comme il est dans vostre tableau, il ne seroit pas seulement reçû Soldat aux Gardes. Et que direz-vous de ces femmes de la Terre de Jesso, b qui n’employent tout leur temps qu’à préparer les repas de leurs maris, & à se peindre de bleu les levres & les sourcils, pour plaire aux plus vilains hommes du monde ? Une Belle de Mycone c ne vous plairoit pas avec sa façon d’habit quand elle ne seroit pas plus cruelle que les Belles de Sçio ; vous me l’avez avoué. Enfin toute l’Europe n’aimera pas une Beauté Negre ; & toute la Nigretie méprisera une Belle Circassienne. Mais sans sortir de nostre pays, dites-moy, je vous prie, si les Blondes l’emportent toujours sur les Brunes, & si vous aimeriez autant les yeux louches que faisoit Mr Descartes. Ce qui est merveilleux, il y a mesme des défauts qui siéent si bien à quelques personnes, que Mr de Montmorency n’eust jamais esté si agréable s’il n’eust esté louche ; ny l’Empereur Claude, s’il n’eust esté boiteux, tant il est vray qu’il n’y a de Beauté que dans l’opinion & l’imagination des hommes.

Aprés cela, ne me dites point qu’il y auroit des Beautez réelles, quand il n’y auroit ny yeux ny cerveaux : car si cela estoit, elles devroient paroistre telles à tous les hommes, comme l’or leur paroit or, & elles devroient ravir aussi tost l’esprit & le cœur. Cependant il y a bien des gens qui sont en repos de ce costé-là, quoy qu’ils n’ayent point travaillé pour s’y mettre. Il se trouve seulement qu’ils n’ont pas les fibres de leurs yeux, qui reçoivent les impressions des objets, disposées d’une maniere à ne faire qu’un doux tremblement qui se communiquant jusqu’au cerveau, peut exciter du plaisir dans l’ame : & s’il n’y a jamais eu de laides amours, c’est parce que d’autres ont les fibres de la retine proportionnées justement aux impressions qu’elles reçoivent de ces objets qui leur paroissent beaux : car j’appelle Beau ce qui plaist aux yeux, comme j’appelle Bon ce qui plaist à la langue. Un bon Phisicien m’accordera cela infailliblement, puis que les impressions des objets se faisant dans tous les organes de la mesme maniere, c’est à dire, par le mouvement des fibres qui se communique jusqu’au cerveau, on doit apporter pour la raison du different plaisir que nous recevons par les yeux, la même, que pour celuy que nous recevons par les autres sens ; puis que même, à proprement parler, il n’y a qu’un sens. Ne me dites donc plus que j’aimerois Eve, si elle revenoit à l’âge de vingt ans, avec cette Beauté que les propres doigts de Dieu luy avoient formée. Que sçay-je si elle me plairoit, elle qui n’avoit esté faite que pour plaire au premier homme ? Je l’honorerois comme ma grand’Mere, toute jeune qu’elle seroit, & si je n’estois pas son amant, je ne croirois point faire tort à la science de Dieu, qui peut-estre n’a pas voulu la faire Belle à mes yeux. Je ne sçay si vous l’aimeriez, vous qui dites que vous aimeriez la Sybille Cumée toute ridée & toute d barbuë qu’elle fust. Pour celle-cy, je crois que vous la placeriez dans vostre Cabinet, non pas comme la plus belle de vos Antiques, mais comme la plus vieille ; & je doute si elle auroit pour vostre cœur le prix de l’Antiquité, & les graces de la nouveauté.

Mais pour revenir, n’est-il pas vray qu’il y a des couleurs, des odeurs, des sons, des fruits que l’on aime plus les uns que les autres ? Et qu’est-ce que la Beauté dans vostre opinion même, que certaines couleurs & certaines figures ensemble ? Vous sçavez que nous voyons la figure des corps par celle qu’imprime sur la retine la colomne de lumiere qui part de l’objet, & que nous appercevons la diversité des couleurs par les differentes lignes que font de petits rayons dans le corps de cette colomne figurée. Il n’est pas besoin pour un homme qui entend aussi bien l’Optique que vous, d’entrer dans un plus profond détail, & il ne faut que vous rappeller les idées pour vous faire avouër que les plus beaux objets ne sont visibles que par leurs couleurs & leurs figures. Or soit que les couleurs soient réelles ou apparentes, il est toujours certain qu’il n’entre dans nos yeux que de la lumiere, & que le plaisir que nous y sentons, n’est causé que par le chatoüillement des fibres de la retine. Que si nous les avions assez delicates pour estre émües avec violence par un tel rayon de lumiere, qui ne produiroit sur d’autres qu’un mouvement fort doux, sentirions-nous du plaisir à la veuë de ces objets ? Non sans doute, puis que c’est la raison pourquoy les Beautez blanches ne plaisent point aux Negres.

Croyez-vous aussi qu’une belle Ethiopienne trouvast beaucoup de Galans à la Cour, où le goust est si delicat ? Pour moy je ne le crois pas, parce que le noir de cette Femme ne reflechiroit point assez de lumiere, ou le peu qu’il en envoyeroit seroit trop foible pour produire un mouvement sensible & agréable. C’est pour quoy je ne puis pas bien croire ce que les Ethiopiens disent, qu’une Reine e de leur pays estant venuë à Jerusalem pour voir Salomon, elle ait esté la Maistresse de ce Prince, au préjudice d’un grand nombre de Dames, & qu’elle en ait eu un Fils nommé Menilehech dont la famille remonta sur le Trône d’Abyssinie en 1300. ayant esté dépossedée par les Zagées 340. ans auparavant.

Nos gens du Nord ont les fibres trop grossieres à cause de l’humidité qui s’y attache, pour estre ébranlées à la veuë des Beautez si noires avec ce doux mouvement qui donne du plaisir, & cet Ambassadeur de Maroc, qui menoit dix huit femmes à sa suite, ne devoit point craindre que les Parisiens luy en enlevassent quelqu’une. Sçavez-vous ce que répondit cette Excellence Noire à une Dame Françoise qui luy demandoit s’il n’avoit point assez d’une femme ? Une comme vous me suffiroit, luy dit-il ; mais c’estoit plustost un tour d’esprit, une galanterie, une complaisance, que son propre goust ; car si cet Ambassadeur sentoit du panchant pour les belles Françoises, en verité son Maistre pourroit bien en sentir autant. Cependant voyons nous que ce Prince achete des femmes blanches, qu’il aime quelque Esclave Européenne, ou enfin que d’autres Rois ses voisins le fassent ?

C’est parce que la grande chaleur consumant l’humidité qui pourroit grossir les fibres de leur cerveau, il les ont trop deliées, trop delicates & trop seches pour n’estre pas émuës & tenduës plus qu’il ne faut par le mouvement que fait cette grande lumiere refléchie par les objets blancs ; & cette même delicatesse qui rend les fibres si susceptibles de mouvement fait que le peu de rayons qui partent des Objets noirs, est assez fort pour chatoüiller doucement les organes, & donner du plaisir & de l’amour ; de sorte qu’il n’y a point lieu de douter que l’Afrique n’ait ses Beautez, ses Amans, & peut-estre ses Poëtes & ses Romans.

Pour moy je crois que toutes les Belles sont laides aux yeux de quelques-uns, & que toutes les Laides trouvent des Adorateurs sinceres ; & je doute si Esope f a toujours trouvé des Euphrosines, & s’il n’a jamais conté autre chose que des Fables. Pour gâter une Beauté, il ne faut qu’une partie qui refléchisse la lumiere d’une maniere à tracer dans l’imagination une image ou des lignes qui ne donneront point de plaisir à faute de certaines dispositions. La superficie du cuir peut produire quelque mouvement dans un rayon qui gâtera tout, & voilà d’où vient que des personnes qui n’ont rien d’irregulier ne plaisent pourtant pas. Mais si ce rayon est rencontré par quelqu’autre qui en puisse augmenter, ou retarder, changer le mouvement & la détermination, tout s’accommode, & si peu qu’y contribuë le temperament du cerveau, voilà du plaisir, & voilà la beauté. C’est aussi d’où vient que certaines personnes dans lesquelles on ne voit ny la juste proportion des parties, ny cette delicatesse des traits ne laissent pas de plaire, parce qu’il ne faut que de la douceur dans les yeux, ou de l’éclat dans le teint pour raccommoder tout ce que les autres parties ont de rude. Je veux dire que quelquefois, ce qui se trouve d’agréable dans certaines parties l’emporte sur ce qu’il y de desagréable ailleurs. Je veux dire enfin que le mouvement reglé & proportionné des rayons envoyez par certaines parties l’emporte sur le peu d’ordre qui se trouve dans les rayons envoyez par d’autres, comme un tourbillon en oblige un autre à suivre sa determination.

Une experience vous fera comprendre tout ce que peuvent faire des rayons de lumiere qui se rencontrent. Les couleurs bleue & jaune mêlées ensemble font le verd, parce que la determination & la force des rayons qui partent du corps jaune estant changée & rallentie par la rencontre des rayons qui partent du corps bleu, (lesquels souffrent aussi quelque changement) ces deux sortes de rayons ne peuvent avoir qu’une nouvelle determination des globules, que des nouveaux mouvemens differens des premiers, & ainsi ne faire qu’une nouvelle couleur, que nous appellons verte.

Ces personnes là peuvent donc estre appellées Belles, lors qu’en les voyant on les trouve agreables, & que l’on ressent du plaisir ; mais comme le plaisir dépend du temperament de nos fibres, si elles sont trop seches ou trop humides, trop delicates ou trop grossieres, ces personnes ne plaisent plus. Je sçay que l’amour couvre beaucoup de defauts, & que les Amans trouvent des agrémens qui ne furent jamais.

Quel che l’huomo vede, amor li fa invisibile,
E l’invisibile fa veder amore.

Ariost. nel Orland. St. 59

mais cela mesme montre qu’il y a plus de passion que de raison, & plus d’imagination que de realité.

Quoy, me direz-vous, Lucrece n’a esté chaste, que parce qu’elle n’avoit pas dans son cerveau une disposition à prendre le mesme plaisir à la veuë de Sextus, qu’elle prenoit à la veuë de quelques autres hommes ? Ouy, Monsieur, c’est là la raison de cette Epithete si glorieuse qu’on luy donne, c’est l’origine de sa gloire, & si je l’ose dire, c’est là sa g vertu. Croiriez-vous que ce n’est que cette disposition & l’amour de ce plaisir qui firent qu’Helene se laissa enlever par Paris, & que toute la Grece s’opiniâtra pendant dix ans à la ruine du florissant Royaume de Priam ? A vostre avis, falloit-il faire tant de bruit pour une Coquette ? Croiriez-vous aussi que la descente des Anglois dans l’Isle de Ré, il y a longtemps, ne fust que la suite d’une intrigue amoureuse d’un Favory, & que la guerre des François dans le Milanez ne fust qu’un effet du desir qu’avoit l’Amiral Bonnivet de revoir la Signora Clericé ? Cependant il n’y a rien de plus vray, à le prendre dans la Phisique & dans les Anecdotes ; & ce n’est pas d’aujourd’huy que nous voyons de grandes guerres estre causées par quelques rayons de lumiere qui ont frapé les yeux d’un General. Au moins nous a-t-on voulu faire croire que la guerre de Hongrie qui dure encore, n’est sortie que de l’amour d’un Grand Visir h pour la Femme du Pacha de Bude.

Jugez, Monsieur, aprés cela, de ce qu’est la beauté, si des couleurs & des figures sont un bien si solide & si avantageux, qu’il merite toute la peine qu’on prend pour l’acquerir. En verité, si la Beauté est maistresse de tous ceux qui l’admirent, elle est sujette à perdre bien-tost son credit ; car si elle change en elle-mesme, elle devient souvent le rebut de ses esclaves, & si ses Sujets changent seulement de temperament, elle se voit exposée à leur caprice, & abandonnée de ceux qui la recherchoient.

Mais enfin, je sçay que l’amour & l’ambition gouvernent le monde de concert, & que ces deux passions sont à l’imagination, ce que la volonté & l’entendement sont à l’ame. Toutes choses iront toujours dans le monde de la même maniere ; & si j’ay dit au commencement que je ne voulois point estre un Innovateur, je declare que je veux estre encore moins un Reformateur. Je suis.

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[Histoire] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 92-127.

Les passions violentes sont sujettes à des retours extraordinaires, & les agitations les plus fortes se trouvent souvent suivies d’un calme heureux qui dure autant que la vie. Vous le connoistrez par l’avanture dont je vais vous faire part. Un Cavalier que ses belles qualitez distinguoient encore plus que sa naissance, ayant eu accés chez une jolie Personne, se fit un tel plaisir de la voir, qu’insensiblement ses visites y devinrent assiduës. La Belle les receut avec plaisir, & comme il estoit pour elle un party considerable au de là de tout ce qu’elle pouvoit attendre, elle employa tous ses charmes pour le mettre hors d’estat de luy échaper. Rien ne manquoit aux complaisances flateuses qu’elle avoit pour luy, & en peu de temps elle vint à bout de se faire aimer éperduëment. Ainsi l’engagement estoit pris avant qu’il eust eu le temps de faire reflexion sur les obstacles qu’il pouvoit y rencontrer. Aprés qu’il luy eut fait les plus tendres protestations de n’estre jamais qu’à elle, il commença à desesperer de voir réussir les projets de son amour. La Belle avoit peu de bien, & il dépendoit d’un Pere fort riche, qui ayant formé un autre dessein, le pressoit depuis longtemps de rendre des soins à une Heritiere plus laide que belle, mais qui possedoit deux Terres d’un revenu fort considerable. Le Cavalier se tiroit d’affaires en disant toujours qu’il ne vouloit point se marier ; mais enfin flaté des obligeans témoignages de tendresse qu’il recevoit de la Belle, qui par toutes sortes de moyens tâchoit tous les jours à rendre son engagement plus fort, il resolut de n’épargner rien pour venir à bout de ses desseins. Malgré l’éloignement qu’il ne pouvoit se cacher que son Pere auroit pour ce mariage, il fit agir tous ceux qui avoient le plus de pouvoir sur son esprit, mais leurs remontrances furent inutiles. Il blâma l’imprudence de son Fils qui s’estoit abandonné à la fureur de l’amour, & quelque peinture qu’on luy fist de la violence de sa passion, il la traita de foiblesse, & dit que c’estoit un feu qu’il falloit laisser amortir au temps. Ce mauvais succés mit la Belle dans un chagrin incroyable. Elle aimoit le Cavalier, mais elle s’aimoit encore plus que luy, & l’ambition estant sa passion dominante, elle souffrit avec un regret qu’on ne sçauroit exprimer la perte des avantages qui luy estoient assurez si le Cavalier l’eust épousée. Il entra sensiblement dans le déplaisir qu’elle luy en fit paroistre, & le regardant comme une preuve d’amour plûtost que comme l’effet d’une veuë interessée, il resolut de se servir d’un dernier moyen, dont le succés luy parut estre infaillible. Son Pere estoit un homme galant, d’une humeur aisée & agréable. Il avoit toujours aimé les belles Personnes, pour qui il ne pouvoit encore s’empêcher d’avoir de fort grandes complaisances, & le Cavalier se persuada que si on pouvoit luy faire voir sa Maistresse, sans qu’il la connust pour ce qu’elle estoit, sa beauté & ses manieres le préviendroient assez favorablement pour l’obliger à changer de sentimens, & à consentir qu’elle fust sa Belle-fille. La chose fut ménagée avec tant d’adresse, que la Belle se trouva dans une Maison, où l’on sçavoit qu’il devoit aller. Il la vit, il l’entretint, il luy conta même assez de douceurs ; & lors qu’aprés qu’elle fut sortie on luy demanda ce qu’il trouvoit de cette jolie Personne, il répondit qu’elle avoit des agrémens, qui ne devoient pas la laisser manquer d’Adorateurs. Il demanda à son tour qui elle estoit, & on luy fit croire que c’estoit une Demoiselle de Province venuë à Paris avec sa Mere pour un procés, qui devoit bien tost estre jugé. Peu de jours aprés, il la retrouva dans le même lieu, & l’ayant encore entretenuë quelque temps, il luy dit enfin qu’il estoit impossible de la voir, sans s’interesser à ce qui pouvoit luy faire plaisir, & que si elle avoit besoin de son credit auprés de ses Juges, il seroit ravy de luy estre bon à quelque chose. La Belle luy témoigna beaucoup de reconnoissance d’une disposition si favorable ; & comme elle avoit son but, elle fit valoir tout ce qu’elle avoit de plus engageant pour se mettre bien dans son esprit. Tandis que ces choses se passoient, le Cavalier se vit obligé de faire un Voyage en une Ville celebre, éloignée de Paris d’environ quarante lieuës. Un de ses Amis particuliers qui avoit besoin de son secours, l’y attendoit pour une affaire importante qui ne se pouvoit terminer sans luy. Avant que de s’éloigner, il pria ceux à qui il avoit fait part de son secret, de continuer leurs soins pour entretenir son Pere dans les sentimens d’estime qu’il paroissoit avoir pour la Belle. Son Pere qui la trouvoit fort aimable, la revit encore deux ou trois fois ; mais enfin il découvrit qu’on l’avoit trompé, & que celle qu’on faisoit passer pour une Provinciale, estoit la Maîtresse de son Fils. Cependant la Belle avoit fait sur son esprit des impressions si fortes, qu’il garda pour elle les mesmes honnestetez qu’il avoit euës jusques-là. Il luy dit obligeamment que faute de la connoistre il avoit agy en Pere, mais qu’il ne pouvoit luy vouloir de mal de s’estre fait aimer de son Fils ; qu’il estoit fort naturel de chercher ses avantages, & que quelque obstacle qu’il eust paru mettre à ses esperances, il commençoit à sentir qu’il n’auroit jamais la force de se déclarer son ennemy. La Belle luy répondit en des termes si flateurs, que quand il fallut se separer, il ne la quitta qu’en luy disant qu’elle auroit bien-tost de ses nouvelles. Elle eut une joye sensible de cette assurance, & elle écrivit dés le lendemain au Cavalier le tour heureux que leur affaire prenoit. Il se laissa flater agréablement d’un favorable succés, & attendit avec une extrême impatience quelle suite auroit un si beau commencement. Son Pere ne fut pas long-temps à tenir parole. Trois jours luy suffirent pour prendre une resolution determinée, & aprés ce temps il se rendit chez la Belle qu’il pria d’abord de le vouloir écouter sans l’interrompre. Son visage ouvert luy parut d’un bon augure, & quand elle luy eut répondu avec la civilité respectueuse qu’elle luy devoit, en le regardant comme son Beaupere, il luy dit en presence de sa Mere, qui l’avoit receu aussi-bien qu’elle avec tous les agrémens qu’il pouvoit attendre, qu’aprés s’estre opposé aussi hautement qu’il avoit fait à son mariage avec son Fils, il n’estoit point homme à se démentir ; qu’il avoit pris un engagement pour luy que rien n’estoit capable de rompre, & qu’elle perdroit son temps si elle vouloit le détourner de ce qu’il avoit resolu sur cet article ; mais que pour reparer son injustice, s’il estoit vray qu’il en fist quelqu’une à son égard, il s’offroit à l’épouser en la place de son Fils, avec tous les avantages qu’une personne aussi jeune qu’elle pouvoit attendre d’un homme, qui avoit presque passé toutes ses belles années ; qu’il la laisseroit maîtresse des conditions qu’elle voudroit que l’on employast dans le Contrat, & qu’il l’assuroit de toutes les complaisances qui pourroient contribuer à la rendre heureuse. La Belle voulut luy faire entendre combien son Fils auroit lieu de se plaindre d’elle, si elle manquoit de fidelité pour luy ; mais il luy ferma la bouche en luy disant d’un ton absolu, que c’estoit à elle à voir si le party la pouvoit accommoder, puis que toutes les raisons dont on pourroit se servir n’apporteroient aucun changement dans la proposition qu’il luy avoit faite, & qu’afin qu’elle eust le temps de tenir conseil avec sa Mere, il consentoit à n’avoir réponse que le lendemain. Il sortit dans ce moment sans rien dire davantage, si ce n’est qu’il les pria de luy garder le secret, quelque resolution qu’elles pussent prendre. La Belle fut fort chagrine de voir la chose tourner autrement qu’elle n’avoit crû. Cependant comme la tendresse ne l’emportoit pas sur l’ambition, & qu’un établissement avantageux luy tenoit plus au cœur que l’amour, elle suivit les sentimens de sa Mere, qui luy conseilla d’accepter l’offre qui luy estoit faite. Le Pere du Cavalier paroissoit à peine avoir cinquante ans. Il estoit de bonne humeur, avoit l’esprit agréable, & bien d’autres qu’elle se seroient fait honneur du nom de sa Femme. L’engagement qu’elle avoit avec le Fils luy faisoit sentir quelque remords. La violence de sa passion, dont mille marques luy estoient toujours presentes, luy peignoit l’abîme du déplaisir où l’alloit plonger son changement ; mais il s’agissoit de sa fortune, & le Pere estant revenu le lendemain, & voulant avoir une réponse precise, tous les détours estoient inutiles, il falloit parler ouvertement. Ainsi pressée par son interest, qui avoit toujours reglé les mouvemens de son cœur, malgré les reproches qu’elle s’en faisoit au fond de l’ame, elle consentit à l’épouser. Il ne voulut point perdre de temps. La Mere envoya sur l’heure chercher son Notaire, & l’on dressa les articles. Tout ce qu’elle demanda d’avantageux pour sa Fille luy fut accordé, & trois jours aprés le mariage se fit. Quel coup de foudre pour le Cavalier quand on luy fit part de cette nouvelle ! Il ne put croire les premiers avis qu’on luy en donna, mais enfin les Lettres reiterées, & plus que tout le silence de la Belle, le convainquirent de son infidelité. Il entra contre elle dans des transports de colere proportionnez à l’amour qu’il avoit eu, & sa perfidie luy fut d’autant plus insupportable, que s’il vouloit s’en faire raison, il se trouvoit arresté par le respect qu’il devoit à son trop heureux Rival. Il ne pouvoir voir son Ennemy sans y rencontrer son Pere, & cette cruelle circonstance contraignant son desespoir, en portoit la violence jusqu’à un excés qui ne peut s’imaginer. Il résolut de ne voir jamais ny l’un ny l’autre, puis que les liens du sang luy défendoient la vangeance qui l’auroit pû soulager, & le seul party qu’il vit à prendre, fut d’aller en Italie, attendre, ou que le secours du temps le rendist capable de se moderer, ou que la mort de son Pere le mist en pouvoir de persecuter son Ennemie. Il se livroit cependant pour elle à toute l’horreur que sa trahison luy devoit donner ; mais c’estoit toujours entretenir son Image dans son cœur, & se souvenir d’une perfide. Combien de reflexions fit-il sur la foiblesse de l’homme, qui aime à se dépoüiller de sa raison pour s’abandonner à ses passions ? Ce que souffrit son esprit par les continuelles agitations qu’il se donna, passa jusqu’au corps, & ne pouvant soutenir ses déplaisirs, il fut enfin attaqué d’une fiévre continuë avec des redoublemens, qui en peu de jours firent presque desesperer de sa vie. Les Medecins ne luy déguiserent point qu’il devoit songer à luy, & on fit en mesme temps donner avis à son Pere de l’extremité où il estoit. Le Cavalier ne s’étonna point. Les reflexions qu’il avoit faites sur le peu de solidité des choses qui nous flatent davantage, avoient si bien commencé à le détacher du monde, qu’envisageant la mort comme devant estre la fin de ses peines, il s’y prépara avec une resignation & une vertu toute Chrestienne. Pendant qu’il estoit dans ces heureuses dispositions, son Pere arriva fort affligé de la nouvelle qu’il avoit receuë, & d’autant plus alarmé de sa maladie, qu’il ne doutoit point qu’il n’en fust la cause, par l’injustice qu’il luy avoit faite en épousant la Maistresse. Il n’avoit que luy d’Enfans, & sa perte renversoit les grands desseins qu’il avoit formez pour son établissement. Comme on sçavoit que son mariage avoit mis le Cavalier dans le dangereux estat où il estoit, il fut jugé à propos de le disposer à souffrir sa veuë, afin d’empêcher le trop d’agitation que luy pourroit causer la surprise. Il en témoigna beaucoup de l’arrivée de son Pere, & dit en poussant un long soupir, qu’il s’estoit flaté qu’on le laisseroit mourir tranquillement. Cependant il ne montra point de répugnance à le voir, & lors qu’il fut auprés de son lit, il le remercia en peu de paroles des dernieres marques qu’il luy donnoit de son amitié. Son pous qui s’émut en luy parlant, luy fit imposer silence, & on connut malgré luy, que quoy qu’il ne s’échapast à aucune plainte, sa presence ne laissoit pas de l’embarasser. Cette émotion parut encore plus forte les deux jours suivans, & les Medecins qui s’en apperceurent, prierent son Pere de s’abstenir d’entrer dans sa chambre, s’il vouloit que leurs remedes fussent employez avec succés. Il y consentit, quoy qu’avec regret, & le Malade estant demeuré tranquille, donna insensiblement de fort grandes esperances de sa guerison. Son Pere ne voulut point partir qu’il n’en eust la certitude, & la crainte de l’exposer au peril de la recheute, luy fit gagner sur luy-mesme de s’éloigner sans luy dire adieu. Le Cavalier se trouva enfin sans fiévre, & par le moyen d’un bon regime, il recouvra ses premieres forces ; mais heureusement pour luy, il ne reprit point ses passions. La certitude où il s’estoit vû longtemps de mourir, & les longues meditations qu’il avoit faites dans tout le cours de sa maladie, sur le peu d’attachement que l’on doit avoir aux choses du monde, l’avoient obligé à se donner tout à Dieu, & ce fut un don qu’il crut devoir estre irrevocable. Il avoit appris qu’à dix lieuës de la Ville où il estoit, il y avoit un Monastere de Religieux dans un endroit extrémement solitaire. Il eut envie de les voir, & alla passer huit ou dix jours avec eux pour s’instruire de leur regle, & voir si l’austerité ne l’en dégousteroit pas. Les inspirations qu’il receut dans cette retraite le confirmerent dans la resolution de quitter le monde, & à peine fut-il de retour de ce voyage, dont il ne voulut rien dire à personne, qu’il écrivit à son Pere qu’il se presentoit pour luy un party avantageux qui luy plaisoit fort, pourvû qu’il eust son consentement. Son Pere ravy d’avoir une occasion de reparer les sujets de plainte que son mariage luy avoit donnez, luy répondit aussitost qu’il le laissoit maistre de ses inclinations, & ne doutant point que par ce mot de party il ne deust entendre une Maistresse, il l’assura que quelque personne qu’il choisist pour l’épouser, elle luy seroit fort agréable. En mesme temps il luy fit toucher mille pistoles, afin que s’il avoit quelques presens à luy faire, il eust dequoy y fournir. Lors qu’il eut receu cette réponse, il passa encore un mois dans le mesme lieu, faisant entendre à tous ses Amis qu’il avoit quelque dessein de faire un voyage en Italie. Aprés cela il disparut tout à coup, & alla fort en secret s’enfermer dans son Convent, où il fut trois mois au Noviciat avant que de recevoir l’habit. Cependant son Pere surpris de ne point avoir de ses nouvelles, aprés luy avoir écrit inutilement trois ou quatre fois, s’adressa à ses Amis pour tâcher d’apprendre, ce qu’il pouvoit estre devenu. Ils luy manderent qu’il y avoit trois ou quatre mois qu’il estoit party sans leur avoir dit adieu, & que selon ce qu’on luy avoit souvent entendu dire, ils croyoient qu’il fust à Rome. Il y fit écrire, ainsi qu’à Venise & en plusieurs autres lieux, & quelques recherches qu’il fist faire, il n’en put rien découvrir. L’inquietude qu’il prit d’un si long silence le mit dans un chagrin extraordinaire, & ce n’estoit pas le seul qu’il avoit. Il estoit puny cruellement de luy avoir osté sa Maistresse. Cette personne qui luy avoit paru toute aimable, n’avoit pas esté si-tost sa Femme, qu’abusant de sa foiblesse, & du trop d’empire que son amour luy laissa d’abord prendre sur luy, elle se mit de tous les plaisirs sans aucune complaisance en ce qui pouvoit le satisfaire. C’étoit tous les jours des parties nouvelles. La promenade, le Jeu, le Bal, l’Opera, la Comedie, pouvoient à peine suffire à ses divertissemens. Elle devint Coquette à outrance, & n’ayant jamais aimé qu’elle, elle ne songea qu’à se contenter, & ne put s’assujettir à aucun de ses devoirs. Cette conduite que rien ne put reformer, mettoit le poignard dans le cœur de son Mary, qui n’osant se plaindre aprés ce qu’il avoit fait, de peur de s’exposer à la raillerie, estoit obligé de renfermer sa douleur. Il auroit senti ce malheur moins vivement, si son Fils luy eust donné une Belle-Fille, comme il s’en estoit flatté ; mais loin de luy voir conclure ce pretendu mariage, il avoit même sujet de douter qu’il fust vivant. Il se passa plus de quinze mois sans qu’il pust sortir de cette cruelle incertitude, & enfin par une rencontre fort inopinée, il fut informé du party qu’il avoit pris. Il se rendit aussitost à sa Solitude, où il arriva lors qu’il estoit prest à faire ses Vœux. Il n’est rien qu’il n’employast pour l’en détourner. Aprés luy avoir exageré le desespoir où il l’alloit mettre, s’il persistoit dans sa resolution, il luy offrit de se dépoüiller dés lors de tout ce qu’il pouvoit pretendre en son bien, dont il devoit avoir une partie tres-considerable, quand même il naistroit d’autres enfans de son second Mariage, mais il parla sans rien obtenir. Son Fils demeura inébranlable, & les attraits de la Grace furent si puissans, qu’il ne voulut point changer le calme dont il joüissoit depuis plus d’un an, pour les tumulte du monde, où l’on essayoit de le rembarquer. Ainsi ce malheureux Pere eut le déplaisir de n’estre venu en ce lieu-là, que pour assister aux ceremonies qui accompagnerent sa Profession. Il la fit avec une joye inconcevable, & son Pere s’en retourna penetré de déplaisir d’avoir à vivre avec une Femme qui luy causoit tous les jours mille chagrins, sans que la raison luy pust faire ouvrir les yeux sur son devoir.

[Lettre en Vers de Madame des Houlieres] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 127-134.

La Lettre en Vers que vous allez lire, est de l’illustre Madame des Houlieres. Que pourrois-je vous dire de plus pour vous préparer à une lecture tres-agreable ?

A MADAME D’USSÉ,
Fille de Mr de Vauban.

Quelqu’un qui n’est pas vostre Epoux,
Et pour qui cependant, soit dit sans vous déplaire,
Vous sentez quelque chose & de vif & de doux,
Me disoit l’autre jour de prendre un ton severe
Pour.… Mais dans vos beaux yeux je voy de la colere.
 Loin de gronder, appaisez-vous ;
Ce quelqu’un n’est, Iris, que vostre illustre Pere.
***
 Elle papillonne toujours,
Me disoit ce grand homme, & rien ne la corrige.
En attendant qu’un jour la raison la dirige,
Elle auroit grand besoin de quelque autre secours.
Employez tous les traits que fournit la Satyre
Contre une activité, qui du matin au soir
 La fait courir, sauter & rire.
Assez imprudemment je luy promis d’écrire ;
 Car quelle raison peut valoir
Contre un leger defaut que la jeunesse donne,
 Et que je ne connois personne
 Qui ne voulust encore avoir.
***
Avecque quatorze ans écrits sur le visage,
Il vous feroit beau voir prendre un air serieux.
Ne renversez point l’ordre étably par l’usage.
 Hé, que peut on faire de mieux
 Que de folastrer à vostre âge ?
Vous avez devant vous dix ans de badinage.
Qu’il ne s’y mêle point de momens ennuyeux.
Qu’entre les Jeux, les Ris, s’écoule & se partage
 Un temps si beau, si precieux.
Vous n’en aurez que trop, helas ! pour estre sage.
***
Tout bien consideré, qu’est-ce que gaste en vous
 L’activité qu’on vous reproche ?
 Vostre esprit n’en est pas moins doux.
Vos yeux n’en blessent pas, de moins dangereux coups,
 L’Insensible qui vous approche.
Vous mene-t-elle à gauche, ou plus loin qu’il ne faut ?
 Non, Iris, & plus je raisonne,
 Moins je trouve qu’un tel defaut
Oste les agrémens que la nature donne.
***
 Par exemple, voicy des faits
 Assez connus pour qu’on s’y fonde.
Les Zephirs, les Ruisseaux ne s’arrestent jamais.
Par leur activité perdent-ils leurs attraits ?
 Contre elle est-il quelqu’un qui gronde,
 Et voit on qu’on trouve mauvais.
Que ce Dieu, que déja vous fournissez de traits,
 Aille sans cesse par le monde
 Troubler des cœurs l’heureuse paix ?
***
Mais sans chercher si loin, & sans tant de mistere,
 Quels exemples d’activité
Ne rencontrez-vous point dans vostre illustre Pere ?
 Il luy sied bien, en verité,
 De me proposer de vous faire
 Des leçons de tranquillité,
 Luy, qui soit en paix, soit en guerre,
Goûte moins le repos que ne font les Lutins ;
Luy, qui presque semblable à ces fiers Paladins
 Qui parcouroient toute la terre,
Enleve à des Geans envieux & mutins,
 Non de libertines Infantes,
Mais en chemin faisant des Places importantes,
Qui de l’heureuse France assurent les destins.
Que sur ses procedez, Iris, il reflechisse,
Et qu’il nous dise un peu, s’il croit qu’il soit permis
 De considerer comme un vice
Ce courage agissant qu’en luy le Ciel a mis.
Si quelqu’un peut s’en plaindre avec quelque justice,
 Ce ne sont que nos Ennemis.
***
Comme la bonne foy dans mes discours éclate,
 Je ne vous dissimule pas
Qu’en suivant mes conseils on peut faire un faux pas,
 Et que l’affaire est delicate.
Ils sont bons cependant ; mais, jeune & belle Iris,
 Il ne faut point que je me flate,
 Le temps diminuëra leur prix.
Ainsi quand vous voudrez suivre ce que j’écris,
 Regardez-en toujours la date.
***
De Paris, la veille des Rois,
L’an mil six cens quatre-vingt douze,
Temps, où par de severes loix
L’Eglise défend qu’on épouse.

[Galanterie] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 148-156.

Si vous avez trouvé de l’invention & de l’esprit aux galanteries dont je vous ay donné la description dans ma Lettre du mois passé, & qui ont esté faites par trois diverses personnes, vous en trouverez beaucoup dans celle que je vous envoye. Elle part du genie d’un Cavalier Angevin, dont je vous ay déja fait voir quelques Enigmes, & qui ayant les manieres toutes galantes, ne peut manquer de réussir, lors qu’il s’agit de galanteries de la nature de celles dont je vous ay déja entretenuë. Il cherchoit à faire un present à une Demoiselle âgée seulement de quatorze ans, avec laquelle il joüoit quelquefois au corbillon, & vouloit que ce present luy donnast lieu de luy faire une declaration d’amour en badinant ; car vous sçavez que quand on a de l’esprit, on trouve des manieres de tout dire sans qu’une Belle s’en puisse offenser, ny qu’elles engagent le Cavalier qu’autant qu’il plaist à son cœur de continuer en veritable Amant, la galanterie qu’il a commencée en galant homme. Les envois dont je vous parlay la derniere fois, furent faits dans le temps des Etrenes, & le present dont vous allez voir la description, a esté fait dans les premiers tours de la Foire S. Germain. Le Cavalier envoya une Corbeille fort proprement travaillée, & fort richement couverte, & separée en neuf petits compartimens, un dans le milieu, & huit alentour. Celuy du milieu estoit doublé de blanc, & plein à demy de petits cœurs de sucre sous ce mot, Cordialité ; sur quoy on voyoit un cœur de cire pendant à un gros nœud gris-delin qui en sortoit. Un costé de ce cœur estoit couleur de feu, portant sur son milieu une bougie blanche allumée & ces mots écrits en lettres d’or, Je brûleray jusqu’à ma fin. L’autre costé du cœur étoit bleu-mourant, chargé de chaînes negligemment étenduës, qui se perdoient avec cette Devise Italienne, Porto dell’ amore i colori le catene, & le cœur estoit embrassé d’un petit papier qui contenoit ces quatre Vers.

Pour rendre hommage à vos appas,
Je vous presente un cœur souple comme la cire,
Toujours…mais je me tais, car je crains d’en trop dire
Phenice, sans parler ne m’entendez-vous pas ?

L’un des quatre petits compartimens qui faisoient la croix, estoit doublé de couleur de feu, & remply de pâtes rouges, avec ce mot, Ardeur. L’autre doublé de vert, & plein de confitures vertes, estoit sous le mot, Esperance. Le troisiéme estoit doublé d’Aurore avec des pâtes jaunes, & le mot, Jeunesse ; & le quatriéme bleu, avec des pâtes de même, avoit, Innocence. Les quatre autres qui faisoient les coins selon leurs differentes couleurs, avoient chacun un de ces quatre mots, Discretion, passion, douceur, fidelité, & estoient garnis de differentes especes de dragées, & lardez de fioles d’essence de Bergamotte, d’Orange, de Casie, de Tubereuse, de Jasmin &c. Enfin, cette Corbeille fut portée avec quatre rubans feu & or, qui partant des quatre costez, s’unissoient à la hauteur d’un busc, & formoient un nœud, dans lequel le Cavalier avoit lacé cet envoy, qui vous fera voir l’extrême jeunesse de la Demoiselle, par rapport à son jeu favory.

 Je vous donne le Corbillon.
Si vous demandiez qu’y met-on ?
 Je vous répons, jeune Phenice,
 Que c’est le cœur de B.…

Rien ne paroist si simple que ces sortes d’envois, & cependant rien n’est si difficile à faire d’une maniere galante & naturelle. Ils ne doivent point estre estimez par la valeur des choses que l’on envoye, tout leur prix consistant dans l’invention, & le badinage qui font estimer les presens qui coûtent peu, & sont cause qu’on en parle comme s’ils estoient de consequence.

[Fable du Cygne & des Oisons] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 156-167.

Je vous envoye une Fable, dont l’original est Latin. La traduction en a esté faite par Mr de Saint-Ouën de Caën, & il l’a adressée au Pere Bouhours Jesuite, qui a tant contribué à la pureté de nostre Langue, par les excellens Ouvrages qu’il nous a donnez.

LE CYGNE
ET
LES OYSONS.
FABLE.

BOUHOURS, pour quelque temps abstenez-vous d’écrire,
Aprés, vous reprendrez vos Ouvrages pieux.
 Daignez icy jetter les yeux,
Au premier jour de l’an je veux vous faire rire.
***
Le Caystre à regret nourrit parmy les joncs
 Je ne sçay quel genre d’Oisons,
Foible, mais insolent, babillard, lâche, immonde,
 Et dont les efforts impuissans
Tâchent de nuire aux Cygnes innocens
Qu’éleve avec plaisir ce Fleuve dans son onde.
 Une vaine émulation
 Leur donne cette aversion.
La laideur de leur corps, leur cry desagréable
Releve les beautez & la voix admirable
Des Cygnes, dont le chant plein de mille douceurs,
Se pourroit égaler à celuy des neuf Sœurs.
***
Un des plus beaux s’attira leur colere,
Par ses accens harmonieux,
Son chant, dont il sçavoit charmer le cœur des Dieux,
Trouva si bien l’art de leur plaire,
 Qu’ils l’estimoient mille fois mieux,
 Que le Cygne qu’on voit reluire
 Auprés de la celeste Lyre,
Qu’aprés la mort d’Orphée on plaça dans les Cieux.
***
 Voilà justement l’origine
De la haine, des cris, de la sotte fierté
 De cette cohorte mutine,
 Que jusqu’icy rien n’a dompté.
Mais le Cygne les voit avec indifference,
Et croit qu’il luy seroit également honteux
 De leur ceder, ou de triompher d’eux.
Enfin pour en tirer une noble vangeance,
 Il se munit de patience.
Ceux-cy virent bien-tost qu’en un juste Combat
 Ils n’en pouvoient ternir l’éclat,
 Et que son chant méprisoit leur malice.
Voicy pour s’en vanger quel fut leur artifice.
***
Ce Fleuve en un endroit avare de ses eaux,
 Ne laisse d’un amas de fange,
 Qui des glayeuls & des roseaux
 Fait un sale & bourbeux mélange.
 C’est la que la Troupe d’Oisons
 S’abbat, se promene, s’arreste,
 Et s’armant comme Champions,
 Se veautre les pieds & la teste.
***
 Pendant ce terrible appareil,
Nostre Cygne qu’on voit rarement sans rien faire,
Qui venoit de chanter plus qu’à son ordinaire,
 Goûtoit un paisible sommeil,
Lors qu’inopinément cette Ligue cruelle
Attaque sa blancheur qui faisoit honte aux Lis,
 Et du limon dont ils se sont salis
Prend plaisir à soüiller sa beauté naturelle.
  Aprés cette expedition,
  Cette Troupe plus animée,
Chez les autres Oiseaux va sans discretion
 Publier que la Renommée
 Vante sans raison la blancheur
Du Cygne, qui n’est plus qu’un spectacle d’horreur.
***
 Chacun pour en flétrir la gloire,
Seme diversement des bruits calomnieux ;
Mais ceux dont l’imposture est plus fine & plus noire,
Plaignent d’un ton malicieux.
Ce qu’en le voyant mesme on auroit peine à croire.
***
 Les autres dont le naturel,
 Est plus sauvage & plus cruel,
 Le condamnent par son silence,
Disent qu’il n’ose plus nager en pleines eaux,
Et que ses Compagnons, pour comble de ses maux,
 Ne voulant plus souffrir de sa presence,
De bonté il recourt à l’absence.
Ils ajoûtent encor que de leurs propres yeux
 Ils l’ont vû s’enfuir du rivage,
 Et que pour s’en éclaircir mieux
Ceux qui ne voudront pas croire leur témoignage
 Viennent eux-mesmes sur les lieux.
***
 Pour venir enfin à la preuve
De ce qu’à peine on pouvoit concevoir,
 Tous les Oiseaux voulurent voir,
Et vinrent à l’envy sur le bord de ce fleuve.
A peine le Soleil sortoit du sein des eaux,
 Qu’on voit bien-tost sur le rivage
 Un nombre innombrable d’Oiseaux,
Differens de couleur autant que de ramage.
***
 Le Coucou sort de ses antiques bois,
  Et la Colombe curieuse
Depêche le Hibou, qui sous les mêmes toits
 Mene une vie & molle & paresseuse.
  Enfin mille Oiseaux malheureux,
  Dont la sombre & foible paupiere
  Ne peut supporter la lumiere,
  Quittent leur séjour tenebreux.
La Pie & le Corbeau, l’Hirondelle volage
Viennent accompagnez des farouches Ramiers,
Tant ceux qui sont patus, que d’autres dont les pieds
  Ne sont couverts d’aucun plumage.
  Entre tant d’Oiseaux si divers
La Corneille au coû blanc parut la plus ardente
  A faire entendre dans les airs
 Les tons aigus de sa voix croassante.
***
 Aprés s’estre tous assemblez,
Le Cygne qui fendoit l’onde à son ordinaire
 Sous une couleur étrangere,
Fut reconnu de loin à ses chants redoublez.
 L’attente imposoit le silence,
 Lors que ce beau Chantre s’avance,
 Et qu’à ses airs mélodieux
Cette Troupe répond par des cris envieux.
***
 Jugez quelle fut sa surprise,
Quand sur luy seul, il voit de toutes parts
  Qu’on jette d’avides regards,
Qui sembloient contre luy marquer quelque entreprise.
Confus d’estre l’objet de tant de spectateurs,
Pour en trouver la cause, il cherche en sa memoire,
Mais l’eau comme un miroir le determine à croire
 Que les Oisons estoient les inventeurs
 D’une perfidie aussi noire.
***
 Alors sans s’amuser à de vaines raisons,
Ce n’est pas là, dit il, ma couleur naturelle.
 Reprenez-la, Troupe infidelle,
 Je reconnois vos trahisons.
 Il dédaigna de parler davantage,
 Il se plongea legerement dans l’eau,
 Et le limon, en quittant son plumage,
 Ne luy servit qu’à le rendre plus beau.
***
 Ainsi l’on connoist l’artifice,
Dont usent contre luy ces jaloux imposteurs ;
Et les autres Oiseaux, témoins de la malice,
 Conviennent tous que l’injustice
 Doit retomber sur ses Auteurs.

[Remede specifique]* §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 227-229.

Quoy que rien ne soit moins galant que de parler de remedes dans une Lettre comme celles que je vous adresse tous les mois, neanmoins l’utile devant l’emporter sur l’agreable, je ne sçaurois m’empêcher de vous parler de celuy qui a esté mis en vogue par Mr Miracle, Officier ordinaire de la Musique de la Chapelle du Roy. C’est un Baume pour les Rhumatismes, dont il a seul le secret, & dont la bonté retentit dans tout Versailles. Mille gens dignes de foy assurent que personne ne s’en est servy, qui n’en ait esté guery, & même si promptement, que ceux qui en ont usé ont regardé leur mal comme un songe. Les Rumatismes ayant esté frequens cette année à cause du long Hiver & de la quantité de neges qui est tombée, ce remede s’est trouvé d’une utilité fort grande. C’est ce qui a achevé de le mettre dans la réputation où il commence d’estre depuis quelque temps.

[Reception de M. Toureil à l’Académie Françoise] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 242-244.

Le Jeudy 14, de ce mois, Mr de Tourreil, que je vous dis la derniere fois avoir esté élu pour remplir la place de Mr le Clerc à l’Academie Françoise y fut receu selon la coutume. Il remercia la Compagnie par un Discours tout plein d’éloquence, qui fut extraordinairement applaudy, & Mr Charpentier, alors Directeur, luy répondit par un autre, qui luy marqua d’une maniere fort fine & fort delicate, que l’Academie en le choisissant n’avoit fait que satisfaire aux intentions du Roy, qui vouloit que dans ces sortes d’élections, on rendist justice au vray merite, sans aucun égard aux brigues. Je pourray vous en dire davantage le mois prochain. Aprés que ces deux Discours eurent esté prononcez, Mr l’Abbé de la Vau leut une suite du Poëme de Mr Perrault, intitulé, La Creation du Monde. L’on y trouva des descriptions fort vives, comme on avoit fait la derniere fois, & cette lecture fut suivie d’une Lettre en Vers, & d’une maniere de Prologue pastoral pour mettre en Musique, l’un & l’autre de Mr Boyer. Ces deux Ouvrages receurent beaucoup d’applaudissemens, & firent connoistre que le beau feu de l’esprit n’est point sujet aux années.

[Epithalame fait par Madame de Saliez à l’occasion d’un mariage]* §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 248-250.

Madame de Saliez, Viguiere d’Alby, dont tous les Ouvrages sont si estimez, a fait pour eux l’Epithalame que je vous envoye.

L’on cherche vainement cette charmante Fille,
En qui brille le Sang d’une illustre Famille.
Un jeune Conquerant qui veut se rendre heureux,
 L’enléve à travers mille feux.
Tout a favorisé son amoureuse audace ;
 Mais l’Hymen nous rend à sa place
Une Femme admirable, en qui nous revoyons
La Fille que nous regretions.
Elle a ses agrémens, ses airs, & ses manieres,
 Ses yeux, son teint, & ses lumieres,
Et tous les sentimens de ses nobles Ayeux,
Dont la magnificence éclate dans ces lieux.
Enfin, ces deux Objets sont une mesme chose.
Vous, pour qui le Ciel fait cette Metamorphose,
 Epoux aimable & fortuné,
A quel comble de biens estes-vous destiné ?
Vostre Epouse, toujours adorable, & severe,
Va marcher sur les pas de son illustre Mere,
Et vous allez goûter, au gré de vos desirs,
Un long enchainement de joye, & de plaisirs.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 301-302.

Je croy que vous prendrez plaisir à chanter l'Air nouveau dont vous allez lire les paroles.

AIR NOUVEAU.

La Chanson doit regarder la page 301.
Lors que Tircis brûloit pour moy,
Le retour du Printemps me causoit mille alarmes,
L'Esté me remplissoit d'effroy,
Et l'Automne souvent me coutoit bien des larmes.
L'Hiver seul finissoit mes mortelles langueurs,
Et de tous les plaisirs je reprenois l'usage,
Mais depuis que Tircis est devenu volage
En tout temps je verse des pleurs.
images/1692-02a_301.JPG

[Détail de tout ce qui s'est passé au Mariage de Monseigneur le Duc de Chartres & de Mademoiselle de Blois] §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 307-337.

 

Le 17. de ce mois, jour destiné pour la cérémonie des fiançailles, Monsieur le Duc de Chartres, accompagné de Mr de Blainville, Grand Maistre des cérémonies, & de Mr des Granges, Maistre des Cérémonies, alla prendre Mademoiselle de Blois dans son appartement, & il l'amena au grand Salon de l'appartement du Roy. (...)

Les Princes, les Princesses, & les plus grands Seigneurs de la Cour, & tous ceux qui estoient nommez pour danser au Bal qui devoit suivre les Fiançailles, avoient des habits, ou brodez, ou de brocard d'or ou d'argent, tout couverts de points de la même richesse. Toutes les Dames nommées aussi pour le Bal, avoient des garnitures de Pierreries, & il y voit peu de Seigneurs du Bal dont les habits n'en fussent garnis. La ceremonie des Fiançailles fut faite dans le Cabinet de Sa Majesté, par Mr le Cardinal de Boüillon, Grand Aumônier de France, & le Contrat fut leu par Mr de Ponchartrain, Ministre & Secretaire d'Estat, accompagné de Mr le Marquis de Torcy Secretaire d'Estat & signé par le Roy, Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Madame, Monsieur le Duc de Chartres, Mademoiselle, Mademoiselle de Blois, les Princes & les Princesses, dont ceux qui devoient avoir l'honneur de dancer, estoient parez de la maniere que je viens de vous marquer. Je vous en donneray la liste à la fin de cet article, ne croyant pas devoir interrompre le fil de cette narration. Au milieu du bal qui fut fait dans une tres-grande Salle du grand appartement du Roy, destinée pour ces divertissemens, & dans laquelle il y a deux tribunes pour les violons, on vit paroistre une colation aussi galante, que magnifique & bien entenduë. (...)

Le 18. Monsieur le Duc de Chartres alla prendre Mademoiselle de Blois dans son appartement avec les mesmes ceremonies que le jour précedent. (...) Ils se rendirent dans la grande Galerie, où estoient Monseigneur le Dauphin, Monsieur, Madame, les Princes & Princesses, avec des habits differens de ceux qu'ils avoient la veille, mais qui n'estoient pas moins riches. Celuy de Monsieur estoit de velours noir brodé d'or à plain, & garny de Rubis. Le Roy estant venu, toute la Compagnie alla à la Chapelle du Chasteau. Monsieur de Chartres & Mademoiselle de Blois marchoient devant le Roy qui estoit environné & suivy de toute la Cour, & il furent placez sur les degrez qui sont au bas de l'Autel devant le Prié-Dieu de Sa Majesté. On leur donna l'Eau Beniste avant que de la presenter au Roy. Lors que Mr le Cardinal de Boüillon demanda à Monsieur le Duc de Chartres s'il prenoit Mademoiselle de Blois pour Epouse, il fit une reverence au Roy, à Monsieur & à Madame, comme pour demander leur consentement, & Mademoiselle de Blois n'en fit qu'au Roy. A l'Offertoire Monsieur le Duc de Chartres, & Madame la Duchesse de Chartres allerent à l'Offrande, & y furent conduits par le Grand Maistre des Ceremonies, le Grand Maistre ayant presenté le Cierge à Monsieur le Duc de Chartres, & le Maistre à Madame la Duchesse du Chartres. Le Poesle fut tenu par Mr l'Evesque d'Orleans, Premier Aumosnier du Roy, & par Mr l'Abbé Fleury, Aumosnier de quartier.

A la fin de la cérémonie, le Registre de la Paroisse ayant esté apporté au Roy, Mr l'Evêque d'Orleans presenta la plume à Sa Majesté, en presence du Curé. Ce Registre fut signé par le Roy, Monseigneur le Dauphin, Monsieur & Madame, Monsieur le Duc de Chartres, Madame la Duchesse de Chartres, & Monsieur le Prince. Toute la Cour accompagna ensuite le Roy dans son appartement, & Madame, la Duchesse de Chartres y fut conduite par Mr le Marquis de Villars, son Chevalier d'honneur, & par Mr le comte de Fontaine-Martel, son premier Ecuyer, qui commencerent par-là à rentrer en fonction de leurs Charges. (...)

Sa Majesté donna à disner dans l'apartement de la feüe Reine. (...) Le lieu où se donna le repas étoit magnifiquement paré. Je ne vous dis rien de la somptuosité des services, non plus que de l'abondance & de la delicatesse des mets. Il suffit de vous dire, que le Roy donnoit ce repas pour vous faire entendre qu'il auroit esté difficile, qu'on eût pû y souhaiter quelque chose. L'apresdînée, il y eut grands appartemens, où le Roy d'Angleterre se trouva. On y joüa gros jeu, & on y chanta quantité des plus beaux endroits de la Musique de feu Monsieur de Lully. Le soupé que le Roy donna le soir dans le mesme lieu, ne peut estre égalé que par le disner dont il avoit esté precedé, si ce n'est que l'éclat des lumieres faisoit paroitre, & le lieu, & le repas, encore plus magnifiques, les pierreries dont les habits de toutes les personnes distinguées de la Cour étoient garnis, brillant alors beaucoup davantage. (...)

Le mardy, il y eut encore bal. (...)

Voicy la liste de ceux qui ont dansé au Bal qui fut donné le jour des Fiançailles, & que je me suis engagé de vous envoyer au commencement cet Article.

Monseigneur le Duc de Bourgogne. Mademoiselle.

Monsieur le Duc de Chartres. Mlle de Blois.

M. le Duc. Me Despinoy.

M. le Prince de Conty. Me la Duchesse de Choiseul.

M. le Comte de Toulouze. Me de Quelus.

M. Le Chev. de Sully Me de Valentinois.

M. le Comte de Brione. Mlle d'Armagnac.

Le Prince Camille. Me d'Enrichemont.

M. Despinoy. Mlle de Tourbe.

M. de la Chastre. Mlle de Melun.

M. le Cote de Crussol. Mlle de la Tremoüille.

M. de Bouligneux. Me de Medavy.

M. de Schepy. Mlle de Menetou.

M. de Nogent. Mlle de Chasteauneuf.

M. le Vidames de Chartres. Mlle de Souches.

M. Dalincourt. Me de Florensac.

M. de Monbron. Mlle de Moreuil.

M. de Vins. Me de la Fayette.

M. de Cossé. Mlle Fustemberg.

M. le Chevalier de Boüillon. Me de la Vieville.

M. de Grignon. Me de Mongon.

M. le Chevalier de Mirepoix. Mlle Souville.

M. le Prince d'Enrichemont. Me de la Porte.

 

Le bon air & la grande parure ne firent pas seulement distinguer Monseigneur le Duc de Bourgogne dans le Bal, mais ce Prince charma aussi par la maniere dont il dansa.

Avis §

Mercure galant, février 1692 [tome 2], p. 352-353.

AVIS.

On continue les Entretiens en forme de Pasquinades, dont l’onziéme sera debité le 15. de Mars. Le bon accueil que fait le Public à cet Ouvrage, oblige l’Auteur d’en donner la suite. Quand il aura achevé l’Histoire du Prince d’Orange, qui ne contiendra plus que deux Entretiens, il passera à d’autres matieres, qu’il renfermera souvent dans un seul, & qu’il poussera quelquefois jusques à deux, mais sans l’étendre jamais davantage, afin de satisfaire ceux qui aiment les nouveautez.

On donne avis que les Conferences ordinaires pour la recherche & verification des nouvelles Découvertes, se tiendront dorénavant tous les Vendredis à trois heures aprés midy, à l’entrée de la rue de Guenegaud, premiere porte, à main gauche.