1692

Mercure galant, mai 1692 [tome 5].

2017
Source : Mercure galant, mai 1692 [tome 5].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, mai 1692 [tome 5]. §

[Version d’un Pseaume qui a beaucoup de rapport aux Affaires du temps] §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 7-12.

Je croy, Madame, que vous vous ferez un plaisir d’entendre le Pseaume, Quare fremuerunt Gentes, dans la bouche de nostre Auguste Monarque. On en a fait une version dont je vous fais part. Pour peu que vous fassiez de reflexion à ce que contient ce Pseaume, & à ce qui se passe presentement en Europe, il ne vous sera pas difficile de découvrir les endroits par où il peut estre appliqué au Roy.

VERSION DU PSEAUME
Quare fremuerunt Gentes.

Quel sujet de couroux, quelle nouvelle injure
De tant de Nations excite le murmure ?
Que pretend leur fureur ? quel frivole dessein,
A mis à tant de Rois les armes à la main ?
Rebelles au vray Dieu, corrupteurs témeraires
De la Loy que son Verbe a transmise à leurs Peres,
Ou jaloux que le Ciel par tout soit mon appuy,
S’attaquent-ils à moy pour se vanger de luy ?
Sauvons-nous, disent-ils, des fers qu’on nous appreste,
A la honte du joug dérobons nôtre tête ;
Détruisons un bonheur qui nous blesse les yeux.
Mais le Maistre Eternel de la terre & des Cieux,
Rira des vains projets que leur bouche m’annonce,
Et ses foudres feront entendre la réponse.
La discorde & l’effroy troubleront leur conseil ;
Je verray de leur haine avorter l’appareil.
C’est moy, c’est moy qui suis, par son ordre sublime,
De la sainte Sion le Prince legitime.
C’est moy qui publieray, qui défendray ses Loix.
Je trouve un Fils en toy, m’a dit ce Roy des Rois ;
Aujourd’huy dans ton Dieu tu vas trouver un Pere.
Veux-tu des Nations confondre la colere ?
Veux tu de leur dépoüille enrichir tes Etats,
Ou voir tout l’Univers asservy par ton bras ?
Parle, ton bras soudain armé de mon tonnerre,
Brisera tes jaloux, comme on brise le verre,
D’un opprobre éternel tu les verras couverts,
Ramper servilement sous le poids de tes fers.
Vous donc, à qui ma gloire est un mortel outrage,
Du Dieu qui me protege entendez le langage.
Fiers Monarques, souffrez qu’une sainte terreur
Tourne en amour pour luy vostre noire fureur.
Venez ; mettez l’orgueil qui vous sceut trop seduire.
Aux pieds de ses Autels que vous vouliez détruire.
Quand il fait dans les airs tonner son fier couroux,
Heureux qui tout à luy n’en peut craindre les coups.

[Marques de zele des fidelles Sujets de Sa Majesté] §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 16-19.

Entre tous ceux qui ont ce zele sincere & empressé pour le Roy, il n’y a personne qui en donne plus de marques que Mr le Comte de Fontaine-Berenger, Capitaine au Regiment de Bouflers, qui outre toutes les réjoüissances qu’il a faites pour chaque avantage particulier qu’ont remporté les François, a voulu encore consacrer deux jours de chaque année par deux Festes solemnelles, pour demander à Dieu qu’il luy plaise de benir tous les projets de Sa Majesté. L’une de ces Festes se celebre le premier jour d’Octobre, Feste de Saint Remy, dans sa Terre de Fontaine-Berenger prés Trun, Diocese de Sez, & l’autre le Mardy de la semaine de Pasques, dans sa Terre d’Herengerville, Diocese de Coutance. La ceremonie de cette derniere Feste se fit le 8. du mois passé avec beaucoup de magnificence. Mr Vincent, Prieur de l’Hôpital de Coutance, prêcha le matin sur la Charité, & fit l’Eloge du Roy avec une entiere satisfaction de son Auditoire. Mr Marqs, dont l’éloquence est connuë par tant de Sermons, où il s’est fait admirer dans les meilleures Chaires du Royaume, fit l’aprés-dînée un nouveau Panegyrique de ce grand Monarque, & on chanta l’Exaudiat en Musique, avec les autres Prieres que l’Eglise ordonne en pareille occasion.

[L’Hymen, l’Amour, & la Raison, Dialogue] §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 24-40.

Tout ce que je vous ay fait voir de Mr de Senecé, a esté si bien receu dans vostre Province, qu’il suffit presentement de vous le nommer en vous envoyant de ses Ouvrages, pour vous préparer à lire quelque chose d’un bon goust, & qui merite l’empressement que vous me marquez d’avoir tout ce qui part de sa plume. Le Dialogue qui suit est de sa façon.

L’HYMEN, L’AMOUR,
ET
LA RAISON.

L’HYMEN.

Mon Frere, jusqu’icy j’ay gardé le silence.
 Jusqu’icy poussé vivement,
 Mon cœur de son ressentiment
 A reprimé la violence ;
Mais enfin il demande un éclaircissement,
Et je sens épuiser toute sa patience.
Je sçay que l’Univers est soumis à vos loix,
 Que la Nature suspenduë
 Est attentive à vostre voix,
Que dans l’affreux chaos reglé par vostre choix,
Elle eust esté sans vous pour jamais confonduë,
Que vos premiers Sujets sont les Dieux & les Rois,
Que vous regnez par tout. De vos augustes droits
 Je connois la vaste étenduë,
Et je n’ignore point l’honneur que je vous dois.
Pourtant (vous le sçavez) tout puissans que nous sommes,
Il est pardessus nous un pouvoir dans les Cieux ;
Un Dieu commande aux Rois, un Roy commande aux hommes,
Et la Raison gouverne & les Rois, & les Dieux.
Oseriez-vous tout seul corrompre cet usage,
Pour moy toujours injuste, & toujours rigoureux ?
Ne souffrirez-vous point qu’un Cadet malheureux
 Joüisse de son apanage ?

L’AMOUR.

L’éloquence pour vous, mon Frere, n’est qu’un jeu.
De ces moralitez où tant de bon sens brille,
 L’hiver au coin de vostre feu,
 Vous endormez vostre Famille.
 C’est vostre fort, & sans vous offenser,
Je pourrois ajoûter que de cette querelle
Je ne dois point m’embarasser.
Vous voir grondeur, Hymen, n’est pas chose nouvelle,
 Vous ne sçauriez vous en passer.
Mais qu’il soit un pouvoir que mon pouvoir redoute,
Qu’il soit quelqu’autre Dieu de mes forces vainqueur,
 C’est un article dont je doute,
Et ce n’est pas toujours la Raison qu’on écoute,
Quand nous parlons ensemble au fond du mesme cœur.
Je veux bien toutefois vous imposer silence.
J’accepte la Raison pour discuter nos droits.
De quoy vous plaignez-vous ? Parlez ; sans consequence
 Je m’y soumets pour cette fois.

L’HYMEN.

Vous m’avez outragé par plus d’une entreprise,
Je n’en réveille point le souvenir cuisant ;
Mais du moins rendez-moy Céphise,
De qui vous-mesme, Amour, vous m’aviez fait present.
Toute jeune en mes mains elle fut consignée,
Rien n’approchoit alors de ses empressemens.
Quand de son cher Epoux elle estoit éloignée,
Ses chagrins inquiets comptoient tous les momens.
Pour vuider seul à seul quelque tendre querelle,
 C’estoit toujours nouveau cartel.
Luy rendre une visite estoit alors pour elle
  Un outrage mortel.
Aux Amis, aux Parens invisible, & farouche,
Ce bienheureux Epoux l’occupoit en tous lieux.
Ses folâtres desirs s’échapoient par ses yeux
Quand la pudeur tâchoit de leur fermer la bouche.
Tous ces amusemens qu’on appelle plaisirs,
 Opera, Concerts, Mascarades,
Par la comparaison rendus encor plus fades,
Pour mes dons pretieux redoubloient ses soupirs.
 Qu’on luy proposast quelque feste,
 Une Comedie, un repas,
 A point nommé, vapeurs, ou mal de teste
 La tiroient de ce mauvais pas.
 Point d’ornemens, point de parure.
 Aux agrémens de la nature
 Son ambition se bornoit.
 L’air negligé de sa coiffure
Marquoit à quels emplois elle se destinoit.
Combien de fois dans une promenade
 Ont-ils sur des gazons foulez
Fait brûler le Satyre, & rougir la Nayade
 Par mes misteres revelez !
 La tyrannique bien-seance
 Les forçoit-elle à quelque autre entretien,
Tous deux on les voyoit livrez par ma puissance
 A l’agreable impertinence
 De faire mistere de rien.
 Par quelque carresse furtive
Je nourrissois leur flame, & la rendois plus vive.
De ceux qu’ils regardoient pour lors comme ennemis,
 Je trompois la foule importune,
 Et sçavois d’un plaisir permis
 Leur faire une bonne fortune.
***
Que ces temps sont changez ! Que ces douceurs troublées
Ont quitté promptement le party du devoir !
Elle passe les jours, la volage, au miroir,
 Et les nuits dans les assemblées.
Son quartier qui la croit son plus rare ornement,
 Ne la voit jamais serieuse ;
Brillant par tout ailleurs d’un aimable enjoûment,
Elle est dans son logis muette, ou querelleuse.
Le seul nom de retraite allume son couroux,
Une foule importune à tous momens l’accable.
Jeu, Musique, Festins, elle trouve agreable
 Tout ce qui n’est point son Epoux ;
Pour luy plus d’agrémens, pour luy plus de tendresses.
 Si de quelques fausses caresses
 Il est quelquefois honoré,
Aux plus pressans besoins la feinte se limite ;
C’est pour en obtenir quelque habit chamarré,
C’est pour entretenir la Bassette proscrite,
 Ou le Lansquenet toleré.
 Qu’en d’autres temps mon ardeur le réveille,
 Que de ses droits il veüille user,
La bouche qui le fuit, du soin de le baiser
 Charge negligemment l’oreille.
Seule avec luy ce ne sont que langueurs.
 Quelque autre vient, il se retire ;
A la feinte migraine, aux trompeuses vapeurs
 Succedent les éclats de rire.
Un grand lit de six pieds luy paroist trop étroit ;
Il faut en faire deux quand son dégoust augmente,
Et d’un tel changement son artifice adroit
 Accuse la Lune innocente.
 Par le chagrin qui la tourmente
 Son Domestique est en rumeur ;
 Ses Valets, son Chien, sa Suivante
 Souffrent de sa mauvaise humeur.
Sous ces tristes dehors quel poison se déguise ?
De quels évenemens sommes-nous menacez ?
 Vous qui me livrâtes Céphise,
Amour, n’est-ce point vous qui me la ravissez ?

L’AMOUR.

 O la surprenante avanture,
Qu’en pleine joüissance on finisse d’aimer !
 A vous entendre déclamer,
 J’ay cru que toute la nature
D’un renaissant Chaos se devoit alarmer.
Je vois que ces plaintes naïves
Tendent à me noircir d’un injuste soupçon.
 Vos peintures sont un peu vives,
Il faut vous pardonner, vous vivez sans façon.
L’infaillible Raison prompte à vous satisfaire
 Va terminer nostre debat ;
Mais au nom du Mary, pour éclaircir l’affaire
Sur certains faits souffrez l’interrogat.
***
De vos commencemens l’ardeur toujours brûlante
 S’exprime-t-elle du mesme air ?
 N’est-elle point un peu plus lente ?

L’HYMEN.

Et le moyen, suis-je de fer ?

L’AMOUR.

Dans la tranquillité de vostre joüissance,
 Du desir de plaire occupé,
En faites-vous toujours vostre soin d’importance ?

L’HYMEN.

Les affaires m’ont dissipé.

L’AMOUR.

Avez-vous bien eu l’industrie
De vous montrer toujours par le plus beau costé
 Dont on use en galanterie ?
Quelques defauts choquans n’ont-ils point éclaté ?

L’HYMEN.

Quelle contrainte severe
Aux cœurs pour toujours unis !
Je suis nud, je suis sincere.
On me voit tel que je suis.

L’AMOUR.

Fort bien. Qu’avez-vous fait de l’importune foule
De langueurs, de dégoûts, de murmures, d’ennuis,
Qui par tout aprés vous dans les maisons se coule ?

L’HYMEN.

Ils m’obsedent les jours, ils m’occupent les nuits.

L’AMOUR.

Et la cruelle jalousie
A-t-elle encor suivi vos pas ?

L’HYMEN.

J’en ay toujours l’ame saisie,
Nous ne nous desunissons pas.

L’AMOUR.

 Et vous voulez qu’on vous cherisse,
Negligent, endormy, soupçonneux, dissipé,
 Ralenty dans vostre exercice,
Et d’un soucy jaloux follement occupé ?
Vous mesme avez causé le mal qui vous accable ;
 Pour moy, je suis hors d’interest.
O vous, qui vous piquez si fort d’estre équitable,
 Reine, prononcez nostre Arrest.

LA RAISON.

De ses conclusions Hymen est debouté,
Faute d’avoir produit ardeur & nouveauté ;
Nous avons, declarant l’instance criminelle,
Ordonné qu’il tiendra prison perpetuelle ;
Dormeur toute la nuit, & grondeur tout le jour,
Et nous le condamnons aux dépens de l’Amour ?

L’HYMEN.

Quoy, perfide Raison, quand je vous croyois preste
 A soutenir la verité,
 Les appas de la volupté
Vous font abandonner le party de l’honneste ?
Allez, si desormais dans vostre lâche Cour
 Vous me voyez chercher refuge…

L’AMOUR.

Courage, Hymen, poussez. Les loix donnent un jour
 Pour déclamer contre son Juge.

[Lettre du Berger de Flore] §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 85-118.

Voicy la derniere Lettre du Berger de Flore, touchant ses Societez galantes. Aprés le plaisir que vous avez pris à lire les autres, je ne puis douter que celle-cy ne soit agreablement reçuë.

A LA BELLE
MARTHESIE.

La sixiéme & derniere Societé dont je fis partie, est celle qui a le plus éclaté dans le monde. Son nom estoit l’Etat Incarnadin ; sa couleur l’Incarnat, & sa Devise, Tout du grand air. Le Pastoral en fut banni ; tout y fut heroïque ; & l’on emprunta dans la Cleopatre, les noms des Heros & des Heroïnes, pour les donner aux Cavaliers & aux Dames. Cette Societé commença à Flore, & j’en fus, pour ainsi dire, l’Instituteur. Tiridate fut le nom qu’on m’y donna, & mon Frere qui en estoit aussi, y prit celuy d’Alexandre. Ce fut pour lors que je fis le traité d’amitié, en faveur des deux charmantes Sœurs, Angelique & Christine, pour lesquelles nous ne manquions pas tous deux de penchant. Elles n’étoient pas encore de la Societé, quand cet ouvrage parut, mais elles s’en mirent bien tôt aprés & parce qu’on nous soupçonna d’avoir pour elles, quelque chose de plus rendre que l’amitié, on donna à Christine le nom d’Artemise, à cause du nom d’Alexandre qu’avoit mon Frere ; Alexandre & Artemise étant dans le Roman l’Amant & l’Amante, & l’on fit porter à Angelique par cette mesme raison, le nom de Mariane, sur ce qu’on m’avoit donné celuy de Tiridate. Comme cette aimable personne remontra que le nom de Mariane seioit mal à une fille, puis que dans le Roman, aussi-bien que dans l’Histoire, Mariane avoit un Epoux, l’un de nos Heros luy répondit assez plaisamment, que son honneur à garder seroit son Herode. Cette réponse donna occasion à ces Vers, que je fis en faveur de cette Belle.

Je croirois bien que l’honneur à garder,
 Est le Tiran d’une Coquette ;
Mais ce n’est pas ainsi qu’on le doit regarder,
 Dans une ame belle & bien faite.
***
Il exerce sur elle un honneste pouvoir,
 Qui ne luy cause aucune peine.
Comme elle a du plaisir à faire son devoir,
Elle en prend soin ; craint qu’on ne le surprenne ;
 En est fidelle gardienne,
***
Grands Dieux, que je serois heureux,
 Si celle à qui j’offre mes vœux,
Pouvoit m’aimer un jour, tout autant qu’elle l’aime !
 Ah ! combien seroient doux nos nœuds,
On la verroit m’aimer cent fois plus qu’elle-mesme.

La maniere dont je fis connoissance avec cette aimable Personne, est assez singuliere & assez galante. Elle alloit en temps de guerre avec sa Bellemere, dans une Ville Frontiere où une affaire d’importance les appelloit ; & sans s’estre munies de passeport ny d’escorte, elles prenoient le chemin d’un grand Vallon couvert de bois des deux costez, où il y avoit presque toujours des partis Ennemis. Le hazard me fit apprendre le risque où elles s’exposoient. C’estoient mes voisines de quatre ou cinq lieuës ; je les connoissois de réputation, j’accourus à leur secours. Les ayant jointes, & m’estant fait connoistre à elles, je leur témoignay mon étonnement pour leur hardiesse ; & ma joye pour le service que je leur pouvois rendre. La Bellemere me dit qu’elles avoient trouvé la Compagnie Provinciale, de qui elles avoient sçû que le passage estoit sans danger. Un de mes Amis qui m’accompagnoit, luy répliqua qu’il y avoit toujours à craindre d’heure à autre, dans un pays si propre à mettre des coureurs à couvert ; & comme je vis qu’elle s’alarmoit de ce discours, je luy dis que je la pouvois garantir de la peur, aussi-bien que du mal, pourvû que Mademoiselle sa Fille voulust bien y donner son consentement. A cela ne tienne, me répondit aussi-tost la jeune Demoiselle, encore plus alarmée que la Dame, je le donne de tout mon cœur. La Belle mere me dit ensuite qu’elle croyoit bien que nôtre escorte les pourroit preserver du peril, mais qu’elle ne concevoit pas comment je pourrois les exempter de la crainte. C’est par le consentement que Mademoiselle vostre Fille vient de donner, luy repliquay-je, à quoy Madame vous ajoûterez le vostre, s’il vous plaist, car puis qu’elle veut bien se deffendre de la peur, elle voudra bien sans doute aussi prendre avec vous le moyen infaillible qui luy pourra fournir cette deffence. Ce raisonnement étoit plausible. Il ne fut plus question que de les éclaircir du moyen que je leur proposois. Elles s’en informerent, & sur cela tirant de ma poche une grande Pancarte imprimée, c’estoit un passeport, je dis à l’Aimable Angelique. Le Ciel, Mademoiselle, a pourvû à vostre conservation. Voicy la voye de salut, c’est nostre Contrat de mariage, vous le signerez quand il vous plaira, mais par avance vous agréerez, s’il vous plaist, de passer pour ma Femme, puisque c’est le seul moyen que je sçache pour vous garantir de la peur, aussi-bien que du danger. Il est malaisé d’entendre parler de mariage sans se prendre à rire. La jeune Demoiselle ne s’en put empêcher, & rougit ensuite. Elle eust bien voulu voir la premiere ce que je leur presentois, mais il fallut ceder à la Belle-mere. Cette Dame connoissant aussi-tost la piece, & ayant vû qu’elle estoit en bonne forme, remplie de mon nom, & qu’elle portoit qu’on me laissât passer avec ma Femme, mes Enfans, vingt personnes de ma suite, armes, carosse, bagage & chevaux, elle se guerit premierement de la défiance qu’elle avoit euë jusqu’alors, que je ne fusse moy-mesme un Ennemy qui leur en fist à croire, & qui les allât conduire dans quelque embuscade, puis regardant sa Belle-fille avec joye, elle luy dit que c’estoit un Passe-port, dont je leur pouvois faire part ; qu’elles estoient bien obligées à la fortune, de leur avoir accordé ma rencontre ; & à moy, d’avoir tant de bontez pour elles, avec tant de galanterie ; & qu’il falloit se resoudre à passer pour tout ce qu’il me plairoit, pourveu que leur complaisance ne retournast point à mon dommage. Ces paroles obligeantes ne manquerent pas de replique. Nous accompagnâmes ces Dames par l’endroit où estoit le peril, sans leur donner le temps d’y penser, en les entretenant de toute autre chose, & de tout ce qui parut le plus propre à les divertir. Mon Amy voulut bien me déferer le costé du Carosse qu’occupoit l’aimable Angelique, & j’en profitay le mieux que je pus. Cette Belle estoit dans le grand éclat de sa beauté qui avoit peu d’égales ; & comme alors un air sombre, un peu humide & sans vent, la dispensoit d’avoir le masque sur le visage, j’eus le plaisir de la voir, & de l’examiner à mon aise. Elle me sembloit si aimable que je ne pouvois détacher mes yeux de dessus elle. Je trouvois dans les siens & dans son esprit une douceur insinuante, qui m’enchantoit ; & lors que nous arrivâmes à la porte de la Ville où nous voulions tous aller, je ne vis pas sans peine approcher la fin d’un plaisir si ravissant. Vous jugez bien, Madame, que je ne differay guere à le rechercher. Le lendemain ne se passa pas sans que je rendisse visite à cette Belle. J’engageay mesme à cette civilité celuy de mes Amis qui m’avoit fait donner le passeport, & qui estoit heureusement l’une des personnes dont la Belle mere avoit besoin. Il l’entretint donc tandis que j’entretins l’aimable Angelique. Nostre rencontre, sa peur, nostre Contrat de mariage, & toute l’avanture de la journée précedente estoient des sujets assez agréables pour égayer nostre conversation, & nous n’en parlâmes pas seulement cette fois-là, mais beaucoup d’autres, & toujours avec une satisfaction qui me sembloit bien égale. Ce fut parmy ces entretiens enjoüez que nous conceûmes le traité d’amitié que je fis dans la suite du temps avec elle, & avec sa Sœur Christine. Je n’osois luy parler d’amour, quoy que j’en eusse le cœur bien épris ; & quand mon Amy me reprochoit cette timidité qui ne m’estoit pas trop ordinaire, je me souviens que je luy répondois par ces petits Vers.

Elle sçait bien qu’elle est la beauté mesme ;
Elle sçait donc, cher Amy, que je l’aime.
***
 Quand ses beaux yeux penetrent dans mon ame,
Ne luy font-ils pas voir son image, & ma flame ?
***
Tant de respect se joint à mon martire,
Que j’en mourray plûtost que de le dire.
***
Si j’en parlois je pourrois luy déplaire,
Et j’aime mieux expirer, & me taire.

Ce procedé donna envie à mon Amy, plus hardy que moy, de découvrir comme en confidence à Angelique, ce que je luy cachois avec trop de scrupule. Il luy en parla donc, & luy apprit mes Vers, comme autant de preuves de la verité qu’il luy annonçoit. La Belle luy témoigna qu’elle me sçavoit bon gré de mon silence, s’il estoit veritable que j’eusse les sentimens dont il l’avertissoit, puis que ce n’estoit pas à elle à écouter des discours de cette nature ; puis elle ajoûta que sa phisionomie estoit un peu trompeuse, & qu’elle estoit plus incredule & plus fiere qu’elle ne le paroissoit : & enfin elle l’assura que pour ne pas trahir sa confidence, elle feroit en sorte de l’oublier, & ces réponses embarasserent si fort mon Amy, qui ne m’avoit rien dit de son dessein, qu’il luy fallut du temps pour s’en remettre, & pour se résoudre à m’en informer. Cependant je continuois d’agir avec la Belle avec la mesme liberté d’esprit & la même soumission de cœur que j’avois accoutumé ; & la voyant partir quelques jours aprés pour aller aux champs avec une de mes Amies, qui estoit devenuë la sienne, je les priay de trouver bon que je leur donnasse de temps en temps des nouvelles de la Ville & qu’en revanche j’en esperasse d’elles de la campagne. Le parti fut accepté. J’entray en commerce de Lettres avec elles, & Angelique m’ayant assuré une fois ou deux qu’elle se souvenoit fort de moy, je n’ay pas oublié que je répondis à cette douceur par celle-cy.

Que de bonheur pour moy, de gloire & de plaisir,
 De voir dans nos Lettres galantes,
 Parmy leurs douceurs innocentes,
Que j’ay beaucoup de part à vostre souvenir !
Mais que je recevrois une bien autre gloire,
Un plaisir bien plus doux, un bien plus grand bonheur,
 Si sans m’en faire accroire,
Vostre main m’assuroit que j’ay dans vostre cœur,
Autant de part que dans vostre memoire.

Les raisons qui me retenoient en cette Ville frontiere venant à cesser, il me fallut résoudre à partir, & ce fut à propos que le Ciel me prépara à m’éloigner de la charmante Angelique, par sa propre absence. Je l’allay voir pour prendre congé d’elle, mais je ne pus luy parler en particulier. La presence de sa Bellemere y fut un trop grand obstacle. Je luy écrivis donc, & je luy manday que mon Amy m’ayant appris depuis quelques jours seulement la confidence qu’il s’estoit donné la liberté, de luy faire, m’avoit épargné le difficile pas de la declaration ; que l’ayant franchy par ce secours imprévû, mon silence pouvoit se rompre sans offenser le respect, & que je la suppliois d’estre fortement persuadée.

 Qu’elle avoit beau dire & beau faire,
 J’adorerois jusqu’au trépas
La divine Angelique avec tous ses appas,
 D’eussay-je, comme un témeraire,
  Avoir sans fiction,
 Le sort d’Icare, ou d’Ixion.

Puis j’ajoûtay que j’esperois de la convaincre avec le temps, par ma constance & par mes services, de l’amour que m’avoient inspiré ses divins charmes, & de desarmer mesme sa fierté par mes soumissions & par mes respects, eust-elle encore l’esprit plus incredule, & l’humeur plus fiere qu’elle ne l’avoit témoigné à mon Amy. Six mois ne se passerent pas sans que mon bonheur la rapprochast de moy. Son Pere avoit cinq ou six Terres, & la plus belle estoit celle de mon voisinage. Elle s’y rendit avec sa Bellemere, & ce fut là où nous achevâmes le traité d’amitié, à quoy nous avions déja pensé. Sa Sœur Christine y entra, parce qu’elle estoit alors auprés d’elle, & qu’elle a le cœur noble, & tout-à-fait propre à estre bonne Amie ; mais quand il fut conclu & signé, je ne m’en trouvay pas trop content, & je manday bien-tost à Angelique qui lisoit alors Clelie, qu’elle voyoit bien par ce Livre, qu’il y avoit de deux sortes d’amitiez, l’une au grand A, & l’autre au petit, que je continuerois toute ma vie à avoir de cette premiere amitié pour elle, comme je l’en avois assurée à mon départ de la Frontiere ; mais que j’en avois seulement de la seconde pour sa Sœur, suivant le traité : & qu’enfin estant trop bien persuadé qu’il estoit permis d’aimer ce qui estoit aimable, & que rien au monde ne l’estoit tant qu’elle, je ne changerois jamais de pensée, quelques apparences contraires qu’il y eust de mon costé, & quelque fort obstacle qui s’y presentast du sien. Elle me livra pourtant de rudes assauts sur ce traité, dont j’eus assez de peine de me défendre ; & pendant cette guerre on m’en suscita une autre, dont il ne me fut pas si difficile de me parer. Une Societé d’une Ville voisine, qu’on appelloit, Les galantes Vestales, à qui Angelique avoit renoncé pour prendre party dans l’Etat Incarnadin, se tenant offensée de ce procedé, en fit des plaintes contre moy, qu’elle en jugeoit la seule cause. & les porta mesme jusqu’au grand Conseil de cet Etat, dans la forme que voicy.

Le subtil Antione, Eveninde, Palcin,
 Presentement appellé Tiridate,
Nous a pris un cœur tendre, une ame delicate,
 Un esprit doux, honneste & fin ;
Et pour mieux receler cet objet tout divin,
 Luy fait porter le nom de Mariane.
O vous, qui gouvernez l’Etat Incarnadin,
Nous vous prions par la chaste Diane
 L’Arbitre de nostre destin,
De nous restituer nostre bien sans chicane,
Et de punir aussi l’Auteur de ce larcin.

Le Grand Conseil des Incarnadins s’assembla sur cette plainte ; & l’ayant examinée il declara de bonne guerre la prise d’Angelique & de ses pareilles, & fit remontrer aux galantes Vestales, qu’il leur suffisoit à son égard d’avoir deux de ses Sœurs parmy elles, sans pousser leurs prétentions plus loin. Pour moy, qui ne sçavois que trop que je n’avois pas fait le vol qu’on m’imputoit, quoy que j’eusse bien voulu l’avoir commis, je demanday réparation de ce dont on m’accusoit injustement, mais on m’en debouta, en jugeant que j’en recevois plus d’honneur, que de blâme. Cette plainte fit assez d’éclat, & ne fit point de mauvaise impression sur l’esprit de Mariane. Elle en rit & en railla comme les autres, & nous vécumes en bonne intelligence pendant quelques années, & jusqu’à ce qu’enfin des affaires à Paris, & ensuite une Campagne en Alsace m’ayant obligé à de longues absences de son voisinage, elle me laissa dans les bornes que je m’estois prescrites, de n’avoir jamais d’engagement qui tirast à conséquence, & trouva bon d’en prendre un de contraire nature avec un honneste homme, qui ne cesse pas d’estre son Amant pour estre son Mary.

Quant à mon Frere, il fit quelque-temps la cour à son Artemise ; mais ayant reconnu aprés les premiers ébloüissemens de la passion, qu’ils n’estoient pas le fait l’un de l’autre, ils se separerent, & prirent aussi divers partis. Mon Frere ayant rencontré sur sa route au retour d’un voyage de Paris une Nimphe de la Seine, pourveuë de beaucoup de merite, se laissa captiver par ses charmes, l’épousa, & en eut deux beaux Enfans, un Fils qui suit la Fortune de son oncle Maternel, l’un des meilleurs Officiers de la Marine, & une Fille qui suit l’exemple de sa Mere, l’une des plus sages Veuves du Royaume. Pour Artemise, ayant perdu son Pere & sa Belle mere, elle se retira dans une de ces illustres Abbayes dont la Noblesse remplit les Places, à la faveur de ses preuves, & d’un peu de credit, & où l’on peut demeurer sans engagement, jusqu’à ce qu’il plaise au Ciel d’en donner un dans le monde, qu’on veüille bien recevoir, & je n’ay point encore appris qu’il ait fait quitter à cette Belle, cette honorable retraite. Peut-estre s’y plaist elle assez, pour n’en vouloir pas sortir.

Voilà, Madame, quelles sont les principales Societez dont j’ay esté, & les charmantes personnes que j’y ay aimées. Je suis Vostre, &c.

[Histoire] §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 118-148.

Le bien est fort necessaire pour la commodité de la vie, mais on tombe quelquefois dans de grands malheurs pour en vouloir trop avoir, sur tout quand pour satisfaire cette avidité, on s’aveugle assez pour se vouloir charger de liens que la seule mort a pouvoir de rompre. Un Cavalier riche de douze à quinze mille livres de rente qui le mettoient en estat de vivre à son aise, d’autant plus qu’il estoit porté naturellement à épargner, devint amoureux d’une fort jolie Personne dont le tour d’esprit & les manieres ne le charmerent pas moins que l’éclat de sa beauté. Elle estoit d’une Province où la Coûtume n’est pas favorable aux Filles, & comme elle avoit deux Freres, la plûpart du bien que son Pere avoit laissé, appartenoit à l’Aîné, qui depuis quatre ans avoit choisi le party des armes, tandis que le plus Jeune que l’on destinoit à estre Abbé, s’appliquoit avec assez de goust à l’étude. La Belle vivoit avec sa Mere, qui voyant le Cavalier extrémement assidu, ne s’opposa point à ses frequentes visites. Sa Fille estoit assez belle pour l’engager insensiblement, & il auroit esté dangereux de vouloir qu’il s’expliquast, avant qu’on l’eust vû assez touché pour n’avoir pas lieu de craindre de le faire deserter. Cet empressement de soins dura plusieurs mois. Comme on luy faisoit fort bonne mine, le commerce luy paroissoit agreable, & il n’y avoit à souffrir pour luy, qu’en ce qu’il trouvoit une vertu trop rigide dans cette aimable personne. Le reste l’accommodoit. On ne luy parloit d’aucune partie où il pust estre obligé de faire quelque dépense, & il voyoit toujours un visage ouvert dans la Mere & dans la Fille. On commença cependant à s’ennuyer de ses assiduitez qui n’aboutissoient à rien, & dans la necessité où on le mit, ou de les finir, pour ne pas donner matiere à de méchans contes, ou de parler une langue intelligible, il déclara qu’il n’avoit pris cet attachement qu’avec des intentions tres-legitimes, & qu’on en verroit l’effet sitost qu’il auroit mis ordre à quelques affaires. On l’obligea de fixer le temps qu’il demandoit, & la déclaration qu’il avoit faite, luy donnant quelque pouvoir sur l’esprit de sa Maistresse, il la pria de souffrir qu’il luy amenât un de ses meilleurs Amis, afin qu’il eust le plaisir de voir son choix applaudy par une personne qu’il n’estoit pas aisé d’ébloüir. Il l’amena dés le lendemain, & la conversation fut des plus vives. C’étoit un homme bien fait, d’un goust delicat, & qui joignoit à un enjouëment tres-agreable, un feu d’esprit qu’il faisoit briller jusque dans les moindres choses. La Belle se connoissoit trop bien en merite pour ne pas rendre justice à celuy de cet Amy, qui de son costé ne pouvoit donner assez de loüanges à l’heureux discernement du Cavalier. L’estime qu’il fit de sa Maistresse l’enflama beaucoup, & malgré le peu de bien qu’il en pouvoit esperer, il se resolut enfin à ce Mariage. La parole en fut donnée, & le jour presque arresté. L’interest seul touchoit le cœur de la Belle, & l’amour eut d’autant moins de pouvoir sur son esprit que le Cavalier luy amenant souvent son Amy, elle ne pouvoit fermer les yeux sur la différence qu’il y avoit entre l’un & l’autre. Le Cavalier avoit toujours paru fort avare, & tout l’excés de sa passion ne l’avoit pû engager à luy en donner des marques plus essentielles que des protestations qui ne coustent rien. Son Amy estoit d’un caractere entierement opposé, & depuis qu’il avoit fait connoissance avec la Belle, il s’estoit fait un plaisir de prendre toutes les occasions qui s’estoient offertes de luy procurer quelque divertissement. Il s’en acquittoit de fort bonne grace & rien n’étoit épargné. On commençoit à parler d’articles, & cet Amy qui par je ne sçay quel mouvement qu’il ne songeoit pas à examiner, s’interessoit pour la Belle, tâchoit d’obtenir qu’on l’en fist l’arbitre, afin qu’il pust les faire dresser à son avantage, quand une visite que reçut le Cavalier, affoiblit bien son amour. Un petit homme d’un nom fort obscur & digne de sa naissance, luy vint demander, si l’engagement qu’il avoit avec la Belle estoit de telle nature, qu’il fust impossible de le rompre. Il ajousta que les marques de sagesse & de conduite qu’il avoit données, luy avoient acquis une telle estime parmy les honnestes gens, que si une Fille sage, & toujours nourrie dans un Convent, pouvoit devenir son fait, en luy apportant cent mille écus, qu’on luy feroit recevoir comptant la veille du mariage, en attendant la succession du Pere, il n’avoit qu’à prendre les mesures qu’il falloit pour estre en estat de les accepter. Le Cavalier fut ébloüy des cent mille écus promis comptant. Rien ne luy parut si beau, & quand on l’eut assuré jusqu’à trois fois, que cette somme seroit effective, & peut-estre encore plus forte, s’il en usoit bien, il se déclara entierement pour la nouvelle Maistresse. C’estoit la Fille du petit homme qui luy proposoit la chose, fort laide à la verité & un peu bossuë, mais la promesse des cent mille écus raccommodoit tout, outre qu’il y avoit beaucoup d’apparence que le petit homme reservoit encore pour luy quantité de vieux écus. Ce qu’il y eut de plus singulier, c’est que la Fille qu’on avoit toujours élevée dans le Convent, comme une Bourgeoise des plus simples, ne sçavoit pas elle-mesme, non plus que celles qui la connoissoient, qu’elle eust dequoy devenir grand’ Dame. Le Cavalier rendit la visite au petit homme, qui le voyant étonné de le trouver dans une maison de peu d’apparence, & avec des meubles tout-à-fait communs, voulut rassurer son esprit douteux, en luy montrant ce qu’il avoit mis à part dans son coffre fort pour le mariage de sa Fille. Cette charmante apparition fit un effet merveilleux sur le Cavalier. Il connut par là que le tresor, non-seulement avoit la realité dont il auroit pû douter, s’il n’en eust pas eu ses yeux pour garands, mais encore, qu’il s’étendoit beaucoup au-de-là des cent mille écus qu’on luy promettoit. Le petit homme estoit un de ces gens intriguans, qui font leurs affaires sourdement. Il s’estoit meslé de tout, selon les occasions qui luy avoient paru favorables, & sa fortune avoit toujours esté un secret, & pour ses Amis, & pour ses Voisins. Il promit au Cavalier, qui le pressoit de conclurre, craignant que le marché ne luy échapast, qu’il luy feroit voir sa Fille qui étoit encore dans le Convent, & qu’il dresseroit avec luy les articles d’une maniere dont il auroit lieu d’être content, dés qu’il connoistroit qu’il auroit rompu avec la Belle, parce qu’il apprehendoit qu’estant prest de l’épouser, comme le bruit en couroit par toute la Ville, il n’eust signé quelque chose qui pust luy causer de l’embarras, & il vouloit voir avant que de s’engager, tous les obstacles levez au dessein qu’il avoit pris d’en faire son Gendre. Le Cavalier luy donna parole de le satisfaire sur cette rupture, & fut fort embarrassé sur la maniere dont il s’y prendroit. Il alla voir la Belle avec son Amy, dans la resolution de luy expliquer luy-mesme la chose, ne doutant point qu’elle ne fust assez raisonnable pour entrer en bonne Amie dans les motifs qui le devoient obliger à ne pas tourner le dos à la fortune qui venoit s’offrir à luy sans qu’il la cherchast ; mais la parole luy manqua en la voyant. Il parut chagrin & inquiet, & tout ce qu’il répondit quand on le pressa d’en dire la cause, c’est qu’il rouloit dans sa teste une grande affaire qui meritoit bien ses reflexions. Son Amy luy ayant demandé au sortir de là s’il ne se reprochoit point de se montrer occupé d’aucune autre chose que du plaisir de penser qu’il alloit estre le plus heureux de tous les Amans avec la plus aimable personne du monde, il luy répondit que si la possession de la Belle estoit un bonheur parfait, il n’empêchoit point qu’il ne se l’appropriast ; qu’il n’estoit pas resolu de renoncer pour elle à des avantages qu’il n’avoit pas eu sujet d’esperer ; qu’il luy cedoit ses prétentions, & qu’il luy feroit grand plaisir de l’épouser, si le cœur luy en disoit. Son Amy surpris de ce changement, luy voulut representer le tort qu’il avoit d’avoir amusé inutilement une Fille de naissance, dont les belles qualitez devoient l’emporter sur toutes les vûës interessées. Ce fut encore la mesme réponse, que puis qu’il la connoissoit si accomplie, il ne devoit faire aucune difficulté de prendre sa place ; qu’il pouvoit luy dire de sa part qu’il s’éloignoit d’elle pour toujours, & que si son procedé paroissoit injuste à ceux qui se piquoient de beaux sentimens, cent mille écus qui luy estoient seurs l’en consoleroient. Il demeura ferme dans son injustice, & son Amy alla rendre compte de tout à la Belle, sans avoir pû découvrir avec qui il avoit pris ce nouvel engagement. Il luy demanda ce qu’elle vouloit qu’il fist pour empêcher le dessein du Cavalier, en l’assurant qu’il s’y employeroit avec toute la chaleur qu’on pouvoit attendre d’un vray & sincere Amy, & que supposé qu’il fust impossible de le détourner de son inconstance, si cinquante mille écus dont il pouvoit la faire maistresse, avoient de quoy luy faire oublier la perfidie qui luy estoit faite, il seroit ravy de luy prouver que l’avantage d’estre tout à elle ne luy laissoit voir aucun bonheur qui le touchast plus sensiblement. La Belle rêva quelques momens sans faire paroistre le moindre chagrin, comme si elle eust voulu prendre ce temps pour lire dans les yeux de cet Amy, si son cœur estoit d’accord de tout ce qu’il luy disoit ; & tout d’un coup, par un effet de la sympatie qui les avoit fait s’estimer l’un l’autre si-tôt qu’ils s’estoient connus, elle luy dit que non seulement il la desobligeroit s’il cherchoit à mettre obstacle aux desseins du Cavalier, mais que s’il estoit vray qu’il fust pour elle dans les sentimens qu’il luy marquoit, il se pouvoit tenir assuré de ceux de son cœur pour luy. Cette réponse le mit dans une joye incroyable. Il ne sçavoit quels remercimens luy faire, & il eut encore à les redoubler, quand luy ayant voulu laisser quelques jours pour examiner si elle trouvoit en luy tout le merite qu’il auroit voulu avoir pour paroistre digne de son choix, elle prit cela pour une injure, & le laissa seul avec sa Mere, pour arrester sans plus de remise ce qu’ils jugeroient le plus à propos. La Mere qui avoit esté presente à tout, & qui entroit vivement dans tous les sentimens de sa Fille, fut d’avis que le mariage se fist dans fort peu de jours, afin de marquer par là plus de mépris pour le Cavalier. Quoy qu’il l’eust fort souhaité, il ne put l’apprendre sans quelque dépit secret de la promptitude avec laquelle on s’y estoit résolu, & de la satisfaction réciproque que les Mariez firent paroistre. Tout empêchement cessant par là, le petit homme fit venir sa Fille, que le Cavalier eust trouvée d’une laideur extrémement dégoûtante, si l’éclat de l’or qui la suivoit ne l’eust fait briller dans son esprit ; en sorte que la voyant de ce seul costé, son imagination remplie d’un objet si cher la luy fit paroistre aimable. Ainsi il ne songea qu’à flater le petit homme, dont il ne pouvoit douter qu’il ne possedast l’estime, puis qu’il l’avoit choisi pour son Gendre, préférablement à une infinité d’autres qui auroient esté ravis d’épouser sa Fille aux mêmes conditions. Il y réussit si bien, qu’il l’engagea à faire tous les frais du mariage, sans préjudice des cent mille écus. Cela luy estoit d’un fort grand secours. Aussi mit-il à profit une liberalité qui luy devoit épargner des sommes considérables, & comme il luy fut permis de faire telle dépense qu’il jugeroit à propos selon sa fortune & sa naissance, il acheta les plus beaux chevaux qu’il put trouver, fit faire un carosse magnifique, & se fournissant de ce qu’il y avoit de plus beau, tant pour les habits que pour les meubles, il poussa les choses d’autant plus, qu’en mettant sa Femme dans un équipage somptueux, il crut chagriner la Belle qui n’avoit point témoigné le regretter ; mais il ne prenoit pas garde, que plus il contribuoit à la faire remarquer par cette magnificence, plus il donnoit lieu de raisonner sur le ridicule choix qu’il venoit de faire. La petite Creature qui n’avoit eu aucune éducation, & qui ne s’estoit jamais attenduë qu’à estre du rang le plus mediocre, entra dans de tels transports de joye, de se voir ainsi métamorphosée, qu’elle perdit le peu de raison-qu’elle avoit eu jusque-là. Son beau carrosse, trois ou quatre laquais qui estoient derriere, une Demoiselle, maniere de Gouvernante qui l’accompagnoit, & ses habits tout dorez, luy démonterent la teste. Ce fut une vanité outrée. Elle voulut prendre les grands airs, & disant presque autant de sottises qu’elle prononçoit de mots, elle servit d’entretien à toute la Ville. Le Cavalier tâcha de mettre quelque regle à sa conduite, mais ayant l’esprit aussi mal fait que le corps, elle méprisa tous ses avis, & demeura dans une indocilité insurmontable, sur ce principe qu’elle luy avoit apporté assez de bien pour pouvoir vivre à sa mode, sans qu’il y dust trouver à redire. Il fit succeder l’autorité aux remontrances, & ce fut encore pis. Ce droit de Maîtrise ne fit que l’aigrir. Elle estoit méchante à proportion de sa laideur, & n’estant capable d’aucune raison, elle s’appliqua avec étude à tout ce qu’elle pouvoit deviner qui luy causeroit quelque chagrin. Il s’en plaignit plusieurs fois au petit homme, qui n’ayant pour tout usage du monde, que celuy de bien faire sa partie, quand il s’agissoit de s’associer dans quelque affaire, luy répondoit seulement que c’estoit jeunesse, & qu’il falloit avoir patience. La desunion qui se mit entr’eux & qui alla bientost à l’excez, le fit se repentir serieusement d’avoir préferé le bien d’une aussi laide personne que celle que son avarice luy avoit fait épouser, aux douceurs qu’il estoit seur de gouster s’il eust tenu parole à la Belle, mais ce repentir le fit souffrir beaucoup davantage quelques mois aprés, lors qu’il apprit que la Belle estoit devenuë heritiere de ses Freres, morts l’un & l’autre, le Cadet, de la petite verole, & l’Aîné d’une blessure qu’il avoit reçuë dans la derniere Campagne. Le bonheur de son Amy qui joüissoit par là d’un bien tres-considerable que son infidelité luy avoit fait perdre, le mit dans un desespoir qu’on ne sçauroit exprimer. Sa laide Femme en souffrit, puis qu’il partit aussi-tost & qu’il la mena avec luy à une Terre, d’où l’on assure qu’elle ne reviendra point. Il n’est pas à condamner de se vouloir épargner, en l’y retenant, la confusion qu’il faut qu’il essuye des extravagances continuelles, où l'a fait tomber le déreglement de son esprit, mais aussi il n’est pas à plaindre, ayant merité tout son malheur.

[Nouvelle médaille]* §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 217-218.

Comme je vous envoye tous les mois de differentes Medailles sur les actions du Roy sans m’assujettir à garder l’ordre des temps qu’elles ont esté frapées, je croy vous en pouvoir aujourd’huy envoyer une qui regarde l’Isle de Madagascar, aprés vous avoir fait part d’un Combat donné vers les Isles. La face droite de cette Medaille represente le Roy comme font toutes les autres & dans le revers il y a un Bœuf du Pays auprés d’un Arbre, avec ces mots.

[Galanterie] §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 219-222.

Les Vers qui suivent courent sous le nom du Cavalier d’Angers. On les a trouvez fort agreables ; vous m’en direz vostre sentiment.

 L’autre jour sur l’herbe naissante,
 Lycas s’entretenoit ainsi.
 Puisque Climene est inconstante,
 Il faut que je le sois aussi.
 Comment, luy dis-je, indigne Amant,
 Vous avez le plaisir charmant
 D’avoir enflamé cette Belle,
 Et malgré vostre engagement
 Vous cessez d’estre fidelle,
 Pour répondre à son changement ?
Ah, si j’avois touché le cœur de ma Sylvie,
 Quand elle pourroit me changer,
L’unique souvenir d’avoir sçû l’engager
Me tiendroit sous ses Loix le reste de ma vie.

Vous ne serez pas fâchée d’oüir parler du Printemps. Cette saison, souhaitée de tout le monde, semble ne venir jamais assez-tost.

SONNET.

Le doux Printemps revient embellir ces boccages,
L’hiver n’arreste plus le cours de nos ruisseaux.
Sur l’aimable gason ils promenent leurs eaux,
Les Charmes, les Tilleuls ont repris leurs feüillages.
***
Les vents impetueux ne font plus de ravages,
J’entens tous nos Bergers chanter des Airs nouveaux.
Tout retentit icy du son des chalumeaux,
On y passe les jours en mille badinages.
***
Mais que tous ces plaisirs me touchent foiblement !
Helas ! rien ne sçauroit soulager mon tourment,
Depuis plus de trois mois je brûle, je soupire.
***
Oüy, je vous aime Iris, je meurs pour vos appas.
Je ne demande rien, ne vous effrayez pas,
A vos pieds seulement permettez que j’expire.

Le Cygne & les Canards, Fable §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 222-224.

Je n’ay rien à vous expliquer sur le sujet de la Fable nouvelle que je vous envoye. Il suffit que l’on y parle d’un Cygne dont la blancheur a fait des Jaloux, pour vous faire entendre dequoy il s’agit. Elle est de Mr Moreau, Avocat General de la Chambre des Comptes de Dijon.

LE CYGNE
ET
LES CANARDS.
FABLE.

Les Canards dés long-temps animez & jaloux
Contre un Cygne fameux par son charmant plumage,
 Tinrent conseil, & conspirerent tous
De ternir sa blancheur qui leur faisoit ombrage.
 On le propose, on le resout,
 Et pour mieux en venir à bout,
On s’en approche, on l’entoure, on le loüe,
 Sur son chant & sur sa beauté,
Et cependant chacun tasche de son costé,
Du pied, du bec, de l’aisle, à le couvrir de bouë.
Le Cygne par hazard qui se mire dans l’eau,
De ces vils animaux apperçoit l’artifice.
Il s’y plonge aussi-tost, il en revient plus beau,
Et de ses ennemis il confond la malice.
***
Connois-tu de ces Vers le sens mysterieux ?
C’est l’innocent Damon, ce sont ses Envieux
 Que par tous ces traits on designe.
 Qu’ils l’attaquent de toutes parts,
 Le Cygne sera toujours Cygne,
Et les Canards seront toujours Canards.

[Ouvrages sur le Voyage du Roy] §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 252-260.

Voicy des Vers qui ont esté faits par Mr Rousselet, Principal du College de Noyon, sur le voyage de Sa Majesté, & qui doivent précéder ce que j’ay à vous en dire.

AU ROY.

Grand Roy, pour rehausser le lustre de ta gloire,
Pourquoy voler encor toy-mesme à la Victoire ?
Laisse sous ton grand Nom à tes braves Guerriers,
Sur la Sambre & le Rhin te cueillir des Lauriers.
Trop de fois l’on t’a vû dans le Champ de Bellonne
Des Heros demy-Dieux meriter la Couronne,
Et Vainqueur en cent lieux environner tes Lys
Des Lauriers immortels que toy-même as cueillis.
Plus sage, & plus vaillant que le Dieu de la Trace,
Tu sçais d’un fier Tyran déconcerter l’audace,
Il tremble à ton seul Nom, & déja devant toy
Volent jusqu’à la Haye, & la crainte & l’effroy.
Pourra-t-il soutenir les éclats de ce Foudre,
Qui malgré ses projets réduisit Mons en poudre,
Quand pour vouloir braver le plus grand des humains,
Il se fit adorer de tant de Souverains ?
Avec tous ces Guerriers surpris de la tempête,
Put-il d’un seul moment retarder ta conquête ?
De tant de Rois liguez ce zelé Protecteur,
De ta gloire ne fut qu’un jaloux Spectateur.
Au bruit de ta valeur, ses Troupes chancelantes
N’oserent voir de prés les tiennes triomphantes.
Caché dans l’épaisseur de tous ses Bataillons,
Du Soleil de l’Europe il craignoit les rayons.
Mars en tous lieux te suit, ta vertu sans seconde,
Ainsi que sur la Terre, éclate encor sur l’Onde.
L’Univers en suspens va voir par tes exploits
L’un & l’autre Neptune asservy sous tes loix ;
Un Grand Roy détrôné, dont tu prens la deffense,
Recouvrer par toy seul la suprême Puissance ;
Le Ciel comme aux Cesars remettre dans tes mains
Le destin chancelant de tous les Souverains,
Succomber en tous lieux sous ton Bras heroïque
L’Aigle, le Leopard, & le Lion Belgique,
Et par tout de ton Nom répandant la terreur,
Faire trembler la Terre au bruit de ta valeur.
Cette valeur pourtant, aujourd’huy sans égale,
A tes propres Sujets pourroit estre fatale.
Tu ne restes Vainqueur dans les plaines de Mars,
Qu’aprés avoir du Sort bravé tous les hazards.
GRAND ROY, l’amour des tiens, l’appuy de ton Empire,
Faut-il que le respect empesche de te dire,
Que si ton Regne fait nôtre felicité,
Ta conservation en est la sûreté ?
Tout brillant de l’éclat de ta gloire suprême,
Il est temps de cesser de vaincre par toy-même.
Dans le sein de ta gloire établis ton repos,
Et laisse sous ton Nom triompher tes Heros.
Du Midy jusqu’au Nord, de l’Inde jusqu’au Tage,
Qu’on offre à ta Grandeur un volontaire hommage ;
Que tes fiers Ennemis, redoutant ton couroux,
Afin de l’éviter tombent à tes genoux,
Ou que les traits vainqueurs de ta rare clemence,
Fassent aimer le joug de ta toute-puissance.
Que toujours, le plus sage & le plus Grand des Rois,
Jusqu’aux bords du Danube on adore tes Loix ;
Qu’aprés tant de beaux faits les Filles de Memoire,
Epuisent tous leurs chants pour celebrer ta gloire.
Regne sur l’Univers ; mais pour nostre bonheur,
GRAND ROY, modere enfin l’excés de ta valeur.

Le Sonnet qui suit est de Mr Diereville.

SUR LE VOYAGE
du Roy.

Grand Roy, sur vos Desseins tous les yeux sont ouverts,
On n’en peut pénétrer le Secret admirable ;
Vos Soldats, vos Vaisseaux, appareil formidable,
Couvrent de toutes parts & la Terre & les Mers.
***
 Quand on voit contre vous mille Ennemis divers,
Où va se signaler vôtre bras indomptable ?
Iriez vous des Tyrans punir le plus coupable,
Et rendre le repos qu’il ôte à l’Univers ?
***
 Mais dés qu’on vous verra commander une Armée,
On entendra, Grand Roy, parler la Renommée.
Eh ! pourquoy demander quel est vôtre projet ?
***
 Le prodige est pour vous un effet ordinaire ;
On ne peut deviner ce que vous allez faire,
On le comprendra moins lors que vous l’aurez fait.

[Journal du Voyage du Roy, avec l’état de ses Armées] §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 281-308.

[...] Le Roy ayant convié les Dames à dîner le lendemain, les traita dans une Tente, & leur donna une musique guerriere, composée de six-vingt Tambours aux Gardes & de quarante Tambours des Gardes Suisses, avec des Trompettes & Timbales des Gardes du Corps, des Gendarmes & Chevaux-legers, au nombre de trente-cinq, & tous les Hautbois des Mousquetaires & du Regiment du Roy. Tout battit ensemble la marche Françoise, & ensuite la marche Suisse. Les Trompettes avec les Timbales donnerent separément le plaisir de la marche à cheval. Mr Philidor, à qui le Roy avoit laissé la conduite de ce Concert, avoit fait une finale pour les faire finir ensemble. Les Haut-bois joüerent les Airs de la Grotte de Versailles, & Mr Philidor joüa avec eux. Les Trompettes & les Timbales ensemble donnerent ensuite le divertissement des vieux Airs de guerre, ce qu’elle firent avec deux Choeurs, qui furent entremêlez de Menuets que joüerent les Hautbois. Toutes les Trompettes, tous les Tambours, & toutes les Timbales, battirent la charge dans le mesme temps, & le Roy la fit recommencer trois fois. Aprés cela on entendit les trois dernier Airs de l’Opera de Psiché. On battit ensuite la Generale, l’Assemblée, la Retraite Françoise, & les Dianes. Tous ces Airs estant beaux, bien concertez, & joüez par tout ce qu’il y a de plus excellens hommes chacun dans leur profession, firent plus de plaisir que la pluspart n’en donneront à la Garnison de Namur.

Air nouveau §

Mercure galant, mai 1692 [tome 5], p. 318-319.

L'air nouveau qui suit, est d'un bon Auteur. Vous en jugerez aussi-bien que des paroles.

AIR NOUVEAU.

L’Air doit regarder la page 319.
Mes soupirs, mes soins assidus
Vous parlent tous les jours de mon cruel martyre.
Puis qu'ils ne sont pas entendus,
Je mourray, belle Iris, sans oser vous le dire.
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