1693

Mercure galant, mars 1693 [tome 4].

2017
Source : Mercure galant, mars 1693 [tome 4].
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Mercure galant, mars 1693 [tome 4]. §

Sonnet §

Mercure galant, mars 1693 [tome 4], p. 7-9.

 

Quand le Sonnet que je vous envoye au commencement de cette Lettre, ne seroit pas aussi beau qu’il l’est par luy-mesme, la matiere en est si noble, que vous le liriez avec plaisir. Le Pere Mourgues, Jesuite, en est l’Auteur. Vous sçavez combien l’entreprise & la conduite du superbe Canal qui joint les deux Mers, l’ont fait estimer.

SONNET.

Un Roy de son Empire extermine l’Erreur,
Elle arme contre luy le reste de la terre ;
Et les bras qu’elle employe à servir sa fureur
Devoient estre employez à luy faire la guerre.
***
Tout se prête & se livre au fier Usurpateur,
Qui ravage à son gré la perfide Angleterre.
Tant d’Ennemis faisoient craindre un commun malheur
Pour le Trône François, & le Siege de Pierre.
***
Mais de tant de succés le Ciel comble nos vœux,
Qu’ils passeroient pour fable auprés de nos Neveux,
S’ils ne sçavoient se dire en leur juste surprise ;
***
LOUIS regnoit alors dans l’Empire des Lis ;
PIGNATELLI menoit le Vaisseau de l’Eglise,
Et les deux plus grands Cœurs estoient les plus unis.

Le Sermon §

Mercure galant, mars 1693 [tome 4], p. 94-103.

 

Le Titre de l’Ouvrage qui suit vous fera connoistre, qu’il est de saison. Mr de Vin qui en est l’Auteur, auroit travaillé fort utilement, si la profane & scandaleuse habitude qu’on a de causer dans nos Eglises, sans aucun respect pour les saints Mysteres, pouvoit estre réprimée par la crainte de trouver derriere soy quelque Uranie qui fist le conte des choses ridicules dont on s’y entretient la plûpart du temps.

LE SERMON.

S’Accommoder au temps est un trait politique.
 Pendant le cours du Carnaval,
 Chacun sans scrupule s’applique
 Aux douceurs des Jeux & du Bal,
Et dans cette saison qui leur est consacrée.
 Tous les cœurs ouverts aux plaisirs
S’étonnent du Carême, & s’en font une idée,
Qui, mesme en les goûtant, leur coute des soupirs.
Un sombre & noir chagrin, une douleur profonde
Saisit à son aspect les Amateurs du Monde ;
 Ils tremblent à le voir de prés.
La frayeur qu’ils en ont leur presche par avance
 La retraite, la penitence,
Et tout ce qui combat leurs coupables excés.
 Plus il approche, plus leur trouble
Les agite en secret, plus leur crainte redouble,
Plus ce Chasse-plaisirs leur devient odieux,
 Et plus leurs alarmes terribles
 Servent, quoy qu’entraisnez vers eux,
 À les y rendre moins sensibles.
 Cependant dés qu’il est venu,
 La coutume & la bien-seance,
 Veulent qu’on sauve l’apparence
 Et que dans l’Eglise on soit vû.
On s’empresse à s’y rendre, on s’y pare d’un zele
Qui du vray, quoy que faux, prend les airs & le nom ;
Et, la cloche tintante, il n’est pas une Belle
 Qui du lit ne coure au Sermon.
 Ce n’est pas que l’on ait envie
D’abandonner si-tost les plaisirs de la Vie ;
Il en couteroit trop par un tel abandon,
 Mais y manquer, qu’en diroit-on ?
 Ce seroit fournir aux Critiques
Des armes & des traits pour insulter sa foy,
Et sur tout dans un temps funeste aux Heretiques,
On ne veut point du tout faire parler de soy.
 Un jour, suivant cette methode,
Iris, sans nul égard pour le Prédicateur,
 Qu’elle interrompt, qu’elle incommode,
 Et moins encor pour l’Auditeur,
 Dont sa paresse fatigante
Irrite à contre-temps l’humeur impatiente ;
Un jour, dis-je, aprés l’Avé dit,
 Iris arrive, & s’applaudit
 Des regards qu’on jette sur elle,
Et qui, quoy qu’irritez, luy disent qu’elle est belle.
 Quel plaisir pour sa vanité !
À la fin sur sa chaise ayant pris sa posture,
Le silence revient aprés quelque murmure,
 Et l’Orateur est écouté.
 Dans un endroit fort pathetique.
 Où sa pieuse gravité
 S’étendoit d’un style emphatique
 Sur le peu de solidité
 Des biens que nous offre le monde,
 Et sur l’immense quantité
 Des maux cuisants dont il abonde ;
 Helas ! ma chere, il est bien vray,
 Dit tout bas Iris à Climene,
L’imposteur n’a pour nous que traverses, que peine,
 Et je viens d’en faire l’essay.
 Quelque bonheur qu’il nous promette,
 Malheur à qui s’y fie ! helas !
J’avois peu de raison d’en estre satisfaite,
 Et j’ignorois ses faux appas.
 Mais, graces à Dieu, détrompée,
 C’en est fait, & dés aujourd’huy
 Je romps pour toujours avec luy,
 Et je n’en seray plus dupée.
Le traistre ! le perfide ? Aurois-je crû jamais
Devoir sentir ainsi la pointe de ses traits ?
 O Ciel ! quel ton de Jeremie
 Prens-tu là, répond son Amie ?
Qui t’afflige ? qu’as-tu ? pourroit-on le sçavoir ?
 Tircis seroit-il infidelle ?
I.[Iris] Non, mesme ce matin son ardeur m’a fait voir
Que j’avois tout sujet de la croire éternelle.
C[Climène] Peut-estre un motif plus chrestien
Te donne-t-il du monde un dégoust salutaire,
Et t’en a-t-il fait voir le néant, la misere ?
 Tant mieux, mais non, il n’en est rien,
 Je me trompe, & dans ta jeunesse
On ne se pique point d’une telle sagesse.
Tu gemis cependant, toy née avec du bien,
Et tout ce que l’esprit & le corps ont de charmes.
Quoy, le vieux Lycidas t’osteroit il le sien ?
I.[Iris] Non, je suis là-dessus sans trouble, sans alarmes ;
Mon Oncle, je le sçais, m’aime trop, il est bon,
Et j’ay lieu de compter sur sa succession.
C. [Climène]De quoy pourrois-tu donc te plaindre ?
Te trouverois-tu mal, & que me fais-tu craindre ?
Parle, ou me laisse enfin entendre le Sermon.
I.[Iris] Helas ! ma chere, helas ! ma pauvre Chienne est morte,
J’en suis inconsolable, & ce Prédicateur
A raison.… Ouy ce Monde est un fourbe, un trompeur.
 Perdre Bichonne de la sorte !
 Quelle douleur ? quel desespoir !
À ces mots un soupir luy tranche la parole,
Elle verse des pleurs, elle prend son mouchoir ;
 Et d’une perte si frivole
Climene en souriant de son mieux la console.
Ce Dialogue estoit trop plaisant, trop bouffon,
Pour ne pas l’écouter, & la sage Uranie,
 Derriere Iris & son Amie,
Ne put, quoy qu’elle fist, s’appliquer au Sermon.
Le respect que l’on doit à la sainte Eloquence
Retint seul les éclats que cette extravagance
 Meritoit d’attirer sur soy,
 Et j’avoüeray de bonne foy
Que j’aurois à sa place oublié ma prudence.
Autant qu’elle fit lors il faut se posseder,
Et tout autre sur soy n’eust pas eu tant de force :
Mais d’en rire tout haut resistant à l’amorce,
Elle serra les dents, & bien loin d’y ceder,
 Ne le fit qu’entre cuir & chair.

[Histoire] §

Mercure galant, mars 1693 [tome 4], p. 210-240.

 

Le vray merite a des charmes ausquels il est mal aisé de résister. L’impression qu’en reçoit un cœur bien fait, a quelquefois tant de force, qu’elle engage les personnes les plus raisonnables à des résolutions dont on les croit entierement éloignées, & c’est ce qui a paru dans l’avanture dont je vais vous apprendre le détail. Une Dame d’un esprit solide & d’une conduite estimée par tout, s’estoit attiré beaucoup de loüanges par l’entiere application qu’elle avoit toujours montrée à ne rien faire qui pust faire tort à sa réputation, ou estre contraire à quelqu’un de ses devoirs. Elle estoit demeurée Veuve depuis huit ou dix années ; & comme elle avoit encore assez de jeunesse & beaucoup de bien, il s’estoit offert divers Partis, qui auroient sans doute engagé toute autre qu’elle à un second mariage, mais la maniere dont elle avoit toujours répondu sur les propositions de cette nature, avoit fait assez connoistre, que l’état de Veuve luy paroissoit un estat heureux, & qu’on auroit peine à l’y faire renoncer. Il est vray que le dessein de bien marier une Fille unique qui luy estoit demeurée de son mariage, pouvoit y avoir contribué. Elle avoit donné des soins tres-particuliers à son éducation, mais les dispositions ne s’étant pas trouvées favorables, elle n’avoit pû la rendre aussi accomplie qu’elle auroit esté si elle eust voulu profiter de ses leçons. C’estoit un esprit imperieux & bizarre, qui se révoltoit dés la moindre violence qu’on tâchoit de faire à ses inclinations. Ses fantaisies luy servoient de regle, & quand on l’avoit une fois choquée, il falloit du temps pour la faire revenir. Ce qu’il y avoit de plus fâcheux, c’est qu’elle avoit insensiblement atteint l’âge de seize ans, & que son humeur devenoit de plus en plus difficile & violente. Quant à sa personne, elle estoit d’une taille fine & grande, assez agreable, mais moins belle que bien faite. Sa Mere que sa tendresse n’ébloüissoit point, n’oublioit rien pour la corriger de ses defauts, & luy faisoit voir qu’ayant bien-tost à se marier, elle ne pouvoit ny estre heureuse, ny rendre un Mary heureux, si elle n’avoit mille complaisances, qu’on voyoit qui luy manquoient, & qu’elle devoit tâcher d’avoir pour estre aimée, & se faire des Amis. Ces sortes d’avis estoient bien ou mal receus, selon l’humeur fiere qui la dominoit, & si elle se domptoit assez quelquefois pour y faire attention, elle retournoit presque aussi-tost dans ses inégalitez. Il vous est facile de juger que le bien que son Pere luy avoit laissé, & celuy qu’elle attendoit encore de sa Mere, luy donnoit beaucoup d’Amans. Leur nombre flattoit sa vanité, mais elle estoit dédaigneuse, & dans la pensée qu’elle en auroit toujours assez pour choisir, elle se plaisoit à n’en ménager aucun, laissant agir ses bizarreries, sans se mettre en peine si ses manieres trop dures, & quelquefois méprisantes, les obligeoient à se retirer. La Dame qui avoit pitié de sa foiblesse, s’attacha fortement en bonne Mere, à luy trouver un Mary qui luy fust propre, c’est-à-dire un homme sage, capable de manier son esprit, & de refrener par sa douceur les saillies impetueuses qui luy échapoient de temps en temps. Elle jetta les yeux pour cela sur un Cavalier un peu âgé, dont le bien & la naissance répondoient assez aux avantages qu’il devoit trouver dans le Mariage de sa Fille. Elle l’avoit veu dans quelques rencontres, & l’estime generale où il estoit, luy ayant fait souhaiter d’en faire son Gendre, elle pria un de ses Amis, de vouloir bien l’amener chez elle. Le Cavalier ne fut pas fâché qu’on luy procurast cette connoissance. La réputation de la Dame l’avoit frappé. Il connoissoit sa vertu, & c’étoit un agreable commerce qu’il s’établissoit en la voyant. Quelque prevenu qu’il fust pour elle, il trouva encore dans son esprit, & plus de delicatesse, & plus de solidité qu’il n’avoit crû. Il avoit beaucoup d’égards pour sa Fille qu’il traitoit avec une grande honnesteté, mais il ne cherchoit aucun entretien particulier avec elle, & n’ayant nulle pensée pour le Mariage, il se contentoit de ce qui pouvoit satisfaire son esprit, sans que son cœur prist part aux visites, qu’il ne laissoit pas de rendre avec beaucoup de plaisir. Elles devinrent insensiblement fort assiduës, & comme il connut à fond le merite de la Dame, la Dame de son costé fut fort penetrée de ses belles qualitez ; mais plus le Cavalier luy paroissoit digne de ce qu’elle avoit resolu de faire pour luy, plus il luy estoit fâcheux qu’il ne songeast qu’à estre de ses Amis, sans faire voir aucun panchant pour sa Fille, qui sur ses conseils s’estoit assez bien contrainte pour luy cacher ses defauts. Cela l’obligea enfin à luy parler sans déguisement. Elle établit pour maxime generale que la bienseance obligeoit chacun de rendre compte au Public de sa conduite, & aprés luy avoir dit, qu’on venoit de toutes parts la feliciter sur ce qu’il alloit épouser sa Fille, elle ajousta, que ses assiduitez ayant donné lieu de le penser, il luy seroit bien desagreable d’avoir à se priver du plaisir qu’elle prenoit à le voir souvent, s’il estoit vray qu’il se trouvast incapable d’aucun sentiment d’amour ; qu’elle se croyoit assez de ses Amies pour luy pouvoir dire que le party luy seroit avantageux, puis qu’outre le bien que sa Fille avoit par elle-même, elle consentiroit volontiers à luy faire en sa faveur telles avances qu’il pourroit luy demander, & qu’il devoit songer serieusement à la proposition qu’elle luy faisoit. Le Cavalier que la declaration embarassa, ne put cacher à la Dame qu’il trouvoit tant d’avantage à estre de ses Amis, qu’il n’avoit envisagé rien de plus en s’attachant à la voir. Il luy dit ensuite qu’il n’aimoit pas naturellement les jeunes personnes, qui n’ayant rien de solide, dégoûtoient souvent au lieu de plaire, & que si sa Fille avoit vingt-cinq ans, elle luy conviendroit mieux ; que cependant les bontez qu’elle luy faisoit paroistre l’engageoient à des sentimens si forts de reconnoissance, que pour la douceur de faire avec elle une union que le temps ne pust détruire, il se vaincroit sur ce qu’il sentoit de répugnance, & regarderoit sa Fille à l’avenir avec d’autres yeux qu’il n’avoit eus jusque-là, mais que s’agissant d’un engagement qui devoit durer autant que leur vie, il falloit voir si leurs humeurs simpatiseroient assez pour leur laisser esperer qu’ils vivroient heureux ensemble. Ce qu’il demandoit estoit trop juste, pour n’en pas tomber d’accord. Il fit l’Amant de la Demoiselle, & luy dit beaucoup de choses flateuses qu’elle écouta gracieusement. L’honnesteté qu’elle luy marqua, luy en attira bientost de plus fortes, & l’amour commençant veritablement à naistre dans le cœur du Cavalier, il fut fort content pendant un mois, & de son esprit, & de ses manieres. Il luy procura tous les plaisirs qu’il se put imaginer par des parties agreables, & l’éclat qu’il fit par-là ne permit plus de douter que ce mariage ne se dust conclurre. Sa Mere qui luy vantant à toute heure le merite distingué du Cavalier, luy donnoit aussi incessamment des conseils, sur le soin qu’elle devoit prendre de ne luy faire paroistre aucune inégalité d’humeur, crut enfin qu’elle s’estoit renduë raisonnable, & avoit connu le tort que luy pouvoient faire ses bizarreries, mais elle estoit bien éloignée de penetrer par quel motif cette bizarre personne avoit cherché à toucher le Cavalier, & s’estoit fait violence pour luy donner de l’amour. Elle avoit esté blessée cruellement de ce qu’il s’estoit d’abord attaché à voir sa Mere, sans luy parler qu’assez indifferemment. Cette injure luy avoit esté sensible, & elle ne s’estoit pû imaginer un meilleur moyen d’en avoir raison, que de le faire devenir amoureux d’elle, pour luy faire ensuite sentir ses mépris avec plus de force. En effet, elle ne crut pas plustost avoir du pouvoir sur luy, qu’elle suivit ses caprices, en luy donnant mille sujets de se plaindre. La Dame qui ne douta pas que le Cavalier ne se dégoutast, luy representa fort vivement qu’elle n’avoit qu’à continuer si elle vouloit le perdre ; toute la réponse qu’elle en eut, ce fut, que c’étoit assez qu’il fût aimé de la Mere, & que s’il l’estoit autant de la Fille, il se trouveroit accablé d’amour. Un reproche si piquant luy fit connoître combien son esprit étoit indocile, & le peu qu’elle devoit garder d’esperance de la voir jamais capable de se rendre à la raison. Le Cavalier rebuté dit à la Dame, qu’il la connoissoit trop juste pour luy demander un plus long engagement ; qu’il estoit fâché de l’avoir fait éclater, puis qu’il sembloit qu’aprés la rupture il ne luy devoit plus estre permis de la voir ; que cependant il y avoit un moyen certain de rendre éternel l’attachement qu’il luy promettoit, si elle avoit assez d’estime pour luy, pour se résoudre elle-même à l’épouser. La Dame rougit, & luy ayant dit en termes embarassez, qu’elle croyoit que sa gloire l’obligeoit de renoncer pour toujours au mariage, elle le pria de se contraindre encore quelque temps, pour voir si ses soins ne changeroient point l’esprit de sa Fille. Le Cavalier, qui estoit habile, tira avantage de cette rougeur, & jugeant à cette marque qu’il pourroit toucher le cœur de la Dame, il consentit à tout ce qu’elle voulut. Il continua de faire auprés de la Fille le personnage d’Amant, & feignant que ses froideurs, quelque dures qu’elles fussent, ne le pouvoient détacher, il luy assuroit un faux triomphe dont elle s’applaudissoit. Ces froideurs, loin de luy estre sensibles luy donnoient un vrai plaisir, puis que marquant à la Mere que c’étoit pour elle qu’il se contraignoit à les souffrir, il entroit de plus en plus dans son cœur. Ainsi il poussa si loin les choses, qu’il l’engagea enfin à luy dire qu’elle pourroit consentir à l’épouser, mais qu’elle sentoit qu’il luy seroit impossible d’executer ce dessein tant que sa Fille ne seroit point mariée. Aprés une pareille declaration, il n’y avoit plus que des mesures à prendre pour bien conduire l’affaire selon le projet qui fut formé. La Dame dit à sa Fille qu’elle voyoit bien que le Cavalier ne luy plaisoit pas, & qu’elle estoit resoluë de ne plus parler pour luy, mais que s’ennuyant de la garder, & d’avoir toujours à essuyer sa méchante humeur, elle vouloit qu’elle fist un choix parmy tant d’autres Amans qui se presentoient pour elle. La Fille luy répondit que si elle l’aimoit veritablement, elle avoüeroit qu’elle avoit raison de haïr le Cavalier ; que s’il luy avoit rendu quelques soins, ce n’avoit point esté de son mouvement ; que c’estoit elle qui l’y avoit engagé, & qu’elle trouvoit en cela un si grand outrage, que pour s’en vanger avec plus d’éclat, elle consentoit à se donner à celuy de ses Amans qu’elle luy conseilleroit de choisir, pourveu que le mariage se fist en secret, afin que ce jour-là même elle pust obliger le Cavalier à luy donner une Feste, aprés laquelle elle se feroit un triomphe de luy pouvoir dire, qu’il ne devoit plus rien esperer, & qu’elle avoit épousé un de ses Rivaux. Il n’y avoit rien de si bizarre que ce qu’elle proposoit, mais elle ouvroit à sa Mere une voye seure de venir à bout de ses desseins. Elle avoüa à sa Fille que le Cavalier n’eust jamais pensé à elle, si jugeant qu’elle seroit heureuse avec luy, elle ne luy avoit en quelque façon mis dans le cœur tous les sentimens qu’il luy avoit expliquez. Elle loüa sa delicatesse sur ce que cette conduite luy avoit donné de l’aversion pour luy, & feignant d’entrer dans les raisons qu’elle prétendoit avoir de s’en vanger, elle la détermina à épouser un fort honneste homme qui luy parut le plus propre à supporter ses bizarreries. On traita l’affaire fort secrettement, & afin que le Cavalier n’en soupçonnast rien, la Dame conseilla à sa fille de moderer un peu son aigreur, & d’avoir pour luy plus de complaisance qu’elle n’en avoit depuis long temps. On agissoit contre luy en apparence, & c’estoit travailler à son bonheur. La Dame qui l’avoit averty de tout luy promit sans peine de l’indemniser de la vangeance que sa Fille méditoit. Ils convinrent des moyens qu’il falloit mettre en pratique pour un double mariage, & il fut aisé de ménager celuy de la Fille avec tout le mistere qu’elle y demandoit, puis que le Cavalier fermoit les yeux volontairement sur beaucoup de choses, qui luy auroient fait découvrir la verité s’il n’eust pas esté besoin qu’il eust feint de l’ignorer. La Demoiselle, ayant affecté d’avoir avec luy des manieres moins hautaines & plus raisonnables, fut persuadée qu’il estoit la dupe de sa tromperie, tant il témoignoit estre charmé d’un changement qu’il ne devoit pas attendre. Ainsi quand elle exigea de luy une grande Feste, rien n’approche de la joye qu’elle eut de l’empressement qu’il fit paroistre à la satisfaire. Cette Feste fut un Bal où il l’asseura qu’il auroit soin de ne laisser rien manquer afin de luy faire plus d’honneur. Ce divertissement estoit un de ceux de la saison. Il luy demanda son jour, & elle choisit celuy qu’elle avoit pris avec son Amant pour se marier, ce qui fut fait de fort grand matin, & avec tant de secret que personne ne le sceut. Il alla la voir l’aprésdînée, & elle luy dit mille choses obligeantes. Il parut le soir avec un habit fort magnifique, & commença le Bal avec elle. Les Masques y vinrent en confusion, & pour leur laisser la liberté de danser, on entra une heure aprés dans une chambre où une superbe collation se trouva servie pour les Dames conviées. Tandis que chacun estoit occupé aux plaisirs de cette Feste, dont la Demoiselle faisoit les honneurs, sa Mere & le Cavalier n’eurent pas de peine à disparoistre. Il estoit plus de minuit, & on les attendoit à l’Eglise, où ayant esté mariez, ils revinrent se montrer dans l’Assemblée. La Feste finie, la Demoiselle appella le Cavalier, qu’elle remercia du regale qu’il avoit bien voulu luy donner, l’asseurant que ce seroit le dernier qu’elle recevroit de luy, puis qu’elle s’estoit mariée ce jour-là-même, avec un fort honneste Homme, dont elle préferoit la tendresse à toutes choses Elle luy dit, comme en l’insultant, les raisons qu’elle avoit euës de luy en faire un secret jusqu’à ce moment, & choisit pour s’expliquer les termes les plus fâcheux qui pouvoient la satisfaire. Le Cavalier la-laissa parler tant qu’elle voulut sans l’interrompre, & luy dit ensuite, qu’il vouloit luy rendre confidence pour confidence, en luy apprenant que son bonheur estoit tel, que depuis une heure il avoit épousé sa Mere, dont le merite, l’esprit, la sagesse & la vertu luy tenoient lieu de tous les tresors du monde. Elle écouta d’abord ce qu’il luy apprit, comme une chose qui ne pouvoit être, mais ce qui suivit ne luy ayant pas permis d’en douter, elle fut au desespoir qu’on luy eust fait perdre si cruellement la gloire de son triomphe. Outre une espece d’affront que ce mariage luy faisoit, elle avoit plusieurs raisons de n’en estre pas contente. Sa Mere estoit encore assez jeune pour pouvoir avoir d’autres enfans, & il falloit, si elle n’en avoit pas, que pour ménager ses interests, elle fust en quelque sorte dans la dépendance du Cavalier qu’elle avoit cru braver en se mariant, mais il n’y avoit aucun remede à la chose, & le meilleur party qu’elle pouvoit prendre, c’estoit de cacher le chagrin qu’elle en avoit.

Idille §

Mercure galant, mars 1693 [tome 4], p. 240-243.

 

Si vous avez des Amies qui n’ayent point encore connu l’amour, elles en trouveront une agreable description dans le petit Ouvrage que vous allez lire.

IDILLE.

Livrée à la douleur amere
Venus vient de perdre son Fils ;
Qui voudra le rendre à sa Mere,
Doit s’assurer d’un rare prix.
***
 Venus le declare ; elle est preste
À combler ses vœux les plus doux.
Jeune Iris, mettez-vous en queste,
Mais ce Fils, le connoissez-vous ?
***
 C’est un Enfant simple & timide,
Mais fidelle jusqu’au trépas ;
La Beauté l’attire & le guide,
La douceur arreste ses pas.
***
 Il s’insinuë, il plaist, il touche,
En trouble aujourd’huy, demain mieux ;
Tous les charmes sont dans sa bouche,
Toutes les graces dans ses yeux.
***
 Il est discret, il est sincere,
C’est la foy sur tout qui luy plaist.
Hé ! quel mal voudroit-on luy faire,
Tendre & delicat comme il est ?
***
 Il se blesse assez de ses armes,
Mais on l’outrage tous les jours,
Et ce n’est qu’aux soupirs, aux larmes,
Qu’en ses chagrins il a recours.
***
 Dans l’offense la plus cruelle,
Soumis, puis qu’on veut le punir,
Il attend que l’on le rappelle,
Toujours tout prest à revenir.
***
 Cherchons ce Dieu, mais loin des Villes,
Loin de leur tumulte confus,
Tous nos soins seroient inutiles,
L’Amour ne s’y retrouve plus.

À Mademoiselle Ro***. Imagination galante §

Mercure galant, mars 1693 [tome 4], p. 267-284.

 

Tout ce que je viens de vous conter a dû vous donner des idées si tristes, qu’il me paroist qu’il n’y a qu’une matiere galante qui soit capable de vous en tirer. C’est ce qui m’oblige à vous faire part de la piece que vous allez lire. Elle est d’un jeune Cavalier de Riom, qui l’envoya à une fort aimable personne de Province, le jour de sa Feste.

À
MADEMOISELLE RO***
Imagination galante.

Le Sommeil dont les dons nous sont si precieux,
À peine cette nuit m’avoit fermé les yeux,
Que je crus traverser de riantes Prairies,
Et je me figuray, marchant d’un pas compté,
Que je m’abandonnois en pleine liberté
 À d’agreables rêveries.
Belle Philis, vous en estiez l’objet ;
 Je me representois vos charmes,
Et me livrois à de douces alarmes,
En m’occupant d’un si tendre sujet.

J’en estois donc, Mademoiselle, à des reflexions sur vos agrémens, & sur ces manieres aisées & naturelles ausquelles seules j’attribuë presque la perte entiere de mon cœur, lors qu’insensiblement je me trouvay à l’entrée d’un petit bois. Le Soleil qui me sembloit déja fort élevé, l’épaisseur des arbres qui rendoient ce lieu des plus sombres, le silence qui me paroissoit y regner, les idées dont pour lors estoit remplie mon imagination, tout me determina à y aller passer quelques heures. J’y choisis d’abord les routes les plus écartées, & là, hors du bruit, & entraîné par les douceurs innocentes d’un repos champestre, j’examinois l’état de mon cœur. Je me rendois compte à moy-mesme de ses sentimens, & ravy de les trouver à mon gré, déja se formoient mille projets d’un attachement éternel, quand je me vis à l’extremité de la Forest.

Là s’élevoit un Temple à demy ruiné,
 Qui jadis estoit destiné
Pour faire tous les ans les Festes de Minerve,
 Dont la figure encore s’y conserve.

À mesure que je m’en approchois pour considerer de prés les anciens restes de ce superbe édifice, que vous eussiez mieux merité que cette Deesse de la Sagesse, j’entendois comme des gemissemens d’enfant, & ma curiosité m’ayant porté vers l’endroit d’où ils me sembloient venir, j’y vis l’Amour, & je le vis dans la derniere desolation, abbatu par un excés de douleur. Il estoit appuyé contre un vieux Mirthe. Son bandeau tout moüillé de larmes me fit juger qu’il avoit pleuré long-temps ; mais quelque tristesse qui parust dans ses yeux, tant de douceur s’y mesloit, que je regarday ces petits desespoirs comme les suites d’une tendresse contrariée, & par certaines plaintes qui luy echaperent, j’entrevis que son cœur irrité cherchoit à se revolter contre un joug incommode & opposé à tous les pas que commençoit à luy faire faire sa passion. Voyez, je vous prie, si je me trompois dans mes conjectures. Le pauvre Enfant ! Il m’avoüa ingenuëment, qu’il avoit esté fort maltraité de sa Mere ; que cette Deesse, poussée par les mouvemens de sa jalousie ordinaire, menaçoit de l’abandonner s’il ne brisoit tout-à-fait ses chaînes, & que dans l’aveugle prevention où il la sçavoit, que hors ses charmes rien au monde n’estoit digne d’estre aimé, une obstination d’attachement pour une Philis dont elle ne pouvoit souffrir ny la beauté ny le merite, ne manqueroit pas de la rendre plus furieuse, & de le perdre pour toujours. Ces dernieres paroles furent suivies de quelques soupirs, & d’un moment de rêverie où l’entraînerent ses diverses reflexions. Puis revenant tout à coup comme d’un profond assoupissement, il s’écria.

J’aime bien mieux renoncer à mes droits
 Que d’abandonner ce que j’aime,
Je ne vois rien que de doux dans mes loix,
 Et je veux les subir moy-même.

Il se plaignit ensuite de l’injustice & de l’entestement présomptueux de Venus, & pour se justifier revenant toujours au merite de sa Philis, il luy donnoit dans ses manieres, des airs de grandeur ; dans son esprit, du bon goust, & de la delicatesse ; dans sa conduite, une égalité d’humeur, & des actions des plus reglées ; dans la tendresse, du rafinement, & de la circonspection. Il la representoit reservée sans singularité, & enjoüée sans dissipation. Il la montroit autant remplie de douceur que de politesse, & d’un ton d’Oracle il ajoûtoit, que si le cœur de cette belle Personne venoit un jour à se laisser toucher, on le trouveroit aimable par sa nouveauté, assuré par sa bonne foy, inébranlable par sa constance, tendre sans passion, & delicat sans jalousie ; & pour me faire voir qu’à toutes ces qualitez se joignoient encore une beauté des plus touchantes, & un je ne sçay quoy dans l’exterieur qui interessoit d’abord, ce petit Dieu tira de son Carquois une boëte, & l’ouvrit. Eh ! qui vis je ? Vous-même, Mademoiselle, & peinte par les mains de l’Amour. Je fus interdit à cette veuë, mais heureux alors, pour ne point paroistre suspect, d’avoir pû trouver dans l’admiration que s’attiroit cette peinture, un prétexte à mon étonnement. Tous vos traits estoient vivans. Ce Peintre habile vous avoit donné une parure de Déesse qui vous sied parfaitement ; vous paroissiez dans les airs sur une espece de char à la Romaine, traîné par des Cignes. À ce char étoit enchaîné l’Amour, qui bien loin d’estre honteux de sa défaite, n’en faisoit, ce semble, que rire, & son arc, ses fléches & son bandeau, qu’on vous voyoit entre les mains, vous servoient plûtost de joüets que de trophées. Sur la bordure estoient écrits ces mots, Triomphe de la belle Ro… sur l’Amour.

Et au bas ces Vers.

Venus n’eut jamais tant de charmes,
Aussi jamais Venus ne triompha si bien.
Ce Dieu, Maistre des cœurs, par l’effort de ses armes,
 N’a donc pû garantir le sien.

Pour montrer ensuite que l’Amour, tout Amour qu’il est, ne peut estre à l’épreuve de ses propres coups, & qu’aprés avoir inspiré de la tendresse aux autres, il n’est pas impossible qu’il en ressente enfin à son tour, sur le revers de cette mesme Boëte estoit un emblême dont le corps representoit un Cupidon pleurant, & ses larmes venoient d’une douleur causée par une blessure qu’il s’estoit faite en tirant de son arc, avec ces mots pour ame.

Je ne suis point invulnerable.

Au dessous estoient gravez ces Vers.

Je puis aimer, & j’aime un objet tout aimable.
 Je suis sensible â ses appas,
 Et par un sort inévitable,
 Mes fléches ne m’épargnent pas.

Ce revers de boëte estoit bordé de mille petits ornemens. J’y admiray sur tout vostre chifre, & celuy de l’Amour, qui entrelacez ingenieusement par des branches de Mirthe, embellissoient, & donnoient du prix à tout le reste.

Comme je songeois à me retirer pour rêver à mon aise à ce que je venois de voir, tant cette avanture me surprenoit, Zephire arriva, qui de la part de Flore portoit à ce petit Dieu une corbeille de fleurs. Je pris garde qu’il les reçut avec un vray plaisir. Je connus mesme par sa maniere de remercier, que ce present avoit esté demandé, & justement ces fleurs vous estoient destinées ; mais l’Amour ne sçavoit comment vous les envoyer. Je le vis là-dessus dans de petites inquietudes. Il sentoit qu’il ne pouvoit disposer de qui que ce soit, parce que Venus irritée avoit déja donné ses ordres. Ainsi les Ris, les Graces, personne ne devoit agir pour luy. Le pauvre Enfant me toucha. Ces manieres me parurent trop dures, je le previns ; je m’engagea y à vous faire rendre les liberalitez, ou plûtost le tribut de cette Deesse du Printemps : & soit que veritablement il me crust dans ses interests, ou qu’un je ne sçay quoy m’eust attiré sa confiance, mes offres furent acceptées, il m’embrassa mille fois, tant il m’en sceut bon gré, & enfin nous nous separâmes, aprés que des remercimens faits de la meilleure grace du monde eurent succedé à ces témoignages de gratitude.

Je profite donc de la conjoncture des temps ; je veux dire Mademoiselle, de la belle Feste d’aujourd’huy, pour m’acquitter d’une commission dont mon cœur fait son affaire. Convaincuë de la force de mes sentimens, & par consequent de la justice que je rens à vos charmes, qui sçait si vous ne me trouverez point trop peu de delicatesse, & si vous approuverez le personnage que je fais à l’heure qu’il est ? On pourroit rafiner dans d’autres rencontres, je le sçay, mais icy, songez que la tendresse que l’Amour inspire ne se fixe pas ordinairement sur luy, que de ses progrés dépendent peut-estre les miens, & que toutes les démarches que luy fera faire dans la suite son penchant, peuvent ne tendre qu’à m’asseurer quelque jour l’entiere possession d’un bien qui est l’objet de tous mes desirs.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1693 [tome 4], p. 323.

J'ajouste à ces Vers les paroles d'un Air à boire que vous chanterez avec plaisir.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air doit regarder la page 323.
Ah ! Bacchus, pourquoy dans ces lieux,
Nous rens-tu ta liqueur si rare ?
Du plus agreable des Dieux,
Deviendras-tu le plus barbare ?
Fais-nous sentir ta liberalité
En répandant ta faveur sur nos Vignes,
Et nous te promettons que nous nous rendrons dignes,
Divin Bacchus, de ta bonté.
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[Maladie de Mademoiselle d’Orleans] §

Mercure galant, mars 1693 [tome 4], p. 329-332.

 

Vous avez sçeu la maladie de Mademoiselle d’Orleans, Fille de feu Monsieur le Duc d’Orleans, & Cousine germaine du Roy. Cette maladie a esté plus dangereuse que longue, & il a falu cinq prises d’Emetique, dont la derniere a esté donnée sans preparation, pour sauver cette Princesse. Aprés cela la vigueur de son bon temperament ayant paru, sa santé a commencé à se rétablir, & la Cour & la Ville à en témoigner sa joye. L’affluence a été grande au Palais de Luxembourg pour sçavoir des nouvelles de la santé de cette Princesse. Toute la Cour, & tous les Princes y sont venus plusieurs fois, & le Roy luy a fait l’honneur d’y venir luy-même. Monsieur & Madame y ont esté tous les jours. Je vous envoye des Vers qui ont esté faits sur cette maladie par Mr l’Abbé Grenet. Quoy qu’il parle en Vers, ce qu’il dit n’est point une fiction.

Toy, dans qui toute chose abonde,
 Sejour des plus grands Rois du monde,
 Paris, agreable Cité,
 Il ne faut plus verser de larmes,
 Tu peux sortir de tes alarmes,
Et reprendre ton calme & ta tranquillité.
 La Princesse n’est plus en proye
 À l’impitoyable douleur ;
 Le Ciel veut encor qu’on la voye ;
 Ce qui causoit nostre malheur
 Est le sujet de nostre joye.
 Que cette Cour dans la tristesse.
Presentoit un spectacle affreux !
 L’une vangeoit sur ses chevaux
 Le mal que souffroit la Princesse.
 L’autre plus belle que le jour,
 Faite par les mains de l’Amour,
 D’un ongle qu’animoit la rage,
 Pour mieux exprimer son malheur,
 En se déchirant le visage
 Vouloit y graver sa douleur.
 Loin d’icy ces tristes images,
 Le nuage s’est écarté,
 Et desormais pour sa santé
 Nous n’avons que d’heureux présages.
Chacun dans peu, Princesse, espere de te voir,
 Alors ma voix mieux arrangée,
Sans se sentir du trouble où ton mal l’a plongée,
 S’acquitera de son devoir.

[Retour au monde de Mr l’Abbé Boileau] §

Mercure galant, mars 1693 [tome 4], p. 337.

 

Au lieu de faire l’Eloge de Mr l’Abbé Boileau, comme je m’y estois préparé, en vous écrivant sa mort le mois passé, j’ay la joye de vous apprendre que cet illustre Abbé se porte fort bien. Si j’en disois davantage, je blesserois sa modestie. Il vit, & ses doctes Predications vous feront souvent son Eloge.