1695

Mercure galant, août 1695 [tome 8].

2017
Source : Mercure galant, août 1695 [tome 8].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, août 1695 [tome 8]. §

[Prélude] §

Mercure galant, août 1695 [tome 8], p. 7-11.

Le Sonnet qui commence cette Lettre, est un de ceux qui disputerent le Prix dans le temps que la celebre Compagnie des Lanternistes de Toulouse les examina, pour sçavoir à qui elle devoit l’adjuger. Il est du Pere Raphaël Imbert d’Aix, Augustin Déchaussé, & il nous donne une si juste peinture du Roy, que vous vous ferez sans doute un fort grand plaisir de voir de quelle maniere il a renfermé en quatorze Vers les plus éclatantes actions de cet Auguste Monarque.

A LA LOUANGE
DE
LOUIS LE GRAND.
SONNET.

N’Avoir en guerre en paix, que la raison pour guide,
A terre, en mer, loin, prés, vaincre de toutes parts,
Etendre son Empire, y mettre des remparts,
Faire qu’en sa faveur le Ciel toujours décide.
***
Au Temple de la gloire aller d’un pas rapide,
En sagesse, en valeur surpasser les Cesars,
Seul contre cent Liguez au milieu des hazars
Estre toujours heureux, invincible, intrepide.
***
Aux plus dignes Sujets donner les grands Emplois,
Pour détruire l’Erreur faire de saintes Loix,
Par sa vertu, des siens éloigner les tempestes ;
***
Tranquille regarder tant de Peuples divers,
S’efforçant, mais en vain, de borner ses Conquestes ;
C’est l’histoire d’un Roy qu’admire l’Univers.

Fable du Soleil & de l’Aurore §

Mercure galant, août 1695 [tome 8], p. 86-102.

Voicy une Fable qui vous apprendra pourquoy l’Aurore est Amie de Venus, & d’autres choses à quoy il est avantageux de faire reflexion. Elle a esté faite par celuy qui a pris dans plusieurs autres Ouvrages, le nom de Berger de Flore.

FABLE DU SOLEIL
& de l’Aurore.

  Le Dieu du jour
  Dont la grande ame,
 Toute de lumiere & de flâme,
 A de grands panchans à l’amour,
S’estoit laissé toucher aux appas d’une Belle,
 Dont le teint frais & délicat,
Brilloit d’un blanc de lait, & d’un vif incarnat,
  Et qui, bien que mortelle,
Avoit d’une Pallas l’air, le port & l’éclat.
Il se plaisoit à soupirer pour elle
 Malgré le sort infortuné
Qu’il avoit éprouvé dans l’amour de Daphné.
Aminte, c’est le nom de l’aimable Pucelle,
 Qu’il essayoit de s’acquerir,
 Ne demandoit rien qu’à courir,
 Aimoit la Chasse, habitoit la cabane,
Avoit de la douceur, un grand fond de bonté,
Tout autant d’innocence enfin que de beauté,
Mais elle avoit aussi sur l’Autel de Diane,
Fait ainsi que Daphné, vœu de virginité.
Ce Dieu n’ignoroit pas cet incommode obstacle,
 Au succès de sa passion.
C’estoit en éclairant ce celebre spectacle,
Qu’il s’estoit apperceu de son affection.
 Il avoit pourtant esperance
Que sa galanterie & sa perseverance
Pourroient d’Aminte allumer les desirs,
Et luy faire au devoir préferer les plaisirs.
***
Il sçavoit bien aussi quelle estoit l’injustice
 Du dessein qu’il vouloit tenter ;
Mais y fermant les yeux, il prenoit pour supplice
 La gloire de se surmonter,
 Et s’il prévit le précipice,
Au penchant de son cœur forcé de succomber,
Il le trouva si beau, qu’il y voulut tomber.
***
Préferant donc à tout ses belles amourettes,
Aux pieds de nostre Nimphe il mettoit ses grandeurs.
Tantost comme Phœbus, il luy contoit fleurettes,
 Et luy disoit mille douceurs.
Tantost comme Apollon il cherchoit ses faveurs
Par le son de sa Lyre & par ses chansonnettes,
Et pour la divertir employoit les neuf Sœurs,
 Avec Pegase, & ses courbettes,
Ou la suivoit au bois parmy d’autres Chasseurs.
Puis, comme Astre du jour, son soin dans sa carriere,
Estoit de l’éclairer de toute sa lumiere,
Afin de luy montrer ses brillantes ardeurs,
 Et de tâcher, par cette belle flâme,
 De chasser le froid de son ame.
***
 Ce Dieu joua tout un Printemps
 Ces officieux personnages,
 Mais voyant qu’il perdoit son temps,
 Il se lassa de rendre tant d’hommages,
 Et sa chaleur s’augmentant par l’Esté,
 Il resolut de passer sans remise
De l’amour souple & doux à l’amour emporté.
La resolution n’en fut pas plûtost prise,
Que Cupidon qui guettoit cet Amant,
 Ne differa pas d’un moment,
Suivant l’ordre receu d’en avertir sa Mere.
 Alors la Reine de Cithere
Qui par l’Astre du jour s’estoit vûë outrager,
Ne souhaitoit rien tant que de pouvoir vanger
L’affront le plus sanglant qu’on puisse jamais faire,
 Lors que jaloux d’elle & de Mars
Il avoit en plein jour à cent fâcheux regards
 Exposé leur secret mistere.
Elle ouit donc l’avis que son Fils apportoit,
Avec tout le plaisir que tire la colere
 De l’espoir de se satisfaire,
Et dit à son Ami ce qu’elle projettoit,
 Pour punir leur grand adversaire.
***
Mars approuva le dessein de Venus.
 La Déesse part là-dessus,
Se rend auprés d’Aminte, & luy dit, Belle Fille,
Oh Dieux ! qu’on voit en vous de grace & de vertus !
 Que de merite y brille !
J’en suis charmée : il faut les conserver,
Et pour cela voicy ce qu’il faut observer.
***
 Je sçay que le Soleil vous aime,
Et qu’en vain en aimant il tâche à s’adoucir.
Les effets trop certains de son ardeur extrême
 Sont de brûler, de hâler, de noircir.
Vostre beauté vers luy n’est pas en assurance.
 Et qui pis est, vostre honneur encor moins.
Las que vostre vertu luy fasse resistance,
Il a tant de dépit d’avoir perdu ses soins,
 Qu’il a perdu la patience,
Et veut pour s’en vanger vous faire violence.
Nimphe, c’est un avis & d’Amie & d’Ami.
  Redoutez son approche,
 Ayez pour luy le cœur de roche,
 Vous n’avez point de plus grand Ennemy.
Fuyez-le, mais fuyant gardez-vous de vous rendre
Aux pieds de la Déesse où se rendit Daphné,
  Elle ne pourroit vous défendre
  Contre cet Amant déchaisné,
 Sans vous causer quelque fâcheux esclandre,
 Dont vostre esprit seroit longtemps gesné.
Au lieu donc de courir au Temple de Diane,
 Retirez-vous dans celuy de Junon ;
Cette Reine des Cieux n’entend pas qu’on profane
 Les endroits qui portent son nom.
Jusques à Jupiter tout craint de luy déplaire,
 Son pouvoir n’a point de pareil,
 Il vous tirera mieux d’affaire.
 Aminte écouta ce conseil,
S’en tint bien obligée à la belle Déesse,
 Et le suivit, comme plein de sagesse.
 Aussi-tost donc qu’elle voit le Soleil
Eclater à ses yeux, & venir auprés d’elle
 La frayeur qu’elle a du danger,
De perdre en demeurant ce qu’elle a de plus cher,
Luy fait tourner le dos, & luy prête son aile,
 Pour fuir d’un pas plus prompt & plus leger.
 Le Soleil vainement l’appelle,
Elle court devant luy, rien ne peut l’arrester ;
 Le Dieu craignant qu’elle n’échape
A l’amour qui le presse, & qu’il veut contenter,
Il faut dit-il, qu’au plûtost je l’attrape,
Car Diane pourroit par un triomphe entier,
 Comme Daphné, la changer en laurier.
 Ces mots sont suivis de sa course ;
Mais avant qu’il l’attaque elle gagne un Autel,
Où Junon recevoit un culte solemnel ;
Et la nommant son unique resource,
 Elle se met avec devotion
  Sous sa protection.
Le Soleil transporté de l’ardeur qui l’anime,
 Ne prend pas garde au changement de lieux ;
Il oublie en courant que les plus grands des Dieux
 Ne choquent point Junon sans crime ;
 Et ce clairvoyant n’a des yeux
 Que pour l’innocente victime
  Qu’il prétend immoler
 Au feu dont il se sent brûler.
 En peu de temps l’ayant atteinte,
Toute éperduë & tremblante de crainte,
 Il la prend viste par le bras,
La tire de l’Autel, l’éloigne de trois pas,
 Rien ne le retient, il l’embrasse,
  Et veut absolument
 Que la pauvrette satisfasse,
Sans respect du saint lieu, sans delay d’un moment,
 Son amoureux emportement.
Aminte en fait refus, & se met en défense.
 Il en vient à la violence.
 Elle demande à Junon du secours.
Il s’en rit, il s’efforce à pousser ses amours
 Aussi loin que son esperance.
La Déesse survient, arreste fierement
  Ce redoutable Amant,
 Luy reproche son insolence,
 Ses mépris, son incontinence ;
 Et pour l’en punir hautement,
Faisant de son supplice honneur à la sagesse,
Elle éleve la Nimphe au celeste sejour,
 Luy donne le rang de Déesse,
 La place à la porte du jour,
 Accroist sa force & sa vitesse,
 Et luy prescrit sa marche & son retour.
  Puis redoublant encore
La fraischeur & l’éclat des roses & des lis,
 Qui la rendoient semblable à Flore,
Et dont le Dieu brillant estoit le plus épris,
Elle la change enfin eu la charmante Aurore.
 Aprés cela regardant le Soleil,
 Elle luy dit, raillant de sa souffrance,
Cette Belle a causé mille fois ton réveil,
 Et desormais sa vigilance
 Sçaura te tirer du sommeil.
 Je ne t’oste pas sa presence,
Joüis en librement, conte-luy ton amour ;
Il t’est permis de luy faire la cour.
Voy de combien d’attraits brille son beau visage.
 En vis-tu jamais davantage ?
 Mais, insolent, n’espere pas
 De joindre de prés tant d’appas.
On te verra courir d’une course éternelle,
 Tout brûlant d’amour aprés elle,
 Et tu perdras toujours tes pas,
Jamais, au grand jamais, tu ne l’attraperas.
Ce qui fut dit, se fait ; le Soleil court sans cesse
 Aprés l’Aurore sa Maistresse,
Mais son travail est vain, elle se rit de luy,
 Sa course précede la sienne,
 Et pour luy causer plus d’ennuy,
Il n’est point de matin qu’elle ne se souvienne
  Du salutaire avis
 Que luy donna la divine Cypris,
Et qu’en reconnoissance elle ne contribuë
 Par une vertu qu’elle influë,
 A rendre heureux les Favoris
  Et d’elle, & de son Fils.
Le Soleil qui le sçait, en est plus miserable,
 Et le sera tant qu’il sera Soleil.
 L’exemple est grand & sans pareil,
 Amis, soit Histoire, soit Fable,
 Nous en tirons cette moralité,
Que l’on doit s’abstenir d’un amour reprochable,
Et ne pas offenser une Divinité,
 Dont la puissance est redoutable,
Et qui nous peut punir toute une éternité.

[Second volume des Poësies de Me des Houlières] §

Mercure galant, août 1695 [tome 8], p. 218-220.

Comme vous avez un goust merveilleux pour les Ouvrages d’esprit, je ne sçaurois vous donner une meilleure nouvelle qu’en vous apprenant que le Sr Jean Villette Libraire de la ruë S. Jacques, commence à debiter un second volume des Poësies de l’Illustre Madame des Houlieres. Tout ce qu’elle a fait est d’une beauté & d’une force à laquelle on ne peut rien ajoûter, & son nom qui ne peut manquer de vivre éternellement, est mis avec beaucoup de justice, parmy ceux de nos plus grands Poëtes. Ce second volume contient aussi quelques pieces de Mademoiselle des Houlieres, sa Fille, en faveur de qui je ne vous diray qu’une seule chose. C’est qu’encore qu’elle ait tout l’esprit qu’on peut avoir, ce qui se rencontre en peu de personnes, cet avantage est en elle beaucoup moins considerable que la bonté de son cœur, & la droiture de ses sentimens.

[Rome galante] §

Mercure galant, août 1695 [tome 8], p. 220-223.

On vend aussi depuis quelques jours un livre nouveau, qui merite vostre curiosité. Il est intitulé Rome Galante, & divisé en deux parties. Dans la premiere l’Auteur a suivy pas à pas Jules Cesar dans ses conquestes d’amour, qu’il dit avoir esté aussi rapides que celles de guerre, & comme cet Empereur n’avoit pas de Cour fixe, cela fait que la Scene y change à tous momens. Dans la seconde Partie, on trouve un enchaisnement des avantures des personnes considerables, dont la Cour d’Auguste estoit composée. L’Auteur ne se nomme point, & fait seulement entendre qu’on doit beaucoup excuser d’un Cavalier sans étude, & qui n’a eu d’autre employ que celuy des armes. Cependant son stile est fort agreable, & ceux qui s’appliquent le plus à donner un tour aisé à ce qu’ils écrivent, ne le font pas bien souvent avec autant de succés. Enfin il n’y a rien qui soit plus capable de divertir que cette Histoire secrette de quantité d’événemens particuliers, arrivez sous les regnes des deux Empereurs que je viens de vous nommer. Elle se trouve chez le Sr Jean Guignard Libraire au Palais, à l’entrée de la grand’ Salle, à l’Image de S. Jean.

[Mort de Mr l’Archevêque de Paris, avec le détail de tout ce qui s’est passé, lors qu’il a esté exposé au Public, à son Convoy, & à son Service] §

Mercure galant, août 1695 [tome 8], p. 262-277.

 

Vous avez appris la perte que le Diocese de Paris a faite de Messire François de Harlay de Chanvalon, son Archevêque, Duc & Pair de France, Commandeur des Ordres du Roy, nommé par Sa Majesté au Cardinalat, Proviseur de la Maison de Sorbonne, & Superieur de celle de Navarre, Abbé de S. Pierre de Jumiege, & l’un des quarante de l’Academie Françoise. Il mourut subitement le Samedy 6. de ce mois, âgé de soixante & dix ans moins huit jours, en sa maison de Conflans, à deux lieuës de Paris, ayant esté six heures à l’agonie. Le soir on apporta son corps à Paris, & le lendemain Dimanche 7. il fut exposé toute la journée sur un Lit de parade dans une des chambres de son Palais Archiepiscopal, où tout Paris l’alla voir en foule. [...]

Le Jeudy 11. de ce mois, le Chapître de nôtre-Dame célébra un service pour le Repos de son ame. [...] La Messe fut réponduë par la Musique du Chapitre, & aprés que tout fut finy, les Parens & Amis allerent jetter de l’eau benite sur la Sepulture, où Mr l’Archevêque a esté inhumé.

Air nouveau §

Mercure galant, août 1695 [tome 8], p. 305.

Je croy que vous serez contente de l'Air que vous trouverez icy noté.

AIR NOUVEAU.

L’Air doit regarder la page 305.
Assez & trop long-temps, une importune absence
A troublé nos plus doux plaisirs.
Il est temps, belle Iris, qu'enfin vôtre presence,
Remplisse nos plus chers desirs.
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