1696

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11].

2017
Source : Mercure galant, novembre 1696 [tome 11].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11]. §

L’Automne §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 30-40.

L’Ouvrage que vous allez lire, vous fera trouver l’Automne au milieu de l’Hiver.

L’AUTOMNE.

Voicy cette Saison où fut créé le Monde.
Saison qui fut alors si belle & si feconde.
Cet Automne fameux, où tant & tant de fruits
Qu’on ne cultiva pas, se trouverent produits.
Où tant & tant de fleurs, de même, sans culture,
Sortirent à l’instant du sein de la Nature.
Où tant d’arbres, enfin, de la terre sortans,
Parurent aussi hauts qu’ils sont aprés cent ans.
Ô l’aimable saison, où, parmy l’abondance,
Regnoit d’abord par tout une pleine innocence.
Où la douceur estoit, comme au cœur des Agneaux,
Dans le farouche cœur des plus fiers Animaux.
Où les Lions, les Ours, les Tygres, les Panieres
Estoient devant Adam, des bestes familieres.
Où les Moutons paissoient, même au milieu des Lous,
Sans craindre de leur dent un affamé courous.
Où le Ciel regardoit benignement la terre,
Qui rien n’apprehendoit ny foudre, ny tonnerre.
Où l’homme sans travail pouvoit vivre content.
Mais las ! ce que je dis ne dura qu’un instant.
Ainsi puis-je nommer, peut-estre, une journée
Qui d’Adam mesura l’heureuse destinée.
Las ! helas ! le Serpent, auteur de nos malheurs,
S’estoit déja caché sous les premieres fleurs,
Et de dessous ces fleurs il sortît pour répandre
Le funeste venin que l’on verra s’étendre
Jusqu’aux derniers Neveux du premier des Humains,
Dont le commun bonheur se perdit en ses mains.
Comme donc un éclair frape les yeux, & passe
Sans qu’il en reste en l’air la moins visible trace.
De même cet Automne, en un jour seulement,
Eut aussi-tost sa fin que son commencement.
À l’instant tout changea, par l’effet d’un seul crime
Dont tout le Genre humain demeura la victime.
Les Panteres, les Ours, les Tygres, les Lions
Tomberent contre l’Homme en des rebellions.
Ils parurent alors des bestes carnassieres,
Qui s’allerent cacher en d’affreuses tanieres.
Les moutons & les loups devinrent ennemis,
Et nul commerce entr’eux ne se vit plus permis.
Le Ciel chastia l’Homme, & luy fit de ses Astres,
Auparavant benins, des sources de desastres.
Les deux plus grands Flambeaux pompeusement produits
Pour faire de beaux jours, & d’aussi belles nuits,
Eurent ordre aussi-tost, remplissant leur carriere,
De laisser bien souvent éclipser leur lumiere
Les Elemens créez pour nos commoditez.
Furent par le peché, contre nous révoltez.
Le Feu nous menaça de cruels incendies,
L’homme craignit, de l’air, d’affreuses maladies.
L’Eau luy fit redouter ses fiers débordemens,
La Terre l’effraya par ses grands tremblemens.
Cet Element encor, à l’abord si fertile,
Devint en ce moment, par tout sec & sterile.
La Terre, helas ! perdit certain germe fecond.
Qui devoit enrichir incessamment son fond,
Et le remplir de biens, sans que l’homme avec peine
Préparast la moisson, d’ordinaire incertaine,
Il fallut au travail alors mettre la main.
L’homme y fut obligé pour en tirer son pain,
Et tous ses Descendans, jusqu’aux dernieres Races,
Sont au même labeur engagez, sur ses traces,
Ses veilles, ses sueurs sont le prix de ce pain,
Qui luy sert tous les jours à combattre la faim.
Mais la terre est ingrate, & rend pour tant de peines
Des semences d’espoir, des apparences vaines,
Qui flatent quelque temps par une douce erreur,
Et font aprés gemir le pauvre Laboureur.
L’Automne qui suivit cet Automne admirable,
Dans ses jours les plus beaux, ne fut guere semblable.
Les rigueurs de l’Hiver, les ardeurs de l’Esté,
En ont le plus souvent tout l’agréement ôté.
L’une & l’autre saison vint usurper sa place.
Tantost il est brûlant, & d’autres fois il glace,
Et comme si le monde alloit se détruisant,
On ne reconnoist pas un Automne à present.
Il ne fut que d’un jour au temps du premier Homme,
Qui le vit comme on voit les objets dans un somme.
Mais il le vit du moins avec tous ses appas.
Il eut ce privilege, & nous ne l’avons pas.
L’Automne est aujourd’huy, le nom d’une chimere,
Dont deux ou trois Saisons font l’estre imaginaire.
Mais on peut dire aussi que l’Esté, le Printemps
Sont encore des noms sans sujets subsistans.
Que l’un & l’autre enfin, sont moins dans la nature,
Que dans un Air d’Ambruis, ou dans une Peinture,
Et que l’affreux Hiver, comme un cruel Tyran,
Des trois belles Saisons occupe seul le rang.
Desordre infortuné qui vint du premier crime,
Dont la tache funeste en tous les cœurs s’imprime !
Sans ce crime fatal cet Automne charmant,
Dont je viens d’ébaucher le tableau simplement,
Auroit duré toujours, & toujours la Nature
L’auroit entretenu dans sa temperature.
Nous aurions en luy vû le Printemps par les fleurs,
L’Esté par ses épis, sans l’excés des chaleurs.
Le redoutable Hiver que la Nature abhorre,
Ce tyran inhumain de Pomone & de Flore,
N’eust jamais dépouillé nos Jardins & nos Bois,
Et réduit, tous les ans, la Nature aux abois.
 Mais quoy ! si le Pechê que fit le premier Homme,
Pour avoir seulement mordu dans une pomme,
Causa dans un instant tout ce desastre affreux,
Où cet Homme soudain se vit si malheureux.
Que dis-je ? Si le Ciel comprit dans sa vengeance
Les Descendans d’Adam, même avant leur naissance,
Avant, par leurs pechez, qu’ils eussent merité
De sentir les effets de sa severité.
Quels desordres, helas ! quels fleaux si funestes,
Devons-nous redouter des coleres celestes,
Quand depuis si longtemps tous ces coupables Fils
Inondent l’Univers par d’énormes delits.

[Lettre sur les habits des Dames de Jérusalem] §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 79-84.

La Lettre qui suit est écrite sur une matiere assez curieuse pour faire plaisir aux Dames.

LETTRE
De Mr de Cipiere de Bordeaux, à Mr le Prieur de S. sur les Habits des Dames de Jerusalem.

La Satyre que vous m’avez envoyée contre le Luxe des Dames de nostre siecle, m’a donné beaucoup de plaisir, & je ne doute pas qu’elle n’en donne autant à tous ceux qui liront la description que vous y faites de leurs Habits & de leurs coëffures. Je ne sçay si à voir la diversité de ces ornemens, on pourroit bien deviner à quelle partie du corps il les faut ajuster, supposé qu’on n’ait jamais vû personne qui les portast. Je ne sçay encore si nos Geometres pourroient trouver des noms pour toutes les diverses figures qu’on leur donne ; quand mesme ils en chercheroient dans le Grec, suivant leur coutume. Et pour moy, quand je vois une femme coëffée & habillée à la mode ; il me semble voir une Colonne & un Chapiteau d’ordre Gothique, sans nulle proportion ny symetrie dans ses parties, & avec des ornemens bien bizarres.

On me dira peut-estre que j’ay moy-mesme le goust encore plus bizarre & plus irregulier. Je le veux, mais si l’on peut ne considerer que les coëffures des Dames, & faire un peu d’abstraction du bon air qu’elles leur donnent, je suis assuré que ceux-mesme qui sont enchantez de la galanterie & de la propreté de ces ornemens, seront bientost du mesme sentiment que vous & moy là-dessus.

Voilà, Monsieur, ce qu’à fait vostre Satyre dans mon esprit ; mais n’esperez pas pour cela qu’elle fasse le même effet sur celuy des Dames. Le Sexe est trop delicat pour luy pouvoir parler de reforme, il ne reçoit des loix que de l’Usage & de la Mode. C’est un Roy & une Reine qui regnent avec empire sur luy, & il se fait gloire de porter les habits & les couleurs de leurs Majestez. Ainsi comptez, Monsieur, que les Dames s’opposeront à vostre dessein si vous en avez quelqu’un contre leur liberté, & qu’elles appelleront encore à leur secours les Belles de Hollande & d’Angleterre, qui vont aujourd’huy vêtues à la Françoise. Il n’y a point de guerre entr’elles, quoy que leurs Peres, leurs Maris & leurs Freres se la fassent entr’eux. Contentes de mettre quelquefois la discorde & la guerre entre les hommes, elles joüissent de la Paix dans leur Republique feminine, si cela se peut dire.

[Epistre en Vers] §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 107-114.

Je vous envoye deux Lettres, dont le stile vous paroistra aisé & naturel.

À MADEMOISELLE
L’HERITIER.
EPITRE.

L’Heritier, vostre beau genie
Fait de vous une autre Uranie,
Tout se rend aux attraits divers
De vostre Prose & de vos Vers.
Vos œuvres n’ont point de pareilles ;
Que de beautez, que de merveilles
On y voit briller à l’envy !
Peut on n’en estre pas ravy ?
Vostre Art surpasse la Nature,
Et la plus legere avanture
Qui part de vos sçavantes mains,
Enleve le cœur des humains.
Vos expressions accomplies,
D’un beau feu sont toutes remplies ;
Vit-on jamais plus d’agrément ?
Par tout c’est pur enchantement.
Ce n’est pourtant point une Fée,
Par qui les beaux secrets d’Orphée
Vous furent donnez à foison ;
C’est dans vostre heureuse Maison,
Qu’on voit Orateur & Poëte,
Témoin vostre chere Cadette,
Qui vient de remporter un Prix
Sur les plus delicats esprits.
Si cette jeune Muse brille,
Vous parez l’illustre famille
Où l’on fut toujours revestu
Et de science & de vertu.
Digne Rameau de vostre Branche
Vous fistes le Portrait de Blanche :
Ce fut sans doute d’aprés vous,
Où tout fut éloquent & doux.
On sçait que vous avez encore
Le courage de Leonore ;
Vous suiveriez d’un pas heureux
La Charsse & ses exploits fameux,
Et vostre solide finesse
Feroit la nique à la Princesse,
Elle dont les tours si jolis
Sont par vostre plume embellis.
Si vos Heros, vos Heroïnes
Etalent des vertus divines,
C’est que souvent vous leur prestez
Quelqu’une de vos qualitez,
De ces qualitez glorieuses,
Qui sont par tout victorieuses,
Elles portent des traits vainqueurs
Sur les esprits & sur les cœurs.
Si-tost qu’on attaque les Belles,
Vous seule combattez pour elles,
Et vostre Sexe a le bonheur
Que vous deffendiez son honneur :
Les Dames à tort outragées
Sont avec usure vangées,
Vous choisissez l’occasion
De devenir leur Champion.
Le Triomphe de Deshoulieres
Brave nos Muses les plus fiéres,
Il sçait de mille beaux esprits
Effacer les malins écrits :
Où si mal à propos on fronde
Cette belle moitié du monde,
Vous prenez si bien son party,
Qu’ils en auront le démenty,
Ces fameux Faiseurs de Critique ;
Enfin par vos soins heroïques,
Elle offre de nouveaux attraits,
Et ne craindra rien desormais :
Son Destin sera des plus calmes,
À l’ombre de vos doctes Palmes.
Primez, triomphez nuit & jour,
Mais triomphez moins de l’Amour,
On peut sans choquer la sagesse
Pencher un peu vers la tendresse,
Il est dangereux d’outrager
Un Dieu si prompt à se vanger ;
Quoy qu’il soit aussi doux qu’aimable,
Il n’en est pas moins redoutable,
Encor que vous braviez sa loy,
Qu’il soit prés de vous sans employ,
Vous faites de luy des Peintures
Qui sont de riches migniatures :
Vous dépeignez mieux ce Vainqueur
Que si vous l’aviez dans le cœur ;
Et quand vous nous contez la peine
Ou d’Iris, ou de Celimene,
On jureroit que vous sentez
Tous les maux que vous nous contez.
Mais quoy que vostre esprit en dise,
On suit bien peu vostre Devise,
Qu’on doit en rime seulement
Penser & parler tendrement.
Pour un bel objet on s’empresse :
Est il de cœur qu’Amour ne blesse ?
Contre luy l’on a beau s’armer,
Oüy, tost ou tart il faut aimer,
Si sur vostre exemple on n’étale
Une fermeté sans égale.
En vous à la fois on peut voir
Bon cœur, grandeur d’ame & sçavoir.
Et l’on sçait par experience
Jusques où va vostre science,
Combien le bel art d’Apollon
Vous distingue au sacré Valon.
Vostre élegante Poësie
Vous rend digne de l’Ambrosie.
Enjoüé, sublime, & moral,
Tout pour vostre Muse est égal,
Vous sçavez en chaque maniere
Acquerir une gloire entiere.
Vos Stances, Sonnets, Madrigaux
Ont le pas sur tous leurs rivaux.
Vous rendez leur premiere place
Aux enfans proscrits du Parnasse,
Les agreables Bouts-rimez,
C’est encor par où vous charmez.
Combien d’illustres Assemblées
Vantent de vos Oeuvres meslées,
La politesse & l’heureux tour ?
Puis-je le bien faire à mon tour ?
Non souffrez que je me retienne :
Quelle audace seroit la mienne,
Moy qui fais des Vers par hazard,
Sans étude & presque sans art,
D’oser peindre en grand l’Heroïne,
Qui sur le Parnasse domine.
Pardon, l’Heritier, si j’ay fait
L’ébauche de vostre Portrait.

Le moins sçavant & le plus zelé Confrere de la Compagnie des Lanternistes.

Response de Mademoiselle l'Heritier §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 114-121.

RESPONSE
De Mademoiselle l’Heritier à l’Epitre du plus zelé Confrere de l’illustre Compagnie des Lanternistes.
EPITRE.

 Vous, qu’Apollon unit à ce celebre Corps,
Qui sur les bors de la Garonne,
Destine tous les ans une illustre Couronne,
À l’heureux Amphion qui par de doux accords :
 Chanter a le mieux sur sa Lyre ;
 Un Roy que l’Univers admire.
D’où vient, Damon, que vous interrompez
Tous ces progrés, aux beaux Arts, aux Sciences,
 Ou dans vos doctes conferences
 Sans cesse vous vous occupez ?
 Pour chanter avec tant de grace
Ces fruits de mon loisir qu’un certain ascendant,
Qu’un penchant naturel à dormir au Parnasse,
 M’a fait produire en badinant.
 Dans une brillante jeunesse,
 Sans ambition, sans tendresse,
J’ay fait tous mes plaisirs de gouter les douceurs
 Du commerce des doctes Sœurs ;
 Et sur les rives du Permesse :
 J’ay mille fois cueilli des fleurs.
 Du moment que je sçûs l’usage
 D’en faire un heureux assemblage
Ma main les consacrant à l’Auguste Loüis
Rendit à ce Heros un éclatant hommage.
J’ay vanté mille fois ses exploits inoüis,
J’ay mille fois tracé des tableaux de sa gloire
Aux lambris éternels du Temple de Memoire.
 Mais en celebrant ce Vainqueur,
 L’esprit a moins fait que le cœur,
Si j’ay chanté ses faits d’une heureuse harmonie
Un zele plein d’ardeur a guidé mon genie.
 Pour le reste de mes chansons,
 Dont si sçavament vôtre Muse,
 Sçait applaudir les divers tons,
 Qu’avec peine je me refuse
 Le doux plaisir de l’avoüer :
 Souffrez pourtant que je l’accuse
 De trop flateusement loüer.
 J’ay fait d’assez vives peintures
 De quelques tendres avantures ;
 Mais quand j’aurois fait des portraits
 Où brillent d’assez heureux traits !
 Pourroient-ils estre comparables
 A ceux des Romans admirables
 De la sçavante Scudery
 Son stile d’Apollon chery
 Fera reverer ses ouvrages,
 Jusqu’aux plus reculez des âges ;
 Qui donneront le rang d’aprés
 À ceux de l’illustre Ségrais.
 Ah ! que je suis bien loin d’atteindre !
À l’Art divin qu’ils ont de peindre
 Les transports & les mouvemens
 Qui troublent le cœur des Amans.
Quoy que des feux d’amour une seule étincelle,
Dérange les esprits, cause d’affreux tourmens,
 Dans les Vers & dans les Romans :
 La peinture en est toûjours belle ;
 Mais gardons-nous bien du malheur
 De les sentir dans nostre cœur
On prétend, il est vray, qu’avec quelques lumieres,
 J’ay peint pour la posterité
 La Charsse, ainsi que Deshoulieres :
 Mais ma main équitable a seulement presté
 Des couleurs à la verité.
On dit que remplissant deux celebres carrieres,
 Avec d’éloquentes manieres
J’ay deffendu les droits du Sexe mal-traité ;
 Mais quand j’entray dans cette lice
 Tant de raison, tant de justice,
 Se trouverent de mon costé.
Que sans qu’il fust besoin d’employer pour les Dames
 Ce bel Art qui gagne les ames,
 Leur Sexe vif, modeste & doux
 Sceut triompher de ses jaloux.
 J’ay peint dans mes écrits encore
 Les Bois, les Eaux, Pomone & Flore.
J’ay décrit les guérets, j’ay décrit les moissons,
 Moralisé sur les Saisons.
Mais toutes mes Chansons simples & naturelles
N’oseroient aspirer au grand titre de belles.
Peut-estre à l’avenir que mon stile plus fort
Pourra leur faire prendre un plus brillant effort.
 La Muse mesme de Malherbe
 N’avoit pas dans ses premiers ans
 Cet air magnifique & superbe
 Qu’on luy vit dans un autre temps.
Ainsi peut-estre un jour mille phrases sublimes,
Joindront au naturel qu’on trouve dans mes rimes
 La pompe de leurs ornemens.
 Si malgré plus d’un grand obstacle,
Le Parnasse daignoit enfin vous faire voir
 En ma faveur un tel miracle,
 Alors je pourrois recevoir
 L’Encens plein de delicatesse
 Que m’offre vostre politesse.

Cupidon Courier envoyé à Monseigneur le duc de Bourgogne, par Madame la princesse de Savoie §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 144-149.

Les Vers que je vous envoye, ont esté traduits des Vers Latins, faits par le Fils de Mr le Comte de Crecy. Vous sçavez le merite du Pere, dont l’habileté est connuë dans les Negociations, & le sçavoir dans les belles Lettres. Il est de l’Academie Françoise.

CUPIDON COURIER
envoyé à Monseigneur
LE DUC DE BOURGOGNE,
par Madame
LA PRINCESSE DE SAVOYE.

Prince rassurez-vous, vous me voyez sans armes,
Mars vient d’estre vaincu, je le suis à mon tour,
La jeune Adelaïs pour essay de ses charmes,
 A desarmé Mars & l’Amour.
 Déja la Paix & l’Hymenée
Dans un char triomphant l’aménent dans ces lieux
 De cent peuples accompagnée.
Qui de la posseder se trouveroient heureux.
 À peine eut-elle atteint la France,
Au sortir du climat qui luy donna naissance,
Que le cœur occupé de mille tendres soins ;
Vole vers mon Vainqueur, vole,
  Amour, me dit-elle,
Et de mon arrivée apprens-luy la nouvelle,
Instruits-le des transports dont tes yeux sont témoins.
 Dès que tu le verras paroistre,
Certain air de grandeur te le fera connoistre.
 Brillant d’une noble fierté,
Du Pere & de l’Ayeul vive & parfaite image,
Tu liras dans ses yeux cette ardeur ce courage
Qui dans ces deux Heros a toujours éclaté.
Vole donc sur ses pas, vole, &, sans plus attendre,
 Amour, prés de luy va te rendre,
 Soit que dans des bois écartez
Il fasse aux animaux une innocente guerre,
Ou soit qu’il se promene au milieu d’un parterre
 Les deux Princes à ses costez ;
Avance-toy sans craindre & dy ce qui t’améne,
Prends ton temps à propos & le tire à l’écart,
Pour luy dire en secret cent choses de ma part,
Et me redire aprés cent choses de la sienne.
 S’il demande ce que je fais,
Ah ! de mon cœur, Amour, tu sçais tous les secrets ;
 Dy que pensant à luy sans cesse
 À voler vers luy je m’empresse,
Que les lieux les plus beaux ne m’arresteront pas,
 Dy qu’au deffaut de sa Personne
 Je m’occupe de son Portrait,
 Que jamais je ne l’abandonne
Que j’en ay mille fois contemplé chaque trait ;
 Dy que le long du voyage
 Il fait mon plus doux entretien,
Qu’aux plus riches tresors je prefere ce gage :
 En fait-il autant du mien ?
Voila, Prince charmant, comme je vous l’expose,
Ce qu’elle m’ordonna de vous redire icy.
Si j’osois de mon chef ajoûter quelque chose,
 J’ajoûterois encor cecy,
 Pour achever son caractere.
 Elle a le port d’une Divinité,
Et Junon qui l’osa disputer à ma mere
À l’âge de dix ans n’eut pas plus de beauté.
 Elle répand par un air de bonté
Sur tout ce qu’elle fait un agrément extrême ;
Mais elle vient bien-tost, & vous verrez vous-même
Quelque chose de plus que ce que j’en ay dit ;
Et que la verité passe encor mon recit.

[Histoire] §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 151-197.

Ceux qui croyent duper, sont souvent dupez, & l’avanture dont je vais vous faire part en est une preuve. Un fameux Bourgeois d’une des Villes de France où le Commerce a le plus de cours, fit si bien fructifier vingt mille livres de bien, ou environ, dont il herita lors que son Pere mourut, qu’au lieu qu’autre fois tout son fond estoit composé de cette somme, il eut enfin le plaisir de voir que chaque année il en recevoit autant de son revenu. Comme pour amasser tant de bien il avoit mis en usage tous les secrets de l’usure la plus fine, sa fortune auroit encore augmenté, si la mort n’y eust mis ordre. Deux Fils, ses uniques heritiers, ne luy eurent pas plûtost rendu les derniers devoirs, qu’ils songerent à se réjoüir de cette ample succession, mais chacun en des manieres bien differentes. L’aîné, qui n’ayant jamais quitté l’adroit Usurier, estoit admirablement instruit de son sçavoir faire, fut persuadé que le meilleur parti qu’il avoit à prendre, estoit de continuër la même manœuvre, ne doutant point qu’on ne luy dust trouver du merite à proportion du bien qu’il pouvoit avoir. Le Cadet qui estoit entré assez jeune dans les Troupes, où il avoit subsisté comme il avoit pû, ayant reçû des secours tres foibles de son Pere, qui estoit extrémement avare, comme le sont tous les Usuriers, estoit accouru, si tost qu’il avoit appris le danger où le mettoit une tres fâcheuse maladie. Le mauvais exemple ne l’ayant pas corrompu, il avoit le cœur assez bien placé. Ses façons d’agir avoient mesme quelque chose d’assez noble, qui le faisoit croire de plus de naissance qu’il n’estoit. Il ne se vit pas plutost heritier d’un bien fort considerable, que n’ayant à consulter que luy-mesme, il resolut de ne point quitter la profession qu’il avoit d’abord suivie, & pour y paroistre avec éclat, sa premiere idée fut d’acheter une Compagnie de Dragons. Il auroit executé son dessein sans la rencontre qu’il fit d’un de ses Amis, qu’il n’avoit point vû depuis huit ans. Quoy que cet Amy ne fust que le Fils d’un Apotiquaire de la mesme Ville, il avoit un tres-joli équipage, & trois grands laquais de fort bon air, faisoient un des plus beaux ornemens de son carrosse. Cette nouveauté surprit nostre Cavalier, à qui il conta, que ne s’estant point senti d’humeur à vivre comme son Pere, qui luy avoit laissé en mourant pour trente ou quarante mille francs de bien, il l’avoit vendu, & que s’estant mis en teste qu’avec un peu d’effronterie, & le bien dire, on réüssissoit souvent dans les choses les plus difficiles, il s’estoit rendu à Paris, où il sçavoit que les Dames se laissoient pour la pluspart ébloüir par la dépense, & que les grands airs faisoient ordinairement des impressions si fortes sur elles, que pour peu qu’on eust d’adresse, on les embarquoit aussi loin que l’on vouloit ; qu’il s’estoit logé dans un quartier où un Marchand riche de prés d’un million, estoit mort depuis six mois, sans enfans ; que sa Veuve ayant emporté la plus grande partie de ce bien, il s’estoit fixé à gagner le cœur de cette puissante Doüairiere ; que pour y mieux réüssir il n’avoit rien épargné pour copier les manieres d’un homme de cinquante mille livres de rente ; qu’il s’estoit fait faire plusieurs habits des plus propres, où il avoit entassé broderie sur broderie, & que sa magnificence en toutes choses, avoit prévenu la Veuve de tant d’Idées de grandeur, qu’aprés plusieurs tendres conversations, dans lesquelles il luy avoit insinué, que quoy qu’il fust d’une naissance à aller de pair avec tout le monde, une personne d’autant de merite qu’elle, le feroit passer par dessus beaucoup de choses, il l’avoit si si bien flatée, qu’elle estoit résoluë de l’épouser ; en sorte qu’il se voyoit maistre de plus de quatre cens mille livres, qui luy faisoient faire une fort grosse figure. Ce discours finit par l’avis que l’Ami donna au Cavalier de prendre la même route ; l’assurant que tourné comme il estoit, & estant assez riche pour soutenir quelque temps la dépense qu’il luy conseilloit de faire, il ne manqueroit pas de réussir auprés de quelque folle Heritiere, qui s’entestant de sa bonne mine, l’indemniseroit avec usure de tout ce que sa conqueste luy pourroit coûter. Le Cavalier dont la cervelle estoit fort pleine de vent, goûta si fort cet avis, qu’il chercha dés le lendemain à s’accommoder avec son Frere, de sa part des biens de l’Usurier, pour-vû qu’il la luy payast comptant, ce qui fut fait en fort peu de jours, aprés quoy il prit la poste, portant avec luy tout ce qu’il avoit de bien. La chose n’estoit pas fort difficile, puisqu’il ne consistoit qu’en Louis d’or & en des Lettres de change. Si-tost qu’il fut à Paris, il loüa un tres bel Appartement dans le Marais, & le fit meubler superbement. Il prit sept ou huit personnes de livrée, acheta un carrosse, égal à peu prés à ceux des Ambassadeurs, se mesla dans les plus gros Lansquenets, & donna assez frequemment des festes aux Dames, auprés desquelles il estoit fort bien venu, sous un tres beau nom qui le rendoit allié d’une des meilleures Maisons du Royaume. Ses Domestiques luy entendant souvent repeter qu’il avoit plus de soixante mille livres de rente, & se trouvant d’ailleurs parfaitement bien chez luy, il est aisé de comprendre qu’ils avoient raison de chercher à faire honneur à leur Maistre, dont ils ne parloient jamais que comme d’un gros Seigneur. Il eust paru mesme ridicule de vouloir rien contester à un homme qui pendant un an entier ne fit qu’augmenter la magnificence de son train. Cependant tout ce grand faste ne produisoit aucun autre effet, que de diminuer considerablement le nombre de ses Louis d’or. Il commençoit à se repentir d’avoir suivi trop imprudemment les conseils de son Ami, quand la fortune sembla luy offrir ce qu’il cherchoit depuis si longtemps. En se promenant un soir dans les Tuilleries, d’un air fort resveur, il fut frappé de l’éclat d’une jeune personne, qui estoit nonchalamment assise sur le Gazon au bout de la grande allée, sans autre compagnie qu’une espece de Suivante. Quoy que cette Belle luy fust inconnuë, l’air de liberté est si à la mode à l’heure qu’il est, qu’il ne fit aucune difficulté de l’aborder. Il luy parla fort civilement, & l’honnesteté qu’elle eut d’entrer avec luy en conversation, l’ayant engagé à quitter le serieux, il crut devoir éprouver si ce n’estoit point quelque bonne fortune, telle qu’on en trouve souvent en ce lieu la, mais elle montra une si grande regularité & dans ses manieres & dans ses réponses, qu’il ne put douter de l’austerité de sa vertu. La nuit commençant à approcher, la Suivante demanda comme à demi bas à sa Maistresse, si elle n’oublioit point qu’elle avoit promis d’aller souper chez la Duchesse qui l’avoit quittée depuis une heure ; la Belle ayant répondu qu’il estoit temps d’y aller, son quartier estant assez éloigné des Tuilleries, elle se leva en même temps, & l’amoureux Cavalier luy ayant offert la main, il eut le plaisir de luy aider à monter dans un Carosse tres-propre, suivie de trois grands Laquais qui luy avoient ouvert la portiere avec beaucoup de respect si-tost qu’elle avoit paru. Avant que de la laisser fermer, il pria tres-instamment la Suivante de luy vouloir dire le nom & la demeure de sa charmante Maistresse, afin qu’il pust l’aller assurer de ses respects. La Suivante ne luy répondit rien de positif, sinon que c’estoit une tres-riche Heritiere, qui ne dépendoit plus d’autres Parens que d’un vieux Marquis, son Oncle, chez qui elle estoit depuis un an, aprés avoir vêcu jusque-là dans un Convent. Ces dernieres paroles ayant redoublé la curiosité & la tendresse du Cavalier ; qu’il croyoit ne pouvoir estre mieux placée, il voulut au même instant chercher à s’éclaircir davantage de la verité, ce qu’il croyoit pouvoir faire en suivant le Carosse de la Belle. Mais quel chagrin n’eut-il pas, quand il apprit d’un de ses Laquais à qui il demanda où estoit le sien, qu’une Dame chez qui il joüoit souvent, l’avoit pris pour une heure seulement en sortant des Tuilleries. Ce contre temps ne pouvoit venir plus mal à propos, le carosse de la Belle s’éloignoit toûjours, & perdant toute esperance de pouvoir apprendre dés ce mesme jour ce qu’il souhaitoit si ardemment de sçavoir, il prit la resolution de s’en retourner chez luy, pour resver plus librement à son avanture. Entre mille idées qui s’offrirent à son esprit pendant la nuit, sa raison luy fit conclurre que le mieux qu’il pouvoit faire pour estre éclaircy de ce qui l’inquietoit, c’estoit de se trouver fort assidument aux Tuileries, persuadé que la Belle auroit soin de profiter des beaux jours pour la même promenade. Le lendemain il prit un habit fort magnifique, & s’y rendit de bonne heure, pour ne pas laisser échaper l’occasion, s’il estoit assez heureux pour y rencontrer cette charmante personne. Il parcourut plusieurs fois toutes les allées, & ses recherches estant inutiles, il estoit prest de sortir, lors qu’il vit tout d’un coup venir la Belle sans autre compagnie que de sa suivante. Il courut au devant d’elle avec un empressement qui luy fit connoistre une partie de ce qui se passoit dans son cœur. Elle n’en fut nullement fâchée, & le parut encore moins quand il l’assura qu’il n’estoit venu en ce lieu-là que dans l’esperance de la rencontrer, & qu’il y avoit déja fort long-temps qu’il soupiroit aprés ce bonheur. La conversation estant devenuë fort enjoüée par les jolies choses que l’amour & la veuë de l’interest faisoient dire au Cavalier, & ausquelles on répondoit avec toute la finesse imaginable, ils passerent prés de deux heures ensemble sans s’appercevoir qu’il estoit fort tard. Le Cavalier ne put se separer de la Belle sans luy témoigner l’extraordinaire impatience qu’il avoit d’aller à ses genoux luy offrir tout ce que la fortune avoit mis en son pouvoir, ce qu’il auroit déja fait s’il avoit sceu sa demeure. A ces mots elle parut toute émuë & interdite ; & la Suivante voulant suppléer à son defaut, dit au Cavalier en s’approchant de son oreille, qu’il vinst encore deux ou trois jours aux Tuileries, sans s’informer à personne ny de la demeure, ny du nom de sa Maistresse ; qu’elle se chargeoit de l’en éclaircir d’une maniere qui luy seroit agréable, & que rien ne luy pouvoit nuire davantage, que de vouloir apprendre trop tost ce qu’il étoit bon qu’il ignorast encore quelque temps. Cet air de mistere plut infiniment au Cavalier. Il crut s’en devoir tenir à ce qu’on venoit de luy promettre, & se contenta de remettre la Belle en carrosse, sans l’importuner par de nouvelles instances. Comme la Suivante s’estoit arrêtée exprés quelques pas derriere, il eut l’adresse de luy glisser une bourse de trente Loüis dans la poche de son tablier, & se retira promptement ensuite, persuadé qu’un pareil present avanceroit ses affaires. La Suivante fort ravie montra le present du Cavalier à la Belle, qui luy fit mille promesses de la récompenser encore tout d’une autre sorte, si elle conduisoit si bien cette intrigue, qu’elle pust se terminer par un mariage. Elle avoit raison de le souhaiter, sa fortune estant beaucoup au dessous de la mediocre. C’estoit une jeune Fille des environs de Paris, qui ignoroit le nom de son Pere, & qui sçavoit seulement que sa Mere s’appelloit Janneton Bombec. Un vieux Marquis qui avoit toujours aimé le beau Sexe, l’ayant veuë un jour au Palais Royal, en fut si touché, qu’il luy proposa de la prendre chez luy sous le titre de sa Niece, afin qu’il pust couvrir son intrigue des apparences de bienséance. La Belle qui tenoit un peu de la douceur naturelle de sa Mere, crut ne pouvoir rien faire de mieux que d’accepter le parti. Il ne s’estoit jamais marié, & cette prétenduë Niece, qu’il fit appeler Mademoiselle d’Ortignac, du nom d’une assez belle Terre qu’il possedoit, devoit heriter de luy, à ce qu’il fit croire à plusieurs de ses Amis, & à tous ses Domestiques. Il y avoit plus d’un an qu’elle estoit sur ce pied-là chez le vieux Marquis, qui luy trouvoit tant de charmes, & des manieres si engageantes, qu’il n’épargnoit rien pour l’entretenir du bel air, la laissant même à toute heure maistresse de son équipage. Comme cette avisée Niece avoit tout sujet de ménager un Oncle si liberal, & qui en usoit si bien pour ses interests, elle luy conta les termes où elle en estoit avec le Cavalier, qui témoignoit de si grands empressemens pour la voir, que pourvû que l’on conduisist la chose adroitement, on pouvoit dire que c’estoit un homme qui parleroit bien-tost d’épouser. Le vieux Marquis qui luy souhaitoit beaucoup de bien, resolut de contribuer de tout son pouvoir à ses avantages ; & ayant appris le nom du Cavalier, qui luy estoit déja connu par les dépenses qu’on luy voyoit faire, il s’informa avec tant de soin de ce qu’il estoit, qu’il vint enfin a bout de sçavoir sa veritable naissance. Il perdit alors tous les scrupules qui l’arrestoient, & permit à la Belle & à la Suivante d’employer tous les moyens qu’elles pourroient imaginer pour faire que le Cavalier donnast plus facilement dans le panneau, ce qu’il n’eust pas fait si cet Amant eust esté d’une naissance assez distinguée pour meriter les égards qu’on doit aux personnes qui ont quelque rang. En faisant donner à la Belle le nom de Mademoiselle d’Ortignac, il l’avoit fait passer pour une riche Heritiere, à qui cette Terre appartenoit ; & comme il falloit enfin qu’aprés plusieurs entreveuës dans les Tuileries, le Cavalier la vist dans l’appartement qu’il luy faisoit occuper chez luy, il s’avisa d’une chose fort plaisante, qui fut d’envoyer querir un Peintre auquel il se confioit, & le prier de luy dessiner incessamment de sa pure imagination, une magnifique maison de campagne, & de mettre au bas du carton en gros caracteres, Veuë & Perspective du Chasteau d’Ortignac. Dans ce moment, la Suivante, qui estoit des plus inventives pour duper les sots, dit qu’il seroit bon aussi de faire un gros registre intitule, Estat des biens & dépendances de la Comté d’Ortignac, & d’en remplir les feüillets de la teneur de plusieurs Fermiers differens. Cette invention fut trouvée spirituelle, & on ne negligea rien pour mettre dés lendemain ces deux fourberies en estat de réussir. Le Peintre fit un Chasteau, auquel il sembloit que les plus habiles Architectes s’estoient surpassez. D’un autre costé le vieux Marquis qui s’estoit chargé de remplir luy-même le Registre, y avoit mis tant de garniture, qu’il se trouvoit plus de vingt mille livres de Baux à ferme, dont il estoit dû prés de deux années, sans les rentes Seigneuriales, qui faisoient encore une grosse somme. La Belle voyant ces préparatifs achevez, prit son carrosse ordinaire, & estant entrée aux Tuileries à l’heure accoutumée, elle s’y trouva prévenuë du Cavalier, que son impatience amoureuse, & l’esperance d’une tres-grosse fortune, y faisoient toujours venir longtemps avant elle. Le Cavalier luy marqua toujours une forte passion. La Belle répondit favorablement ; & ces entreveuës ayant continué encore quelques jours, elle luy en marqua enfin un où elle pourroit le voir chez le vieux Marquis, son Oncle, avec priere de ne faire encore aucun éclat. La Suivante se chargea de luy aller dire le lendemain jusque chez luy, en quel endroit il faudroit qu’il se trouvast, afin qu’un des Laquais qui le connoissoient pour l’avoir vû remettre leur Maistresse en carrosse, le vinst prendre pour le conduire chez elle. Cete Suivante ne manqua à rien de ce qu’elle avoit promis. Elle alla le trouver le jour suivant, & luy apprit que la Belle s’appelloit Mademoiselle d’Ortignac, ayant herité d’une Comté de ce nom qui luy apportoit un grand revenu ; que le vieux Marquis son Oncle, chez qui elle demeuroit, & à qui elle avoit conté la passion qu’il avoit pour elle, estoit déja ébranlé pour consentir à leur mariage ; qu’il connoissoit tous les avantages de la Maison dont il estoit descendu, & que quoy que sa Niece pust prétendre aux Partis les plus considerables, il estoit resolu de ne pas faire violence à son inclination, puis qu’il jugeoit à propos que l’affaire se traitast secretement, afin qu’il ne fust point accablé de certaines gens qui avoient voulu luy demander sa parole. Le résultat de la confidence fut que le Cavalier se trouveroit dés l’aprés dînée dans la grande Salle du Palais ; qu’il y viendroit en en chaise sans aucune suite, & qu’on le conduiroit dans une Maison qui n’estoit pas éloignée de là, & où il seroit agreablement reçû. La Suivante ne fut pas plutost partie, que le Cavalier transporté de joye, se fit apporter le plus beau de ses habits. Aprés qu’il se fut paré autant que peut l’estre un homme qui met dans l’ajustement une partie de son merite, il dîna en poste & monta en chaise, deffendant à ses Laquais de le suivre. Il eut tout loisir de s’ennuyer dans le lieu du rendez-vous, puis qu’on ne l’y vint prendre qu’à plus de quatre heures. Estant arrivée chez le vieux Marquis, on le fit passer par trois grands appartemens qui aboutissoient à un cabinet tres agréable, où on luy presenta un fauteuil en le quittant. La premiere chose sur laquelle il jetta les yeux fut la Perspective d’Ortignac, dont l’Architecture luy parut superbe, & d’un tres bon goust. Laissant ensuite tomber sa vûë sur un Bureau magnifique, il y remarqua des Livres parmy lesquels se trouva le grand Registre à demy ouvert. La curiosité l’ayant porté à le feüilleter. Il connut bientost que c’estoit avec raison que le Chasteau d’Ortignac avoit tant de rares embellissemens, puisque les revenus en estoient si considerables. A peine eut-il remis le Registre, qu’il vit la Suivante qui s’avançoit vers le Cabinet. Il courut au devant d’elle, & luy demanda s’il seroit encore longtemps sans voir l’aimable personne qu’il venoit chercher. Elle répondit qu’elle avoit ordre de le prier de luy vouloir bien donner encore un quart d’heure, parce qu’un de les Fermiers venoit d’arriver qui luy apportoit trois mille cinq cens livres. En mesme temps s’estant tournée du costé du Bureau, elle fit fort l’étonnée d’y voir le Registre que sa Maistresse ne croyoit pas y avoir laissé, & qu’elle l’envoyoit atteindre dans sa cassette, afin qu’elle pust compter avec ce Fermier. Le Cavalier entendant ces choses qui luy plaisoient infiniment, voulut par un nouveau trait de liberalité, achever de s’acquerir la Suivante. Ainsi, comme elle sortoit avec le Registre, il l’arresta par le bras, & mit dans sa main une autre bourse de trente Louis, en la conjurant de contribuer à rendre heureux un homme qui estoit au desespoir de n’avoir que cinq cens mille francs à offrir à son incomparable Maistresse. Cette suivante trouvant que ce n’estoit plus la mode de refuser un present semblable, le reçût humainement, & assura cet Amant prodigue, qu’avant huit jours, dans l’heureuse disposition où elle avoit mis les choses, il auroit tout lieu d’estre content de ses soins, aprés quoy elle s’enfuit le laissant dans des épanchemens de joye, qu’on ne sçauroit exprimer. Le Fermier de sa Maistresse n’ayant pas tardé beaucoup à regler ses comptes, elle parut un moment aprés, & eut le plaisir de voir le tendre & fidele Cavalier se jetter brusquement à ses genoux, la priant avec les termes les plus passionnez, d’agréer son cœur, & tout ce qu’il possedoit au monde, dont il la rendoit maistresse absoluë. Mademoiselle d’Ortignac qui avoit des réponses prestes pour toutes sortes de complimens, n’en manqua pas dans une pareille occasion. Elle luy dit sur les nouvelles protestations qu’il commença de luy faire, qu’elle avoit si bien ménagé l’esprit de son Oncle, qu’elle estoit persuadée qu’il ne mettroit point d’obstacle à leur union ; qu’il luy avoit permis de recevoir ses visites, & qu’elle avoit envoyé sçavoir s’il agréeroit qu’ils l’allassent trouver. Peu de temps aprés on leur vint dire que le vieux Marquis les attendoit dans sa chambre, & qu’ils luy feroient plaisir s’ils vouloient y passer. C’estoit un homme d’un peu plus de soixante ans, d’une naissance considerable, & qui avoit l’air de ce qu’il estoit. Il sçavoit parfaitement le monde, & receut le Cavalier admirablement. Il luy dit qu’ayant appris qu’il avoit dessein d’épouser sa Niéce, il se tenoit honoré de sa recherche ; qu’il le preferoit à plusieurs autres qui avoient fait pressentir s’il voudroit les écouter, que la cause de cette preference venoit non-seulement de son merite, mais de ce qu’on ne luy cachoit pas qu’il estoit aimé ; qu’ainsi pour contenter son amour, & se mettre à couvert des plaintes que les autres Prétendans ne manqueroient pas de faire, il vouloit terminer la chose en peu de jours, & que pour cela, c’estoit à luy de voir si sa Niéce l’accommodoit avec une Terre dont elle portoit le nom, outre la part qu’elle auroit dans sa succession avec ses autres Heritiers. Quelle joye ne ressentit point le Cavalier à une proposition qui luy paroissoit si avantageuse ! Il en estoit si fort penetré qu’il ne sçavoit de quelle maniere marquer sa reconnoissance. Tantost il couroit embrasser le vieux Marquis, en l’assurant qu’il luy estoit plus obligé que s’il luy donnoit une seconde vie ; tantost il prenoit les mains de la Suivante, & les serroit tendrement, pour luy marquer combien il estoit sensible aux bons offices qu’elle luy avoit rendus, & enfin il faisoit tout ce qu’un homme qui se croit tout prest d’atteindre au parfait bonheur qu’on peut imaginer pour faire éclater sa joye. Le vieux Marquis voulant profiter d’une semblable disposition, envoya querir un Notaire, & les Articles furent signez dés ce mesme soir. Il est aisé de juger qu’on les regla avec peu de peine. Cela estant fait, ils convinrent d’aller incognito le jour suivant à une petite maison de campagne de l’Abbé, éloignée de Paris de quatre lieuës, dans le dessein d’y faire le mariage si-tost qu’un des Bans auroit esté publié. On acheta les deux autres, & les fortunez Amans receurent enfin la Benediction nuptiale, réünissant à ce qu’ils disoient l’un à l’autre, plus de soixante mille livres de rente, mais tous ces grands biens disparurent un mois aprés ; la tromperie de la fausse Niéce fut connuë, & le Cavalier sçachant que le vieux Marquis n’avoit aidé à la soutenir que parce qu’on luy avoit fait connoistre d’abord son peu de naissance, ne trouva pas à propos de faire éclat, puisqu’il n’avoit esté dupé qu’aprés avoir crû duper luy-mesme. Ainsi pour la moitié de son bien que sa vanité luy avoir fait consumer en folles dépenses, il n’eut qu’une Femme, jolie à la verité & pleine d’esprit, mais soupçonnée d’avoir eu bien des Amans avant que d’avoir pû trouver un Mary.

[Vers à Madame la Princesse de Savoye]* §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 237-251.

Cette Pricesse ayant esté le lendemain de son arrivée, voir le College des Jesuites, six jeunes Gentilshommes, qui étudient en Rhetorique sous le Pere Colonia, reciterent les Vers que vous allez lire.

À MADAME LA PRINCESSE
DE SAVOYE.

Vous qui par la raison devançant les années,
Commencez à remplir vos hautes destinées,
Princesse, qui déja voyez de toutes parts
De l’Univers sur vous confondre les regards :
 Je sçay bien que la Renommée
 Vous a mille fois informée
 Des vertus du plus grand des Rois ;
Que chaque jour mille fideles voix
 Remplissent vôtre ame charmée
 De son Nom & de ses Exploits.
Je sçay que du Public le sincere langage
A pris grand soin sur tout de tracer à vos yeux
 Une brillante & vive image
De ce Prince accompli, qui malgré son jeune âge,
 Déja répond à ses Ayeux,
Et que le Ciel vous destine en partage
Pour assurer le bonheur de ces lieux.
Pour connoistre & l’Ayeul, & le Fils, & le Pere,
Vous n’avez pas besoin du secours de mes Vers.
 Pour sçavoir leur vray caractere,
Il ne faut qu’écouter ce qu’en dit l’Univers.
Agréez cependant qu’à ces Portraits divers
J’ose en ajoûter un qui paroîtra sincere.
C’est en tremblant que j’ose vous le faire ;
  Mais sans estre trop temeraire,
J’ose conter que ce foible Portrait
 Ne sçauroit manquer, de vous plaire,
Quand même de LOUIS il n’auroit qu’un seul trait.

PORTRAIT
DE LOUIS LE GRAND.

Ce Monarque fameux dont le Ciel a fait choix
Pour le bonheur du siecle, & des lieux où nous sommes,
Est depuis cinquante ans, d’une commune voix,
 Le plus parfait de tous les hommes,
 Et le plus grand de tous les Rois.
***
Rien ne peut échaper à sa rare prudence,
 Rien ne fatigue sa clemence.
 Rien ne resiste à son grand cœur.
 Par sa bonté, par sa valeur
Il fait de l’Univers, dans la Paix, dans la Guerre
 Les delices, ou la terreur ;
Et jamais le Destin n’envoya sur la Terre.
 Rien de plus grand, rien de meilleur.
***
Pour rendre à l’avenir son Histoire croyable,
Il en faut retrancher mille exploits inoüis.
 Plus elle sera veritable,
 Moins elle sera vray-semblable ;
Et nos Neveux un jour, étonnez, ébloüis,
 Auront droit de traiter de fable
Le surprenant amas des hauts faits de Loüis.
***
 Mais nostre crainte sera vaine.
 Le Ciel qui chérit ce Heros,
Par une route & nouvelle & certaine,
Veut immortaliser ses glorieux travaux.
Il suscite un esprit d’un noble caractére,
 Qui prend soin jour par jour,
De circonstancier dans un détail sincere,
Et d’un stile dont l’air, la noblesse, & le tour.
 Ne peut manquer de convaincre & de plaire,
Tout ce que Loüis dit, tout ce qu’il luy voit faire.
 Pour tracer un Portrait si beau,
 Il falloit la main de Dangeau.
***
 Vingt Potentats que la crainte, ou l’envie
 Avoient unis par les nœuds les plus forts,
Pour obscurcir l’éclat d’une si belle vie
Ont fait durant neuf ans leurs plus puissans efforts.
Mais ils n’ont fait que servir à la gloire
 De ce Heros victorieux
 Ils vont fournir à son Histoire,
L’endroit le plus sublime & le plus merveilleux.
Et pour éterniser leur honte & sa memoire
 Ils ne pouvoient s’y prendre mieux.

PORTRAIT
DE MONSEIGNEUR.

 Ce Heros, l’espoir de la France,
 Et les delices de la Cour,
 Unit aux droits de la naissance
Ceux d’un merite rare & qui croist chaque jour.
 On trouve dans son caractére
Les suprêmes talens de son Auguste Pere,
Et de son juste Ayeul l’inflexible équité.
Il a du grand Henry la noble activité,
L’air engageant, le feu, la popularité,
 Et la Pieté de sa Mere.
 Comme Loüis, il aime les Combats,
 Tout son penchant est pour les armes,
Et sa main bien-faisante a d’infaillibles charmes,
Qui luy livrent les cœurs des Chefs & des Soldats.
Enfin, ce Roy si grand, si fort inimitable,
Si digne cependant d’estre imité de tous,
A pû trouver un Fils à son Pere semblable
 Et qui ressemble à vôtre Epoux.

PORTRAIT
de Monseigneur
LE DUC DE BOURGOGNE,

Le jeune & digne Epoux que le Ciel vous destine,
Princesse, brille moins par l’éclat de son rang,
 Que par son air, & par sa bonne mine.
 Tout marque en luy son origine ;
Tout montre en quelle source il a puisé son Sang.
***
Il aura de Louis la taille & le visage.
Il en a la fierté meslée à la douceur.
On reconnoist en luy son esprit & son cœur.
 Jamais Prince dans son jeune âge
 Ne charma tant, ne promit davantage.
 Tout ce qu’il fait, tout ce qu’il dit
Fait voir un vray Heros, un Loüis en petit.
***
En attendant que la fiére Bellone
 Le range sous ses étendarts,
 Tout le loisir que son âge luy donne,
Est pour Minerve, un jour il sera tout pour Mars.
 La Déesse qui le façonne
De ses riches talens, elle mesme s’étonne,
Et dit qu’un jour ce Prince au milieu des hazards
Sera tel, & plus grand qu’il n’est dans les beaux Arts.
***
Pour vous faire en deux mots son image fidéle :
Lorsque le Ciel forma vôtre charmant Epoux,
 Il prit Loüis pour son modéle,
 Mais il ne le fit que pour vous.

PORTRAIT
de Madame
LA PRINCESSE DE SAVOYE.

 Objet de nos vœux les plus doux
 Princesse, si toute la Terre
Nous fait depuis neuf ans une cruelle guerre,
Ce n’est plus un sujet de murmure pour nous.
***
De cent Peuples liguez la valeur orgueilleuse
Comme un torrent devoit nous inonder.
 Tout sembloit devoir luy ceder.
 Mais cette haine impetueuse
 A vû confondre son espoir.
 Elle nous est avantageuse,
 Elle nous devient précieuse,
Puisque nous luy devons le bonheur de vous voir.
***
Oüi, tant de flots de sang qu’il a fallu répandre
 Ou pour vaincre, ou pour nous deffendre,
 Nous ne les contons plus pour rien,
Ce jour, cet heureux jour, nous dédommage bien.
Le Ciel nous ménageant vôtre heureuse alliance,
Remplace avec excés tant de sang répandu.
Sa liberale main vous donnant à la France
Luy rend mille fois plus que ce qu’elle a perdu.

Le mesme Pere a fait la Devise suivante, pour la même Princesse. Le Corps est un Arc-en-ciel, ou une Iris, avec ces mots :

Pacis nuntia, Solis opus.

MADRIGAL
Pour servir d’explication à la Devise.

Du Soleil qui me forme on me nomme la Fille.
Si je saisis les yeux par l’éclat dont je brille,
 C’est au Soleil que je le doy.
 C’est de luy seul que je reçoy
 Mon nom, mon pouvoir, ma figure.
 Dés le moment que je parais
Je fais changer de face à la nature,
Le Ciel devient serain, la Terre se rassure.
J’amene le beau temps, & j’annonce la Paix.

[Nomination du maître de danse et du maître de musique de la princesse de Savoie]* §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 273-276.

 

[...] On arriva sur les cinq heures à Fontainebleau par la cour du cheval blanc. Le Roi donna la main à la Princesse ; Messeigneurs les Ducs d'Anjou & de Berri qui l'attendoient au haut de l'Escalier du Fer à cheval, la salüerent sans la baiser ; le Roi la conduisit d'abord à la Tribune de la Chapelle, où il se fit une courte priere, & ensuite dans son appartement, qui est celui de la Reine-mere, où toutes les Princesses l'attendoient. La foule estoit au-delà de ce qu'on peut imaginer. Le Roi y demeura plus d'une heure. Sa Majesté s'estant retirée, toutes les Dames vinrent saluër la Princesse dans sa petite chambre ; & si-tost qu'elles furent retirées elle quitta son habit, qui estoit fort riche & fort garni de pierreries, & prit un deshabillé. Elle soupa seule dans son grand Cabinet. Le lendemain sur les deux heures & demie le Roy alla prendre cette Princesse, & la mena promener dans le parc. On luy a donné plusieurs Maistres. Mr Raynal, qui a eu l'honneur de montrer à danser à Monseigneur, a l'avantage d'avoir esté choisi pour maistre de cette Princesse, & le Roy a nommé Mr Buterne pour luy montrer à joüer du Clavessin, à cause de sa sagesse & de son habileté.

Quoy que cette Princesse n'eust jamais appris à toucher le Clavessin, elle y réussit si bien dés la premiere leçon qu'il luy donna, qu'il eut de la peine à se persuader qu'elle n'eust pas joüé plusieurs fois de cet Instrument.

[Madrigaux & Epigrammes] §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 276-278.

Je doy ajoûter icy deux Madrigaux de mon voisin, dont vous sçavez que les Ouvrages sont dans une estime generale.

Sur le Mariage de Monseigneur le Duc de Bourgogne avec Madame la Princesse de Savoye.
MADRIGAL.

 Les vents liguez avec les flots,
 Dans l’horreur du premier cahos,
 Vouloient replonger la Nature,
 Et les Dieux dans un plein repos
Sembloient justifier l’indolent Epicure ;
 Quand, pour rassurer l’Univers,
L’Amour fit par ces mots trébucher aux Enfers
  La Discorde perfide :
 Calmez-vous, fieres Nations,
Le Prince de Bourgogne épouse Adelaïde ;
 Portez respect aux Alcyons.

Sur le même sujet.

Lors que dans l’onde Hesperide
Phœbus fut trois jours plongé,
L’univers triste & timide
Par la naissance d’Alcide
En fut bien dédommagé.
Nuit affreuse de la guerre,
Que nous serons réjoüis ;
Si bien-tost à nostre Terre
Ton effroyable tonnerre
Annonce un nouveau LOUIS.

Voicy pour les Sçavans de vostre Province, quelques Epigrammes Latines de Mr l’Abbé le Houx, sur le même sujet.

Firma Sabaudorum cum Francis fœdera stabunt.
Quidni ? Hæc fecerunt Paxque Venusque simul.

ALIUD.

Pax & Amor sævo imposuére silentia Marti.
O quantùm in Superos numen utrumque potest !

ALIUD.

Plus mellita levis valuêre Cupidinis arma,
Horrida quàm Martis fulmina jacta manu,

Air nouveau §

Mercure galant, novembre 1696 [tome 11], p. 327-328.

Les paroles suivantes sont de Mr Mallemans de Colonge, & l'Air est de Mr d'Ambruis.

AIR NOUVEAU.

: L’Air doit regarder la page 328.
Venez, favorable Princesse
Que la Paix conduit en ces lieux.
Vostre Hymen approuvé des Cieux,
Remplit la France d'allegresse.
Son réjoüissant appareil
Nous fera naistre aprés la guerre,
Des rayons de nostre Soleil
Quelque Astre propice à la terre.
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