1696

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12].

2017
Source : Mercure galant, décembre 1696 [tome 12].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12]. §

[Madrigal à la mesme Princesse1] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 14-15.

Mr Bosquillon, de l’Academie Royale de Soissons, a fait les Vers que vous allez lire, pour cette même Princesse.

MADRIGAL.

Princesse, nos François, en vous voyant paroistre,
 Se piquent tous de vous connoistre.
Par vos rians appas justement prévenus
 Ceux-cy vous prennent pour Venus,
 Qui sort du moite sein de l’onde,
Et d’un feu doux & pur vient embraser le monde.
 Ceux-là ne comptent que vos ans.
Et sous le nom d’Hebé vous offrent leur encens.
À vostre teint fleuri, tel vous prend pour l’Aurore ;
À la noble fierté qui brille dans vos yeux,
 Tel autre, qui se trompe encore,
En vous nommant Pallas croit vous deviner mieux.
 Mais d’où vient, Princesse adorable,
Que pour vous définir on recourt à la Fable ?
Les biens que vous causez, vos vertus, vos attraits,
Vous annoncent assez pour un Ange de Paix.

Eglogue §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 84-95.

 

Voicy une Eglogue qui a esté chantée deux fois à Fontainebleau, au Soupé du Roy, où elle a receu de grands applaudissemens. Les Vers sont de Madame de Xaintonge, dont tout le monde connoist l'excellent genie. Les Airs ont esté faits par Mr Marchand, de la Musique du Roy.

 

EGLOGUE.

Un jeune Berger joüe de la Basse.
Deux Satyres & deux Dryades s'avancent.

I. Satyre.

Qu'entens-je ? Ô Dieux ? quels agreables sons ?

 

II. Satyre.

Quelle douce harmonie ?

 

I. Satyre.

Ecoutons !

 

II. Satyre.

Ecoutons.

 

I. Satyre.

Ah, je ne puis me deffendre
Des mouvemens jaloux qui viennent me surprendre.
Quand le Heros qui fait tous nos desirs
Revient dans nos climats, c'est à nous seuls à prendre
Le soin de ses Plaisirs.
Ah ! je ne puis me deffendre
Des mouvemens jaloux qui viennent me surprendre.
Un jeune audacieux
Oseroit-il prétendre
De partager nostre sors glorieux ?
Ah ! je ne puis me deffendre
Des mouvemens jaloux qui viennent me surprendre.

 

I. Dryade.

Le respect doit calmer
Le violent dépit qui vient vous animer.
C'est le zele qui le fait naistre ;
Mais devant nostre auguste Maistre
Le respect doit le calmer.

 

II. Dryade & les deux Satyres.

Etouffez vostre/nostre jalousie,
Pour plaire au plus puissant des Rois :
Qu'un même destin vous/nous lie ;
Accordez/Accordons vos voix
À cette douce harmonie.

 

I. Dryade.

Trop heureux d'habiter ces aimables climats
Où son penchant le ramene,
Plus heureux mille fois qui suit toujours ses pas.
La plus cruelle peine
Est de ne le voir pas.

 

Les deux Satyres.

Que l'Automne est pour nous une
Saison charmante !
Chantons ses douceurs ;
Elle est plus riante
Que la saison des fleurs.
Son jus est delectable,
Mais c'est moins par ce jus divin
Qu'elle bannit nostre chagrin,
Qu'en ramenant icy ce Heros redoutable.

 

Les deux Satyres & les deux Dryades.

Profitons d'un temps précieux ;
Que nos concerts volent jusques aux Cieux !
Repetons mille fois dans nostre ardeur fidelle,
De toutes les saisons l'Automne est la plus belle.

 

I. Dryade.

Dans ces lieux charmans
L'Amour est sans allarmes.
On aime assez pour goûter tous ses charmes,
On n'aime pas assez pour souffrir ses tourmens.

 

II. Dryade.

Quand l'Amour veut toujours toucher notre Ame,
Il faut s'abandonner à toutes ses langueurs.
Plus on est penetré de l'ardeur de sa flame
Et plus on ressent ses douceurs.
***
D'aimables chaisnes
Doivent couster des soins & des soupirs ;
L'Amant n'a point de vrais plaisirs
Pour les Amans qui s'exemptent des peines.

 

II. Satyre.

Chacun dans cet heureux sejour,
Goûte à son gré les plaisirs de la vie,
Sans contraindre son envie
On suit Bacchus ou l'Amour :
Souvent on se fait une gloire
D'estre Buveur sans cesser d'estre Amant.
Pour moy qui ne sçait que boire
Je bois incessamment.
***
Pour les plus beaux yeux du monde
Je ne quitterois pas ma bouteille un moment :
Je goûte une paix profonde,
Je suis sans soins, je ris, je dors tranquillement.
Je ne quitterois pas ma bouteille un moment
Pour les plus beaux yeux du monde.

 

I. Satyre.

Pour le doux jus de la treille
Je ne quitterois pas ma Bergere un moment :
Je briserois ma bouteille
Si Bacchus m'arrachoit à cet objet charmant ;
Je ne quitterois pas ma Bergere un moment
Pour le doux jus de la treille.

 

II. Satyre.

Bacchus seul remplit tous mes voeux,
Pour goûter ses plaisirs, jamais on ne soupire ;
Ce n'est pas l'employ d'un satyre
De faire le langoureux.

 

I. Satyre.

Le vin fait toute ta gloire
Luy seul a droit de s'enflamer :
Tu n'as que le plaisir de boire,
Et moy, j'ay le plaisir & de boire & d'aimer.

 

I. Dryade.

En vain tout plaist, tout enchante
Dans cet aimable sejour ;
Si l'on en bannissoit l'Amour
Y pourroit-on donner une feste galante ?
Bacchus mesme ne suffit pas
Pour les plaisirs de la table,
Lorsque l'Amour se mêle d'un repas
Il est cent fois plus agreable.

 

II. Satyre.

Ah, que les Buveurs sont heureux
Sous les loix du Dieu de la treille !
Il endort, il reveille,
Il chasse les chagrins, il rassemble les Jeux.
Ah, que les Buveurs sont heureux
Sous les loix du Dieu de la treille !
Les plus tendres Amans pour animer leurs feux
Devroient courir à la bouteille.
Ah, que les Buveurs sont heureux
Sous les loix du Dieu de la treille !

 

II. Dryade.

Sans le secours du vin l'Amour a des douceurs
Qui sont toûjours nouvelles
Pour les tendres coeurs.
Amans fidelles,
Gardez-vous bien d'estre buveurs,
L'Amour veut du mistere,
Et lorsque de Bacchus on ressent les ardeurs,
Le plus discret ne peut se taire.

 

II. Satyre.

Lors qu'un Amant touche le coeur
D'une inhumaine,
L'Amour veut le contraindre à cacher son bonheur,
Ah quelle gêne !
Bacchus nous fait un plus heureux destin,
La liberté regne dans son Empire,
Et lors qu"on a bû de bon vin
Il est permis de la dire.

 

I. Dryade.

C'est trop parler d'aimer !

 

I. Satyre.

C'est trop parler de boire !

 

Ensemble.

Rien ne peut nous charmer
Que la brillante gloire
Du plus grand des Vainqueurs ;
Luy seul vient d'animer & nos voix & nos coeurs.

 

Les deux Satyres & les deux Dryades.

Que ce Heros calme toute la terre.
Qu'il fasse triompher la Paix.
Qu'il enchaisne pour jamais
Le démon de la guerre.

[Maniere de petit Opera] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 132-145.D'après cet article, la personne qui se cache sous le pseudonyme de Tamiriste aurait écrit ce livret.

 

Je croy ne pouvoir vous obliger davantage qu'en vous faisant part d'un Ouvrage qui s'est fait sur la Paix de Savoye, en maniere d'Opera. Il paroist d'abord un grand nombre de Combattans & de Guerries, divisez en deux troupes, l'une de François, l'autre d'Alliez. La Scene est surs les confins du Piedmont.

 

CHOEUR D'ALLIEZ.

Frapons, perçons, soyons impitoyables,
Accablons les François sous l'effort de nos coups.
Que nos plaisirs les plus doux
Soient de faire des miserables.

CHOEUR DE FRANÇOIS.

Vos efforts unis contre nous
N'en sont pas plus redoutables.
Nos coups sont inévitables,
Vous allez périr tous.

Mercure

paroissant sur un nuage.
Fiers Peuples que séduit la discorde insensée,
Qui remplissez ces lieux de carnage & d'horreur,
Eprouvez de mon Caducée,
Les appas & la douceur.

Deux François.

Quel charme subit nous arreste,
Et rend nos esprits étonnez ?

Deux Alliez.

Nos coeurs à la guerre obstinez
D'un tranquile repos deviennent la conqueste.

Mercure.

Le Maistre Souverain qui regit l'Univers
Lassé de voir ces aimables Provinces
Succomber sous le poids de mille maux divers,
A touché le coeur de vos Princes.
La France & le Piémont par un voeu solemnel
Vont resserrer les noeuds de l'ancienne alliance ;
Un couple chéri du ciel
Est le gage sacré de leur intelligence.
***
En même temps les Piémontois se détachent du reste des Alliez, & disent avec les François :

 

CHOEUR de François & de Piémontois.

Des Peuples oppressez, c'est le plus doux souhait.

Un François.

Dieux ! que la Princesse est charmante !

Un Piémontois.

Que le Prince est bien fait !

Le François.

Dans leurs traits, dans leurs airs ; il n'est rien qui n'enchante.

Choeur de de François & de Piémontois.

Qu'ils sont dignes tous deux de l'Empire François !
Heureux ceux qui suivront leurs loix.

Mercure parlant au reste des Alliez.

Vous qui n'approuvez point ce retour de tendresse,
Partez, ne troublez pas la commune allegresse.
Allez exercer vos fureurs
Dans quelque climat barbare,
Et si vous aspirez au titre de Vainqueurs,
Deffendez vos pays du Scythe & du Tartare.

Les Alliez.

Quel arrest !quel ordre cruel !
Que plutost Jupiter lance sur nous sa foudre,
Que plutost son bras immortel
Nous réduise en poudre.

Mercure.

Connoissez mieux vos interests
Ecoutez de Loüis les offres obligeantes,
Vous pourrez voir la Paix & ses graces brillantes
Me suivre de près.

 

Les Alliez sortent & Mercure continuë.

 

Et vous, braves Guerriers, de qui l'obeïssance
Egale l'extrême valeur,
Marquez par mille jeux vostre réjoüissance,
Et bénissez à jamais le bonheur
De la Savoye & de la France.
Bellone va quitter ces lieux,
C'est l'ordre du plus grand des Dieux.

Les François & les Piémontois.

Marquons par cent plaisirs nostre réjoüissance,
Et benissons à jamais le bonheur
De la Savoye & de la France.
Bellone va quitter ces lieux,
C'est l'ordre du plus grand des Dieux.

 

Mercure part, & des Bergers, des Bergeres, & des Faunes, viennent se joindre aux Guerriers.

 

Un Berger.

Des plus profondes retraites
Nous accourons à vos voix,
Pour joindre nos tendres Musettes
À vos Trompettes,
À vos Timbales, à vos Hautsbois.

Choeur des Guerriers & des Bergers .

Ce beau jour, malgré l'envie,
Est fait pour de doux concerts.
D'une agreable harmonie
Faisons retentir les airs.

Une Bergere.

Que de plaisirs nous allons voir paroistre !

Un Berger.

Les fleurs en liberté sous nos pas vous renaisre.

La Bergere.

Nos innocens Troupeaux
Seront seurs dans nos Campagnes.

Une autre Bergere.

Et nos aimables Compagnes
Iront sans crainte aux Hameaux.

Tous les trois ensemble.

Sur ces fertiles rivages
À l'ombre de nos Forests,
Goûtons tous les avantages
D'une bien-heureuse Paix.
***
Moutons, cessez de vous plaindre,
Quittez la vaine frayeur.
Nous n'avons plus rien à craindre,
Si ce n'est pour nostre coeur.

Un Berger

à l'une des Bergeres.
Bergere, lors que Mars fait place
À l'Amour qui regne aujourd'huy,
Peut-estre ton coeur de glace
Pourra-t-il estre attendry.

La Bergere.

J'aime ma liberté, mon coeur est inflexible,
Il ne met son souverain bien
Qu'au plaisir de rendre sensible,
Et de ne sentir jamais rien.

Le Berger

à l'autre Bergere.
Cette Bergere inexorable
Méprise l'ardeur de mes feux,
Si ton coeur estoit plus traitable
Il me vangeroit à ses yeux.

La Bergere.

J'approuve le dépit qu'un tel refus fait naistre,
Je voudrois t'y servir, loin de te condamner ;
Mais je n'avois qu'un seul coeur à donner,
Et ce Berger en est le Maistre.

Le Berger.

Rebuté de l'Amour, accablé de refus,
À quel secours dois-je m'attendre ?

Un Faune.

Il faut recourir à Bacchus,
Contre tes noirs chagrins il sçaura te deffendre.

Le Berger.

Qu'une Belle a pour moy d'attraits !

Le Faune.

Que le Vin a pour moy de charmes !

Le Berger.

Un regard doux & tendre appaise mille allarmes.

Le Faune.

De l'Amour dans le vin je trempe tous les traits.
***
Voulez-vous passer la vie
Sans chagrin & sans bruit ?
Guerissez vostre esprit
De l'amoureuse fantaisie.
Un faux appas vous seduit,
Amans, & vous reduit
À languir nuit & jour dans la melancolie.
À rire, à trinquer, point de jalouise,
Ny ce qui la suit.
Quand on boit bien le jour, on en dort mieux la nuit.

Le Berger.

Non, non, rien n'est comparable
Aux delices des Amans.
Bacchus ne plaist qu'à la table,
Amour plaist dans tous les temps.

Un Berger.

Il est un moyen facile
Pour nous mettre tous d'accord.
Sur ce qui nous est utile
Que chacun regle son sort.
Aimez, buvez, liberté toute entiere,
Que chacun à son gré contente ses desirs.
Si l'Amour vous presente une Beauté trop fiére,
Bacchus pour vous vanger, vous offre ses plaisirs.

Deux Bergers & un Faune.

Aimons, buvons, liberté toute entiere,
Que chacun à son gré contente ses desirs,
Et si l'Amour nous offre une Beauté trop fiere,
Bacchus pour nous vanger, nous offre ses plaisirs.

Un des Bergers.

Aux doux transports de nostre joye
Unissez-vous, braves Guerriers.
Que nostre Olive & vos Lauriers
Annoncent le bonheur que le Ciel nous envoye.

L'autre Berger.

Remettez au Printemps vos valeureux exploits,
Vos jaloux Ennemis ont sonné la retraite,
Dans ce repos chantons la victoire parfaite
Et du plus grand des Ducs, & du plus grand des Rois.

Un Berger, un Guerrier, & un Faune.

Accordons-nous pour celebrer ensemble
Ces deux Heros sous qui l'Europe tremble,
Et dans nos Concerts mêlons tour à tour
Les chants de Bacchus, de Mars, & de l'Amour.

Tout le Choeur repete.

Accordons-nous pour celebrer ensemble, &c.

[Grande Messe celebrée par sept Freres] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 149-152.

 

Il s'est passé une chose assez rare dans le Dioces de Châlons en Champagne, & qui peut-estre ne se rencontrera pas dans aucune Famille de la France. Sept Freres nommez les Boucher, originaires de Châlons, bien unis ensemble, tous Prestres, tant Seculiers que Reguliers, se sont trouvez le jour de la Feste de Saint Martin, en la Paroisse de Saint Martin de Courisolt, où l'un d'eux est Curé depuis vingt six à vingt sept ans, & là ils ont celebré solemnellement la Feste de ce glorieux Patron, à commencer par les premieres Vespres, & Matines ensuite ; le lendemain les Laudes, l'Eau benite, la Procession & la grande Messe, celebrée par l'aîné de ces sept Freres Religieux Benedictin, Prieur de l'Abbaye de S. Sauveur des Vertus, le Curé de cette Paroisse faisant l'office de Diacre, & le plus jeune de tous, aussi Religieux Benedictin, & Procureur du même Convent, celuy de Sous-Diacre, deux autres Freres, l'un Trinitiare du Convent de Châlons, l'autre Prémonstré du Convent de Sept-fontaines ; revestus d'Aubes, & de Tuniques, faisant les ceremonies & encensemens ; deux autres Freres, Chanoines de l'Eglise Collegiale de la Trinité de Châlons, faisant les Choristes. Le Panegyrique du Saint fut prononcé aprés Vespres par le même Prieur de Saint Sauveur des Vertus, ce qui fut suivi de la benediction du Saint Sacrement & du Te Deum.

[Histoire] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 171-193.

Il est mal-aisé de voir souvent une personne veritablement aimable, sans prendre pour elle les sentimens que l’amour a coutume d’inspirer, mais il est encore bien plus difficile de ne s’y attacher pas quand les avantages de la Fortune s’y trouvent meslez à un solide merite. C’est ce qu’à éprouvé depuis peu un Cavalier qui ayant jetté les yeux sur une Fille en qui mille belles qualitez éclatoient de jour en jour, s’en laissa si fort charmer qu’il fit son unique affaire de chercher par où il pourroit toucher son cœur. Ses traits n’estoient point assez reguliers pour faire qu’on se récriast en la voyant. Elle avoit bon air, la taille fine aisée, & on pouvoit dire en general qu’elle estoit mieux faite que belle, mais elle avoit de grands charmes dans l’esprit & dans l’humeur, & ce qui en est un tres-considerable & qui frappoit tout le monde, sa Mere qu’elle avoit perduë depuis un an, luy avoit laissé beaucoup de bien. Son Pere qui n’avoit que cette Fille, estoit riche aussi de son costé, & on ne doit pas estre surpris si beaucoup de Pretendans luy faisoient la cour, pour avoir la preference. Il estoit d’un âge extrémement avancé, & on regardoit sa succession, comme n’estant pas fort éloignée. Le Cavalier de tout temps avoit eu accés dans cette maison, & le droit de voisinage luy avois acquis la liberté d’y venir assidument. Il s’estoit attaché à plaire à la Demoiselle dés ses plus tendres années, & la Mere qui aimoit l’enjoüement de son esprit, luy avoit marqué des sentimens assez favorables, pour luy donner lieu de croire qu’il avoit perdu en elle le plus seur appuy de son amour. Il continua de voir le Pere, & ce qui luy fut d’un tres-grand secours, il avoit une Sœur, intime Amie de la Demoiselle, & qui en estoit comme inseparable. C’estoit une fort belle personne, d’une humeur insinuante & tres-enjoüée, & née avec les talens qui font réüssir à se faire aimer, quand on veut bien les mettre en pratique, mais ne cherchant point à s’acquerir des Amans, elle n’en faisoit aucun usage, & c’estoit toûjours en dépit d’elle qu’elle donnoit de l’amour. La fidelité de ses Amis luy suffisoit pour la rendre heureuse, & n’ayant nul goust pour le mariage, elle avoit mis tout son attachement à son Frere, avec qui elle vivoit, & qu’elle aimoit avec beaucoup de tendresse. Il est aisé de juger par là qu’elle n’épargna ny soins, ny peines, pour faire agréer son amour à son Amie. L’obsedant sans cesse, elle en ménagea si bien l’esprit qu’elle l’empêcha de voir ce que la fortune avoit mis entr’eux de difference. La naissance & le merite luy tinrent lieu de richesses, & aprés avoir reçû toutes les marques que le Cavalier luy pouvoit donner de la passion la plus soumise, elle l’assura que pourvû qu’il fit consentir son Pere à leur mariage, il n’y trouveroit nul obstacle de sa part. Quoy que la chose parust assez difficile, la Sœur se chargea d’en venir à bout. Comme elle voyoit la Fille à toute heure, elle avoit beaucoup de familiarité avec le Pere, à qui elle commença à redoubler certaines caresses qui font plaisir à ceux de son âge. Il la trouvoit belle, & ne s’ennuyoit jamais de la voir. Elle luy donnoit les plus tendres noms, & luy faisoit mille plaisans contes qui l’amusoient agreablement. Elle essaya d’abord le pouvoir qu’il luy avoit laissé prendre insensiblement sur luy, par de legeres demandes, sur lesquelles le bon homme estoit toujours prompt à la satisfaire, & enfin un jour aprés l’avoir embrassé d’un air gay & libre, elle luy dit qu’il falloit qu’il avoüast que sa presence luy estoit absolument necessaire pour le plaisir de sa vie, & qu’il devoit, pour estre toujours heureux, la mettre en estat de ne le quitter jamais. Le bon homme repliqua qu’elle pouvoit demeurer avec sa Fille, qu’il en auroit une joye extrême, & que si le parti l’accommodoit, il donneroit ordre qu’on luy preparast un appartement. Sa réponse fut qu’elle estoit liée avec un Frere qui luy estoit infiniment cher, & avec qui la séparation n’estoit pas possible, mais qu’il y avoit remede à cet inconvenient, qu’il le pouvoit choisir pour son Gendre, & qu’estant ainsi tous unis par l’alliance, ils pouvoient mener ensemble la vie la plus douce dans la parfaite amitié qui estoit entr’eux. Le bon homme luy tendit la main en souriant, & ne finit cette conversation qu’aprés luy avoir marqué que la chose estoit assez faisable, mais que cependant il avoit besoin qu’on luy donnast quelques jours pour se consulter. Les deux Amans avertis de tout, se flaterent d’autant plus d’un heureux succés dan leurs esperances, que le bon homme informé de leur amour souffrit à son ordinaire l’assiduité du Cavalier. Ils firent à cette charmante Fille des remerciemens proportionnez à l’agreable service qu’elle leur rendoit à l’un & à l’autre, & comme elle estoit adroite, & qu’il estoit mal-aisé de ne se pas rendre à ses manieres, elle tourna si bien le bon homme, qu’aprés deux ou trois autres réponses, toujours favorables, mais qui n’estoient pourtant pas assez décisives, il luy dit en la regardant d’un air fort tendre, qu’il ne tiendroit qu’à elle qu’il ne signast dés ce même jour le contrat de mariage de son Frere avec sa Fille ; qu’il ne vouloit pour cela qu’une seule chose dont elle estoit la maîtresse, & que si elle vouloit luy en donner sa parole, il luy donneroit aussi-tost la sienne. Cette charmante personne qui ne cherchoit rien avec tant d’ardeur que les avantages de son Frere, luy promit tout, sans s’imaginer que la chose iroit aussi loin qu’il la porta. Les carresses qu’elle luy avoit comme prodiguées depuis quelque temps pour parvenir à ses ses fins, l’en avoient rendu si amoureux, qu’il s’estoit mis en teste d’en faire sa Femme, & ce ne fut qu’à cette condition qu’il luy accorda le consentement qu’elle demandoit. Elle eut beau luy dire que ny l’un ny l’autre n’estoit propre au mariage, & qu’ils y avoient renoncé tous deux en quelque sorte, elle par temperament, & luy par son âge. Il n’entendit point raison là-dessus, & n’ayant pû l’obliger à changer de sentiment, elle fut reduite à luy demander un peu de temps à son tour, pour voir le parti qu’elle avoit à prendre. Son Amie, à qui elle conta tout, ne put s’empêcher de rire de l’extravagance de son Pere ; mais le Cavalier qui connoissoit l’aversion de sa Sœur pour le mariage, regarda la chose serieusement, & se trouva dans un embarras extraordinaire. Tout dépendoit d’elle, & il ne sçavoit que luy demander. Elle avoit refusé plus d’une fois de jeunes Amans bien faits, qui s’estoient offerts à l’épouser. Et le moyen de prétendre qu’elle se donnast à un vieil homme des plus dégoutans, & sujet d’ailleurs à la pluspart des infirmitez dont la vieillesse est accompagnée ? Cependant le parti estoit si avantageux pour son Frere, & elle entroit si vivement dans ses interests, que voyant le bon homme toujours obstiné, elle aima mieux se sacrifier à l’entestement qu’il fut impossible de luy faire perdre, que d’estre cause qu’une fortune tres-considerable échapast au Cavalier. Ainsi elle resolut de se marier avec le bon homme, & ce qui les charma tous, elle prit cette resolution de fort bonne grace, & sans rien diminuer de sa gayeté ordinaire. Le Notaire vint, on signa les deux Contrats, & toutes les choses qui précedent la ceremonie de l’Eglise ayant esté faites, ils devoient tous estre mariez le lendemain, quand la Sœur qui avoit tout fait, se trouva surprise d’un mal violent qui l’abattit tout d’un coup. Le Cavalier en fut extrémement affligé, & par la tendresse qu’il avoit pour cette Sœur, & par le retardement que cette maladie devoit apporter à son heureuse fortune. Elle souffroit de grandes douleurs, accompagnées d’une Fiévre ardente, & ces douleurs ayant augmenté les deux jours suivans, le mal fut connu pour la petite Verole. Elle en fut reduite à l’extrémité, & par tous les soins que les Medecins en prirent, enfin le danger cessa, mais en luy sauvant la vie, il fut impossible de conserver sa beauté. Ce mal, quelquefois impitoyable, luy gâta le teint, & changea ses traits ; en sorte que ce n’estoit plus la même personne. Elle avoit encore le même enjoüement d’esprit, mais son visage n’avoit plus aucun brillant ; & elle disoit assez plaisamment, qu’elle craignoit bien que son Amant, tout vieux qu’il estoit, ne fust comme la pluspart des jeunes gens qui ne s’attachant qu’à la beauté, cessent d’aimer si-tost qu’ils la voyent passée. Ce qu’elle dit arriva. Le bon homme ne sentit plus rien pour elle, si tost que ses traits n’eurent plus le même éclat qui l’avoit touché, & ce qu’il y eut de rare, c’est que n’ayant consenti au mariage du Cavalier, qu’à condition que le sien avec sa Sœur se feroit en même temps, il protesta qu’il empêcheroit que ce mariage ne s’achevast, à moins que l’on ne rompist l’engagement où il s’estoit mis avec cette même Sœur. Comme elle n’avoit fait violence à son inclination que par un motif dont elle voyoit cesser la cause, vous jugez bien qu’elle n’eut aucune peine à se consoler de l’inconstance de son vieil Amant. Au contraire elle s’en fit un sujet de joye ; & quoy qu’elle fust fâchée de n’avoir plus ce brillant qui la faisoit regarder avec plaisir, elle ne laissoit pas, disoit-elle, de sçavoir bon gré à la petite verole, de l’avoir défaite d’un Mary qu’elle ne prenoit qu’avec une extrême repugnance. Le bon homme, fort content de se voir libre, tint parole au Cavalier, qui eut à peine épousé sa Fille, qu’on leur vint apprendre qu’il estoit luy-même tout prest à se marier. Il avoir pris goust aux belles personnes, & ce goust ayant paru dans la forte passion qu’il avoit marquée pour la Sœur du Cavalier avant qu’elle eust souffert le ravage de la petite Verole, on luy estoit venu proposer une jeune Blonde tres-jolie, à qui le manque de bien faisoit souhaiter qu’il la prist pour sa Femme. Il en avoit donné sa parole, mais il ne la put tenir, quoy qu’il eust choisi un jour pour la signature des articles. La goute le prit, elle remonta, & cet accident finit son nouvel amour avec sa vie. Le Cavalier qui joüit par cette mort de tous les biens de cette Maison, a fait à sa Sœur tous les avantages qu’elle pouvoit souhaiter. Son Amie la laisse d’ailleurs maistresse de tout. Ainsi elle vit avec tous les deux dans une satisfaction parfaite, & la perte de sa beauté n’empêche point qu’elle ne soit toujours fort aimable par la bonté de son cœur, & par la solidité de son esprit.

[Mr de Percy, Neveu de Mr Dupré Envoyé de Sa Majesté à Florence, est reçû Chevalier de S. Etienne] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 193-196.

 

Mr Percy a esté receu à Florence dans l'Ordre des Chevaliers de Saint Etienne. Vous apprendrez ce qui s'est passé à cette crémonie dans la Lettre que vous allez lire.

À MONSIEUR ***

Quand vous ne prendriez pas, Monsieur, autant de part que vous faites à la grace que Monsieur le Grand Duc vient d'accorder à Mr de Percy, Neveu de Mr Dupré, Envoyé de Sa Majesté à Florence ; celle que j'y prens, & le plaisir de vous mander une nouvelle si agreable & si curieuse, m'obligeroit à vous faire un récit dont les circonstances sont tres -singulieres & peu connuës. Mais avant que d'entrer dans le détail de la reception du nouveau Chevalier, je croy qu'il est à propos de vous dire ce que c'est que l'Ordre de Saint Estienne, & de vous parler de son établissement, & des privileges qui le rendent un des plus considérables d'Europe.

Cet Ordre fut estably par Cosme I. de Medicis, l'an 1560 en reconnoissance d'une fameuse Victoire qu'il emporta sur les Siennois le 2. Aoust, Feste de Saint Estienne Pape & Martir, & il fut approuvé le I. Février de l'année suivante par le Pape Pie V. On y observe la Regle de S. Benoist, chez les Religieux duquel tout Chevalier est obligé pendant six mois d'aller faire son Noviciat, qui consiste à entendre pendant ce temps la grande Messe & les Vespres les Festes & les Dimanches dans le Choeur de leur Eglise avec l'habit de Ceremonie. [...]

[Ode] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 211-213.

Voicy la Traduction des Vers latins dont il est parlé dans cette Lettre.

À MONSIEUR
LE CHEVALIER DE PERCY.
ODE.

Ô Toy qui dans l’Etrurie,
Te fais un heureux destin,
Estimé de ta Patrie,
Cheri du Peuple Latin ;
Que l’un & l’autre s’empresse
À te marquer sa tendresse,
Et que parmy les honneurs,
Dont la foule t’environne,
Tu reçoives la couronne
Des mains des sçavantes Sœurs.
***
Dans l’Avril de ton bel âge
En un sentier peu battu,
Le Ciel t’offrit en partage
Les tresors de la vertu.
Avec l’illustre vaillance,
Le sçavoir & l’éloquence,
Tout fut prodigué pour toy ;
Et par cette grace insigne
Il te fit paroistre digne
De l’estime de ton Roy.
***
Quel éclat se joint encore
À celuy de tes Ayeux !
Cosme d’un Ordre t’honore,
Qui rend ton nom glorieux.
Déja la troupe guerriere
T’embrasse dans la carriere
Où jeune on te voit courir,
Et le siecle dans l’histoire
Consacrera ta memoire,
Qui ne doit jamais perir.

[Réponse à l’Ode precedente] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 213-218.

Me le Chevalier de Percy a fait cette réponse aux Vers de l’obligeant Inconnu, qui avoient esté distribuez le jour que se fit la ceremonie de sa reception.

Genereux Inconnu, dont la Muse feconde
Prodigue en ma faveur ses beaux Vers dans le monde,
Admirant vos talens, éprouvant vos bontez,
Je devrois publier vos rares qualitez.
Mais n’osant, comme vous, me donner la licence
D’aller le front levé dans le Sacré vallon,
En vain vous l’esperez de ma reconnoissance.
 Voulant invoquer Apollon,
 Il seroit de la bien-seance,
Pour en estre écouté, de prendre vostre nom.
***
 Ma voix n’estant pas assez forte,
Les Muses par pitié me laissent à leur porte
Implorer le secours des sublimes esprits.
 Depuis longtemps j’y fais la queste ;
Mais j’ay beau demander ; toujours mes foibles cris
 Font qu’on se rit de ma requeste,
 Aussi bien que de mes écrits.
***
 Si plus sensible à mes prieres
Vous me communiquez vos sçavantes lumieres,
 Sçachant quel est mon sentiment.
 Je n’en feray qu’un bon usage ;
 Car si j’ay quelque empressement
De joüir d’un tel avantage,
C’est pour apprendre l’art de faire un compliment,
 Qui soit pour vous un tendre gage
 De mon juste ressentiment.
***
 Aujourd’huy que par bonté pure,
Le Grand Cosme, l’amour de toute la Nature,
 M’a bien voulu combler de ses bienfaits,
 Je puis, sans estre témeraire,
Inviter vostre Muse à chanter ses hauts faits,
Et tout ce que pour moy son grand cœur vient de faire,
 Que le mien n’oublira jamais.
***
C’est par là qu’on s’acquiert une immortelle gloire,
Qu’on rend son nom fameux au Temple de memoire :
Pour vos doctes travaux c’est le plus digne objet.
 Epuisez les eaux d’Hippocrene,
Vous ne sçauriez jamais vous donner trop de peine
 En traitant un si beau sujet.

Voicy des Vers de Mademoiselle de Scuderi, sur cette même reception. Il paroist qu’ils sont adressez au Pere de Mr le Chevalier de Percy.

Il est des Chevaliers de toutes les façons,
Mais le vostre, Nonchamp, est de la Vieille-roche,
 Et par de tres-bonnes raisons,
 C’est un Chevalier sans reproche.

Mr de Nonchamp a fait la réponse qui suit à ce Quatrain.

Chevalier de la Vieille-roche,
Ne seroit pas, Sapho, Chevalier sans reproche,
Si de vostre merite il n’estoit pas touché.
Il sçait de vos vertus l’éclat & l’étenduë,
 Il ne les perd jamais de veuë,
 Et croiroit commettre un peché,
S’il n’estoit pas sensible à l’exemple d’un Pere,
 Qui vous honore & vous revere.

[Epistre en Vers de Mademoiselle des Houlieres] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 218-221.

L’Epistre qui suit est de Mademoiselle des Houlieres. Ce nom vous fera regreter qu’elle soit si courte.

À MADAME ***

Ne grondez plus, vous serez satisfaite,
J’ay pour vous plaire invoqué les neuf Sœurs.
Ces Belles m’ont promis tantost dans ma retraite,
De me remplir pour vous des divines fureurs.
Dés que mon ame en sera possedée,
Ma Lyre sous mes doigts par leurs soins accordée,
Ne rendra plus que d’agreables sons.
Alors ma Plume en cent & cent façons
Vous representera des Graces précedée.
Je parleray de vostre belle humeur,
Je vous peindray paistrie & de lis & de roses,
Et si ma voix répond à mon ardeur,
Je chanteray cent prétieuses choses
Dont le recit me comblera d’honneur.
Quand j’auray dit tout ce que la Nature
A mis en vous de rares qualitez,
Mon cœur charmé de toutes vos bontez,
Vous garde un de ces Arcs d’immortelle structure,
Dont le dessein brillant & glorieux,
Est de transmettre à la race future
Ces fameux noms du temps victorieux.
Mais quel que soit mon zele & ma tendresse,
Quel que soit le pouvoir que vous avez sur moy,
Et quelque soit enfin le desir qui me presse
De chanter dons mes Vers les graces que je voy,
Mon esprit qui connoist & qui craint sa foiblesse,
Sans leur divin secours se tiendra clos & coy.

[Discours prononcé à Agen] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 225-227.

Je vous envoye un Discours qui a esté prononcé par Mr Labat, Avocat du Roy au Presidial d'Agen.

 

SUR LA PAIX DE SAVOYE.

 

Nous avons remply l'air de nos feux & de nos cris d'allegresse, & le ciel, de nos actions de graces ; & l'écho de ce qui se dit par tout m'engage à l'ouverture de cette Seance, d'en entretenir la Cour que de l'heureux succés de la paix de Savoye. Mais quelle étenduë de connoisssance ne faudroit-il point pour débroüiller depuis ce dernier Te Deum, les interests de tant de Princes, ou plutost quelle solidité de jugement ne faudroit-il point avoir, pour composer une action digne de cette honorable Audience ? [...]

[Morts] §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 277-303.

Voicy les noms des personnes distinguées, mortes depuis peu de temps, & dont je ne vous ay point parlé dans mes dernieres lettres.

Mr Centeze, Prestre Chanoine de S. Aignan en l’Eglise de Paris, mort dans sa quatre-vingt-onziéme année, estant né le 3. Avril 1606. Il avoit quatre-vingt-deux ans de service dans l’Eglise de Nostre-Dame, où il estoit entré Enfant de Chœur le 12. Decembre 1614. Aprés avoir passé par tous les degrez qui sont destinez aux Beneficiers, il fut éleu Chanoine le 3. Juin 1682. & il deceda le 30. Octobre dernier. Comme cette Chanoinie-Semiprebende est une des deux que Mrs du Chapitre donnent pour récompense aux Beneficiers qui ont servy leur Eglise en qualité d’Enfans de Chœur ou de Chantres élevez & nourris au chant & aux ceremonies de cette Eglise, ils ont donné celle cy à Pierre Nicolle, Chanoine Prestre de S. Denis du Pas, âgé de soixante-treize ans, qui estoit le plus ancien de tous les Beneficiers Prestres, & Officiers de Nostre-Dame, où il est entré en qualité de Chantre dés l’année 1646. & a rendu ses services tant de jour que de nuit avec toute l’assiduité & l’application possible.

Dame Marie Anne de Betizy de Meziers. Elle estoit Dame d’Atour de la Reine de Pologne, & elle est morte à Paris.

Le Pere Pierre Gargan, Chanoine Regulier de l’Ordre de S. Augustin, de la Congregation de France. Il estoit Curé de S. Medard au Fauxbourg de S. Marcel de Paris ; & cette Cure estant à la nomination de Mrs de l’Abbaye de sainte Geneviéve, ils y ont nommé le Pere Canto, Religieux & Procureur de cette Abbaye.

Dame Renée de Gaudé. Elle estoit veuve de Mre Elie de Sainte Fére, Seigneur de Blancafort, Colonel d’un Regiment d’Infanterie, & Commandant dans la Citadelle de Courtray.

Dame Marie Anne le Febvre. Elle estoit femme de Mr le Jariel des Forges, Conseiller en la Cour des Aydes.

Mademoiselle Valentine de Lafemas, Fille de deffunt Isac de Lafémas, Lieutenant Civil de la Ville, Prevosté & Vicomté de Paris, & premier Maistre des Requestes ordinaire de son Hostel.

Mre Felix Vialar, Seigneur de Herse, Lieutenant des Chasses & Plaisirs du Roy de ses Villes & Chasteaux de S. Germain & Versailles. Il est mort à saint Germain en Laye, d’où son corps a esté apporté à Paris, & inhumé en l’Eglise des Peres Feüillans de la ruë S. Honoré.

La Mere Sœur Marie Catherine, nommée dans le monde Marie de Fécan, Religieuse de la Congregation de Nostre-Dame de Compiegne, morte dans son Monastere de Compiegne le premier de ce mois. Elle estoit née à Peronne en Picardie, fille de Mre Alexandre de Fécan, Colonel du Regiment d’Harcourt, Seigneur d’Anny, de Feüilliere, & autres lieux, & de Mademoiselle de Cressé son épouse. Elle perdit sa mere à l’âge de sept ans, & son pere l’ayant mise en pension dans ce Monastere, elle y prit l’habit en 1666. Il mourut peu de temps aprés, ce qui ne l’empêcha point de faire profession, ayant fait connoistre depuis ce temps-là par sa conduite & par son zele, qu’elle avoit esté veritablement appellée de Dieu dans cette sainte vocation.

Mr Perron, Docteur és Droits, Conseiller & Historiographe du Roy, mort dans sa quatre-vingt-onziéme année. Il estoit natif de Langres, fort versé dans l’Histoire, estant regardé comme un repertoire universel de tout ce qui se passoit de considerable dans l’Europe, ce qui luy avoit attiré l’estime de feuë Son Altesse Royale Mademoiselle d’Orleans. Il avoit esté Precepteur de Mr d’Entragues, pere de Mr l’Abbé d’Entragues d’aujourd’huy, & depuis Precepteur de Mr l’Abbé de Clermont-Tonnerre, Evesque & Comte de Noyon. Son grand âge l’ayant rendu sedentaire, il s’appliquoit à mettre en ordre quantité de Memoires curieux d’Histoire, qu’il avoit tirez des Originaux. Il y a deux ans qu’il fit imprimer à Paris un petit Volume in douze, qui contient plusieurs Titres, Memoires & Antiquitez de la Chastellenie de Marcoussy, de la Prevosté & Comté de Mont-le Hery, du Chapitre de saint Merry de Linas, des Fiefs & Seigneuries de la Rouë, de Bell-jame, Guillerville, Beauregard, & autres lieux circonvoisins. Ce petit Traité est d’autant plus curieux qu’il n’y en a eu que vingt-sept exemplaires, l’Auteur l’ayant fait imprimer à ses dépens pour en faire present à ses plus intimes amis. On y trouve les noms de plusieurs anciens Seigneurs de Marcoussy, des Capitaines & Gouverneurs de ce Chasteau, la Fondation, l’Inventaire des Ornemens, des Vases sacrez & des Reliques du Monastere des Celestins de Marcoussy, avec une suite & un dénombrement des Prieurs-Curez, & des Prieurs Conventuels de ce Monastere, de mesme que plusieurs particularitez de la Ville, Comté & Prevosté de Mont-le-Hery, de ses anciens Seigneurs, de plusieurs de ses Prevosts, & du Chapitre de saint Merry de Linas, le tout tiré sur d’anciens Titres, dont l’Auteur avoit eu communication. Il seroit à souhaiter que quelqu’un de ses heritiers voulust enrichir le public de beaucoup d’autres découvertes qu’il avoit faites, & que l’on a dû trouver dans ses écrits.

Dame Marguerite de Bruscoly, veuve de Mr de Creil, Lieutenant en l’Eslection de Paris, de la Famille des de Creil qui a donné plusieurs Officiers dans l’Epée, dans le Conseil, & dans les Cours Superieures. Elle est morte âgée d’environ quatre vingts ans, ayant mené une Vie toute pieuse & toute Chrétienne, & ayant passé pour un Exemple de Vertu parmy les Dames de la Paroisse de S. Eustache où elle a voulu estre inhumée. De plusieurs Enfans qu’elle a eus, quelques uns ont pris le party de l’Eglise ; une seule de ses Filles, Antoinette de Creil, estant restée dans le monde. Cette Fille a épousé en premieres nopces François Boudet Seigneur de la Belliere, Conseiller du Roy en sa Cour des Monnoyes, fort versé en la langue Grecque, & tres-sçavant en l’Histoire ; & en secondes nopces Charles Beraud de Villiers Auditeur en sa Chambre des Comptes. Elle n’a point laissé d’enfans de ce second mariage, & a eu du premier une Fille, qui a épousé Mr de Plancy cy-devant Maistre d’Hostel de son Altesse Royale Monsieur, dont est venuë une fille, qui se trouve seule & unique heritiere de feuë Madame de Creil, & qui dans son jeune âge est doüée d’une sagesse & d’une conduite merveilleuse, ayant rassemblé en elle toutes les bonnes qualitez de ses ancestres. Madame de Creil qui vient de mourir laisse un frere & une sœur qui sont, Jean de Bruscoly Auditeur en sa Chambre des Comptes, un des plus intelligens & des plus laborieux de cette Chambre, & Marie de Bruscoly veuve de Nicolas Droüyn Ecuyer Seigneur d’Apoigny, Conseiller de Roy, Secretaire de Sa Majesté, laquelle est aussi dans une tres-grande pratique de vertu.

Dame Marie Jeanne Elizabeth Bezard. Elle estoit Femme de Messire Claude de Fay Daty, Seigneur de Cilly, Colonel d’un Regiment de Dragons, & Sœur de Madame de la Chevalerie, veuve de Mr de la Chevalerie, premier Valet de la Garderobe.

Dame Madeleine de Ferrari Epouse de Messire Jean Julien Phillippe de Billy, Conseiller en la Grand Chambre.

Mr Puylon Docteur, Regent & ancien Doyen en la Faculté de Medecine de l’Université de Paris. Il vivoit dans une grande devotion, & estoit un des plus capables & des plus employez sujets de la Faculté. Il estoit Fils d’un fameux Docteur Regent en la mesme Faculté.

Messire Jean-François de Gourdon de Genoüillac Montferan, Seigneur Comte de Vrillac, Baron de Guienne, Seigneur de Cançon, Casseneüil, Moulinet & autres lieux. Il est le mort le 16. de ce mois âgé de 51. ans. Madame sa Femme a esté Fille d’honneur de feuë Mademoiselle, Duchesse d’Orleans. Il estoit Fils de Messire Jean Paul de Gourdon de Genoüillac, Comte de Vaillac, Lieutenant General des Armées du Roy, Chevalier des Ordres de Sa Majesté, Capitaine des Gardes de Son Altesse Royale Monsieur, Chevalier d’honneur de Madame, & de Dame Marie-Felice de Voisin de Montaut. Madame sa sœur Galiotte de Gourdon de Genouillac, a épousé Gaspard le Secq, Comte de Montaut & de Grammont, Marquis de la Mothe-saint-Heraye, cy-devant Conseiller au Parlement de Paris.

On vient de donner au Public un Ouvrage qui doit plaire également aux personnes de pieté & aux Sçavans. Il a pour titre, l’Esprit de l’Eglise dans l’usage des Pseaumes en forme de Priere ou d’Exhortation. Un des Amis de l’Auteur, mort depuis quelques années, qui estoit sans contredit un des plus beaux esprits de nostre siecle, en ayant recouvré heureusement une copie, a crû devoir faire part à tout le monde de cette admirable Paraphrase, qui non seulement n’a rien de commun avec celles qui ont paru jusques à present, mais qui sans s’écarter du sens litteral & moral, donne aux Pseaumes les plus difficiles à entendre à cause de l’obscurité des Propheties & des faits Historiques, ou par leur expression abstraite & enigmatique, une explication si juste, si aisée, & si pleine d’onction, que chacun selon l’intention de l’Eglise, qui propose à chaque fidelle la lecture de ces Pseaumes, en peut faire le sujet de ses prieres & de ses meditations. L’Auteur dit dans sa Preface qu’ayant remarqué que ceux qui en expliquant ces Pseaumes se sont attachez au seul sens litteral, ont fait lire une simple Histoire à un Chrétien, lors que David mesme prétend luy avoir dicté une instruction pour ses mœurs, que ceux qui n’ont expliqué que le sens mystique nous ont fait parler en Prophetes, pour exciter de nous faire parler en Historiens ; & enfin que ceux-là mesme qui n’ont pas negligé le sens moral, l’ont mêlé d’une telle maniere avec l’Histoire & la Prophetie que la pluspart des Pseaumes semblent moins des prieres que des enigmes ; l’Auteur, dis-je, avertit ses Lecteurs dans sa Preface que pour ne pas tomber dans ces inconveniens, il s’est proposé de faire servir également à nostre instruction, les differentes interpretations qu’on donne à ces mysterieux Cantiques, en sorte que sans rien negliger de ce qu’ont dit les Saints Personnages qui en sont les Auteurs, il a taché d’employer tous leurs sentimens dans sa Paraphrase pour témoigner à Dieu nostre respect, nostre reconnoissance & nôtre amour ; & qu’afin d’entrer mieux dans leur pensée, & de justifier, pour ainsi dire, l’usage que l’Eglise fait de ces Pseaumes, il a crû qu’il falloit les traduire & les interpreter de telle sorte, que tous les Chrétiens en peussent faire leurs prieres & leurs meditations ordinaires, sans estre rebutez par l’obscurité des Propheties qu’ils contiennent, par le recit des faits qu’ils décrivent, par la difference des personnes qui y parlent, par la contrarieté apparente des sens qu’ils renferment, par la sublimité de leurs expressions, ou par la simplicité de leurs paroles. Ce Livre est divisé en deux volumes, & se vend chez le Sr Jean Guignard à l’entrée de la grande Salle du Palais, & chez le sieur Jacques Robustel, ruë S. Jacques au Palmier.

Le sieur de Sercy, Libraire du Palais dans la grand Salle à la Foy Couronnée, a fait imprimer depuis peu, & va debiter incessamment, Les Poësies de Mr de Benserade, divisées en deux volumes, dont le dernier contient les vers qu’il a composez pour les Balets du Roy, dans lesquels, par un Art, absolument singulier à cet Auteur inimitable, il a exercé pendant plus de quarante années, une Satyre ingenieuse & hardie contre les plus grands Seigneurs, sans exciter leur chagrin ny s’attirer leur ressentiment. Ce Recueil fera sans doute beaucoup de plaisir au Public, sur tout aux Personnes qui restent de la vieille Cour, & fera convenir les jeunes gens qui ont de l’esprit & du goût, qu’il seroit à souhaiter que la galanterie de ce temps-là fust un peu plus d’usage en celuy-cy.

Le Sieur Collombat Libraire, ruë S. Jacques au Pelican, a imprimé de nouvelles Reflexions de Mr l’Abbé de Villiers, sur les defauts des hommes, avec les fruits qu’on en peut tirer, pour éviter le ridicule des personnes du siecle. C’est proprement la suite de celles qui ont paru il y a quelque temps du mesme Auteur, ainsi on les a fait paroistre sur les defauts d’autruy. Vous sçavez que toutes les pensées de cet Auteur sont également pleines d’esprit & de bon sens. Les matieres qui sont traitées dans ce dernier Ouvrage, doivent donner la curiosité de le lire. Il y a mesme à la fin des Reflexions sur la maniere d’écrire l’Histoire, où l’on remarque en peu de mots les defauts particuliers de la plûpart des Historiens modernes.

Air nouveau §

Mercure galant, décembre 1696 [tome 12], p. 310.

AIR NOUVEAUL’Air doit regarder la page 310..

Climene, contre vos dédains
J'ay des remedes souverains,
Je cours au jus de la treille.
Là sans ressentir ny tourment ny langueur,
Je ne me souviens plus en vuidant ma bouteille,
Ny de vostre beauté, ny de vostre rigueur.
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