1697

Mercure galant, avril 1697 [tome 4].

2017
Source : Mercure galant, avril 1697 [tome 4].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, avril 1697 [tome 4]. §

Sur la Nouvelle Capitation d’Angleterre §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 10-18.

Personne n’ignore à combien de differens moyens on a tous les jours recours en Angleterre, pour trouver des fonds qui puissent fournir à ce que la guerre y cause de dépenses extraordinaires. Outre les Imposts qu’on y a mis sur toutes sortes de denrées, on a imposé aux Peuples une nouvelle Capitation, suivant laquelle les gens qui ne sont pas mariez, sont taxez comme s’ils avoient une Femme & trois Enfans. C’est ce qui a donné lieu à ces Vers de Mr de S. Evremont. Ce nom ne sçauroit manquer de vous donner beaucoup d’empressement pour les lire.

SUR LA NOUVELLE
Capitation d’Angleterre.

Comment payer les taxes ordonnées ?
Comment sortir d’un si grand embaras ?
Payons pourtant, & ne nous plaignons pas.
Que puissions-nous les payer dix années !
***
On me dira, vos revenus sont courts.
Malaisément pourrez-vous satisfaire ;
Mais je crains moins pour eux que pour mes jours,
Vivre est pour moi la plus pressante affaire.
***
 J’ay vécu quatre-vingt-quatre ans
 Sans connoistre le mariage,
 Heureux sans Femme & sans Enfans,
 Et voicy qu’au bout de mon âge,
Il faut payer pour une & pour trois descendans,
Sans avoir jamais eu ny Femme ny lignage.
***
 Mais la taxe a son fondement,
 Quand on en juge sainement.
 Comment, vous n’avez point de femme ?
 Exempt de domestique bruit :
Exempt du soupçon dont une ame
 Est sans repos & jour & nuit ;
 Exempt de la vaine dépence,
 De la folle magnificence,
 Du luxe aux maisons introduit
 Acquittez vous de bonne grace,
 Vous qui n’estes point mariez,
 Payez sans en estre priez,
Que de Maris voudroient payer en vostre place !
 Payez donc, payez de bon cœur
 La taxe de vostre bonheur.
***
 Un discours ennuyeux de modes,
 D’Engageantes & de Commodes,
 D’habits ou commandez ou faits,
 Ne vous importune jamais.
 L’air trop libre d’une Coquette,
 D’une Galante peu discrete
 Les appetits trop naturels,
 Ne vous donnent aucune atteinte.
 Fasse qui voudra des Noëls,
 Vous pourrez les chanter sans crainte.
Payez donc, payez de bon cœur
La taxe de vostre bonheur.
***
Avoir une Epouse éternelle,
Aux yeux des autres toujours belle,
Et seul en estre dégoûté
Quand chacun en est enchanté.
Cependant jaloux & sincere
Avec chagrin la regarder,
Et plus on a soin de luy plaire,
Plus on prend soin de la garder.
C’est là, c’est le charmant usage,
C’est la douceur du mariage.
Vous qui n’estes point mariez,
Payez sans en estre priez.
***
Tantost un Epoux difficile
N’a chez luy que severité :
Tantost le même trop docile,
N’a pas sa propre volonté.
Mal à propos rude ou facile,
Il ôte ou perd sa liberté,
Et vous serez toujours tranquille
Dans une sage égalité,
Et vous vous moquerez des chaîne.
De ceux dont je décris les peines.
Payez, & payez de bon cœur
La taxe de vostre bonheur.
***
 On voit arriver d’ordinaire
 Qu’un Mary souhaite un garçon,
 Qui voudra la mort de son pere,
Pour se trouver plûtost maistre de la maison.
 Je ne parle point d’une fille,
 De ce Sexe discret & doux :
 Mais je conseille à la Famille
De luy vouloir choisir promptement un Epoux.
Acquitez vous de bonne grace,
Vous qui n’estes point mariez,
 Payez sans en estre priez.
Que de Maris voudroient payer en vostre place !
***
Après tout, Monsieur Colt, pensez
Que quatre-vingt-quatre ans passez,
Sont comme la fin de la vie
Qui de l’éternelle est suivie.
***
Ainsi vous n’avez pas de tort,
Dans les taxes que l’on impose,
De vouloir me traiter de mort.
Un mort ne paie aucune chose.
Quand je demande, un Debiteur.
Sur ce beau prétexte se fonde,
Que je dois estre hors du monde,
Et l’on me traite d’imposteur.
***
Une tres-vertueuse Dame,
Plus devote, s’il se pouvoit,
A fait prier Dieu pour mon ame
De l’argent qu’elle me devoit.
***
Par cette pieuse assurance
Qu’on me donne de mon trépas,
J’entre moi-même en défiance
Si je suis, si je ne suis pas.
***
A mon âge ce n’est pas vivre,
Monsieur Colt, mes sens sont perclus.
Effacez-moi de vostre Livre,
Et dites que je ne suis plus.

La Fauvette de Sapho au Moineau de Sylvie §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 83-86.

Vous sçavez quelle gloire s’est acquise la Fauvette de la celebre Sapho. Il semble qu’elle se renouvelle toutes les années par le retour du Printemps. C’est ce qui a donné lieu à un jeune Gentilhomme de faire les Vers que vous allez lire.

LA FAUVETTE
DE SAPHO
Au Moineau de Sylvie.

Les Oiseaux avec envie
Me regardent presque tous ;
Je fais de même de vous.
Ah, vous estes à Sylvie.
***
 Je ne commence mes chants
Que lors qu’on voit la verdure
Renouveller la nature ;
Vos plaisirs sont de tout temps.
***
 Chez Sapho dans un lieu sombre
Je me repose souvent.
Chez Sylvie également,
Vous vous reposez à l’ombre.
***
 Dans ses mains elle vous prend,
Vous carresse, vous embrasse,
Et vous y tenez la place
Du Dieu de tous le plus grand.
***
 Si je puis oüir sans cesse
Respirer les doux zephirs,
Vous entendez les soupirs
De vostre jeune Maistresse.
***
 Teste à teste, comme on sçait,
Vous avez droit de luy dire
Les sentimens qu’elle inspire,
Ah, Moineau, c’est un secret.
***
 Changeons de sort, de ma vie
Quoi qu’on vante la douceur,
Je ne compte pour bonheur
Que celui d’estre à Sylvie.

Réponse du Moineau à la Fauvette §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 86-88.

RÉPONSE DU MOINEAU
A LA FAUVETTE.

Fauvette trop inconstante,
Quel langage tenez-vous ?
Vostre destin est si doux.
Pourquoy n’estre pas contente ?
***
 On vous attend au Printemps
Avec tant d’impatience,
Et Sapho plaint vostre absence
Quand vous retournez aux champs.
***
 Elle chante vostre éloge ;
Bien du monde luy répond,
Et l’on en voit qui vous font
Donner des avis au Doge.
***
 Mais pour moy, je ne sçay pas
Si je plais à ma Sylvie ;
Je l’aime plus que ma vie.
Est-ce assez pour tant d’appas ?
***
 Vous estes sur un feüillage,
Où vos concerts languissans
Charment l’oreille & les sens
De vostre maistresse sage.
***
 Je suis souvent par faveur
Sur la gorge de ma Belle ;
Mais on ma couppé chaque aile
De peur que je n’aille au cœur.
***
 Vous respirez le zephire
En formant vos chants nouveaux.
Ce n’est pas pour des moineaux
Que Sylvie, helas, soupire.
***
 On vous écoute chanter
Avec une joye extrême.
Ah ! je ne suis pas de même,
Que ne veut-on m’écouter !
***
Mais enfin, quoy que je die
Que je languisse toujours,
Je veux terminer mes jours
Au service de Sylvie.

Epistre §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 143-151.

Je vous envoye une Epistre que vous ne serez pas fâchée de voir. Elle est de Madame le Camus, qu’un merite singulier rend si distinguée parmy celles de son Sexe. Le sujet qui l’a obligée d’écrire est suffisamment expliqué dans cette Epistre, qui est adressée à Monsieur le Nonce. C’estoit une belle & ample matiere pour Madame le Camus, puis que ce Prelat est un des Prelats du monde le plus estimé, le plus genereux, & qui se plaist davantage à faire plaisir.

EPISTRE.

 Illustre & genereux Prelat,
Dont les vives clartez & le merite rare
Sçauront orner bien-tost la Pourpre avec éclat,
Et dans un autre temps orneront la Thiare.
 Je veux laisser Rome & Paris
Vanter les grands talens, la solide sagesse,
 L’éloquence, la politesse,
 Qu’on voit briller en vous sans prix.
 Je ne veux peindre en mes écrits
 Que la noble delicatesse
 Qu’on voit regner avec tant de douceur
Dans vostre esprit charmant & dans vostre bon cœur.
Cet esprit merveilleux, grand, éclairé, sublime,
Est d’un commerce aisé, naturel, plein d’appas.
Il s’attire à la fois le respect & l’estime,
Et sçait même nous plaire en ne se montrant pas.
Vostre cœur genereux autant que magnanime,
Se fait sans cesse un plaisir d’obliger.
 On ne le voit jamais changer
 Le noble panchant qui l’anime.
 J’en ay ressenti des effets,
Ouy, Prelat, vos bontez surpassent les souhaits.
Quoy ! si-tost que ma voix vous a fait la priere
 D’obtenir certain pieux don
 Du grand Cardinal de Boüillon,
De remplir mes desirs vous faites vostre affaire,
Et je reçois par vostre heureux canal,
De cet illustre & sage Cardinal,
 Dont l’esprit rare & la science
Brillent autant que sa haute naissance,
Un Prieuré pour un de mes Neveux,
 Qui sans cesse fera des vœux
 Pour l’Eminence & l’Excellence,
 Premiers Patrons qu’il ait en France,
 Favorisant sa pieté,
 Dont les cœurs pleins de charité
Le sçachant tout zelé pour le divin service,
 L’ont assuré d’un Benefice,
 Gage éternel de leurs bienfaits.
L’air dont vous me rendez ce genereux office,
 Grand Nonce, a pour moy tant d’attraits,
 Qu’on ne pourroit trouver jamais
Aucun terme assez fort, assez plein d’éloquence,
Pour exprimer l’ardeur de ma reconnoissance.
 Aussi quand je suis prés de vous,
 Malgré tout ce que mon cœur pense
 De vif, de solide & de doux,
 Je suis reduite à garder le silence.
 Cependant on doit avoüer
Que par quatre mots seuls on peut vous bien loüer.
 Dire comment le plus grand des Monarques,
 Le plus éclairé des Heros,
De la distinction vous donne tant de marques,
 N’est ce pas dire en quatre mots,
Que vous estes rempli d’un achevé merite,
 Aussi brillant qu’il est d’élite,
 Puis que de ce Roy merveilleux
Rien n’égala jamais les perçantes lumieres,
Et qu’il aime à marquer par d’augustes manieres,
 Quels sont pour vous ses égards glorieux ?
 On ne sçauroit vous loüer mieux.
 Je sens que je puis vous écrire
 Plus que je n’oserois vous dire,
 Quand vostre aspect noble & charmant
 Honore mon appartement.
 Permettez donc, illustre Nonce,
Qu’au défaut de ma voix ma Plume vous annonce
 Mon zele & mes tendres respects,
Qui ne doivent jamais vous paroistre suspects ;
Car de l’éclat du rang je ne suis pas surprise,
J’en sçay fort discerner & le mal & le bien ;
 Si la vertu toujours ne l’autorise,
 Je compte la grandeur pour rien.
Vous la faites briller dans un degré suprême.
 Quel que soit vostre illustre rang,
 Quel que soit vostre illustre sang,
Vous valez mille fois encor plus par vous-même,
Et c’est le fondement du zele plein d’ardeur
 Dont pour vous est rempli mon cœur.
En finissant permettez que je die
 Que je suis & que je seray
Dans de tels sentimens tout le temps de ma vie,
 Jamais je ne les changeray.

[Dialogue de Mars & de Minerve] §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 155-156.

Mr Pontier, Protonotaire du Saint Siege Apostolique, & Auteur du Cabinet des Grands, qui est un Livre rempli d’érudition, & de choses aussi curieuses qu’utiles, vient de donner au Public un Dialogue, qui ne peut estre leu qu’avec plaisir. Il se debite chez le Sieur de Luynes, Marchand Libraire au Palais, & a pour titre, Dialogue entre Mars & Minerve, sur la question, si un Orateur qui a chassé l’Ennemi par son éloquence, merite une récompense pareille, que le Capitaine qui l’a chassé en combattant. Les raisons dont ces deux Divinitez appuyent leurs sentimens, ont de quoy faire pancher la balance de chaque costé.

[Concert spirituel, ou le Peuple Juif délivré par Esther] §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 156-158. Cf. Banzi, Concert spirituel ou le Peuple juif délivré par Esther, Paris, Ballard, 1697, notamment le texte d'introduction de l'auteur.

Vous avez souvent oüy parler de Mr Moreau, qui a fait la Musique des Choeurs de la Tragedie d’Esther, que toute la Cour a applaudie toutes les fois que cette incomparable Tragedie a esté representée. Il vient de donner un Concert qui a esté executé par tout ce que nous avons d’habiles gens en France pour ces sortes de divertissemens. Celuy-cy est un Idille, qui a pour titre, Concert Spirituel, ou le Peuple Juif delivré par Esther. Les Vers qui sont pleins d’onction & d’esprit, & fort naturels, sont de la composition de Mr de Banzy ; & ce qu’il y a de surprenant, & qui doit faire admirer l’auteur, c’est que ces Vers sont sur la mesure des Choeurs d’Esther, & qu’on chante dessus la même Musique. Cependant ils ne se sentent point de la gênante contrainte, où cet Auteur doit avoir esté en composant un Ouvrage de si longue haleine.

[Histoire] §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 168-196.

Comme l’Amour naist ordinairement de la sympathie, il est difficile, ou pour mieux parler, impossible, qu’il se forme entre deux personnes, que l’éloignement de l’âge rend presque toûjours d’une humeur toute opposée. Une aimable Brune, dont les traits estoient plus piquans que reguliers, ayant perdu son Pere & sa Mere dés ses plus tendres années, demeuroit avec son Frere, qui ne luy voyant que des inclinations loüables, la laissoit maistresse de ses volontez, en sorte qu’elle vivoit en quelque façon dans l’indépendance. Elle avoit beaucoup d’Amies dans son voisinage, avec qui elle entretenoit une agreable societé, & si elle y faisoit des conquestes, toutes les douceurs que luy contoient ceux qui se rencontroient dans les parties dont on la mettoit, la touchoient si peu, qu’elle acquit le nom de la Belle Indifferente. Cette indifference n’empêcha pas qu’un Cavalier fort bien fait & d’un vray merite, ne s’attachast à chercher par où il pourroit luy plaire. Il avoit un privilege particulier pour y réüssir. Le Frere de cette aimable personne estoit lié avec luy d’une amitié fort étroite, & ils ne pouvoient se voir aussi souvent qu’ils faisoient sans que le Cavalier eust un libre accés auprés de sa Sœur. Elle l’écoutoit assez favorablement, & comme il avoit de tres bonnes qualitez, elle luy marquoit toute l’estime qui estoit duë à un parfaitement honneste homme, Ami de son Frere, mais soit qu’elle eust peine à se resoudre à faire si tost un choix, soit qu’un peu d’ambition l’empêchast de s’engager avant qu’elle eust vû s’il ne s’offriroit point quelque party plus avantageux pour elle, les sentimens qu’elle luy marquoit se bornoient à cette estime, & il ne pouvoit la mener plus loin. Il en montroit quelquefois beaucoup de chagrin au Frere, qui ne voulant point contraindre sa Sœur, se contentoit de luy dire que son Ami meritoit beaucoup, & que si son inclination ne luy estoit point contraire, cette alliance luy feroit plaisir. La Belle luy répondoit en riant qu’il ne devoit pas faire tant d’attention aux plaintes de son Ami ; que c’estoit le stile ordinaire des hommes de debiter des douceurs, & de prétendre que l’on avoit tort de ne les pas écouter sérieusement ; qu’elle ne se sentoit encore aucun goust pour le mariage, & que quand ce goust luy seroit venu, elle prendroit le temps necessaire pour connoistre si elle seroit veritablement aimée, ne se voulant donner qu’à celuy dont elle pouroit se tenir sûre de posseder tout le cœur. Cette maniere de vivre dura encore quelque temps. Le Cavalier estoit toujours bien reçû, mais la seule honnesteté sembloit regler cet accüeil, & la Belle ne se hastoit point de s’expliquer sur les declarations qu’il faisoit de son amour. L’incertitude où il demeuroit par là, le rendoit rêveur & mélancolique, & le Frere qui penetroit dans son cœur, luy conseilloit de rendre des soins ailleurs, ce qui ne pourroit manquer de produire un bon effet, puisque quand même il ne prendroit point d’amour pour la personne à qui il s’attacheroit, la jalousie qui est naturelle aux Femmes que fâche toûjours une conqueste échapée, forceroit sa Sœur à luy découvrir ce que peut estre elle affectoit de cacher. Quoy que le conseil fust bon, il ne se put resoudre à le suivre, & il aima mieux continuer de souffrir que de devoir son bonheur à une feinte. Il sçeut cependant qu’il estoit aimé, lors qu’il s’y devoit le moins attendre. Un Vieillard fort riche, & qui passoit soixante & dix ans, ayant un jour rencontré la Belle chez une Dame à qui il estoit allé rendre visite, s’avisa de luy dire des douceurs. Cette agreable personne qui se plaisoit à se divertir de tout, y répondit d’un air gracieux, & la chose fut poussée si loin en presence de la Dame, que non-seulement elle l’accepta pour son Amant, mais que même elle luy donna rendez-vous pour le lendemain dans le même lieu. Le bon homme s’y trouva, & rien ne fut plus réjoüissant que leur conversation, qui roula toute sur ce qu’un Amant & une Maistresse se peuvent dire de plus obligeant. Ce rendez-vous fut suivi de plusieurs autres, & le bon homme prit feu. La Dame qui s’en apperçût ne fut pas fâchée de ces entrevûës, & conseilla à la Belle de se faire une affaire sérieuse de l’amour qu’elle luy avoit donné. Elle tourna tout en plaisanterie, ne croyant pas qu’à son âge on pust estre susceptible d’une forte passion. Ce fut cependant une vraye conqueste qu’elle fit sans en avoir le dessein. Le bon homme flaté des favorables réponses qu’elle luy faisoit pour se divertir, & ne croyant pas qu’elle fust capable de mépriser les avantages qu’il pouvoit luy faire en l’épousant, alla proposer la chose au Frere, & l’assura qu’il pouvoit compter sur le consentement de sa Sœur. Le Frere surpris de la proposition, luy répondit fort civilement que sa recherche luy faisoit honneur, mais qu’il connoissoit l’esprit de la Demoiselle, & qu’il avoir peine à croire, quelque chose qu’elle eust pû luy dire par honnesteté, qu’elle se resolust aussi aisément qu’il le croyoit à un mariage, où son âge trop avancé en comparaison du sien, luy faisoit craindre qu’il ne trouvast un grand obstacle. Le bon homme l’ayant prié de parler, & de luy répondre de tout ce qu’elle pourroit souhaiter du côté du bien, il fut obligé de se charger de cette commission. La Belle se mit à rire de la folie du bon homme, & conta à son Frere, que par un pur enjoûment d’esprit elle l’avoit bien voulu recevoir pour son Amant, en presence d’une Dame chez qui elle l’avoit trouvé plusieurs fois, mais que l’interest n’auroit jamais assez de pouvoir sur elle, pour l’obliger de sacrifier ses belles années à l’extravagance d’un Vieillard, qui devoit plutost songer à mourir qu’à se marier. Son Frere qui n’avoit pas voulu la contraindre en faveur de son Amy, n’eut garde de la presser sur une affaire où il y avoit de justes dégoûts pour elle. Il fit réponse au bon homme, qui ne se rebuta point du premier refus. Sa passion estoit devenuë si forte, qu’il eust volontiers acheté la Belle de tout son bien, si pour l’acquerir, il n’eust fallu que s’en dépoüiller entierement. Il pria le Frere de luy parler de nouveau & l’assura qu’elle seroit maistresse des articles qu’elle voudroit que l’on employast dans le Contrat, & tout cela n’ayant rien produit pour son amour, il se servit d’un moyen qu’il crut fort sûr pour mettre le Frere dans ses interests. Il luy fit voir une Fille unique qu’il avoit, & qui estoit extrêmement riche par elle-même, sa Mere, qu’elle avoit perduë depuis trois ou quatre années, luy ayant laissé beaucoup de bien. Cette Fille estoit aimable & bien faite, de fort belle taille, & d’une humeur douce qui obligeoit de l’aimer aussi-tost qu’on la voyoit. Le Frere l’ayant entretenuë trois ou quatre fois, luy trouva tout le merite qu’on peut souhaiter dans une personne de son sexe, & fut fort surpris quand le bon homme luy dit qu’il se répondoit si bien de sa tendresse pour luy & de son obéïssance, que si cent mille écus qu’elle avoit de bien luy suffisoient, il se pouvoit tenir sûr d’estre son Gendre, pourvû qu’il luy fist épouser sa Sœur. Rien ne luy pouvoit estre plus avantageux que cette assurance. Elle avoit de quoy le satisfaire tant du costé de l’ambition que de celuy de l’amour. L’Heritiere étoit bien capable de charmer par les agrémens de sa personne, & il s’estoit aperçû qu’il ne luy déplaisoit pas. Il en eut encore un accüeil plus favorable aprés qu’il eut assuré son Pere qu’il se serviroit de toutes sortes sortes de voyes pour porter sa Sœur au mariage qui luy avoit esté déja proposé. Il est aisé de juger qu’il n’oublia rien pour le faire réussir. Il eut d’abord recours aux prieres, & il les accompagna de toutes les marques de tendresse qu’un Frere peut donner à une Sœur. Il dit à la Belle, qu’estant maistresse de la fortune de l’un & de l’autre, puis que les deux mariages dont il s’agissoit, les devoient mettre tous deux dans une situation brillante, il ne doutoit point qu’elle n’eust d’autant moins de repugnance à vaincre l’aversion qu’elle avoit laissé paroistre, qu’outre qu’elle feroit le bonheur d’un Frere dont elle estoit cherement aimée, elle s’assuroit de grands avantages, qui la mettroient ensuite en estat de choisir selon son cœur, puis que le bon homme estoit d’un âge à faire croire qu’il ne vivroit pas encore longtemps. Cela fut dit avec toute l’éloquence que l’amour & l’interest peuvent fournir à un homme qui a dessein de persuader ; mais la Belle ne s’en laissa point toucher. Elle s’obstina dans son refus, & dit toujours à son Frere, que quand elle n’auroit à passer que trois ou quatre de ses plus belles années avec un homme qu’elle ne pouvoit souffrir, tout le bien qu’il luy pouvoit laisser par sa mort ne l’indemniseroit pas des vifs chagrins qui l’accableroient pendant ce temps. Le Frere pressé toujours par le Vieillard amoureux qui luy promettoit sa Fille, continua d’agir auprés de sa Sœur, & tous les efforts qu’il fit pour l’obliger à changer de sentiment, n’ayant eu aucun succés, il conjura son Ami, puis qu’il n’avoit aucune esperance pour luy-même, de luy faire concevoir le tort qu’elle avoit de refuser ce qui devoit estre si avantageux à sa Famille. Le Cavalier ne luy cacha pas qu’il s’acquitteroit fort mal de cette commission ; qu’il aimoit assez la Belle pour souffrir sans murmurer qu’elle suivist son panchant lors qu’elle feroit un choix, mais qu’il se sentoit entierement incapable de luy conseiller d’épouser un homme, pour qui elle paroissoit avoir tant d’aversion. Il ne laissa pas de luy parler de ce que son Frere l’avoit prié de luy dire, & il le fit en des termes si touchans, & avec de si veritables marques de desespoir sur la resolution qu’elle prendroit de se donner à un autre, qu’elle ne put résister plus longtemps aux sentimens de reconnoissance que luy inspiroit une passion si bien éprouvée. Elle l’assura qu’il n’auroit jamais le déplaisir qu’il craignoit, & se chargea de répondre pour luy à son Frere, à qui elle dit, que pour ne luy pas donner sujet de se plaindre entierement de son peu de complaisance, elle estoit preste d’épouser le Cavalier, pour qui il l’avoit tant de fois pressée de se déclarer. Ce n’étoit plus ce que souhaitoit son Frere. Cette réponse le mit en fureur. Il s’emporta contre son Ami, & dit qu’il voyoit bien qu’il estoit d’intelligence avec elle, pour empêcher qu’il n’épousast l’Heritiere ; que puis qu’elle luy avoit refusé son consentement quand il l’avoit voulu marier avec son Ami, c’estoit une affaire à laquelle il ne falloit plus qu’elle pensast, & que si elle avoit l’injustice de luy faire perdre sa fortune par des refus qui luy estoient desavantageux à elle-même, elle trouveroit toujours en luy le plus mortel de ses Ennemis. La Belle eut beau luy representer qu’il n’estoit pas raisonnable qu’il exigeast d’elle le sacrifice de ses plus beaux jours, il ne voulut point entendre raison. Il prit même une aversion secrete pour son Ami, qui s’estoit fait enfin aimer de sa Sœur, & il n’épargna pas les paroles aigres, en luy reprochant qu’il estoit cause de ce qu’il perdoit la belle Heritiere. Le Cavalier les souffrit, ne voulant pas pousser un Amy que la passion rendoit incapable de raisonner juste, mais la chose n’en demeura pas là. La Belle estant toûjours ferme dans ses sentimens, son Frere qui avoit déclaré qu’il ne souffriroit jamais qu’elle épousast son Amy, voulut l’empêcher d’en recevoir aucune visite, & les obstacles qu’il tâcha de mettre à leurs entrevûës, ne firent qu’augmenter leur union. Il en eut un chagrin qui alla jusqu’à la rage, & l’amitié qu’il avoit euë jusques-là pour luy, se changea en une haine si forte, que ne pouvant en estre le maistre, il s’abandonna à ses transports les plus violens. Ainsi l’ayant rencontré un soir qu’il sortoit de chez sa Sœur, malgré les deffenses qu’il luy avoit faites de le recevoir si elle vouloit qu’il n’arrivast rien qui eust de fâcheuses suites, il fut incapable de se posseder, & trop remply du chagrin de ne pouvoir satisfaire le Vieillard pour obtenir l’aimable Heritiere, par un mouvement impetueux qui luy estoit assez naturel, il courut vers son Ami l’épée à la main. Le Cavalier ne tira la sienne que pour se mettre en estat de parer en reculant. Il le fit autant qu’il put, sans qu’il portast un seul coup, mais son ennemy que la colere aveugloit, se précipitant avec fureur, s’enferra malgré tout le soin qu’il prenoit pour l’épargner. La blessure qu’il se fit luy-même, le laissa sans force, & presque aussi-tost sans mouvement. Il expira un moment aprés, & n’eut que le temps de déclarer, qu’il estoit luy seul cause de sa mort, ayant mis l’épée à la main contre un Amy qui ne songeoit à rien moins qu’à avoir un different avec luy. Cette déclaration n’empêcha pas qu’on ne poursuivist vivement le Cavalier, qui fut contraint de se mettre en lieu de sûreté. Le Vieillard qui estoit puissant, aida de tout son credit les Parens du Mort, & n’oublia rien pour faire paroistre l’affaire toute criminelle. La desolation de la Sœur fut grande. Elle perdoit un Frere qui luy avoit toûjours esté cher, & le perdoit par la main d’un homme pour qu’elle avoit pris une veritable tendresse. Le Cavalier obligé de s’éloigner jusqu’à ce que l’on eust vû si l’affaire n’estoit point susceptible d’accommodement, la fit prier de luy accorder un rendez-vous où il pust l’entretenir en secret. Elle refusa toûjours de le voir, disant que l’entrevûë seroit inutile, & ne serviroit qu’à l’affliger, puis que l’honneur luy deffendoit d’épouser celuy qui avoit tué son Frere, quoy qu’elle fust fort persuadée qu’il n’avoit contribué à cette mort que par le seul soin de se deffendre. Ainsi il passa dans une Cour étrangere sans avoir eu la douceur de prendre congé de cette aimable personne, & cinq ou six mois aprés, la Belle, dégoûtée du monde, & ne se consolant point d’avoir esté cause d’un si grand malheur, alla se jetter dans un Convent, où elle a pris depuis peu l’Habit de Religieuse.

A Madame la Princesse de Savoye §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 203-207.

Madame la Princesse de Savoye fait toujours le charme de la Cour, & son esprit dont je vous ay rapporté tant de traits lors que cette Princesse arriva en France, a toujours brillé de plus en plus. Je vous envoye des Vers fort galans & fort ingenieux, que Mademoiselle Lheritier a adressez à cette Princesse.

A MADAME
LA PRINCESSE DE SAVOYE.

Vous n’avez pas un trait qui ne soit fait pour plaire,
D’un Heros tout guerrier vous receustes le jour.
 Vous sortez d’une auguste Mere,
 Charmante, & Reine de Cithere.
C’est donc avec raison qu’on vous prend pour l’Amour.
Je trouve cependant dans cette ressemblance
 Un peu de difference.
Vostre Pere se plaist à braver les hazards,
 Ainsi que le Dieu de la Trace ;
Mais au courage il joint & politesse & grace ;
 C’est ce qu’on ne voit point en Mars.
Cette Beauté si digne Sang de France,
(Sang dont tout l’Univers vante les sacrez droits,
Sang dont sort un grand Roy, le modele des Rois,
Sang dont le monde entier revere la puissance)
 Cette Beauté qui sortant d’un tel Sang,
 Dans l’éclat d’un suprême rang
  Vous donna la naissance,
Voit son air, il est vray, briller de mille appas.
 Les Graces marchent sur ses pas,
 Mais encor la belle Princesse
 Est toute pleine de vertus,
 De grandeur d’ame, de sagesse.
 Ces qualitez ne sont point dans Venus.
 Pour vous, du Fils de Citherée
Vous avez, il est vray, les attraits gracieux ;
Mais dés un âge tendre équitable, éclairée,
Sur la raison toujours on vous voit mesurée.
C’est là ce que n’est point le plus badin des Dieux.
 Vous avez, Princesse charmante,
 Tout ce que l’Amour a de beau,
Sans avoir les défauts dont il nous épouvante.
 Que luy sert son brillant flambeau ?
Il a les yeux voilez par une nuit profonde.
Vos beaux yeux sont toujours remplis d’un feu nouveau,
 On vous prendra par tout le monde
 Pour l’Amour sage & sans bandeau,

A son Altesse Royale Mademoiselle §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 207-208.

La même Mademoiselle Lheritier a fait le Madrigal suivant.

A SON ALTESSE ROYALE
MADEMOISELLE.

 Princesse, un docte Precepteur
Qui vit dés le berceau briller vostre sagesse,
Sçût faire à vostre esprit si remply de justesse,
Du sublime sçavoir atteindre la hauteur.
 A vos lumieres infinies
 Ce grand Homme donnant l’essor,
 Vous surpassâtes sans effort
Les talens merveilleux des plus rares genies.
 On admire de toutes parts
 De quelle profonde maniere
 Il vous apprit mille beaux Arts :
 Mais quoy que son zele ait pû faire,
Pour vous tracer la route à des secrets si doux,
 Vous prîtes encor plus chez vous.
Il ne vous montra point, Princesse, l’art de plaire
 Que vous sçavez le mieux de tous.

Le Repentir evité. §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 229-235.

Les conquestes que fit autrefois la belle Laïs sont si connuës, que vous ne serez pas surprise du Conte qui suit.

LE REPENTIR EVITÉ.

Corinthe dans ses murs vit naistre une Pucelle,
A qui rien n’échapoit, & qui sçeut tout charmer !
 Laïs fut le nom de la Belle.
Venus, à ce qu’on dit, avoit moins d’attraits qu’elle,
 Et se seroit moins fait aimer.
Telle qu’on la dépeint il est aisé de croire,
Si l’amour eust armé son cœur de cruauté,
 Que sa dangereuse beauté
De cent meurtres fameux auroit noirci l’Histoire.
Ce Dieu donc y mit ordre, & prévint ces malheurs.
A peine elle eut quinze ans qu’une fléche perçante,
Que luy lança sa main toute-puissante,
Eloigna de son cœur jusqu’aux moindres rigueurs,
 N’y laissant qu’une douce pente
A laisser prendre, & donner des faveurs.
Donner, ce n’est gratis que j’ay prétendu dire.
Dés ce temps-là dans l’amoureux empire,
 Faveurs ne se donnoient pour rien.
Il falloit de l’argent pour toucher sa Maistresse,
Les Dames ont fourni maint autre exemple en Grece,
Que celles de Paris ne suivent que trop bien.
Ce que j’en dis n’est pas un effet de ma bile,
C’est bien fait de mêler l’agreable à l’utile ;
Si l’honneste en estoit, ce seroit encor mieux.
J’y reviens. Laïs donc, jeune, belle, & coquette,
Faisant un revenu du pouvoir de ses yeux,
Bien-tost de ses Amans vit une Cour complette,
Et quoy qu’elle vendist cherement ses faveurs,
Tant estoient ses appas de la raison vainqueurs,
Qu’on n’en regretoit point l’emplete.
Qui l’eust cru ? L’amour mit parmy les Protestans,
 Que Laïs avoit dans ses chaînes,
 Un homme des plus importans,
 Ce fut le fameux Demosthenes,
Philosophe. Orateur, mais ménager du temps,
Et voulant promptement mettre fin à ses peines,
 Il supprima les longs discours,
Et tous les menus soins par où l’amour s’explique.
 Il reduisit sa Rhetorique
 A faire ainsi connoistre ses desirs.
Depuis deux ou trois jours je vous aime, ma Belle.
Je suis jeune, & d’ailleurs assez propre à l’amour.
Vous, vous aimez l’argent ; là, sans aucun détour,
La faveur que j’attens que me coutera-t-elle ?
 Voila, dit-elle, à l’offre prés,
 Un compliment de petit maistre ;
Comme je suis autant franche qu’on le peut estre,
 Il semble que le Ciel exprés
 L’un pour l’autre nous ait fais naistre.
Je ne veux point vous laisser trop souffrir,
Et s’il est vray que je puisse vous plaire,
 Et que vostre ardeur soit sincere,
Moyennant un Talent j’ay de quoy vous guerir.
 Un Talent ? vous n’estes pas sage,
Répond cet Orateur, vous n’y songez pas bien.
Dites-moy, de grace, de combien
Vous avez de vos dons mis le premier usage.
Ce n’est pas là le fait, je veux cinq cens écus,
 Dit Lais, ou n’en parlons plus.
Et moi, dit-il, je veux pour cette somme
En conter en tous lieux sans soupirs superflus.
 Or sus, je ne suis pas vostre homme.
Une dupe à ce prix pourroit se divertir.
 Vous en trouverez à vostre âge
 Mais un Philosophe bien sage
N’achete pas si cher un repentir.

[Galanterie] §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 235-238.

Une Dame d’un rang & d’un merite tres-distingué arriva icy l’hiver passé de Province. Quoy qu’elle soit encore dans un âge ou le nom de Grand-Mere semble plutost une injure qu’une verité, elle n’a pas laissé d’être honorée de ce Titre venerable, par la naissance d’un Fils dont Madame de *** sa Belle-fille est accouchée. Elle reçût des lettres il y a quelques jours qui luy apprirent cette nouvelle. On s’apperçût pendant qu’elle en faisoit la lecture, ou à l’air de son visage, ou à quelques discours qu’elle tint ensuite, que son Fils, qu’elle aime pourtant avec tendresse, luy auroit fait plaisir de differer ce present de quelques années. Une personne de ses Amis luy envoya le lendemain un enfant en maillot, qui tenoit les Vers suivans. Comme elle ne les a fait voir à personne, & que l’Auteur n’a pas jugé à propos de se faire connoistre, ils auront toute la grace de la nouveauté.

A MADAME DE ***

Icy je cherche une Grand-Mere ;
On dit que je la vois en vous.
A cet air, à ces traits si doux
Ce nom affreux ne convient guere.
***
 Je croyois à des cheveux blancs
Que je pourrois la reconnoistre ;
Mais rien ne fait icy paroistre
Les rides que tracent les ans.
***
 Les Plaisirs qui prenant la fuite
Nous quittent avec nos beaux jours,
Empressez avec les Amours
Marchent encore à vôtre suite.
***
 Que je ne vous étonne pas.
L’injurieux nom de Grand-Mere
Ne sçauroit empêcher de plaire,
Quand on conserve mille appas.
***
 Aux traits d’un aussi beau visage
Lorsque j’ose me presenter,
Quoy que ce don fasse un outrage
Ne laissez pas de m’accepter.
***
 Par mes enfantines carresses,
Et par des souris gracieux,
Je plairay peut-estre à vos yeux,
Et meriteray vos tendresses.
***
 Que dans trente ans un beau poupon
Puisse de moy prendre naissance,
Et vous donne à bon droit le nom
Qui presentement vous offense.

Air nouveau §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 273-274.

L'Air nouveau dont vous allez lire les paroles, est d'un fort habile Musicien.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air doit regarder la page 274.
Ce ne sont plus tes feux, Amour mondain,
Dont je ressens la vive flâme,
Ce sont les traits d'un feu divin,
A qui j'abandonne mon ame.
Quand on les peut sentir, helas ! qu'on est heureux,
Et que les tiens sont dangereux !
images/1697-04_273.JPG

[Nouvelle Actrice Italienne] §

Mercure galant, avril 1697 [tome 4], p. 274-275.

On vient de voir paroistre une nouvelle Actrice sur le Théatre des Italiens, sous le nom de Spinetta. Elle y a représenté cinq ou six Personnages differens dans la mesme Piece, ce qui luy a attiré de grands applaudissemens, & le nom d’Actrice Universelle. Elle est venüe de Bruxelles, où elle a joüé longtemps dans la Troupe de Mr l’Electeur de Baviere.