1699

Mercure galant, mars 1699 [tome 3].

2017
Source : Mercure galant, mars 1699 [tome 3].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, mars 1699 [tome 3]. §

[Epistre en Vers] §

Mercure galant, mars 1699 [tome 3], p. 52-67.

Mr de Bétoulaud, connu de toute la France par son merite, & par les Poësies qu’il a eu l’honneur de presenter souvent au Roy, qui les a reçûës avec agrément, envoya l’Epistre suivante au Pere Bouvet, quelques jours avant son départ pour la Chine.

EPISTRE.

Il n’est point de vertu qui soit sans récompense,
Bouvet, & mille fois ta longue experience
T’a fait voir que le fort moins dur & moins malin,
Tost ou tard du merite applanit le chemin.
La fortune, il est vray, quelquefois un peu lente,
Ou bizarre & jalouse, ou trompeuse & changeante,
Par un caprice injuste éloigne ses faveurs ;
Mais enfin la saison & des fruits & des fleurs
Arrive pour tous ceux qu’une sagesse rare
Rend dignes des beaux jours que le Ciel leur prépare.
Ce que j’en dis pourtant, Bouvet, n’est pas pour toy.
Qui de fuir les honneurs te faisant une loy,
Sens bien que la vertu dans un degré suprême,
Peut trouver en tout temps son prix en elle-même ;
Mais à l’égard du reste, & la Ville, & la Cour,
T’ont cent fois comme moy convaincu tour à tour,
Que des biens, qui souvent passoient toute esperance,
Ont esté les presens de la perseverance.
Ainsi lors qu’un mortel peut attirer sur soy,
Par de rares talens, les regards de son Roy,
Soit valeur, soit prudence, ou soit esprit sublime,
Il verra ses bienfaits suivre enfin son estime.
Tel fut ce grand Ministre à Memphis si cheri,
Joseph de Pharaon le fameux Favori.
Le Ciel s’ouvrit pour luy, le temps le fit connoistre,
Et luy-même à son tour honoré de son Maistre,
Vit l’Egypte à ses pieds luy payer le tribut,
Des sept stériles ans prévus pour son salut,
Quand du Songe royal glorieux Interprete,
Et de l’ire celeste infaillible Prophete,
Il éloigna du Nil par l’ample amas du grain,
La menaçante horreur d’une cruelle faim.
 Mais à quoy bon citer ces antiques merveilles,
Dont Moyse occupa cent fois tes doctes veilles ?
Pour te prouver bien mieux le sujet de mes Vers
Par un nouvel exemple illustre à l’Univers,
Et te montrer que Dieu, par un secours visible,
A la vertu Payenne est luy-même sensible,
La Chine est, tu le sçais, l’Empire renommé,
Que le Ciel favorable a sur tout autre aimé.
La Nature y forma tout un Peuple de Sages,
Qui de tout l’Orient merita les hommages,
Et qui Disciple heureux du Socrate * Chinois,
N’écouta que l’amour du devoir & des Loix.
Sous ce joug fortuné d’une droite morale,
Tous les Sujets vivoient d’une concorde égale.
Les Enfans honorant leurs Peres, leurs Ayeux,
En faisoient des Heros sans en faire des Dieux.
Le bon ordre toujours source de l’abondance,
De cent vastes Citez y causoit l’opulence.
Le Commerce à toute heure y prodiguoit ses dons,
Et les champs d’alentour en mille biens feconds,
Au travail assidu rendoient avec usure
Tous les fruits attendus d’une heureuse culture.
En même temps aussi montoient de toutes parts
Au faiste des honneurs la Science & les Arts,
Et des grands Mandarins la troupe favorite
Ne devoit ce haut rang qu’au plus rare merite.
Alors ny le manege à l’intrigue promis,
Ny l’éclat des Ayeux, ny l’appui des Amis,
Ny l’Or, du cœur humain vaste & puissant mobile,
N’estoient sans la vertu qu’un secours inutile.
 Mais deux cens Empereurs de ces Peuples nombreux,
Par mille exploits divers forment sur tout chez eux
Durant quatre mille une suite de gloire,
Qui n’a rien de pareil au Temple de Memoire.
C’est sous eux que l’on vit ces magnifiques ponts,
Dont la hauteur s’égale aux plus superbes monts ;
Ces Palais tout couverts de dorures brillantes,
Des maisons du Soleil images éclatantes,
Ces Arcs victorieux des injures du temps,
Et des noms immortels conservateurs constans,
Ces Tours & ce long mur qui du costé de l’Ourse
Si souvent du Tartare a réprimé la course,
Qui ceint ce grand Empire, & d’un art merveilleux
Tantost monte au sommet des rochers sourcilleux,
Tantost dans les sablons d’une campagne aride
Eleve jusqu’au Ciel sa structure solide.
Mais ce qui passe tout ; ces Princes genereux
N’aspiroient qu’à regner sur des Sujets heureux,
De leur Peuple soumis à leurs vœux raisonnables,
Bien moins Maistres puissans que Peres équitables ;
C’est par là qu’ont brillé Fo-hi, Tiko, Vou-vam,
Hoamti, Caot-son, & le pieux Cam-vam.
 Mais sans compter le faits que leur Histoire étale,
Qu’arrive-t-il aprés tant de sage morale,
Aprés tant de grandeur, où l’esprit du Chinois
A porté si longtemps son Empire & ses Loix ?
Touché de ces vertus le Ciel pour récompense
Forme enfin un Heros dans le sein de la France,
Qui fameux dans la Guerre, & fameux dans la Paix,
Sçait jusqu’au bout du monde étendre ses bienfaits,
Qui cherissant la Foy plus que toute la gloire,
Dont par tout l’Univers l’a couvert la Victoire,
Daigne animer luy-même aux celestes moissons
De l’Esprit du Seigneur les sacrez nourrissons.
Ces Apôtres nouveaux vont au bout de la terre
Prescher le joug heureux du Maistre du Tonnerre.
On voit à leurs éclairs les Chinois ébloüis,
‡ Camhi se sent ému pour le Dieu de LOUIS,
Et voit que ce grand Prince eust fait moins de miracles,
S’il n’eust d’une Loy sainte écouté les Oracles.
 Aussitost des Chrestiens les Temples sont ouverts,
Et la voix des Xaviers ébranlant l’Univers,
Au son victorieux des divines paroles,
Le Bonze épouvanté voit tomber ses Idoles.
Fontenay, Visdelou, Gerbillon & Bayard, §
De la Croix en leur place arborent l’étendard,
Et des Enfans du Ciel devenus les vrais Peres,
Font à toute la Chine adorer nos mysteres.
Mais c’est le Comte ** & Toy qui dirigez leurs pas,
Et redoublant leur force en ces lointains climats,
Que ne font pas vos soins, si fervens, si celebres,
Pour ravir cet Empire au Prince des Tenebres,
Et l’éclairant par tout des rayons de la Foy,
Du Démon qui l’aveugle y détruire la Loy ?
Déja le digne choix d’une Troupe †† nouvelle,
Du zele ardent d’Ignace heritiere fidelle,
Malgré mille dangers te suivant en ces lieux,
Pour le Dieu que tu sers va combattre à tes yeux,
Soutenir avec toy la foule militante
Des nouveaux Confesseurs d’une Eglise naissante,
Veiller, prier, souffrir, s’aneantir pour eux,
Dans l’espoir de les rendre à jamais Bienheureux.
Ny le charme secret de l’aimable Patrie,
Ny la vive Eloquence en nos jours si cherie,
Ny l’amour si puissant du repos le plus doux,
Rien ne peut, on le voit, vous retenir chez nous.
Aussi la Sion sainte où le Ciel vous appelle,
Réserve à vos travaux une Palme immortelle,
Et vostre récompense à la fin de vos ans,
Vous attend au milieu de mille Astres brillans.
Pour Loüis, qui soutient vostre ardeur si Chrestienne,
Par avance icy-bas il joüit de la sienne.
La Victoire, la Paix, tous ses vœux triomphans,
L’amour de ses Sujets, celuy de ses Enfans,
Le respect des Humains, la vaste Renommée,
La pieté par luy sans cesse ranimée,
Le sçavoir enrichi, le merite honoré,
Tout l’Empire des Mets à sa voix rassuré,
La terre plus feconde, & la gerbe abondante,
En nos riches guerets surpassent nostre attente,
Tout cela dans le sein d’un glorieux repos,
Sous l’Olive aujourd’huy couronne ce Heros,
Et justifie encor, Bouvet, ce que j’avance,
Qu’il n’est point de Vertu qui soit sans récompense,
Et que tout le bonheur qui suit un si grand Roy,
Tu le vois bien, Bouvet, est le prix de sa Foy.

A Bordeaux ce 2 de Mars 1698.

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[Lettre touchant l'Hôpital General nouvellement establi dans la Ville de Grasse] §

Mercure galant, mars 1699 [tome 3], p. 68-84

A Grasse le 20. d'Aoust 1698.

 

MADAME,

Je n'ay aujourd'huy que de bonnes nouvelles à vous mander. On vient d'établir un Hôpital General dans nostre Ville, avec un succés qui fait plaisir à tout le monde. [...] On vit ces deux jours-là plus de mille personnes, Mr de Villeneuve, Maire de la Ville, en teste, tenant une Enseigne, où estoit écrit ce mot, Charité, accompagné des Tambours, des Fifres & des Violons, porter de grosses pierres sur la teste, ou sur l'épaule, ou les traîner sur des machines. [...]

On détermina de benir & de poser cette pierre fondamentale le jour de S. Ignace, 31. de Juillet, ce qui fut executé comme on l'avoit projetté. On porta en procession une grande Croix, qu'on plaça dans l'endroit où devoit estre le Maistre Autel de l'Eglise de l'Hôpital, & le jour de Saint Ignace, sur les quatre heures du soir, tous les Corps de Ville Seculiers & Reguliers, invitez à la Procession, s'assemblerent dans l'Eglise Cathedrale. Mrs les Consuls firent publier un ordre à tous les Habitans de fermer leurs Boutiques, pour assister à cette ceremonie. Une troupe d'Enfans portant chacun une Enseigne, où estoit écrit ce mot, La Charité, précedoit la Procession. Les deux compagnies des Penitens blancs & noirs marchoient aprés. Ils estoient suivis par les Capucins ; aprés quoy venoient les Directeurs de l'Hôpital, tenant en main un grand flambeau allumé, la Musique, le Clergé & Monseigneur l'Evêque, revestu de ses habits pontificaux. Cet ordre estoit suivi d'une foule extraordinaire de peuple. Sitost qu'on fut arrivé à l'emplacement, tous se rangerent autour de l'Autel qu'on avoit dressé. Un des Missionnaires fit un Discours fort touchant & fort propre à enflâmer le zele des Habitans. La Musique chanta le Te Deum. Monseigneur descendit dans le fondement, profond de vingt-deux pans, large de six, & long de trente-six cannes, benit la pierre fondamentale, sur laquelle plusieurs jetterent de l'argent, à l'exemple de Monseigneur. Les Boëtes tirerent ensuite en signe de réjoüissance, au bruit des Trompettes, des Tambours & des acclamations de tout le peuple. [...]

Chanson nouvelle §

Mercure galant , mars 1699 [tome 3], p. 105-107.

Je vous envoye un Air nouveau de M. Vaudry. Les paroles sont de M. Dader.

Chanson Nouvelle.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Le fier Tirsis, doit regarder la page 105.
Le fier Tircis armé de sa houlete
Brave l'Amour comme il brave les loups ;
Et ses moutons, sa flute & sa musete,
Font de son cœur les plaisirs les plus doux.
***
Ce beau Berger pour qui seul je soupire
Ne connoist pas le secret de mon cœur.
Ah ! quel tourment d'aimer sans l'oser dire !
Que ne peut-il deviner son bonheur ?
***
En vain mes yeux auprés de ce volage
Font éclater leur plus brillante ardeur ;
Loin de répondre à leur tendre langage,
L'indifferent m'accable de rigueur.
***
Mais c'est en vain qu'il resiste à ma flâme,
De sa rigueur l'Amour est offensé,
Et ce beau feu qui brûle dans mon ame,
Doit tost ou tard estre recompensé.
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[Suite des divertissemens du Carnaval] §

Mercure galant , mars 1699 [tome 3], p. 126-130.

Ma Lettre vous ayant esté envoyée le mois passé, trois jours avant le Carnaval, je n'ay pû vous parler du bal qui se donna le Lundy dans la Sale de la Musique du grand Appartement du Roy. [...] Toute la Maison Royale y assista, le nombre des Danseurs & des Danseuses y fut tres-grand, & les uns & les autres estoient magnifiquement parez, & sur tout les Dames, à cause de la quantité de pierreries dont leurs habits estoient enrichis, le deüil ayant esté quitté ce jour-là par ceux qui formoient le bal. Toute la jeunesse de la Cour de Monseigneur le Duc & de Madame la Duchesse de Bourgogne fut de ce Bal, où le jeune Prince d'Ansbach se distingua. Le Bal commença à dix heures & demie, & finit à une heure.

Le dernier jour du Carnaval, Madame la Duchesse de Bourgogne donna à souper à Messeigneurs les Princes, & ses Dames, & ne descendit qu'à minuit chez Monseigneur où estoit le Bal. On y dansa dans deux chambres ; il y avoit des violons dans l'une & dans l'autre. On n'y entra que masqué, & la foule y fut tres-grande. Les Masques y furent magnifiques, & le Bal ne finit qu'à prés de trois heures.

[Divertissemens du Carnaval de Lorraine] §

Mercure galant, mars 1699 [tome 3], p. 151-177

Depuis l'heureux Mariage de leurs Altesses Royales Monsieur le Duc & Madame la Duchesse de Loraine, les divertissemens & les jeux ont succedé presque tous les jours les uns aux autres à Nancy, par une suite continuelle de nouveaux plaisirs, que cette belle union a procurez à toute la Cour ; mais de toutes les festes que l'on y a vûës, rien n'a esté comparable à la Mascarade qui s'y fit pour fermer le Carnaval. Elle étoit composée de quatre Quadrilles qui representoient quatre Nations differentes, sçavoir celle des Turcs, celle des Espagnols, celle des Mores & celle des Allemans. Dans chaque Quadrille il y avoit plusieurs Dames conduites sur un char de triomphe, & suivies d'une troupe de Gentilshommes à cheval, tous superbement vétus, suivant la mode de chacune de ces quatre Nations. Toutes ces Dames & ces Gentilshommes s'assemblerent sur les cinq heures du soir à la Cour, d'où l'on commença la marche à la clarté des flambeaux. Elle fut ouverte par quantité de Trompettes & de Timbaliers, conduits sur un Char orné d'une maniere fort grotesque. Ces Trompettes habillez à l'Allemande, & qui faisoient retentir par tout le bruit de leurs fanfares, précedoient une troupe charmante de Dames habillées à l'Allemande, d'une extréme propreté. Elles estoient placées sur un Char couvert de divers ajustemens fort agreables, & conduit par M. le Comte de Couvonges, Grand Chambellan de S. A. R. qui avoit pour postillon M. le Comte de Vierme, premier Ecuyer de Madame la Duchesse Royale, & Capitaine aux Gardes. Voicy les noms de ces Dames.

Mademoiselle de Remauville Bassompierre.

Mademoiselle de Baudricourt Bassompiere.

Mademoiselle de Custine.

Mademoiselle de Guermange.

Madame la Comtesse de Saint Ignon.

Madame la Baronne Canon.

Mademoiselle de Gerbeville.

Mademoiselle d'Aunois.

Neuf Cavaliers sur des chevaux de prix superbement enharnachez, suivoient le Char de ces Dames. Ils étoient comme elles habillez à l'Allemande, & marquoient en toutes choses leur adresse & leur bonne mine. Quantité de Valets de pied avec des flambeaux de cire blanche, éclairoient de part & d'autre pour faire paroistre leur magnificence, malgré l'obscurité de la nuit. Il y avoit toûjours un de ces Cavaliers à la teste de la Quadrille, comme un Aide de Camp, pour faire observer un bel ordre dans la marche. En voicy les noms.

M. le Comte de Haussonville, Grand Maistre de l'Artillerie.

M. le Comte de Raichecourt, Grand Voyer de Lorraine.

M. le Marquis du Chastelet, Capitaine aux Gardes.

M. le Marquis de Bassompierre.

M. le Comte de Gournay, Chambellan de S. A. R.

M. le Comte de Sales.

M. le Comte de Fontaine, Cornette des Chevaux-Legers.

M. le Marquis de Manzer, Capitaine de Cavalerie pour S. M. T. C.

La seconde Quadrille suivoit, précedée par un grand nombre de violons, conduits sur une machine fort plaisante à voir. Aprés eux paroissoit un Char beaucoup plus orné par les Dames qui le remplissoient, que par les divers embellissemens qu'on y voyoit. Toutes ces Dames estoient richement habillées à l'Espagnolle. M. le Marquis de Mouy les conduisoit, ayant M. le Marquis de Saint Germain-Beaupré pour postillon. Ces Dames estoient

Mademoiselle de Lenoncourt, Blainville.

Madame de Lenoncourt Dudicourt, Dame d'Epinal.

Madame de Meresberg Dudicourt, Dame d'Epinal.

Madame de Lamberty Dame de Sainte Marie à Metz.

Madame de Gallo, Dame de Remiremont.

Mademoiselle de Lobeditz.

Mademoiselle de Choiseul.

Mademoiselle de Puisdebar.

Mademoiselle de Permellac.

Tout ce qu'on rapporte de la noble fierté des Espagnols, paroissoit avec avantage dans les Gentilshommes de cette Quadrille. Leurs habits pompeux joints à leurs manieres graves, les auroient fait prendre dans Madrid pour les Grand d'Espagne. Ils marchoient en bel ordre, deux à deux, après le Char de leurs Dames, ayant à leurs costez des Estafiers qui les éclairoient avec des flambeaux. Ces faux Espagnols estoient

M. le Comte de Brionne, Grand Maistre de la Garderobe.

M. le Comte de Crayon, Enseigne des Gardes du Corps, Chambellan de S. A. R.

M. le Chevalier de Custine, Capitaine aux Gardes, Chambellan de S. A. R.

M. le Comte de Male, Chambellan de M. le Prince Charles.

M. le Comte de Hornstein.

M. le Baron du Hautoy, Chambellan de M. le Prince François.

M. de Vitrimon le cadet.

M. de Brialle, Capitaine de Cavalerie au service de S. M. T. C.

M. de Caraman, Capitaine de Cavalerie au service de Sa Majesté Tres-Chrétienne.

Aprés cette Quadrille marchoit un char remply de Joüeurs de flûtes, de tambours de Basques, de musettes & de cymbales, tous vétus en Mores, qui par leurs airs bizarres, répondoient aux trompettes de la premiere Quadrille. M. le Marquis de Beauveau, Capitaine des Gardes du Corps, avec M. le Comte de Curel, Lieutenant de la Venerie, & Chambellan de S. A. R. qui estoit à la place du postillon, menoit une troupe de Dames Africaines, dont les habits donnoient un fort grand éclat à leur beauté. Ces Dames estoient

Mademoiselle de Bassompierre, Fille d'Honneur de Madame Royale.

Mademoiselle de Netancour, Fille d'Honneur.

Mademoiselle de Ravenelle, Fille d'Honneur.

Mademoiselle de Meuse.

Madame la Marquise de Fucey.

Mademoiselle de Custine.

Madame la Comtesse des Sales.

Madame la Comtesse de la Porte.

Mademoiselle de Lory.

Les divers ajustemens de tous les Cavaliers de cette Quadrille, deguisez en Mores, faisoient un spectacle tout charmant. Ils tenoient chacun un dard à la main, & marchoient ensemble à mode de ces peuples. Voicy leurs noms.

M. le Marquis de Beauveau le fils, Chambellan.

M. le Comte des Armoises, Cornette des Chevaux-Legers.

M. le Comte d'Apremont, Capitaine aux Gardes, & Chambellan.

M. le Comte de Taxis.

M. le Baron d'Elz, Chambellan de M. le Prince Charles.

M. le Marquis de Fucey, Exempt des Gardes.

M. le Comte de Freyberg.

M. du Ham, Major du Regiment aux Gardes.

M. de Vitrimon, Lieutenant des Gardes du Corps.

M. de Trocmorton, Capitaine aux Gardes.

Ces Africains estoient suivis de Joüeurs de Hautbois, de Tambours à la Janissaire, & de plusieurs autres Instrumens Turcs, qui par leurs sons differens & pleins d'harmonie, avoient quelque chose de guerrier mais tres-agreable. Ces Joüeurs étoient vétus à la Turque, & trainez sur un Char, dont les ornemens estoient extraordinaires. Ce Char en précedoit un autre d'une magnificence qui ne se peut exprimer. Il estoit fait d'une maniere tres-ingenieuse, & tout couvert des plus pretieuses étofes du Levant, relevées superbement de divers ouvrages en broderie de soye, d'or & d'argent. Huit chevaux alezans, d'une beauté peu commune, trainoient ce Char magnifique. Leurs harnois faits à la Turque, les aigrettes de plumes fines de differentes couleurs, qu'ils portoient sur leurs testes, sembloient augmenter leur fierté, qui paroissoit extraordianire sous la main de Monsieur le Duc de Lorraine qui les conduisoit, & qui avoit pour postillon M. le Comte de Spada, l'un de ses Ecuyers. Au fond du Char estoit élevé un Trone enrichy de mille choses pretieuses. Au dessus estoit un superbe parasol, soûtenu par un petit Amour, & relevé d'une aigrette blanche. C'estoit sur ce Trone qu'estoit assise Madame la Duchesse Royale, habillée en Grande Sultane, & toute brillante de pierreries. A ses pieds estoit assis M. le Prince François, qui paroissoit estre le Dieu d'Amour, travesti en petit Musulman. Les Dames qui avoient l'honneur d'estre assises sur ce Char avec Madame la Duchesse Royale, étoient

Madame la Marquise de Lenoncourt, nouvelle Dame d'Artour.

Madame la Comtesse de Couvonges.

Madame la Maréchale de Bassompierre.

Madame la Comtesse de Furstemberg.

Mademoiselle de Ratzeuhauzen, Fille d'honneur de Madame Royale.

Madame d'Anglute, Dame d'Espinal, & Fille d'honneur.

Mademoiselle de Bastiment, Fille d'honneur.

Madame de Puisdebar, Dame du Lit.

Dix Gentilshommes qui suivoient ce Char en fort bel ordre, fermoient cette marche. Il n'y avoit rien de plus beau à voir que la diversité de leurs habits & de leurs Turbans, qui les faisoient tous paroître comme des Visirs, des Caïmacans, des Bachas, & des premiers Officiers de la Porte. Ces Gentilshommes estoient,

Mr le Comte de Saint Hilaire, Grand Ecuyer de Mr le Prince Charles.

Mr le Comte de Stainville, Colonel d'un Regiment de Cuirassiers pour le service Sa Majesté Imperiale, & Capitaine des Gardes du Corps de S. A. R.

Mr le Comte de Roretet, commandant une Compagnie de Chevaux-legers.

Mr le Comte de Custine, premier Chambellan, & Lieutenant Colonel du Regiment des Gardes.

Mr le Comte des Armoises, Chevalier d'honneur de Madame la Duchesse Royale.

Mr le Comte de Stainville, le Cadet, Colonel d'un Regiment d'Infanterie pour le service de S. M. T. C.

Mr le Comte de Bronne, General dans les Troupes du Roy de Pologne.

Mr le Comte d'Ourche, Colonel d'un Regiment de Cavalerie pour S. M. T. C.

Mr le Baron Fournier, Sous-Lieutenant des Chevaux legers.

Mr d'Arnolet, Lieutenant des Gardes du Corps.

Mr Giovanelli marchoit à la teste de la Quadrille.

Ce fut dans cette belle disposition que la Cavalcade sortit de la Cour. [...] La Mascarade ayant fait le tour de la Ville-neuve, revint à la Cour, où il y avoit dans la Galerie des Cerfs quatre tables préparées, & magnifiquement servies. Les Dames & les Gentilshommes de chaque Quadrille se mirent aux tables qui leur estoient destinées, & qui estoient disposées de maniere, qu'ils pouvoient tous se voir les uns les autres. Les Valets de pied, ou Estafiers, servoient chacun la Nation dont ils portoient les Livrées, & les quatre bandes de Joüeurs d'Instrumens, habillez aussi chacun selon sa Nation, estoient placées separément, & joüoient successivement, en sorte que si-tost qu'une bande cessoit de joüer, l'autre commençoit à se faire entendre. Cette diversité de Musique continua pendant tout le repas, qui dura assez longtemps. Les Dames & les Cavaliers estant sortis de table, on commença à danser, chacun suivant la maniere de sa Nation. Ensuite les quatre Nations se meslerent, & le Bal ne finit que fort avant dans la nuit.

[La Rivale travestie] §

Mercure galant, mars 1699 [tome 3], p. 177-179.

J’oubliay à vous parler le mois passé, d’un Livre intitulé, La Rivale travestie, ou les avantures galantes arrivées au Camp de Compiegne, avec tous les mouvemens de l’Armée. Ce Livre se vend chez le Sieur Brunet, dans la grande Salle du Palais, à l’Enseigne du Mercure Galant. Il est de Mr Nodot, qui a depuis peu donné au Public la Melusine, dont le succés a esté tres-grand. Quant à la Rivale travestie, cet ouvrage n’a pas moins plû à ceux qui l’ont l’ont lû. Il a beaucoup de varieté, & l’on y trouve deux histoires ingenieusement meslées avec les mouvemens du Camp de Compiegne. L’Auteur les a écrites en homme du monde, & qui le connoist. La lecture en donne beaucoup de plaisir, & attache fort. Tous les Amis de M. Nodot sçavent que les ouvrages d’érudition ne luy coûtent pas plus que ces Pieces galantes, qu’on peut nommer des enfans de la vivacité de son esprit.

[Abbé de Boisgibaut-d’Aumalle chargé de Grand-Maistre de Chapelle et de Musique du Duc de Lorraine]* §

Mercure galant, mars 1699 [tome 3], p. 182-183.

Monsieur le Duc de Lorraine a donné à Mr l’Abbé de Boisgibaut d’Aumalle la charge de Grand-Maistre de sa Chapelle & de sa Musique. Ce choix a esté fort approuvé, & le Roy en a donné son agrément avec sa bonté ordinaire, à Madame sa Mere, issuë de l’illustre Maison d’Aumalle, qui a épousé Mr le Marquis de Crussol-d’Uzés, Petit-fils d’Emanuël de Crussol d’Uzés, premier Duc & Pair de France, Prince de Soyon, & Chevalier d’honneur de la Reine. Le défunt Prince Charles IV. Duc de Lorraine avoit honoré du même employ feu Mr le Prince de Lexen.

[Journal des Ceremonies du mariage de la Reine des Romains] §

Mercure galant, mars 1699 [tome 3], p. 183-245

Je vous envoye une Relation tres fidelle & tres-exacte, de tout ce qui s'est passé au Mariage du Roy des Romains avec Madame la Princesse de Hanover. Elle est d'une personne de distinction, qui a assisté à toutes ces Ceremonie, & je vous la donne telle que je l'ay recuë. Quoy que la plus grande partie de ce qu'elle contient ait esté veuë par lambeaux dans les Nouvelles publiques imprimées, ce sera neanmoins une nouveauté de voir tout en corps, & un morceau d'histoire à garder.

Le 15. de Janvier à deux heures aprés midy, aprés que toutes les antichambres furent remplies de Gentilshommes & de Dames avec des habits de ceremonie, l'on appelle dans la chambre de Madame la Princesse de Brunsvick-Hanover, les Envoyez de l'Empereur, d'Espagne & d'Hanover, & l'on commença à marcher vers la Chapelle. [...]

[L'on] arriva à la Chapelle, qui estoit toute tapissée d'un tres beau Damas rouge, & environnée de Balcons pour les Musiciens. [...] Mr Mesdoni, Evêque de Modene, fit la ceremonie du Mariage. Lors qu'il demanda à la Princesse, si elle estoit contente de recevoir pour legitime Epoux Joseph I. Roy des Romains, elle ne répondit qu'aprés s'estre tournée vers Me la Duchesse sa mere, luy faisant une profonde reverence, comme pour luy demander son consentement. Les Envoyez & le Marquis d'Este signerent, aprés que le Te Deum eut esté chanté par un double Choeur de Musiciens, accompagnez de Trompettes, & de toutes sortes d'Instrumens. [...] L'heure du Soupé estant venuë, les Epoux se rendirent à la Salle où la table estoit préparée. Cette Salle magnifiquement tapissée, estoit éclairée par 57. flambeaux, & par huit Lustres de trente bougies chacun. On y avoit préparé plusieurs échafaux fort élevez en forme de perron, pour placer les Dames & les Musiciens. [...] [Le soupé fini, la] table ostée, l'on fit une grande place au milieu de la Salle, où la Reine revint s'asseoir sous le Dais de Mr le Duc, proche duquel estoient hors du Dais, Madame la Duchesse de Brunsvik, & le Cardinal de Medicis, & proche de la Reine, Madame la Duchesse de Modene. Toute le monde estant placé, l'on voit paroistre au bruit des Trompettes & d'autres Instrumens, une grande machine representant Encelade chargé du mont Etna, d'une grandeur demesurée. Le haut de cette montagne s'entr'ouvrant, laissa voir une figure, laquelle representant le Siecle de fer, excita deux troupes d'Allemans & de Turcs, qui parurent aussitost, à combattre l'une contre l'autre, ce qui donna un spectacle fort agreable à toute l'Assemblée, à cause du mouvement de leurs armes, dont ils faisoient l'exercice en se battant. Ces armes estoient des piques & des Drapeaux. Les premiers eurent le dessus. Ils firent les Turcs prisonniers, & les desarmerent ; aprés quoy leur ayant rendu la liberté, ils vinrent tous ensemble applaudir par leurs chants & leurs danses au Mariage de S. M. Dans le temps qu'ils se retiroient, il parut une autre machine representant Saturne & Astrée, ou le Siecle d'or, à la veuë duquel le Siecle de fer disparut tout-à-fait. Saturne & Astrée chanterent ensemble la gloire des Imperiaux, & dirent que la guerre passée ayant duré assez longtemps, la Paix devoit se rétablir sur la terre par le moyen de S. M. qui seule luy pouvoit donner un nouveau siecle d'or. Ensuite les mêmes Allemans danserent, & se retirerent avec la machine, donnant lieu au Bal, que Mr le Duc & la Reine commencerent par une courante, aprés laquelle ils s'assirent. On invita à danser Messieurs les Envoyez, qui remercierent. L'Ambassadeur de la Rep. de Luques dansa teste couverte, de quoy ayant esté averti, il se découvrit. Plusieurs Seigneurs & Dames danserent aprés ; & comme il se faisoit déjà tard, la Reine & S. A. S. se retirerent, & ainsi finit la feste. [...]

[Le Cardinal arrive à Lorere. Il est accueilli par le Duc.] Ils allerent d'abord à l'Eglise, où l'on chanta le Te Deum pour l'heureuse arrivée de S. E. [...]

La Reine partit de Modene le Dimanche matin, & arriva à Rivery le Mardy sur les quatre heures du soir. Mr le Duc de Mantoue alla deux lieuës au devant de S. M. C'estoit un tres agreable spectacle de voir ce fleuve éclairé par une infinité de fanaux, & d'entendre le rivage retentir des concerts que faisoient les Trompettes, les Timbales & autres Instrumens. [...] Le Palais où logea Sa Majesté estoit petit, mais la richesse des meubles supleoit au deffaut de l'edifice. [...] Il y eut [...] un Bal, & tout ce que l'on peut imaginer de splendeur se trouva là. [...]

On marcha six jours pour venir d'Inspruck à Salsbourg, où la Reine fût reçûë au bruit de toute l'artillerie des deux Châteaux. [...] La Reine alla au Palais qui est tres-beau, & les meubles extremement riches. Elle y fut regalée, ainsi que toute sa suite, avec beaucoup de magnificence. On y sejourna le Dimanche huitiéme. La Reine alla à la Messe au Dosme, où l'on chanta le Te Deum, le disné suivit de prés cette Ceremonie. Sur les trois heures aprés midy, toute la Cour se rendit dans un Amphiteatre taillé dans le roc. [...] [Il] sortit des cavernes qui sont au dessous de la premiere gallerie, des Taureaux, des Ours, des Cerfs, des Biches, des Dains, des Loups, des Renards, des Blereaux, des Foines, & plusieurs autres bestes de differentes especes, qui furent un instant aprés ataquées par trente ou quarante chiens qu'on lâcha. Ce combat bizarre & tumultueux dura assez de temps, & finit quand tous ces animaux furent abattus ; de sorte que le Champ de bataille en estoit presque tout couvert. Les Cors de chasse & les Trompettes se mêlerent durant tout le combat, aux differens cris des bestes. Pendant une partie de l'aprés midy on jetta, à plusieurs reprises, des lieux où estoit la Reine, des pieces d'or & d'argent où l'on voyoit ses chifres &ceux du Roy. On avoit fait mettre plusieurs fontaines de la Ville, qui coulerent toute la journée. Le soir, il y eut encore un grand festin avec musique, & un bal où toutes les Dames parurent magnifiquement parées. L'Archevesque n'oublia rien pour faire connoistre à la Reine sa puissance & sa libéralité. Entre plusieurs presens qu'il fit à cette Princesse, il lui donna huit Chevaux de Carosse d'une beauté achevée.

Le jour de l'Entrée de Sa Majesté à Vienne ayant esté fixé au 24. Février, on vit dés le matin en mouvement, tous ceux qui y devoient paroistre. La Reine se rendit le même matin, du Chasteau de Bertorff, où elle avoit couché, au Palais de la Favorite. [...] Les Troupes [...] commencerent à défiler devant Sa Majesté au bruit du Canon de la Ville, où elles entrerent dans cet ordre.

Le Seigneur Colman Gegger de Leuveneg, premier Mareschal des Logis de la Cour, précédoit avec ses quatre Assistans. Ensuite marchoient les Troupes de Hongrie, precedez de dix chevaux de main, de six Trompettes & d'un Timballier. Le Comte de Batthiani, Ban de Croatie, suivoit à la teste de la premiere Compagnie de cent hommes d'armes à cheval, ayant tous des peaux de Tigres & leurs sabres à la main. Le Comte Simon Forgack, Sergent general de Bataille, & Vicegeneral de Frontiere de Canisa, marchoit à la teste de la seconde Compagnie, qui estoit aussi de cent hommes armez de lances avec des banderoles blanches, & deux Fifres à la maniere de Hongrie. Il estoit précedé de ses chevaux de main & de deux Trompettes. La troisiéme Compagnie étoit de soixante-quinze hommes avec des lances & des banderoles vertes & jaunes. La quatriéme estoit de soixante-dix hommes armez de pareilles lances, avec des banderoles vertes & blanches. Aprés suivoient huit chevaux de main, deux Trompettes & quarante Cavaliers le sabre à la main. Ensuite, on voyoit deux Fifres, six chevaux de main, quatre Trompettes & un Timballier, qui précedoient le Prince Esterhasi, Palatin de Hongrie, avec plusieurs Officiers & personnes de qualité. [...]

Aprés ces premieres troupes, une Compagnie de cent cinquante hommes suivoit. Elle estoit commandée par les Magistrats de la Ville, tous bien montez & tres-richement vestus. Cette Compagnie étoit precedé de dix chevaux de main, de six trompettes & d'un Timballier avec leurs Officiers à la teste. Ils avoient des buffles avec des plumes rouges & blanches sur leurs chapeaux & des housses rouges, garnies de galons d'argent. Dix chevaux de main venoient ensuite avec six Trompettes & un Timballier. Une Compagnie suivoit composée de quatre-vingt Marchands estrangers privilegiez de la Ville, ayant leurs Officiers à leur teste tous vestus d'habits garnis de galons d'or, l'équipage de leurs chevaux de même, tous bien montez ayant l'épée à la main. Aprés eux marchoit le Bourguemestre de la Ville, precedé de dix chevaux de main, de six Trompettes, & d'un Timbalier, suivi d'une compagnie de cent-soixante Bourgeois, l'épée à la main, tous vestus de velours ou d'étoffe de soye noire, ayant des chaisnes d'or en écharpe & des plumes blanches sur le chapeau, & montez sur de beaux chevaux bien équippez. Ensuite parurent huit Compagnies de Cuirassiers, levez par les Etats de la Basse-Autriche, commandées par le comte Othon-Henry d'Abensberg & de Traun, Chevalier de la Toison, Conseiller d'Etat, Chambellan, Maréchal & Colonel general de la Basse-Autriche, ayant devant luy huit chevaux de main, douze Trompettes & un Timbalier, suivi du Baron Jean-Charles Geyman, Lieutenant Colonel, & du Comte Joachim Althan, Sergent Major, chacune de ces Compagnies, composée d'environ soixante hommes, avec leur Capitaine, Lieutenant, & Cornette, tous richement vêtus ; chaque Compagnie precedée de chevaux de main, de Timbales & de Trompetes. Les Cuirassiers avoient le casque en teste, avec des plumes rouges & blanches, des housses rouges garnies de galons d'argent, & chacun d'eux avoit un gros noeud de ruban rouge. Toute cette Cavaleris estoit de gens choisis pour cette fonction, bien armez & bien montez, marchant en bel ordre, défilant & redoublant leur file, suivant le largeur des ruës, comme de vieux Regimens auroient pû faire.

Ensuite venoient deux Trompettes du Roy, vingt-huit Mulets avec des couvertures de velours rouges brodés d'or & d'argent, & de grosses perles conduits par des Muletier de l'Ecurie du Roy, six Chevaux de main du Serenissime Archiduc, dix autres du Roy, & douze autres de l'Ecurie de l'Empereur, ayanttous des caparaçons de velours nour, au milieu desquels estoit brodé en gros relief un gros Aigle d'or, avec des Armes Imperiales, & aux coins la lettre L. qui est la premiere du nom de Leopold, avec la Couronne Imperiale aussi garnie de perles. Deux Trompettes & deux Timbaliers de l'Empereur & du Roy, suivoient, & les Pages montez sur de tres beaux chevaux richement enharnachez. [...] On avoit élevé sur la place Braban, le Mont Parnasse avec des figures dorées, qui en representoient les Muses ; & il sortoit d'un grand Aigle doré, avec les Armes de la Ville, deux Fontaines de vin, l'un blanc & l'autre rouge, pour le peuple qui y estoit accouru en foule ; & sur le même Mont il y avoit un tres-beau Concert de Musique. [...] Cependant toute la marche, les Trompettes & Timballes de la Cavalerie, les Tambours & Fifres de l'Infanterie, & ceux qui estoient aux Arcs de Triomphe avec divers Instrumens concerterent toûjours. [...]

Quand ce grand Cortége fut passé devant l'Eglise des Peres Augustins Déchaussez, le Roy & la Reine des Romains y descendirent, & toute la Noblesse estant entrée dans l'Eglise par la porte du Convent, leurs Majestez Imperiales y arriverent avec le reste de la Cour. Elles avoient vû toute la marche des fenêtres du vieux Palais Imperial ; & dans le temps qu'on chantoit en musique les Litanies dans la Chapelle de Lorette, le Roy & l'Archiduc prirent d'autres habits dans une chambre du Convent. [...] Pendant qu'on chanta le Te Deum, on fit trois salves de toute l'Artillerie des remparts.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1699 [tome 3], p. 259-260.

Les paroles qui suivent ont esté mises en Air, par un fort habile Musicien.

Air Nouveau.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Jus plaisant, doit regarder la page [2]59.
Jus plaisant, fameux vin nouveau,
A peine es-tu dans le berceau,
Que tu prétens faire le maistre,
Mais si tu n'as deux mois on refuse ta loy,
Et l'Amour plus adroit que toy,
Regne au moment qu'il vint de naistre.
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