1703

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9].

2017
Source : Mercure galant, septembre 1703 [tome 9].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9]. §

[Hymne] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 34-40.

Vous avez esté si contente, Madame, de l’éloquent Discours que Mr de Vertron prononça en public, lorsqu’il fut reçû Chevalier de l’Ordre Royal de N. Dame du Mont-Carmel & de S. Lazare, que j’ay crû vous faire un nouveau plaisir, de vous donner la Traduction qu’il a faite luy même de son excellente Hymne en Vers latins, à l’honneur de la Vierge Patrone de cet Ordre, dont l’on celebra la Fête si magnifiquement le 16. Juillet dernier dans l’Eglise Abbatiale de Saint Germain des Prez.

HYMNE.

Sainte Mere de l’Eternel,
Enten-nous, Vierge incomparable,
Qui sous le nom de Mont Carmel,
Nous fus tant de fois favorable.
***
Ne cesse point de proteger
Un Ordre, qui dés sa naissance,
Malgré le plus affreux danger,
Fut le soutien de l’innocence.
***
Mille Barbares Ennemis
Désoloient un Troupeau fidele,
Qui sur le Tombeau de ton fils
Alloit faire éclater son zele.
***
Les Chrestiens estoient malheureux
Dans les Campagnes d’Idumée
La tempête grondoit sur eux,
L’Enfer même l’avoit formée.
***
Nos Ayeux dans tous leurs besoins,
Bannissant leurs justes allarmes,
Porterent l’ardeur de leurs soins,
Jusqu’à prendre pour eux les Armes.
***
Ce zele a passé jusqu’à nous,
Même ardeur, même soin nous presse ;
Nous bravons l’Enfer en courroux,
Si le Ciel pour nous s’interesse.
***
Prête-nous ton puissant secours,
Obtien du sauveur de nos ames,
Que sur nous il verse toûjours
Les Trésors de ses saintes flames.
***
Nostre Ordre à tes lois est soumis,
C’est en toy seule, qu’il espere ;
Et nous sçavons bien que le Fils
Ne refuse rien à sa Mere.
***
Qui pourroit tromper nostre espoir ?
On obtient tout dés qu’on te prie ;
Et l’Enfer n’a point de pouvoir
Sur les Serviteurs de Marie.
***
Louis est nostre Protecteur,
De ton Fils il soutien la gloire ;
Pour prix d’une si belle ardeur,
Donne luy partout la Victoire.
***
De Dangeau, par son juste choix,
Sur nous heureusement préside ;
Pour suivre les divines Lois,
Nous n’avons qu’à suivre un tel Guide.
***
De cent vertus il est orné ;
Nous tenons du celeste Maistre,
Le Grand Roy, qui nous l’a donné,
Et ce Chef si digne de l’estre.
***
De ce double present des Cieux
Prolonge icy-bas la durée ;
Sur nous jette un moment les yeux
Du haut de la Voûte azurée.
***
Fais, que nous joüissions un jour
Du divin Soleil qui t’éclaire ;
Et dans cet orageux séjour
Devien nostre Etoile Polaire.

Voila, Madame ce que Mr de Vertron a fait comme Chevalier d’un Ordre Roïal ; voici ce qu’il a fait de nouveau : il a eu l’honneur de presenter au Roy pour bouquet le jour & Fête de Saint Louis, le Portrait de Sa Majesté en Prose Françoise & Latine, lequel doit estre à la tête de l’Histoire qu’il écrit actuellement. Il a joint à ce fidele Portrait, le Paralelle de Sa Majesté, en Vers François & Latins, les uns & les autres Heroïques avec tous les grands Princes des Siecles passez, & quelques uns de celuy-cy. Il presenta aussi le même jour pour bouquet à Monseigneur le Dauphin, un Ouvrage latin qui est le commencement de l’Histoire de ce Prince, il est intitulé ; Ludovicus Audax, seu Franciæ Delphini Primitiæ Triumphales. Ces mêmes Ouvrages ont servi encore de bouquet à Monseigneur le Duc de Berry. Vous ne devez pas douter, Madame, du favorable accüeil que toutes ces Puissances ont fait à Mr de Vertron.

[Les entretiens de l’agréable societé] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 69-72.

On trouve chez Mr le Mercier dans la ruë du Foin, Les Entretiens de l’agreable Societé à Madame la Marquise de ***. Ce petit Livre est écrit avec beaucoup de delicatesse & de pureté de langage. On y remarque un grand feu d’imagination, & beaucoup de brillant soutenu par de solides raisonnemens. Titonville lieu charmant, est celuy de la Conference, on y raconte d’abord l’heureuse avanture d’un jeune Comte, qui se promenant aux Thuilleries avec deux aimables personnes, fut mandé par une jeune Dame inconnuë qui l’attendoit à la porte de la Conference, on y peint agreablement l’embarras du jeune homme, qui ne voulant pas manquer une avanture, qui avoit toute l’apparence d’une bonne fortune, vouloit pourtant avoir tous les égards de la plus exacte politesse envers deux jeunes Dames, qu’il auroit esté tres fâché de quitter dans un autre temps. On trouve ensuite une petite Histoire fort agreable de l’amour, on y découvre les caprices, & les inegalitez de l’amour : ce petit Livre finit par une fable du Moineau, de la Fauvette & du Faucon, dans laquelle on trouve une fine Allegorie, & le tout est terminé par une Lettre badine, qui peut faire oublier pour un moment les bizarreries de l’amour, on croit que l’Auteur de cet Ouvrage est un Abbé, connu pour un homme d’un goût fin & delicat, & qui est capable d’écrire de tres-jolies choses quand il luy plaira de s’en donner la peine. La Marquise de … à qui est adressé ce petit Entretien est une de ces spirituelles personnes qui sçavent allier tout l’esprit du monde avec les plus touchans agréemens.

[Madrigal] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 78-79.

Mr Fuzelier, dont les Vers sont estimez, & qui a autant d’érudition que de vivacité, a fait sur le sujet de cette conversation, le Madrigal qui suit.

C’est en vain que Baste & Manille,
Pretendent chez Nanette à l’Empire du jeu,
Ils étallent en vain, leur merite avec feu,
Les Dames, de tout temps, ont esté pour Spadille.

Air nouveau §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 79-80.

Les paroles suivantes ont esté faites, & mises en Air par Mr l’Abbé de Poissy. Il n’est pas necessaire de vous dire qu’elles sont sur la naissance de Monsieur le Duc de Chartres, il seroit difficile de se méprendre en les lisant.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Vous dont le Ciel paye une ardeur sincere, doit regarder la page 79.
Vous dont le Ciel paye une ardeur sincere,
Digne fruit d’un Hymen heureux,
Prince, vous couronnez nos vœux,
Vivant portrait d’une charmante mere,
Si vous suivez les pas de vôtre auguste pere,
Vous ferez dire un jour,
Qu’en vous on a trouvé Mars, Minerve, & l’Amour.
images/1703-09_079.JPG

[Bouquet] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 80-82.

Je vous envoye deux petits Ouvrages galans dont les Auteurs ne veulent pas estre connus.

BOUQUET.

Vous présenter un peu de fleurs,
Ajouter quelques Vers d’une valeur legere,
Témoigner du regret de n’en sçavoir pas faire
De plus jolis ou de meilleurs ;
Vous offrir les respects avec un cœur sincere,
Joindre à cela d’ardens souhaits
Que le Ciel qui sur vous répand mille bienfaits
Vous accorde une destinée
Aussi longue que fortunée,
Faire entendre de plus non sans timidité
Quelques accens d’une flame secrette ;
Un tel bouquet, trop aimable Lisette,
Peut il vous estre presenté ?
C’est cependant pour parler sans mistere
Tout ce qu’en ce jour a pû faire
Celuy qui prend avec ardeur
Le nom de vostre Serviteur

À mademoiselle Mau… Le jour de sa Feste, Sur l’Air de Joconde §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 82.

À MADEMOISELLE MAU…
Le jour de sa Feste.
Sur l’Air de Joconde.

J’ay deux presens à vous offrir
L’un vient d’une Déesse ;
L’autre du Dieu qui fait fleurir
Les rives du Permesse.
Daignez les recevoir tous deux
Et s’il se peut encore,
Lizette, recevez les vœux
D’un cœur qui vous adore.

[Dialogues des Animaux] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 128-130.

Je vous ay parlé d’un petit livre, intitulé Les Dialogues des Animaux, le Sr Ribou Libraire assés connu par le grand debit de Livres qu’il fait sur le Quay des Augustins à l’Image Saint Loüis, vend depuis peu la suite de ces Dialogues, rien ne prouve mieux que les premiers Dialogues ont esté du goût du public. La premiere partie en contenoit dix, & la seconde en renferme autant ; ces sortes d’Ouvrages sont d’une tres-grande utilité, sur tout pour la jeunesse, puis qu’elle l’instruit en la divertissant de beaucoup de choses, qu’il faut que les enfans se mettent insensiblement dans l’esprit, il est souvent plus aisé de faire des Ouvrages serieux que de ces sortes de bagatelles, & rien n’est si dificile que de badiner agreablement, c’est un talent que tout le monde n’a pas ; on veut qu’il soit plus aisé de faire des Satires, cependant elles ne laissent pas d’être d’un grand travail lorsqu’elles sont aussi bonnes que celle que vous allez lire : elle est de Mr de Cantenac Chanoine de l’Eglise Metropolitaine de Bordeaux.

[L’homme déguisé, Satyre] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 130-138.

L’HOMME DÉGUISÉ
Satyre.

Ne vous étonnez pas, Alidor si je gronde,
De la duplicité qui regne dans le monde ;
Et du masque trompeur, dont l’homme déguisé,
Cache tous les défauts, dont il est accusé,
L’homme est dissimulé, difficile à connoistre.
Souvent il n’est rien moins, que ce qu’il veut paroistre.
Par un air de franchise & de faux complimens.
Il trahit ses amis comme ses sentimens.
Tyrcis embrasse Oronte afin de le surprendre,
Il voudroit l’étouffer, s’il osoit l’entreprendre :
À la Cour, à la Ville on voit à chaque pas,
Donner en souriant des baisers de Judas.
Devant vous on vous flate, & quand on se retire,
On vous fait lâchement, l’objet d’une Satyre.
On donne un mauvais sens, à tout ce qui s’est dit.
Et l’on dit que l’on raille, alors qu’on vous noircit :
On fausse impunement, la plus sainte promesse,
Le fils trompe son Pere, & l’amant sa maitresse,
Tous ces beaux noms d’honneur, & de sincerité,
Ne forment qu’un vain son, qui n’est plus écouté
Une femme infidelle avec mille souplesses,
Endort un sot époux, par des feintes caresses.
Tandis qu’elle entretient, dans le fond de son cœur,
Pour un devoir forcé, le dégoust, & l’horreur.
L’homme encor plus volage, agit souvent de même,
Et trahit lâchement, une épouse qui l’aime.
Un Pere infortuné, subit le même Sort.
Son enfant le caresse, & désire sa mort.
Combien de faux amis, pleins d’orgueil, & d’envie,
Sous main, & sans raison censurent vostre vie.
Ces fleaux pernicieux, des plus honnestes gens,
Tachent, pour vous trahir, d’estre vos confidens.
Dans l’estat le plus saint, on trouve des Protées,
Qui font les gens de bien, & vivent en Athées.
Lysis paroist un Ange, au culte des Autels.
Mais il se sert des Dieux pour tromper les mortels.
Le fameux Dorilas si juste en apparence,
Par d’injustes moyens, fournit à sa dépense,
Le plus méchant Procés, des presents secondé.
Dans sa Jurisprudence est toujours bien fondé.
Il paroist charitable, & preste avec usure,
Qui choque également le Ciel & la nature :
Ce cruel exacteur du bien des pauvres gens,
Pour devenir plus riche, a fait mille indigens.
De combien de sermens, de fraude, & d’impostures,
L’infidele Marchand couvre-t-il ses usures.
Il trompe le plus fin au moment qu’on le croit.
Si l’on ne mentoit pas le trafic cesseroit.
Iris qui fait la prude, & ne fut jamais sage,
Nous cache avec du fard le declin de son âge,
Et trop sensible encore aux douceurs de l’amour,
Achete ses Amants, & les vend tour à tour.
Ce monde est un Theatre, ou pendant cete vie,
On fait ce qu’un Acteur fait à la Comedie.
Cette Métamorphose, est dans tous les estats :
Et l’homme travesti ; paroist ce qu’il n’est pas.
Un jeune Abbé grossi, des bienfaits de l’Eglise,
Ne se croit jamais mieux, que quand il se déguise,
Et qu’en habit mondain, il trahit à la fois,
L’honneur, la conscience, & les plus saintes loix.
Il croit pouvoir quitter un habit qu’il prophane.
Et celuy d’un galant, sied mieux qu’une Soutane.
Combien de gens de Robe, & du corps du Senat
Vestus en Cavaliers, dementent leur estat
Licidas convaincu d’une ignorance crasse
La pallie, en citant les Maistres du Parnasse,
Dont il ne fut jamais, qu’un indigne avorton,
Qui de tous les Autheurs, ne sçait rien que le nom.
Combien de Fanfarons, parlent avec audace,
De Combats singuliers, & de Sieges de Place,
Où tout le monde sçait, qu’ils n’ont jamais esté.
Ils prétendent, par là, cacher leur lâcheté.
Combien de Scelerats, que le vulgaire estime,
Contrefont les devots, pour mieux commettre un crime.
Ils sont vindicatifs, jusqu’à l’extremité.
Rien n’est si dangereux, qu’un Tartuffe irrité
Pour peu qu’on leur déplaise, ils tâchent de vous nuire.
Leur langue envenimée, est propre à vous détruire
Choquer leur vanité, c’est les mettre en fureur,
Et feignant de vous plaindre ils vous percent le cœur.
Tels sur les bords du Nil les affreux crocodiles,
Qui couverts de limon, paroissent immobiles,
Avec des cris d’enfant, sçavent l’Art d’attirer,
Le passant malheureux, qu’il veulent devorer.
D’autres déguisemens, trop communs dans la France,
Font voir l’orgueil de l’homme & son extravagance.
On se fait plus qu’on n’est, un petit roturier
S’érige en Gentilhomme, & se dit Chevalier,
L’on cache sa naissance, & je connois un homme,
Qui se dit descendu, des Patrices de Rome,
Dont l’Ayeul fatigué, de porter le Bissac,
Se fit Cardeur de laine, au Canton de Lussac.
Sous les mesmes habits, le luxe, & l’arrogance,
Du Noble, & du Bourgeois, cachent la difference.
La Noblesse est ternie, avec la pauvreté,
Et pourveu qu’on soit riche, on est de Qualité.
L’indigente vertu, n’ose & ne peut paroistre,
L’infortune l’offusque, & la fait méconnoistre.
On berne le merite, & le plus grand sçavoir,
Dans un homme sans bien, n’ose se faire voir.
Mais quittons, la Satyre, elle est peu necessaire,
Pour réformer le monde, il faudroit le refaire.

[Suitte de l’érudition enjouée] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 245-246.

La suite du Livre intitulé l’Erudition enjoüée, dont je vous parlay le mois passé, & qui se débite chez Mr Ribou, sur le Quay des Augustins, paroist depuis le commencement de ce mois, & l’Histoire qui s’y trouve n’est pas moins belle, & moins singuliere que celle dont je vous parlay le mois passé, ce qui fait le principal ornement de cet Ouvrage ; on y voit une Idille, intitulée La Carpe de Marly : je ne vous dis point que cette Idille doit estre fort à la mode, vous en sçavez la raison, puisque vous n’ignorez pas ce qui fait aujourd’huy un des plus innocens plaisirs de Marly.

[Essais de Litterature avec le suplement de ces essais chez le Sieur Ribou] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 246-248.

On vend à present les Essais de Litterature chez le même Ribou Libraire, sur le Quay des Augustins, cet Ouvrage se continuë avec succés depuis seize mois : on continuë aussi de le réimprimer en Hollande : mais les changemens que l’on y fait rendent l’Edition moins parfaite ; comme on ne trouve presque plus les deux premiers mois de cet Ouvrage, on va incessamment les reimprimer pour en pouvoir faire des corps entiers. On trouve dans le dernier essai l’Extrait de deux anciens Manuscrits de l’Eglise de Soissons, qui meritent la curiosité des Sçavans.

L’article qui regarde les Sermons du Cardinal de Schomberg en est aussi d’autant plus digne, que ce Livre est rare & peu connu.

Le même Libraire continuë à vendre le Supplement de ces Essais. Il a donné depuis peu de jours la troisiéme Partie, dans laquelle on trouve des choses tres curieuses, & entre autres une Lettre de Mr l’Abbé .… sur le sujet de Pytagore que bien de gens ont cru avoir embrassé l’Institut des Carmes ; cet Abbé a assez bien démêlé ce fait particulier.

[Cerémonie faite à Rome le jour de la Feste de Saint Louis] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 266-273.

Vous sçavez la grande ceremonie qui se fait tous les ans à Rome le jour de la Feste de Saint Louis.

Il y eut ce jour là Chapelle de Cardinaux le matin en l’Eglise de ce Saint, & l’apresdinée il y eut un concours si grand dans ce lieu, pour y entendre une excellente musique, que l’on ne pût y prescher que le lendemain aprés la grande Messe, parce que c’estoit le Dimanche ; toute la Noblesse Romaine affectionée à la France s’y trouva, ainsi que toute la Maison de l’Ambassadeur d’Espagne : le Reverend Pere Alexis du Buc Theatin, Lecteur des Controverses au College de la Propagande, fit le Panegyrique du Saint dans lequel il fit l’Eloge du Roy en la maniere suivante.

Saint Louis fit cette belle réponse à un Seigneur de sa Cour, qui demandoit la grace d’un Blasphemateur à qui on alloit percer la langue : Je voudrois de grand cœur, luy répondit ce Saint, que l’on m’eust percé la langue & les levres, & pouvoir empêcher le Blasphême dans mon Royaume.

Cette parole de Saint Louis me fait souvenir de celle que l’ardeur du zele pour la Foy Catholique tira quelques années avant la revocation de l’Edit de Nantes, de la bouche de Louis le Grand, le digne heritier de son nom, de son Sceptre, & de ses vertus heroïques : comme on lui presentoit une personne de distinction qui avoit depuis peu abjuré l’Heresie, aprés l’avoir felicité de sa conversion, il dit ces belles paroles, que la posterité ne doit jamais oublier ; Je donnerois de bon cœur ce bras pour voir tous mes Peuples reünis dans le sein de l’Eglise. Le zele de ce grand Prince pouvoit-il aller plus loin que d’offrir pour l’extirpation de l’Heresie de ses Etats, un bras digne de conduire toutes les Nations de la Terre ? Un bras qui a rempli toute l’Europe de la terreur de ses Armes, & tout l’Univers de ses faits heroïques, qui n’ont point d’exemple dans toute l’antiquité & qui seront l’admiration de tous les siecles ; un bras qui en 1664. deffendit avec tant de vigueur à la Bataille de S. Godard l’Allemagne de l’invasion des Infideles ; un bras qui resiste à ce grand nombre d’Ennemis liguez contre luy, qui met leurs Flotes en fuite, qui taille leurs Troupes en pieces, qui prend leurs plus fortes Places à la vûë de leurs Armées, que la crainte & l’étonnement rendent immobiles ; un bras qui fortifié par le bras de Dieu, dont il ne cherche que la gloire dans ses entreprises les plus hardies, & les plus vastes, dissipera bien tost cette Ligue formidable, qui ne deviendra fameuse que par sa deffaite, & tout ce pompeux appareil d’Armée de terre & de mer, de Traitez, d’Assemblées de tant de Princes confederez, qui se terminera à une retraite honteuse.

Dieu s’est contenté du sacrifice de son cœur, il n’a pas accepté celuy de son bras ; mais il luy a donné une nouvelle force pour aneantir le culte d’une fausse Religion dans son Royaume, ne voulant point au nombre de ses Sujets, ceux que l’Eglise Catholique ne compte point au nombre de ses enfans. Ce zele si glorieux à la Religion, est dans Louis XIV. une suite & un écoulement de celuy de Saint Louis, qui détruisit une Heresie pernicieuse, qui répandoit son venin dans plusieurs Villes de son Royaume.

Vous sçavez que Saint Louis détruisit l’Heresie des Albigeois.

[Journal de Fontainebleau] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 284-299.

Vous m’avez demandé un Journal exact de Fontainebleau, pareil à ceux que j’ay pris soin de vous envoyer depuis quelques années. Quoy qu’il soit assez difficile de vous l’envoyer dans l’exactitude que vous le demandez, je vous l’ay promis, je tiens ma parole, & le voicy.

Le Mardy 18. de Septembre, Monseigneur, Monseigneur le Duc de Berry, & Madame la Princesse de Conty, arriverent à Fontainebleau.

Le Mecredy 19. Monseigneur & Monseigneur le Duc de Berry allerent à la chasse du Cerf.

Le Jeudy 20. Monseigneur fit representer la Tragedie des Horaces de Mr de Corneille l’aîné, & la petite Comedie du Cocu imaginaire de Mr de Moliere.

Le Roy partit de Versailles le Mecredy 19. à trois heures aprés midy pour aller coucher à Sceaux. Il avoit dans son Carosse Madame la Duchesse de Bourgogne à costé de luy. Madame la Duchesse du Lude Me la Comtesse de Mailly se mirent sur le devant, & Me la Maréchale de Cœuvres & Me la Comtesse de Roussy aux Portieres. Sa Majesté arriva à Sceaux à quatre heures & demie, & fut reçuë à la descente de son carosse par Monsieur le Duc & Madame la Duchesse du Maine, qui le conduisirent d’abord dans les Appartemens. Peu de temps aprés le Roy monta dans une petite caléche avec Madame la Duchesse de Bourgogne, & fit une promenade dans les Jardins qui dura jusqu’à la nuit. Il les trouva admirables plus que jamais, & dit plusieurs fois, qu’il falloit convenir qu’il n’y en avoit pas de plus beaux en France. Un moment aprés que Sa Majesté fut rentrée dans la Maison, le grand Parterre & les huit Allées d’Ifs qui l’enferment, parurent éclairées de plus de trente mille lampions ou lumieres vives qui suivoient exactement la broderie de ce Parterre. Les Ifs estoient habillez d’une espece de piramide de bois qui quadroit à leur figure, & qui étoit toute couverte de lumieres. Les trois bassins estoient couverts d’artifice bruslant dans l’eau, imitant le mouvement des poissons, & les ajoutages jettoient du feu au lieu d’eau, pendant que les poissons nâgeoient autour. L’on fit joüer par intervalle plusieurs Soleils & plusieurs Globes de feu, & aprés cinq girandoles de cent grosses fusées chacune, il en partit une de plus de mille avec autant de pots à feu, tout cela partit de l’extremité du Parterre, & fit tout l’effet que l’on en pouvoit attendre dans une belle nuit.

Lorsque le Roy fut retiré dans son particulier, il fut regalé d’un Concert charmant composé de Mrs des Cotteaux, Buterne, Visée & Forcroy, dont Sa Majesté fut extrêmement satisfaite, & leur fit l’honneur de le leur témoigner. Le souper fut servi à dix heures par les Officiers du Roy sur une grande table où mangerent toutes les Dames de la suite de Madame la Duchesse de Bourgogne.

Le Jeudy 20. le Roy entendit la Messe dans la belle Chapelle du Château, & se promena ensuite dans les Jardins jusqu’à midy. Le dîner fut servi à midy & demy de la même maniere que le souper l’avoit esté le soir précedent, & les mêmes personnes y mangerent. Le Roy monta en Carosse à deux heures, & arriva à Villeroy à cinq. Mr le Maréchal de Villeroy avoit envoyé de l’Armée Mr Barcaut son Secretaire pour y disposer toutes choses, & recevoir Sa Majesté en son absence.

Sitost qu’elle fut arrivée, elle monta en Caleche & se promena dans toutes les routes du Parc. Madame la Duchesse de Bourgogne l’alla joindre, & monta avec luy, le Roy loüa fort les ouvrages faits depuis l’année derniere sur les desseins & sous la conduite de Mr Desgots Controleur des Bâtimens de Sa Majesté, & il luy en témoigna à luy même sa satisfaction. Le Roy soupa à dix heures, & les Dames eurent l’honneur de manger avec luy.

Le Vendredy 21. le Roy ne sortit point le matin, il resta dans sa chambre après la Messe, il écrivit & fit appeler Mrs Barcaut & Desgots & leur donna ses avis sur les embellissemens qui restent à faire dans les Jardins de Villeroy. Sa Majesté dîna à midy & demi & partit à deux heures, elle arriva à quatre heures & demie à Fontainebleau où Monseigneur & Monseigneur le Duc de Berry le receurent au haut du Fer à Cheval de la Cour du Cheval blanc. Le soir on joüa chez Madame la Princesse de Conty, & Madame la Duchesse de Bourgogne y descendit.

Le Samedy 22. il n’y eut point encore de Conseil le matin. L’apresdinée il y eut Chasse de Cerf, où Madame la Duchesse de Bourgogne en habit d’Amazone accompagna Sa Majesté dans sa petite Caleche. Me la Maréchale de Cœuvres & Me la Marquise de la Valiere la suivirent avec le même ajustement dans une autre Caleche. Le Roy fut de retour de la Chasse à cinq heures & demie. Monseigneur le Duc Bourgogne arriva à six précisement, & vint sans estre attendu ce jour là saluer S.M. & Madame la Duchesse de Bourgogne qui estoit avec elle. Les marques de joye & de tendresse furent grandes de toutes parts ; aprés une conversation de demie heure Monseigneur le Duc de Bourgogne descendit chez Madame la Princesse de Conty où estoit Monseigneur qui l’embrassa tendrement. Les Comediens representerent à 8. heures la Comedie du Parisien, mais Monseigneur le Duc de Bourgogne, Me la Duchesse de Bourgogne & Monseigneur le Duc de Berry ne la virent point, & firent à neuf heures un retour de Chasse qui ne les empêcha pas de paroistre & de representer au souper du Roy.

Le Dimanche 23. il y eut Conseil d’Etat où assista Monseigneur le Duc de Bourgogne. Monseigneur donna à dîner dans son Appartement à Monseigneur le Duc de Bourgogne à Madame la Duchesse de Bourgogne à Monseigneur le Duc de Berry, à Madame la Duchesse à Madame la Princesse de Conty, & à plusieurs autres Dames. Il y eut grand jeu ensuite dans le même lieu qui dura jusqu’à sept heures. Le Roy alla tirer l’apresdinée.

Le Lundy 24. il y eut le matin Conseil d’Etat, & Chasse du Cerf l’aprésdinée, qui se passa absolument comme la precedente. Madame arriva à quatre heures & demie en bonne santé, elle se trouva à la Comédie à sept heures avec Monseigneur, & soupa avec le Roy. Les Comédiens representerent la Tragédie de la Thébaïde, premier Ouvrage de feu Mr de Racine, & la petite Comédie de l’Esté des Coquettes. Madame la Duchesse de Bourgogne la vit de la Tribune en deshabiller.

Le Mardy 25. Monseigneur, Monseigneur le Duc de Berry, & Monseigneur le Duc d’Orleans allerent le matin à la chasse du Loup. Monseigneur le Duc de Bourgogne. Madame la Duchesse de Bourgogne, Madame la Duchesse, & plusieurs Dames dînerent chez Me la Duchesse du Lude, où le repas fut servi avec autant de propreté que de delicatesse. Le Roy alla tirer aprés son dîner.

Le Mercredi 26. il y eût encor Conseil d’Etat. Monseigneur donna à disner à Monseigneur le Duc de Bourgogne, à Madame la Duchesse de Bourgogne, à Monseigneur le Duc de Berry, aux Princesses, & à grand nombre de Dames. Le Roy alla tirer. Les Comédiens representerent le soir le Tartuffe de Mr de Moliere.

Vous aurez le mois prochain la suite de ce Journal.

[Mort de Milord, Guillaume Drummont] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 299-333.

Mylord Guillaume Drummond, l’aîné des deux fils que Monsieur le Duc de Perth, Gouverneur de S.M.B. a eû de Madame la Duchesse de Perth, sœur de Monsieur le Duc de Gordon sa Cousine Germaine, mourut à S. Germain en Laye le 14. de Septembre de cette année 1703. sur les six heures du soir, aprés une maladie fort extraordinaire d’environ quinze jours. Son air, sa Phisionomie, son Esprit, sa conduite remplie de sagesse, la bonté de son cœur, une prudence au dessus de son âge, & beaucoup d’autres belles qualitez faisoient estimer ce jeune Seigneur, & promettoient beaucoup ; mais sa mort Chrétienne a couronné toutes ses vertus ; il se disposa de lui même à mourir avant qu’on le crût en danger : il fit deux Confessions generales ; & quoique sa maladie l’obligeât à se confesser au lit, il se jetta à terre à genoux pour recevoir l’absolution ; son Confesseur a dit depuis, que s’il avoit esté élevé pendant quarante ans dans un Convent, il n’auroit pas parlé de l’amour de Dieu avec de plus vives & plus tendres expressions. On a vû des marques visibles de sa predestination dans tout ce qu’a fait la Providence à son égard pendant sa maladie : & quoique ses mœurs innocentes, son inclination à faire du bien à toutes sortes de personnes, son respect pour le Roy son Maistre, & pour la Reine, & pour Monsieur son pere & Madame sa mere l’aïent toûjours fort distingué, sa ferveur a redoublé vers la fin de ses jours, il estoit si detaché du monde & de la vie, que dans ses transports, qui ne commencerent que deux jours avant sa mort, & qui ne duroient qu’environ une heure, il ne parloit que de Dieu & de ses devotions, repetant sans cesse quelque endroit des Pseaumes, ou de la Messe qu’il sçavoit par cœur : les Medecins jugeant que sa trop grande application aux choses spirituelles, pourroit augmenter sa maladie, priérent le Prêtre qui l’assistoit de tâcher de l’en détourner de temps en temps. Le Prêtre ayant donc une fois commencé à luy parler de quelque chose qu’il croyoit propre pour le divertir, le malade lui dit d’un ton fort touchant : Quoy, Monsieur, vous me parlez d’autre chose que de Dieu ! Mr le Prieur de Saint Germain en Laye luy ayant apporté le saint Viatique, lui demanda, s’il aimoit mieux que dans cette occasion on luy parlât latin ou françois, il témoigna, que pour son particulier cela luy estoit indifferent, mais que pour l’édification des Assistans il croyoit, qu’il estoit plus à propos de parler françois.

Il exhorta de son propre mouvement, d’une maniere tres patetique, un Protestant qui lui rendoit visite pendant sa maladie, de se faire instruire sur le champ dans la Religion Catholique par le Prêtre qui estoit present. Enfin, aprés avoir receu le Sacrement d’Extrême-onction il mourut comme un enfant qui s’endort sans soupirs & sans convulsions, & aprés sa mort il demeura long temps sans changer de couleur, & tres-beau, il n’avoit encore que seize ans & demi.

Monseigneur le Duc de Berry, Madame la Duchesse du Lude, Mr le Duc, & Madame la Duchesse de Beauvilliers, Mr le Duc de Lauzun, & beaucoup d’autres personnes aussi distinguées de la Cour de France ont fait des complimens de condoleance à Madame la Duchesse de Perth sur cette mort, & le Roy & la Reine, & Madame la Princesse de la Grande Bretagne ont à cette occasion rendu visite à cette Duchesse. Mr le Nonce a marqué ses regrets par les plus obligeantes Lettres du monde à Monsieur le Duc de Perth, & à Madame sa femme sur le même sujet. Ce jeune Mylord est universellement regretté de tous les Sujets du Roy son Maistre à cause de ses belles qualitez & de ses manieres obligeantes.

Ce jeune Milord qui vient de mourir, est le même qui avoit representé l’Empereur Aurelian dans la Tragedie joüée au College de Navarre dont je vous parlay le mois passé, & qui s’estoit attiré les cœurs de toute l’assemblée. Il a fait voir qu’il les meritoit par la maniere édifiante dont il est mort dans un âge où l’on n’a ordinairement d’attachement que pour la vie, & sur tout lorsque l’on a une naissance distinguée, & toutes les qualitez du corps & de l’esprit, qui doivent faire presumer qu’on la passera dans les honneurs & dans les plaisirs. On ne peut rien ajoûter à la naissance de ce jeune Mylord.

Le premier de la famille qui a porté le nom de Drummond estoit un Gentilhomme Hongrois, nommé Maurice, qui abandonna l’Angleterre avec Edoüard Atheline heritier legitime du Pays, pour éviter la persecution de Guillaume le Conquerant, qui s’empara de l’Angleterre l’an 1066. Maurice commandoit le Vaisseau où Edouard Atheline accompagné de sa mere Agathe, & de Marguerite & de Christine, ses sœurs, s’embarqua. Une violente tempeste les contraignit de relâcher en Ecosse, & ils abordérent à un Port sur la riviere de Forth, qu’on appelle encore aujourd’huy l’Esperance de Sainte Marguerite, du nom de l’une des sœurs d’Edoüard. C’est celle qui ayant esté fort illustre par sa sainteté pendant sa vie, fut canonisée aprés sa mort. C’est en un mot sainte Marguerite. Elle épousa Milcolombe III. du nom Roy d’Ecosse, qui donna beaucoup de biens & de dignitez à nostre Maurice Drummond, beaucoup de terres dans la Province de Dumbarthon, & la Charge de Sénéchal de Lennox. La Reine luy donna aussi des marques de son estime ; car elle luy fit épouser une de ses Filles d’honneur. De ce mariage sortit un fils qui s’appella Milcolombe, & qui fut pere de Maurice, celuy-cy le fut de Jean, celuy-cy de Milcolombe. On ignore leurs actions & leurs alliances ; mais on sçait leur suite genealogique par des actes & des documens qui ont esté conservez avec un grand soin pendant quelques siecles dans l’Abbaye d’Inchafry, & transportez enfin dans les Archives de la Famille. Il s’en est perdu quelques-uns par les pillages où elle fut exposée dans la grande revolution de l’an 1688. mais il en reste assez pour faire foy de ce qu’on expose icy.

Milcolombe III. surnommé Begg, c’est-à-dire le petit, épousa Ada, fille de Malduin, Comte de Lennox, laquelle n’avoit qu’un frere qui ne laissa point d’enfans, & qui épousa la sœur de ce Jean Monteith, qui vendit aux Anglois l’illustre Guillaume Wallace Viceroy d’Ecosse. Ce Jean Monteith prévoyant que le Comte de Lennox son beau-frere laisseroit la Comté à Milcolombe, mari de sa sœur, conseilla au Roy de la demander. Il espera que le Roy l’ayant obtenuë la luy donneroit, mais il se trompa : le Roy en gratifia Robert Stuart, dont les descendans ont esté Comtes & Ducs de Lennox. Milcolombe Begg eut d’Ada sa femme quatre fils, Jean, Maurice, Thomas, & Walter. Ce dernier fut Secretaire d’Etat. Maurice épousa la fille du Senechal Strathern, & succeda à sa dignité & à ses grands biens. Thomas fut fait Baron de Balfron. Leur aîné Jean Drummond septiéme Senechal de Lennox déclara la guerre à Jean Monteith. Il y avoit une ancienne haine entre leurs familles. Monteith fut vaincu, & perdit trois fils dans cette guerre. Le Roy imposa la Paix aux Parties : les Grands du Royaume s’assemblérent pour cette pacification, de laquelle furent garans les Comtes de Douglas, de Angus, & de Arran, & Mylord Robert Neveu du Roy, David Bruce. Leurs signatures & leurs Sceaux paroissent encore dans le Traité, & l’on voit que Mylord Robert neveu du Roy s’avouë l’un des principaux parens des deux familles qui venoient d’estre accordées. Ce Robert fut aprés Roy d’Ecosse, sous le nom de Robert Second, premier des Stuarts.

Drummond ayant perdu par l’un des articles du Traité les terres qu’il possedoit au Comté de Lennox, & cela à cause de la mort des trois fils de Jean Monteith, se retira avec sa famille dans la Province de Perth où il possedoit les terres de Stobhall & de Cargill. Il fut marié à la fille aînée de Guillaume de Montifex, Grand Tresorier d’Ecosse. Son fils aîné Milcolombe IV. du nom épousa Isabelle Douglas, Comtesse hereditaire de Marr, & fut liée d’une amitié tres-étroite avec le Comte Douglas son beau-frere. Il s’associa avec luy pour faire la guerre aux Anglois, il se signala à la sanglante bataille de Otterburn ou Chevie Chase, où il prit prisonnier Ralph Percie, General de grande reputation parmi les Anglois. Il fut honoré d’une pension viagere pour cette action. Son frere Guillaume épousa la fille du Baron de Airth, laquelle luy apporta en dot la Baronnie de Carnock. De ce mariage est issuë la branche de Athornden.

Il faut dire quelque chose des quatre filles de Jean Drummond. L’aînée s’appelloit Anabella, & se maria à Robert III. du nom Roy d’Ecosse. Cette Reine est fort loüée par les Historiens Ecossois, à cause de sa vertu & de sa prudence singuliere. Elle fut mere de Jacques I. Roy d’Ecosse. L’une de ses sœurs fut mariée à Archibald Comte d’Argyl ; une autre à Alexandre Macdonald, Seigneur des Isles, fils aîné du Comte de Ross, & une autre à Stuart de Düally.

Milcolombe IV. du nom estant decedé sans enfans, Jean Drummond son frere fut le Chef de la famille. Il épousa Elisabeth de Sainte Clare, fille du Comte de Orkney, Caithness, Roslyn, &c. tres-illustre tant parmi les Danois, que parmi les Ecossois. Il en eut trois fils & une fille. Celle-ci fut mariée au Seigneur Thomas Baron de Kinnaird. Nous parlerons de Walter l’aîné des trois fils. Robert son puisné se maria avec l’heritiere de Barnbougall-Jean le cadet de tous s’en alla aux Isles de Madere, ou sa posterité fait encore belle figure.

Walter Drummond marié à Marguerite fille du Seigneur Patrice Ruthven descendu de la Maison Royale d’Arragon, dont ses descendans portent encore les Armes, fut pere de Milcolombe qui suit ; de Jean Evêque de Dumblan ; de Walter, qui fut Baron de Leidcrief, duquel est sortie la branche de Blair-Drummond, qui a produit deux autres branches, celle de Newton, & celle de Gardrum.

Milcolombe V. du nom épousa Marie Murrai fille du Seigneur de Tullibardin (les Comtes de Tullibardin, presentement Marquis d’Athol, sont ses descendans) & en eut Jean Mylord Drummond créé Pair du Royaume, Walter Seigneur de Deanston, Jacques Seigneur Corrivechter, Thomas Seigneur de Druminerinoch, duquel sont sorties les branches de Invermay, de Cultmalindy, de Comrie, & de Pitcairns.

Jean Drummond fils aîné de Milcolombe V. se maria avec Elizabeth Lindsey, fille du fameux Comte de Crafurd dit le Barbu, & se rendit puissant & illustre. C’estoit un fort grand genie ; il fut Grand Justicier d’Ecosse, & en ce temps-là c’estoit la principale Charge du Royaume : il acheta toutes les Terres du Baron de Concraig son parent situées dans la Province de Strathern, & avec la permission du Roy, la Charge de Senechal hereditaire de cette Province. Il rendit de grands services à Jacques IV. Roy d’Ecosse, car ayant assemblé ses Vassaux il mit en déroute le Comte de Lennox, & le Seigneur de Lysle avec leurs Associez, qui alloient joindre le Comte de Marishall & le Seigneur de Gordon Comte de Huntly, afin d’executer le complot qu’ils avoient brassé de s’assurer de la personne du jeune Monarque, & de gouverner le Royaume sous pretexte de venger la mort de Jacques III. Il fut envoyé Plenipotentiaire en Angleterre pour conclure un Traité de Paix avec Richard III. Roy d’Angleterre. Ce fut par l’autorité de ce Milord Jean Drummond que son petit fils le Comte d’Angus Douglas fils de sa fille trouva un Prestre en Ecosse pour faire la ceremonie de ses épousailles avec la Reine Mere du Roy Jacques V. La Reine estoit fille de Henry VII & sœur de Henry VIII. Roy d’Angleterre. Tous les Seigneurs d’Ecosse s’opposerent au mariage avec le Comte d’Angus, mais son grand-pere Milord Drummond fit celebrer le mariage dans la Ville de Perth, & de ce mariage sortit une seule fille Marie Douglas, femme de Mathieu Comte de Lennox, & mere de Milord Darnly pere du Roy Jacques I. du nom Roy de la Grande Bretagne & VI. d’Ecosse.

Milord Guillaume Drummond fils de Jean, & mari d’Isabelle Campbell fille du Comte d’Argyl eut deux fils, Walter & André : ce dernier fut créé Baron de Bellichlon, & fonda une branche dont le dernier masle Maurice Drummond laissa quatre filles, qui furent honorablement mariées en Angleterre. L’une d’elles fut femme de Milord Caryl, Secretaire & Ministre d’Etat du Roy Jacques II. Une autre fut mariée à Mr Plouden frere aîné du Controleur de la Maison du Roy de la Grande Bretagne ; une autre à Mr Midlemore, & la quatriéme à Mr Trevanian chef d’une famille tres-noble en Cornoüaille. Milord Walter Drummond fils aîné de Guillaume n’eut d’Elizabeth Græme fille du Comte de Montrose qu’un fils, sçavoir.

Milord David Drummont qui épousa Marguerite Stuart fille du Duc d’Albanie Viceroy d’Ecosse, de laquelle il n’eut qu’une fille qui fut femme du Seigneur de Poury Ogilby. Aprés la mort de Marguerite il épousa Lilia Ruthuen fille de Milord Gowry qui luy donna cinq filles, 1. Jeanne femme de Jean Comte de Montrose, Chancelier & Viceroy d’Ecosse. 2. Anne mariée à Jean Comte de Marr, Grand Trésorier d’Ecosse. 3. Lilia Comtesse de Crawfurd. 4. Catherine Dame de Tullibardin. 5. & Marguerite Dame de Keir. Les deux fils de David Drummond sont, Milord Patrice qui suit & Milord Jacques Seigneur de Maderty, duquel sont sortis les Vicomtes de Strathallan, & les Barons de Machany. Le premier qui fut créé Vicomte de Strathallan s’appelloit Milord Guillaume Drummond ; il estoit Lieutenant General des Armées du Roy Jacques II. & grand homme tant pour la guerre que pour le cabinet.

Milord Patrice Drummond marié à Marguerite Lindsey fille du Comte de Crawford, eut cinq filles. 1. Catherine Comtesse de Rothes. 2. Lilia Comtesse de Dumferlin, mere des Comtesses de Lauderdale, de Kelli, de Balcarres, & de Cathness. 3. Jeanne Comtesse de Roxburg Gouvernante des Enfans du Roy Charles I. 4. Anne Dame de Toway-Barclay. 5. & Elizabeth femme de Milord Elphinston. Outre ces cinq filles, Patrice Drummond eut deux fils Jacques, & Jean.

Milord Jacques Drummond créé Comte de Perth épousa Isabelle Seatoun, fille du Comte de Winton, & ne laissa qu’une fille qui a esté Comtesse de Sudderland. Il mourut jeune Milord ; Jean son frere Comte de Perth luy succeda : il fut marié avec Jeanne Kerr fille du Comte de Roxburg de laquelle il eut quatre fils & deux filles, l’une desquelles fut Comtesse de Wigton, & l’autre Comtesse de Tullibardin. Les quatre fils sont Milord Jacques qui suit ; Robert qui mourut en France ; Jean qui a fondé la branche de Logy Almond, & Guillaume Comte de Roxburg, qui a fondé la branche de Roxburg & celle de Bellandin.

Milord Jacques Drummond II. du nom Comte de Perth épousa Anne Gordon, fille du Marquis de Huntley, dont il eut deux fils & une une fille, sçavoir Jacques dont on parlera cy-aprés, Jean & Anne. Celle-cy est une Dame de grand merite, & a épousé le Comte de Errol, Grand Connestable hereditaire d’Ecosse. Jean Drummond Comte de Melfort, Secretaire & Ministre d’Estat de Jacques II. Roy de la Grande Bretagne. Il a esté marié deux fois, premierement avec l’heritiere de Lundy niéce du Duc de Lauderdale dont il a eu trois fils & trois filles : celles-cy sont, Anne mariée au Baron de Houston, Elizabeth femme du Vicomte de Strathallan, & Marie.

Les trois fils sont, Jacques Baron de Lundy, Robert & Charles. Il a épousé en deuxiéme noces Euphemie Wallace, fille de Thomas Wallace Baron de Craigie, chef d’une tres ancienne famille. Il a de ce deuxiéme mariage six fils & trois filles, Milord Jean Seigneur de Forth, Thomas, Guillaume, André, Rinaldo, & Philippes : Catherine, Therese & Marie.

Jacques Drummond III. du nom Duc de Perth. Il fut fait Conseiller d’Etat l’an 1678. Grand Justicier d’Ecosse l’an 1682. Grand Chancelier d’Ecosse l’an 1684. Il fut si touché par la lecture des papiers qui furent trouvez dans le cabinet de Charles II. concernant la controverse, qu’aïant examiné l’affaire de la Religion tres-sincerement il crut que la Religion Catholique estoit la seule veritable, & en fit profession publique. Son attachement à l’Eglise & au service du Roy Jacques II. qu’il tâcha d’aller joindre en France, l’ont exposé à plusieurs mauvais traitemens, soit de la part de la populace, soit de la part du Conseil d’Ecosse. Il a esté gardé tres-étroitement dans le Château de Sterlin 2. ans & 7 mois : aprés quoy on lui permit de respirer un peu de temps à cause qu’il estoit malade, puis on le remit en prison, d’où il ne sortit qu’au bout de neuf mois. Enfin il fut banni : il se retira à Rome, où sa vertu & son zele pour la Religion Catholique l’ont fait extrêmement estimer. Ses plus grands ennemis n’ont jamais pû lui objecter d’autre crime que sa Catholicité. Jacques II. Roy de la Grande Bretagne le fit Duc à Dublin l’an 1689. le 10. de Mars. Il a esté marié trois fois, premierement avec Jeanne Douglas fille de Guillaume Marquis de Douglas, & sœur de Guillaume Duc d’Hamilton. Secondement avec Lilia Comtesse de Tullibardin. Troisiémement, avec Marie Gordon fille de Loüis Marquis de Huntley, & sœur du Duc de Gordon Du premier Mariage sont sortis Marie femme de Guillaume Comte de Marishall, Grand Maréchal hereditaire d’Ecosse : Anne qui est decedée, & Jacques Mylord Drummond, qui à l’âge de quinze ans quitta à Paris l’Academie pour passer en Irlande avec le Roy Jaques II. l’an 1689. il se trouva au Siége de Londonderri, aux combats de Newton, de Butler, & de la Boyne. Estant repassé en France avec le Roy, il fit ses exercices dans les Academies de Paris, aprés quoy il voyagea en France, en Italie, en Flandres & en Hollande. Il est presentement en Ecosse. Les deux autres Mariages du Duc de Perth lui ont donné chacun deux garçons, Mylords Jean, & Charles, Guillaume & Edoüard.

Nous n’avons pas en France la Genealogie des Gordons si exactement. Nous sçavons seulement que Mylord Gordon, Comte de Huntley, épousa Jeanne fille de Jacques I. du nom Roy d’Ecosse. Marguerite l’aînée des filles de ce Roi-là fut premiere femme de Loüis XI Roy de France, Elizabeth la deuxiéme fut Duchesse de Bretagne : Jeanne Comtesse de Huntley fut la troisiéme, Eleonore fut Duchesse d’Autriche, & Marie Marquise de Tervere en Zelande. Leur Grande-mere fut la Reine Annabella de Drummond, & leur mere, la Reine Jeanne, fille de Jean Duc de Summerset Marquis de Dorset, &c. fils de Jean de Gand troisiéme fils d’Edoüard III. Roi d’Angleterre. Alexandre Comte de Huntley épousa la fille du Duc de Chateleraud Comte de Aarran en Ecosse, fils de Marie fille de Jacques II. Roi d’Ecosse, & de Marie fille d’Arnold Duc de Gueldres.

Son fils Georges Marquis de Huntley, épousa la fille de Milord Stuart d’Aubigni Duc de Lennox, & de Catherine de Balzac d’Entragues. Il étoit cousin germain de Milord Darnil, qui épousa la Reine Marie Stuart.

Son fils Georges, Marquis de Huntley, épousa Anne fille du dernier Comte Catholique d’Argil.

Son fils Loüis, Marquis de Huntley, frere d’Anne Comtesse de Perth, & mere du Duc de ce nom, estoit pere du Duc de Gordon, & de Marie Duchesse de Perth pere & mere de Milord Guillaume Drummond, dont je viens de vous apprendre la mort. Il est impossible de trouver plus de grandeur dans une maison, de plus grandes alliances, & en plus grand nombre, & je puis ajouter plus de vertus, plus de zele & d’attachement pour leurs veritables Souverains, & plus de religion & de pieté.

[Article des Enigmes] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 345-352.

Le mot de l’Enigme du mois passé estoit le Silence ; voicy de quelle maniere Mr de Pontalie l’a expliqué.

Vous qui donnez à la France
Cet Ouvrage gracieux,
Qu’on attend chaque mois avec impatience,
Et que lisent de tous leurs yeux,
Jeunes beautez, sçavans & curieux,
Et ceux qui de l’Enigme ont appris la Science,
À mon égard, c’est Negromence,
Que de trouver le sens misterieux
De ces Rebus ingenieux ;
Excusez donc mon ignorance,
Pour moy je ne sçay rien de mieux,
Que de m’en tenir au Silence.

Ceux qui l’ont aussi expliqué sont Messieurs.

Bardet & son ami Duplessis, Maistre Chirurgien de l’Hôpital du Mans, l’Abbé Duflot du quartier Saint André, l’Abbé Yvonneau de Vendosme, Tamirisse & sa fille Angelique, Loncle le fils de la ruë de la Verrerie, Mathurin Cassandre Baffreur de la ruë Grand de Rouen, Le plus petit des trois freres, Le Brunet mari, Lempressé du coin de la ruë du Harlai, Les Amans fidelles des rives de la Seine, Les Affligez du départ de leur cher Blondin de la ruë de Bout de brie, Le Nouveau marié sans barbe de la ruë Saint Jacques, Le Solitaire insolitaire de la Croix du tiroir, Le genereux & galant de Chartres, & la belle de la ruë de la Tonnellerie, Le gros Celadon & son frere cadet, La Nimphe Galathée & sa sœur, & la petite Pensionnaire de Gentilli, Le Docteur Fernelle du Fauxbourg Saint Germain, La belle Demoiselle de Saint Pierre du Castel & son frere, Le petit bon homme de la ruë de l’Arbre sec, & sa meilleure amie, Les Nouveaux mariez de la ruë Frementeau, & le Miché de la ruë Pavée, quartier S. André, & Mr Pasquier.

Mesdemoiselles Dumoustier de Larsenal la fille, La Presidente de l’Election de Chaumont & Magni, La jeune Muse regrettée du Parnasse, La Blonde du Château de Fort-Royal, La charmante Veteranne, & son cher frere, de la ruë des Bourdonnois, Mademoiselle Riviere, & sa commere Dangeroux, Favar, & Mr E. Cadine, Les deux Christophes, Thibaur, tous de la même ruë, Monsieur Odo, Le Marquis de Châteaubrillant de Versailles, La belle Cabaretiere de la ruë Troussevache, & Mademoiselle Larsonneur de la ruë du Temple, La belle Indifferente, & son ami Poursenico, La petite mere du Brun & de la Blonde de la ruë Saint Severin, L’aimable veuve de la ruë du Sepulcre, La Blonde de la ruë de Grenelle, nouvelle mariée, La Dame inconnuë, Les quatre precieuses du coin de la ruë des Billettes, Toute la maison grillée du Voisinage de Saint Eustache & son Directeur le Solitaire du Jardin de l’Hôtel de Soissons, L’aimable Voisine sans vanité de l’Hôtel du Saint Esprit avec son grand petit voisin sans nom, Les deux intimes amies de l’agreable rendez-vous du matin de la ruë Grenier Saint Lazare, avec la Grandeur peu de paroles de l’Hôtel de Beaufort, Maistre Gigogne de la Foire de Besons, & les pâles couleurs de la ruë de Savoye, La Baronne Dictarice, l’Abbé Grognart, & sa Nimphe doduë, Margot Croupiere, La Grossé Troüillaude, & son petit Marquis, Le Baron Tracassier, Le Curé Sorcier, Le reverend Cieux Tambour, Mrs Raffi & Prevost, ruë des Lombards Le Benin Cesar de la Jonchere, Mr Gausement & la Charmante de la ruë de Vantadour, Mr le Haudon, & la belle Blonde du quartier S. Martin, La belle Blonde Dangache, & ses trois cheres Tantes les Parisiennes, Le grand Orateur Mr l’Abbé le Févre, & son ami du voyage de Saint Denis.

Je vous envoye une Enigme nouvelle.

ENIGME.

Je suis la fille detestable
D’un pere infortuné, dont le plus grand malheur
Est de me concevoir, avec tant de douleur,
Que, dés qu’il m’a formée, il devient miserable.
Je reconnois si mal l’Estre que je lui dois,
Que par mes cruelles atteintes,
Je l’oblige par jour, à me nommer cent fois
La cause de ses maux, & de ses tristes plaintes.
En effet, je le fais cruellement souffrir,
Au point même qu’enfin, au peril d’en mourir,
On le voit se resoudre, à me mettre en lumiere.
Et de sa Fille ainsi, je deviens son bourreau ;
Car souvent par l’effort d’une main meurtriere,
Quand il me met au jour, je le mets au tombeau.

Air nouveau §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 352-353.

Les paroles suivantes ont été mises en air par un habile Maistre.

Malgré vostre infidelité,Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Malgré vostre infidelité, doit regarder la page 390.
Je conserve pour vous la flâme la plus belle,
Jugez Iris par là de ce que ç’eut été
Si vous m’aviez esté fidelle.
images/1703-09_352.JPG

[Suitte du Journal de Fontainebleau] §

Mercure galant, septembre 1703 [tome 9], p. 364-368.

Voici la suite du Journal de Fontainebleau.

Le Jeudy 27. il n’y eût point de Conseil le matin : Le Roy alla à la chasse du Cerf l’aprésdinée, Madame la Duchesse de Bourgogne courut avec S.M. dans sa petite Caleche : Madame alla au rendez-vous dans le Carosse du Roy, puis courut seule dans une autre Caleche : Me la Maréchale de Cœuvres, & Me la Duchesse de Lauzun, furent de la suite de Madame la Duchesse de Bourgogne, aussi-bien que Me la Marquise de Dreux : Madame la Duchesse de Bourgogne se promena au retour à pied, au tour du Parterre du Tybre, & fit ensuite un retour de chasse avec Monseigneur le Duc de Bourgogne : Monseigneur le Duc de Berry, & plusieurs Dames.

Le Vendredy 28. le Roy travailla le matin avec le Pere de la Chaize : Monseigneur, & Monseigneur le Duc de Berry allerent dés le matin à la chasse du Loup : il y eût grande toilette chez Madame la Duchesse de Bourgogne ; elle se promena sur les cinq heures au tour du Parterre du Tybre. Le Roy alla tirer.

Le Samedy 29. il y eût le matin Conseil de Finances. Le Roy se promena l’aprésdînée en Carosse sur les bords du Canal, & dans les routes du Parc. Il avoit avec luy Madame la Duchesse de Bourgogne, & des Dames de sa suite. Il vit la pêche des Cormorans, & rentra d’assés bonne heure, parce que le temps n’étoit pas tout-à fait favorable, le soir les Comediens representerent la Comedie de Don Sanche d’Arragon de Mr de Corneille qui fut suivie de celle de Crispin Medecin. Le Roy receut ce même jour à huit heures du matin la nouvelle de la Victoire remportée par Monsieur l’Electeur de Baviere, & Mr le Maréchal de Villars sur l’Armée de l’Empereur, commandée par le Comte de Stirum. Le 20. de Septembre, prés du Village Dhochet, ce fut Mr de Chamillard, Ministre & Secretaire d’Etat qui luy annonça cette nouvelle qui avoit esté apportée par un Courrier dépeché par Mr d’Usson Lieutenant general, qui avoit eu grande part à cette glorieuse action. Mr le Marquis de Torcy rendit aussi à S.M. une Lettre de Mr l’Electeur de Baviere, apportée par le même Courrier. Monsieur le Duc d’Orleans courut le Cerf avec sa Meute.

Le Dimanche 30. il y eût Conseil de Ministres. Madame la Duchesse du Lude donna à dîner à Monseigneur le Duc de Bourgogne, à Madame la Duchesse de Bourgogne, à Monseigneur le Duc de Berry, à Madame la Princesse de Conty, & à plusieurs Dames. Le Roy alla tirer l’aprésdînée.