1704

Mercure galant, mars 1704 [tome 3].

2017
Source : Mercure galant, mars 1704 [tome 3].
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Mercure galant, mars 1704 [tome 3]. §

[Sonnet] §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 5-7.

Le Sonnet qui suit est à la gloire d’un Monarque, qui a bien donné de l’occupation au Parnasse, depuis le commencement de son regne.

SONNET.

Il n’est point icy bas de veritable gloire
Et tout ce grand éclat qui brille dans mon Roy
Tout ce bruit que l’Europe est soûmise à sa loy
Et qu’elle est attachée au Char de sa Victoire.
***
Tous ces faits inoüis si vantez dans l’Histoire
Et pour lesquels peut estre on n’aura pas de foy.
Tous ces exploits fameux qui causent tant d’effroy,
Et dont tout l’avenir gardera la memoire.
***
Tout ce qui fait enfin un Heros achevé,
Ce merite éclatant, ce genie élevé,
Cette rare vertu, ce courage intrepide
***
N’a rien qui ne le mette au rang des Immortels ;
Mais ce qui le fait voir bien au dessus d’Alcide
Est, qu’il fait adorer un Dieu sur nos Autels.

Ce Sonnet est de Mr de Mergue, Juge ordinaire de la Ville d’Angoulesme.

[Décès de François Cadot]* §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 26-62.

François Cadot, Marquis de Sebeville, âgé quatre-vingt six ans, six semaines aprés la mort de Françoise Gigaut de Bellefont sa femme, âgée de quatre-vingt cinq ans, moins quelques mois, ayant passez ensemble soixante & deux ans & plus de mariage, dans une parfaite union jusqu’à la mort qui les a séparez, & bien-tôt rejoint au grand regret de leur famille, & de tous leurs voisins, qui avoient beaucoup de veneration & de respect pour eux.

Le nom de Cadot est si ancien en Normandie, qu’on ne peut s’empêcher d’en dire quelque chose dans cette occasion, & les Armes des Cadots que l’on voit en tant d’endroits dans la Province, meritent aussi qu’on en parle ; ce sont trois Roses d’or en champ de gueulle, deux en chef & une en pointe, & au milieu une hure de Sanglier de sable couronnée de Fleurs de Lis d’or, ce qui marque qu’elles sont pour quelque action de guerre, & quelque service considerable rendu par un Cadot, les Rois n’accordant point autrefois de fleurs de Lis dans les Armes que pour des actions remarquables ; mais comme ceux qui restent de cette famille sont descendus des Cadets, les Titres sont demeurez dans les branches aînées qui sont tombées en quenoüille, ce qui fait qu’on n’en sçait point la veritable raison.

Quant à l’ancienneté du nom que personne ne porte, en Normandie, que la Maison de Sebeville & de Gerville, on en peut juger par une fondation de quattre Chanoines & d’un Chantre faite par un Cadot, Seigneur & Châtelain de Gaillon en 1205. qui subsiste encore aujourd’hui dans Gaillon, c’est le premier titre qu’on trouve de ce nom ; mais outre qu’il est assez ancien, les termes dans lesquels elle est conçuë, les circonstances qui l’accompagnent, & le nombre de legs qu’il fait font assez voir qu’il étoit homme fort distingué & fort consideré.

Premierement, Philippes Auguste qu’il appelle toûjours le Roy son Maistre, ratifie cette donnation en 1210. En second lieu les Evêques de Lisieux, d’Avranches & d’Evreux assistent à la ceremonie de la Benediction de cette Eglise, bâtie & fondée par ses Chanoines. En troisiéme lieu, que le Veneur Comte de Tilliere & plusieurs autres Seigneurs, signent comme témoins. En quatriéme lieu que le Roy Louis VIII. aprés la mort de Philippes Auguste, ratifie la même Fondation estant à Gisors, le 4. May 1232. En cinquiéme lieu, qu’il donne à ses Chanoines des rentes sur plusieurs terres qui étoient à lui, dont trois portent encore le nom de Cadot ; la premiere scituée prés d’Evreux, appartenant presentement à Mr le Duc de la Force ; la seconde prés de Caën reünie au Domaine depuis plusieurs siecles ; & la troisiéme venduë à Mr le Marquis de la Luzerne depuis cent ans par un Cadot, Seigneur de Gerville, cadet de ceux de Sebeville, & separée de cette branche en 1509.

Depuis la ratification de Louis VIII. en 1232. l’on ne voit rien de ce nom jusqu’en 310. hormis des filles mariées dans les Maisons d’Harcourt, le Veneur & de Monteney, suivant l’Histoire de la Maison d’Harcourt. Il faut remarquer qu’il n’y a que soixante-dix-huit ans entre la ratification de Louis VIII. & un Contrat d’acquisition faite par un Guillaume Cadot, en 1310. d’une petite terre prés de Carentan qui s’appelle Blactot, & l’on voit encore ses Armes dans une maison de Carentan qui estoit à lui, soûtenuë par un Ange ; mais ce qui peut mieux faire juger qu’il descendoit des Cadots de Gaillon, c’est qu’il épousa Blanche de Brucourt, fille de Henry de Brucourt, Seigneur & Châtelain de la Riviere Tibouville, & de N… Demoiselle de Vernon, troisiéme fille & heritiere, avec ses sœurs, de Guillaume de Vernon ; elle eut pour son partage la Baronnie d’Orglandes, ses deux aînées ayant eu pour le leur la Baronnie de Nehou & d’autres titres, dont l’une épousa Robert de la Haye.

Il est necessaire pour la suite de dire que Henry de Brucourt n’eut qu’un fils & une fille nommée Blanche, son fils nommé Guillaume n’eut qu’un fils & une fille, nommée Jeanne, qui eut pour sa dot la Baronnie d’Orglandes en épousant Jean Doessé, Baron de Goes, en 1422. elle mourut sans enfans ; ledit Baron épousa en secondes noces Mademoiselle de la Haye, tante à la mode de Bretagne, & heritiere en partie de sa premiere femme, venant l’une & l’autre de ces heritieres de Vernon qui avoient partagé les Baronnies de Nehou & d’Orglandes ; de sorte que cette derniere Baronnie resta par succession à Mademoiselle de la Haye, sa seconde femme, dont il eut un fils nomme Jean Doessé comme lui, lequel démembra le Fief & Baronnie de Brucourt de celle d’Orglande, en faveur d’un nommé le Roux, Ecuyer qu’un Denis Cadot, Ecuyer Seigneur de Sebeville, d’Escoqueneauville, Boutteville & de Gerville retira, à droit de sang ou lignage, le dix May 1473. estant l’arriere-petit fils de Guillaume Gadot & de Blanche de Brucourt, dont Guillaume Cadot eut un fils nommé Tibault Cadot qui épousa Demoiselle Marthe, fille de Geofroy du Môlé-Basson, dont un de cette famille avoit fondé l’Abbaye de Sainte Barbe dans le Pays d’Ange. Ce Tibault n’eut que deux fils, l’un nommé Jacques & l’autre Gilles. Ce Jacques Cadot fut assez depourvû de raison pour prendre le parti opposé au Roy, & on le voit dans l’Histoire de Normandie, avec un Harcourt & un Breauté excepté de l’amnistie generalle que le Roy donna à ses Sujets de Normandie. Il mourut sans enfans, & selon les apparences, le Fief Cadot prés de Caën, fut confisqué sur lui, & reüni au Domaine.

Son frere Gilles Cadot épousa en premieres noces Guillemette Roueslart, Dame du Fief de la Porte, dont les Fauxbourgs de Coûtances relevent ; ce qui se voit par les aveux que Gilles Cadot en rend au Roy en 1420. & verifiez à Coûtances en 1422. Le Roy Charles VI. lui donna des Provisions de Maistre d’Hostel de sa Maison.

Il n’eut avec ladite Guillemette Roueslart, qu’un fils nommé Michel Cadot, qui rendit dans la suite aveu aprés la mort de son pere, du même fief de la Porte en 1456.

Gilles Cadot épousa en secondes noces Demoiselle Guillemette le Demandé, fille de Georges le Demandé, Ecuyer Seigneur de Blihout, & de la Billonnerie, dont il eut ce Denis Cadot, duquel nous avons déja parlé, & Jean Cadot ; ce dernier mourut sans enfans, sa succession fut partagée entre Michel, fils du premier lit, & Denis fils aîné du second, ce qui se voit par un accord fait entr’eux, en 1460. plusieurs années aprés la mort de leur pere.

Michel Cadot fils du premier lit, épousa une Demoiselle de la Maison de Mante dont il n’eut que des filles, ainsi cette branche aînée est tombée en quenoüille, ce qui fait que les anciens titres des Cadots ont passé dans des Maisons estrangeres qui n’en n’ont pas fait de cas, leurs estant inutils. Denis Cadot, fils de Gilles, du second lit, épousa en 1458. Damoiselle Jeanne le Marchand, fille de Richard le Marchand, Ecuyer Seigneur de Saint Pierre Eglise, & de Rafauville, de laquelle il eut deux fils, l’aîné nommé Jean Cadot, & le second Louis ; ce dernier mourut sans enfans. Denis leur pere estoit Seigneur de Sebeville, d’Escoqueneauville, de Bouteville & de Gerville : on voit une Lettre que Charles VIII. lui écrivit de Lion, & l’on n’oseroit dire qu’il le prie à cause des grands besoins de l’Etat, de lui prester mille écus d’or somme considerable en ce temps-là, lui promettant de les lui faire rendre l’année d’aprés par son Receveur à Vallognes, on voit aussi plusieurs ordres à lui adressez par les Gouverneurs de Normandie, & des passeports & certificats de Generaux d’Armée qui lui permettent de retourner chez lui. Il y a même un ordre par lequel le Roy lui commandoit, & à son frere aîné Michel, d’escorter des munitions de bouche & de guerre à Fougeres, que le Roy assiegeoit. On voit aussi une donation que ce Denis Cadot a fait qui subsiste encore à l’Eglise de Carentan de douze livres de rente, pour faire prier Dieu pour lui & pour les siens, à prendre sur la maison de Carentan qui luy estoit venuë de la succession de Guillaume Cadot son trisayeul, dont nous avons ci-devant parlé de plus il avoit beaucoup contribué à la construction de l’Eglise de Carentan, où il avoit fait bastir une Chapelle qui subsiste encore, où sont ses armes qui servent de clef de voute en deux endroits, & on les voit aussi en alliance avec les Armes de Grimonville, & de la Heterdiere, deux des plus anciennes familles de Normandie ; cette Chapelle est toujours à ses Descendans.

Jean Cadot son fils & son seul heritier, épousa Demoiselle Isabeau de Houtteville, le 6. Février 1493. dont il eut quatre fils ; l’aîné s’appelloit Michel, deux moururent sans enfans & le cadet des quatre eut pour son partage la Terre de Gerville, qui est encore à ses descendans, qui font une seconde branche.

Michel, fils aîné de Jean, Baron de Brucourt, & Seigneur de Sebeville, Descoquencauville, & de Boutteville, Capitaine des Costes & du Plat pays de Costentin, dont on voit la Commission, épousa en 1538. Demoiselle Louise le Lievre, fille de noble homme Pierre le Lievre, Ecuyer Seigneur de Riou, & heritiere du Fief de Riou, dont il eut deux fils, l’aîné nommé François & le second Versigentorix, qui est le trisayeul de la mere de Mr du Mont, premier Ecuyer de Monseigneur le Dauphin, en laquelle cette branche finit, & dont Mr du Mont herite de la terre de Hemevés & de celle de Riou qui estoit le partage de Versigentorix.

Ce Michel fut deputé de la Noblesse du Bailliage de Carentan. On voit des Lettres d’une Bourbon, Duchesse d’Estouteville & Dame de Bricquebet, & un procez qu’elle intenta contre lui, pretendant des chemins sur la terre de Sebeville, dont elle se desiste, voyant qu’elle alloit estre condamnée, elle le pria, dans une Lettre, de venir chez elle, pour tout terminer, & d’amener un habille homme de Robe, pour conferer devant elle, avec son Conseil. On voit aussi des Lettres de Charles IX. & de Henry III.

François Cadot, fils aîné de Michel, eut les terres cy-dessus nommées estant toutes reünies, & le Commandement des Costes & du Platpays, dans lequel employ il servit utilement le Roy durant les guerres civilles. On voit par des Lettres du Duc de Monpensier. Bourbon, Gouverneur de Normandie, qui le remercia du bon service qu’il a rendu au Roy en taillant en pieces un Regiment de ses ennemis qui étoit retranché dans un Village qui s’appelle Freville, on voit aussi une Lettre de Henry III. qui lui marque la satisfaction qu’il a de ses services. Mr le Duc de Monpensier luy donne en plusieurs rencontres des ordres sur differentes choses, & entr’autres, il y en a un de se jetter dans Carentan pour le défendre contre Mr de Montgommeri qui l’alloit attaquer, & Mr de Montgommeri fit brûler le Château, de Sebeville sçachant que le Seigneur s’étoit jetté dans Carentan, qui fut emporté l’épée à la main.

Ce François Cadot épousa Demoiselle Scolastique de Franquetot, fille aînée de Robert de Franquetot, Ecueïr Seigneur de S. Georges, & de Demoiselle Marie d’Auxais, cette famille étoit ancien, ne dés l’an 1564. Il eut de ce mariage Michel Cadot II. du nom, de cette branche, unique heritier des terres ci-dessus nommées, & Commandant les Costes & le Plat-Pays. On voit plusieurs Lettres de Henry IV. & dans une desquelles il lui ordonne de venir voir chasser sa meutte, pour voir si elle estoit aussi bonne que la sienne.

Michel Cadot épousa en 1585. Isabeau d’Aniel Dame d’Audouville la Hubert, dont il eut plusieurs garçons, trois furent tuez à l’Armée, il n’en resta que deux, l’aîné nommé Gilles unique heritier de ses terres, & de celle d’Audouville qui venoit de sa mere ; l’autre nommé Louis portant le nom de Brucourt, n’eut qu’une pension viagere, & le Commandement des Côtes, sa branche va finit à la troisiéme generation dont il ne reste qu’une fille.

Ce Gilles Cadot fut blessé au siege de la Rochelle ; il fut deputé de la Noblesse aux Etats Generaux tenus à Roüen, pour le Bailliage de Carentan. L’on voit plusieurs Lettres de Louis XIII. & une de Mr le Cardinal Mazarin pendant les dernieres Guerres civilles, qui lui dit que sçachant que ceux de sa Maison ont toujours esté attachez fidelement aux Rois & à leur devoir, il ne doute pas qu’il ne fasse de son mieux dans la conjoncture presente pour maintenir la Noblesse de son Canton dans des dispositions convenables aux interests de S.M. Il épousa en 1615. Demoiselle Françoise Bellée, fille & heritiere de Jesuel Bellée Ecuyer Seigneur du Fief de Virville, située dans Boutteville, & de la terre de Mardelle, dont il eut deux fils, l’aîné nommé François, heritier des Terres ci-dessus nommées, excepté celle d’Audouville qui fut le partage de Louis Cadot son cadet qui n’a point esté marié, & qui a fait depuis une donation de cette Terre à Bernardin Cadot son neveu, fils aîné de François Cadot son frere.

François Cadot, Marquis de Sebeville dont on a parlé au commencement, avoit servi longtemps, il fut blessé au siege de Hedin, & au premier siege d’Arras ; il se jetta dans le Château de Vallognes durant les dernieres Guerres civilles avec ce qu’il pût ramasser de ses Vassaux pour aider au Marquis de Bellefont, depuis Maréchal de France, à le défendre contre le Parti de la Ligue qui l’attaquoit, n’y ayant presque de Garnison que ce qu’il ramassa, ils le defendirent longtemps, & ne se rendirent que faute de munitions de Guerre. Le Roy lui donna des Lettres de Marquisat pour la Terre de Sebeville qu’il fit ériger en 1641. Il avoit épousé Françoise Gigaut de Bellefont cousine germaine de feuë Marie de la Guiche, Duchesse de Vantadour, estant sorties des deux sœurs ; il eut de ce mariage sept garçons & sept filles, dont il en est mort quatre Religieuses, il en reste trois, deux mariées & une Religieuse Abesse de Montevilliers, des sept garçons il en est mort trois dans le service, le premier des trois nommé Jean-François, estoit Chevalier de Malthe, il fut fort blessé au siege de Candie, & aprés s’estre trouvé en plusieurs batailles navalles, où il s’estoit fort distingué étant Capitaine de Vaisseau, il mourut à Sebeville en 1674. le second nommé Henry-Robert, fut tué à la bataille de Senef, Capitaine de Cavallerie estant avec son frere aîné ; le troisiéme nommé Guillaume, Lieutenant de Vaisseau, fut tué devant Alger, en sauvant une Galiotte Bombardiere acrochée par une Galere, & par un Brigantin Turc qu’il contraignit lui douziéme, de deborder aprés les avoir chassez de dessus le pont de la Galiotte, il reçut deux coups de Mousquet dont il mourut sur le champ.

L’aîné des quatre qui reste nommé Bernardin, fut blessé à Saint Godart, ensuite le Roy lui donna un Regiment de Cavalerie sur le pied Allemand, il le fit aprés Sous-Lieutenant des Gendarmes de Bourgogne, de là Capitaine-Lieutenant des Chevaux Legers de la Reine, & Brigadier Commandant sa Gendarmerie, aprés la Paix d’Aix la Chapelle il alla en qualité d’Envoyé Extraordinaire du Roy prés l’Empereur en quatre-vingt, où il demeura jusqu’en quatre-vingt-quatre. Depuis ce tems-là il fut fait Maréchal de Camp en quatre vingt-huit, & ensuite Aide de Camp du Roy & Chevalier de Saint Louis ; il s’est trouvé à huit grands Combats ou Batailles tant en Allemagne qu’en Flandres ; il fut dangereusement blessé à Cassel.

Le second nommé Jacques Cadot est Chef d’Escadre, il a esté blessé plusieurs fois & qui s’est trouvé à toutes les Batailles navalles qui se sont données depuis 33. ans.

Le troisiéme qui s’appelle Charles, est Capitaine-Lieutenant des Chevaux Legers de la Reine qu’avoit son frere aîné, & de plus Brigadier, il s’est aussi trouvé en plusieurs Batailles, & à la derniere de Spire.

Le quatriéme, nommé George, est Capitaine de Vaisseau. Il a vû aussi plusieurs Batailles navalles, & il a esté aux Indes Orientales & Occidentales en cette qualité.

Ce Bernardin Cadot, Marquis de Sebeville, en soixante & neuf, épousa Marguerite Françoise Monerot, fille de Pierre Monnerot, Secretaire du Roy & Tresorier general des Parties Casueles, il a eu trois fils de ce mariage, l’aîné nommé Bernardin, comme son pere, est dans la Gendarmerie sous le nom de Marquis de Brucourt, premier Cornette des Chevaux Legers de Monseigneur le Duc de Berry. Il s’est trouvé à la Bataille du Ter, & en dernier lieu à celle de Spire dans l’Escadron du Comte de Sebeville son oncle. Les Chevaux Legers de Berry escadronnent avec ceux de la Reine. Le second est mort à Brest aprés avoir vû la Bataille navalle de la Hogue, dans le Vaisseau de son oncle Chef d’Escadre dont nous avons parlé ; & le troisiéme a servi d’Aide de Camp à Mr le Maréchal de Villars, en Baviere, où il s’est trouvé dans tous les Combats qui s’y sont donnez.

Tout ce qui est allegué dans ce Memoire, est prouvé par Contrats de mariage, Contrats d’acquisition & de vente, par partages faits entre freres, par Lettres d’érection de Marquisat, par Fondations faites en plusieurs Eglises & Convens dont on ne parle point, & par la possession des mêmes Terres depuis prés de trois cens ans, & de quatre cens ans de descente depuis Guillaume Cadot jusqu’à présent.

[Sonnet de Mr de Boisset] §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 103-106.

L’Ouvrage qui suit doit vous faire souvenir d’un Mistere qui étoit present à nos yeux il y a peu de jours, & que nous avons peut-estre déja oublié. Cet Ouvrage est de Mr de Boisset, Ecuyer, cy devant Correcteur des Comptes.

SUR LE MISTERE
de la Redemption.
SONNET.

O prodige d’amour ! ô spectacle nouveau !
Un Dieu crucifié paroist sur le Calvaire,
Où pour nous meriter le pardon de son Pere ;
De nos propres pechez il se fait un fardeau.
***
L’Etre immortel, chargé de l’humaine misere,
Va voir trancher ses jours, par le fatal ciseau ;
Et son immensité, qu’en tous lieux on revere,
Pour sauver les Pecheurs, s’enferme en un tombeau.
***
Le Soleil obscurci, se refuse à la terre,
Et voit avec horreur, l’Auteur de sa lumiere,
Tristement succomber, sous les coups d’un bourreau.
***
Les tombeaux sont ouverts :
  Dieu s’arme du Tonnerre,
Quand son Fils immolé desarme sa colere ;
Et son couroux s’éteint dans le sang de l’Agneau.

[Suite des Cent Questions differentes] §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 109.

Le Livre des Cent Questions differentes, dont la lecture vous a fait tant de plaisir, n’a pas moins diverti icy, que dans vostre Province, & la lecture en attache tellement, que plusieurs de ceux qui l’ont lû n’ont pû quitter ce Livre avant que d’en avoir achevé la lecture. Le troisiéme vient de paroistre, & comme l’Auteur a un fond inépuisable d’érudition, il y a lieu de croire qu’il ne finira pas si-tost cet Ouvrage.

[Galanterie] §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 152-162.

Je devois vous apprendre dés les mois passé, ce qui s’est fait dans la Ville d’Alby pendant le dernier Carnaval.

Le premier jour de l’année un galant homme donna des Etreines à plusieurs Dames. Il y avoit deux Medailles qui representoient la bonne foy, que les Dames qui les reçurent, attacherent d’abord à un ruban bleu du côté du cœur ; le soir des Rois le même homme étant Roy, fit des Chevaliers & des Chevalieres sous le titre de la Chevalerie de la bonne foy ; il en regla les Statuts ; on fit faire des Medailles d’argent ayant d’un côté deux mains unies avec ces mots au tour, l’Amitié nous unit, & dans le revers, un Rocher, & au tour, ces mots, plus ferme, chacun la mit sur son cœur, attachée à un ruban bleu. Voicy les Statuts de cet Ordre.

STATUTS DES CHEVALIERS ET DES CHEVALIERES DE LA BONNE FOY,
Etablis dans la Ville d’Alby l’année 1704.

I.

Une amitié tendre & sincere,
Plus douce mille fois que l’amoureuse loy,
Doit estre le lien, l’aimable caractere,
Des Chevaliers de bonne foy.

II.

L’Amour innocent n’est pourtant pas banni de cette agreable Societé, & quand il se trouvera permis entre un Chevalier, & une Chevaliere, ce sera un amour de bonne foy, constant, fidele & que nul des autres Chevaliers ni Chevalieres ne pourra troubler.

III.

Tout autre amour en est banni, l’époux & l’épouse y seront en sureté ; tout y aimera mais ce sera d’une amitié tendre & solide, qui cherchera toujours à se divertir d’une maniere galante & toute propre à dégoûter de l’amour.

IV.

Le nombre des Chevaliers & des Chevalieres n’est point fixé. L’on y recevra les Personnes qui paroîtront dignes d’y estre reçuës, mais ce sera toujours à nombre égal des Chevaliers & des Chevalieres, de crainte que quelque preferance ne trouble le repos dont on prétend y joüir.

V.

Cette reception se fera du consentement de toute l’Assemblée, mais sans autre ceremonie que celle de promettre une amitié de bonne foy, & une union d’interests que rien ne pourra faire changer.

VI.

En cas d’absence d’un Chevalier il lui sera permis d’en substituer un à sa place, du goût de sa Chevaliere, qui lui rendra, à son retour, sa Medaille : ses Chevaliers suivront la même maxime à l’égard de leurs Chevalieres.

VII.

La Medaille est parlante, ce sont deux mains unies qui ont toujours esté le simbole de la bonne foy, avec ces mots autour, l’amitié nous unit, & dans le revers, un Rocher, avec ces mots, plus ferme.

VIII.

Chaque Chevaliere donnera à son Chevalier un ruban bleu dont il attachera la Medaille sur le cœur.

IX.

On s’assemblera une fois la semaine, on proposera tout ce qui sera propre à l’augmentation de cette galante Chevalerie ; on déclarera les fautes qu’on aura remarquées contre la bonne foy de l’amitié, l’on en punira les coupables, & l’on recompensera ceux qui auront donné des marques de leur attachement à cette Societé ; les punitions & les récompenses seront reglées par l’Assemblée.

X.

Ces Statuts seront plus étendus dans la suite, les grands ouvrages ne s’achevent pas tout d’un coup, & l’on espere que la fidelité qu’on aura à les observer sera sans exemple, & que cette Societé, par son enjoüement & par les soins qu’elle prendra d’inventer mille innocens plaisirs, sera une source de joye perpetuelle.

Il fut d’abord présenté une Requeste par une personne de beaucoup d’esprit & de distinction, pour obtenir la Medaille, qui lui fut donnée. Cette Requeste est un tres-bel ouvrage, & cette même personne en a fait encore d’autres à la gloire de cette Chevalerie. Cette galante Societé a souvent mangé ensemble pendant tout le Carnaval. Les Bals commençoient à l’issuë des repas.

La Ville y a esté en Masques, & a marqué par diverses galenteries faites au nom de toutes les Nations, que ces Masques representoient, que cette nouvelle Chevalerie étoit approuvée par tout. Ces divertissemens ont duré pendant tout le Carnaval, & ont fait voir qu’il y a beaucoup d’esprit & de galenterie dans la Ville d’Alby. Le dernier jour de Carnaval les Chevaliers & les Chevalieres se rendirent aux fenestres de la grande Place, pour voir passer les Masques. Les Chevaliers y firent porter quantité de confitures pour les Chevalieres, & pour beaucoup d’autres Dames, & des dragées en abondance pour jetter au Public.

Les Personnes d’esprit & de merite qui ont inventé ces jeux, qui ont pris fin avec le Carnaval, se sont proposées de les continuer le Carnaval prochain avec encore plus d’éclat & de galenterie, s’il leur est possible.

[Le faux devot, Satyre] §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 163-174.

Les vers qui suivent sont de Mr de Cantenac Chanoine de l’Eglise de Bordeaux : ses Ouvrages sont si bien reçûs que je ne doute point que vous ne preniez beaucoup de plaisir à lire celui que je vous envoye.

LE FAUX DEVOT.
SATYRE.

Rien n’est plus admirable & digne de loüange,
Qu’un Homme qui s’efforce à vivre comme un Ange.
Qui par ses passions, nuit & jour combattu,
Les soûmet saintement aux loix de la Vertu ;
Qui détaché du monde & des faux biens qu’il donne,
En fuit tous les plaisirs qu’un écüeil environne,
Et qui sans interest, sans faste & sans aigreur,
Charitable pour l’Homme a le vice en horreur.
Mais je ne puis souffrir l’extravagance impie,
De certains faux Devots plein d’orgüeil & d’envie,
Qui pour tromper le monde & paroître pieux,
Donnent prés des Autels la torture à leurs yeux.
Leur main accoûtumée à battre leur poitrine,
Est souvent en secret ouverte à la rapine.
Il semble que le Ciel borne tous leurs desirs ;
Mais ils poussent ailleurs de plus tendres soupirs.
À couvert du scandale ils succombent sans peine
Aux attraits les plus doux de la foiblesse humaine.
Toutefois en public, ces rigides Censeurs
Condamnent en amour jusqu’aux moindres douceurs.
Un entretien galant, un regard favorable,
Quelque innocent qu’il soit, leur paroît effroyable,
Leur bile s’en échauffe, & ce mal apparent,
Par leurs langues d’Aspic devient beaucoup plus grand
Sur un simple soupçon, animez d’un faux zele
Ils attaquent l’honneur d’une femme fidelle.
Et les avis secrets qu’ils donnent à l’Epoux,
Le rendent sans sujet, & cruel, & jaloux.
Qui les irrite est seur d’attirer leur vengeance ;
Les choquer disent-ils, c’est le Ciel qu’on offense,
Et sur ce faux pretexte ils forment le dessein
De plonger saintement un poignard dans le sein.
Plus on veut les flater, plus ces lâches s’irritent.
Les ennemis puissans, les Procés qu’ils suscitent,
Leur medisance injuste avec ses plus noirs traits,
Font voir qu’un faux Devot ne pardonne jamais.
Plus il vous font de mal, moins ils osent paroître.
Tels que des Assassins qu’on ne peut pas connoître
Ils tâchent de vous perdre, & cachent avec soin
La main qui fait les coups qu’ils vous portent de loin.
Ces ennemis cachez vous nuisent sans relache.
C’est ainsi qu’à la Guerre un Mineur qui se cache
Dans le trou qu’il a fait, porte secretement
La matiere des feux dont l’éclat est si grand.
Il est de ces Devots qui bouffis d’arrogance,
Veulent tout decider sans art & sans science,
Se pensent mieux instruits que n’étoit Saint Thomas
Avec un sens commun que souvent ils n’ont pas
Le Ciel peut quand il veut par d’insignes miracles,
Faire qu’un Ignorant prononce des Oracles,
Et sans que de l’Ecole il tire aucun secours
D’une science infuse orner tous ses discours.
Mais peu de gens l’ont euë, & l’exemple en est rare.
Un Devot ignorant est à demi barbare ;
Sur tout quand se flatant d’estre Predicateur,
Il va dans une Chaire endormir l’Auditeur.
Peut-on persuader les veritez sublimes,
Inspirer les vertus & combatre les crimes,
Sans un peu d’éloquence & beaucoup de sçavoir
Que naturellement on ne peut pas avoir ?
Mais ces sortes de gens veulent qu’on les admire,
La Critique est, pour eux, une affreuse Satyre.
Ils pensent que leur geste ou le grand bruit qu’ils font,
Repare abondamment l’ignorance qu’ils ont.
C’est de ses faux Devots la foiblesse ordinaire.
Ils veulent plaire à tous, sans avoir l’art de plaire,
Et mesurant l’estime à leurs petit esprits,
Reprendre tout le monde & n’estre pas repris.
Le vieux Alcimedon qui fut dans son jeune âge,
Taxé d’incontinence & de libertinage,
Et qui presentement doit sa foible vertu
A la debilité de son corps abbatu.
Des mœurs de nostre siecle est un Censeur rigide,
Et chancelant encore veut nous servir de Guide.
Qui nous veut corriger doit fuir depuis long-temps
Les plaisirs criminels où nous portent nos sens,
Avoir fait des vertus un fort long exercice,
Et donné par ses mœurs de l’horreur pour le vice.
Les Devots si recents n’en sont pas detachez
Et les vertus d’un jour sont des vices cachez.
Dans le beau sexe on voit une même foiblesse,
Souvent une Coquete est Prude en sa vieillesse,
Et maudissant l’Amour & ses plaisirs passez,
Venge par son chagrin ses appas effacez.
Elle porte en tout lieu sa critique incommode,
Soûtient que pour bien vivre il faut vivre à sa mode,
Que pour paroistre sage on doit estre estre reclus,
Et condamne en autruy ce qu’elle ne fait plus.
Telle qui semble un Ange en faisant sa priere,
Fait voir dans sa maison les fureurs de Megere,
Et venant de l’Eglise en cet affreux estat,
Fait penser à ses gens qu’elle vient du Sabat.
Pour moy qui n’aime pas des vertus en peinture,
Et qui ne puis souffrir la fourbe & l’imposture,
Ennemi déclaré du vice & de l’orgüeil,
J’évite un faux Devot, comme on fait un Ecüeil.

[Mort de Mademoiselle Marie de Rasilli]* §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 201-215.

Mademoiselle Marie de Rasilli mourut à Paris le 26. du mois de Fevrier, âgée de quatre-vingt-trois ans. Sa naissance, son bel esprit & ses beaux ouvrages de Poësie, tout cela joint à une pieté exemplaire l’avoit renduë l’un des plus beaux ornement de son sexe. Le Roy pour reconnoistre son merite, & pour recompenser les services que ses Ancêtres avoient rendu à l’Etat la gratifioit d’une pension considerable. Elle sortoit du costé de son pere, de la Maison de Rasilly, illustre & ancienne en Touraine. Elle étoit fille de Messire François de Rasilly, Seigneur dudit lieu & des Auxmelles, Chevalier de l’Ordre du Roy, Gentilhomme ordinaire de sa Chambre, Lieutenant General pour Sa Majesté à Maragnan & des Costes du Bresil, où il planta la Foy avec les Reverends Peres Capucins en 1618. Mademoiselle de Rasilly étoit sœur de Messire Charles de Rasilly, Mestre de Camp du Regiment de Perigord, Lieutenant General des Armées du Roy, qui mourut sans posterité de Dame Urbaine de Sorée Ricordiere, niece de Messire Isaac de Rasilly, Chevalier de Malte Commandeur de l’Isle Bouchard, Lieutenant General en Canada & des costes d’Acarie où il est mort, & de Messire Claude de Rasilly, Seigneur dudit lieu & des Auxmelles, Vice-Amiral de France, & Vice Roy de Canada, pere de Messire Gabriel de Rasilly, Lieutenant de Roy en Touraine, dont le merite & la vertu ont éclaté dans le choix que Sa Majesté en a fait pour estre auprés de Monseigneur le Duc de Berry en qualité de Sous-Gouverneur ; & elle descendoit du costé maternel de la Maison de Clermont-Tonnerre, par sa mere Marie de Clermont-Tallard, fille de Gabriel de Clermont, Baron de Thoury, & de Françoise de Noailles.

Clermont-Thoury est une branche de Clermont-Tonnerre, que feu Mr l’Evêque de Noyon avoit accoûtumé d’appeller la branche des seize quartiers, parce qu’elle porte dans son Ecusson seize quartiers, & qu’elle a l’honneur d’estre alliée à seize des principales Maisons de l’Europe. Julien de Clermont, Baron de Thoury, fils de Bernardin de Clermont, Comte de Tonnerre, à cause de sa femme Anne de Husson, commença la branche des Clermons-Thoury ; il épousa Claude de Rohan, fille de Charles de Rohan, Seigneur de Gie ou du Verger, & de Jeanne de Saint Severin, & sœur aînée de Jacqueline de Rohan, femme de François d’Orleans & mere de Leonor d’Orleans, Duc de Longueville, dont il eut Gabriel de Clermont, Baron de Thoury qui épousa Françoise de Noailles, sœur de Henry, Comte de Noailles, Marquis de Montelan & Lieutenant General pour le Roy en Auvergne, dont il eut Jacques de Clermont qui fit ériger Thoury en Comté en 1621. Jean de Clermont, Abbé de Saint Oüen & de Saint Gildas, & Marie de Clermont mere de la défunte. Jacques de Clermont, Comte de Thoury, épousa Gabrielle de Glisy, d’une ancienne Maison de Picardie, dont il eut quatre enfans, Charles de Clermont, Gabriel de Clermont, & deux filles qui furent Religieuses Bernardines. Charles de Clermont, Comte de Thoury, épousa Catherine de Senicourt, fille heritiere de la Maison de Finiere en Picardie, dont il eut Louis, Comte de Thoury, & Louis-Joseph de Clermont, tous deux vivans ; le premier a eu de sa femme Marie de Boucher, Louis-Joseph, Louise-Therese de Clermont, Religieuse de l’Abbaye de S. Paul prés Beauvais, & deux autres filles ; & le second qui a épousé sa cousine germaine Marie-Françoise de Clermont, en a eu François-Henry, & Marie de Clermont. Gabriel de Clermont Baron de Courcelles, second fils dudit Jacques de Clermont, Comte de Thoury, épousa Gabriele de Rhunnes, fille de Pierre de Rhunnes, Seigneur & Vicomte de Besieux, & de Jacqueline de Lamet, dont il eut Charles de Clermont, Baron de Courcelles, marié à Mademoiselle Marie Davoir Montsorreau, Gabriel de Clermont, Jesuite, mort à Tripoly dans les Missions Etrangeres, Jean-François de Clermont, Benedictin, Charles-Antoine de Clermont qui a servi pendant vingt-deux ans dans les Armées du Roy sous differens titres tous honorables, Jean de Clermont Abbé de Saint Pierre de Vertuë en Medoc, & Marie-Françoise de Clermont, épouse dudit Louis-Joseph de Clermont.

En finissant l’Article que je vous envoye, le Memoire suivant, qui regarde encore la Maison de Rasilly, est tombé entre mes mains ; il contient quelques circonstances qui ont esté oubliées dans le premier ; comme il est tres court, je vous l’envoye entier, quoiqu’il y ait quelques choses qui se trouvent déja dans le premier ; mais pour n’y rien alterer, j’ay cru le devoir laisser comme il est.

Marie de Rasilly, fille de François de Rasilly, Maréchal des Camps & Armées du Roy, Ambassadeur en Savoye, sa mere étoit … … de Clermont Thoury. Elle eut pour frere aîné Charles de Rasilly surnommé le Borgne, Colonel du Regiment de Perigord & d’un Regiment de Cavalerie, Maréchal des Camps & Armées du Roy, Gouverneur de Haguenau en Alsace, mort sans enfans.

François, pere de Marie, eut pour freres, sçavoir, Isaac de Rasilly, Chevalier de Malte & Commandeur de l’Isle Bouchard, Chef d’Escadre des Armées navalles de Sa Majesté. Et Claude de Rasilly, Seigneur de Launay, aussi Chef d’Ecadre, & ayant fait fonction de Vice-Amiral. Il a esté Gouverneur d’Oleron, & depuis Gouverneur & Lieutenant General pour le Roy en Canada, d’où il chassa les Anglois. Le Roy lui donna en proprieté quarante lieuës de pays en quarré audit Pays de Canada. Ledit sieur de Launay Rasilly pendant le siege de la Rochelle, brûla l’Amiral d’Angleterre, & secourut l’Isle de Ré que Mr le Maréchal de Thoiras alloit rendre dans trois jours, suivant la Capitulation, s’il n’étoit secouru.

Ledit sieur de Launay Rasilly eut plusieurs enfans, dont Claude, l’aîné, Capitaine aux Gardes fut tué à la Bataille de Senef. Charles & Amadort, Sous-Lieutenant, & Enseigne aux Gardes moururent aussi à l’armée la même année.

Le quatriéme est Gabriel de Rasilly, Lieutenant General pour le Roy en Touraine & Sous-Gouverneur des Enfans de France.

Il est constant que Mrs de Rasilly sont non seulement de la plus ancienne Noblesse de Touraine, mais même du Royaume, & qu’ils justifient par filiations, que depuis cinq cens ans ils portent pour Armes, de gueules à trois Fleurs de Lys d’argent, deux en chef & une en pointe, & qu’ils ont toujours esté Seigneurs de la Terre de Rasilly en Touraine.

[Divers Madrigaux] §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 224-226.

Je ne sçay point le nom de l’Auteur des pieces suivantes, mais je croy que vous les trouverez de vostre goût.

AU ROY D’ESPAGNE.
MADRIGAL.

Philippes dans l’ardeur d’une vive jeunesse,
Unit à la valeur la plus haute sagesse,
La justice à la pieté,
La douceur à la gravité ;
De ses Sujets il est le Pere,
La gloire, les amours, les delices, l’appuy,
On l’admire, on le craint, on l’aime, on le revere,
Et l’on ne voit dans l’un & dans l’autre hemisphere,
Que Louis au dessus de luy.

SUR LE VOYAGE
de l’Archiduc.

Quand Charles quitte l’Allemagne,
Son dessein, dites-vous, est d’aller en Espagne,
Et de conquerir la Toison.
Detrompez vous, Germains, le sujet veritable
Du départ de vostre Jason,
Est qu’il craint (sa prudence est sans doute loüable,)
Que la chute de sa Maison
Sous ses ruïnes ne l’accable.

SUR LA PRISE
de Landau.

Bade devant Landau, vit trois fois de la Lune
Commencer & finir le court :
Tallard en moins de trente jours
A fait changer Landau de Maître & de fortune.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 227-228.

Les paroles suivantes regardent les continuelles Victoires du Roy. Elles ont esté faites par Madame de Saintonge, & l’air est de Mr Marchant le jeune.

AIR NOUVEAU.

L’Air, Chantons, page 227.
Chantons l’éclatante Victoire,
D’un Heros le plus grand des Rois,
Pour celebrer son triomphe & sa gloire
Que nos cœurs animent nos voix.
Injustes Ennemis que pouvez vous prétendre,
Il vous a vaincus mille fois,
Il faut ceder, il faut vous rendre ;
C’est l’unique moyen d’arrester ses exploits.
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[Relation de ce qui s’est passé à la prise de Robbio & de Rosalque] §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 298-311.

La Relation qui suit a esté copiée sur l’original envoyé à la Cour.

RELATION
De ce qui s’est passé à la Prise de Robbio & de Rosasque le 11. Mars 1704.

Sur l’ordre donné à Mr le Comte d’Estaing par Mr le Duc de Vendôme de marcher avec mille hommes pour attaquer les Postes de Robbio & de Rosasque, il partit de Novarre pour se rendre à Seretto, où ayant rassemblé deux cens hommes du Regiment de Piémont, & trois cens de celuy de Normandie, y compris les Grenadiers, & deux cens Chevaux détachez de plusieurs Regimens, & le tout sous les ordres de Mr le Comte d’Estaing qui étoit accompagné de Mr le Comte de Goas Maréchal de Camp, & de Mr le Comte de Terre Brigadier d’Infanterie.

Le 11. les Troupes du Roy marcherent par San Angelo à Robbio. On avoit reçû plusieurs avis que les Ennemis avoient fait sortir le 7. une partie de la Garnison de ces deux Postes ; ce qui faisoit croire qu’ils les vouloient entierement abandonner.

Sur un Parti envoyé à Robbio pour en sçavoir la verité, les Ennemis ayant pris quelque inquietude, Mr de Vaubonne y conduisit le 9. un Renfort, & ordonna à tous les Paysans de prendre les armes sous peine de la vie, en quoy il ne fut pas obey ; il laissa un Capitaine de son Regiment pour commander dans ce Poste avec quarante cinq Dragons à cheval, & cinquante Soldats du Regiment d’Infanterie de Lorraine, avec promesse de leur envoyer le lendemain un renfort & de les secourir en cas qu’ils fussent attaquez.

En approchant de Robbio nous apperçûmes deux petites Troupes de Cavalerie. On les fit pousser par la Compagnie des Houssards de Dillon soutenus de quarante Maîtres Espagnols. Ils se retirerent dans la Barriere, & en même temps nous aperçûmes auprés de la Madonna trente Soldats du Regiment de Lorraine, commandez par un Lieutenant, qui marchoient en diligence pour se jetter dans Robbio. Ils furent coupez à la Barriere par nos Houssards & par les Espagnols ; il y en eut cinq de tuez, & tout le reste fut fait Prisonnier, dont plusieurs sont fort blessez. Nôtre Capitaine de Houssards eut son Cheval tué. Vingt Cavaliers detachez de Rosasque abandonnerent les trente Soldats, & se retirerent si diligemment qu’il ne fut pas possible de les joindre.

Trente Grenadiers de Normandie occuperent le Poste de la Madonna, & vingt Dragons d’Espagne à pied furent chargez de la garde du Pont qui est sur la Fosse Birague.

Nôtre Infanterie n’estoit pas encore arrivée ; pour ne point perdre de temps, Mr de Kailus & le Comte de Teres entrerent avec quelques Dragons d’Espagne à pied dans le Fauxbourg. Nous arrivâmes à la faveur des maisons au Pont-levis.

Le Poste de Robbio est fort grand, c’est un carré irregulier avec des petits flancs entourré d’un Fossé plein d’eau difficile à saigner & d’un Marais qui le rend presque inaccessible. La Muraille est de brique de trois pieds d’épaisseur, & des creneaux par toutes les breches, reparées par de bonnes fascinades, & les deux Portes avec des Pont-levis & de bonnes Barrieres. Le Château est terrassé, la muraille en est bonne, une partie du Fossé est sec, il est flanqué par plusieurs endroits & a un reduit fort élevé qui commande par tout.

Le trouble des Ennemis fut assez grand à l’arrivée des Troupes du Roy pour les obliger à se retirer au Château, sans laisser aucune Garde aux Portes. Dix Grenadiers rompirent le guichet à coups de hache, quand un Paysan gagné par argent nous abbatit le Pont-levis, ce qui abregea matiere, & nous épargna beaucoup de monde. Les Compagnies de Grenadiers se mirent en bataille sur la Place. Nous fîmes les aproches à la faveur des maisons qu’on fit percer, & nous estant logez sur le bord du Fossé du Château, on les fit sommer par un Tambour du Regiment de Normandie qui fut tué en faisant son appel. Le Commandant en a fait des excuses disant qu’il croioit que le Tambour battoit la charge, & qu’il n’avoit pû empêcher ses Soldats de tirer ; ce qu’on pouvoit plûtôt attribuer à une épouvente où meprise qu’à aucune intention de violer les droits de la guerre. On occupa les maisons voisines du Château pour les investir, & tirer aux creneaux du Reduit qui nous incommodoit, & aprés avoir preparé les chemins pour conduire nostre Canon à la Batterie qu’on avoit dressée vis à vis la Porte.

Les Postes de la Ville furent occupez par nôtre Infanterie, & la cavalerie demeura la nuit en bataille à l’entrée du Fauxbourg. Nôtre Canon arriva à minuit, & commença à tirer au point du jour.

Le Capitaine de Vaubonne attendoit avec impatience qu’on lui fit cet honneur. Il battit la chamade à sept heures du matin. La capitulation fut signée une heure aprés & la Porte du Château livrée en même temps.

La Garnison consistoit en quatre Officiers, quarante-cinq Dragons de Vaubonne à cheval, & cinquante Soldats du Regiment de Lorraine avec les 23. Prisonniers de la Ville, lesquels sont tous Prisonniers de guerre.

Mr le Comte d’Estaing ayant destiné un Bataillon de Piémont pour la Garnison de Robbie, avoit pris ses mesures pour marcher à Rosasque. Dans ce temps il aprit par un Espion qu’un parti de nos troupes avoit chassé Vaubonne de Rosasque & occupoit actuellement le Château, disant plusieurs circonstances qui ne rendoient pas la chose plus croyable, d’autant plus que les cent Chevaux que nous avions envoyez le 11. à quatre heures du soir avoient rapporté que les Ennemis étoient encore à Rosasque.

La nuit du 11. au 12. Mr de Vaubonne approcha fort prés de nos Gardes. Un de ses Dragons fut tué & trouvé mort le matin. Un autre Paysan nous ayant donné le même avis que le premier espion, nous reçûmes par un troisiéme Paysan, une Lettre de Mr de Champagnel Capitaine au Regiment de Piémont, Commandant au Chasteau de Cosso, qu’il s’étoit rendu maistre de Rosasque, sur les avis qu’il avoit eu par les Paysans que les Ennemis sçachant Robbio attaqué, retiroient leur Infanterie & pilloient le Village.

Il laissa vingt hommes dans Cosso. & sortit avec Mr de Neuville Lieutenant au Regiment de Piémont, & cent cinquante-quatre hommes des deux Regimens de Piémont & de Tessé.

Il marcha diligemment à Rosasque. Il parut à la porte une troupe de Houssarts. Il marcha à eux & les poussa vigoureusement à coups de fusil. La Barriere se trouva fermée, ce qui empêcha les Houssarts de rentrer dans le Village, & les obligea de s’enfuir. Nostre détachement d’Infanterie n’ayant aussi pû passer par la Barriere, entra par dessus les retranchemens en marchant au Chasteau. Vaubonne qui entroit par l’autre costé du Village avec deux cens cinquante Maistre ou Dragons, & cinquante Grenadiers, se mit en estat de charger nostre Détachement ; mais il fut bien étonné de voir la fermeté avec laquelle un aussi petit nombre d’Infanterie marchoit à eux l’épée à la main. Ils repousserent Vaubonne, lui tuerent plusieurs Cavaliers & Dragons, dans le nombre desquels il s’est trouvé un Capitaine de Dragons fort estimé parmi eux.

Mrs de Champanel & de Neuville marcherent au Château qu’ils occuperent.

Mr de Vaubonne piqué d’une aussi triste avanture, voulut faire attaquer le Chasteau qui est tres-bon & qui ne se peut prendre que dans les formes ordinaires ; il fit mettre pied à terre à ses Cavaliers & Dragons, fit apporter des planches & des portes ; mais ceux de son Conseil qui étoient moins piquez au jeu que lui, lui representerent qu’inutilement il feroit perir toutes ses troupes dans cette attaque à laquelle il ne reussiroit pas. Ce qui lui fit prendre le parti de la retraite.

Cette action a esté fort vigoureuse, & conduite tres-sagement, elle est tres-utile ; car on marchoit pour aller attaquer ce Poste, qui est tres-bon, & qui auroit cousté beaucoup de monde, s’il avoit esté bien défendu.

Mr le Comte d’Estaing a mis dans Rosasque deux Bataillons de Piémont, & deux cens Chevaux. Mr le Comte de Goas qui commande dans les Lignes demeurera dans ce quartier, & comme les Lignes sont entierement couvertes par les Postes de Cosso, Rosasque, Robbio & Monticello, cette partie des Lignes ne sera plus gardée que par les Milices que Mr le Prince de Vaudemont a fait lever dans le Milanez.

Nous n’avons perdu, en nous rendant maistres de ces deux Postes, que deux Grenadiers, un Tambour un Mineur, & un Commissaire d’Artillerie legerement blessé au bras.

[Article des Enigmes] §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 354-358.

Le mot de l’Enigme du mois dernier étoit la Barbe ceux qui l’ont trouvé sont,

Mrs Bardet & son amy du Plessis, Maistre Chirurgien au Mans : de Beauvais, de la rue Saint Martin : la chere Minette de la rue Saint Denys, & Mademoiselle Sauvage de Montiviliers Hallé, de la Ville d’Amboise : Colin, Chevalier Seigneur de la Croix, & leur bon amy François le Mercier : D.P. & sa chere épouse de la rue Saint Julien des Menestriers : le plus petit des trois freres : le Devineur & la Devineresse sauvages du Vincœur : Etienne Duvent, Prieur de la curiosité de la Ville d’Arques, rue de la Prison, à Roüen : & l’homme à la grande barbe noire : Devaux, Avocat au Parlement de Bretagne : la Troupe des Freres taciturnes, amans de la belle Henriette Doyen, le Docte Mr Bourgeon, & son confrere Mr Subtil : le petit Fief de la rue Jean pain molet, & toutes les Comettes de la rue Saint Bon : L’Abbé de la Dupardiere : le Marquis de Mascarille, & Mr de la Ressource & le jovial Mr Peschevin.

Mesdemoiselles la Presidente de l’Election de Chaumont & Magny : Chevillart l’aînée, & la Dame Juguet, de la rue de Harlay : la Seine Religieuse du Mans : la sçavante Sapho, sœur du petit Moulin à parole : la Lappe qui trompe, des Galeries du Louvre : La Bergere Climene & son Berger Tircis, de la Place Royale : la Rancune, la Nimphe & Colin du Pilier vert.

L’Enigme qui suit est de Mr Daubicour.

ENIGME.

Du matin jusqu’au soir, je suis en mouvement
Quoique l’on me tienne à l’attache ;
Mais pour se délasser il faut absolument,
Que chaque nuit l’on me relâche ;
Chez Cloris on ne peut me toucher autrement,
Si l’on ne veut qu’elle se fâche.
***
Dans un tel esclavage, admirez mon bonheur,
Je distingue le vrai merite,
Sans esprit, sans cœur, ny conduite,
Je suis chez certains Peuples, une marque d’honneur.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1704 [tome 3], p. 358-359.D'après le Mercure de juillet 1705, M. de Choisel serait l'auteur des paroles des airs de M. de Maiz. Tous deux sont de La Flèche

L’Air qui suit est de Mr Maiz, de la Fleche en Anjou.

AIR NOUVEAU.

L’Air, Seigneur, page 358.
Seigneur de qui la terre adore la puissance,
Soûtiens nôtre grand Roy,
Lui qui toute sa vie a défendu ta Loi :
Que le Ciel en tous lieux, luy donne en abondance
Ses plus rares faveurs,
Contre tes Ennemis, qu’il prenne ta défense,
Qu’il mette l’Univers sous son obéïssance,
Qu’il soit maistre de tous les cœurs.
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