1705

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9].

2017
Source : Mercure galant, septembre 1705 [tome 9].
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Mercure galant, septembre 1705 [tome 9]. §

[Prélude, contenant le détail de tout ce qui s’est paßé le jour de la Feste de S. Louis à l’Academie Françoise, à celle des sciences et à celle des Medailles & Inscriptions] §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 5-44.

Je ne puis mieux commencer ma Lettre, que par ce qui regarde ce qui s’est passé le jour de la feste de S. Loüis à trois Academies, que la protection & les bienfaits du Roy font fleurir. Les Sermons qui ont esté faits ce jour-là, & les Ouvrages qui ont remporté les prix de l’Eloquence & de la Poësie à l’Academie Françoise, sont remplis de tres-beaux éloges de Sa Majesté, & délicatement touchez. Ce jour-là cette Academie se trouva en Corps à la Chapelle du Louvre, & assista à la Messe, pendant laquelle on chanta le Pseaume Beati omnes qui timent Dominum, de la composition de Mr du Bousset. Elle fut celebrée par Mr l’Abbé Fleury, l’un des quarante de la Compagnie. Ensuite Mr l’Abbé Prévost prononça le Panegyrique du Saint, & soûtint avec beaucoup d’avantage la gloire qu’il s’étoit déja acquise en faisant l’Oraison funebre de feu Monsieur le Cardinal de Furstemberg, & en prêchant devant le Roy le jour de la Céne. Il prit pour son Texte ces paroles de l’Ecriture, Dominus dedit illi gloriam regni ; & ayant entrepris de faire voir dans le premier Point de son discours, que saint Loüis avoit eu toute la gloire de la Royauté devant les hommes ; & dans le second, qu’il avoit eu toute cette même gloire de la Royauté devant Dieu ; il dit que s’il n’avoit à traiter que la premiere Partie, la presence des illustres Auditeurs qu’il avoit devant luy, & à qui l’Eloquence étoit comme naturelle, par la connoissance qu’ils avoient de toute les délicatesses de la Langue, suffiroit pour luy inspirer des termes dignes d’un si grand sujet : mais qu’ayant à parler sur la seconde, il avoit besoin d’un puissant secours, qu’il implora par l’intercession de la Vierge que l’Ange avoit saluée pour luy annoncer qu’elle devoit être la Mere de Dieu. Ce Panegyrique fut rempli par tout de traits brillans ; & en peignant vivement les avantages que la France avoit reçûs par le soin que S. Loüis avoit eu de bannir de son Royaume le Blaspheme, l’Usure, le Duel & l’Heresie ; il fut aisé de connoistre qu’il faisoit l’éloge du Roy. Il marqua l’obligation que la France avoit à la Reine Blanche de Castille, mere de saint Louis, pour l’excellente éducation qu’elle avoit donnée au Roy son fils, & il ajoûta que si l’Espagne luy avoit fait en elle un present inestimable, Loüis le Grand avoit fait paroistre le dernier effort de la reconnoissance, en donnant à l’Espagne son Petit-Fils, qui faisoit l’admiration & le bonheur de tous ses sujets. Les applaudissemens que toute l’Assemblée donna à Mr l’Abbé Prévost, furent des marques du plaisir qu’elle s’étoit fait de l’écouter.

On doit remarquer que la ceremonie qui se fait dans la Chapelle du Louvre, commence de bonne heure, afin que ceux qui s’y sont trouvez, tant de Mrs de l’Academie Françoise, que des autres personnes qui ont assisté à cette ceremonie, puissent aller à celle qui se fait ensuite aux Peres de l’Oratoire, en cas qu’ils y soient portez par le desir de voir & d’entendre ce qui s’y passe. Les deux Academies Royales des Inscriptions & des Sciences, entre lesquelles il y a une union établie par le Reglement de Sa Majesté, s’y trouverent & assisterent, selon leur coûtume, à la Messe qui y fut celebrée. Elles avoient à leur teste Mr le President de Lamoignon, President de l’Academie des Inscriptions, Mr l’Abbé Bignon, Vice-President, Mr l’Abbé de Beaujeu, nommé à l’Evêché de Castres, & plusieurs autres personnes de distinction. Pendant la Messe la Musique chanta le Pseaume Cæli enarrant gloriam Dei, de la composition de Mr du Bousset. Le Panégyrique de Saint Louis fut ensuite prononcé par le Pere Massillon, avec cette éloquence solide & pleine d’onction, dont le public a déja esté tant de fois charmé. Il prit pour texte :

An nescitis quoniam justi de hôc mundô judicabunt ?

Ne sçavez-vous pas que les Justes doivent un jour juger le monde ?

Si la loy de Dieu, dit-il, toute seule devoit un jour juger le monde, les mondains pourroient opposer à leur condamnation les obstacles presque insurmontables continuellement attachez à leur état & à leur condition. Ils pourroient apporter pour dispense de la pratique des vertus, la distinction de leur rang & la dignité de leurs emplois. Mais l’Apostre nous avertit que les Justes seront assis à la droite de Jesus Christ pour juger les hommes avec luy ; qu’ils seront les défenseurs de la cause de Dieu contre les vaines excuses des pecheurs, & que leur exemple condamnera alors le monde, qui n’aura pas voulu les imiter.

Ce droit cependant de juger & de condamner le monde n’appartiendra pas à tous les Justes également ; il ne suffit pas de l’avoir hay pour condamner ceux qui l’aiment, il faut l’avoir vaincu avec tout ce qu’il a de grandeurs, de richesses, de puissances, de plaisirs, de vanité & de charmes.

Ainsi condamnera le monde le Saint Roy que la France autrefois honora comme son pere, & qu’elle invoque aujourd’huy comme son protecteur. Il trouva dans la pratique des vertus la source des qualitez heroïques qui l’ont rendu le plus grand & le plus saint de tous les Rois. Il trouva dans la qualité de Roy un excellent motif pour s’animer à la pratique des vertus les plus austeres.

Il divisa son sermon en deux points, & dit dans le premier.

Que Loüis fut un grand Roy devant les hommes, parce qu’il fut un grand Saint devant Dieu ; & dans le second.

Que Loüis crût qu’il devoit estre plus Saint que tous les autres devant Dieu, parce qu’il estoit plus grand que tous les autres devant les hommes.

La Sainteté de Loüis, poursuivit-il, en fit un grand Roy ; la Royauté en fit un grand Saint.

Le monde, dit-il dans son premier point, toûjours injuste estimateur de la vertu, la regarde comme le partage des ames foibles ; Il se persuade que la grandeur du Prince est incompatible avec celle du Chrétien, il separe toûjours le Heros & le Saint ; il croit que la Religion a attaché à la condition de ceux-cy un certain fond de penitence, qui doit toûjours estre accompagné ou d’une mediocrité de raison, ou d’une obscurité de naissance, & qu’on ne doit enfin chercher la sainteté que dans cet estat pauvre & humiliant, qui n’a d’autre gloire à esperer que celle d’estre Saint.

C’est pour détruire ces préjugez, & convaincre le monde de son erreur, que l’Eglise nous propose aujourd’huy l’exemple de ce grand Roy dont je vais parler en présence de deux Compagnies sçavantes, que le devoir & la pieté réunissent pour celebrer sa gloire & leur reconnoissance.

Au milieu des soins d’une Regence difficile, la Reine sa mere ne trouva point d’affaire plus importante que l’éducation du jeune Roy. Peu contente d’avoir assemblé auprés de luy ce qu’il y avoit alors d’hommes sages, capables & vertueux, elle voulut par elle-même le rendre utile à la Religion & au monde, formant tour à tour le Chrestien par ses exemples, & le Prince par ses leçons : Ainsi il porta sur le Thrône toute l’onction de la grace, il y fut tout à Dieu, & tout à ses Peuples.

Jettant comme Moïse, un voile sur l’éclat de sa Majesté, pour se conformer à la petitesse des sujets qui vouloient l’approcher, il se dépoüilloit de toute sa grandeur, & on ne s’appercevoit qu’il fust grand, que lorsqu’il accordoit des graces reservées à un grand Roy.

Le rétablissement des Loix fut sa premiere occupation. Dans cette Capitale de la France étoient assis des hommes corrompus, qui abusoient impunément de l’authorité qu’on leur avoit confiée, & auprés de qui l’indigence étoit le seul crime dont on ne devoit point esperer de grace. Louis donna à la Jurisprudence des Maîtres éclairez, & à la Justice des Magistrats habiles & integres.

Le rétablissement de la discipline & de la pieté suivit de prés celuy des Loix. Des Theologiens nouveaux s’étoient élevez, gens charnels & ignorans, qui debitoient des obscuritez que la grossiereté des temps aidoit à recevoir, & que la licence rendoit agréables. Louis commença par arrester les abus qui se commettoient dans la distribution des places & des emplois, persuadé que le déreglement de ceux qui occupent les premiers postes de l’Eglise fut toûjours la source de ses maux ; que sous des Pasteurs ignorans ou mondains le troupeau s’égare ou se relâche, que les instructions chrétiennes degenerent peu à peu en railleries profanes, & que l’Arche sainte ne tarde guére à devenir la risée des Philistins lorsqu’elle est à la garde de Levites imprudens ; il fit succeder par tout la science & la vertu, à la malice & à l’ignorance. Comme un autre Machabée, aprés avoir desolé les ennemis du Dieu vivant, il s’attacha à purifier les lieux saints qui devoient servir à son culte : Ecce contriti sunt inimici, ascendamus nunc mundare sancta, & renovare.

Pere de justice & de misericorde, qui renouvellez dans nostre siecle une pratique si necessaire à la gloire de vostre Eglise & au salut de vos Peuples, secondez les soins de l’auguste Monarque que vous nous avez donné ; son Histoire déja embellie de tant de faits éclatans, va l’estre encore de mille actions pleines de sainteté.

Le monde, poursuivit-il, dans son second Point, croit communément que la bonté n’est que la derniere vertu des Rois, & que ceux qui la possedent à un certain point, sont peu capables de se rendre illustres par des endroits plus brillans. Le Saint Roy que je louë fit bien sentir la fausseté de cette maxime mondaine, autant de fois qu’il s’agit des interests de son Dieu, ou de ceux de sa Couronne.

Ce n’est plus alors ce Roy pacifique qui écoute tout, qui souffre tout, qui appaise tout. C’est ce Lion de la Tribu de Juda, terrible à ses ennemis, lors mesme qu’il ne semble pas songer à se deffendre. Avec quel courage, avec quelle prudence & avec quelle fermeté ne détruisit-il pas la puissance liguée du Duc de Bretagne, & des Comtes de la Marche & de Champagne ?

Et vous, ô terre infortunée, qui malgré les efforts de ce pieux & magnanime Heros, gemissez encore sous la tirannie du démon, dites-nous avec quelle joye vous vous rappellastes à la vûë de ce nouveau Liberateur, vos anciens jours de gloire & de splendeur ; vous crûtes voir un autre Josué, un autre Gedeon, un autre David à la teste des Tribus, & que c’étoit luy que Dieu envoyoit pour rendre à la veritable Religion un Peuple incirconcis ; mais le Seigneur ne vouloit qu’éprouver son Serviteur, & non pas signaler sa puissance. Quelles actions de valeur ne fit-il pas alors ? à quels perils ne s’exposa-t-il point ? Déja cassé par la foiblesse d’un âge avancé, accablé par les fatigues de la guerre, attenué par la longueur de ses voyages, affoibli par les malheurs de sa premiere expedition, & plus abattu encore par les austeritez d’une vie penitente, il vole une seconde fois dans la Palestine pour aller conquerir ce sejour des Saints, mais comme un autre Moyse, il meurt avant que d’y entrer ; il s’écrie en parlant à ses enfans : Je meurs dans cette terre étrangere. Le Seigneur refuse sans doute à mes crimes la consolation de passer le Jourdain : Non transibo Jordanum. Mais vous le passerez, vous possederez cette terre délicieuse. Vos transibit, & possidebitis terram egregiam.

O Dieu, conservez donc à la France une si auguste prosperité ; faites descendre sur ses dignes Successeurs ces vertus qui le rendirent si agréable à vos yeux, & aux yeux de son Peuple. Donnez leur ce que vous donnastes à saint Louis pour en faire un grand Saint & un grand Roy. Recevez favorablement les vœux que nous vous adressons en particulier pour le grand & genereux Prince qui nous gouverne, & qui porte vers vous toutes ses actions & toutes ses pensées. Soyez à jamais beni, ô mon Dieu, de ce que vous voulez bien affermir contre tous ses ennemis, la prosperité de son Regne ; continuez à donner une place honorable à sa tendre pieté dans le Livre éternel de sa vie & de ses exploits.

Pour vous, mes Freres, ajoûta-t-il, en s’adressant à son Auditoire, ne vous deffendez plus de la pieté sous quelque prétexte de grandeur que ce soit, aprés l’exemple que je viens de vous proposer ; souvenez-vous qu’il n’y a rien de si grand sur la terre que vous ne deviez faire servir à vous sanctifier, afin que loin d’être un jour jugez avec le monde, vous le jugiez luy-même avec les Saints.

L’aprés dînée de ce mesme jour l’Academie Françoise s’assembla pour distribuer les Prix qu’elle donne tous les deux ans. Celuy d’Eloquence fut remporté par Mr l’Abbé Colin ; & celuy de Poësie par Mr de la Mothe, qui a remporté cette année le même Prix de Poësie aux Jeux Floraux de Toulouse. Ces deux pieces furent lûës, & furent fort applaudies de tous les assistans. Aprés cela on lût une Dissertation de Mr d’Hericourt le fils, l’un des Academiciens de Soissons, dans laquelle il donnoit à examiner, si la prosperité est aussi utile pour le salut, que l’adversité. Ce sujet parut fort bien traité. C’étoit un tribut que cette Academie s’est obligée de rendre tous les ans à l’Academie Françoise, à cause de l’association qui est entre l’une & l’autre Compagnie. Il avoit esté apporté par Mr le Picard, l’un des membres de la premiere ; & il fut placé ce jour-là parmi les Academiciens.

Le discours de Mr l’Abbé Colin fut lû par Mr l’Abbé de Choisy, & il parut si beau, que j’ay crû devoir vous en envoyer un extrait. Le sujet de ce discours est, Que la justice & la verité sont les plus fermes appuis du Thrône des Rois. Il dit d’abord que si les hommes estoient demeurez dans l’innocence où Dieu les avoit créez, il n’y auroit point eu de Rois parmi eux, & que naissant tous égaux, ils auroient tous vescu dans l’égalité. Il fit voir ensuite que le peché les ayant fait décheoir de cet état, chacun voulut dominer, & se faire le maistre des autres. Il fit aprés une peinture des desordres que ce dérangement causoit dans le monde ; ce qui luy donna lieu de faire un portrait du pouvoir & du devoir des Rois, & de celuy des sujets. Il dit que les Rois furent établis pour estre les Arbitres de la foy publique, pour maintenir les foibles contre l’oppression des plus forts, pour terminer les differends des particuliers, fixer leurs prétentions, & faire rendre à chacun ce qui luy appartient.

Voilà, continua-t-il, l’origine de la Royauté. Mais cet établissement, le plus utile qui soit dans le monde, & le chef-d’œuvre de la raison, ne pouvoit estre ny legitime, ny durable, si Dieu, unique dispensateur de toute autorité, souverain Maistre de la vie & de la mort, ne l’avoit confirmé, en communiquant aux Rois sa puissance, & le droit de faire des Loix, de juger les hommes, d’imposer des peines aux crimes & de punir ceux qui troublent l’ordre de la societé. Ainsi la Royauté est une participation de la souveraineté de Dieu sur les hommes. Il s’en déclare le Protecteur. Il commande 1 à toute sorte de personnes d’estre soûmises aux Puissances superieures. Il avertit que les Rois tiennent sa place sur la terre, & que qui leur resiste, resiste à ses ordres.

Il fit voir ensuite que suivant ces principes, il y a des devoirs de Rois, & des devoirs de sujets : & que ces devoirs estant reciproques, que l’estat de sujet renfermoit un engagement de soûmission, d’obéïssance, & de fidelité ; & que l’état de Roy renfermoit un engagement de protection, d’équité & de droiture dans l’usage du gouvernement. L’Auteur prouve dans la premiere Partie de son discours, qu’un Roy qui aime la justice & la verité, se fait aimer de ses sujets ; & dans la seconde, qu’il se fait redouter de ses ennemis.

Il fit deux peintures admirables dans sa premiere partie. La premiere estoit de ce que font les hommes pour pervertir les Rois, en tâchant de les surprendre par toutes les choses qui les peuvent flatter. La seconde estoit un portrait d’un Roy parfait ; & ce portrait renfermoit tout ce que le Roy a fait de plus remarquable en sa vie : de maniere qu’il ne fut pas necessaire qu’il nommast ce Monarque pour le faire reconnoître. Ces portraits firent beaucoup de plaisir à toute l’Assemblée, tant ils furent bien touchez ; & je dois même ajoûter que la diction en fut trouvée tres-belle.

La seconde partie du Discours de Mr l’Abbé Colin renfermoit deux portraits bien opposez, sçavoir, celuy de ces anciens & prétendus Heros, qui n’écoutoient que les conseils d’une ambition demesurée, qui leur faisoit sacrifier la veritable gloire, & tout ce que la religion, l’humanité & la justice ont de plus sacré, au violent & impetueux desir de regner. Le second portrait estoit celuy d’un Roy juste ; & il fit voir dans ce portrait, tout ce qui n’avoit pû entrer dans l’éloge de Louis le Grand, qu’il venoit de faire admirer dans la premiere partie de son Discours. De maniere que ceux qui entendirent la lecture de cette piece furent extrêmement surpris d’entendre de si belles choses sur une matiere qui leur avoit paru entierement épuisée. Ce Discours finissoit par une Priere pour le Roy, dont la beauté répondoit au reste de l’ouvrage.

Mr l’Abbé Colin, connu par son merite & par son érudition, est d’une des meilleures familles du Bourbonnois, du costé paternel ; & du costé maternel, d’une des plus anciennes noblesses d’Auvergne. Sa mere estoit de la maison de Sarrazin-de-Bonnefond.

Les loüanges du Roy sont devenuës un langage commun à toutes les Nations. Le Livre intitulé : Seconda Lettera del Signor Michel Agnolo de la Chausse, &c. en est une preuve. Mr de la Chausse, Italien, dans sa seconde Réponse aux Remarques du Pere de Grainville, (imprimée à Naples) sur la Colonne de l’Apotheose d’Antonin, trouvée à Rome dans le Champ de Mars, a donné au Roy des loüanges tres-delicates, en parlant de ce Monarque & du Roy d’Espagne son petit-fils. Il les a representez comme deux Heros qui soûtiennent les efforts de tous les Princes conjurez contre eux. L’Auteur finit son ouvrage par l’aveu qu’il fait de l’impuissance où il est de pouvoir parler dignement de ces deux Princes.

Le fonds de la dispute de Mr de la Chausse & du Pere de Grainville, consiste en ce que le premier prétend que la Colonne Granique, nouvellement découverte à Rome dans le Champ de Mars, est celle qu’on voit sur les Medailles d’Antonin. Le Pere de Grainville, au contraire, soûtient que celle qu’on voit sur les Medailles de cet Empereur, est cette Colonne magnifique qu’on voit encore aujourd’huy élevée dans une des places de Rome.

Le 19e du mois de Decembre, jour de la naissance du Roy d’Espagne, fut celebré l’année derniere à Naples d’une maniere toute nouvelle. La coûtume est d’y celebrer le jour de la naissance des Rois par des Festes publiques ; Mr le Duc d’Escalona, qui en est Viceroy, & un des plus sçavans hommes de l’Europe, crût qu’il estoit plus à propos de faire ce jour-là une Academie, où il ne fust parlé qu’à l’honneur du Prince, que de suivre l’ancien usage, qui est souvent l’occasion de beaucoup coup de desordres. Il fit avertir un mois auparavant tous les gens de Lettres, afin qu’ils préparassent quelques ouvrages pour ce jour-là. Il souhaita que les discours se fissent en plusieurs langues : ainsi on y entendit des harangues en Hebreu, en Grec, en Latin, en Espagnol, en Italien, & en François, &c. & tous ces discours font la matiere d’un volume, imprimé à Naples chez Felice Mosca. On y voit les discours de Mr l’Abbé Botoni, Messinois, Gouverneur de Mr le Marquis de Moya, fils de Mr le Viceroy, & de Mr le Regent Biscardi, homme illustre par son employ. Le premier parla en douze langues, sçavoir, en Hebreu, en Syriaque, en Grec, en Latin, en Italien, en François, en Espagnol, en Portugais, en Allemand, en Flamand, en Polonois, & en Anglois. Mr le Regent fit un discours Latin qui fut generalement applaudi. Mr Natale Conseiller, fit en Italien l’ouverture de l’Assemblée. Mr l’Abbé de Sicion fit un discours en François. On ne prononça que ces quatre discours en Prose ; tout le reste fut en Vers. Ils furent recitez par cent personnes ou environ, du nombre desquelles estoient quatre ou cinq Dames. Madame la Princesse de Saint-Buono, que son esprit & ses belles manieres distinguent encore plus que sa naissance, qui est des plus illustres du Royaume de Naples, fit lire un Sonnet Italien, qui fut trouvé tres-beau. Mr Natale qui fit dans cette ocasion la fonction de Secretaire de l’Academie, y lût les ouvrages des Dames. L’Assemblée se tint dans une des plus grandes Salles du Palais, qui estoit fort ornée & fort éclairée, la Compagnie y fut nombreuse. Mr le Viceroy y estoit sous un daiz, & autour de luy tous les Officiers Generaux. Plus de cinquante Dames se trouverent à cette action, & furent placées dans un lieu separé. La Séance commença à sept heures du soir, & ne finit qu’aprés minuit.

[Edition nouvelle du Livre de Mr Poiret, de l’Education des enfans] §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 49-50.

Quoique les Lutheriens de Hambourg ayent censuré le Livre de Mr Poiret, de l’Education des enfans, comme contenant la doctrine du pur Sabellianisme, ainsi que Mr Basnage l’a remarqué dans son Histoire des ouvrages des Sçavans de 1694. page 189. On en vient de faire une Edition nouvelle à Amsterdam, in 12. qui se vend chez Henry Desbordes.

[Geometrie de Mr Descartes, &c. nouvelle édition] §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 50-57.

Le Sr Christophle David, demeurant sur le Quay des Augustins, à l’Image S. Christophle, vend depuis peu un Volume in 12. intitulé : La Geometrie de Mr Descarte, divisée en trois Livres. Le premier traite des Problêmes qu’on peut construire, n’y employant que des cercles & des lignes droites ; le second, de la nature des lignes courbes ; & le troisiéme, de la construction des Problêmes qui sont solides ou plus que solides. Cet ouvrage est une nouvelle édition de la Geometrie de Mr Descarte, qui fut imprimée à Leyde en 1637. & comme cette premiere édition a esté entierement venduë, on a crû devoir faire cette seconde, qui est tres-exacte. Mr Descarte montre d’abord, dans le premier Livre, comment le calcul d’Arithmetique se rapporte aux operations de Geometrie. Comme toute l’Arithmetique, dit-il, n’est composée que de quatre ou cinq operations, qui sont l’Addition, la Soustraction, la Multiplication, la Division & l’extraction des racines qu’on peut prendre pour une espece de division ; ainsi n’a-t’on autre chose à faire en Geometrie touchant les lignes qu’on cherche, pour les préparer à estre connuës, que leur en ajoûter d’autres, ou leur en oster. Pour faire voir la nature des Problêmes plans, & comment ils se resolvent, Mr Descarte rapporte un exemple tiré de Pappus, qui en a parlé au commencement de son septiéme Livre. Cet Auteur, aprés s’être arresté quelque temps à dénombrer tout ce qui avoit esté écrit en Geometrie, parle d’une question qu’il dit que ny Euclyde, ny Apollonius n’ont pû entierement resoudre. Voicy ses paroles : Quem autem dicit (Apollonius) in tertio Libro, locum ad tres & quatuor lineas ab Euclyde perfectum non esse, &c. Mr Descarte répond à la question de Pappus, en faisant voir qu’on peut toujours trouver les points cherchez par la Geometrie simple : on voit dans le Livre, la question & la réponse. On trouve dans le second Livre une explication de quatre nouveaux genres d’ovales qui servent à l’Optique ; l’Auteur en donne une sçavante explication pour faire connoître que la consideration des lignes courbes qu’il propose n’est pas sans usage. Aprés l’avoir suffisamment fait comprendre, il remarque qu’en chacune de ces ovales il faut considerer deux parties, qui ont diverses proprietez touchant les reflexions & les refractions. On le doit voir dans l’ouvrage, à cause des figures qui guident le Lecteur. Mr Descarte donne dans le troisiéme Livre, un exemple touchant l’invention de plusieurs moyennes proportionnelles, pour en trouver autant qu’on veut, & pour en trouver dont la démonstration soit plus évidente que par le moyen des lignes courbes, qui se décrivent par l’Instrument XYZ. Pour bien comprendre la question, il faut voir la figure qui est tracée en cet endroit. On trouve aussi dans ce même Livre une sçavante & curieuse Dissertation sur les équations ; on y voit leur nature, leurs racines, combien il y en a en chaque équation, combien il y en peut avoir de fausses, & comment à l’aide de ces racines on peut diminuer le nombre des dimensions d’une équation. L’Auteur finit son ouvrage, en faisant remarquer au Lecteur, qu’ayant réduit à une même construction tous les Problêmes d’un même genre, il a donné le moyen de les reduire à une infinité d’autres diverses, & ainsi de resoudre chacun d’eux en une infinité de façons. Il dit enfin que la posterité luy sçaura gré, non-seulement des choses qu’il a expliquées ; mais aussi de celles qu’il a omises volontairement, afin de luy laisser le plaisir de les inventer.

[Articles d’Erudition] §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 130-148.

Vous me demandez quelques articles d’érudition, & je vous en envoye.

Mr l’Abbé de l’Etanche, de la Reforme de Prémontré, dont il a esté Vicaire General, a donné au public cette année, une Histoire de l’ancien Testament, imprimée à Nancy, où il propose un Systéme particulier sur la lumiere de la Lune. Les Auteurs du Journal des Sçavans en ont fait un Extrait ; & Mr l’Abbé de l’Etanche a répondu à cet Extrait, dans une Lettre qu’il a écrit à un Abbé de ses amis, connu par son érudition & par le goût qu’il a pour les sciences.

Lettre de Mr l’Abbé de **** à Mr l’Abbé ***

Vous souhaittez, Monsieur, de sçavoir sur quoy l’Auteur de l’Histoire de l’ancien Testament, imprimée à Nancy, & dont on a vû un Extrait dans le Journal de Paris, a pû appuyer le Systéme qu’il a avancé touchant la Lune, à laquelle il attribuë une lumiere propre & fonciere, distincte de celle qu’elle emprunte du Soleil.

Je puis d’abord vous dire, Mr que cette hypothese n’est point l’ouvrage de l’Auteur, ni une production dont il doive se faire honneur ou rougir. Saint Augustin a adopté ce sentiment qui vous paroist si singulier, & qui a revolté les Journalistes de Paris. Nous lisons en effet dans le livre 22. Chapitre 10. contre Fauste, que ce grand Docteur reconnoist deux manieres d’expliquer d’où vient la lumiere du Soleil & de la Lune ; & ces deux manieres favorisent également l’opinion de l’Auteur de l’Histoire de l’Ancien Testament. La premiere est de dire que Dieu créa ces deux Astres avec lumiere ; & la seconde, qu’il alluma ces deux vastes Corps avec la lumiere qu’il produisit au premier jour de la création. Quelque parti qu’on prenne dans cette distinctive ; vous comprenez, Mr, que la lumiere de la Lune ne luy sera pas venuë du Soleil.

Il est vray que du temps de S. Augustin, les Astrologues étoient partagez sur la lumiere de la Lune. Les uns en faisoient une proprieté de la nature de cet Astre ; les autres, un rejaillissement de la lumiere du Soleil. Ces deux sentimens qui avoient cours dans le siecle de S. Augustin, n’avoient aucun avantage l’un sur l’autre ; & ce saint Pere avoüe qu’aprés tous les efforts de l’Astronomie, on ne peut que tres-difficilement décider lequel des deux est le veritable : Harum autem quæ vera sit, aut non omnino, aut difficillimè arbitror posse hominem scire. In Psalm. 10. 21. Vous trouverez dans cet endroit même des raisons capables de satisfaire aux experiences qui vous déterminent à forcer le sens naturel de l’Ecriture. Car en supposant avec ce saint Docteur que la lumiere est intrinséque à la Lune, & que son corps n’est lumineux qu’à moitié, il raisonne de ses phases differentes de même que des aspects differents d’une boule, dont une moitié seroit brillante, & l’autre moitié obscure. Si vous regardez cette boule, elle paroistra lumineuse par quartiers, & enfin pleinement lumineuse. Il en est ainsi des quartiers & du plein de la Lune ; & il n’est pas besoin de recourir aux rayons du Soleil, si ce n’est pour expliquer les accroissemens de lumiere qu’elle en reçoit, & qu’elle perd au temps de ces éclipses, sans que pour cela elle perde sa lumiere intrinséque, comme on peut s’en assurer par l’éclat de sa face, dans le moment même de ses éclypses.

Voilà comment raisonnoit S. Augustin, & que la pluspart des Astrologues ont raisonné dans son siecle, qui n’étoit assurément pas moins éclairé que le nostre. Pourquoy donc, Mr, n’auroit-il pas esté permis à Mr l’Abbé de l’Etanche de dire serieusement, & sur la parole du plus sçavant des Peres, que la Lune avoit la lumiere de son fond ? Ce sentiment ancien a perdu, il est vray, son credit chez les Astrologues de nos jours ; mais peut-estre qu’il viendra un temps où il prendra le dessus. Cela ne seroit pas plus merveilleux que ce que le seiziéme siecle a vû à l’égard de l’opinion d’Aristarque touchant la mobilité de la terre. Le sentiment de cet ancien Philosophe, qui fleurissoit sous le Regne de Philometor, c’est à dire 145. ans avant Jesus-Christ, estoit entierement décrié ; les experiences de l’Astronomie & le torrent des Philosophes luy avoient osté le vray-semblable ; cependant Mr Copernic & Galilée l’ont fait revivre, & il est aujourd’huy l’Idole de nos Astronomes. Les demonstrations de dix-sept siecles n’ont point prévalu sur les raisons de Copernic ; peut-estre que le mesme sort arrivera à l’hypothese que l’Abbé de l’Etanche a embrassée.

La bizarerie de l’Astrologie est sujette à de pareilles revolutions ; c’est pourquoi, Mr, je ne croy pas qu’on doive faire dépendre l’explication de la parole de Dieu, des experiences incertaines d’une étude si capricieuse. Aussi l’Auteur n’y a-t-il eu aucun égard dans le Systéme qu’il a suivi ; ce qui l’y a engagé est plus décisif : le voicy.

Il est des regles de l’interpretation de l’Ecriture, d’entendre un mesme mot d’un mesme verset, dans un sens univoque, pour ne pas exposer l’Ecriture sainte aux explications captieuses des Sociniens. Or, luminare, selon vous, marque à l’égard du Soleil, un Astre lumineux de sa nature ; pourquoy ne le marqueroit-il pas de mesme à l’égard de la Lune ? ou s’il ne le marque pas, qui peut empescher un Socinien de donner un sens équivoque au Filius Dei, du Chapitre 16. de S. Matthieu, & de dire que ce terme pouvant estre pris pour la filiation naturelle ou pour l’adoptive, il est autant en droit de l’entendre d’une filiation d’adoption, que vous d’expliquer le luminaire de la Lune par une lumiere empruntée ? Le privilege doit estre commun.

On objecte que les Ecrivains sacrez, en traittant des choses Physiques, ont parlé comme le commun des hommes. En vous passant la supposition, il en reviendra cet avantage à l’Abbé de l’Etanche, que l’opinion qu’il tient aujourd’huy, estoit communement reçue du temps de Moyse ; elle est passée de Moyse à Jesus-Christ, puisque nous lisons dans S. Matthieu, qu’entre tous les Phénomenes qui précederont le Jugement dernier, l’obscurcissement de la Lune en sera un : la Lune ne donnera plus alors sa lumiere, dit Jesus-Christ. Luna non dabit lumen suum, c. 24. v. 29. Ce prénom, suum, est possessif, & il signifie une chose propre & appartenante au sujet sur qui il tombe : par consequent il est vray qu’au temps de Jesus-Christ l’on croyoit que la Lune avoit la lumiere de son fond.

Voilà donc, Mr, l’hypothese de l’Abbé de l’Etanche munie d’une Tradition bien averée, & infiniment respectable. Le détour que l’on donne pour éluder le poids de cette Tradition ne paroist point fort Catholique ; & je ne pense pas qu’avant Copernic on se soit avisé d’écarter le sens naturel des termes de l’Ecriture sainte, en recourant à l’opinion vulgaire, à laquelle les Ecrivains sacrez ont dû s’assujettir. Ce principe a des consequences dangereuses ; il affoiblit le respect que nous devons à ce Livre divin : son infaillibilité est exposée aux insultes des libertins ; ils se diront à eux-mesmes, que la condescendance en fait d’Histoire & de Morale, a dû donc presider à la composition de cet ouvrage, aussi-bien que dans les matieres de Physique. Ils diront que Jesus-Christ a imposé aux hommes, en leur enseignant des erreurs, & que la politique luy a fait préferer une fausseté autorisée & cherie, à une verité cachée qui auroit irrité ses Auditeurs par son dévelopement. Ce sont là des extrêmitez qui naissent de la maxime que l’on se permet aujourd’huy. Pour moy, Mr, qui ne suis pas Astrologue, mais qui fais profession d’estre Catholique, je crains jusques aux apparences d’une liberté si perilleuse ; & j’aime mieux me tromper, de peur d’estre trompé, sans hazarder la Foy, que de risquer la Foy en m’éloignant de l’Ecriture. Je suis, Monsieur, avec un profond dévouëment, &c.

Le Pere de la Maugeraye, Jesuite, a encore donné une nouvelle Dissertation sur la percussion des Liqueurs. C’est un ouvrage de Physique, qui peut passer pour un chef-d’œuvre en son genre.

George Cheyne, Docteur en Medecine à Londres, a donné au Public un Livre intitulé : Principes Philosophiques de la Religion naturelle, &c. Le but de l’Auteur est de ramener la Physique à son veritable usage, en tirant de la meditation de la nature, une demonstration sensible de l’existence de Dieu Auteur de la nature. Mr Cheyne parcourt ce que la Physique renferme de plus inexplicable ; & aprés avoir appliqué à ces difficultez les differens sistêmes qui ont cours, il fait clairement concevoir leur insuffisance pour rendre raison des merveilles qui frappent nos yeux. Le flux, par exemple, & le reflux de la mer, la nature des corps fluides, les couleurs, la lumiere, la circulation du sang, le jeu de chaque partie du corps humain, le concert enfin de toutes ensemble épuiseront toujours les efforts de l’esprit humain, avant qu’on aye découvert leurs veritables causes : S’il faut tant d’esprit pour les démesler, quelle sagesse, s’écrie nostre Auteur, a-t-il fallu pour les inventer ? Il n’y a point de Plante dont la formation ne soit un ouvrage, en son genre, plus admirable que l’Eneide, &c. Voilà une idée des raisonnemens de l’Auteur Anglois.

On a imprimé en Angleterre les œuvres de Mr de Saint-Evremont, en deux volumes in quarto, beaucoup augmentées & plus correctes, que celles de cet Auteur qui ont paru jusques à present.

On vient de traduire en François un livre Anglois, fait par Mr Scherlock, qui a pour titre ; Discours touchant la fidelité des gens de bien, & la punition des méchans dans l’autre monde ; dans lequel l’Auteur tâche principalement de prouver l’immortalité de l’ame, & la vie éternelle contre les incredules. Cette édition a esté faite par le Sr Desbordes.

Le Sr Roger d’Amsterdam a aussi mis tout nouvellement sous la Presse l’Histoire du Martyre de la Legion Thébenne, avec une Dissertation historique & critique sur le martyre de cette Legion.

[Article curieux, contenant tout le détail de l’incendie arrivé auprès de l’Église nommée le petit S. Antoine] §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 181-196.

Le Roy, au milieu des grands soins qui l’occupent ordinairement, & sur tout dans la conjoncture des affaires presentes, qui l’oblige à soutenir les efforts de la plus grande partie de l’Europe liguée contre luy, ne néglige aucune occasion de contribuer au bonheur, & au soulagement de son peuple. Sa bonté s’estend par tout & à tous ; & sans sa sage prévoyance, qui a fait distribuer vingt Pompes dans Paris, au moyen de la Lotterie, dont je vous entretins le mois de May dernier, le funeste accident dont je vais vous faire le triste recit, auroit esté beaucoup plus terrible & plus general.

Le Vendredy 11e de ce mois, entre 7. & 8. heures du matin, le nommé la Briere, Marchand Quincaillier & Artificiaire, qui demeuroit ruë S. Antoine, attenant l’Eglise des Peres de ce nom, & qui occupoit derriere leur Chœur une Maison qui leur appartenoit, fumant dans son Grenier, pour chasser une mauvaise senteur, qui s’estoit répanduë dans sa maison, laissa tomber sur le plancher, le charbon qui luy avoit servi à allumer sa pipe ; il porta d’abord le pied dessus pour l’éteindre : mais une legere étincelle ayant volé sur des amorces, elles prirent à l’instant feu, & il fut impossible à la Briere & à son fils, qui estoit avec luy, d’en arrester le progrés. Les Voisins s’apperçurent aussi-tost du peril qu’ils couroient ; ils en donnerent avis à la femme de la Briere & à sa fille, qui estoient en bas, & qui se sauverent sans perdre de temps : dans ce moment, ce malheureux pere & son fils furent enlevez par la violence de plusieurs livres de poudre, qui prirent toutes à la fois, & portez de l’autre costé de la ruë, quoy que fort large en cet endroit. Le bruit que fit cette poudre fut terrible, & fut entendu de toutes les extremitez de Paris ; le Grenier en sautant en l’air, mit le feu au plancher de dessous ; la maison la plus voisine s’entrouvrit, & tout le derriere du Chœur du petit S. Antoine fut jetté dans toute l’Eglise, jusques au haut des Orgues qui furent fracassées : tous les Tableaux, les Boisures, & une partie du Tabernacle furent renversez & mis en pieces. Le Pere Gautier, qui celebroit la Messe au Maistre-Autel, fut renversé par terre tout couvert de pierres & de sang, de deux blessures qu’il reçut à la teste, dans le moment qu’il alloit consacrer, & se traîna avec beaucoup de peine sur les genoux jusques à la Sacristie ; plus de trente-cinq personnes furent pareillement blessées, & dans l’Eglise, & dehors l’Eglise, par la chûte des pierres, & les solives & les fenestres brisées qui tomboient. Les fusées & autres artifices dont cette maison estoit remplie, voloient de tous costez, & plusieurs Artisans qui estoient dans differentes boutiques, en furent atteints ; les maisons qui vont jusques à l’Hostel de Beauvais, & celles même qui sont plus éloignées, ont eu presque toutes leurs vitres cassées ; & les plus proches n’ont conservé ni vitres, ni fenestres, ni glaces, ni porcelaines. Le Saint Ciboire du grand Autel fut sauvé par un petit garçon de douze ans ; & une Servante, au travers des flammes, apporta celuy de la Chapelle de la Vierge. La force du feu transporta l’infortuné la Briere, au travers de sa fenestre, jusque contre l’ancien Hostel du Connétable de Guesclin où il tomba, & il mourut incontinent aprés, sans jugement ni connoissance ; son fils qui fut jetté dans le ruisseau, ne luy survêcut que de quelques momens ; & deux autres de ses enfans, ensevelis sous les ruines, en furent retirez blessez, brûlez à moitié & presque agonisans. Les choses estoient dans ce pitoyable état, lors qu’on vit arriver Mr d’Argenson, Mr le Prévost des Marchands, accompagné de Mrs les Echevins, Mrs les Procureurs du Roy & de la Ville, & plusieurs Commissaires de differens quartiers. Ils fremirent tous, & demeurerent immobiles pendant quelques momens, à la vûë de cet affreux desastre ; mais le zele & la charité prenant aussi-tost le dessus, chacun s’occupa au soulagement de ce grand nombre de blessez : les uns allerent chercher avec empressement des Chirurgiens ; d’autres panserent eux-mêmes les playes les moins dangereuses ; & d’autres retirerent dans leurs maisons des personnes mourantes ; & plusieurs firent porter, & porterent eux-mesmes sur leur bras, les malheureux dont les jambes venoient d’estre cassées. Le feu, cependant, ayant pris aux Tableaux & à toute la boisure de l’Eglise, donna lieu de craindre un embrasement total de cet Edifice ; la maison voisine & entr’ouverte, dont j’ay parlé, brûloit aussi ; & le feu estoit pareillement à la premiere chambre, & à la boutique de celle dont partie avoit sauté : de sorte que ces trois incendies n’en composoient qu’un, qui menaçoit tout le quartier. La boutique brûlante & pleine de mille choses combustibles, avoit un Caveau à costé, & presque sous le Maistre-Autel, où peu de jours auparavant la Briere avoit mis plusieurs barils de poudre ; & si cette poudre eust pris, S. Antoine & trente autres maisons auroient également sauté. Mais Mr d’Argenson, toujours infatigable, & Mr le Prévost des Marchands donnerent sur le champ de bons ordres, qui furent executez avec autant d’ardeur que de diligence. On ordonna à tous les voisins de tirer de l’eau, & l’on fit faire dans la ruë S. Antoine un bâtard-d’eau ; l’on fit venir les seaux de la Ville, l’on manda le Sr du Perier, & l’on fit apporter deux de ses Pompes nouvellement distribuées dans les differens quartiers de Paris. Dés qu’elles furent arrivées, on en porta une dans l’Eglise, qui arresta tout à coup le feu déja monté & attaché au plus haut lambris de la voûte ; & du milieu de la ruë on jetta avec l’autre de l’eau en abondance jusques au quatriéme étage de la maison qui brûloit, & en moins d’un quart d’heure & demi de travail, elle parut hors de danger. Mr d’Argenson, qui se portoit dans tous les endroits les plus perilleux, ordonna alors au Sr du Perier, de diriger l’eau de ses deux Pompes sur la boutique & dans le Caveau où la poudre estoit, & comme l’on avoit déja consommé beaucoup d’eau, & que la pluspart des puits estoient taris, on dépava quelques endroits de la ruë, pour couper le tuyau de plomb, qui porte l’eau à la Fontaine qui est devant les Jesuites. Cette précaution fut sage, & produisit un effet merveilleux ; car une demie-heure aprés, le feu de la boutique, surmonté par la grande quantité d’eau qu’on y avoit dardée avec les deux Pompes & de fort loin, pour n’estre pas exposez au risque d’estre enlevez par le feu, donna moyen à des Ouvriers, plus intrepides que les autres, d’aller retirer les barils de poudre, qui causoient une tres-grande & tres-juste apprehension. À dix heures & demie tout le feu estoit éteint. Jamais accident aussi terrible n’a eu de secours si promt, ni si bien concerté entre tous les Magistrats, Commissaires, & autres Officiers qui se trouvent ordinairement en de pareilles occasions. La foule du peuple, accouruë de tous costez, voyant que tout estoit fini, ne s’occupa plus qu’à remercier Dieu, & à donner au Roy mille & mille benedictions, de la bonté qu’il a eu, d’accorder à sa Ville de Paris la Lotterie des Pompes, qui ont déja servi à sauver le Palais des Thuilleries & plusieurs autres maisons qui auroient peri par le feu.

Sur les onze heures, le Sr du Perier alla en poste à Marly, pour rendre compte au Roy de ce qui venoit de se passer. Il y arriva lorsque Sa Majesté sortoit de disner ; Elle écouta avec compassion tout le détail de ce grand malheur, & luy ordonna de luy faire incessamment des Pompes pour Versailles, Marly & Fontainebleau, & pour ses autres Maisons Royales. Depuis un mois Monseigneur le Dauphin en a fait mettre deux à Meudon. La Ville de Lion en demande, & plusieurs autres tâcheront, sans doute, d’obtenir comme Paris, la permission de faire des Lotteries, afin de parvenir à un établissement si necessaire, sans qu’il en coûte rien à personne.

Air nouveau §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 203-205.M. Maiz est probablement l'auteur de la musique de cet air, bien que le périodique ne l'indique pas. La musique des airs du Mercure de février 1704, du Mercure de mars 1704, du Mercure de juillet 1704, duMercure d'août 1704, duMercure de septembre 1704, du Mercure de mai 1705, du Mercure de juillet 1705, du Mercure d'août 1705, du Mercure de décembre 1705 lui est en effet attribuée.

Je ne doute point qu’en lisant les Vers suivans, vous ne deviniez qu’ils sont de Mr de Maiz, de la Fléche ; puisqu’il s’est fait un devoir de m’envoyer tous les mois un Air sur le mesme sujet.

AIR NOUVEAU.

L’Air, Ocean de bonté, &c. [page] 204.
Ocean de bonté, source en graces feconde,
Dont sans cesse sur nous découlent mille biens ;
La France vous invoque, & joint ses vœux aux miens,
Pour son Roy, le plus grand qui fut jamais au monde.
Que nos justes desirs, grand Dieu, soient écoutez !
Conservez en LOUIS vostre plus vive Image ;
Et laissez-nous long-temps un gage,
Qui nous répond luy seul de toutes vos bontez.
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[Article curieux, qui fait connoistre que les Alliez ont faussement publié que la bataille de Cassano a esté gagnée par Mr le Prince Eugene] §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 308-336.

À Chivas le 6. Juin 1705.

La France & l’Espagne sont fort obligées à Monsieur le Prince Eugene, d’avoir fait faire presque dans toute l’Europe, des réjoüissances, & chanter des Te Deum, en actions de graces pour le succés d’une Bataille, où les armes des deux Couronnes sont demeurées triomphantes, & ont remporté une Victoire si pleine, qu’il n’est pas permis aux plus incredules d’en douter. Il ne faut pas s’en étonner ; puisque le caractere du Prince Eugene a toujours esté tel qu’il a paru en cette occasion, & qu’il n’a jamais voulu demeurer d’accord du moindre desavantage. La Bataille de Luzzara fut une preuve éclatante de son obstination naturelle à ne s’avoüer jamais vaincu. Il avoit perdu cette Bataille ; les Armées des deux Couronnes triomphoient sur le Champ où elle avoit esté donnée, & estoient sur le point d’emporter Luzzara, qui devoit estre le fruit de leur Victoire, & qui devoit en servir de preuve à toute l’Europe, comme elle fit peu de temps aprés : & cependant ce Prince, toujours rempli de sa Victoire imaginaire, ne laissa pas d’en envoyer des Relations par tout, même aprés la prise de Luzzara. Ce qu’il vient de faire à l’égard de la Bataille de Cassano, n’a pas esté seulement un effet du caractere qui luy est ordinaire ; mais aussi de la politique des Alliez ; & il n’y avoit point de doute, qu’il n’eust ordre de crier toujours victoire, quoy qu’il pust arriver : la conjoncture des affaires presentes des Alliez demandant qu’il parlast de la sorte. On vouloit que les Mécontens de Hongrie apprissent des Victoires imaginaires, afin de les engager à faire quelques pas pour la Paix ; & il auroit esté difficile de le leur faire croire, même pour un temps, si on ne faisoit à Vienne d’éclatantes réjoüissances, & si on n’en rendoit des graces au Ciel. Il importoit encore à l’Empereur, pour d’autres raisons, que les choses se passassent ainsi ; tous ses pays hereditaires sont remplis de Mécontens nouveaux par la suppression de plus de 2000 Charges de Justice, Police & Finances, qui des premieres personnes de ces Etats, font autant de miserables. Il y en a encore beaucoup d’autres dans les mêmes Etats ; les exactions coup sur coup réiterées ont esté si grandes, qu’on peut dire que les Sujets du nouvel Empereur sont aujourd’huy les plus mal-heureux peuples de l’Europe.

Ceux de Hollande ne le sont guére moins aujourd’huy ; & il n’est pas moins besoin de les retenir par des Victoires imaginaires ; leurs charges sont si pesantes, qu’on en voit tous les jours abandonner leurs terres, plûtost que de payer les taxes dont elles sont chargées : Et ce qu’il y a de surprenant, & que l’on ne sçauroit nier, le fait estant visible & constant, est que depuis quelque temps, des Provinces entieres ne fournissent plus aux frais de la guerre, à quoy les autres Provinces ont esté obligées de suppléer en leur place. Enfin personne n’ignore les desordres recents arrivez à Nimegue ; cette Ville ayant voulu s’ériger en Republique particuliere, pour secouer le joug du Gouvernement present, & pour s’exempter de payer les charges exorbitantes de l’Etat. Il est constant que la Republique de Hollande ne s’est jamais trouvée dans l’état malheureux où elle se voit aujourd’huy ; & il faut que le mal soit bien réel & bien sensible, puisqu’elle ne peut s’empêcher de l’avoüer. Ce n’est pas qu’il ne se trouve encore quelques particuliers, que les frais de la guerre n’ont pas épuisez ; mais l’Etat est si oberé, qu’il ne soûtiendroit pas plus long-temps la guerre, si ceux qui s’enrichissent ordinairement dans les troubles & dans les desordres, ne mettoient tout en usage pour la faire durer. Et comme les peuples la souffrent impatiemment, n’ayant presque plus de quoy fournir aux frais, ils tâchent de les amuser par des avantages imaginaires, en leur faisant esperer qu’ils viendront bien-tost à bout de leurs projets, & qu’en donnant la Loy aux deux Couronnes, ils les contraindront de leur accorder toutes leurs demandes.

Si l’Empereur & ceux qui gouvernent en Hollande ont besoin de se servir de toutes sortes de stratagemes pour empescher que les peuples qui n’aspirent qu’aprés la Paix, ne se soûlevent, ceux qui ont le maniement des affaires en Angleterre ne doivent pas paroistre moins embarassez ; quoique ces peuples paroissent plus dociles contre leur ordinaire, parce que l’on prend encore plus de précautions pour les ébloüir & pour les tromper. Mais comme cette guerre leur coûte infiniment, & qu’en la continuant, ceux qui l’entretiennent si opiniâtrement, n’ont pas le moindre but qui soit à leur avantage ou à leur gloire, & que cette guerre ne se fait que pour maintenir l’usurpation, & pour enrichir ceux qui ont le maniement des affaires ; il est à craindre que plus ces peuples auront souffert patiemment, plus leur chagrin n’éclate contre ceux qui seront cause, que pour leurs propres interests la nation se trouvera dans peu épuisée d’hommes, d’argent, de matelots & de vaisseaux. Les Anglois ont soûtenu presque seuls la guerre de Portugal, & celle de Piémont : & comme il n’y a pas d’apparence qu’ils en puissent sortir à leur avantage, ni que l’Archiduc avance beaucoup ses affaires ; ce leur doit estre une grande mortification de voir manquer toutes leurs entreprises, aprés avoir fait une dépense dont ils ne se remettront de plusieurs siecles. Les choses estant ainsi, & le peuple estant à tout moment sur le point d’ouvrir les yeux sur son malheur, sur ses tresors enlevez, & sur les fausses & malheureuses démarches de ceux qui les gouvernent ; on ne doit pas estre surpris, s’ils n’oublient rien de tout ce qui peut servir à les entretenir dans leur ignorance : & c’est là le veritable sujet de tant de réjoüissances & de tant de Te Deum chantez pour des avantages, ausquels on ne trouveroit pas seulement de vraisemblance, si on les examinoit bien.

Pendant que l’on s’abandonnoit à la joye dans les Etats, où l’on croyoit devoir déguiser les mauvais évenemens (si l’on en pouvoit entierement cacher la verité) & où l’on auroit trompé Dieu même, s’il estoit possible, comme on sembloit le vouloir essayer par des actions de graces publiques ; pendant, dis-je, que le peuple de tous ces Etats differens étoit occupé à prendre les fausses impressions qu’on vouloit luy donner, il s’attendoit d’apprendre, à tous momens, des nouvelles qui luy feroient sçavoir que le Prince Eugene avoit passé l’Adda, puisque c’estoit la seule preuve de sa victoire que ce Prince pust donner, & le fruit qu’il pouvoit tirer de la perte de deux Princes, des principaux Generaux de l’Empereur, qui avoient servi en Chef, & des meilleurs Commandans des Troupes auxiliaires, dont on ne pouvoit cacher la mort, ni même essayer de le faire, comme on avoit voulu cacher celle de cinq ou six mille hommes morts dans le Combat, au de-là de la perte que l’on avoüoit. Mais ces peuples furent bien surpris, & virent bien-tost changer leur allegresse en chagrin, lorsqu’ils apprirent que le Prince Eugene crioit au secours, dans les mêmes Lettres où il chantoit Victoire, & qu’il ne demandoit pas seulement des Troupes pour remplacer celles qui avoient peri dans le Combat, ses Blessez, & ses Deserteurs ; mais il demandoit une Armée nouvelle, avec les plus fortes instances, & le plutost qu’il seroit possible. Ce qui se fait pour cela dans tous les Etats des Alliez est manifeste, & ne se peut cacher ; tout y est en mouvement, & tous les Souverains de ces Etats doivent envoyer en Italie des secours tirez de leurs propres Troupes, ou achetez des Princes qui en font trafic. On connoist par-là que jamais Combat n’a tant coûté aux Alliez que celuy de Cassano ; puisqu’on est obligé d’envoyer autant de monde & d’argent au Prince Eugene, que s’il n’en avoit jamais eu ; que les pertes qu’il a faites ne luy ont esté d’aucune utilité ; que le sang de tant de Braves est perdu, & qu’il n’a point passé l’Adda. Ce qui laisse Monsieur le Duc de Savoye aussi inquiet & aussi embarrassé, & même davantage qu’il ne l’estoit avant le Combat ; quoique pour tromper ses peuples, il ait fais chanter le Te Deum, comme les autres, pour une Victoire imaginaire qui recule ses affaires, loin de les avancer ; puisque le Prince Eugene s’est trouvé beaucoup moins en état de passer l’Adda aprés la Bataille de Cassano, qu’il ne l’estoit auparavant.

Aprés avoir parlé de ce qui regarde les Alliez touchant l’ostentation d’une prétenduë victoire ; victoire qui produit des faits nouveaux, puisqu’elle empesche le Vainqueur, non-seulement de tirer des fruits de sa victoire, mais mesme qu’elle l’en éloigne beaucoup, en l’empeschant de marcher au secours d’un Prince dont l’entiere perte est certaine, s’il n’avance pas. Aprés, dis-je, vous avoir parlé de tout ce que les ennemis ont fait pour obliger toute l’Europe à croire qu’ils avoient remporté une pleine victoire en Italie, & les motifs qu’ils ont eus de parler de la sorte ; je dois vous dire que nous n’avons point de raisons, comme eux, qui nous engagent à cacher la verité. Le Roy n’est point auteur de la guerre presente ; la jalousie & les autres motifs des Alliez, tant de fois repetez, sont cause qu’on la luy a déclarée ; il soûtient un Monarque, à qui la Couronne d’Espagne appartient si legitimement, que toutes les Puissances même de l’Europe qui luy font aujourd’huy la guerre, l’ont reconnu, à l’exception d’un ou deux petits Etats, & de ceux qui prétendent à sa Courone. Ainsi nôtre Auguste Souverain ne combatant que pour une bonne cause, & pour se défendre, n’est point obligé de déguiser à ses Peuples la verité des évenemens, lorsqu’ils ne sont pas heureux ; au contraire, ils vont au devant des secours dont il peut avoir besoin, & offrent tous les jours leur sang & leurs biens pour la gloire de ce Monarque, & pour le bien de l’Etat. Enfin, loin que ces peuples imitent ceux de quelques-uns des Alliez qui demandent la paix seditieusement, ils témoignent hautement qu’ils seroient fâchez de l’avoir, si les conditions n’estoient pas tout à fait avantageuses à la France. Ainsi quand on a publié la victoire remportée à Cassano, on ne l’a dit que parce que c’est une verité incontestable ; & la politique n’a point obligé de parler de la sorte, comme elle a fait chez les Alliez. Monsieur de Vendôme n’a point grossi la verité, dans la Lettre qu’il s’est donné l’honneur d’écrire au Roy ; la modestie de ce Prince est connuë, il n’exagere jamais rien, & ne voudroit pas grossir une action dont la gloire luy est dûë. Quant aux autres Relations, qui ont paru en grand nombre, & qui sont toutes demeurées d’accord du gain de la bataille ; on les doit croire, puisqu’elles sont écrites par des François, qui loin d’encherir sur la verité, ont souvent bien de la peine à loüer les Commandans qui font des prodiges, & qui voudroient toujours qu’on en fist de si grands, qu’ils ne sont souvent pas contens d’eux-mêmes lorsqu’ils ont fait des actions dignes de la plus haute valeur. Enfin tous les peuples de l’Europe commencent à ouvrir les yeux, & à connoistre qu’on leur a imposé, en voulant leur faire croire que le Prince Eugene avoit remporté une signalée victoire. La suite fait aisément voir le contraire ; le Prince Eugene, au lieu de passer l’Adda aussi-tost aprés le combat, a repassé la Communa & la Ritornella ; & c’est avoir perdu la bataille que d’estre demeuré dans son Camp, & de n’avoir pas avancé ; puisqu’il n’a commencé cette bataille que pour marcher au secours de Monsieur le Duc de Savoye, & qu’il n’y a pas marché. Ainsi ce Prince n’est pas parvenu au but qu’il s’étoit proposé. Au lieu que Monsieur de Vendôme est parvenu au sien en demeurant dans son Camp, sans s’y laisser forcer. Quand il auroit marché aprés la bataille pour faire reculer le Prince Eugene plus loin, cette marche n’auroit servi qu’à fatiguer ses troupes, & à luy faire perdre du monde. Il a beaucoup mieux fait de prendre le parti de fortifier les bords de l’Adda ; & par ce moyen il embarrasse beaucoup plus le Prince Eugene, qui a besoin d’un plus grand nombre de troupes pour forcer ce passage, qu’il n’en recevra de long-temps, toutes celles qui luy ont esté promises n’estant pas prestes d’arriver, & ce Prince n’ayant pas encore reçû plus de trois mille hommes de renfort. Je dois finir cet article en vous disant que Mylord Marlborough ayant fait faire des réjoüissances dans son Camp pour la victoire remportée par les Alliez, à Cassano, & ne voulant pas qu’on crust qu’il étoit persuadé d’une chose dont il sçavoit le contraire, dit, en soûriant, à un Trompette du Roy, que Mr le Maréchal de Villeroy luy avoit envoyé, justement dans le temps de ces réjoüissances : Qu’il n’avoit pû refuser ces marques de joye à Monsieur le Prince Eugene, qui les avoit souhaitées.

Je dois ajoûter icy, que si les ennemis remportoient chaque année autant d’avantages que nous, ils feroient tous les mois des réjoüissances publiques : au lieu que nous n’en faisons que pour les principaux évenemens, & il faut même qu’ils soient tres-considérables ; puisqu’on n’en a point fait pour la prise de Chivas, & des Cassines fortifiées qui sont auprés de cette Place, non plus que pour les autres avantages remportez par Mr le Duc de la Feüillade sur les Troupes de Savoye. Ce qui doit faire juger qu’on n’auroit pas parlé en France, de la Victoire remportée à Cassano aussi avantageusement que l’on a fait, & que les réjoüissances n’y auroient pas esté aussi grandes, si on n’y avoit remporté une pleine Victoire. Tous ces avantages mettent Monsieur le Duc de Savoye dans une tres-fâcheuse situation, & ce Prince n’a plus de secours à esperer, aprés ceux qui viennent de luy manquer. Je ne dis rien de ce qui regarde celuy qu’il attendoit de Monsieur le Prince Eugene, vous sçavez ce qui le regarde dans toutes ses circonstances ; mais vous ignorez peut-estre l’autre secours qui a manqué à ce Duc, qui estoit beaucoup plus considerable, & qui luy donne lieu de faire de si grandes plaintes à ses Alliez, qu’il pourroit les abandonner sans qu’ils eussent aucun lieu de s’en plaindre. Ils avoient assuré ce Prince pendant plusieurs mois, que leur Flotte devoit aller en Italie, pour y débarquer toutes les Troupes qui ont esté débarquées en Catalogne, sçavoir 19 Bataillons & 1300 Dragons.

[Nouvelles d’Allemagne] §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 352-366.

Je ne suis pas surpris que l’article de ma Lettre derniere, qui regardoit Mr le Maréchal de Villars, ait eu l’avantage de vous plaire, toute la gloire en est dûë à ce Maréchal, qui a toujours poussé Monsieur le Prince de Bade, tant que l’Armée de ce Prince n’a point esté infiniment superieure à la sienne. Je ne vous repete point tout ce que ce Maréchal a fait, & dont vous avez esté si satisfait, vous en trouverez la suite dans la Lettre suivante.

Au Camp de Bischveiller, ce 6. Septembre.

Le Convoy que les ennemis aidoient ayant eu avis que nous avions fait un détachement pour luy couper le chemin, s’en est retourné dans les Lignes de Lauterbourg, ne se croyant pas ailleurs en sureté, ce qui obligea Mr le Chevalier du Rosel de nous venir rejoindre.

Mr le Maréchal de Villars reçut un Courrier vendredy dernier de la Cour, qui luy apporta la permission du Roy d’attaquer les Ennemis, s’il en trouvoit l’occasion favorable. Il envoya ordre sur le champ à toutes les Troupes, qui estoient dispersées en differens postes de le venir joindre ; ce qui a esté executé. L’armée a commencé aujourd’huy à deux heures du matin à se mettre en marche ; Mr le Maréchal s’y est rendu à trois heures. On n’a jamais vû d’Armée marcher avec plus de fierté, ni plus resoluë. Mais la situation du Camp des ennemis est si avantageuse, & d’un abord si difficile, qu’à moins de risquer l’Armée entiere, il est impossible de le forcer ; en voicy la situation. Les Ennemis sont campez sur une hauteur, deux Villages dans le centre, l’un à droite, & l’autre à gauche, avec un Ruisseau au bas qui est impraticable, sans compter les Marais qui l’environnent de tous costez. Nous avons trouvé les Ennemis en bataille dans leur Camp, lesquels n’ont fait aucun mouvement, s’estant contentez de tirer seulement trois coups de canon sans boulets, de même qu’un autre coup aprés pour avertir les Fourrageurs & les Maraudeurs ; ayant laissé brusquer leurs Gardes avancées. Nos Hussars leur ont pris 500 bœufs, autant de chevaux, & quelques Maraudeurs. Leurs Deserteurs nous assurent tous, que la disette est fort grande dans leur Camp, ne recevant point de Convois. Mr le Maréchal a esté obligé de faire revenir l’Armée, voyant qu’il estoit impossible de les forcer. Dans le tems qu’il se plaçoit dans ce Camp, Monsieur le Prince de Bade envoya un Trompette, pour demander un Passeport pour Monsieur le Duc de Wirtemberg, qui est fort malade ; ce Prince n’osant passer, à cause du grand nombre de Partis que nous avons sur leurs derrieres, qui ramenent tous les jours au Camp beaucoup de prisonniers & de chevaux.

Je vous envoye encore une Lettre sur le même sujet, dans laquelle vous trouverez des particularitez qui ne sont pas dans la premiere.

Extrait d’une Lettre de Strasbourg, du 7. Septembre.

Vous avez sçû, sans doute que les ennemis entrerent le 28. du [mois] passé dans nos lignes prés de Phaffenhoffen sans aucune resistance de nôtre part. Mr le Maréchal de Villars, qui sçavoit qu’ils en vouloient au Fort-Louis, qu’il a ordre de la Cour de couvrir, envoya ordre à Mr de Cognies de se retirer, à l’approche des ennemis ; ce qui fut executé, & Mr de Cognies joignit le mesme jour le Camp de Mr de Villars prés de Bischweiller. Les ennemis en entrant dans nos Lignes mirent l’allarme dans tout le Pays aux environs, & les Paysans croyant que nous avions esté battus, se retirerent icy avec tous leurs bestiaux & tous leurs effets ; ce qui a tellement rempli cette Ville, qu’on ne peut s’y tourner, à cause de la quantité de choses & de monde qui y sont entrez depuis ce temps : & pour surcroist, Mr le Maréchal a envoyé icy tous les gros bagages de l’Armée, qui campent sur le glacis de la Place. Nostre Armée se mit en bataille le 30. & le 31. du passé, & marcha sur trois colonnes droit aux ennemis pour les attirer au combat ; mais il n’y eut pas moyen de les y engager. Enfin avant-hier, Mr le Maréchal reçût ordre de la Cour de faire ce qu’il jugeroit à propos, & ayant pris la dessus le parti d’aller attaquer l’ennemi dans son Camp, il fit mettre hier 6. de ce mois toute l’armée en bataille, à une heure du matin. Et aprés avoir fait dire la Messe à la teste de l’armée, il marcha droit aux ennemis pour leur livrer bataille, & envoya icy un Courier pour donner cet avis à Me la Maréchale ; ce qui se répandit dans l’instant par toute la Ville. Mr l’Evesque de Toul, nostre grand Vicaire, donna ordre d’abord de faire exposer le tres-saint Sacrement dans toutes les Eglises, pour implorer la benediction de Dieu sur les armes du Roy. Cependant Mr le Maréchal arriva en ordre de bataille à un quart de lieuë de l’armée ennemie ; toute son armée estant disposée sur trois colonnes, & faisant face aux ennemis, campez sur une hauteur prés de Phaffenhoffen, & ayant un ruisseau devant eux. Ce Maréchal envoya un Trompette à Monsieur le Prince Louis de Bade pour luy dire, qu’il venoit pour avoir l’honneur de le voir, & qu’aïant fait plus des trois quarts du chemin, il le prioit de faire le reste. Mr le Prince Louis fit aussi-tost tirer trois coups de canon, soit pour assembler son monde, ou pour saluer l’Armée, ausquels Mr le Maréchal fit répondre par trois autres coups ; aprés quoy Monsieur le Prince Louis renvoya le Trompette, dire à Mr le Maréchal, qu’il ne pouvoit pas sortir de son Camp, & que s’il vouloit y venir, il luy feroit honneur de venir dîner avec luy. Mr le Maréchal voyant bien qu’ils refusoient le combat, fit tenter à droite & à gauche pour sçavoir s’il pourroit les attaquer dans leur Camp ; mais estant inaccessible de tous costez, & voyant la chose impossible, il retourna sur ses pas, & arriva le soir dans son ancien Camp de Bischweiller. Il dépescha ensuite un Courrier icy, à Me la Maréchale pour luy donner avis, que les ennemis n’avoient pas voulu accepter le combat, & qu’il ne s’estoit rien passé de part & d’autre.

Il nous vient beaucoup de Deserteurs, qui asseurent tous que les ennemis meurent de faim dans leur Camp. Mr le Maréchal leur coupant tous leurs convois de vivres, & ayant de plus fait rompre tous les Moulins de ces quartiers-là ; de sorte qu’ils n’y peuvent pas demeurer, & qu’avant qu’il soit peu, il faut qu’ils s’en retournent.

Cet abandonnement volontaire de nos lignes a donné lieu à ceux qui font imprimer des nouvelles publiques, dans une partie des Villes qui appartiennent aux Alliez, de dire que Mr la Maréchal de Villars en avoit esté chassé, qu’il avoit perdu beaucoup de monde en se retirant, & qu’il avoit esté obligé d’abandonner Haguenau ; & quoy qu’ils ayent dû reconnoître peu de temps aprés la fausseté de cette nouvelle, Haguenau estant encore en nostre possession ; ils n’ont pas laissé de parler encore plusieurs fois de suite, de la prise de cette Place, comme ils ont fait du faux passage de l’Adda par Monsieur le Prince Eugene, & dont ils parleroient peut-estre encore sans la bataille de Cassano, qui a fait voir à toute l’Europe que ce Prince n’avoit point passé cette riviere, & qu’il n’avoit pû la passer aprés le combat. Quant à Mr le Maréchal de Villars, vous venez de voir tout ce qu’il a tenté, dans le temps que Monsieur le Prince de Bade n’avoit guére plus de troupes que luy ; mais enfin ce Prince ayant reçu des renforts de trois ou quatre costez, & les troupes qui marchoient en Flandre, l’ayant rejoint : comme il est de la prudence de ceder à la force, il s’est trouvé obligé de faire une manœuvre toute autre que celle qu’il avoit fait jusque-là. Vous la trouverez dans la Lettre suivante.

Du 20. Septembre.

La nuit du 14. au 15. l’Armée du Roy décampa de Bischweiller, & vint camper prés de l’Isle de Rupersan, à demie-lieuë de Strasbourg ; c’est comme si elle estoit sous le canon de la Ville. Mr le Maréchal, avant que de partir, fit jetter dans Haguenau trois mille hommes commandez par Mr de Pery, Maréchal de Camp, & deux Brigadiers, avec des munitions & dix pieces de canon, dont trois de fonte. Par cette retraite, l’on découvre le Fort-Loüis, Haguenau, Drusenheim, & Saverne.

Mr le General Tungen estant entré le 15. au soir dans le Camp de Bischweiller, l’avant-garde des Imperiaux s’est avancée jusques à Brumpt. Le Quartier General de l’Armée du Roy estoit le 16. à Lambertheim, avec apparence que l’on se porteroit derriere le Canal de Molsheim.

Il faut vous dire l’état du Fort-Loüis, & ce que l’on en écrit du 13. de ce mois ; il y avoit six bataillons, & Mr le Maréchal y a encore jetté depuis, en se retirant le second Bataillon de Provence ; avec un Convoy de vivres. Le Gouverneur en a fait sortir toutes les bouches inutiles.

Depuis ce temps-là le Prince de Bade a envoyé demander à Francfort du gros canon & des provisions pour quelque entreprise. Les ennemis tenterent le 21. d’emporter l’épée à la main le Fort de Drusenheim ; mais ils furent repoussez avec perte de 400 hommes, ce qui les obligea de se retirer. Ils l’attaquent presentement dans les formes, parce que ce Poste leur est necessaire pour faire le Siege du Fort-Loüis ; mais comme il est situé dans un marais, on croit qu’ils y perdront auparavant bien du monde.

Enigme §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 368-371.

L’Enigme du mois passé estoit encore l’Oignon ; mais quoi qu’elle ait esté devinée par plusieurs personnes, il s’en est peu trouvé qui ayent osé en envoyer le mot, persuadez qu’ils se trompoient, parce que ce n’estoit pas l’usage de donner deux fois de suite une Enigme sur le même sujet. De maniere que j’ai réussi, en leur causant l’agreable embarras que je m’estois proposé. Elle a esté expliquée dans les vers suivans, par Mr Thouroude, Peintre.

Les Peuples qu’autrefois gouvernoit Pharaon,
Auroient eu de l’encens de reste,
Si leur aveuglement, aussi grand que funeste,
Au nombre de leurs Dieux n’eust aussi mis l’Oignon.

Les autres qui en ont envoyé le mot, sont, le Gascon de la Sorbonne : l’Amant Peintre, de la ruë Guisarde : le Censeur, & le petit Esclave du cœur partagé, de la mesme ruë Guisarde, Fauxbourg S. Germain.

Je vous envoye une Enigme nouvelle.

ENIGME.

Je m’attache sans cesse à ce qui me détruit ;
Et j’ay lieu de craindre la nuit.
La grandeur fait durer ma vie,
Sans qu’à mon sort on porte envie.
On me connoist tres-peu chez les petites gens ;
Mais on me reçoit bien dans les maisons des Grands.
En certains temps sans moy, l’on n’y pourroit rien faire ;
Je rassemble chez eux, les jeux & les plaisirs.
Quoique pour contenter leurs plus pressans desirs,
On craigne mon ministere,
J’assiste cependant à bien plus d’une affaire.

Air nouveau §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 371.

AIR NOUVEAU.

L’Air, Si vous tenez l’hyver, [page] 371.
Si vous tenez l’Hiver vos passions secrettes,
  Vous les publiez au Printems ;
Helas ! petits Oiseaux, quand vous estes contens,
  Vos ardeurs ne sont plus discretes.
  Pour moy, dans l’empire amoureux,
Je me plains du destin à mes desirs contraire ;
  Mais si j’étois heureux,
Je sçaurois bien m’en taire.
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[Voyage du Roy à Fontainebleau] §

Mercure galant, septembre 1705 [tome 9], p. 371-373.

Le Roy & Madame la Duchesse de Bourgogne partirent le 22. de ce mois de Versailles pour aller coucher à la delicieuse maison de Sceaux, séjour des ris & des jeux & des plaisirs de bon goust. Sa Majesté y prit le divertissement de la promenade, & des eaux qui sont admirables dans ce lieu, & ne voulut point qu’on luy en donnast d’autres. Mr de Malezieu y tint une table magnifique pour toutes les personnes de distinction de la suite de Sa Majesté, & de Madame la Duchesse de Bourgogne. Le lendemain 23. le Roy partit de Sceaux pour aller coucher à Fontainebleau, où Monseigneur le Dauphin estoit allé quelques jours auparavant, avec Monseigneur le Duc de Berry & Madame la Princesse de Conti, & où Monseigneur le Duc de Bourgogne s’étoit aussi rendu. Toute la famille Royale y est en bonne santé, & y prend souvent les plaisirs de diverses Chasses, de la Comedie, du Jeu & de la Musique.