1706

Mercure galant, mai 1706 [tome 5].

2017
Source : Mercure galant, mai 1706 [tome 5].
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Mercure galant, mai 1706 [tome 5]. §

[Article de litterature, contenant plusieurs impressions faites tant en France que dans quelques pays étrangers] §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 83-100.

Mr Jollet, Imprimeur-Libraire, demeurant sur le Pont Saint Michel, au Livre Royal, a mis depuis peu en vente un Livre intitulé : Recüeil des Falsifications que les Ministres de Genêve ont faites dans l’Ecriture sainte, en leur derniere Traduction de la Bible, avec les motifs pour lesquels il paroist qu’ils les ont faites. Et la refutation de leurs excuses sur ces faits.

Mr l’Abbé Chardon de Lugny, nommé par le Roy & le Clergé de France pour les Controverses, est Auteur de cet ouvrage, qui est dedié à Messieurs de la Republique de Genêve. Il leur met devant les yeux une infinité de Falsifications de l’Ecriture, faites par leurs Ministres ; & il démontre, d’une maniere à n’en pouvoir pas douter, l’infidelité de ceux-cy. Cet ouvrage a tant de force, qu’il peut toucher les Protestans, & confirmer les nouveaux Réünis dans les bonnes dispositions où la revocation de l’Edit de Nantes les a fait entrer. L’Auteur combat les principes de la prétenduë Reforme jusque dans ses fondemens, & fait connoistre qu’il entend parfaitement bien la Controverse. Il attaque de toutes manieres les Ministres Protestans ; il leur fait des défis, & leur reproche avec beaucoup de feu, qu’ils ont toûjours évité de venir conferer avec nos Controversistes : ce qu’il regarde comme une preuve de leur foiblesse. Il fait voir enfin qu’ils sont bien éloignez d’avoir la pure parole de Dieu dans leurs Bibles, comme ils le prétendent, puisqu’elles sont pleines de changemens & d’additions qu’on y a faits en divers temps ; & que même on en a retranché les Textes les plus formels & les plus ruineux pour le Protestantisme. Mr Chardon se declare le Deffenseur de nostre Bible vulgate ; & les raisons qu’il rapporte pour en soûtenir l’autorité, sont décisives. La lecture de ce Traité de Controverse peut estre tres-utile à tous les Catholiques zelez, puisqu’outre plusieurs traits d’une érudition fort recherchée, il renferme une source de consolation pour eux, & des principes propres à fortifier leur foy. D’ailleurs l’ouvrage est écrit avec beaucoup de pureté, & d’une maniere fort interessante.

On a fait en Hollande une nouvelle édition de Tacite, avec les notes de Juste Lipse, qui est incontestablement le plus celebre interprete de cet historien Romain.

On a fait à Lyon une sixiéme édition des Oeuvres de Mr George Baglivi, Professeur de Medecine dans le College Romain. Elle est plus ample que la derniere édition d’Utrecht, puis qu’on y trouve de plus quelques additions, & de nouvelles Dissertations. La Préface de cette édition est de Mr Hecquet, Medecin de Paris, & ami de l’Auteur. Le stile en est noble & aisé, & fait voir que Mr Baglivi connoist à fond, la matiere dont il traite. Cet Auteur s’éloigne du sentiment commun des Medecins, qui croïent que la dure-mere n’est propre qu’à couvrir le cerveau ; puisqu’il est d’opinion qu’elle tient la premiere place dans l’œconomie du corps humain. D’où il conclut que la source de la pluspart des maladies, qu’on attribuë aux Liqueurs corrompuës, n’est qu’une suite necessaire du mauvais état de quelque partie solide, & sur tout de la dure-mere. Ce Medecin Romain n’est pas attaché à la nouvelle Philosophie ; il suit par tout la grande voye qu’Hiprocate nous a frayé, & il se jouë assez agreablement de la matiere subtile & de la matiere cannelée de Descarte.

La suite de l’application du principe de l’équilibre du Pere de la Maugeraye paroît. Voici comme il commence cette application : la poulie A fig. 1, 2, 3, est fixe à l’extremité B, de la corde B, O, C, est attaché un poids B. à l’autre extremité C, est appliquée une puissance C. De quelque maniere que la corde soit disposée autour de la poulie A la puissance C. doit toûjours estre égale au poids B. Il dit dans un autre endroit, que les extremitez d’une corde lâche sont attachées à des points fixes. Au milieu de la corde est suspendu un poids fort considerable. Si l’on verse le long de corde, de l’eau en grande quantité, la corde s’acourcira & le poids s’elevera sensiblement. Le Pere de la Maugeraye a fait graver une planche au bas de son Application pour l’intelligence du Lecteur.

Mr Kuyper, Libraire d’Amsterdam, debite présentement l’Histoire des Yncas, Rois du Perou, traduite de l’Espagnol de Garcilasso de la Vega.

On a envoyé à un Abbé, qui s’attache aux belles Lettres, une Lettre anonyme, dans laquelle on le prie de proposer au Public, pourquoy les boutons des Arbres, qui resistent en Hyver à la plus forte gelée, & se conservent tres-bien, ne sçauroient resister à la moindre gelée, lorsqu’au Printemps ils sont devenus grands, & qu’ils ont commencé à s’épanoüir. Peut-estre que si l’Auteur de cette Lettre se fust adressé au Frere François, Chartreux, Auteur du Jardinier Solitaire, il luy auroit rendu une réponse plus prompte. En attendant celle du Public, celuy à qui la Lettre est adressée, en renvoye l’Auteur à la Physique de Rohault, Partie I. Ch. 23. Article 59. & suivans, où il trouvera dequoy se satisfaire.

Mr Kuyper a fait depuis quelque temps, une nouvelle Edition du Roman Bourgeois, de feu Mr l’Abbé de Furetiere. Il a aussi imprimé, in 12. l’Histoire de l’Academie des Sciences.

On a fait aussi, en Hollande, une nouvelle Edition des Epîtres, & de toutes les Elegies amoureuses d’Ovide, traduites en Vers François. Cette nouvelle Edition doit estre plus recherchée que les autres, en ce qu’elle est augmentée de quinze Epîtres & de cinq Elegies.

On a imprimé dans le même Pays le Comte de Warvick, de Me d’Aulnoy.

Le second Tome des Oeuvres de Josué de la Place, paroist depuis quelque temps. Il contient les disputes contre Socin, sur la Divinité du Fils de Dieu, & sur celle du S. Esprit. Ce Livre est rempli de bonnes choses.

Mr Wertein, debite depuis quelque temps, Jo. Forbesii à Corse, opera omnia, interquæ plurima posthuma. On y trouve de belles remarques sur la Doctrine des Episcopaux, à laquelle cet Auteur Ecossois, étoit attaché. Son Irenæicum, sur tout, merite d’estre lû.

Mr de Decker, Licentié en Theologie dans l’Université de Louvain, & Chanoine de l’Eglise Metropolitaine de Malines, a publié à Louvain, des Opuscules, qui contiennent l’Histoire abregée du Baïanisme & du Jansenisme. La premiere de ces Histoires commence par la fameuse Lettre du Cardinal de Granvelle, Archevesque de Malines, au Prévost Morillon, son Vicaire general. La Lettre est dattée de Rome du 13. Novembre 1567. & elle marque que Pie V. à la recommandation du Cardinal de Granvelle, qui aimoit & protegeoit Baïus, ou, comme on l’appelloit alors, Michel de Bey, avoit usé envers ce Theologien, de toute l’indulgence possible, & qu’on avoit fait ce qu’on avoit pû pour excuser ses propositions ; mais que Sa Sainteté n’ayant pû s’empêcher de les condamner, il avoit épargné la personne de l’Auteur. Ce Cardinal ordonnoit à son Vicaire general, de publier cette Censure, & d’exhorter Baïus à retracter ses propositions. Mr de Decker s’est fort declaré contre l’une & l’autre de ces Sectes, & il est fort zelé pour la saine Doctrine.

Mr Foulque, Libraire à la Haye, commence à debiter le troisiéme Volume de l’Histoire de Guillaume III. Mr  Samson est Auteur de cet Ouvrage. On y trouve des faits curieux sur le siege de Mastricht, & sur la bataille de Senef.

Mrs Vandole, Libraires de la mesme Ville, ont imprimé la Traduction de l’Histoire de la Rebellion & des Guerres Civiles d’Angleterre, par le Comte de Clarendon ; & Mr  Mœtiens a fait une nouvelle Edition des Elemens de Geometrie du Pere Pardies.

Mr Roland, Professeur des Langues Orientales, à Utrecht, a publié un Livre, intitulé : Dissertatio de marmoribus Arabicis-Puteolanis, & nummo Arabico Constantini Pogonati, ad Amplissimum virum Didericum Molé. Ce Livre a esté imprimé à Amsterdam.

On vient de donner une nouvelle édition, en Hollande, du Traité des sources de la corruption qui regne aujourd’huy parmi les Chrestiens. Ce Traité avoit esté imprimé la premiere fois à Amsterdam en 1699.

On a imprimé en Anglois un nouveau Cours de Chymie, auquel on a joint quelques nouvelles operations.

Mr Kinson, Docteur en Medecine, dont le nom est fort connu parmy les Sçavans, a refuté le Telluris theoria sacra de Mr Burnet.

On a ajoûté un troisiéme tome aux Memoires de Mr Ludlow, & un Recüeil de pieces originales, qui en éclaircissent divers endroits.

Une personne de qualité d’Angleterre, a donné, depuis peu, l’Histoire de la Caledonie, ou Colonie Ecossoise de Darien, en Amerique ; avec une Relation des mœurs des Habitans & des richesses de ce Pays.

Mr de Leibnits a fait des notes sur la Dissertation d’Otton Sperlingius.

In-promptu sur le Bain de Madame la Duchesse de Bourgogne §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 138-140.

Madame la Duchesse de Bourgogne s’estant baignée, quelque temps avant l’accident qui a obligé cette Princesse de garder le lit pendant neuf jours, elle receut en sortant du bain les vers que vous allez lire, & qui furent fort applaudis.

IN-PROMPTU
Sur le bain de Madame la Duchesse de Bourgogne.

Le beau feu dont luit le Soleil,
S’affoiblit & s’esteint, quand il entre dans l’Onde :
Je sçais un Astre dans le monde,
Qui n’a pas un deffaut pareil.
***
Phebus permet qu’on le regarde,
Lorsqu’il plonge en l’eau son éclat,
Nul œil mortel ne se hazarde,
À voir Adelaïde en un semblable état.
***
Car alors elle est si brillante,
Qu’on ne pourroit l’envisager,
Sans courir un plus grand danger,
Que celuy d’Acteon & celuy d’Erimante.

[Observation de la dernière Eclipse, faite par Monseigneur le Duc de Bourgogne] §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 140-144.

Le douziéme du mois dernier, sur les huit heures du matin, aprés qu’on eut disposé à Marly, devant la face Meridionale du Chasteau, c’est-à-dire, devant le Salon qui regarde les belles eaux artificielles, qu’on appelle la Riviere, les instrumens necessaires pour l’observation de l’Eclipse ; sçavoir, de grandes Lunettes de longue vûë, montées l’une sur une genoüilliere, accompagnée d’un quart de nonante, & deux autres sur des manieres d’échelles, avec des tablettes marquées des douze doigts écliptiques, exposées à l’un des bouts, pour recevoir l’image du Soleil ; aprés, dis-je, que toutes ces choses furent préparées, Monseigneur le Duc de Bourgogne, à l’exemple de plusieurs grands Rois, qui ont joint, comme ce Prince, la gloire des Armes à celle des Lettres, & particulierement à la connoissance des Cieux, observa tres-exactement, à la vûë de tout ce que la Cour a de plus distingué, la grandeur, & la durée de ce Phenomene ; & les Dames voulurent bien retrancher de leur sommeil, pour voir ce qui se passeroit en cette occasion. Monseigneur le Duc de Bourgogne, aprés avoir observé l’éclypse & sa durée, rapporta tout ce qu’il avoit vû, & n’oublia aucune particularité de ce qui regardoit la cause de l’éclypse ; & ce Prince marquant les differentes sortes dont elle pouvoit estre vûë, dans les differens endroits du monde, toucha doctement plusieurs beaux points de Physique, & l’Histoire des principaux évenemens qui se sont passez dans les Cieux sur ce sujet : ce qu’il fit avec une netteté & un fond d’érudition, qui surprit quelques Philosophes, que la bonté de ce Prince avoit bien voulu souffrir auprés de luy. Ils trouverent qu’on ne pouvoit rien ajoûter au sçavoir & à la penetration de ce Prince, ainsi qu’à la facilité avec laquelle il s’énonce, & à sa grande exactitude, qui parut en ce qu’il découvrit deux erreurs dans les calculs que les plus fameux Astronomes ont fait imprimer sur cette Eclipse ; l’une, de quatre minuttes dans sa durée ; & l’autre, d’environ un tiers de doigt dans sa grandeur, le Soleil n’ayant paru couvert de la Lune que de dix doigts, & un peu moins de cinq sixiémes de doigt.

In-promptu sur l’Observation de l’Eclipse Solaire, observée à Marly par Monseigneur le Duc de Bourgogne §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 144-149.

Un de ceux qui estoient presens à cette observation, fit sur le champ les Vers suivans, qui furent presentez à Monseigneur le Duc de Bourgogne. Je croy devoir ajoûter icy, pour l’intelligence de ces Vers, que les noms des Philosophes, que l’on trouve au commencement de cette Piece, sont des noms que les Modernes ont donnez à certains brillans qu’on découvre dans la Lune, à l’aide du Telescope.

IN-PROMPTU
Sur l’Observation de l’Eclipse Solaire, observée à Marly par Monseigneur le Duc de Bourgogne.

Aujourd’huy Copernic, Aristarque, Archimede,
Platon, Timocaris, Manile, Cleomede,
  Illustres & doctes amis,
Tournant leurs yeux & leur pensée,
Du Lunaire sejour où le sort les a mis,
Sur le plus bel endroit de la Terre éclipsée,
Disoient entre eux, d’un air d’étonnement rempli ;
Quel sujet si matin s’empresse
D’assembler le Sçavant, le Prince, la Princesse,
Devant un Salon de Marli.
***
Que veulent dire ces Echéles,
Dont le bout regarde les Cieux,
Et ces Canons Mysterieux,
Que l’on pointe vers nous par de régles si belles ?
***
Ainsi s’entretenoient ces hommes merveilleux ;
Lorsque le fameux Stagyrite,
Qui du grand Alexandre a formé le mérite,
Placé sur ce disque avec eux :
Je me flate, a-t-il dit, d’en penétrer la cause,
Et ce ne peut estre autre chose :
Un jeune rejeton du plus puissant des Rois,
Dont l’art comme le cœur jusques aux astres s’éleve,
Digne de nous donner des leçons & des loix,
A les grands sentimens de mon illustre Eleve.
Autrefois le Heros, que mes soins ont instruit,
Se plaignoit souvent, que son Pere,
Ne luy laisseroit rien à faire,
Que sous ses loix le monde alloit estre reduit.
Il craignoit à tort pour sa gloire :
Philipe, loin de faire tout,
Luy laissa, pour aller de Victoire en Victoire,
Presqu’un monde à dompter de l’un à l’autre bout.
***
Avec plus de raison le brave & jeune Alcide,
Que l’on voit aujourd’huy jetter les yeux sur nous,
Petit-fils de Loüis, craint d’une ame intrepide,
De n’avoir pas un jour sur quoi porter ses coups.
***
Pere, Ayeul, frere armé, tout doit luy faire entendre,
Que la Terre, bientost contrainte de se rendre,
Au pouvoir Souverain de son auguste sang,
D’en estre le vainqueur luy refuse le rang.
***
Mais il découvre icy des Palmes plus sublimes,
Dignes d’entretenir ses ardeurs magnanimes,
Et formant des projets plus doux, plus glorieux,
Il choisit pour objet d’une paisible guerre,
Au lieu du Globe de la Terre,
Les deux plus beaux Globes des Cieux.

Air nouveau §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 149-151.M. Maiz est probablement l'auteur de la musique de cet air, bien que le périodique ne l'indique pas: la musique des airs du Mercure de février 1704, du Mercure de mars 1704, du Mercure de juillet 1704, duMercure d'août 1704, duMercure de septembre 1704, duMercure de mai 1705, du Mercure de juillet 1705, du Mercure d'août 1705, du Mercure de décembre 1705 lui est en effet attribuée.

Je me trouve obligé de vous envoyer deux fois de suite le mesme Air, parce qu’on oublia de mettre dans ma derniere Lettre, celuy que j’avois fait graver avec les notes, que vous trouverez ici.

AIR NOUVEAU.

L’Air, Ennemis que l’envie p. 150.
Ennemis, que l’envie unit tous à la fois
Contre Loüis le Grand, seul défenseur des Rois ;
Voyez s’évanoüir, par ses armes heureuses,
De vos vastes desseins, les chimeres trompeuses.
Qu’a produit jusqu’icy ce redoutable amas
De guerriers, assemblez de cent divers climats,
Sinon qu’à rehausser le lustre de sa gloire,
Et qu’à rendre son nom immortel dans l’Histoire ?
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[Second Article de Livres nouveaux] §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 156-159.

La 5e partie des Pieces fugitives, se vend depuis quelques jours chez Pierre Giffart, ruë Saint Jacques à l’Image Sainte Therese. Ce volume ne contient que trois pieces ; la premiere est un ouvrage, fait autrefois par Mr Jansenius, alors Docteur de Louvain, & ensuite Evêque d’Ypres, contre les Ministres de Bois-le-Duc, qui avoient fait un défi aux Catholiques de cette Ville. Cette piece a esté traduite en François, il y a déja quelques années, par feu Mr de Sacy, Auteur de l’excellente Bible qui porte son nom. Ce livre devenoit rare, & on a l’obligation à celuy qui recüeille ces Pieces fugitives, de nous avoir conservé ce Traité. La seconde piece du Recüeil est une Lettre du Pere Fronteau, Chanoine Regulier de Sainte Geneviéve, traduite en François par Mr l’Abbé de Bellegarde. La lettre latine fut adressée à Mr le Cardinal d’Estrées, qui n’estoit alors qu’Evêque de Laon. Elle concerne les Chanoines Cardinaux, qu’on voyoit autrefois dans les Villes. La troisiéme piece est un ancien ouvrage, qu’on ne trouvoit plus que difficilement, & qui avoit paru autrefois sous le titre d’Horloge Benedictin, &c. Un Religieux de Cluny, fort versé dans ces matieres en estoit l’Auteur. Cette piece qu’on a inserée dans ce Recüeil pour la conserver, a pour titre : Explication des heures anciennes & modernes. Le Latin & le François sont en deux colonnes ; cette piece meritoit bien d’estre conservée. On peut juger par l’étenduë de ce cinquiéme volume, que les trois pieces qui le composent, doivent estre longues.

On trouve chez le même Libraire un petit livre qui a pour titre : Recit abregé des principales circonstances de la vie & de la mort de Mr de Rancé, Abbé de la Trappe, enforme d’Epitaphe. Pour estre mis en trois Tables, autour d’un Oratoire qui est sur sa tombe. Par Mre Loüis d’Aquin, Evêque de Séez. Cet ouvrage est tout rempli d’onction ; il suffit de sçavoir qu’il a esté composé par le Prelat dont il porte le nom, pour exciter la curiosité du Public.

[Mort du Père Besnier]* §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 171.

Le Pere Besnier, Jesuite, natif de Tours, mourut à Constantinople le 8. Septembre de l’année derniere. Il avoit fait il y a quelques années un Projet de la réünion des langues ; mais les Missions où il fut employé dans la Grece, empêcherent l’execution de ce dessein. Il est Auteur de la Préface des origines de la Langue Françoise, de Mr Ménage.

[Addition à l’Article de la mort de Mr le Curé de Saint Laurent] §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 224-237.

Je croy devoir ajoûter ce qui suit, à l’Article de la mort de Mr le Curé de Saint Laurent, dont je vous ai déja parlé.

Il étoit Doyen des Curez de Paris, Vicaire General de Monsieur le Cardinal de Janson, ci-devant Vicaire General de Monsieur le Cardinal de Boüillon, de feu Monsieur le Cardinal de Coislin, de Monsieur le Prince Philippe, de Mr l’Abbé de Richelieu. Il a travaillé long-temps, avec beaucoup de succés, à la conversion des Protestans. Il estoit tres sçavant, & sa doctrine estoit tres-orthodoxe. Son Convoy funebre, qui se fit à onze heures du matin, estoit composé d’un nombreux Clergé, précedé de tous les Religieux de la maison des Recolets, au nombre de plus de deux cens, & suivi de vingt-huit Curez de Paris, de beaucoup de Docteurs de la maison de Sorbonne, de plusieurs des Mrs de la maison de S. Lazare, & d’un grand nombre d’Ecclesiastiques, & des principaux Paroissiens de l’Eglise de S. Laurent.

Le deffunt estoit de la ville de Mortagne, dans la Province du Perche, d’une noble & ancienne famille. Il estoit fils de Pierre Gobillon, petit-fils de Nicolas Gobillon, Avocat du Roy à Mortagne, & de Damlle Jacqueline de Surmont, d’une des plus illustres Maisons de cette Province, par l’ancienneté de sa Noblesse, qui avoit la qualité de Chevalier il y a cinq cens ans. Rodolphe Faguer, son oncle, estoit Lieutenant General de Mortagne. Cette famille s’est toûjours distinguée tant dans l’Epée que dans la Robe.

Il laisse deux sœurs ; je vous ay déja parlé de la Cadette. De N… Gobillon, épouse de Mr de Colins, Maître d’Hôtel de S. A.R. Madame.

De N… Gobillon, l’aînée des deux, est veuve depuis peu de Mr Warin, fils du fameux Jean Warin, Controlleur general des Monnoyes de France, né à Liege, & fils de Pierre Warin, Sr de Blanchard, Gentilhomme du Comte de Rochefort, Prince Souverain de l’Empire. Jean Warin fut donné à ce Prince à l’âge d’onze à douze ans, pour estre son Page ; & son inclination naturelle l’ayant porté à dessiner, dans les temps que les exercices de monter à cheval, de faire des armes, de danser & de voltiger luy laissoient libres, il y réüssit parfaitement. Comme le dessein est un chemin à la Peinture, à la Sculpture, & à la Gravure, il se rendit également habile dans ces trois Arts ; & estant fort industrieux de son naturel, il imagina plusieurs Machines tres-ingenieuses pour monnoyer des Medailles qu’il avoit gravées. Le Roy Loüis XIII. informé de sa capacité, le fit travailler aux Monnoyes & aux Medailles. Peu de temps aprés, la Charge de Garde & Conducteur general des Monnoyes de France ayant vacqué, par la mort de René Olivier, il fut reçu dans cette Charge.

Il fit en ce temps-là le Sceau de l’Academie Françoise, qui represente le Cardinal de Richelieu, & qui est si ressemblant & travaillé avec tant d’art, que cet ouvrage a toûjours esté regardé comme un chef-d’œuvre. On le fit voir au Cardinal de Richelieu, qui en fut charmé, & qui dit publiquement, que l’homme qui avoit fait un si bel ouvrage, meritoit de ne mourir jamais.

Le Roy Louis XIII. ayant resolu de faire faire la conversion generale de toutes les especes legeres d’or & d’argent dans toute l’étenduë de son Royaume, Mr Warin fut choisi pour avoir la conduite de cette reforme, qui fut établie dans la basse Gallerie du Louvre ; & sur tout, pour faire les poinçons & les carrez de toutes les Monnoyes. À l’occasion de ces deux emplois, le Roy créa pour luy deux Charges ; l’une, de Conducteur general des Monnoyes de France ; & l’autre, de Graveur general des Poinçons de ces mêmes Monnoyes. Toutes celles qu’il a faites, ont esté d’une beauté si grande, que beaucoup de Curieux les conservent & les gardent comme des Medailles, qui ne cedent en rien aux Medailles antiques les plus estimées. On les regarda avec admiration par tout où elles se répandirent ; & les Turcs mêmes, qui ne sont pas fort sensibles aux beautez des Arts, furent si charmez des demi-Louis-d’or & des pieces de cinq sols qu’avoit fait Mr Warin, qu’ils en faisoient le plus bel ornement de leurs habits, & les y attachoient. Il fit dans le même temps des pieces de huit & de dix pistoles, qu’on peut mettre aussi au rang des plus beaux Medaillons. Toute la Monnoye qui a esté fabriquée pendant la minorité du Roy, & qui est de la même beauté que celle qui porte l’empreinte de Louis XIII. est pareillement de Mr Warin.

Il a fait toutes les Medailles qui regardent Louis XIII. celles de la Reine-Mere, Anne d’Autriche ; celles du Roy aprés sa minorité, & celles de son Sacre, ainsi que plusieurs autres à l’occasion de divers grands événemens de son regne. Il a fait les Medailles qui ont esté mises dans les fondemens du Frontispice du Louvre, de l’Observatoire, de l’Eglise du Val-de-Grace ; celles de feu S.A.R. Monsieur, Frere unique du Roy ; de feu Monsieur le Prince de Condé ; du Cardinal Mazarin ; de la Reine de Suede ; de Mr Colbert ; & de plusieurs autres personnes de distinction. Tous ces ouvrages sont tres-beaux, & font le principal ornement des Cabinets des Curieux.

Il a fait le Buste du Roy en marbre, qui se voit dans les grands Appartemens de Versailles ; & quoique cet ouvrage soit son coup d’essay en ce genre, il peut aller de pair avec plusieurs des plus beaux ouvrages de l’Antiquité. Il fit ensuite une figure de Sa Majesté, aussi en marbre, de sept à huit pieds de haut, qui ne dément point ses autres ouvrages. Il a fait aussi en bronze un, Buste du Roy, dont la beauté égale tout ce qu’il a fait.

Le même Mr Warin a fait un Buste en or, du Cardinal de Richelieu, du poids de cinquante cinq Louis d’or, qui est dans le Cabinet de Mr le President de Menars, & que l’on regarde comme une piece parfaite en ce genre.

Outre les trois Charges que l’on a dit que Mr Warin avoit euës touchant ce qui regarde les Monnoyes, il a encore esté Secretaire du Roy & Intendant des Bastimens de Sa Majesté. Il est mort à Paris au mois d’Aoust 1672. âgé de 68. ans.

Mr Gobillon laisse aussi une niece, fille d’un de ses freres, mariée à Mortagne à Mr de Tiercelin, d’une des meilleures maisons de France, & dont un des Ancestres fut fait Chevalier de l’Ordre du Saint Esprit, dans le 8e. Chapitre, tenu à Paris par Henry III. le 31. Decembre 1585. Mr de Tiercelin dont je vous parle, a un fils qui a l’honneur d’estre élevé Page de S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans. Mre N… Gobillon, Prestre, Docteur de Sorbonne, est frere de Me de Tiercelin.

Me Gobillon, Religieuse de Sainte Perrine de la Villette, est pareillement niece de feu Mr le Curé de S. Laurent ; elle est fille d’un autre de ses freres. Cette Dame n’a pas moins d’esprit, que de vertu & de merite.

[Feste celebrée par la Communauté des Peintres & Sculpteurs] §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 319-320.

Mrs de la Communauté des Arts de Peinture & Sculpture, à present connuë sous le titre d’Academie de S. Luc, ont solemnisé la Feste de S. Jean devant la Porte Latine, avec beaucoup de pompe & d’édification dans leur Chapelle, dite de S. Luc, en la Cité, prés S. Denis de la Chartre. Mr l’Abbé Ballin, Chapelain de cette Compagnie, y officia. Le P. de Mais, Cordelier & Docteur de Sorbonne, prononça un discours qui mériteroit d’estre donné au Public. L’Office fut chanté par des voix choisies de l’Eglise de Nôtre-Dame, & terminé par un Te Deum, qui fut chanté ensuite de celui de cette Cathedrale, en action de graces, pour la derniere Victoire remportée sur les Allemans par Monsieur le Duc de Vendôme.

Air nouveau §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 348-349.

Le Menuet qui suit est de la composition de Mr Charles. Cette Chanson regardant un Prince generalement aimé, on la recherche avec empressement, & on la lit avec plaisir.

AIR NOUVEAU.

L’Air, Peuples, de fleurs, pag. 348.
Peuples, de fleurs ornez vos testes,
Vendosme arrive dans ces lieux.
Il est seul digne de vos festes ;
  Et les Dieux,
Verroient les Mortels l’adorer,
  Sans murmurer.
***
Il a détourné nos tempestes :
Quel Heros est plus glorieux !
Qu’il joüisse de ses conquestes,
  Et qu’à nos yeux
Par tout on brûle un Encens dû
  À sa vertu.
***
Vendôme, Henry te sert de guide ;
Tu parois son fils en tous lieux :
Et si l’on le voit prés d’Alcide
  Dans le Cieux,
Tu seras placé par les Dieux
  Au milieu d’eux.
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[Article des Enigmes] §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 395-397.

L’Enigme du mois passé, est de Mr d’Aubicourt. Ceux qui en ont trouvé le veritable mot qui est le Pied, sont Mrs l’Avocat C*** Delzons ; Mellieret ; Ex-Official de Belley, Henry Calmet, de la Riviere-Laido ; Boullenois, Avocat au Parlement, & son cher cousin, Fourcroy ; Jacque Bourlier ; la Gresle, Organiste de S. Cloud ; l’Agreable dans les Compagnies ; l’Assemblée du jardin de S. Denys ; le Medecin des Dames, de la ruë de la Bucherie ; les deux Amans de la ruë du bout du Monde ; le Solitaire, du cul de sac de S. Landry, & un des Associez de la maison de Chaillot ; Mr de Silly ; Me la Presidente de l’Election de Chaumont & Magny ; Marie Rouviau, de Belleville, & la jeune Muse renaissante.

Je vous envoye une Enigme nouvelle ; elle est encore de Mr d’Aubicourt, auteur de celle du mois passé.

ENIGME.

Quoique souvent couverts de peau
De mouton, de chevre, ou de veau,
Surquoy quelques traits de dorures
Relevent nos plates figures ;
Ce n’est jamais sur ces brillans dehors
Que les esprits sensez fondent leur esperance :
Celui qui n’a pas d’apparence,
Vaut quelquefois mille tresors.
Riche & pauvre chez nous, soit antique ou moderne,
Qui paroist sans merite, est digne qu’on le berne.

[Fait d’armes de Mr le Marquis de Courcillon]* §

Mercure galant, mai 1706 [tome 5], p. 417-418.

Je ne puis m’empêcher de parler icy de Mr le Marquis de Courcillon, fils de Mr le Marquis de Dangeau. Ce Colonel est si peu avancé en âge, que j’ay vû plusieurs Lettres qui disent, en parlant de luy, que l’on voyoit par tout ce petit garçon ; c’est ce qui m’oblige à vous parler de lui aujourd’huy, quoique je remette au mois prochain à vous parler de ceux qui se sont distinguez. Ce jeune Marquis, a chargé trois fois les ennemis à la tête de son Regiment ; il a eu un cheval tué sous luy, & il a reçû un coup de sabre à la teste, dont il est blessé legerement ; mais il a eu le bonheur de tuer celuy qui l’a blessé, & par ce moyen d’éviter les coups qu’il estoit prest de luy porter de nouveau. Il a sauvé ses Etendards & ses Tymbales. Mr le Comte de Nill, son Lieutenant Colonel & Brigadier des Armées du Roy, a esté dangereusement blessé & fait prisonnier.