1707

Mercure galant, mars 1707 [tome 3].

2017
Source : Mercure galant, mars 1707 [tome 3].
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Mercure galant, mars 1707 [tome 3]. §

[Prelude qui merite beaucoup d’attention] §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 5-10.

Rien ne fait mieux voir l’ardeur du zele & la sincerité de l’amour que les peuples qui sont sous la domination du Roy ont pour ce Monarque, que les rejoüissances qui ont éclaté dans toutes les Provinces de France, pour la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne. Il paroist que ces peuples se sont saisis avec avidité de l’occasion de cette heureuse naissance pour faire voir la profondeur de leur amour, & leur attachement inviolable pour un Souverain qui a toujours fait l’admiration, même de toutes les Puissances jalouses de sa gloire, & qui ne luy ont fait la guerre que pour l’obscurcir & pour affoiblir sa puissance que la Politique ne leur permettoit pas de souffrir, ainsi que l’on peut connoître par quantité de leurs écrits, par des Discours prononcez chez eux, & même par leur declaration de guerre. Tous les Peuples de France, dis-je, toûjours charmez d’un Monarque aussi pieux que grand, & qui a tant fait pour l’accroissement & le maintien de la veritable Religion, & pour l’établissement de tous les Arts qui font fleurir un Etat, sans parler de mille autres choses qui font tous les jours le sujet de divers Panegyriques ; tous les peuples, dis-je encore une fois, qui se font une gloire d’obeïr à un si grand Monarque, ayant trouvé une occasion favorable de faire voir qu’ils sont toûjours les mêmes pour un Souverain si digne de leur amour, ont joint aux réjoüissances publiques dont je viens de parler, des Concerts à sa gloire, des Panegyriques, & des Poëmes. Les Vers Latins & François n’ont pas aussi esté oubliez. On a vû des Emblêmes ingenieuses, & des Devises qui marquoient parfaitement les plus belles actions de sa vie, ainsi que diverses figures allegoriques qui servoient d’ornemens à plusieurs Feux d’artifice, le tout n’ayant pour but que de representer ses vertus morales & chrestiennes. Enfin on a prononcé divers éloges de ce Monarque dans la Chaire de Verité, & il sembloit que les Peuples vouloient donner par là des marques du renouvellement de leur amour & de leur fidelité, & l’assurer que dans les conjonctures presentes, ils n’épargneroient ny leurs biens ny leur sang pour faire repentir les jaloux de sa gloire de l’avoir injustement attaqué.

[Introduction aux Articles sur les Réjouissances à l’occasion de la naissance du Duc de Bretagne]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 10-16.

Quoy que le détail des réjoüissances dont je vous ay parlé dans ma derniere Lettre, en occupe une bonne partie, celles dont j’ay à vous parler dans celle-cy, ne la rempliront pas moins, & cependant il me sera impossible de donner place à toutes ces Festes publiques, ausquelles les Ennemis de la France doivent faire attention, puisqu’elles font voir le zele & l’égalité de sentimens de tous les François pour le Monarque qui les gouverne aujourd’huy.

Vous n’estes pas du caractere de beaucoup de gens, qui aprés avoir lû une partie des Articles que l’on renferme sous un même titre, parce qu’ils traitent d’une même matiere, ne regardent pas les suivans, dont ils prétendent sçavoir le contenu, & l’avoir deviné, parce que tous ces sortes d’Articles sont sur le même sujet, & ont une même fin pour but. Cependant rien n’est plus constant que la varieté qui regne ordinairement dans ces sortes d’Articles, est tres-grande & tres-divertissante, la pluspart des genies estant differens, pensant & inventant diversement. D’ailleurs, lorsqu’il s’agit de faire une Feste, & de donner un spectacle, tous ceux qui se trouvent dans cette obligation n’ont pas dequoy faire une dépense qui réponde à leur bonne volonté, & à l’ardeur de leur zele, & comme le genie & l’invention suppléent souvent en ces sortes d’occasions, ce qu’ils imaginent de galant & de spirituel donne souvent beaucoup plus de plaisir que des Festes beaucoup plus magnifiques, & où toutes choses se trouvent avec une grande abondance. Tout cela cause une tres-grande varieté dans les Festes qui se donnent dans plusieurs Villes differentes, quoy qu’elles ayent toutes le même objet pour but, & c’est cette varieté qui fait trouver des choses nouvelles dans chacune de ces Festes, & qui fait que les Lecteurs trop vifs & trop impatiens qui parcourent seulement tous les Livres qu’ils prennent pour lire sans en lire jamais aucun, croyent sçavoir tout ce qu’ils contiennent, parce qu’ils croyent avoir le don de deviner, & qu’ils s’imaginent que parce qu’un homme a la figure d’un autre homme, il doit estre regardé de même. Les gens de ce caractere qui parlent trop décisivement dans les conversations, des choses qu’ils croyent avoir luës, se trouvent bien souvent fort embarassez, lors qu’on en cite des endroits ausquels ils devroient avoir fait attention, & dont on leur demande leur sentiment, & il se trouve par leur réponse qu’ils n’ont presque rien lû des choses qu’ils approuvent ou qu’ils condamnent avec un jugement décisif. J’ay cru, quoy qu’ennemy mortel de la Satyre, dont on ne trouve jamais aucun trait dans les Lettres que je vous adresse, à moins qu’on ne l’ait enveloppé dans quelques-uns des Articles qui me sont envoyez, sans qu’il puisse estre découvert que par ceux qui connoissent particulierement les personnes dont on parle. J’ay crû, dis-je, quoy que je ne me sois jamais fait un plaisir de chagriner personne, que je pouvois, sans passer pour Satyrique, parler en general de ceux dont je viens de vous faire voir le caractere, parce que le nombre en est grand, & que ces Mrs qui ne sont remplis que d’eux-mêmes, imposent presque toûjours à ceux qui les écoutent, & qui se croyent moins habiles qu’eux, quoy qu’ils le soient souvent beaucoup plus. Je passe aux Articles des Réjoüissances dont je dois vous faire part.

[Réjouissances faites à Tréguier]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 16-19.

La Ville de Treguier n’a pas fait voir moins d’empressement que les autres Villes de Bretagne, pour marquer la joye qu’elle ressentoit de la naissance d’un Prince à qui le Roy a donné le nom que portoient autrefois ses Souverains. Le jour que le Te Deum y fut chanté en action de graces de cette naissance, Mr des Landes, Grand Archidiacre, & Chanoine de l’Eglise de Treguier, ayant prêché, voicy ce que dit ce sçavant homme à l’occasion des Réjoüissances qui se faisoient ce jour-là par toute la Ville.

Nous sommes en ce jour occupez à benir le Ciel d’avoir comblé de joye la Famille Royale & tout le Royaume ; & c’est une joye particuliere pour une Province aussi fidelle que la Bretagne l’a toûjours esté à ses Princes, & pour un Peuple belliqueux. Mais je me trompe en disant que c’est une joye particuliere, puisque selon Cassiodore, le comble de la gloire & de l’honneur est d’estre estimé de son Prince. Quelle marque plus éclatante de distinction Sa Majesté pouvoit-elle donner à cette Province, qu’en nommant un Prince de son Sang Duc de Bretagne. Que nostre sort est heureux d’estre nez Sujets d’un Monarque qui par sa sagesse, par sa moderation, par sa grandeur d’ame, & par mille autres vertus, merite l’Empire de l’Univers. Nous reconnoissons deux Souverains, l’un celeste à qui nous devons nostre amour comme un tribut perpetuel ; l’autre terrestre, dont la puissance est une émanation de la Divinité. Nous luy devons nos biens, nostre sang, & comme les Abeilles nous luy devons tout sacrifier avec autant de zele que de plaisir.

[Réjouissances faites à Montauban]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 19-29.

Le jour qui avoit esté marqué pour faire des réjoüissances à Montauban, à l’occasion de la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, Mr le Gendre qui en est Intendant, fit des liberalitez à tous les malades & à tous les pauvres de la ville sans exception, ainsi qu’à tous les Convents de Religieux, & procura la liberté à plusieurs prisonniers. Il monta ensuite à cheval avec un grand nombre de Gentilshommes & d’Officiers qui s’étoient assemblez à Montauban, pour prendre part à cette feste. Il traversa toute la Ville & distribua dans les places publiques, beaucoup d’argent au peuple qui ne cessa point de donner des marques de sa joye & de crier vive le Roy & Monseigneur le Duc de Bretagne. Deux fontaines de vin coulerent pendant toute la journée à la porte de cet Intendant. Toute la Ville fut illuminée à l’entrée de la nuit, & l’on tira un feu d’artifice que l’on avoit dressé dans un pré sur le bord de la Riviere du Tarn, vis-à-vis du Pont.

La Maison de Mr l’Intendant, toutes celles de la Ville, du Fauxbourg, le Pont & les Isles mesme qui sont sur la Riviere, furent éclairées d’une maniere tres-singuliere, chacun ayant cherché à l’envi à donner des marques de sa joye.

Les deux costez de la Riviere étoient bordez de fusées qui tirerent pendant plus de deux heures, en se joignant en Arc-en-Ciel.

Tout cet artifice ayant cessé de tirer, on servit à l’Intendance un superbe souper sur quatre tables differentes, sur lesquelles il y avoit cent cinquante couverts pour toutes les personnes du beau sexe les plus qualifiées de la Ville, & qui furent servies par autant de Cavaliers, chacune en ayant un devant elle. Tout ce que la saison a de plus exquis & de plus nouveau, fut servi dans ce repas. Le bal succeda à ce souper. Mr le Gendre avoit fait mettre dans la plus grande salle de cet Hostel, quatre Tableaux qui estoient accompagnez des Inscriptions suivantes.

Premier Tableau.

Ce Tableau representoit le Roy ayant la Couronne sur la teste, & à ses costez Monseigneur le Dauphin, Monseigneur le Duc de Bourgogne & Monseigneur le Duc de Bretagne ; ces trois Princes avoient des Couronnes suspenduës sur leurs testes, & tenuës chacune par une main qui sortoit d’une nuë. On lisoit les vers suivans dans le mesme Tableau.

Non interrupti dat pignus amoris.
Loüis dans le Duc de Bretagne
Reçoit un gage precieux,
De la faveur des Cieux.
Qui toûjours l’accompagne,
Comblé de benedictions ;
Il voit dans sa famille auguste
Les quatre generations
Tant de fois promises au juste.

Deuxiéme Tableau.

On voyoit dans de ce Tableau Monseigneur le Duc de Bretagne vêtu en Amour, tenant à chaque main une branche d’Olivier qu’il presentoit au Roy & à Monsieur le Duc de Savoye. Deux Colonnes estoient placées aux deux costez de Monseigneur le Duc de Bretagne, avec ces deux vers.

Prælia jam cessent, vestri sim nodus amoris,
Me sine tela, volant me veniente cadant.

TRADUCTION.

Si ma naissance a pour vous quelques charmes,
Daignez-vous rendre à mes tendres souhaits,
En ma faveur quittez les armes,
Et que je sois le nœud d’une éternelle paix.

Troisiéme Tableau.

Ce Tableau faisoit voir un Fleuve appuyé tranquillement sur son Urne, & voyant grossir ses eaux à mesure qu’elles s’éloignoient de leur source, Symbole de la durée, & de l’accroissement de la Maison de Bourbon, par la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, avec ces mots tirez d’un Vers de Virgile.

Vires que acquirit eundo.

TRADUCTION.

Plus il s’éloigne de sa source,
Plus ses eaux grossissent son cours
Et dans son propre lit, il trouve la ressource
Qui le fera durer toûjours.

Quatriéme Tableau.

On y voyoit Monseigneur le Duc de Bretagne dans son Berceau, avec ces deux vers.

Invideant hostes, cœlo auspice, mascula proles
Prodiit, & proavum, te Lodoice, facit.

TRADUCTION.

Quel Roy dans l’Univers eut jamais l’avantage
De se voir Pere, Ayeul & Bisayeul,
Il n’appartient qu’à Loüis seul
D’avoir ce bonheur en partage.
Que tous vos ennemis, grand Roy, seront surpris
Et leur envie consternée,
Si nos desirs sont accomplis
Et que vous puissiez voir encore la lignée
De vostre arriere petit fils.

[Réjouissances faites à Toulon]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 29-43.

La Lettre qui suit vous apprendra les réjoüissances qui ont esté faites à Toulon.

À Toulon ce 16e Fevrier 1707.

Je crois Mr vous devoir faire part des réjoüissances qui se sont faites icy à l’occasion de la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, pour qui toute la France a fait & fait encore des vœux, & que tout le monde regarde comme un Envoyé du Ciel, pour nous apporter la Paix.

Dés que Mrs les Maire & Consuls eurent appris cette heureuse naissance, ils firent dresser un Arc de Triomphe, orné de fleurs, de verdure & de peinture, dans le milieu de l’espace qui se trouve entre l’Hostel de Ville & le Port, qui est de quarante pas de longueur, sur vingt de largeur, & dont on avoit fermé les deux avenuës, par de grands Portiques ornez de la mesme maniere, au travers desquels, l’Arc de Triomphe paroissoit en Perspective.

Au-dessus de ces Portiques, sur une plate-bande couverte de pavois semez de fleurs-de-lis, on avoit mis du costé de la ruë Bourbon les Portraits du Roy, de Monseigneur le Dauphin, & de toute la Famille Royale ; & du costé du Port, le Portrait de Monsieur l’Amiral, & les Armoiries de Mrs les Mareschaux de France, de la Marine. Au haut de chaque Portique, on avoit arboré un grand Pavillon de Vaisseau, de toile blanche, qui flotoit entre deux grands Guidons aux armes de France & de Bretagne.

Sur les Pilastres & dans les compartimens de l’Arc de Triomphe, on avoit mis des inscriptions & des devises peintes dans plusieurs cartouches ; & sous le milieu du carré, couloit une fontaine de vin à deux tuyaux.

Cette feste qui a duré trois jours, commença le Dimanche 13. À l’issuë de Vespres. Mr le Marquis de Chalmasel Commandant de la Ville, & Mrs les Maire & Consuls en chaperon, suivis du Corps de Ville & precedez des Tambours, des Fifres & des Trompettes, se rendirent à l’Eglise Cathedrale, où l’on chanta le Te Deum en Musique, Monsieur de Chalucet nostre Evesque, Officiant Pontificalement.

On avoit fait prendre les armes à cinquante hommes choisis de chacun des quatre quartiers, qui composoient quatre Compagnies, ayant les quatre Capitaines de Ville à leur teste. Ces quatre Compagnies formoient une haye le long des ruës dans lesquelles on marcha en ceremonie, jusqu’aux portes de la Cathedrale, où elles borderent la Place qui est au-devant, pendant qu’on chanta le Te Deum, & firent trois décharges de Mousqueterie, d’où on alla dans le mesme ordre jusqu’au logis de Mr de Chalmasel, & de-là à l’Hostel de Ville. Le soir à l’entrée de la nuit, on marcha encore dans le mesme ordre, jusqu’à la Place d’Armes, où les troupes de la Garnison étoient en bataille, & où Mr de Chalmasel & Mrs les Maire & Consuls allumerent le feu de joye, au bruit de trois décharges de toute l’artillerie, & des cris vive le Roy. On fit en mesme temps des feux dans toutes les ruës & des illuminations à toutes les maisons.

Le second jour, le Regent d’Humanité du College des Peres de l’Oratoire, fondé par la Ville, fit déclamer par ses Ecoliers habillez en Bergers, un tres-beau Poëme Latin, sur la Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne ; Mrs les Maire & Consuls & tout le Corps de Ville y assisterent en ceremonie.

Le troisiéme & dernier jour, ils assisterent aussi à une Harangue que le Reverend Pere Leonard, Professeur de Rhetorique au mesme College, prononça sur le mesme sujet, avec beaucoup d’éloquence & avec sa vivacité naturelle ; & le soir il fit joüer un feu d’artifice dans la cour du College qui estoit toute illuminée, ainsi que les dehors de la maison. Pendant ces trois jours on a fait les mesmes feux de joye, les mesmes illuminations & les mesmes décharges d’artillerie. La fontaine de vin a aussi coulé pendant les trois jours, & Mrs les Maire & Consuls ont fait distribuer aux pauvres, à la porte de l’Hostel de Ville, deux mille pains chaque jour.

Mr de Chalmasel pendant ces trois jours, a donné de magnifiques repas aux Dames, à Mrs les Officiers de la Marine & de la Garnison, à Mrs les Maire & Consuls & aux autres Officiers de Ville.

Mr de Brissac, Aide-Major de la Place, a fait aussi des réjoüissances en son particulier dans sa maison & dans son voisinage, avec une troupe de ses amis & beaucoup de Dames, à qui il a donné de grands repas & qui ont pendant les trois jours allumé tous ensemble un feu de joye devant sa porte au son des Tambours & des Trompettes, & au bruit de la Mousqueterie d’une troupe de ses voisins qui s’estoient mis sous les armes, pour faire honneur à sa feste.

Voicy les Inscriptions qui estoient à l’Arc de Triomphe.

I. Cartouche.

SERENISSIMO PRINCIPI recens-nato,
BRITANNIÆ DUCI
Jam nova progenies, cœlô demittitur altô.
NascentiPuero, manibus date Lilia plenis.

II. Cartouche.

Le jeune Prince, representé dans son Berceau, sous la forme d’Hercule, avec ces mots :

Jam Jove dignus.

expliquez par les Vers suivans.

Le Ciel favorable à nos vœux,
Rend Adelaïde féconde ;
Et du Sang le plus pur du monde,
Nous donne un second Fils digne de ses Ayeux.

III. Cartouche.
Devise pour le Prince.

Un Lis, avec ces mots :

Cœlesti munere.

expliquez par les Vers suivans.

Soigneux du bonheur de la France,
Et non content du don déja fait à Clovis,
Le Ciel, en faveur de Louis,
Dont il veut augmenter la gloire & la puissance,
Ajoûte à sa Couronne, encore un nouveau Lis.

IV. Cartouche.
Autre Devise.

L’Arc-en-Ciel, avec ces mots :

Dat signa & pignora Pacis.

expliquez par les Vers suivans.

Le Ciel, quoy qu’irrité justement contre nous,
Sensible à nos soupirs, calme enfin son courroux.
Cet Arc brillant en est une marque assurée,
Et nous promet la Paix si long-temps desirée.

V. Cartouche.
Sous le Portrait du Roy.

Nous mettons en nos jours toute nostre esperance.
Vivez long-temps, Grand Roy, vivez pour enseigner,
Aux Heros destinez à gouverner la France,
L’Art de combatre & de regner.

VI. Cartouche.
Sur la Fontaine de Vin.

Amis, dans ce jour fortuné,
Chantons, rions, vuidons le verre,
Buvons à la santé du Prince nouveau-né.
Il vient pour appaiser les troubles de la terre,
Et fait déja couler de bon vin à longs traits.
Que l’Allemagne & l’Angleterre
Veüillent ou la Guerre ou la Paix ;
Buvons, puis nous ferons ou la Paix ou la Guerre.

Ces Vers ont esté faits par Mr Trotebas, Avocat-Secretaire de la Ville de Toulon.

Je suis, Mr, vostre, &c.

[Réjouissances faites au Collège de Vendosme]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 44-47.

Le College de Vendosme, regi par des Prestres de l’Oratoire, ayant voulu à l’exemple de la Ville, donner des marques de sa joye pour la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne. Les écoliers furent divisez en quatre Compagnies militaires, dont les Officiers aussi bien que les Soldats, avoient esté si bien instruits qu’ils s’acquiterent en vieux Soldats de toutes leurs fonctions. La Feste commença par une Pastorale qui fut representée sur un tres-beau Theatre. Cette Pastorale qui expliquoit le sujet de la Feste, estoit accompagnée de plusieurs concerts de Musique à la loüange du Prince naissant, & de vœux pour la conservation du Roy, & pour celle du jeune Prince. La piece finie on passa à l’Eglise, qui estoit parée de ses plus beaux ornemens. Le Te Deum y fut chanté en musique, de la composition d’un tres-habile maître. Aprés cette action de pieté, les Compagnies militaires des Ecoliers, qui y avoient assisté en tres-bon ordre, suivies de la Communauté des Prestres de l’Oratoire en habit de Chœur, se rendirent autour du feu de joye, preparé dans la grande cour. Il fut allumé au milieu des acclamations de Vive le Roy, & d’une foule extraordinaire de peuples de la Province, que cette ceremonie avoit assemblez. On vit en mesme temps paroistre une grande illumination dans les deux corps de logis du haut en bas ; & l’on fit plusieurs salves de Mousqueterie, qui furent suivies d’acclamations redoublées. L’empressement que le peuple avoit de prendre part à la joye publique, fut si violent que comme on gardoit avec beaucoup de soin les portes pour empêcher la confusion, il perça les murailles afin d’avoir une libre entrée. Les Ecoliers parurent sous les armes durant trois jours, pendant lesquels ils continuérent à donner des marques de leur joye.

[Réjouissances faites à Noyon]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 47-72.

Voicy ce qui s’est passé à Noyon touchant les Réjoüissances faites sur le même sujet.

Les Capitaine, Officiers & Chevaliers du noble Jeu de l’Arc de cette Ville-là, qui se sont distinguez en de pareilles occasions, n’ont pas manqué de se signaler en celle-cy, puis qu’aussi-tost que cette agréable nouvelle y fut annoncée, le Capitaine fit avertir les autres Officiers & tous les Chevaliers de se rendre en épée à l’Hostel du Jardin, où la Compagnie s’assembla, & resolut unanimement de faire chanter le Te Deum, en actions de graces de ce nouveau don du Ciel, & sur l’heure cette Compagnie marchant en ordre Tambours battans, & Enseigne déployée, les Capitaine, & Lieutenant à la teste, se rendit à l’Eglise de Sainte Godeberthe, Paroisse du Jardin où elle fit chanter le Te Deum, & les autres Prieres pour le Roy & pour la Maison Royale.

Ensuite la Compagnie estant revenuë dans le même ordre à l’Hostel, elle passa le reste de la journée & une bonne partie de la nuit à celebrer cette Feste, où la santé du Roy fut bûë à plusieurs reprises.

Les illuminations, que le Capitaine avoit ordonnées, parurent pendant le soupé sur la porte de l’Hôtel, aux fenestres, & sur toutes les murailles du Jardin, & durérent bien avant dans la nuit, tandis que les Tambours de la Compagnie battoient à la porte pour avertir le peuple de venir boire à la santé de Sa Majesté, & le vin fut abondamment répandu à tous les survenans. Mais la Compagnie voulant donner de plus grandes marques de son zele & de la joye qu’elle ressent de la naissance de ce nouveau Prince, ne se contenta pas de cette premiere Feste, & avant de se séparer elle convint d’en faire une seconde, qu’elle indiqua pour le 2e du mois de Février ; ce qui fut executé de la maniere qui suit.

Elle fit orner la grande porte de l’Hostel du Jardin, de festons, de guirlandes, de palmes, & de lauriers ; au milieu desquels & dans le frontispice, estoient placées les armes du Roy, & parmy ces festons & ces guirlandes, on lisoit l’inscription suivante, en quatre endroits differens.

Renovata Gaudia.

On avoit élevé au bout de la ruë du Jardin, & dans toute sa largeur, un Arc de Triomphe de trente pieds de haut à trois portiques, accompagnez de colonnes, de piédestaux, & de tous les ornemens qui leur conviennent ; le portique du milieu estoit fermé.

Le Portrait du Roy fut placé au haut du frontispice, avec cette inscription.

Regi Proavo
In quo Deus effecit nequid desideretur.

Au costé droit estoit dans un Cartouche.

Generatio rectorum benedicetur.

Et au costé gauche, cette autre inscription :

Ut videas filios filiorum tuorum.

À un pied au dessous du Portrait du Roy, on avoit aussi placé le Portrait de Monseigneur le Dauphin à la droite, & celuy de Monseigneur le Duc de Bourgogne à la gauche, avec cette inscription.

Deliciæ Patris, et firmamentum Regni.

On voyoit plus bas un Tableau qui representoit Monseigneur le Duc de Bretagne dans un lit de parade, posé dans le fond du portique fermé, & dans un grand Cartouche au dessous estoit écrit :

Venite et videte opera
Domini.
Reviviscit
Nomen ejus est Dux
Britanniæ
Vivat.
Iterum Deus dedit Regum
Maximo
Pronepotem
Probis hæc debita merces
Regibus
Lætemini Equites, lætentur
Cives, et omnes dicant
Vivat Rex Proavus.
Vivant Avus et Pater.
Vivat et Filius :

Et entre les deux pié-d'estaux du Portique on lisoit :

Hoc Equites Ludi Nobilis Arcus Civitatis Noviomensis, in felici Nativitate D.D.D. Ducis Britannorum, Monumentum posuere.

On prepara ensuite les choses necessaires pour les illuminations, tant le long de la corniche de l’Arc Triomphal que sur le fronton, au milieu duquel & sur les deux bouts, furent placez trois grands vases remplis de matieres combustibles.

On disposa aussi des illuminations sur le frontispice de la porte de l’Hostel, & sur les corniches, sur les fenestres de l’Hostel, sur les murailles du Jardin, & même sur les murailles des deux costez de la ruë.

À costé de la porte le Capitaine fit faire une fontaine pour distribuer le vin qu’il vouloit donner au peuple.

Ensuite on fit dresser dans la place voisine du Jardin, un feu de bois, dans le milieu duquel on plaça une colonne de trente pieds de haut, sur le chapiteau de laquelle on avoit posé une Renommée prête à sonner de sa Trompette, dont la banderole contenoit ces mots :

Iterum dico gaudete.

Il y avoit sous les pieds de cette Renommée des feux d’artifice qui devoient faire leur effet à mesure que le feu de bois s’allumeroit.

On avoit aussi fait conduire dans la place du Jardin six pieces de petit canon.

Tout se trouvant en cet estat, les Capitaine, Officiers & Chevaliers s’estant rendus en armes à l’Hostel, deux autres Compagnies des Chevaliers des Jardins de l’Arc qui sont dans les Fauxbourgs de la Ville, & qui sont soumises à celle du Jardin, s’y rendirent pareillement suivant l’ordre qui leur en avoit été donné.

À six heures precises, la Compagnie en armes sortit du Jardin à la clarté des flambeaux, Tambours battans, Enseigne déployée, les Capitaine & Lieutenant à la teste, & precedée de Violons & de Hautbois, se rendit en l’Eglise de Sainte Godeberthe avec les deux Compagnies des Fauxbourgs qui marchoient dans le mesme ordre ; & aprés avoir mis les armes bas à la porte, elles assisterent au Te Deum qui fut chanté en Musique, & aux Prieres pour le Roy & pour Messeigneurs les Princes ; Aprés quoy ces trois Compagnies sortirent dans le mesme ordre, reprirent leurs armes aprés avoir fait le tour de la place où estoit le feu de bois. Le Capitaine & le Lieutenant de la premiere Compagnie allumerent ce feu qui ayant fait prendre les feux d’artifice, fit un tres-agreable effet.

Tous les Chevaliers de ces Compagnies firent alors plusieurs décharges de Mousqueterie qui furent suivies de celles du canon, ce qui se fit avec des cris & des acclamations redoublées de vive le Roy par tous les Officiers, Chevaliers & habitans de la Ville qui estoient presens.

La Compagnie retourna ensuite dans le mesme ordre au Jardin, suivie des deux autres ; & comme toute la ruë estoit pour lors illuminée aussi-bien que l’Arc Triomphal, on apercevoit cet Arc du haut de la ruë & les Portraits du Roy & de Messeigneurs les Princes, avec les Inscriptions dans une perspective la plus agréable du monde, & tous les Chevaliers firent devant l’Arc Triomphal plusieurs décharges de Mousqueterie.

Aussi-tost que les Compagnies furent rentrées dans le Jardin, on regala d’une collation les Compagnies des Fauxbourgs qui se retirerent ensuite à la reserve de leurs Officiers qui resterent au soupé que la premiere Compagnie donna, dans lequel on passa la meilleure partie de la nuit, pendant laquelle on but plusieurs fois à la santé du Roy au son des Violons & des Hautbois, & au bruit des Tambours & de plusieurs décharges du canon qu’on avoit fait conduire dans le Jardin.

On fit couler pendant le soupé la fontaine de vin que le Capitaine donnoit au peuple, qui venoit le recevoir & qui redoubloit continuellement ses cris de vive le Roy avec la plus grande allegresse du monde.

Enfin le Capitaine & les autres Officiers furent reconduits chez eux, & les collations qu’ils donnerent aux Chevaliers, firent continuer jusqu’au lendemain, cette agréable feste.

Ils ne s’estoient pas moins distinguez à la Naissance de feu Monseigneur le Duc de Bretagne ; & le Roy en ayant marqué beaucoup de satisfaction & ayant fait connoistre qu’il estoit tres-content du zele qu’ils faisoient paroistre dans toutes les occasions où ils avoient lieu de le faire éclater, Sa Majesté receut favorablement un Placet par lequel ils luy demanderent la grace de l’exemption de la taille & du logement des gens de guerre, qui leur fut accordée pour celuy des Officiers ou Chevaliers qui abatteroit l’oiseau que la Compagnie tire chaque année le premier jour de May. Mr de Vaulx, Capitaine de la Compagnie, qui avoit dressé le Placet, dit dans une assemblée que la mesme Compagnie tint aprés avoir obtenu du Roy la grace qu’elle luy avoit demandée, que quoyque les faveurs d’un si grand Prince fussent au-delà de toute reconnoissance, comme elles estoient toûjours au-dessus du merite des Sujets, néanmoins il estimoit que la Compagnie devoit dans cette occasion marquer son zele, & qu’il estoit persuadé que Messieurs les Officiers & Chevaliers concoureroient avec luy unanimement à l’execution du projet qu’il avoit dressé, & qu’il leur presentoit, de ce que la Compagnie & ceux qui y entreroient à l’avenir, devoient faire pour ne perdre jamais de vûë un si grand bienfait.

Sur quoy la Compagnie aprés avoir examiné ce Projet, l’approuva d’une commune voix & avec la plus grande joye, & en consequence resolut qu’à l’avenir & à perpetuité elle feroit dire & celebrer en l’Eglise de Sainte Godeberthe, Paroisse du Jardin, le premier jour de May de chaque année, une Messe solemnelle & en Musique, avec le Te Deum, l’Exaudiat, le Domine salvum fac Regem & les Oraisons ordinaires, tant pour remercier Dieu de la conservation de la tres-precieuse & sacrée Personne de Sa Majesté, de laquelle dependoit le bonheur de la France, que pour luy demander la continuation & la durée de ses jours comblez de merite, d’honneurs & de gloire qui ne devroient jamais finir, & qui devoient au moins participer à l’immortalité de ses actions glorieuses.

Comme aussi qu’aux deux Services de la Feste de la tres-Sainte Trinité & de Saint Sebastien, que la Compagnie fait dire & celebrer tous les ans en la mesme Paroisse, les mesmes Prieres pour le Roy seroient ajoûtées & chantées.

La Compagnie pria le Capitaine & les Officiers de traiter & passer Contrat de cette Fondation avec Mrs les Curé, Marguillers & Paroissiens de la même Paroisse, pour tels prix, charges & conditions qu’ils aviseroient conformément au present Acte, leur donnant à cet effet tout pouvoir.

La Compagnie resolut de plus que le premier May de chaque année tous les Officiers & Chevaliers seroient tenus de se trouver au Jardin avec l’épée au costé à neuf heures precises du matin ; que pour cet effet ils seroient avertis par les Tambours de la Compagnie qui battroient le premier coup à sept heures du matin, & le second à huit heures, pour faire marcher la Compagnie en ordre, Enseigne déployée & Tambours battans, jusqu’à la Porte de l’Eglise où les Officiers & Chevaliers entreroient en leur rang & assisteroient à la Messe & aux Prieres, à peine d’amende contre chacun de ceux qui y manqueroient, laquelle amende ne pourroit estre remise ni moderée que pour cause de maladie ou d’absence au moins de huit jours, en sorte qu’il ne seroit pas permis de s’absenter dans le cours desdits huit jours.

Et afin que cette Fondation ne fut pas interrompuë, & qu’elle durast à perpetuité, tous les Officiers & Chevaliers s’obligeroient par serment de l’entretenir, ce qu’ils firent à l’instant ; & la Compagnie ordonna que les deniers necessaires pour l’entretien annuel de ladite Fondation, seroient levez comme taxe ordinaire du Jardin sur les Officiers & Chevaliers, qui ne recevroient aucun nouveau Chevalier sans luy faire prester pareil serment, à peine de nullité de sa Reception, & qu’au serment que le Chevalier preste le jour de sa Reception, on ajoûteroit.

Vous promettez aussi d’entretenir la Fondation que la Compagnie a faite d’une Messe solemnelle & des Prieres pour le Roy.

[Réjouissances faites à Toulouse]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 72-99.

Vous trouverez un autre vœu dans la Relation suivante. J’ay cru n’y devoir rien changer, & je vous l’envoye dans le mesme stile qu’elle a esté faite. J’ajoûteray seulement que tout le monde convient de ce que l’on y dit de Mr le President de Nupces.

RELATION
De ce qui a esté fait dans la Devote & Royale Chapelle de Mrs les Penitens Bleus de Toulouse, pour la Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne.

La Ville de Toulouse a de tout temps produit des hommes qui se sont distinguez par leur merite & par leur fidelité en tout ce qui regarde le service du Roy ; mais on peut dire à sa gloire que ceux qu’on y voit de nos jours, ne cedent en rien à ceux qui les ont precedez.

Mr de Nupces, President à Mortier au Parlement de cette Ville, vient d’en donner des preuves singulieres ; cet illustre Magistrat n’eut pas plutost pris part aux Réjoüissances publiques qu’on y fit pour l’heureuse naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, qu’il resolut à son tour de faire éclater sa joye, & de faire rendre au Ciel des actions de graces particulieres de ce bien-fait inestimable qu’il a répandu sur la France.

L’occasion ne pouvoit estre plus favorable à son zele ny à sa pieté ; il venoit d’estre élû Prieur de la Royale Confrerie des Penitens Bleus, qui a l’honneur d’avoir dans ses Registres le nom de Louis le Grand, ce nom si aimé de ses Sujets, si respecté dans l’Univers, & que la gloire a marqué par tant de traits immortels, de même que les noms augustes de Monseigneur le Duc de Bourgogne & de Monseigneur le Duc de Berry.

Il proposa d’abord à cette Compagnie de faire celebrer dans leur Chapelle une Feste de trois jours, avec l’Exposition du Saint Sacrement, & de s’engager par un vœu solemnel à reciter à genoux tous les Vendredis durant dix années, cinq fois le Pater & cinq fois l’Ave Maria, pour la conservation du Prince nouveau-né, & pour la prosperité de toute la Famille Royale ; cette pieuse resolution fut unanimement approuvée de tous les Confreres, & on choisit le Dimanche sixiéme de Fevrier pour commencer ces Prieres. Mr l’Archevêque de Toulouse fut prié d’en permettre l’execution, ce Prelat zelé comme Confrere & ancien Prieur, voulut en faire l’ouverture, il se rendit dans la Chapelle à dix heures du matin, qu’on avoit pris soin d’orner magnifiquement pour y celebrer la Messe qui fut chantée par une excellente Musique. Les Confreres revestus de leur Sac de penitence, y assisterent avec beaucoup de devotion ; plusieurs d’entr’eux y communierent dans le même esprit qui servoit d’objet à cette Feste. Le Corps de Ville, des Personnes du premier rang & de tout sexe, voulurent s’y trouver, & il fut aisé de remarquer par l’attention que chacun apporta à cette Ceremonie, que c’estoit moins la curiosité qui les avoit attirez en ce lieu, que la religion & un amour tendre & respectueux pour le Prince.

À la fin de la Messe Mr l’Archevêque revestu de ses Habits Pontificaux, reçut le Vœu que la Compagnie avoit déliberé de faire. Il fut prononcé par Mr le Prieur à la face des Autels, & accompagné du Te Deum en Musique, dont la composition estoit nouvelle, & qui fut trouvée de tres-bon goust.

L’apresmidy du même jour, les Vespres furent chantées solemnellement par les Confreres, & on y donna la Benediction du Saint Sacrement. On continua cette Feste les deux jours suivans, par l’Exposition du Saint Sacrement, & par un grand nombre de Messes qu’on fit dire dans la Chapelle ; tous les Confreres animez par l’exemple de Mr le Prieur, donnerent des marques d’une pieté singuliere, par leur assiduité à tous les Offices qu’on y celebra.

La Feste fut terminée le dernier jour par une Procession solemnelle, l’ordre, le chant, les habits, la modestie, tout en fut tres-édifiant. On fit la premiere Station dans l’Eglise Metropolitaine de Saint Estienne ; la seconde dans l’Eglise de la Maison Professe des Peres Jesuites, dediée à S. Louis ; & la troisiéme dans l’Eglise Abbatiale de Saint Cernin, où reposent les sacrez déposts des Reliques d’un grand nombre de Saints qu’on invoqua avec beaucoup de ferveur pour la prosperité du Roy & de toute la Famille Royale. Au retour de la Procession, aprés avoir recité à voix haute cinq Pater & cinq Ave, & un Motet qui fut chanté par de tres-belles voix, on finit cette Feste par la Benediction du Saint Sacrement.

La joye de ce digne Prieur ne se borna pas seulement à ces œuvres pieuses, il en fit ressentir aux pauvres de doux effets par les aumônes qu’il leur fit distribuer, & il voulut la communiquer au public par des feux, des illuminations, & des décharges de mousqueterie, qui durerent pendant trois jours.

Ce n’est pas la seule occasion où Mr le President Nupces s’est distingué.

On ne peut rappeller le souvenir de la tenuë de la Chambre des Vaccations, dont il a esté chargé deux années de suite, sans donner des applaudissemens à la vigilance qu’il y fit paroistre pour les interests de la Religion, & pour ceux du Roy & de l’Etat.

Les discours qu’il prononça aux ouvertures du Parlement de 1705 & de 1706. devant cette sçavante Cour, n’exprimoient pas moins les sentimens fidelles de son cœur pour Sa Majesté, qu’ils faisoient briller son éloquence & les rares talens de son esprit. Son merite est generalement reconnu ; il est aimé & estimé ; aussi est-il universel & accomply dans un âge où l’esprit de beaucoup d’autres commence à se perfectionner. Son habileté à traiter les affaires les plus difficiles, l’integrité de ses Jugemens, l’étenduë de ses lumieres, & son caractere poly, obligeant, affable, & desinteressé, luy ont acquis la confiance des personnes les plus considerables, & l’amour de tout le peuple ; chacun le demande pour Arbitre de ses differens, & il se prête genereusement à tous par le seul plaisir qu’il trouve à faire regner la Paix.

La joye qui a paru à Toulouse à l’occasion de la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, y a éclaté de plus d’une maniere. Le 8. du mois dernier, le Pere Dardene, Prestre de la Doctrine Chrestienne ; Professeur de Rhetorique dans le College de Toulouse, y prononça un Discours Latin sur la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, où il renferma tout ce qui peut faire esperer à la France une felicité durable.

Son Exorde fut remply de vivacité & d’éloquence. Il fit voir ce que la France auroit dû apprehender dans la situation où ses affaires se sont trouvées, si le plus sage de nos Rois n’avoit desarmé le Dieu vengeur par sa pieté toûjours constante ; ce qui rassura ses Auditeurs, aussi bien que ce qu’il leur dit sur la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, dont il leur parla comme d’un gage assuré de la nouvelle alliance que Dieu faisoit avec nous : & sur des presages que l’avenir ne démentira point, il dit que ce Prince estoit né pour estre un autre appuy de la Religion, pour donner un nouveau lustre à la Maison des Bourbons, & pour assurer la felicité des peuples.

Aprés avoir parlé dans sa premiere Partie des rares talens que Dieu se plaist à répandre sur les Princes, il ajoûta que Monseigneur le Duc de Bretagne estoit né dans une Cour où la pieté triomphe de l’orgueil, se porteroit à la vertu par la force de l’exemple. Et voulant laisser aux autres le soin de representer à ce Prince, tout ce qui a fait donner à Louis l’auguste surnom de Grand, il fit en racourci le portrait de toutes les actions de valeur, de sagesse, de moderation, & de constance, qui ont forcé l’envie même à le reconnoistre pour le plus grand Roy de l’Univers. Cet Orateur se bornant ensuite à caracteriser le zele qui a fait soûtenir à ce Monarque la Religion de ses Peres, il invita Monseigneur le Duc de Bretagne à se hâter de croistre, afin de voir de toutes parts l’heresie expirante ou étouffée sous les debris de ses Temples. Il anima ces tristes ruines, & se servit heureusement de leur voix, pour parler au nouveau Prince des heretiques déconcertez & descendus des hauts rangs où le crime qui les y avoit élevez, auroit voulu les soutenir ; il n’oublia pas de faire voir que ce Heros plein de bonté, les avoit traitez avec douceur, lorsqu’ils estoient revenus avec sincerité de leur funeste aveuglement. Aprés ces peintures animées, il fit connoistre par des comparaisons vives & naturelles, que Monseigneur le Duc de Bretagne ne degenereroit pas de la vertu de ses Ayeux, que l’Eglise occupée à faire retentir les voûtes de ses Temples d’actions de graces immortelles, obtiendroit par ses vœux ardens, que le Ciel prit soin luy-même de former ce Prince, pour le presenter un jour à l’Univers, comme un autre zelé Deffenseur de la Religion.

Cet Orateur parla en commençant sa seconde Partie, du desir naturel à tous les Princes, de laisser aprés eux une posterité nombreuse, pour s’assurer une espece d’immortalité sur la terre. Il fit voir ensuite que Louis seul avoit déja vû l’effet de la promesse, que Dieu avoit faite aux Rois les plus chers à ses yeux, de leur faire voir leurs enfans jusqu’à la quatriéme generation. Les Auditeurs estoient entraînez par les Portraits qu’il faisoit des rares vertus de Louis le Grand, lorsqu’il pria le Dieu des Armées d’arrester quelque temps le cours de nos rapides Conquestes, parce qu’il manquoit à nostre Prince toûjours heureux, l’occasion de montrer à toute la terre son égalité d’ame, & sa constance dans les revers de la Fortune. Il ajoûta, qu’avec ce nouveau trait de grandeur, il seroit dans tout l’avenir le modele des Rois. Déja les cœurs s’attendrissoient au souvenir que l’Orateur retraça de la mort precipitée du premier Duc de Bretagne, lors qu’il fit voir le rapport qui se trouvoit entre Louis & Abraham. Il prouva que ce grand Prince, animé de la même foy, esperoit sans s’ébranler de voir sortir des cendres de ce défunt Duc une posterité nombreuse. Le Pere Dardene dit ensuite que Dieu qui voyoit avec complaisance la moderation & la sagesse de ce Heros, qu’il ne frappoit que pour le former selon son cœur, luy avoit rendu son Petit-fils, pour laisser un monument éternel de ses vertus éclatantes. Il tomba fort à propos sur les loüanges de Monseigneur le Duc de Bourgogne, de Madame la Duchesse de Bourgogne, & de Monseigneur le Duc de Berry. Ces éloges ménagez avec délicatesse avoient tant de rapport à son sujet, qu’il ne resta plus qu’à faire voir pour le bonheur de la France, que Monseigneur le Duc de Bretagne heriteroit de leurs vertus.

Cet Orateur fit voir dans sa troisiéme Partie des motifs d’une solide joye, & que le plus grand bonheur des peuples consistant à vivre dans un Etat Monarchique, & à reconnoistre des Rois élevez sur le Trône par le droit de la naissance, les François avoient dequoy s’applaudir de voir l’heureux accroissement de l’illustre Maison des Bourbons. L’Orateur parla de Monseigneur le Duc de Bretagne, comme d’un Heros naissant, qui faisoit trembler dés son berceau les rivaux de nostre gloire : il ajoûta qu’il triompheroit comme Josué, tandis que son frere comme un autre Moise, imploreroit pour nous dans le Ciel le Dieu des Armées. Mais il s’attacha sur tout à faire voir, que descendu de tant d’Ayeux ; qu’on a toûjours vûs preferer la Paix aux fruits de la Victoire, il forceroit nos ennemis à demander cette heureuse Paix, & à revenir de cet aveuglement qui leur fait mépriser leurs maux veritables, pour suivre de vaines esperances. Aprés avoir ainsi flatté l’espoir de ses Auditeurs, il adressa son discours à Monseigneur le Duc de Bretagne, & luy dit de commencer à s’applaudir d’estre né dans un siecle, qui luy préparoit de si grands spectacles. Qu’il y admireroit un Heros Grand dans la prosperité, & plus grand encore dans l’adversité. Qu’il y verroit un Dauphin, qui prefere l’amour des peuples à l’éclat de la Couronne ; un Pere qui creusant dans l’Antiquité la plus reculée, ny trouve rien de si grand que son ayeul ; une Mere qui par la vivacité & par la délicatesse de son genie, s’attire l’amour du plus grand des Rois, & la veneration des peuples ; & un Oncle que les graces accompagnent toûjours. Il parcourut ensuite tout ce qu’il pourroit voir de merveilleux dans la seconde Ville de ce Royaume florissant, & il finit en faisant des vœux au Ciel pour ce Prince, & pour toute la Maison Royale.

Ce discours fut prononcé dans la grande salle du College, qui estoit tenduë d’une tres-belle tapisserie. Tous les Portraits de la Cour estoient rangez sur la frise, & la galerie qui regne sur le haut de la salle, estoit tenduë d’une verdure, ce qui produisoit un agréable effet. L’Assemblée fut tres-illustre. Mr le President Riquet toujours zelé pour tout ce qui regarde la gloire du Roy, & les interests de la Religion & de l’Etat, s’y trouva à la teste du Parlement, Mrs les Tresoriers, Mrs de l’Université & tous les autres Corps de la Ville s’y trouverent aussi. Le concours de la Noblesse y fut si grand, que quoyque cette Salle ait prés de vingt toises de longueur, il fut impossible de placer tout le monde ; & chacun se retira tres-satisfait de l’éloquence du Pere Dardene, de la delicatesse de ses pensées, de la pureté & de l’energie de ses expressions, & sur tout de la bonne grace avec laquelle il avoit prononcé son discours.

Le Vers Latin que vous allez lire a esté fait pour mettre au bas du Portrait du Prince nouveau-né.

Dux cum luce oritur, Dux edet lucida facta.

TRADUCTION.

Il naist avec le jour, ses faits seront brillans.

Le temps de la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne au commencement du mois de Janvier, a donné lieu aux Vers suivans.

Pro Britanniæ Duce in Januario nato.

Dux aperit Jani mensem det claudere Templum
Noctem Aurora fugat, spectet ut ora Ducis.

IMITATION.

Avec le Duc de Bretagne
Delices du nouvel an,
Qu’au lieu de Mars en campagne,
La Paix comble de biens la Terre & l’Ocean.
L’Aurore impatiente usant de sa puissance,
Chasse la nuit pour voir du Prince la naissance.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 111-113.Bien que le Mercure ne donne pas le nom du poète, il est possible que le compositeur soit aussi l'auteur du poème. M. de Maiz est en effet l'auteur des vers et de la musique des airs du Mercure de février 1705, Mercure de septembre 1705, et du Mercure de février 1706.

Je vous envoye un Air nouveau de Mr Metz de la Fléche en Anjou, dont les paroles vous feront connoistre que les François sont toûjours animez d’un veritable zele ; & quoyqu’ils ayent continué d’en donner des marques dans toutes les réjoüissances qui se sont faites pour la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, ils ne laissent pas d’en donner tous les jours de nouvelles, selon les occasions qui s’en presentent.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Ecoute-nous Seigneur, doit regarder la p. 112.
Ecoute-nous Seigneur, répons à nostre zele
En faveur de Loüis, ton serviteur fidelle.
Aux besoins de son peuple, accorde ton secours ;
Conserve ce grand Roy que ta bonté nous donne,
Et que tout ce qui peut ébranler sa Couronne,
Jamais de son bonheur n’interrompe le cours.
Qu’il regne dans les cœurs, qu’il regne sur la Terre
Grand dans la Paix, grand dans la Guerre :
Qu’il soit par tout comblé d’honneurs :
Qu’il regne dans les cœurs
  Qu’il regne sur la Terre.
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[Mort de Louis Cousin, de l’Academie Françoise]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 279-281.

Mre Loüis Cousin ancien President en la Cour des Monnoyes, & l’un de Quarante de l’Academie Françoise, est mort dans un âge tres-avancé. Son Testament fait voir des marques de sa pieté & de l’amour qu’il a toûjours eu pour les sciences. Il a donné sa Bibliotheque composée de prés de dix mille volumes à Messieurs de S. Victor pour l’unir à la leur, afin que parce moyen elle fut utile au public. Il a donné outre cela une somme de vingt mille livres à cette Abbaïe, pour les Religieux de laquelle il avoit une affection particuliere. Il a fondé six bourses dans les Colleges de Navarre & de Beauvais, & il a donné trente mille livres pour cette fondation & quarante mille livres à un particulier qui luy estoit fort attaché, & qui avoit soin de ses affaires domestiques. Il a fait aussi plusieurs legs pieux. Il a fait Executeur de son Testament Mr l’Abbé Mingui Chanoine de Nostre-Dame & Conseiller au Parlement, qui estoit son ami particulier. Mr le President Cousin a donné beaucoup d’ouvrages au public. Il a traduit tous les ouvrages d’Eusebe de Cesarée, du Grec en Latin. Il a donné au public l’Histoire Bizantine qui est un corps d’ouvrage tres-considerable, & une traduction de l’Histoire Romaine. Il a aussi fait pendant plusieurs années le Journal des Sçavans, & il y a travaillé seul jusqu’en 1700. que Mr l’Abbé Bignon donna une autre forme à cet ouvrage.

Il avoit vendu peu avant sa mort, sa Charge de President à la Cour des Monnoyes, à Mr Gaifier Auditeur des Comptes, qui a esté receu dans cette Compagnie avec beaucoup d’agrément, tant à cause de son merite personnel que de la probité qu’il a fait paroistre & de son application au travail dans les Charges qu’il a exercées avant que d’acheter celle de Mr le President Cousin.

[Divertissemens du Carnaval] §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 318-325.

Le carnaval s’est passé à Marly d’une maniere digne de la Cour d’un grand & sage Monarque. Le Jeudy le Roy fit la reveuë des Regimens des Gardes Françoises & Suisses, dont les Compagnies qui parurent fort lestes, se trouverent completes. Ceux qui furent témoins de cette revûë dirent qu’elles n’avoient jamais esté plus belles.

Il y eut un grand Bal le Vendredy où la Cour d’Angleterre se trouva. Sa Majesté Britannique, & Madame la Princesse sa sœur danserent à ce Bal, avec une grace sans pareille, & qui accompagne toutes leurs actions. Les Masques ne furent point reçus à ce Bal, non plus qu’à ceux du Dimanche & du Mardy. La Cour y brilla beaucoup, & la sagesse du Souverain qui les donnoit fut d’autant plus admirée, que la joye sage & moderée qui parut dans ces Bals, fut un effet de sa prudence & de sa précaution.

On chassa le Cerf, & l’on joüa pendant les autres jours du Carnaval.

Le 15. Sa Majesté, accompagnée de Messeigneurs les Princes & d’un grand nombre de Dames, prit le divertissement de la Chasse du Vol, dans la Plaine de Villepreux, Sa Majesté joüissant toûjours d’une santé tres-parfaite.

Le Carnaval s’est passé à Seaux avec la magnificence ordinaire, & les Bals y ont esté ouverts à tous les Masques le Dimanche & le Mardy. Comme l’on est assuré d’y voir une brillante & nombreuse assemblée, & d’y trouver toutes sortes de rafraîchissemens, pour ne pas dire davantage, le Prince & la Princesse qui font les honneurs de cette delicieuse Maison, estant toûjours galans & magnifiques, & ne se lassant point d’en donner des marques éclatantes, on ne doit pas s’étonner si l’Assemblée y est toûjours nombreuse. Elle n’a jamais esté plus grande que cette année, & le chemin de Paris jusqu’à Seaux y a toûjours esté pendant toute la nuit également remply de carosses. Le nombre de ceux qui estoient aux environs du Chasteau estoit si prodigieux, qu’il auroit esté absolument impossible de les compter à ceux qui auroient voulu l’entreprendre. La pluspart de ces Carosses ayant repris le chemin de Paris depuis le milieu de la nuit jusqu’au matin, on fut surpris d’en voir arriver autant d’autres qui remplirent les places de ceux qui les avoient occupées pendant toute la nuit ; ces Carosses qui arrivoient appartenoient aux Masques qui remplissoient encore l’Assemblée, & qui ne voulant s’en retourner qu’au jour, avoient pris la précaution de renvoyer leurs carosses à Paris, avec ordre de ne revenir que le matin. La confusion auroit esté grande en arrivant à Seaux, & le desordre s’y seroit sans doute mis, si l’on n’avoit pas eu la precaution de faire éclairer les dehors du Chasteau, les Cours & les Escaliers, par un grand nombre de falots & d’autres lumieres, de maniere que ces lumieres aidoient à trouver tous les lieux que l’on cherchoit, & faisoient éclater le brillant amas de tous les habits des Masques, dont la varieté des couleurs aussi-bien que la richesse, produisoit un si merveilleux effet qu’il est plus aisé de se l’imaginer que d’en donner une parfaite idée. Des ordres si bien & si judicieusement donnez pour le dehors, doivent vous faire juger que rien ne manquoit au dedans de tout ce qui pouvoit faire goûter à l’Assemblée, sans incommodité, les plaisirs qui l’y avoient attirée. En effet, rien n’y manqua pendant toute la nuit, & aprés que les Masques eurent toûjours trouvé de quoy se rafraîchir pendant un si long espace de temps, l’Assemblée qui étoit encore nombreuse à sept heures du matin, fut surprise de voir encore servir à cet heure-là, une collation aussi magnifique que si le Bal n’eut esté commencé que depuis une heure ou deux, & que personne n’eust encore veu des effets de la magnificence depuis l’ouverture de ce Bal, du grand Prince & de la grande Princesse, chez qui l’on courre toujours avec empressement lors qu’ils ont la bonté de permettre que l’on participe à leurs plaisirs. Je ne vous dis point que l’on dança dans plusieurs Appartemens ; vous jugez bien que c’étoit une necessité, l’Assemblée étant aussi nombreuse qu’elle l’étoit, ou plustost les Assemblées qui furent plusieurs fois renouvellées. Je ne parle point de l’avanture qui arriva à un galant homme qui entendit conter, fort spirituellement des douceurs à sa femme ; mais son inquietude ne dura pas long-temps, ayant appris que le Masque qui les contoit faisoit un des principaux ornemens du beau Sexe.

Air nouveau §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 330-331.Bien que le Mercure ne donne pas le nom du poète, il est possible que le compositeur soit aussi l'auteur du poème. M. de Maiz est en effet l'auteur des vers et de la musique des airs du Mercure de février 1705, Mercure de septembre 1705, et du Mercure de février 1706.

Si ces MrsI aimoient autant la Musique qu’ils aiment le métier des armes, ils chanteroient l’Air suivant avec plaisir en reconnoissance des bien-faits qu’ils viennent de recevoir de Sa Majesté. Il est de Mr Metz de la Fleche en Anjou.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Monarque Souverain, doit regarder la page 330.
Monarque Souverain dont nous suivons les Loix
Soutiens le Grand Loüis le plus parfait des Rois,
Et porte à si haut point son honneur & sa gloire,
Que les siecles futurs en gardent la memoire.
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Enigme. §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 372-375.

Le mot de l’Enigme du Mois passé étoit le Carnaval. Ceux qui l’ont trouvé sont ; Mrs Thomasseau : Boisguilbert, de la ruë S. Denis : Poussin, de la ruë S. Antoine : Jean Guy du Bessey : Roget, de la ruë de la Cerizaye : Tamiriste : le Solitaire Quesmine, & celuy de la ruë aux Fenes : le grand Colas : D. L. ami de la belle Henriette : le devineur d’Enigmes : Pierrot Bouffi : l’Avanturier de Seaux : l’heureuse rencontre : l’Amant en idée : le Devin tondu : Me Marotin & son aimable sœur, des Jacobins de la ruë S. Honoré : Mlles Davenne : Madelon Bouget, de la ruë S. Antoine : l’Orpheline D.L. de la ruë neuve Saint Eustache : les deux Jumelles : la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins : la nouvelle Andrienne : les Sœurs jalouses, & la fausse Devineresse M.A.S.T.O.N.

L’Enigme nouvelle que je vous envoye est d’un Galant Maloüin.

ENIGME.

Secourable au besoin je conservay jadis
Et ton pere & celuy de tout ce qui respire ;
Mais soumis aux rigueurs d’un tiranique Empire,
Souvent je fais perir celuy par qui je suis ?
J’apporte tour à tour les chagrins & la joye,
Et si j’ay quelques fois enrichi des Pays,
J’ay causé tous les maux de Colchos & de Troye.
De mes yeux meurtriers, quand je veux innocens,
J’annonce la Paix ou la Guerre
Tres-solide enfant de la terre ;
Quand il plait à deux insolens,
Je suis brisé comme du verre.
Guidé par la vertu d’un caillou curieux,
Sans aîles & sans pieds je vas de plage en plage,
Faisant servir à mon usage
Le feu, la terre & l’air, & la mer & les Cieux,
La science la plus profonde,
Malgré ses beaux raisonnemens,
Tombée en des égaremens,
Sans moy ne sçauroit rien encore de l’autre monde

[Réjouissances faites à l’occasion de la grossesse de la Reine d’Espagne]* §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 385-387.

Les nouvelles d’Espagne arrivées depuis celles dont je vous ay déja parlé, sont que les ennemis ont abandonné les Villes & les postes qu’ils occupoient sur les Frontieres du Royaume de Valence du costé où sont les troupes d’Espagne, & qu’elles sont en état d’y entrer.

D’autres Lettres disent qu’un gros Corps de troupes Espagnoles marchoit du costé de Murcie, & que la pluspart des recruës estoient arrivées.

Les réjouissances pour la grossesse de la Reine d’Espagne continuent toûjours à Madrid. Me la Duchesse d’Ossone a donné un tres-beau Bal à l’occasion de cette allegresse publique, & Mr le Duc de Medina-Celi une superbe feste, où tout a paru avec la magnificence qui luy est ordinaire. Son zele n’a pas moins brillé en cette occasion, que l’éclat dont cette grande feste a esté accompagnée.

[Divertissement d’Anet, pendant le sejour que Monseigneur y a fait] §

Mercure galant, mars 1707 [tome 3], p. 391-395.

Monseigneur le Dauphin ayant resolu d’aller passer quelques jours à Anet, partit de Versailles le 17. de ce mois avec Monseigneur le Duc de Berry & Madame la Princesse de Conty Douairiere. S.A.S. Monsieur le Comte de Toulouse estoit de la partie aussi-bien que Mrs les Ducs de la Feuillade & de Villeroy, Mrs les Comtes de Roucy & de Chemerault, avec Mr le Marquis d’Albergotti, & plusieurs autres personnes de distinction. Ils dînerent en arrivant tous à la mesme table, Monseigneur l’ayant souhaité ainsi. On joua ensuite au Billard, ainsi qu’à plusieurs autres jeux pendant le reste de la journée.

Monseigneur le Dauphin accompagné de toute sa Cour, prit le lendemain le divertissement de la chasse du Loup. Toute cette illustre Compagnie soupa ensemble le soir du même jour, & se mit à table à six heures.

Le lendemain 20. la pluye n’ayant point cessé, & ayant toujours été tres-forte, le jeu du Billard & de la Guerre tinrent lieu du plaisir de la chasse où l’on ne pût aller. Les Violons joüerent le soir du même jour pendant la plus grande partie du soupé ; le lieu où l’on mangea étoit remply de tout ce qui se trouve dans les environs d’Anet, de personnes de distinction de l’un & de l’autre Sexe. Le soupé fini, Monseigneur le Duc de Berry prit une des Dames de la Compagnie & dança un Menuet avec elle. Il se forma ensuite une espece de petit Bal qui ne fut pas long ; mais qui fut fort divertissant.

Le 21. Monseigneur le Dauphin alla avec toute sa Cour, à la chasse du Sanglier où il prit beaucoup de plaisir. Monseigneur soupa ce soir-là à son petit couvert, & Monseigneur le Duc de Berry tint la table de ce Prince.

Monseigneur le Dauphin alla le 22. à la battuë. Il tua cinquante Lapins, & Monseigneur le Duc de Berry en tua soixante. Monsieur le Comte de Toulouse courut un Cerf ce jour-là, & le prit.

Monseigneur partit d’Anet le 23. sur les dix heures du matin, & l’on peut dire que jusqu’au moment que ce Prince en partit, Anet fut toujours remply de la Noblesse & d’une infinité d’Habitans de tous les lieux qui environnent ce Château, & de ceux qui en sont même éloignez de plusieurs lieuës. L’abondance de toutes choses y fut grande pendant tout le temps que Monseigneur y demeura, & quoy que les tables y fussent servies par les Officiers du Roy, Monsieur de Vendosme en fit servir beaucoup d’autres, & fit distribuer quantité de vin, de liqueurs & de rafraîchissemens, de maniere que toute la Noblesse & tous les Habitans des environs d’Anet, se ressentirent de cette Feste.