1709

Mercure galant, février 1709 [tome 2].

2017
Source : Mercure galant, février 1709 [tome 2].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, février 1709 [tome 2]. §

[Quatre Theses soutenues, tant en Alemagne qu’en Suisse, en Franche-Comté, & en France.] §

Mercure galant, février 1709 [tome 2], p. 115-125.

Je ne dois pas oublier qu’en parlant d’Homere, Mr Langius le caracterise dans son introduction. Il est du sentiment de ceux qui veulent que ce grand Poëte se soit uniquement proposé d’instruire dans ses deux Poëmes, & qu’ainsi il n’ait pour objet dans l’Illiade qu’à convaincre les hommes que la discorde ruine les meilleures affaires ; ce que le démêlé d’Achille & d’Agamemnon pendant le siege de Troye prouve assez, & qu’il veut faire voir dans l’Odissée combien la presence d’un Prince est necessaire dans ses Etats. Un des meilleurs Poëtes Lyriques de ce temps a esté d’un sentiment contraire, lorsqu’il a dit dans un de ses Ouvrages que ces veritez se sentent peut-estre mieux dans la simple exposition que dans l’Iliade & l’Odissée où elles paroissent noyées dans une varieté infinie d’évenemens & d’images.

L’Article qui suit regarde aussi une These soûtenuë depuis peu ; mais il est d’autant plus digne de vostre attention que vostre sexe partage la moitié de la gloire dont se viennent de couvrir ceux qui font le sujet de cet Article, qui me paroist si singulier, que je ne crois pas que l’on ait jamais entendu parler de rien de pareil. En effet c’est une chose qui passe le prodige, s’il m’est permis de parler ainsi, qu’un garçon d’onze ans & une fille de douze ans répondent publiquement, & par consequent dans le même moment qu’ils sont interrogez, presque sur tout ce qui regarde la plus profonde érudition, & sur un si grand nombre de choses qu’il paroist que pour les lire seulement il faut beaucoup plus d’années que n’en ont ces jeunes personnes ; voicy de quoy il s’agit.

Mlle de Courson, fille de Mr le Comte de Courson, Intendant de Roüen, & Mr de la Moignon de Montrevaux, son frere, soûtinrent le 17. de ce mois à Montpellier dans la maison de leur grand Grand pere Mr de Baville, en presence des Etats de Languedoc, une These sur les deux premiers Livres de l’Eneïde qu’ils déclamerent & expliquerent ; sur le premier Livre de Florus ; sur les Paradoxes de Ciceron ; sur les cinq Livres de Phedre ; sur toute l’Histoire de France, & sur toute la Geographie. Plusieurs Evêques argumenterent à cette These ; ces deux jeunes Soutenans qui charmerent d’abord les Spectateurs par leur déclamation, se firent ensuite admirer par la vivacité de leur esprit, & par leurs réponses judicieuses. On doit remarquer que l’on n’a peut-estre jamais vû une These remplie de six Sujets si differens & d’une si vaste étenduë, & soûtenue avec un aussi grand succés, puisqu’il paroist que la plus heureuse memoire pourroit à peine retenir le nombre infini de choses que contient le moindre de ces six sujets.

Les mêmes avoient aussi soûtenu l’année precedente, estant encore dans un âge moins avancé, une These sur les Eglogues de Virgile, par laquelle ils avoient commencé à se faire admirer ; ce qui donne lieu de croire qu’ils seront un jour l’un des principaux ornemens du siecle, & qu’ils soûtiendront l’honneur de leur famille où la science est hereditaire.

Mr l’Abbé de la Croix, de la Ville de Saint Claude & Soûdiacre du Diocese de Lyon, prit le Bonnet de Docteur en Theologie, il y a quelque temps dans l’Université de Besançon. Il soûtint des Theses generales de Theologie, ausquelles Mr Girard, Docteur de la même Université & Professeur Royal en Theologie, presida. La These estoit dediée à Mre Gaspard de Gramont, Evêque d’Arethuse, qui fut sacré il y à quelque temps à Paris. Il estoit ci-devant Chanoine & grand Archidiacre de l’Eglise Metropolitaine de Besançon, & Abbé de S. Vincent de la même Ville. Ce Prelat y assista de même que Mr l’Archevêque de Besançon, qui porte le même nom ; Mr le Comte de Gramont, Lieutenant general des Armées du Roy, frere de cet Archevêque ; Mr Boisot, premier President du Parlement, suivi de la plus grande partie des Officiers de ce Corps, & de la principale Noblesse du Comté de Bourgogne ; enfin l’Auditoire fut des plus celebres. Mr de la Croix se distingua dans cette occasion, & il reçut de grands applaudissemens. Le Portrait de Mr l’Evêque d’Arethuse, gravé au naturel, estoit au haut de la These. Le Soûtenant avoit mis dans la septiéme colonne une proposition qui fit juger de la pureté de sa doctrine ; sçavoir, qu’on ne satisfait pas suffisamment aux Constitutions des Souverains Pontifes, à l’égard des cinq fameuses Propositions du Livre de Jansenius, par le simple silence respectueux ; mais qu’il faut aussi la croyance interieure, & une persuasion efficace. Enfin que la Bulle d’Alexandre VII. sur ce sujet l’exigeoit.

[Discours prononcé au petit College des Jesuites de Lyon, & dans laquelle on examine les modelles que les Gens de Lettres se doivent proposer de suivre] §

Mercure galant, février 1709 [tome 2], p. 145-151.

Le Vendredy 28. Decembre Feste des Innocens, le Pere Manis Professeur de Rethorique au petit College des Jesuites de Lyon, & neveu de Mr Manis Vicaire general de la même Ville, prononça un Discours Latin qui reçût de grands applaudissemens. Le sujet qu’il avoit entrepris de traiter estoit assez singulier. Il examina les Modelles que les Gens de Lettres doivent se proposer de suivre : Litterati quos imitari debeant. Il fit d’abord une exacte revuë de tous les Grands Hommes qui se signalerent du costé de l’esprit dans le siecle d’Auguste. Il fit des remarques justes & judicieuses sur les Ouvrages les plus considerables de Ciceron, & sur ceux où ce grand Orateur s’estoit autant surpassé luy même qu’il avoit surpassé les autres dans ses Ouvrages mediocres. Horace & Virgile parurent ensuite sur la scene, & l’Orateur fit de touchantes reflexions sur le Poëme de ce dernier qui n’est pas achevé, & que par cette raison le Poëte ordonna en mourant qu’on brûlast. Catule, Ovide, & parmi les Historiens, Tacite, Suetone qui a fait l’Histoire des douze premiers Cesars, Dion, Cassius, Photius, le celebre Varron, le premier sans contredit des Auteurs Romains, & Martial dans lequel on a toûjours dit qu’il y avoit tant de choses à apprendre, y parurent ensuite sur la Scene. Parmi les Modernes, le Pere Manis loüa beaucoup Muret, & fit remarquer que le fameux Pere Sirmond de la Compagnie de Jesus avoit toûjours sur sa Table les Variæ Lectiones de cet Autheur, l’un des douze Ciceroniens contre lesquels Erasme s’éleva si fort dans le penultiéme siecle. Mr Ravat, Prevost des Marchands qui assista à cette Harangue à la tête de tout le Consulat, fut aussi loüé d’une maniere tres-ingenieuse, & qui convenoit fort à toutes les qualitez de ce grand Magistrat. Cette Harangue fut tres-aplaudie, & l’Auteur a esté fort sollicité d’en faire part au Public.

Quelques jours auparavant le Pere Brion de la même Compagnie, & Professeur de Rethorique au grand College de la même Ville, en avoit prononcé une qui fut aussi tres-aplaudie. Il avoit pris pour sujet la clairté dans le discours. Il établit des regles seures pour en bannir l’obscurité, aprés quoy il fit voir que rien n’étoit plus propre pour en relever la beauté, que la clairté, & que sans elle les plus belles choses perdoient leur prix. Il parla de la Patavinité de Tite-Live qui est une espece de stile dont on blâme ce celebre Ecrivain de ne s’estre jamais défait. Il n’y eut point d’éloges particuliers dans ce Discours, l’Orateur ayant dit ensuite qu’il n’avoit rien pû penser d’assez digne de ceux qui sont en place, qui ne fust extrêmement au dessous d’eux, & qu’ainsi il avoit crû qu’il valloit mieux n’en rien dire.

Epigramme §

Mercure galant, février 1709 [tome 2], p. 278.

EPIGRAMME.

Tournefort a bien vû, plantes Villes, Provinces,
Monts & Forests, Peuples, & Princes,
Il a vû la moitié des routes du Soleil ;
Mais il n’a pas vû son pareil.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1709 [tome 2], p. 311-312.

Je crois ne pouvoir mieux placer une Chanson, qu’après un Article qui regarde des personnes qui sont en joye du bien qui vient de leur arriver.

AIR NOUVEAU.

L’Air Que l’Hiver en nos Champs, page 312.
Que l’Hiver en nos Champs a causé de dommages,
Rien n’est exempt de sa rigueur ;
Mais Philis il a fait encor moins de ravages,
Que vous n’en faites dans mon cœur.
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Enigme §

Mercure galant, février 1709 [tome 2], p. 363-366.

Le mot de l’Enigme du mois passé qui estoit le Bois, a paru si difficile, qu’il n’a esté trouvé que par cinq ou six personnes seulement. Si personne ne l’avoit trouvé, on pourroit dire que c’est la faute de l’Enigme, mais on ne s’en peut plaindre quand le mot ne seroit trouvé que par une seule personne, puisque l’Enigme est juste ; mais qu’elle est difficile. Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs Girault Etudiant en Medecine ; de Bonaire, Maistre de Pension ; du Bois, de la ruë Saint Martin. Mlle de Bus ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins, & la jeune Muse renaissante.

Je vous envoye une Enigme nouvelle. Elle est de Mr de Chantelais, Maistre des Eaux & Forests de Chasteaudun.

ENIGME.

Je suis tout ce que l’homme a de plus estimable
Je suis sans vanité le plus beau don des Dieux,
Chacun me cherit en tous lieux,
Au Theatre, au Bareau, en Amour, à la Table,
Je desarme souvent l’homme le plus fâcheux ;
Je sçay fléchir les Rois, je sçay fléchir les Dieux,
Sans moy tous ces Autheurs dont nous parle l’Histoire,
Ne seroient point gravez au Temple de Memoire,
On voit de mes effets sans sçavoir qui je suis,
Moy-même je voudrois l’apprendre,
Et je fais mille efforts pour pouvoir me comprendre,
  Et cependant je ne puis.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1709 [tome 2], p. 366.

AIR NOUVEAU.

L’Air Que l’Hiver ait glacé, page 366.
Que l’hiver ait glacé nos roses & nos lis,
Je suis insensible à ces choses ;
Sur vôtre beau visage adorable Philis,
Ne vois-je pas toûjours & des lis & des roses.
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