**** *book_ *id_body01 *act_ *date_1821 *creator_moreau_de_commagny -*who_anglais Oh ! Monsieur… n'est-il pas ici, le Théâtre français ? -*who_tricot Oh ! non, Monsieur, nous en sommes bien loin. -*who_anglais Tant mieux, je suis très content. -*who_tricot Et pourquoi donc, Monsieur ? -*who_anglais Pourquoi ?… Cet diable de Molière il m'ennuie beaucoup… et je vois aujourd'hui sur toutes les… toutes les… Comment appelez-vous ces papiers attachés contre les murs ? -*who_tricot Ah ! les affiches. -*who_anglais Oui… je voulais dire que je vois son nom sur toutes les affiches, en grosses lettres. -*who_tricot Ce n'est pas étonnant. Avec raison ils fêtent l'heureux jour Qui de Molière a marqué la naissance ; De ses bienfaits, c'est un juste retour, Ne blâmez point notre reconnaissance » S'illustrant dans tous les travaux, De tous les arts, la patrie est la mère. La France, en ses jours les plus beaux, A fait naître mille héros, Et n'a vu naître que Molière. -*who_anglais Goddam… C'est encore beaucoup trop. -*who_tricot Peut-on savoir d'où vient la prévention que vous avez contre lui ? -*who_anglais Oh !… je ne puis le souffrir. -*who_tricot Mais pour quelle raison ? -*who_anglais Par la raison que je ne puis pas le souffrir. -*who_tricot Peut-être Monsieur ne le connaît-il pas ? -*who_anglais Oh ! je le connais parfaitement bien, je vous jure ; je l'ai joué très souvent dans ma maison de campagne, où milady donnait des spectacles magnifiques et très chers. -*who_tricot C'était vous qui payiez ? -*who_anglais Yes… On donnait les comédies à mes dépens : je me rappelle que c'était un membre du parlement qui avait joué le Tartuffe, et milady, mon femme, faisait un rôle dans le Georges battu, et puis content. -*who_tricot Ah ! Georges Dandin. -*who_anglais Yes… C'était moi qui faisais le Dandin… La pièce elle était fort à la mode, et ils avaient ri beaucoup de moi. -*who_tricot Puisque vous devez un pareil succès à Molière, je ne conçois pas pourquoi vous ne pouvez le souffrir. -*who_anglais Ce était pour des considérations personnelles ; car je suis comme tous les Anglais, grand admirateur de Molière. Cet diable d'homme il m'a ruiné. -*who_tricot Pas possible ! -*who_anglais C'est très possible.… J'avais un oncle complètement riche, et très avare ; espérance bien confortable pour les héritiers ! eh bien !… pour avoir vu le Harpagon, il était devenu un petit dissipateur, et il ne se laissait manquer de rien : il buvait, il mangeait tous les jours : c'est une chose bien terrible pour moi. -*who_tricot Je conçois maintenant votre colère contre Molière. -*who_anglais Ce était rien encore… Je avais un autre oncle très viel, qui avait vingt milles livres sterling de revenu, et qui était attaqué du spleen… du moins… la famille… il l'espérait Triste et chagrin dans sa sombre enveloppe, Il méditait un funeste dessein ; Quand par hasard il voit Le Misanthrope, Voilà, Monsieur, qu'il hésite soudain. Le Pourceaugnac, avec l'apothicaire, L'a presque rendu guilleret, Et Le Malade imaginaire, Il l'avait guéri tout à fait. Il faisait plus que rire… Il parlait toujours de Thomas Diafoirus ; et quand je lui demandais de l'argent, il me disait : Clisterium donare, ensuita purgare… Il y a de quoi se pendre -*who_tricot Sans doute, c'est une horreur. Un auteur qui guérit du spleen… chez vous c'est sans exemple. -*who_anglais Je croyais bien… Nous avons lord Byron qui serait capable pour le donner lui seul à toute l'Angleterre ; mais ce n'est pas tout encore… Je avais une tante -*who_tricot Ah ! mon dieu, quelle famille ! -*who_anglais Qui faisait des romans très longs, aussi longs que lady Morgan, et qui les vendait aussi chers que Walter Scott… Elle avait eu le malheur de voir à Argitti-Rooms les miladys savantes. -*who_tricot Ah ! Les Femmes savantes. -*who_anglais Yes… Et elle avait jeté au feu les dix premiers volumes d'un petite roman dont le libraire de London il offrait six mille guinées… et je devais payer les dettes à moi avec le roman de ma tante. -*who_tricot Je conçois alors qu'entre Molière et vous, c'est une guerre à mort. -*who_anglais Et je arrivais justement pour le anniversaire… car vous êtes bien sûr que ce était le Anniversaire -*who_tricot Monsieur, on le dit… c'est une de mes pratiques, le carillonneur de Saint-Eustache qui a fait cette découverte-là sur les registres de la paroisse -*who_anglais Il paraîtrait alors que le lieu de sa naissance -*who_tricot Monsieur, on ne le connaît pas. -*who_anglais Ah !… et le jour précis ? -*who_tricot On n'en est pas sûr. -*who_anglais Mais… son tombeau. -*who_tricot Monsieur, c'est fort incertain. -*who_anglais Convenez-en, vous êtes économes Dans les honneurs que l'on doit aux talents ; Si nous avons, moins que vous, de grands hommes, Sur leurs autels, nous brûlons plus d'encens. Rendez au moins justice à l'Angleterre, Votre Molière, applaudi tant de fois, Obtint chez vous à peine un peu de terre : Garrick repose à côté de nos rois. -*who_tricot Il est trop vrai, par une aveugle rage, Ce grand homme fut outragé ; Mais des préjugés d'un autre âge, Notre siècle l'a bien vengé. L'homme obscur tout entier succombe ; Mais Molière est encor debout : Qu'importe enfin où se trouve sa tombe, Son génie est partout. Et je ne dois pas vous cacher, Monsieur, que le modeste Gymnase se permet aussi de fêter aujourd'hui l'anniversaire de sa naissance. -*who_anglais Goddem… ce Molière, qui avait persécuté moi… qui avait poursuivi tous les ridicules. -*who_tricot Vous ne pouvez pas lui échapper. Célébrons le jour prospère Où le premier des auteurs Jadis a vu la lumière, Et sur le front de Molière Plaçons de modestes fleurs. -*who_agnes Ô Molière ! ô génie étonnant et sublime ! Toi que nous admirons, sans oser nous flatter Que parmi tes enfants tu daignes nous compter, Pardonne notre audace au feu qui nous anime : Que notre amour nous légitime, Et soyons tes enfants, au moins pour te fêter. -*who_tricot Shakespear peut paraître gai Aux lords d'Angleterre, Schiller est bien intrigué, Sa touche est légère ; Mais du drame fatigué, Par sa verve subjugué, J'aime mieux Molière, ô gué, J'aime mieux Molière. -*who_dujour L'art de joindre à l'enjouement La raison sévère ; L'art de poursuivre gaiement La sottise altière ; L'art de peindre tour à tour Le bourgeois, l'homme de cour, Ne sont-ils pas nés le jour Où naquit Molière. -*who_georgette Ce grand homm' dont les écrits Charm' la France entière, N' méprisait pas les avis De sa cuisinière : On sait comm' il l'écoutait, Et puisqu'il la consultait, On peut êt' fièr' quand on est Servant' de Molière. -*who_invalide Docteurs dont il se moqua, Faculté si fière : Tartuffes dont il montra L'âme toute entière : Vous craignez jusqu'à son nom, Et vous avez le frisson Quand vous voyez la maison Où naquit Molière. -*who_anglais Que de scènes nous voyons Dans notre Angleterre ; Celle des élections Et du ministère. Des budgets avec l'appoint, Du comique à coup de poing : C'est ce qu'on ne trouve point Chez monsieur Molière. -*who_chinchilla Quelquefois, pour nos chansons, Un public sévère Mêle au bruit de nos flons flons Certains bruits de guerre. Trop souvent ils ont leur tour, Qu'ils se taisent au moins pour L'anniversaire du jour Où naquit Molière. -*who_choeur Célébrons le jour prospère, etc.