Les mamelles de Tiresias §
Guillaume Apollinaire
Et sept dessins hors texte de Serge Férat
ÉDITIONS SIC
37, rue de la Tombe-Issoire
Tous droits de reproduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays.
Copyright by Guillaume Apollinaire, 1917.
La revue SIC a organisé la première représentation de cet ouvrage le 24 juin 1917, sur une scène sise 10 et 12, rue de l’Orient, à Paris.
Préface §
Sans réclamer d’indulgence, je fais remarquer que ceci est une œuvre de jeunesse, car sauf le Prologue et la dernière scène du deuxième acte qui sont de 1916, cet ouvrage a été fait en 1903, c’est-à-dire quatorze ans avant qu’on ne le représentât2.
Je l’ai appelé drame qui signifie action3 pour établir ce qui le sépare de ces comédies de mœurs, comédies dramatiques, comédies légères qui depuis plus d’un demi-siècle fournissent à la scène des œuvres dont beaucoup sont excellentes, mais de second ordre et que l’on appelle tout simplement des pièces.
Pour caractériser mon drame je me suis servi d’un néologisme qu’on me pardonnera car cela m’arrive rarement et j’ai forgé l’adjectif surréaliste4 qui ne signifie pas du tout symbolique comme l’a supposé M. Victor Basch5, dans son feuilleton dramatique, mais définit assez bien une tendance de l’art qui si elle n’est pas plus nouvelle que tout ce qui se trouve sous le soleil6 n’a du moins jamais servi à formuler aucun credo, aucune affirmation artistique et littéraire.
L’idéalisme vulgaire des dramaturges qui ont succédé à Victor Hugo7 a cherché la vraisemblance dans une couleur locale de convention qui fait pendant au naturalisme en trompe-l’œil des pièces de mœurs dont on trouverait l’origine bien avant Scribe8, dans la comédie larmoyante de Nivelle de la Chaussée9.
Et pour tenter, sinon une rénovation du théâtre, du moins un effort personnel, j’ai pensé qu’il fallait revenir à la nature même, mais sans l’imiter à la manière des photographes10.
Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe. Il a fait ainsi du surréalisme sans le savoir11.
Au demeurant, il m’est impossible de décider si ce drame est sérieux ou non. Il a comme but d’intéresser et d’amuser12. C’est le but de toute œuvre théâtrale. Il a également pour but de mettre en relief une question vitale pour ceux qui entendent la langue dans laquelle il est écrit : le problème de la repopulation13.
J’aurais pu faire sur ce sujet qui n’a jamais été traité une pièce selon le ton sarcastico-mélodramatique qu’ont mis à la mode les faiseurs de « pièces à thèse14 ».
J’ai préféré un ton moins sombre, car je ne pense pas que le théâtre doive désespérer qui que ce soit.
J’aurais pu aussi écrire un drame d’idées et flatter le goût du public actuel qui aime à se donner l’illusion de penser.
J’ai mieux aimé donner un libre cours à cette fantaisie qui est ma façon d’interpréter la nature, fantaisie, qui selon les jours, se manifeste avec plus ou moins de mélancolie, de satire et de lyrisme, mais toujours, et autant qu’il m’est possible, avec un bon sens où il y a parfois assez de nouveauté pour qu’il puisse choquer et indigner, mais qui apparaîtra aux gens de bonne foi.
Le sujet est si émouvant à mon avis, qu’il permet même que l’on donne au mot drame son sens le plus tragique ; mais il tient aux Français que, s’ils se remettent à faire des enfants, l’ouvrage puisse être appelé, désormais, une farce15. Rien ne saurait me causer une joie aussi patriotique. N’en doutez pas, la réputation dont jouirait justement, si on savait son nom, l’auteur de la Farce de Maistre Pierre Pathelin16 m’empêche de dormir.
On a dit que je m’étais servi des moyens dont on use dans les revues17 : je ne vois pas bien à quel moment. Ce reproche toutefois n’a rien qui puisse me gêner, car l’art populaire est un fonds excellent et je m’honorerais d’y avoir puisé si toutes mes scènes ne s’enchaînaient naturellement selon la fable que j’ai imaginée et où la situation principale : un homme qui fait des enfants, est neuve au théâtre et dans les lettres en général, mais ne doit pas plus choquer que certaines inventions impossibles des romanciers dont la vogue est fondée sur le merveilleux dit scientifique18.
Pour le surplus, il n’y a aucun symbole dans ma pièce qui est fort claire, mais on est libre d’y voir tous les symboles que l’on voudra et d’y démêler mille sens comme dans les oracles sibyllins19.
M. Victor Basch qui n’a pas compris, ou n’a pas voulu comprendre, qu’il s’agissait de la repopulation, tient à ce que mon ouvrage soit symbolique ; libre à lui. Mais il ajoute : « que la première condition d’un drame symbolique, c’est que le rapport entre le symbole qui est toujours un signe et la chose signifiée soit immédiatement discernable ».
Pas toujours cependant et il y a des œuvres remarquables dont le symbolisme justement prête à de nombreuses interprétations qui parfois se contrarient20.
J’ai écrit mon drame surréaliste avant tout pour les Français comme Aristophane composait ses comédies pour les Athéniens21.
Je leur ai signalé le grave danger reconnu de tous qu’il y a pour une nation qui veut être prospère et puissante à ne pas faire d’enfants, et pour y remédier je leur ai indiqué qu’il suffisait d’en faire.
M. Deffoux22, écrivain spirituel, mais qui m’a l’air d’être un malthusien attardé, fait je ne sais quel rapprochement saugrenu entre le caoutchouc23 dont sont faits les ballons et les balles qui figurent les mamelles (c’est peut-être là que M. Basch voit un symbole) et certains vêtements recommandés par le néo-malthusianisme. Pour parler franc, ils n’ont rien à faire dans la question, car il n’y a pas de pays où l’on s’en serve moins qu’en France, tandis qu’à Berlin, par exemple, il ne se passe pas de jour qu’il ne manque de vous en tomber sur la tête pendant qu’on se promène dans les rues, tant les Allemands, race encore prolifique, en font un grand usage.
Les autres causes auxquelles avec la limitation des grossesses par moyens hygiéniques on attribue la dépopulation, l’alcoolisme par exemple, existent partout ailleurs et dans des proportions bien plus vastes qu’en France.
Dans un livre récent sur l’alcool, M. Yves Guyot24 ne remarquait-il pas que si dans les statistiques de l’alcoolisme, la France venait au premier rang, l’Italie, pays notoirement sobre, venait au second rang ! Cela permet de mesurer la foi que l’on peut accorder aux statistiques ; elles sont menteuses et bien fol est qui s’y fie. D’autre part n’est-il pas remarquable que les provinces où l’on fait en France le plus d’enfants soient justement celles qui viennent au premier rang dans les statistiques de l’alcoolisme25 !
La faute est plus grave, le vice est plus profond, car la vérité est celle-ci : on ne fait plus d’enfants en France parce qu’on n’y fait pas assez l’amour. Tout est là.
Mais je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet. Il faudrait un livre tout entier et changer les mœurs. C’est aux gouvernants à agir, à faciliter les mariages, à encourager avant tout l’amour fécond, les autres points importants comme celui du travail des enfants seront ensuite facilement résolus pour le bien et l’honneur du pays.
Pour en revenir à l’art théâtral, on trouvera dans le prologue de cet ouvrage les traits essentiels de la dramaturgie que je propose.
J’ajoute qu’à mon gré cet art sera moderne, simple, rapide avec les raccourcis ou les grossissements qui s’imposent si l’on veut frapper le spectateur. Le sujet sera assez général pour que l’ouvrage dramatique dont il formera le fond puisse avoir une influence sur les esprits et sur les mœurs dans le sens du devoir et de l’honneur.
Selon le cas, le tragique l’emportera sur le comique ou inversement. Mais je ne pense pas que désormais, l’on puisse supporter, sans impatience, une œuvre théâtrale où ces éléments ne s’opposeraient pas, car il y a une telle énergie dans l’humanité d’aujourd’hui et dans les jeunes lettres contemporaines, que le plus grand malheur apparaît aussitôt comme ayant sa raison d’être, comme pouvant être regardé non seulement sous l’angle d’une ironie bienveillante qui permet de rire, mais encore sous l’angle d’un optimisme véritable qui console aussitôt et laisse grandir l’espérance.
Au demeurant, le théâtre n’est pas plus la vie qu’il interprète que la roue n’est une jambe. Par conséquent, il est légitime, à mon sens, de porter au théâtre des esthétiques nouvelles et frappantes qui accentuent le caractère scénique des personnages et augmentent la pompe de la mise en scène, sans modifier toutefois le pathétique ou le comique des situations qui doivent se suffire à elles-mêmes26.
Pour terminer, j’ajoute que, dégageant des velléités littéraires contemporaines une certaine tendance qui est la mienne, je ne prétends nullement fonder une école27, mais avant tout protester contre ce théâtre en trompe-l’œil qui forme le plus clair de l’art théâtral d’aujourd’hui. Ce trompe-l’œil qui convient, sans doute, au cinéma, est, je crois, ce qu’il y a de plus contraire à l’art dramatique28.
J’ajoute, qu’à mon avis, le vers qui seul convient au théâtre, est un vers souple, fondé sur le rythme, le sujet, le souffle et pouvant s’adapter à toutes les nécessités théâtrales29. Le dramaturge ne dédaignera pas la musique de la rime, qui ne doit pas être une sujétion dont l’auteur et l’auditeur se fatiguent vite désormais, mais peut ajouter quelque beauté au pathétique, au comique, dans les chœurs, dans certaines répliques, à la fin de certaines tirades, ou pour clore dignement un acte30.
Les ressources de cet art dramatique ne sont-elles pas infinies ? Il ouvre carrière à l’imagination du dramaturge, qui rejetant tous les liens qui avaient paru nécessaires ou parfois renouant avec une tradition négligée, ne juge pas utile de renier les plus grands d’entre ses devanciers. Il leur rend ici l’hommage que l’on doit à ceux qui ont élevé l’humanité au-dessus des pauvres apparences dont, livrée à elle-même, si elle n’avait pas eu les génies qui la dépassent et la dirigent, elle devrait se contenter. Mais eux, font paraître à ses yeux des mondes nouveaux qui élargissant les horizons, multipliant sans cesse sa vision, lui fournissent la joie et l’honneur de procéder sans cesse aux découvertes les plus surprenantes31.
[Poèmes dédiés aux acteurs] §
À Louise-Marion32 §
À Marcel Herrand34 §
À Yeta Daesslé35 §
À Juliette Norville §
À Howard37 §
Personnages38
avec la distribution de la première représentation §
- Le Directeur : Edmond Vallée
- Thérèse-Tirésias et la Cartomancienne39 : Louise Marion
- Le mari40 : Marcel Herrand (Jean Thillois41)
- Le gendarme42 : Juliette Norville
- Le journaliste parisien, Le kiosque 43 , Le fils, Lacouf : Yéta Daesslé
- Presto44 : Edmond Vallée
- Le peuple de Zanzibar45 : Howard
- Une dame : Georgette Dubuet
- Les chœurs : Niny Guyard, Maurice Lévy, Max Jacob, Paul Morisse, etc.
Prologue48 §
Scène unique §
Le Directeur de la Troupe50
Acte premier5960 §
Scène première §
Thérèse
Thérèse
Voix du mari
Thérèse
Scène II §
Le mari
Thérèse
Le mari
Thérèse
Le mari
Thérèse
Le mari
Thérèse
Le mari
Thérèse
Le mari
Thérèse
Le mari Les mains jointes
Scène III §
Voix de Tirésias
Le mari
Scène IV70 §
Lacouf
Presto
Lacouf
Presto
Lacouf
Presto
Lacouf
Presto
Lacouf
Presto
Tirésias qui est prêt, tressaille au bruit et s’écrie
Pancarte pour PrestoComme il perdait au ZanzibarMonsieur Presto a perdu son pariPuisque nous sommes à Paris
Pancarte pour LacoufMonsieur Lacouf n’a rien gagnéPuisque la scène se passe à ZanzibarAutant que la Seine passe à Paris
Scène V §
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari À part
Quelle belle fille
Scène VI §
Presto
Lacouf
Presto
Lacouf
Presto
Lacouf
Presto
Lacouf
Presto
Le gendarme
Scène VII §
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari à part
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari
Voix de femmes dans les coulisses
Le gendarme
Le gendarme
Eh ! fumez la pipe BergèreMoi je vous jouerai du pipeauEt cependant la BoulangèreTous les 7 ans changeait de peauTous les 7 ans elle exagère
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Voix d’hommes dans les coulisses
Voix de femmes dans les coulisses
Scène VIII §
Le mari
Le gendarme et le kiosque
Le kiosque Au mégaphone que lui tend le mari
Le mari
Le gendarme
Le kiosque
Scène IX §
Presto chatouillant le mari
Le gendarme
Le mari
Tous en chœur
Eh ! fumez la pipe BergèreMoi je vous jouerai du pipeauEt cependant la BoulangèreTous les sept ans changeait de peauTous les sept ans elle exagère
Acte II93 §
Chœurs §
Chœur du fond de la salle
Chœur de droite
Chœur de gauche
Scène première §
Le mari
Scène II §
Le mari
Le journaliste fait le tour de la scène en dansant
Le mari
Le journaliste
Le mari
Le journaliste
Le mari
Le journaliste
Le mari
Le journaliste
Le mari
Le journaliste
Le mari
Le journaliste
Le mari
Quelle chance !Roman
Le mari
Une dame qui s’appelait Cambron
Le journaliste se relève et au mégaphone
Le journaliste Sans mégaphone
Le mari
Le journaliste
Le mari
Le journaliste
Le mari
Le journaliste se retire à reculons
Le mari
Le journaliste
Le mari
Le journaliste
Le mari
Scène III §
Le mari
Scène IV §
Le fils se dressant dans le berceau
Le mari
Le fils
Le mari
Le fils
Le mari
Le fils
Le mari
Le fils Il fait remuer un berceau
Le mari
Le fils
Le mari
Scène V §
Le mari
ottawa
incendie établissements j.c.b.116 stop 20.000 poèmes en prose consumés stop président envoie condoléances
rome
h.nr.m.t.ss.117directeur villa médicis achève portrait SS
avignon
grand artiste g..rg.s118braque vient inventer procédé culture intensive des pinceaux
vancouver retardé dans la transmission
Chiens monsieur Paul Léaut..d119en grève
Le mari
Scène VI §
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari
Le gendarme
Le mari
Scène VII §
La cartomancienne121
Le mari
La cartomancienne
Le gendarme
Le mari au gendarme
La cartomancienne à un spectateur
Le mari
Une dame (spectatrice dans la salle)
La cartomancienne
Le mari
La cartomancienne
Le mari
La cartomancienne
Tous en chœur
La cartomancienne
Le mari et le gendarme
La cartomancienne au mari
La cartomancienne au gendarme
Le gendarme
La cartomancienne
Le mari
La cartomancienne
Le mari
Thérèse se débarrassant de ses oripeaux de cartomancienne
Le mari
Thérèse
Le gendarme
Le mari
Thérèse
Le mari
Thérèse
Le mari
Thérèse
Thérèse
Tous en chœur129