Esprit Fléchier

1694

Lettre à l’abbé Menard

Édition de Clément Scotto di Clemente
2018
Source : Esprit Fléchier, Lettre à l’abbé Menard in Œuvres complettes de Messire Esprit Fléchier, Evêque de Nismes, et l'un des quarante de l'Academie francaise, Paris, 1694, rééd. 1782, tome V, partie II, p. 62-63.
Ont participé à cette édition électronique : François Lecercle (Responsable d’édition) et Clotilde Thouret (Responsable d’édition).

[FRONTISPICE] §

OEVRES
COMPLETTES
de Messire
ESPRIT FLECHIER,
EVEQUE DE NISMES,
et l'un des quarante de l'Academie francaise
[...]
TOME V. PARTIE II.

A NISMES
Chez Pierre BEAUME, Imprimeur-Libraire.
MDCCLXXXII.
Avec Approbation et Privilege du Roy..

{p. 62}

LETTRE LIII. De remercîment à M. l’Abbé Menard. Il y est parlé de quelques Ouvrages dont ont porte le jugement. §

Les fonctions des Pâques et du Jubilé, Monsieur, qui m’ont occupé jusques ici, m’ont empêché de vous remercier plutôt du soin que vous avez pris de m’écrire et de m’envoyer quelques ouvrages qui paraissent depuis peu sur la scène. Le manifeste du Prince d’Orange est assez bien écrit : il y a des endroits qui sont assez spécieux, d’autres faibles, et quelques-uns qui ne conviennent pas à la personne qui parle. Aussi je suis persuadé que c’est une composition de quelque bel esprit aventurier, et non pas un écrit du Prince d’Orange. Je l’ai reçu de Lyon imprimé. J’ai été pourtant bien aise de le recevoir de vous quelques jours auparavant. J’ai lu aussi la lettre du Père Caffaro. Je ne regarde point le langage, qui est assez bon et meilleur qu’il n’appartient {p. 63}à un étranger. Mais son opinion est bien expliquée et bien soutenue ; il n’oublie rien de ce qui peut servir à sa cause, et à quelques endroits près, cette dissertation est fort raisonnable ; mais je ne sais s’il était expédient de la faire imprimer. Ces sortes de doctrines, quoiqu’appuyées sur les principes des Théologiens, peuvent ôter à des ames timorées, la retenue et les scrupules qu’elles ont, et favoriser le relâchement, le libertinage, ou du moins l’oisiveté des gens du monde. Il faut laisser à décider ces sortes d’affaires dans le confessionnal, et ne pas les abandonner au jugement d’une infinité de personnes, qui se prévalent de tout, et qui ne sont pas assez sages pour s’arrêter à ce qu’il y a de juste et de permis dans une opinion indulgente, et pour observer toute la modération que l’Auteur demande. Je ne m’érige point en Juge de la querelle des deux Religieux : il ne convient point à deux personnes d’un même ordre de se quereller en public. J’ai vu la Satyre de M. Boileau, et je l’ai trouvée comme vous me l’aviez écrit. M. Perault m’a envoyé son Apologie du Mariage, et je sais qu’il y a beaucoup d’autres antisatyres. Je vous serai obligé si vous m’envoyez ce qui le méritera de ces petits ouvrages qui courent. J’ai été fort aise que l’Académie ait enfin déterminé de faire une Epître dédicatoire. Croyez-moi entièrement, Monsieur, vôtre, etc.