René Benoist

1579

Petit fragment catechistic

Édition de Marie Saint Martin
2015
Source : René Benoist, Petit fragment catechistic, Paris, Poupy, 1579, p. 20-25.
Ont participé à cette édition électronique : François Lecercle (Responsable d'édition), Clotilde Thouret (Responsable d’édition), Chiara Mainardi (XML-TEI) et Thomas Soury (XML-TEI).

[FRONTISPICE] §

PETIT
FRAGMENT
CATECHISTIC D'UNE PLUS
AMPLE CATECHESE DE LA MA-
gie répréhensible
et des Magiciens, pris de
l’une des Catéchèses
et Opuscules de M.
René Benoist Angevin,
Docteur en Théo-
logie et Curé de Saint Eustache à Paris.
[J. Poupy, 1579]

Que les jeux des théâtres et les danses sont une suite de la science diabolique, opérante par philaphtieI et amour de soi-même contraire à la foi opérante par charité, fondement de la Cité de Dieu.

Chapitre 16. §

{p. 20}Comme un sage et prudent mari ne peut laisser sa bien-aimée épouse sans plaisir et délectation, ains autant plus veut-il lui en donner que plus il l’aime n’en recevant moins qu’il lui en donne : ainsi notre Dieu (époux de nos âmes) lequel nous assure que son plaisir et délices sont d’être avec les hommes, lequel n’est un Dieu de chagrin ni de tristesse, ains de toute et incompréhensible consolation et joie, nous aimant plus que jamais n’a aimé sa femme, nous veut plus remplir de toute joie et délectation, ayant bien montré combien il aime les âmes ses épouses pour lesquelles souillées de péché, plus laide tache, « a volontairement et par un amour incomparable épandu tout son précieux sang en la croix {p. 21} ignominieuse afin de les nettoyer (qui étaient autrement incurables), saner, et avoir belles et sans aucune maculeII», Ephésiens chap. 5. Mais aussi comme un fidèle mari et lui-même ami autant que plus il aime sa femme, autant en est (dit-il) plus jaloux, ne veut qu’elle prenne principalement plaisir et délectation qui ravît et lie l’âme qu’en lui et avec lui : ainsi notre Dieu veut que nous quittions tous autres plaisirs qu’en lui et avec lui. Ce que bien entendant Jésus Christ n’a eu rien tant recommandé que l’obéissance de Dieu son père. Ce qu’a fait que contemnant les plaisirs mondains et charnels, il a trouvé consolation et exaltation en la croix et affliction : comme aussi ont fait tous ceux qui l’ont suivi. Au contraire Lucifer se plaisant et contentant en l’amour de soi-même, a été privé de la consolation et communication de l’amour de Dieu, lequel seul peut bien-heurer et contenter en tout plaisir et délectation. Et pour cette cause étant réprouvé de Dieu, souverain plaisir, il a été fait malheureux, quels il tâche faire tous ceux qui se laissent abuser par ses maudites suggestions ès plaisirs mondains et charnels toujours dangereux, mais principalement pernicieux, les jours des fêtes, quand la délectation de l’âme avec Dieu son époux, doit prévaloir les voluptés corporelles cessantes, le corps et l’esprit ne pouvant aisément se réjouir ensemble. C’est pourquoi il est écrit que « la personne qui ne sera affligée le jour de la {p. 22} fête périraIII. » C’est aussi pourquoi les chrétiens ont toujours réprouvé et rejeté les danses et jeux de récréation mondaine les jours des fêtes : comme au contraire Satan a toujours fait exercer telles choses les jours des fêtes pour les profaner, obscurcir, et blasphémer. Or on dit que le principal exercice des sorciers en leurs assemblées est la danse : et ainsi les idolâtres dansaient à l’entour du veau, Exode 32IV, comme aussi quand ils voulaient apaiser leurs Dieux, Idoles et diables et obtenir quelque chose d’eux ils proposaient publiquement des jeux de théâtres, comme il appert ès leçons des matines de la fête de monsieur saint MichelV. Or pour bien entendre cela, il est bon de noter que tous les anciens Chrétiens, tant de l’Eglise, que de la police, et même du peuple, ont eu en grande détestation tels jeux, comme il appert par des traités faits spécialement contre iceux par saint CyprienVI, TertullienVII, et plusieurs autres : mais signamment ce grand docteur Gerson, après avoir écrit prolixement contre Roman de la RoseVIII, ajoute cinq conclusions, contre les jeux des sots qui se font ès jours des fêtes à Paris, où entre autres choses il dit, « que ceux qui favorisent à tels jeux pèchent mortellement, se montrant être plus infidèles et Païens, que ChrétiensIX ». Son texte est tel que s’ensuit.

Le texte dudit Gerson en la quatrième partie, au titre du jeu des sots, qui a accoutumé d’être fréquenté communément.
Conclusion V.

{p. 23}« Empêcher convenante provision et remède en tels maux, serait pécher mortellement, et se rendre suspect d’être mauvais Chrétien, et perfide enfant des Païens : cela se pourrait prouver par la sainte écriture et saints Docteurs, qui reprennent telles choses mauvaises et abominables faites les jours des fêtes, comme idolâtries, et maudites vanités : et si quelqu’un dit, que telles choses ne sont que jeu et récréation, écoute une brève réponse, qui est un proverbe commun très véritable et digne d’être observé : il ne se faut jamais jouer à la foi, à l’œil, ni à la renommée. Grâce et bénédiction à tous ceux qui tâcheront à remédier à tel mal, chacun selon son pouvoir1. »

Voilà la résolution de ce grand personnage monsieur Gerson conformément à tous les anciens Docteurs saints, desquels qui voudra voir au long la sentence touchant telles impures impiétés, comme aussi touchant les autres débauches, danses, folies, ivrogneries, momeries, et semblables bacchanales, accoutumées méchamment et scandaleusement, d’être commises les jours des fêtes, lise les lieux ci après notés, savoir est :

Chrysostome, t. 2, Homélie 38 in 2 Matthoei. Ubi docet quales sunt Theatralium moresX.

Chrysostome, Homélie 49XI et Homélie 69 in 11. cap. Matthoei. Ibi docet quod theatralium chorus omnium malorum est origoXII.

Chrysostome, t. 3, Homélie 42 in cap. 19 Actorum apostolorum. Ibi docet quod in theatris omnia sunt contraria honestati et pietatiXIII.

{p. 24}Chrysostome, t. 5, Homélie 8 de penitentia. Vide pulchra.

Chrysostome ad populum Antiochenum, Homélie 15 cap. 62.

Item, t. 1, Homélie 1.

Cyprianum libro 2, Epistula 2.

De consecratione distinctaXIV, 1. cap. Qui die solennij praetermisso Ecclesiae conventu ad spectacula vadit, excommunicetur : Ex Concilio Carthaginensi 4XV.

De consecratione distincta, 2. cap., Pro dilectione tua consulendum me existimasti, etcXVI.

C. de feriis. l. dies festos maiestati altissimae dicatos, nullis volumus voluptatibus occupari : nihil eodem die sibi vendicet scena theatralis, Circense certamen, aut foeminarum lachrymosa spectaculaXVII.

Tertullianum de spectaculis libro.

Augustinum lib. 2 de civitate Dei, t. 9 de chordis, t. 10, Homélie 21.

Summe listas in vocabulis ludus, iocus, et Histrio Theatrum mundiXVIII.

Valerium Maximum libro 2.

Alexandrum ab Alexandro, lib. 5 cap. 8, lib. 6 cap. 19.

Plinium lib. 36 Historiae naturalis.

Aristotelem libro 4 Aethica.

Polydorum de Inventoribus, libro 2 cap. 13, lib. 3 cap. 13.

Concilium 6 Constantinopolitanum, Canon 51.

Carthaginiense 3. Canon, 11. Laodicense, Canon 24.

De consecratione distincta, 2. cap., Pro dilectione: docetur Histrionibus communionem esse denegandamXIX.

D. Gersonem parte 4. titulo, de ludo stultorumXX.

Vide omnes Historiographos, et comperies ludos theathrales, inventos, et propositos esse propter idolarum cultumXXI.

 

{p. 25}Nous ne lisons quasi aucun des Anciens, qui ait parlé de cette matière, qui ne reprenne beaucoup tels jeux : lesquels je suis aussi certain que les magistrats Chrétiens n’approuvent aucunement, ains étant chargés du pesant faix d’une si grande police, les permettent seulement, comme nous avons vu les prêches des hérétiques et bordeauxXXII publics être permis, en intention d’éviter plus grands maux : mais toutefois s’il fallait permettre le mal, il me semble du tout intolérable que ce soit sous le titre de la Passion, comme il ne serait loisible et ne devrait être permis aux femmes débauchées, se titrer de la confrérie de la très sacrée et très pure vierge Marie mère de Dieu. De quoi qui me demanderait mon avis, en conscience je dirais sous correction de meilleur avis, qu’il me semble avec monsieur Gerson, que ceux qui ne s’opposent à tels scandales, et blasphèmes de la religion Chrétienne pèchent : Et me semble que l’Evêque est tenu d’ôter la confrérie, plutôt que permettre telles choses si contraires marcher ensemble : comme aussi il n’est raisonnable de faire dire Messes d’un si vilain gain, ne de recevoir telles gens à l’offrande, ni à la sainte Communion. Voilà ce que m’en semble, sans avoir en intention d’offenser, diffamer ou irriter personne. Je ne craindrai toutefois de dire et affirmer que de mon temps et demeure à Paris, ville beaucoup libertine et toutefois couverte d’une grande apparence et montre de la religion Catholique en {p. 26}cérémonies externes, je n’y en remarque chose plus professant le paganisme et blasphématrice contre Jésus Christ et sa très mémorable passion que les jeux, lesquels je désirerais que ceux de notre université eussent plus raisonnablement et louablement condamnés et fuis que imités ou tolérés les jours des saints Dimanches et autres fêtes solennelles principalement.