**** *book_gacon_satire-a-bossuet_1697 *id_HDT_34 *date_1697 Satire à Mgr Bossuet Docte & sage Prelat dont le Ciel a fait chois, Pour instruire & former la jeunesse des Rois, Et qui par des discours vifs & pleins d'éloquence Sçais confondre l'erreur, & bannir l'ignorance.  Je conviens avec toi que des hommes pécheurs Devroient avoir toujours les yeux baignez de pleurs Je sçai que l'Evangile en ses leçons divines N'offre pour le salut qu'un chemin plein d'épines Et que loin d'approuver les jeux & les plaisirs Il nous en interdit jusqu'aux moindres desirs,  Ainsi la Comedie, étalant sur la Scene Les apas seducteurs d'une pompe mondaine, Sans doute est peu conforme à ces vœux solemnels Qu'en naissant un Chretien fait au pieds des Autels. Ces Caracteres fiers des Héros du Theatre Pouvoient être applaudis par un peuple idolatre, Mais disciples d'un Dieu pour nous crucifié ! Nous devons n'estimer qu'un cœur mortifié, Un cœur humble, sans fiel, & dont la vertu pure Se fasse un point d'honneur d'oublier une injure, Et prefere de voir ses passions aux fers, A la fausse grandeur de domper l'Univers.  Cependant, Grand Prelat, d'invincibles obstacles S'opposent au dessein d'abolir les spectacles ; Auprés des Souverains l'oisiveté des Cours Malgré tous les sermens les maintiendra toujours, Et les peuples privez d'un plaisir excusable Peut-être en chercheroient quelqu'autre plus coupable.  D'ailleurs tant qu'on verra des Prelats fastueux Elever à grand frais des palais somptueux, En fait de mets exquis ne rien ceder au Princes Et de leur train pompeux eblouir les Provinces. Contre la Comedie en vain l'on écrira De ces moralitez le public se rira. Jesus-Christ dira-t'il, aux riches de la terre Pendant toute sa vie à déclaré la guerre. Cependant un Prelat se croit en seureté Avec-vingt-mille écus dont il se voit renté ; Et l'on ne pourra pas à l'Hôtel de Bourgogne, Voir le Role plaisant d'un sot & d'un ivrogne, Ou charmé de Corneille au Theatre François Aller plaindre le sort des Princes & des Rois.  De quel front ces Pasteurs vivant dans l'opulence Viennent-ils nous prêcher l'esprit de Penitence ; Et comment dans ce siecle osent-ils se flatter, Qu'on subira le joug qu'il sçavent éviter ?  Tels dans l'ancienne Loi des Tartufes severes Damnoient le peuple Juif pour des fautes legeres ; Eux qui loin des temoins en des reduits cachez. S'abandonnoient sans crainte aux plus honteux pechez.  C'est ainsi, Grand Prelat, que le peuple raisonne Et fait une leçon aux Docteurs de Sorbonne : Pour imposer silence il faudroit reformer ; Nombre d'autres abus que je n'ose rimer.