**** *book_gaule_conviction_1607 *id_body-1 *date_1607 *creator_gaule FRONTISPICE CONVICTION VERITABLE DU RECIT FABULEUX DIVULGUE TOU- chant la Représentation exhibée en face de toute la ville de Lyon, au collège de la Compagnie de Jésus, le 7. d'Aoust, de la présente année 1607 **** *book_gaule_conviction_1607 *id_body-2 *date_1607 *creator_gaule Messieurs, certain ténébrion sans nom, sans pays, sans aveu, et qui pis est sans foi, sans justice, et sans religion, a osé ces jours passés divulguer un imprimé en date du vingt deuxième d'août dernier, par lequel il a malicieusement calomnié la représentation qui vous avait été exhibée dans votre collège le septième du même mois de la présenté année 1607. Les bourdes qu'il avance sont si épaisses et ont tant d'accusateurs de leur fausseté qu'il me semblait être chose superflue de mettre la main à la plume pour les réfuter. Mais par ce que je m'aperçois, et par le rapport de divers endroits je suis assuré que cet imprimé court pays sans arrêt, et avec créance en plusieurs parts. J'ai jugé pour la gloire de la vérité, pour la confusion des menteurs, pour l'honneur de notre ville, et le vôtre particulier (pour qui cette action a été dressée) qu'il faut donner un coup de corne en la bouche de cet homme menteur, et faire connaître au monde le fait comme il s'est passé. Car qui eût jamais pensé qu'il se fût trouvé aucun si ouvert de gorge pour mentir, qui eût osé fonder sur un fait tant public si puantes et si atroces calomnies ? Un sage Romain disait jadis, que malheureux est le prince à qui la vérité n'a libre accès : et moi je tiens beaucoup plus infortunés les peuples desquels les sycophantes se voudraient targuer pour établir et mettre en crédit leurs mensonges. Ce que l'auteur de ce libelle diffamatoire (qu'on tient être sorti de Genève) a voulu faire de vous (messieurs) prétendant peut-être, qu'avec votre tacite consentement vous autoriseriez ses menteries. Or moi, pour le débouter de ceste espérance et ne permettre que ce tort vous soit fait, j'ai donné au public ce contre écrit, qui témoignera aux peuples les plus éloignés ce qui est de la vérité, et que cet écrivain doit être condamné pour tel qu'il est, c'est-à-dire pour menteur, imposteur et calomniateur, sans aucune réserve de vergogne. Son infâme récit contient en tout sept pages, et icelles non entières. Il devait grossir son volume puisqu'il était résolu de bien mentir. Mais comme en un petit parchemin celui comprit beaucoup, qui décrivit toute l'Iliade d'Homère, ainsi sur ce peu de papier cet homme a étalé des plus insignes menteries, et non seulement menteries, mais encore calomnies et malices remarquables. Je m'en vais en marquer quelques-unes, desquelles je m'assure que vous, qui avez été témoins oculaires de tout, aurez occasion de vous étonner avec moi. Le titre qu'il donne à ceste Action, est d'être: « une comédie » : et dit qu'« elle a été dressée pour donner du passe-temps, se moquer de Dieu devant les yeux de tout une ville, exposer en risée la sainte vérité, et en faire un jeu de trois jours : et qu'en fin ce n'a été qu'une drôlerie ». De telles paroles il n'y a personne qui ne conjecturât que c'était quelque farce ridicule, un fescennin ou atellane, quelque momerie, et charlaterie, où les Pantalons s'entrechoquaient aux dépens de la dévotion et révérence des choses saintes. Malignité et fausseté impudente ! Vous avez vu (Messieurs) comme tout s'est passé : y avez vous rien noté qui ne fût grave et modéré ? Rien que dévot et convenable à la majesté de l'histoire, et du sujet du jugement universel qui se représentait ? Quel mot de gueule y a t'on ouï ? Quel parasite ou mime y a été remarqué ? Quel geste dissolu ? Quelle action légère ? Je sais de bonne part, que plusieurs ont été excités à mieux vivre, voyant en cette action quelques délinéaments de ce qui doit arriver au dernier jour. En suite de ceci, il fait subtilement ce de quoi il accuse proditoirement les jésuites, tournant en risée tout ce qu'il y a de plus sévère et épouvantable en notre sainte créance. Il appelle drôlerie ce qui fut représenté d'horrible selon la nécessité du sujet, touchant les diables et les damnés, et pour cela il cite son rêveur Camerarius, ne faisant qu'une pure drôlerie de tout son récit, drôlant par tout, et gaussant en vrai Lucian. Puis donnant le vent à ses mensonges il parle ainsi : « En cette comédie il y avait divers personnages, entre autres un Dieu jésuitique, et en après un Jésus-Christ à sa droite. » Qu'est ce mentir (Messieurs) si cela ne l'est ? Vous savez qu'en toute l'action aucun ne fut vu qui représentât la personne de Dieu, comme distincte de celle de Jésus-Christ, et qu'un seulement exhiba celle de Jésus-Christ comme de Dieu et homme, juge des vivants et des morts. Ce menteur dévoyé est, peut-être, quelque Nestorien, distinguant en Jésus-Christ deux personnes, aussi bien qu'il y a deux natures : et en ce plus que Nestorien, qu'il s'imagine qu'au jugement un siège sera donné à la divinité, et l'autre à l'humanité de Jésus-Christ. Car si telle n'eût été sa pensée, comme aurait-il imaginé une si grande fourbe ? Les jésuites sont trop versés aux saintes écritures pour ignorer ce qui est en saint Jean, que le Père ne juge personne, mais a donné tout jugement à son fils, et puissance de faire jugement parce qu'il est fils de l'homme. L'écolier qui faisait ce personnage s'appelle Josué de Villeneuve, et n'y en avait aucun autre qui représentât Dieu, que ce drôleur mentant appelle jésuitique. Il continue de mentir avec ces paroles : « entre ces personnages était le pape et sa suite ». Car de tous ces trois jours jamais ni pape, ni cardinal ne fut vu sur le théâtre. Mais je conjecture pourquoi il a feint ici le pape : j'en toucherai incontinent la raison après que vous l'aurez ouï, prononçant ceste autre menterie. « Le premier jour, dit-il, fut employé à loger le pape, et ses adhérents, au paradis de bois des jésuites, suivant la sentence prononcée par leur nouveau Dieu.  » Que dites-vous de cet homme, messieurs ? Parlant de ce paradis de bois, ne se montre-il pas avoir la cervelle de bronze, faite pour choquer contre la vérité, et toujours mentir ? Vous vous souvenez que tout ce premier jour s'en alla en divers combats de l'Église contre l'Antéchrist, et à quelques autres préparatifs propres à représenter ce qui fut exhibé le jour suivant ; et que le pape n'y fut vu, ni aucune sentence prononcée. Mais pour faire tomber plus plausiblement son foudre sur le pape et ses adhérents, il s'est fait accroire que l'Église ait été le pape bien qu'elle fût habillée en femme, et que souvent elle et les autres qui l'accompagnaient sur le théâtre lui attribuassent le nom d'Église, sans jamais nommer une fois le pape. En suite de ceci, c'eût été bien merveille s'il se fût oublié du purgatoire. Il s'en donnera bien de garde : écoutez ce qu'il dit. « Ils charpentèrent aussi un purgatoire. » Tu le nommes (malin) pour te moquer de ce point de la foi catholique, et tu le mets en avant pour ne changer rien de ton train à mentir. Autant fut vu le purgatoire, ou parlé d'icelui, que du pape: et autant de celui-ci que d'Artus le Breton. Mais de la fumée de ce purgatoire tu voulais donner corps à ces furieuses nues que tu vas faire éclater sur la tête du pontife de Rome, t'y disposant avec ces paroles. « Ainsi qu'ils commencèrent à lâcher leur premier pétard, ou petit tonnerre jésuitique, le temps auparavant serein, se brouille tout à coup. » Voila donc une grande merveille, que le ciel favorise tant et si à propos les jésuites, les secondant si heureusement en leurs desseins. Tu devais conjecturer de là, que l'action était agréable aux yeux de Dieu, et je ne doute point que tu ne l'eusses fait, si tu eusses été autant affectionné à leur endroit, que tu te montres libéral à mentir pour les blasonner. Tu appelles commencement plus de trois ou quatre heures après avoir commencé : car si tu n'as été informé à faux, ou si de Lyon allant à Genève tu n'as perdu la mémoire, tu te souviendras, que ces éclairs et pétarades artificielles donnèrent commencement à l'action du second jour, pour représenter la générale déflagration du monde, et que depuis l'on joua paisiblement, au moins quatre grosses heures. Vois donc, ô épargneur de vérité, combien tu es riche en mensonges. « Le temps, ajoutes-tu, se brouille tout à coup, une nuée crève, une ravine d'eau s'épand, etc. » Trois jours devant l'action, le temps gros de pluie avait menacé de fondre ses nues, et les excessives chaleurs présageaient que les tonnerres n'arrêteraient guère de se faire ouïr, comme déjà il était arrivé le dimanche précédent à heure de vêpres. Voire ce même second jour de l'action les acteurs étant sur le théâtre, l'air brouillé demeura menaçant de pluie plus d'une grosse heure et demie, de quoi s'apercevant quelques-uns bien avisés firent doubler des toiles sur leurs têtes pour être préservés contre l'eau, quand elle tomberait. Même l'on joua un bon quart d'heure la pluie tombant doucement, sans que pour cela ni les spectateurs, ni les acteurs fissent semblant de quitter leur place. Appelles-tu donc cela, « tout à coup » ? Mais ton foudre saint ne fût pas bien tombé sans ce préambule mensonger. Sauvez vos têtes (messieurs), courez au laurier : voici la foudre ! Mais non, ne craignez pas, ce n'est qu'une nue noire épaissie de mensonges. « Le foudre, dit-il, tomba sur une maison proche de celle des jésuites, où il fit du ravage. » Menteur, combien de fois est-il tombé sur Genève sans qu'on y représentât le jugement final ? Je suis voisin des jésuites, je connais leur maison, et toutes celles qui leur sont proches, je me suis avec toute diligence enquis, quelle aurait été celle que le foudre aurait féru de son carreau fulmineux. Tout bien cherché et recherché, je n'en ai pu apprendre aucune nouvelle, et de ton dire n'ai su tirer autre conclusion sinon que tu es un forgeron de foudre semblable au vieux cyclope des poètes. Ce que tu dis ci-après de la tour est autre cas, j'en parlerai à cette heure, te suivant comme on fait la bête à la piste. Car qu'ajoutes-tu pour grossir le monceau de tes mensonges ? Ecoutez-le, messieurs, il dit : « Que plusieurs des joueurs fort effrayés, depuis sont morts et qu'on tient compte de neuf ou dix des principaux pour le moins, qu'entre autres celui qui contrefaisait Dieu et celui qui contrefaisait le personnage de Lucifer ont été emportés de maladie : bref, que les éclairs étaient si fréquents, que plusieurs pensaient que ce fût la fin du monde  ». Y pensâtes-vous jamais, messieurs ? Dites de grâce, pensiez-vous que le dernier jour fût arrivé ? C'est merveille que ce menteur ayant une fois lâché la bride à l'impudence, n'ait dit que tout le mont de Fourvière avait cabriolé au-delà du Rhône, et s'était allé percher dessus le colombier de la Ferrandière, et que là-dessus il faisait le moulin à vent ; ou que tout le quartier de saint Sébastien, ébranlé en ses fondements, s'était perdu dans les abîmes, quatre mille sept cents cinquante-six toises au-delà du centre de la terre, et que le Rhône passant ores par-dessus et se joignant avec la Saône, on y péchait des huitres longues de dix-huit brassées. Par ce moyen plusieurs eussent mieux pensé que la fin du monde était arrivée, car la confusion eût été plus grande. Mais à bon escient, qui sont ces neuf ou dix acteurs de compte fait, qui effrayés sont depuis morts ? S'ils sont comptés et des principaux, comme tu l'assures, il te sera facile de nous en donner les noms. Dis-nous donc, qui sont-ils ? De quelle maison ? Qui sont leurs parents ? Si tu n'eusses voulu avoir la gloire des vieux menteurs Anyte et Mélite, tu aurais apporté de ton dire quelque preuve. Pour nous, qui n'avons bougé de Lyon depuis, nous sommes assurés du contraire, certains que de tous ceux qui étaient présents en l'action, soit acteur, soit spectateur, aucun n'est mort comme ayant été effrayé du foudre, ou du tonnerre. Que si la maladie populaire, qui a fait le dégât qu'on sait en cette ville a emporté deux des acteurs, tu pourras savoir quand tu voudras, que l'un d'eux était déjà malade trois jours avant que monter sur ce théâtre. Et si pour être morts de ce mal ils sont morts effrayés du foudre, ou du tonnerre, dis encore que ceux qui en sont trépassés en Suisse et au fond des Allemagnes, en Italie, et en plusieurs parts de la France en sont trépassés ; dis que le ministre d'Oullins en a été si épouvanté, et plusieurs du Consistoire de Lyon si grièvement malades, qu'à grand peine ont ils pu se relever du lit bagues sauves. Dis que Guillaume la Chana et autres, qui en sont morts, et que tu sais n'avoir guère fréquenté les jésuites, pour avoir été de même religion que toi. Dis que ce foudre qu'ils ne virent, ni ne sentirent jamais, leur a de male peur fait rendre les derniers abois. Mais où avais-tu l'âme, ô cyclope dénaturé, quand tu as écrit, que celui qui contrefaisait Dieu, et celui qui jouait le personnage de Lucifer ont été emportés de maladie pour s'être trop échauffés ? Je t'ai dit qu'aucun n'a contrefait Dieu, comme distinct de Jésus-Christ, et que celui qui représentait Jésus-Christ s'appelle Josué de Villeneuve. J'ajoute que celui qui jouait Lucifer a pour nom Simon Vannerot, et que tous deux sont honnêtes enfants de belle expectation, jouissant encore aujourd'hui d'une pleine santé, sans avoir été ni peu ni prou atteints de maladie : de quoi te feront foi tes yeux et tes oreilles, si pour voir la laideur de tes mensonges il te prend fantaisie de t'en venir informer en cette ville. Vous pensez peut-être (messieurs) que c'est tout. Non, non, cet homme n'est pas encore saoul de mentir. Prenez garde comme il crache les mensonges quatre à quatre. « Entre trois tonnerres qu'il fit (dit-il) il y en eut un si terrible, que le foudre chut sur une tour qui est au bord du Rhône, joignant le collège des jésuites. Céans il y avait un homme qui fut blessé, et une femme tuée. Le foudre rompit la cheminée, par ou il entra, puis sortit par même endroit, se jette sur un bateau chargé de bois, qu'il fit couler au fonds du Rhône ». Voila sept mensonges pour une seule vérité, qui est que le foudre tomba dans une tour, étant faux que cette tour soit joignant le collège ; faux que le foudre y tombant un homme y fût ; faux par conséquent qu'il y fût blessé ; faux qu'une femme y fût tuée ; faux que le foudre rompît aucune cheminée ; faux qu'il se soit jeté sur aucun bateau ; faux enfin qu'il l'ait fait couler au fonds du Rhône. Cette dite tour est celle qu'on nomme du Commis, la plus proche de la porte des Cordeliers, et la quatrième en comptant depuis la porte de rue neuve, et partant bien éloignée du collège. Car si on compte justement depuis le plus proche coin des jésuites jusques à celui des P. P. Cordeliers, l'on trouvera que ladite tour est plus voisine d'eux, que des jésuites, au moins de cent et quinze pas. L'on n'a point remarqué qu'autre mal y soit arrivé, que d'effrayer une femme qui était dedans, et fondre la pointe d'un poinçon servant à sonder les balles. Celui qui habite dedans icelle tour est homme de bien, et honnête personne, appelé Michel Gouille, qui assurera le même que je dis. Et d'ici vous pourrez voir, messieurs, que c'est de s'écarter de la vérité pour suivre les erres du mensonge, auquel qui a une fois donné sa créance en matière de religion, ne tient plus à religion d'en controuver pour diffamer les autres, et nommément s'il est question de donner sur jésuites, que ces gens tiennent pour leurs déterminés ennemis, bien qu'en effet ils ne désirent que le salut de leurs âmes. Qui ne voit leur rage envenimée contre ces bons pères ? Et qui ne s'étonnera du transport où l'appétit de les décrier a conduit ce menteur et impudent écrivain ? Je me suis émerveillé comme après avoir si effrontément franchi les barrières de la pudeur il n'ait encore couché par écrit cet autre vilain mensonge, qui a couru jusques à Paris, qu'un démon vrai démon, se soit trouvé parmi ceux qui les représentaient en cette action sur le théâtre. Et encore plus qu'il n'ait par anticipation écrit ce que maintenant court comme fine vérité dans Genève, que le foudre a abîmé le collège, et que dix-huit des jésuites ont été foudroyés, entre lesquels étaient le provincial, le recteur, et le rhétoricien qui avait composé l'action. Mensonges si noirs, si vilains, et si éhontés, que j'estime que le démon qui les a inventés, en aurait rougi s'il était capable de honte. Si cet imposteur ne les a couchés par écrit après tant d'autres, ce n'a pas été, crois-je, faute de bonne volonté : car encore un coup quelle rage contre ces pères ? N'était-ce pas assez d'avoir voulu, par ce qui a été dit, maculer leur renommée, sans qu'encore cet infâme anonyme parsemât son écrit de calomnies toutes battantes de front l'honneur de leur réputation, en les chargeant de cupidité du lucre et d'avarice ? Il dit I. « Qu'ils avaient dressé ce passe-temps au peuple pour ménager. » II Que « les pères et mères faisaient grande ou moyenne contribution, selon les personnages que leurs fils soutenaient. » III. Que « les personnes de qualité payèrent largement la vue de ce passe-temps, donnant argent pour s'asseoir aux échafauds, que les jésuites leur avaient préparés. » IIII. Que « les jésuites enlevèrent tout l'équipage, et beaucoup de bagage des loueurs leur est resté, pour s'en accommoder à la maniéré des bons ménagers, qui font profit de tout. » Quelle ordure sortant de la bouche de cet homme et quel encre de fiel coule du canon de sa plume ! Vraiment les jésuites sont bien gens, qui pour l'espérance d'un tel lucre voulussent devenir bateleurs. Et il y a bien d'apparence que gens de bon lieu, tels qu'ils sont pour la plus part, gens d'honneur et de science devant Dieu, et devant les hommes, gens qui ont renoncé au monde, auquel ils pouvaient paraître, et avoir quelque chose, gens qui se sont tous donnés au service de Dieu, qui y persévèrent pour sa gloire, pour le bien du public, et le salut de leurs âmes, Il y a bien, dis-je, d'apparence, que jamais ils aient été si convoiteux, que ce médisant les veut faire reconnaître. Pour moi, je les connais assez, ce me semble, et en suite de cette connaissance je jugerais que jamais telle convoitise ne leur est venue en pensée, non plus que jamais ils n'ont retiré un seul liard de celui qui représentait Jésus-Christ, que néanmoins ce calomniateur dit avoir plus payé que tous les autres. Sur quoi je lui offrirai un beau marché, étant assuré que le recteur du collège ne m'en désavouera point : c'est que lui, ou tout autre qu'il voudra, vienne à supputer la dépense faite en l'appareil de cette action, et que d'autre côté il calcule tout le reçu de quelconque part qu'il soit provenu. Je lui fais bon que si sur ce reçu il paye tout le dépensé, le recteur lui donnera tout compté et rabattudix écus par-dessus. Et pour ce qu'il dit du bagage, qu'il cherche toutes les pièces qu'il suppose avoir été retenues, je lui promets que toutes lui seront rendues, et un teston de surcroît dessus chaque pièce. C'est un beau parti, nommément à un misérable, tel que doit être ce criminateur : car un homme d'honneur et de moyen n'aura jamais mis la main à la plume pour publier ces si puantes bourdes et tacher à plaisir la renommée de ceux desquels il n'a jamais reçu déplaisir. Qu'est-ce donc qui peut avoir poussé cet homme de néant à ce faire ? Je n'en peux point conjecturer ou savoir autre cause, que sa malignité propre, accompagnée d'un mauvais naturel, formé pour médire, et disposé à mal faire : ou bien je l'attribuerai à son éducation, car étant du nombre de ceux que le schisme a séparé de l'Église catholique, apostolique et romaine, l'on voit par expérience que telles gens haïssent à mort les jésuites, voire avant que jamais ils les aient vus. Peut-être aussi sera-ce, parce que selon les lois de la discipline reformée, il est inhibé de transformer les livres de la Bible en tragédie, et il lui fait mal que dans Lyon telles ordonnances ne sont point gardées. En effet, il semble que sur cette enclume ce cyclope ait principalement martelé son carreau de foudre et de calomnie, car il tient à si grand crime qu'on ait représenté le jugement, le paradis, et l'enfer, que pour ce l'air en ait dû être troublé, et en soient arrivés les esclandres par lui ci-devant mentionnés, et menteusement controuvés. Quoi faisant, il nous montre de quel esprit lui et les siens sont portés. Car pourquoi cette haine nouvelle et si grande aversion des représentations des choses saintes, sinon pour revendiquer le théâtre à Bacchus et à Vénus, ou du moins à celle païenne folie, à qui la gentilité l'avait dédié ? Et que faisait Isaïe allant tout nu par la ville ? Quoi Jérémie portant des chaînes au col  ? Quoi Ézéchiel s'équipant en mode de soldat formant un siège de ville, et contrefaisant l'assiégeant et l'assiégé ? N'était-ce pas pour représenter ores le pillage, ores la captivité du peuple, ores l'assiégement et le sac de Jérusalem ? Que si représenter la sainte vérité est chose mauvaise, pourquoi est-ce que Dieu l'aurait commandé à ses prophètes ? Mais (diras-tu) ils ne le faisaient pas sur un théâtre. Qu'en sais-tu, ignorant que es ? Commandement ne fut-il pas fait à Ézéchiel de cuire ses pains avec la fiente en face de tout le peuple ? Mais en ce faisant il ne jouait pas une comédie. Non, car le sujet était horrible et tragique, et tel pour plus grand profit l'avaient choisi en cette action les jésuites. Mais en cette représentation des jésuites aucuns spectateurs riaient quelquefois. Et qui t'a dit que toujours ceux qui voient les prophètes pleurassent, nommément ceux qui étaient ignorants des mystères qu'ils représentaient ! Mais ils étaient des prophètes. Pour ce, si tu avais des yeux, pour autre effet que pour chercher des bourdes, tu verrais que nous les pouvons et devons imiter. Mais le théâtre est un lieu infâme. Qu'il le soit à Genève, chez les jésuites chez un gymnase, ou palestre d'honnêteté où la jeunesse est exercée pour paraître un jour heureusement en public. Mais cela se faisait par commandement de Dieu. Grand merci, lourdaud que tu es, de là devrais-tu conclure, que telles représentations sont bonnes et licites. A quoi s'accorde toute la chrétienté, hormis les ministres et leurs adhérents, qui sous prétexte d'une réformation difforment toutes choses. Saint Grégoire de Nazianze, pour chasser Euripide et avec lui le démon hors de la scène a dressé une action de Jésus-Christ endurant. Le fameux Apollinaire d'Antioche ne gagna pour autre raison tant le cœur de l'Église en ses commencements, que pour avoir su proprement accommoder la Bible à la poésie, la poésie à l'échafaud, et tous deux à un honnête plaisir et instruction. Aussi était-ce le commun désir de tous les anciens pères, de saint Cyprien, saint Augustin, saint Chrysostome, Lactance, Arnobe, Tertullien, qui avec tant de véhémence ont invectivé contre les spectacles païens, ne cessant de souhaiter que Jésus-Christ gagnât l'orchestre aussi bien que le palais, l'hippodrome aussi bien que le camp, les arènes aussi bien que le temple, que tout fût à lui, et que par-dessus tout flambât sa croix victorieuse. Les choses saintes, dit saint Jérôme, doivent être perçues, et par les yeux et par les oreilles. Et quant à ce qui touche le jugement, duquel il est maintenant question, remarque que Tertullien, qui a vécu il y a plus de 1400 ans en a fourni le parfait argument aux jésuites en ces termes. « Mais quel spectacle au chrétien (dit-il) est l'avènement voisin du Seigneur, déjà connu, déjà glorieux et triomphant, quelle exultation des anges, quelle gloire des saints ressuscitant, quelle le royaume des justes et la nouvelle cité de Jérusalem ? De pareille représentation nous est ce grand et dernier jugement, cet inespéré aux nations, et moqué d'icelles. Lors que tant, et tant de siècles et générations seront consumées d'un feu. Vraiment il y a bien là que voir et regarder, etc. » Ainsi parlait cet ancien au temps jadis, fournissant de sujet aux acteurs d'alors, s'ils eussent été chrétiens, et si les chrétiens eussent pu déposséder l'idolâtrie et chasser l'impudicité du caveau et du cirque. Mais à quel propos m'en vais-je si loin pour convaincre et réfuter ce calomniateur, comme si Bèze, ce grand zélateur de la réformation n'avait point théâtrisé son Abraham, et Bucanan son Jephté, et Heboannus Hessus, avec autres semblables n'eussent dressé en action théâtrale plusieurs parties de la sainte Bible. Si c'est mal fait de représenter les choses saintes, ces réformés qui l'ont fait, seront avec les jésuites coupables. Ce que n'apercevant pas cet étourdi écrivain, n'est-il pas en danger d'être appelé au Consistoire ? Mais il est temps que je finisse, et que je laisse couler les autres menteries, drôleries, malices et calomnies comprises en son libelle diffamatoire. Ce qui a été dit est assez pour nous faire reconnaître (messieurs) sur quel gibier se jettent ces oiseaux de proie. Vous agréerez, s'il vous plait, que j'aie défendu la vérité contre ce mensonges, et que j'aie fait connaître aux villes éloignées de la nôtre qu'à tort et faussement les jésuites ont été calomniés en un fait, auquel ils se sont montrés autant zélateurs du bien public, qu'amateurs de votre honneur, et désireux de l'avancement de vos enfants, et pour lequel ils méritaient devant les hommes plutôt une réciproque bienveillance que les calomnies de cet écrivain de Genève. Il est vrai qu'ils tiennent à assez de récompense d'avoir eu en ceci le désir et bonne volonté de vous servir, et vous servant, de glorifier celui, pour lequel ils endureront volontiers en ce monde, appuyés sur la ferme espérance qu'ils ont, qu'après le travail suivra le repos, qui est promis aux gens de bien au séjour de l'Eternité. A Lyon ce 10. jour d'Octobre 1607. Votre serviteur bien humble et Très affectionné,