**** *book_tilenus_traite_1600 *id_body-1 *date_1600 *creator_tilenus FRONTISPICE TRAITÉ DES JEUX COMIQUES ET TRAGIQUES. CONTENANT INSTRU- ction, et Resolution de la Question: ASSAVOIR, Si tels esbats, et passe temps sont per- mis aux Chrestiens. Par D. T. Imprimé par Jacob Salesse, L'an de notre Salut, 1600 **** *book_tilenus_traite_1600 *id_body-2 *date_1600 *creator_tilenus Traité NOUS sommes en un Temps, auquel on estime vrai, plutôt ce qui se persuade, et ce qu'un chacun désire, que ce qui l'est réellement, ni plus ni moins que l'on estime monnaie, non seulement celle qui est de bon aloi, mais aussi celle qui a cours. Et comme les monnayeurs, quand ils mêlent quelque autre matière avec l'or, disent, que c'est pour le rendre plus ferme et durable ; Aussi les hommes de ce siècle, tiennent que la parole de Dieu, plus désirable que l'or le plus affiné, ne se peut manier ni employer en l'usage commun, toute pure ; ains qu'il y faut mêler quelque peu de prudence humaine, pour la rendre propre à la pratique du monde, au cours du marché. L'odeur de cette Maxime se sent partout ; en l'Eglise, en la Police ; en public, et en particulier : Est trouvée bonne même par quelques-uns de ceux, qui de bouche en approuvent une toute contraire, à savoir : Que la pure parole de Dieu, sans aucune sophistrie, doit être la seule loi, guide, règle, balance, et lumière de notre foi, et de toutes nos actions ; laquelle ils ébrèchent, affaiblissent, et énervent par telles exceptions, modifications et restrictions, que requièrent leurs affaires, en font un nez de cire, une règle de plomb, pour l'accommoder à leurs fantaisies : Et cependant ils se plaindront, aussi bien que nous, de la corruption ; confesseront, qu'elle se glisse partout, comme l'air : Mais chacun exceptera et exemptera de ce blâme, dispensera de ce titre sa corruption particulière, pensera faire œuvre de charité, de persuader à autrui, par quelque apparence de raison, ce qu'il s'est imprimé en son cerveau par une folle opinion ; plus il se trouvera d'absurdité en la chose, de difficulté en la preuve, de danger en la créance ; plus apportera-t-il d'artifice pour la colorer, d'autorité pour l'établir, d'opiniâtreté pour la maintenir. Ainsi cette sacrée Maxime de l'inviolable autorité de la Parole de Dieu, ne sert que d'ombre, pour la Théorique, demeure sus la langue pour le discours ; estimée de nul usage, comme une monnaie inutile fors qu'à conter et jeter ; ou comme un beau fruit, venu hors sa saison, qu'un chacun regarde et loue, mais personne n'en mange. Au contraire l'autre Maxime de la prudence humaine, quoique blâmée de bouche, est embrassée étroitement ; reçue avec les deux mains, logée au cœur, conservée et observée comme loi fondamentale de la vie humaine, adorée comme le soleil du petit monde, c'est-à-dire de l'homme, estimée le vrai sel, et seul assaisonnement, qui donne saveur aux affaires, qui acquiert faveur à ceux qui les manient, lesquels selon l'ancien Proverbe, «  Arator nisi incurvus prævaricatur », c'est-à-dire, Le laboureur ne conduit pas sa charrue droitement, s'il ne se courbe. Ne pensent les pouvoir bien conduire, s'ils ne courbent leurs âmes, ni tenir la droite voie, s'ils ne gauchissent de fois à autre, prenant pour Règle, l'obliquité ; pour loi, leur fantaisie ; pour guide, les ténèbres ; pour compagnie, la multitude ; pour Exemple, la vanité ; pour but, la volupté. Et voilà la caverne d'où sort cette noire nuée, cette épaisse fumée, qui obscurcit la clarté de la Maxime Divine ; cette puante vapeur, qui gâte et infecte les cerveaux humains. Dieu leur envoyant efficace d'erreur, pour croire au mensonge, pour s'en repaître, puisqu'ils sont dégoûtés de la vérité. Il me semble que j'ois déjà les brocards de ces langues confites au sel de cette prudence, qui disent, que d'une mouche, je fais un Eléphant, que je veux émouvoir une grande tourmente en un petit ruisseau ; que n'étant question ici que de Jeux et de Passe-temps, il n'était pas question d'un préambule si sérieux. Quelque autre usant d'Ironie Comique, dira : « Puisque je traite des Comédies et Tragédies, il me doit être permis, de commencer par exclamations Tragiques, etc. » Sans m'amuser à leurs risées, je prie les fidèles, de considérer, si les contredisants ont autant de sujet de se rire de moi, comme ils en donnent à Satan, de se moquer d'eux, s'étant laissé persuader, de tenir pour indifférent, voir pour bon, utile, et louable, un Exercice que les anciens Chrétiens appelaient peste des Esprits, chaire de pestilence, subversion d'honnêteté, boutique de turpitude, fêtes de Satan, Abrégé du service que rendaient les Païens à leurs faux Dieux, lesquels en temps calamiteux, ils estimaient ne pouvoir mieux apaiser, qu'en leur vouant et jouant des Comédies et Tragédies. Et c'est d'où en est venue la première origine, si nous en croyons les histoires tant Ecclésiastiques que profanes. Ainsi quand ils n'avaient assez bien joué au gré de ce Prince des ténèbres, il apparaissait à quelqu'un, et lui commandait d'en avertir le Magistrat, afin de recommencer et rhabiller les fautes, menaçant de peste et de tout malheur, si on y faillait. Quand il n'y aurait autre raison que celle-ci, à savoir, que le Diable en est l'inventeur et le promoteur, qu'il a voulu être honoré par tel service, entre ceux qui étaient sans Christ étrangers de la République d'Israël, éloignés des promesses, n'ayant point d'espérance ; bref, qui étaient sans Dieu au monde. Elle devrait bien suffire aux enfants de lumière, pour y renoncer, et laisser aux enfants des ténèbres et de rébellion, les immondices, et excréments, qui découlent de cette cloaque infernale. Or d'autant que plusieurs se laissent aller à cette corruption par ignorance, emportés par le torrent de la Coutume, par la contagion des Idolâtres, par le lustre des exemples ; plusieurs aussi, comme a été dit, veulent maintenir, que la chose est ou bonne et louable en soi, ou pour le moins indifférente. Il est nécessaire de subvenir à la faiblesse des uns, en les instruisant ; et de prévenir l'opiniâtreté des autres, en détruisant leurs raisons vaines, par d'autres vraies et solides, que nous puiserons en premier lieu de l'Ecriture S. et de l'Analogie de la foi ; en après de la doctrine des Anciens, pour montrer par leurs témoignages, le consentement de l'Eglise primitive, et la pratique des premiers Chrétiens, qui allaient aux Théâtres bien d'une autre manière, et pour une autre fin, à savoir, pour y glorifier Dieu, pour y sceller de leur sang la vérité de l'Evangile, combattant et surmontant par leur constance, la rage de Satan, et la cruauté des Tyrans ; non pour contrister le S. Esprit, non pour scandaliser leurs frères, par l'imitation de ces vanités Païennes. Pour fondement de ce Traité, nous poserons quelques Maximes, que tout Chrétien doit tenir pour immuables, et immobiles : à savoir que tout ce qui est sans foi, est péché. Que la règle et mesure de notre foi, est la parole de Dieu. Que l'on ne doit rien faire ni entreprendre, dont nous ne soyons certains et résolus en notre conscience, s'il est agréable à Dieu ou non. Que les actions de soi indifférentes, sont rendues bonnes, quand la conscience est bonne ; mauvaises, quand la conscience est mauvaise, ou irrésolue. Que cette force de la conscience, n'a lieu, qu'ès choses en soi indifférentes, non en celle qui de leur nature sont mauvaises, qui ne deviennent jamais bonnes, quelque conscience que l'on y apporte. Que l'on doit apprendre de la parole de Dieu, quelles choses sont bonnes, mauvaises, ou indifférentes. Que cette distinction des choses, n'a lieu qu'en la Théorique, car quand il est question de la Pratique et exécution, nulle action n'est plus indifférente, ains devient nécessairement, ou bonne, ou mauvaise vu que celles qui en soi sont les plus indifférentes, comme boire, manger, dormir, etc., doivent être rapportées à la gloire de Dieu, laquelle fin les rend bonnes, d'indifférentes qu'elles étaient. Pour le dire plus brièvement : les choses indifférentes se considèrent, ou en elles-mêmes, ou au regard des personnes, qui en usent. Considérées en elles-mêmes, elles sont ni bonnes, ni mauvaises ; Au regard des personnes, faut noter, que les personnes sont ou fidèles, ou infidèles ; celles-ci étant pollues, et en l'entendement, et en la conscience, tout ce qui en sort, est pareillement pollu ; celles-là se conduisent en toutes choses selon la foi, qui sait par la parole de Dieu, ce qui est loisible : et selon la charité, qui montre ce qui est expédient. Ces deux flambeaux, peuvent être appelés directeurs et modérateurs des actions du Chrétien. Ces fondements posés, il sera aisé de vider notre question ; à savoir, S'il est permis de jouer Comédies, Tragédies, et autres tels jeux, en l'Eglise Chrétienne. Je dis donc, que, si cela est permis ; il faut que la parole de Dieu le permette, ou en termes exprès, ou en conséquence nécessaire, ou par l'approbation de quelque exemple, ou pour le moins par son silence, selon lequel nous tenons en autres choses, pour permis, ce qui n'y est pas défendu. Si donc cette parole, non seulement ne favorise pas les joueurs par son silence, mais leur contrarie aussi par défense expresse ; Certes, il y aura dorénavant plus de honte à douter de ce point ; plus d'inconvénient d'en disputer ; que de peine à l'éclaircir, de difficulté, à le résoudre. Car comme les Rois gravent leurs faces sus les monnaies, et ordonnent le prix, et valeur à chaque pièce ; ainsi ce Roi des Rois, marque par sa parole, comme de son coin, toute action ; lui donnant le nom propre, et l'estimation qu'il sait lui être convenable. Examinons donc, et pesons cette question, non pas aux fausses balances de notre fantaisie ; mais, selon le conseil de S. Augustin, « Apportons les balances divines des Ecritures Saintes, du trésor du Seigneur, pour y peser ce qui est pesant, ou léger ; ou plutôt, n'y pesons rien, ains reconnaissons ce que le Seigneur même y a pesé. » Es jeux Comiques ou Tragiques, faut considérer deux choses : Premièrement le sujet, ou la matière, qui y est traitée : Secondement, l'appareil ou la manière dont on les joue. La matière se prend, ou de l'Ecriture Sainte ; ou de quelques Auteur profane, Historien, ou Poète. Si de l'Ecriture Sainte, elle-même nous déclare, qu'elle est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour rédarguer, pour corriger, pour instruire ; non pour nous faire rire : Qu'elle doit être prêchée, méditée, pratiquée, gardée, non jouée : Qu'elle est commise aux Pasteurs, non aux Bateleurs : Qu'elle doit retentir ès Eglises, non aux Théâtres, à la maison de Dieu, non en la Boutique de turpitude : Qu'elle doit pénétrer jusques à la division de l'âme, et de l'esprit, des jointures, et des moelles ; c'est-a-dire, navrer mortellement les obstinés, et vivifier les croyants ; non servir d'ébat, et de passe-temps, pour pervertir plutôt les domestiques, que pour convertir les Etrangers : Bref, qu'elle doit être proférée, et ouïe avec honneur et révérence ; non profanée par gesticulations et singeries. Aussi lisons-nous, que quelques Poètes anciens, pour avoir mêlé en leurs Tragédies des histoires saintes, ont été punis, les uns d'un subit étourdissement, les autres d'aveuglement. Si la matière est prise d'un Auteur profane ; c'est ou fable ou histoire ; l'Ecriture qui nous détourne expressément des fables Judaïques, ne nous permet pas plus les Païennes ; voire elles les défend toutes, en termes exprès ; Que si elle en défend le trop grand étude en particulier, où quelques-uns s'en occupent tant, qu'ils en négligent les études de Piété ; combien plus l'exercice public, conjoint avec tant d'inconvénients ? Si on réplique, qu'il est permis de les lire, et savoir, et que S. Paul même montre, qu'il a lu les Poètes, alléguant de leurs vers, et entre autres d'un Comique : je réponds, que cette permission de les savoir, n'infère pas la licence de les jouer, et que la connaissance en doit être rapportée à une fin, et usage tout autre, où visent les Théologiens, en lisant les écrits des hérétiques ; les Médecins, apprenant à connaître les poisons, et herbes dangereuses ; les Logiciens, étudiant aux Elenches sophistiques, etc. Il serait trop long, et hors du centre de notre question de discourir comment, et pourquoi les Chrétiens peuvent, ou doivent lire les fables des Poètes, et autres écrits Païens ; et cette matière a été traitée exprès, par ce grand S. Basile : Il nous doit suffire, que les Tragédies sont pleines d'horreurs, de meurtres, parricides, incestes ; d'exécrations, et invocations des Dieux Païens : Or l'Ecriture défend en termes exprès, non seulement de jurer par les noms des Dieux étranges, mais de les prononcer par notre bouche : Et c'est de quoi se glorifie David, qu'il n'a pas leurs noms en sa bouche : Elle commanda d'en abolir les marques, et la mémoire ; et nous leur dresserons des Echafauds ; les enseignerons aux Théâtres, à ceux qui autrement n'en ouïraient jamais parler. Les Comédies ont pour sujet ordinaire, Tromperies, adultères, maquerellages, et toutes sortes de vilénies ; et par la représentation de feintes paillardises, incitent, voir enseignent à en commettre de vraies, selon le jugement de S. Cyprien, que nous verrons ci-après : l'Ecriture défend en termes exprès, de nommer la paillardise, impureté, fol propos, plaisanterie ; ajoutant qu'il est déshonnête de dire les choses, que les infidèles font en cachette : Item nous exhorte, que nul propos infect, ne sorte de notre bouche, afin de ne contrister le S. Esprit. Que si on réplique ; que ces choses se représentent, pour en détourner la jeunesse : Je réponds avec tous les anciens, dont je produirai les témoignages ci-après ; Que cet avis est aussi bien fondé, que celui qui conseillerait, de mettre les jeunes filles en un bordeau, pour les confirmer en l'amour de la vertu et chasteté : Les Comédies sont spectacles plus plaisants à la vue charnelle, que n'était le spectacle des Hélotes ivres, que les Lacédémoniens montraient à leurs enfants, pour les détourner de l'ivrognerie : Et toutefois, si un Chrétien voulait imiter cet exemple, et faire enivrer des hommes exprès, pour faire abhorrer ce vice aux autres, il se montrerait ridicule, et encourrait très juste répréhension. Or tout n'est que trop plein de fables et mensonges, de quelque côté qu'on se tourne, et n'est besoin de dresser des Echafauds, de faire des assemblées exprès, pour les y enseigner. Certains Païens s'en montraient plus ennemis que nous, mêlant parmi leurs sacrifices du sang, tiré de leurs langues, et de leurs oreilles, pour expier le mensonge, tant ouï que prononcé. Si la matière est historique, et véritable, il y aura un peu moins de mal ; mais il y en restera toujours trop : Car ceux qui savent que c'est que de Poésie, voient assez, que ores que le sujet soit historique, si le traite-t-on Poétiquement ; c'est-à-dire, on y mêle tant qu'on peut de menteries, et d'ordures païennes ; voire on estime, que tels excréments, sont les plus exquis ornements de l'ouvrage, qui serait méprisé, s'il n'était décoré, et embelli de telles fleurs ; le soin étant beaucoup plus grand, à représenter bien ; c'est-à-dire, au gré des spectateurs, et auditeurs ; qu'il n'est, à représenter chose bonne, c.-à-d. vraie et profitable : Tellement qu'enfin, tout revient à un, de quelque matière que soit le corps, puisque on l'habille toujours de même étoffe, et de même façon. Examinons maintenant l'autre point, qui consiste en la forme, et en l'apparat, dont on a accoutumé de représenter tels jeux. Il est plus que notoire, qu'en toute Comédie, ou Tragédie, qui se joue en public ; on se déguise, on contrefait le sexe, tant par les habits, que par les gestes : Or quand nous n'aurions autre raison pour rejeter cela, que l'instinct de nature, où l'Apôtre renvoie les Corinthiens, il devrait suffire, au moins à ceux qui croient, que Dieu même a distingué les œuvres, en la première Création ; et que vouloir par tels déguisements, confondre, ou changer, et contrefaire les sexes, n'est autre chose, que remuer les bornes de l'ordonnance Céleste, faire la guerre à Dieu, et à la Nature : Mais quand outre cette raison générale, et empreinte naturellement en toute âme raisonnable, nous avons d'abondant un Commandement en termes autant exprès, et clairs, qu'aucun autre, qui soit en tout le reste de l'Ecriture, lequel défend, que l'homme ne soit vêtu de vêtement de femme, ni la femme de vêtement d'homme ; ajoutant cette horrible menace, que celui qui fait cela, est en abomination devant Dieu : certes tout cœur, fût-il de pierre, ou d'acier, devrait ployer, se devrait briser, par l'éclat d'un tel tonnerre, par la violence d'un tel foudre : Mais puisqu'il s'en trouve, qui aiment mieux combattre la vérité par quelque froide glose, que de renoncer à cette vanité ; voyons, et pesons leurs raisons. En premier lieu, ils voudraient bien faire trouver ce Commandement cérémonial ; et partant non applicable aux Chrétiens, le renvoyant par ce moyen aux Juifs, et l'abolissant totalement, en tant qu'en eux est : Mais quand il est question, de rendre raison de cette interprétation, ou d'en amener quelque témoin, ils se trouvent plus muets que poissons, voire leur donnant le choix, entre tous les témoins, qui sont capables de témoigner, Anciens, ou Modernes ; Juifs ou Chrétiens ; Grecs ou Latins ; Pères, ou Scoliastiques, de l'Eglise Romaine, ou de la Réformée : Aussi cette opinion ne peut tomber, qu'en un faible cerveau, en une étrange fantaisie : Si ce Commandement est cérémonial, il est certain, qu'il n'appartenait qu'aux Juifs, et qu'il a pris fin par la venue de Jésus Christ, et que les Chrétiens, ou ne le doivent plus observer du tout ; non plus que les autres Cérémonies légales ; comme la Circoncision, les Sacrifices, etc., ou le peuvent laisser, et garder, quand bon leur semble, ayant pleine et entière liberté, de l'un et de l'autre : comme ils peuvent librement manger du lièvre, et du pourceau, ou bien s'en abstenir, selon que bon leur semble : Si le premier ; tous ceux qui portent habits convenables à leur sexe, Judaïsent ; et n'y aura plus de vrais Chrétiens, que les Bateleurs, qui se déguisent ; Ceux que les lois politiques déclarent infâmes, que l'on ne daignait enrôler au nombre des Citoyens à Rome, auquel lieu toutefois y avait tant de milliers de méchants garnements jouissant de ce droit, seront seuls bourgeois de la cité de Dieu, seuls héritiers du règne céleste, et cohéritiers de Jésus Christ ; mais encore ne sera ce, qu'à la charge, qu'ils soient perpétuellement sur l'Echafaud ; ou pour le moins, qu'ils se transformeront toujours par les habits, d'hommes en femmes : Si le second ; Il est donc en la liberté d'un Ministre, de monter en chaire, en habit de femme, tout aussi librement, qu'en habit d'homme ; comme ils veulent, qu'il soit libre, à un Menestrier, de monter sur l'Echafaud, en habit déguisé : Et vouloir astreindre le Ministre, à se vêtir d'habit d'homme ; ce sera le contraindre de Judaïser ; ce sera lui ravir la liberté Chrétienne. Voilà les prodigieuses absurdités que leur glose porte en croupe. La glose commune sur ce texte, dit ces mots : « Ad literam quoque omnia hæc et similia servanda sunt ». Il faut garder selon la lettre toutes ces choses, et semblables : Ajoute, que entre les Païens, à certaines fêtes de Mars, les femmes portaient l'équipage des hommes ; et aux fêtes de Vénus, les hommes portaient les hardes des femmes, la quenouille, le fuseau, et autres telles choses : Est aussi à noter, que le terme Hébreu, dont use Moïse est plus général, que ne porte ce mot de vêtement ; dont appert, que la défense est encore plus rigoureuse, que nous ne la prenons, la restreignant seulement aux vêtements ; au lieu que Dieu nous déclare, qu'il abhorre généralement toute confusion, jusques à la moindre, qui se commet, quand un sexe s'attribue quelque chose qu'il a ordonné à l'autre. La même glose nous avertit, qu'un tel déguisement, donne moyen à l'un et à l'autre sexe, de commettre des vilénies ; montrant par là, que cet abus n'est moins défendu aux Chrétiens, qu'aux Juifs. Aussi y a-t-il assez d'exemples récents qui nous apprennent, quelles ordures les Bateleurs cachent ordinairement sous tels drapeaux ; sans en produire d'anciens, de Clodius, qui en tel déguisement, corrompit la femme de César : Item de la Papesse Jeanne, de qui l'accouchement montra le sexe, que le vêtement avait caché. Les Païens même reconnaissaient fort bien cette turpitude ; voire leurs Poètes Comiques, témoin celui, qui se moque d'un certain Clisthène, de ce que par ses habits il se montrait si efféminé, comme s'il eût voulu changer de sexe. Les enfants de l'Ecole savent les histoires de Sardanapale de Sémiramis, laquelle, après s'être longtemps déguisée, voulut enfin commettre inceste avec son fils, qui la tua : Item les fables d'Hercule, servant à Omphale ; d'Achille, se cachant parmi les filles de Lycomède, etc. Quelqu'un m'allèguera, peut-être, Euclide de Mégare, qui est fort loué, de ce que brûlant d'envie d'ouïr Socrate à Athènes, et n'y osant aller librement, à cause que les Athéniens avaient ordonné peine de mort, aux Mégariens, qui s'y trouveraient ; il se déguisa en femme, entrant sur la nuit dans la ville, et en partant le lendemain de grand matin ; afin d'avoir au moins ce bien, d'ouïr un peu la nuit ce grand personnage-là. Nous lisons un autre exemple, que décrit S. Ambroise, d'une vierge d'Antioche, laquelle étant condamnée, ou de sacrifier aux Idoles, ou bien d'être prostituée en un bordeau ; et ayant mieux aimé subir ce dernier jugement, pour la confiance qu'elle avait, que Dieu l'y préserverait de toute souillure ; elle prit les habits d'un soldat en ce lieu-là, pour en sortir inconnue et impollue : Le premier de ces deux exemples, est loué par un Païen, en un autre ; et toutefois ce n'est pas le déguisement qu'il loue en lui, mais le désir d'apprendre, au péril de sa vie. En l'autre exemple, il y a des circonstances, qui doivent être bien considérées : Il était question de conserver l'honneur d'une Vierge, non de donner du plaisir à un peuple ; de sauver une pauvre colombe, environnée, comme parle S. Ambroise, d'une troupe d'éperviers, qui allaient fondre sur cette proie : Est à noter aussi, que la Vierge ne savait quelle était l'intention de ce soldat qui lui offrit de lui sauver sa vie, par le moyen de ce changement d'habit ; ne s'osait fier en lui, ne lui pouvait résister ; le tenait suspect, ou comme paillard, ou comme persécuteur ; lui tendait le col comme il jetait sa casaque sur elle, prête à se laisser ôter la vie, non qu'à lui quitter sa robe. Il se lit quelques autres tels exemples, d'une Marina Grecque, d'une Euphrosyne d'Alexandrie, d'une Pelagia d'Antioche, que quelques-uns écrivent avoir pris l'habit d'un homme, pour s'enfermer dans des Monastères ; mais comme la fin qu'elles se proposaient en ces choses, était superstitieuse, aussi les moyens, pour y parvenir, ont été mauvais et illicites. Que si quelques-unes ont eu recours à ce changement, en temps de persécution, pour mieux se préserver des outrages, auxquels ce sexe-là est sujet ; Il faut prudemment distinguer entre ce qui est louable en soi, et ce qui tient de l'infirmité humaine ; Comme les Anciens distinguent entre l'œuvre de compassion, que montraient les sages femmes en Egypte, en sauvant la vie aux enfants des Hébreux ; et l'œuvre d'infirmité, en déguisant la vérité devant Pharaon. Enfin, tout exemple doit être examiné par la règle, devant que d'être approuvé ; Autrement il faudrait dire, qu'il est aussi licite de se tuer soi-même, en certains cas, à savoir, pour éviter la force et vilénie d'un paillard ; Ce que plusieurs femmes Chrétiennes, voire mises au nombre des Saintes, firent à la prise de Rome, par les Goths ; desquelles S. Augustin, n'ose prononcer sa sentence, ne sachant, si elles avaient été mues à ce faire, par quelque instinct divin, comme Samson ; prononce toutefois hardiment, que nul ne se doit faire mourir, pour éviter quelque inconvénient temporel, de peur qu'il ne tombe aux peines éternelles. Or il est plus clair que le Soleil en plein midi, que le commandement susdit, ne peut être que moral, par les ridicules et monstrueuses conséquences, que l'on en pourrait tirer, s'il était pris pour Cérémonial ; Aussi n'y eut-il jamais homme de bon sens, qui l'ait pris pour tel : Et les anciens qui cherchent des allégories en tous passages, n'en peuvent trouver que de morales en celui-ci ; savoir est, que la femme ne doit exercer nul office viril ; que c'est là, que vise l'Apôtre, quand il défend à la femme d'enseigner en l'Eglise : Que le mystère de Jésus Christ et de son Eglise, est profané par tel déguisement, et qu'il est sanctifié, quand la distinction faite entre les sexes en la Création, est observée, tant en l'office, qu'en l'accoutrement de l'un et de l'autre : Sur quoi quelques-uns prennent occasion de blâmer les Amazones, et les femmes d'Egypte, qui trafiquaient en pays étrange, et leurs maris cependant filaient au logis, comme écrit Hérodote ; lequel pour mieux représenter la confusion de ce peuple, ajoute qu'aussi foulaient-ils la farine avec les pieds, en boulangeant ; et pétrissaient avec les mains le mortier, en bâtissant, etc. L'allégorie de S. Augustin, comme elle est plus éloignée, aussi y convient-elle le moins : Il entend par l'homme, la raison ; par la femme la sensualité ; et dit, que l'homme porte l'habit de femme, quand la raison se laisse aller à la sensualité ; et au contraire, la femme prend l'habit d'homme, quand la sensualité est surmontée par la raison : Mais par ce moyen, il serait seulement défendu à l'homme, de prendre l'habit de femme ; et non à la femme, de prendre celui d'homme, contre l'intention du Législateur, qui fait la défense égale, pour l'un et l'autre sexe. Mais tant y a, que quelque allégorie que les Anciens en tirent ; ils n'abolissent jamais le sens littéral, et le maintiennent purement et simplement moral : Et nous le devrions bien apprendre, par cette sévère répréhension, que fait l'Apôtre aux Corinthiens, entre lesquels s'était seulement glissé une petite partie de cette corruption, dont toutefois il infère incontinent, du déshonneur pour l'un et l'autre sexe ; de la confusion aux œuvres de Dieu, de la contrariété à la Nature même. S. Chrysostome éclaircit ce passage par une belle similitude. Quand, dit-il, un Roi est assis en son trône, les Seigneurs et Officiers de son Royaume, n'y comparaissent, qu'avec les marques et enseignes de leurs grades et honneurs : Ainsi les hommes et les femmes, ne doivent comparaître devant Dieu, sans les marques de la condition, en laquelle il les a créés ; afin de ne faire déshonneur au Roi des Rois. Ce qui ne doit être restreint aux seules assemblées Ecclésiastiques, car puisque l'Apôtre défend ailleurs à la femme d'enseigner en l'Eglise, il semblerait qu'il le voulût permettre ici, pourvu qu'elle eût la tête couverte. Et certes la modestie, et l'ordre de nature, ne doivent pas être gardés seulement en l'Eglise, mais en tout lieu, principalement en compagnie, qui n'est jamais petite, aux lieux où se jouent Comédies ou Tragédies. Mais voici comment répliquent les Avocats des Bateleurs : Si, disent-ils, ce Commandement doit être pris à la lettre ; Il ne serait donc pas permis, en cas de nécessité, de sauver sa vie, s'offrant moyen de ce faire en se déguisant. Je leur réponds ; qu'ils doivent savoir, que vraiment tous moyens de sauver sa vie ne sont pas licites ; et que suivant les Maximes posées ci-dessus ; le vrai fidèle n'entreprendra jamais rien, dont il n'est résolu, et assuré en sa conscience, ni ne tâchera à sauver la vie terrienne, en hasardant la céleste : Mais qu'ils diffèrent donc ces déguisements, tant que le cas de nécessité le requiert : Qu'ils se souviennent, que nécessité n'a point de loi ; Que les circonstances selon les causes, les fins, les temps, et les lieux, rendent les actions, non seulement diverses, mais bien souvent, contraires, comme il appert par les exemples susdits. Ils m'accorderont, que c'est déshonneur à une femme, de porter les armes : Il écherra toutefois, qu'en certain temps il lui sera honorable ; témoin celles, qui en une extrémité de siège et d'assaut, se sont trouvées aux brèches ; non seulement sans blâme, mais avec juste louange. Celui qui sans nécessité mangerait des chiens, ou autres immondices, serait à bon droit jugé malsain de corps, et d'esprit ; mais ce jugement n'a plus de lieu sur la mer, quand le biscuit est failli, ni quelquefois sur la terre, quand les munitions sont consommées. Le Sage condamne celui qui aime le péril ; lui dénonce, qu'il y périra ; mais S. Paul n'encourut point cette condamnation, quand il se fit dévaler par les murailles de Damas, ce qui ne fut sans péril, comme aussi il le met en ce nombre. Aussi peu doit-on blâmer David, qui se sauva de même façon, quand Michol le dévala par la fenêtre, mettant au lit une certaine image, accoutrée de poil de chèvre, pour tromper les soldats de Saül. J'entends, que les Patrons des Comédiens, pour éluder la loi du Deuter. se prévalent de cet exemple, et de ce déguisement, que fit Michol, d'une image, pour représenter David ; concluent, ou l'approbation, ou la permission, ou pour le moins l'indifférence, de leurs déguisements Comiques et Tragiques : Mais devant que venir à cette conclusion, il faudrait avoir prouvé ces propositions : Qu'il n'y a point de différence entre une image de bois ; et l'homme, qui est l'image de Dieu : Que l'on peut faire de l'un, tout ce qu'on fait de l'autre ; Qu'il y a même raison, à aviser promptement, et par nécessité de quelque invention, pour éviter la furie d'un Tyran, et se déguiser et apprêter tout à loisir, pour donner du plaisir à un peuple ; Que tout ce qui se peut faire en la chambre d'un mari et de sa femme, se peut aussi faire en un Théâtre, et lieu public : Qu'une bouche, qui profère tantôt des saletés, tantôt des impiétés et blasphèmes, comme fait celle d'un bateleur jouant ses Comédies, et Tragédies ; ne diffère en rien, d'une chose muette et insensible, telle qu'était l'image de Michol. Il faudrait être insensé, ou insensible comme une image, pour se laisser persuader par telles raisons, où il n'y a ni ombre, ni image de raison. Nous nous moquons des Papistes, quand ils allèguent cette même histoire de Michol, pour maintenir les images en l'Eglise de Dieu, puisqu'il y en avait, ce disent-ils, en la maison de David, qui en était la figure : Et toutefois, il y a plus d'apparence, bien qu'aussi peu de force, d'alléguer pour ce sujet-là, que pour celui-ci. Ils ne se sont pas encore avisés de l'invention ordinaire des Jardiniers, qui plantent en leurs jardins, des hommes de paille, revêtus de vieux haillons, pour faire peur aux oiseaux, ce qui n'est pas défendu. Ils pourront bien joindre cet épouvantail, avec les autres fantômes de leurs raisons, de même étoffe, toutes de paille : mais j'espère, quand ils l'auront planté sur leurs Théâtres, ils n'en épouvanteront que les oisons, ou autres plus petits oiseaux. Or la susdite réplique, ne procède pas tant d'un homme qui tente Dieu, comme d'un qui se moque de lui, et de sa Loi, par un tel argument : Il est permis de se déguiser pour éviter un danger ; Ergo, il l'est aussi, pour se donner du plaisir pour faire rire les autres, pour représenter un adultère, pour déguiser l'Eglise Chrétienne en un Théâtre Païen ; pour convertir le temple de Dieu en un temple d'idoles : Car ils ne peuvent ignorer, que les jeux Comiques et Tragiques, étaient partie du service que les Idolâtres rendaient à leurs idoles, en la solennité de leurs fêtes ; aussi est-ce pour cette raison, que S. Chrysostome les appelle fêtes de Satan. Si on réplique derechef ; Que cette défense ne se doit entendre que contre ceux, qui voudraient faire coutume de se déguiser, non pas contre ceux, qui ne le font que deux ou trois fois l'année : Je réponds ; Qu'entre les Commandements de Dieu, les uns sont affirmatifs, les autres négatifs, comme on parle ès écoles : Ceux-là, commandent de faire quelque chose, et ne nous obligent pas en tout temps, sans aucune intermission ; comme, quand Dieu commande de donner l'aumône, ou de prier, il ne s'ensuit pas, qu'on le doive faire sans cesse (comme les Euchites prenaient ce dernier,) mais quand l'occasion le requiert : Les négatifs sont ceux, qui nous défendent quelque chose, et nous obligent à nous en abstenir toujours, sans dispense quelconque, si Dieu même ne la donne : Comme de tuer, dérober, etc. Or le Commandement dont est question, est conçu en termes négatifs, et partant l'exception des contredisants, n'est non plus recevable, que celle que ferait un larron, ou un paillard, disant, qu'il ne lui est advenu, qu'une ou deux fois de tomber en telles fautes, etc. Reste encore une glose à refuser, dont on se sert pour enfreindre l'ordonnance de Dieu : à savoir, que cette défense ne se doit entendre, ni étendre, que sur ceux, qui se déguisent en intention de tromper quelqu'un, ce qu'ils disent n'avoir lieu aux Théâtres. Il appert par ce que dessus, que l'Apôtre, et les anciens y ont trouvé une plus générale intention du Législateur. Et quoi donc ? Profaner le nom de Dieu, en tant de sortes, donner tant de scandales, être cause de tant d'inconvénients, qui ont été remarqués en partie, et le seront encore ci-après ; n'y a-t-il point de tromperie en tout cela ? Ou de quelle sorte de tromperie parle cette objection : Un Prince terrien, qui aurait défendu le port des armes, sans exception, se contenterait-il d'un qui étant convaincu, d'y avoir contrevenu, répliquerait, que l'ordonnance ne se doit entendre, que de ceux qui portent les armes, pour assassiner leurs voisins ? Je crois, qu'il lui ordonnerait double punition, tant pour la désobéissance à la loi, que pour l'audace de sa glose. Davantage, il est certain, que les Bateleurs ne s'étudient à rien tant au monde, qu'à tromper ; constituant toute l'excellence de leur art, en ce seul point, de représenter si bien, et de contrefaire si naïvement ce qu'ils jouent, à ce que plusieurs, et s'il était possible, tous soient trompés ; que leurs plaintes, leur courroux, leurs imprécations et exécrations, soient estimées plutôt vraies, que feintes : Témoin celui, qui fit mettre secrètement sur l'Echafaud, le corps de son fils, mort peu auparavant, afin qu'étant incité par son propre deuil, il en représentât mieux celui, que portait son rôle ; ce qui lui advint, se trouvant saisi d'une si grande, et vive douleur, à la vue de ce corps mort ; qu'il en perdit contenance, et par ce moyen trompa généralement tous les spectateurs, les un en une façon, les autres en une autre : Tellement, que si c'est à bon droit, que Clément Alexandrin, et quelques autres, appellent la peinture Art tromperesse ; le métier des Comédiens mérite ce nom beaucoup plus justement ; Et si les Juifs comme témoigne Origène ne souffraient ni Peintre, ni Sculpteur, en leur République pour ne donner occasion à l'Idolâtrie ; Les Chrétiens devraient encore moins endurer les farceurs en l'Eglise, pour ôter la matière, et l'occasion de tant de dissolution. Or accordons-leur, qu'il n'y a point de tromperie en tout cela ; Si leur glose a lieu, aussi ont les absurdités susdites, qui l'accompagnent inséparablement. Et pourra être vêtu d'habit de femme, un roi en son Trône, un Juge en son Siège, un Ministre en sa chaire, sans aucun blâme, avec toute honnêteté, et bienséance ; pourvu qu'ils protestent, que ce qu'ils en font, n'est pour tromper personne, mais pour user de la permission, et liberté Chrétienne ; voire il suffira, de laisser seulement le masque de femme, et montrer la face, afin qu'étant connus, un chacun voie, et juge, par charité Chrétienne, qu'ils n'usent point de fraude. Je ne sais si cette glose si subtile, si sublime, est digne d'Hellébore, ou de Ciguë ; Bien sais-je, que tels glossateurs, mériteraient d'être confinés en l'Ile d'Anticyre, pour s'y purger par les remèdes qu'elle produit, devant que produire telles rêveries en l'Eglise. Jusques ici nous avons examiné les Jeux Comiques et Tragiques, par leur matière, et par leur forme, tant extérieure, qu'intérieure, et le tout bien pesé, à la balance qu'il faut, n'avons trouvé que mal, tant au dehors, qu'au dedans ; tant en la circonstance, qu'en la substance ; et les objections contraires se sont montrées froide, ridicules, absurdes : pour achever cette anatomie, ou analyse, il y faut ajouter quelque mot de leur cause efficiente, et de leur cause finale : Celle-là a déjà été touchée au commencement de ce Traité, où a été dit, que le vrai père et cause efficiente de ces Jeux, c'est le Diable ; qui a voulu, que ses fêtes fussent ainsi solennisées ; l'Idolâtrie Païenne, en a été la Mère. Sans le montrer par l'autorité de Tite-Live et autres écrivains Païens, oyons le témoignage de S. Augustin là-dessus : parlant aux Païens, Sachez, dit-il, « Vous qui ignorez ces choses-là : Ecoutez-vous, qui feignez ne les savoir pas : Les jeux Scéniques, spectacles de toute turpitude, et la licence des vanités, ont été institués à Rome, non par les vices des hommes, mais par les Commandements de vos Dieux, c.à.d. les Diables. Il serait plus tolérable d'ordonner honneurs divins à Scipion, que servir à tels Dieux. » Item, « Ecoutez, si votre entendement ivre des erreurs bus depuis si longtemps, vous permet de considérer quelque chose de sain : Les Dieux pour faire cesser la peste des corps, commandaient qu'on leur jouât des jeux : Mais votre Pontife Scipion, pour empêcher la peste des Esprits, défendait de bâtir un Echafaud : S'il vous reste quelque peu de lumière, pour préférer l'esprit au corps ; choisissez, à quoi vous devez servir ; Car pour avoir reçu cette plaisante folie, et rage des jeux Scéniques parmi le peuple, qui n'était accoutumé qu'aux jeux, qui se jouent en la lice ; la peste des corps n'a point cessé, mais l'astuce des malins esprits, voyant que cette peste-là cesserait, par le terme qui lui était ordonné, mit peine, de faire entrer par cette occasion une autre peste beaucoup plus dangereuse, non aux corps, mais aux mœurs, qui a aveuglé les âmes de ces misérables, par ténèbres si épaisses, les a souillées d'une telle difformité, que même à présent, après le sac de la ville de Rome, ceux que cette peste-là possède, et qui s'en étant fuis, ont pu arriver à Carthage, enragent tous les jours, d'envie qu'il ont, de voir les bateleurs aux Théâtres. Ce qui peut-être sera trouvé incroyable, si ceux qui viendront après nous, l'entendent, etc. » Comment ? S. Augustin trouvait-il incroyable pour nous, ce désir forcené, dont brûlaient les Païens, envers les jeux Scéniques ? et comment eût-il donc jamais pu croire, qu'il viendrait une sorte de Chrétiens, après lui, enflammés de même, ou de plus grand désir : Ecoutons l'exclamation qu'il fait au chapitre suivant, et nous l'appliquons, car il semble qu'il parle à nous. « O entendements insensés , dit-il, quelle fureur est ceci, non pas erreur, que vous cherchez des Théâtres, y entrez, les remplissez, faisant choses plus folles qu'auparavant ; pendant que les peuples d'Orient, plaignent votre ruine, pendant que de grandes villes, en pays lointains, en mènent deuil public ? Voilà la tache, la peste, et la subversion de probité, et honnêteté, que craignait Scipion, quand il défendit de bâtir des Théâtres, voyant que facilement vous pouviez être corrompus et subvertis par la prospérité, et ne voulant pas, que fussiez hors de crainte d'ennemi : Car il n'estimait pas la République heureuse, où les murailles sont debout, et les mœurs renversées : Mais la séduction des malheureux Démons, a eu plus de pouvoir sur vous, que la précaution des hommes prévoyants, etc. » Il serait trop prolixe, et trop odieux aussi, de noter tout ce qui mérite de l'être, en cette allégation, et d'appliquer ces anciens emplâtres, à nos nouvelles plaies. Au moins discernons toujours les séductions, d'avec les précautions. Je renvoie les autres observations à la conscience d'un chacun. Voilà donc la cause efficiente de nos Jeux, dont il appert, que l'honneur de cette invention n'appartient à autre qu'à Satan : Lui aussi, et non autre, en est la première et principale fin, puisque ces jeux, avaient pour but principal, l'honneur, et le service de ce Dieu du monde, qui par telles occasions, et moyens attirait les hommes à toute turpitude, et méchanceté, pour les plonger après en perdition éternelle. Que si on dit, que les Chrétiens en peuvent user à une autre fin ; je réponds, qu'on s'en peut bien proposer une autre, mais elle ne sera guère meilleure : Que sert-il de fermer plusieurs portes d'une ville, s'il en demeure une ouverte à l'ennemi ? puisque en ces choses, on ne propose autre but, que le plaisir, et la volupté, ne suffit-il pas à Satan, d'entrer en nos cœurs, par cette fausse porte ? Peut-on nier, en conscience, que la fin de ces jeux, soit autre aujourd'hui ? ou veut-on douter, si la fin de notre vocation est la gloire de Dieu, l'édification du prochain, et le salut de nos âmes ? Certes le Chrétien juge de toute action principalement par la fin, et n'estime bonnes, sinon celles, qui visent à ce but ; De dire que la fin de ces jeux, est de former la grâce à la jeunesse, lui faire acquérir dextérité, et assurance, etc. Je réponds ; puisque les habitudes sont toujours semblables aux actions, et exercices, qui les engendrent, comme disent très bien les Philosophes, et comme nature même par l'expérience nous enseigne ; Ceux qui s'exercent souvent à jouer Comédies, et Tragédies ; ne peuvent espérer autre faculté, habitude, ou dextérité, par le fréquent usage de tels exercices sinon qu'ils deviendront un jour habiles bateleurs, et Comédiens aussi adroits, que ceux qui viennent d'Italie. Les déclamations, et autres tels exercices Scolastiques sont moyens honnêtes, pour dextériser, et enhardir la jeunesse ; que l'on s'en serve donc, pour parvenir à cette fin. Les Comédiens des Païens, avaient une fin beaucoup plus spécieuse, utile, et nécessaire, en apparence, pour les Républiques, et pour les familles ; à savoir, la réformation des mœurs, et l'étude de la vertu ; à laquelle un chacun s'adonnait, par la crainte qu'on avait, d'être échafaudé en public, par les Comédies ; où du commencement, les Poètes avaient toute licence, de brocarder celui, qui avait commis quelque chose de déshonnête ; et toutefois l'abus y croissant, on n'y put remédier autrement, qu'en abolissant la chose même ; comme firent lors les Grecs pour le regard de la Comédie, qu'on appelle Ancienne : d'autant, comme dit Cicéron, la vie et les actions d'un chacun, doivent plutôt être sujettes aux censures et jugements du Magistrat, qu'aux inventions, et invectives des Poètes ; et ne doit-on jamais rien reprocher à aucun, qu'en lui donnant le moyen d'y répondre, et de s'en défendre en jugement. Au reste, quand même la fin susdite serait bonne, et vraie, ce que non ; il ne suffirait nullement entre les Chrétiens, si les moyens qui nous y conduisent, ne sont pareillement bons, et licites : Savoir quelque langue, ou science, est chose bonne et louable, sans doute ; mais qui voudrait l'acquérir par le moyen, et communication des esprits malins, comme on dit d'un fameux Astrologien de notre temps, qui acquit sa science par telles voies ; serait-il à louer ? Ainsi en se proposant cette fin, de la dextérité de la jeunesse ; faut considérer, si les moyens qui l'y conduisent, sont légitimes et conformes à la parole de Dieu ; c.à.d. dignes, et convenables à la jeunesse Chrétienne : l'Esprit de Dieu nous avertissant, de ne nous conformer point au monde, de fuir toute folie, vilénie, plaisanterie ; de nous garder de paroles oiseuses, de confire les nôtres en sel avec grâce ; de nous abstenir de toute apparence de mal, etc. Et si ces passages semblent trop généraux ; ils nous représentent ceux auxquels le mot de Comos, d'où vient celui de Comédie, est nommément exprimé, en la langue qu'ont écrite les Apôtres ; savoir est Rom. 13, v. 13 ; Gal. 5, v. 21 ; 1 Pier. 4, v. 3. Et en ce dernier, S. Pierre le conjoint notamment avec l'idolâtrie, pour nous en montrer la source. Si on réplique, qu'il ne parle que des excès des Païens, et qu'il faut distinguer entre les Bateleurs des Païens, qui sont à condamner, et les bateleurs des Chrétiens, qui doivent être libres ; Je réponds, que cette distinction n'est aussi recevable, que celle qu'un des plus célèbres Jésuites de notre temps, fonde sur le même passage, pour prouver l'Idolâtrie : Car pource que S. Pierre parlant des idolâtries, les appelle illicites (ajoutant cet épithète pour amplifier, non pour distinguer :) ce docteur-là conclut, que puisque il y en a, que l'Apôtre appelle illicites, il y en a donc aussi de licites, et que partant toute idolâtrie n'est pas condamnée, et qu'il y en a une licite, à savoir celle qui est en l'Eglise Romaine : Et c'est la seule réponse, que ses défenseurs peuvent faire à tant de milliers de témoignages que nous alléguons, tant de l'Ecriture, que des Pères Anciens, contre les Idoles, et les Idolâtres ; à savoir qu'ils se doivent tous entendre des idoles des Païens ; Si donc on veut dire, que les passages des anciens, contre les Comédies et Tragédies, ne se doivent entendre, que de celles, qui se jouaient entre les Païens, qui nous empêchera de faire même distinction, entre la paillardise Païenne, et la Chrétienne ? restreignant à celle-là, tous les passages, qui nous la défendent, pour maintenir, et établir celle-ci, en l'Eglise Chrétienne ; Comme naguères y a tâché un misérable Apostat, par une Requête adressée à la Cour de Parlement de Paris, pour le rétablissement des Bordeaux, au même temps, qu'il alla se rendre au Bordeau spirituel de l'idolâtrie, y cherchant aussi la liberté du corporel. Cependant j'accorde volontiers à nos contredisants, que les passages, que nous produisons des Pères, qui ont écrit devant qu'il y eut des Empereurs Chrétiens, ne parlent que des Comédies et Tragédies, que jouaient les Païens ; car les Chrétiens étaient bien guéris de cette folie, lors que leurs martyres servaient de spectacles, et de Tragédies aux Tyrans : La persécution cessée en l'Eglise, la corruption y entra ; et de celle, dont nous parlons, demeura quelque reste du Paganisme ; tantôt toléré, tantôt réprimé ; selon que les Princes affectionnaient, ou négligeaient la Réformation, non seulement en cette partie, mais aussi pour le regard des Jeux sanglants des gladiateurs, des factions du Cirque, voir des Bordeaux, dont il restait encore sous Théodose le grand, une extrême turpitude à Rome, d'autant plus détestable que c'était sous ombre de justice ; laquelle cet Empereur abolit. Les Evêques néanmoins ne tonnaient moins contre les Chrétiens, qui se trouvaient à telles assemblées, que leurs prédécesseurs avaient fait contre les Païens, et disaient haut et clair ; « Que c'étaient œuvres du Diable, que lorsque nous allons à ces jeux, nous laissons la foi de Jésus-Christ, souillant et rompant les Sacrements et le Symbole de notre confession, etc. » Ce sont les propres mots de Salvien Evêque de Marseille, qui impute tous les malheurs, qui de son temps accablaient une partie de la France, à telles impuretés, et dissolutions : et tant s'en faut, qu'on l'appelât Docteur de nouveauté, ou fantasque ; que Gennadius, Suidas, Trithemius, et autres, l'appellent le Maître des Evêques. Ci-après nous l'ouïrons parler plus amplement sur ce sujet. Que si c'est à propos et justement, que nous alléguons les passages des Pères contre les Idoles de l'Eglise Romaine ; certes nous avons la même raison, voire plus apparente, de produire leurs témoignages, contre les Jeux Comiques et Tragiques de ce temps ; auquel on joue les mêmes Comédies et Tragédies, que jouaient les Païens, à savoir, celles de Plaute, Térence, Euripide, Sophocle, Eschyle, Sénèque, etc., et n'y change-t-on un seul mot ; au lieu que les Papistes, changent au moins les noms de leurs idoles, et ne gardent pas, au moins n'adorent pas celles, qui restent du Paganisme, les statues d'un Jupiter, Vénus, Diane, etc. Sur ce que l'on pourrait dire, qu'il en faudrait ôter ce qu'il y a de mauvais ; réformer les abus, non pas rejeter la chose ; Je réponds, qu'après avoir montré, que ni l'auteur, ni la matière, ni la forme, ni la fin, c'est-à-dire ni les principes intérieurs, ni les extérieurs, n'en valent rien ; on serait bien empêché, d'y trouver quelque chose de bon, et qui pût retenir le nom de tels jeux, que l'on demande i. qui contentât la curiosité, et rassasiât la volupté des spectateurs. Je confesse qu'ès Comédies et Tragédies, il y a de belles sentences, des préceptes utiles, et avertissements sérieux : Mais ce n'est pas ce que demandent ceux, qui crient contre nous : Ils ne les goûtent point, en les lisant ès livres, en les oyant prononcer à un Ecolier ; ne daigneraient faire trois pas, pour les apprendre, se souciant encore moins de les pratiquer : Enfin, ils n'y tâteraient jamais, s'il n'y voyaient ces déguisements ; s'ils ne sentaient la fumée de ces sauces de la cuisine infernale. Je m'en rapporte à leur conscience, s'ils ne prennent mille fois plus de plaisir à voir une farce, qu'à ouïr une moralité, s'ils ne béent plus après un mot de gueule, qu'après un grand nombre de belles sentences : En vain aussi ferait-on des ordonnances pour empêcher les excès, pour y garder la modestie : Ne sait-on pas, combien les premiers commencements en étaient petits et simples ? On fut longtemps sans Théâtres ; et les Païens mêmes, prévoyant la corruption, et la peste publique, qu'amèneraient enfin ces jeux, n'en voulurent point, lorsque la vertu, et l'intégrité des mœurs, avaient encore quelque vigueur entre eux. Après quand Valérius Messala, et Cassius Longinus en eurent fait bâtir un ; Nasica, estimé le plus homme de bien, qui fut à Rome, le fit abattre, et vendre à l'encan tout l'appareil. Et fut fait un arrêt par le Sénat, qu'on n'apportât point de sièges pour s'asseoir, à voir jouer, ni dedans la ville, ni à mille pas près ; afin de n'y acoquiner personne. Voire à ces premiers commencements, il n'appert point, qu'il y ait eu déguisements de sexe, par les habits ; et ne fut la chose rédigée en art, que bien longtemps après ; Ainsi ce qui du commencement était sain, ce dit Tite Live, se tourna enfin en une folie intolérable : Qu'en peut-on espérer à présent, que nous en avons tant de préceptes, et d'exemples, que l'art en est au suprême degré de perfection ? qu'on préfère les gentillesses de nos Pastorales, Farces, Momeries, Mascarades, Ballets, à toutes les Comédies, Tragédies, Satyres, Mimes et Pantomimes des Anciens ? Ceux qui n'ignorent point les machinations de Satan, ne lui donneront jamais cette entrée, ne lui feront jamais une telle ouverture, quelque masque qu'il prenne, en quelque façon qu'il se déguise. Si quelqu'un voulait remettre en usage, les combats des gladiateurs, et autres tels furieux ébats des Païens ; on l'estimerait, ou furieux, ou Païen : Cependant on ne considère pas, que les premiers Chrétiens, abhorraient autant les uns, que les autres : Témoin Tertullien, qui met en même rang, la cruauté du sable, c.à.d. les combats des gladiateurs, et la vilénie des Scènes, c.à.d. des Jeux Comiques ou Tragiques, qui se jouaient aux Théâtres ; lesquels n'étant que de gazons, du commencement, que l'on mettait les uns sus les autres, pour voir plus à l'aise, devinrent puis après de marbre, et enfin furent couverts et revêtus d'or ; l'équipage, et tous les instruments qu'y étaient nécessaires, d'or semblablement, avec des voiles de pourpre, parsemés d'étoiles d'or ; et ce quelquefois pour la parade d'un seul jour, à la réception d'un étranger. De tels excès à la vérité, nous pourrait garantir la pauvreté ; mais toujours ferions-nous, ce que la vanité nous conseillerait, et ce que la bourse nous permettrait : Car chacun sait, que les Ballets, qui ne se font que pour une après-souper, ne sont estimés, que selon le prix qu'ils ont coûté : Ainsi quand tout sera bien considéré, on se trouvera plus empêché à cette réformation, qu'à celle des Danses, la conformité des Danses, et des farces étant si grande ; qu'en latin on exprime par un même mot, l'un et l'autre : On accordait au commencement, qu'il fallait retrancher des Danses, les chansons folles, et sales ; après on trouva qu'il en fallait ôter les occasions, et amorces de toute sale cupidité, et que les femmes ne fussent pas mêlée avec les hommes : On jugea aussi, que si on permettait la danse à une assemblée d'hommes d'un côté, et des femmes de l'autre, que cela ne serait exempt d'inconvénients : que resta-t-il donc ? Que celui qui aurait envie de danser, le pourrait faire tout seul en sa chambre : par ce moyen s'en allaient à vau-l'eau les branles ; ou danses rondes ; auxquelles, comme dit quelqu'un, le Diable fait le centre, et les anges la circonférence ; on faisait aussi évanouir la plupart des autres danses, qui demandent compagnie : et ne se fut pas trouvé grand nombre de danseurs à cette mode ; Encore estimait-on, qu'il ne serait pas trop séant, à un fidèle, combattant en l'Eglise militante, sous l'enseigne de la croix en temps toujours calamiteux, ou pour soi, ou pour les membres d'un même corps ; de sauter, et gambader, comme un fol, en une chambre à part, cela sentant plus son bouffon, ou son ivrogne, que son Chrétien, au jugement même des Païens, l'un d'entre lesquels dit, que nul ne danse, s'il n'est ivre ; tellement qu'enfin, il ne se trouva autre réformation propre pour la danse, qu'une entière abolition : Tout de même, se trouverait-il fort peu de Comédiens, s'il ne leur restait de leur exercice que ce qui s'en peut permettre selon Dieu, et faudrait à la fin quitter tout ; ne plus ne moins, que celui qui aurait entrepris de nettoyer une masse d'ordure, il y trouverait toujours de l'ordure, et n'y aurait autre invention que de jeter le tout. Reste la dernière, mais la plus douloureuse, et la plus importune, et criarde objection, contre les Médecins, qui tâchent de purger le patient de ces humeurs peccantes, voire Païennes ; auxquelles il faut imputer ces brocards nullement Chrétiens, qu'on leur donne, les appelant Saturnins, Loups garous, mélancoliques, hypocondriaques, ennemis de tout plaisir, voire de toute société : Faudra-t-il donc, disent-ils, que pour l'opinion de quelque renfrogné acariâtre, nous soyons privés de tout plaisir ? Nous savons, grâces à Dieu, et ne sentons que trop, ce que demande l'état de la vie humaine en ce monde : Nous ne faisons la guerre, ni à la nature, ni à la société ; nous accordons tout ce qu'on peut alléguer, pour la nécessité des recréations ; mais nous disons, qu'elles doivent être séantes aux Chrétiens, non contraires à Jésus-Christ, ni à son Evangile ; que l'on doit en user selon la raison, non selon notre passion ; que l'on doit viser à ce qui est agréable à Dieu, et convenable à notre profession ; Qu'il faut éprouver et discerner toutes choses, et retenir ce qui est bon : Qu'il faut combattre, et repousser les mauvaises coutumes, et les scandaleux exemples, comme les plus pernicieux ennemis de l'intégrité de nos mœurs : Que si entre les Païens tels exercices de farceries et bateleries, étaient indignes d'un personnage de qualité, voir suffisaient à déshonorer ceux qui s'en mêlaient, il préjudicient bien plus à la gravité et sainteté requises en un Chrétien. Si l'introduction de tels jeux, faites par Jason à Jérusalem, sous la tyrannie d'Antiochus, était une marque du changement de la Religion Judaïque en la Païenne ; l'on n'en peut rien espérer de bon en l'Eglise Chrétienne : De fait, entre les jeux, que les Païens jouaient à l'honneur de leurs faux dieux, et ceux que les Papistes jouent quelquefois aux fêtes de leurs saints, il n'y a pas plus de différence, qu'entre la vieille et la nouvelle Idolâtrie, au jugement de Vives même, quoique des leurs. Mais pource que outre les autres brocards, on nous appelle aussi Docteurs de nouveauté, adonnés à notre sens, etc., faut voir, si nous sommes les premier auteurs de cette opinion, prétendue nouvelle, ou si nous sommes seuls en l'erreur que l'on nous attribue ; et si nous ne saurions repousser les exemples, dont on fait bouclier, par d'autres aussi authentiques : Ci-dessus nous en avons déjà produit quelques-uns ; et combien qu'après avoir ouï Dieu parler en l'Ecriture, il soit superflu, d'ouïr les témoignages des hommes ; toutefois, afin de satisfaire aux plus difficiles, et à ceux, qui écoutent plus volontiers les hommes que Dieu ; nous en amènerons encore quelques autres. En premier lieu, nous pourrions alléguer les plus sages d'entre les Païens, et apprendre d'un Sénèque, qu'il n'y a rien plus contraire à l'honnêteté des mœurs, que s'amuser à voir des spectacles, « d'autant , dit-il,que les vices se glissent plus aisément ès esprits par le plaisir qu'on y prend ; et que l'on ne revient jamais avec les mêmes mœurs de la foule d'un théâtre, que l'on y est allé, etc. » Platon pour ces raisons, chasse de sa République les Poètes impurs, tels que sont pour la plupart, les auteurs des Comédies, Aristote prenant pour chose confessée d'un chacun, que ce sont gens corrompus, et dépravés ; recherche, et déclare les raisons pourquoi ils sont tels : Et le Philosophe Taurus, pour détourner un de ses auditeurs de leur compagnie, qu'il aimait, lui envoie ce passage d'Aristote, et l'exhorte de le lire tous les jours. Cicéron les méprise, et affirme, qu'il n'y a pas même du plaisir pour un homme docte, et grave ; ailleurs les condamne du tout, comme chose vilaine et infâme. Pline doute, si la proscription de Sylla, a fait plus de mal à la République, ou l'Edilite de Scaurus, son beau-fils ; à cause de ce magnifique Théâtre qu'il fit bâtir, dont s'ensuivit une publique corruption des mœurs. Sempronius Sophus répudia sa femme, pour avoir vu jouer des jeux à son désu ; Et ajoute l'historien qui le récite, « que tant qu'on relevait ainsi les femmes, elles n'avaient pas le cœur aux délices. » Ci-dessus nous avons vu le conseil, et le fait de Scipion Nasica, le plus homme de bien de Rome. Un Empereur, pour montrer la bonne nourriture qu'il avait eue en sa jeunesse, dit ; « que son précepteur ne lui avait permis de se trouver aux Théâtres, qu'il n'eût plus de poils au mention, que de cheveux en la tête. » Lui-même voulant réformer le Paganisme sur le modèle de l'intégrité, qu'il remarquait au Christianisme, défend les Tavernes, et les Théâtres à ses prêtres. Auguste considérant comment les femmes et les jeunes enfants s'y corrompaient, fit plusieurs réformations là-dessus, ne les pouvant du tout bannir. Mais j'entends que déjà quelqu'un a répondu en gros, à tous ces témoignages, pris des Païens ; Puisque les Païens condamnaient ces jeux ; les Chrétiens donc les doivent approuver : voilà sa fériale solution : Un autre, qui aimerait mieux donner gloire à Dieu, que se moquer du monde, conclurait ainsi : Puisque les Païens, n'étant guidés que de la raisons humaine, ont aperçu et condamné l'impureté de ces jeux ; quelle honte aux Chrétiens, éclairés par la lumière Divine, de les chérir, et maintenir si opiniâtrement ? Laissons donc les Païens, et voyons quelle a été l'opinion des anciens Chrétiens. Théophile Evêque d'Antioche, environ l'an 150, comme les Païens calomniaient les Chrétiens, qu'ils mangeaient de la chair humaine, répond, qu'il ne leur était pas seulement permis de regarder les combats des gladiateurs, ni autres jeux des Païens, et qu'ils ne le pouvaient sans se polluer par cette contagion. Autant en dit Athénagoras, environ ce même temps purgeant les Chrétiens de la même calomnie. Clément Alexandrin environ l'an 200 dit, qu'il n'y a rien plus indigne d'un Chrétien, que les jeux qui se jouent aux Théâtres, lesquels il appelle, comme a été dit ci-dessus, chaires de pestilence. Origène son disciple, exposant ces mots ; « Soyez Saints ; car je suis aussi Saint, le Seigneur votre Dieu » : « Que dirons-nous, s'écrie-t-il ; de ceux, qui courent aux spectacles, avec les Païens, souillant leurs yeux et leurs oreilles de paroles et de gestes impudiques, ils peuvent bien voir et sentir, quelle part ils ont choisie. » Le même ailleurs ; « Si, dit-il, après l'Eglise, nous retournons à voir les courses des chevaux, et autres assemblées des Païens ; qu'est-ce autre chose, sinon que le Diable nous surmonte, et possède. » Tertullien. « Nous renonçons aussi bien à vos spectacles, qu'à leurs origines, que nous savons être nés de la superstition, nous n'avons rien de commun avec la folie des lices, avec l'impudicité du Théâtre, avec la cruauté du sable, avec la vanité du portique des gladiateurs ; En quoi vous faisons-nous tort, si aimons mieux d'autres voluptés, nous réprouvons les choses qui vous plaisent. » Il traite cette matière exprès ailleurs, et allègue les raisons, pourquoi il n'est loisible aux Chrétiens de s'y trouver ; à savoir ; parce que ce sont appartenances de l'idolâtrie ; parce qu'il s'y commet plusieurs maux, plusieurs péchés s'y engendrent, et le nom de Dieu est blasphémé ; parce que le Diable y règne, dont il récite l'histoire d'une femme, qui étant allée au Théâtre, pour y voir des jeux, s'en revient possédée d'un malin esprit, lequel étant adjuré et interrogé, pourquoi il était entré au corps d'une personne fidèle ; répondit, qu'il avait justement fait, l'ayant trouvée sur le sien. S. Cyprien enquis si un certain Comédien, qui avait appris et exercé ce métier, lorsqu'il était encore païen ; et le voulait continuer, étant devenue Chrétien, non toutefois pour jouer au Théâtre en public, mais pour en façonner d'autres en son privé, et ce à cause de la pauvreté, n'ayant nul autre moyen de gagner sa vie ; enquis, dis-je, s'il devait être admis à la communion de l'Eglise ; répond : « Qu'il n'est pas convenable, ni à la majesté Divine, ni à la discipline de l'Evangile, que la modestie et l'honneur de l'Eglise, soient souillés d'une vilaine et infâme contagion : Car, ajoute-t-il, si la Loi défend à l'homme de se vêtir d'habit de femme, et si ceux qui le font, sont jugés maudits, combien plus grand crime est-ce de représenter des gestes sales, lâches et efféminés par l'enseignement de cet art impudique. » Le lecteur voie toute cette Epître, et il connaîtra, que nous ne sommes pas les premiers, qui appliquons cette Loi de Dieu, à la défense des jeux Comiques. Le même ailleurs, après avoir parlé des jeux sanglants des gladiateurs, ajoute ; «  Tu verras aussi aux Théâtres de quoi te fâcher, et de quoi rougir : Aux Tragédies on récite les anciens horreurs, des parricides, et incestes, afin que tout âge entende, que ce qui a été fait autrefois, se peut bien encore faire : on ne laisse pas mourir les méchancetés, par la vieillesse, on ne permet que les crimes soient accablés par le temps, ni qu'ils soient ensevelis d'oubliance ; ce ne sont plus crimes, ils deviennent exemples. On prend plaisir par les vilains enseignements de ces joueurs, ou de se représenter ce qu'on a fait au logis, ou d'entendre ce qu'on y pourra faire, l'Adultère s'y apprend, en le voyant jouer ; et quand le mal de l'Autorité publique sert de maquereau aux vices, celle qui peut-être, étant allée chaste au spectacle, s'en revient impudique, etc. » Il en dit plusieurs autres choses en la même épître. Qui veut voir comme Arnobe les dépeint, voie son septième livre et il trouvera, qu'il ne fait pas grand différence, entre les Théâtres et les Bordeaux. Son disciple Lactance, précepteur d'un fils de l'Empereur Constantin, traite la même question, et y donne la même résolution. Il dit, « que les Comédies, plus elles sont élégantes, plus elles nous persuadent les vilénies, nous les imprimant par la beauté des vers polis et nombreux, etc.  » Après un long discours, qui repr ésente les maux, qui s'ensuivent, il conclut en ces termes  : « Il faut donc fuir les spectacles, non seulement à ce qu 'il n'en demeure quelque vice en nos cœurs, qui doivent être rassis, et paisibles ; mais aussi, que l'accoutumance de quelque volupté, ne nous allèche, et détourne de Dieu, et des bonnes œuvres, etc.  » S. Chrysostome les appelle fêtes de Satan : Et voyant, qu'à Constantinople, on jouait des jeux, auprès d'une statue de l 'Impératrice, et qu'à cette occasion, le peuple se détournait des assemblées Ecclésiastiques, il l'en reprend vivement : on le calomnie envers l'Impératrice, qui l'avait déjà une fois banni de la ville ; il ne rabat rien de sa liberté, et sainte hardiesse : Elle ne pouvant supporter la vérité, et sévérité de ce S. Personnage, fait assembler un Concile, pour le chasser  ; et il aime mieux retourner à son exil, que de flatter la plus grande Princesse du monde. Si je voulais produire ici Salvien Ev êque de Marseille, contemporain de S. Chrysostome, et de S. Augustin, duquel a été parlé ci-dessus  ; il me faudrait transcrire tout le sixième livre de son œuvre Du vrai jugement et providence de Dieu, il y d éduit tous les inconvénients, qui accompagnent tels Jeux ; affirme, que les vices qui ailleurs sont séparés, se joignent ensemble ès Théâtres ; Que « ceux qui regardent ces portraits de paillardises, représentées au Théâtre paillardent entièrement en leur cœur ; paillardent non seulement en s'en retournant, mais aussi en y allant. » Que « la conscience témoigne à un Chrétien, que Dieu les a en horreur, et exécration ; et que tout ainsi, qu 'il y est offens é, que le Diable y prend aussi plaisir : Que nul ne peut vanter de servir Dieu en l'Eglise, qui se montre si affectionné serviteur du Diable, en la saleté de ces jeux, et spectacles. Que s'adonner à ces choses, c'est imiter les Géants, qui par un effort forcené tâchent d 'assaillir les cieux. » Item répondant à ceux qui criaient qu 'on les voulait empêcher de se réjouir, il dit, « Rions tant d émesurément que nous voudrons, et nous éjouissons toujours, pourvu que ce soit sans pécher  : Quelle forcènerie et folie est ceci, d 'estimer que la réjouissance et ris ne soient bien parfaits, si Dieu n'y est injurié ; je dis offens é et injurié en toute extrémité ; Car ès spectacles publics, il y a une certaine apostasie, et dévoiement de la foi, et prévarication pestilente des articles et Saints Sacrements d'icelle. » Mais comme j'ai dit, ce livre-là tout entier, ne contient qu 'une détestation générale de ces choses. Je prie le lecteur de la lire sur le lieu, et désirerais bien, que quelques-uns considérassent cette sévère mais très juste répréhension, que cet Evêque-là fait, sur la fin de ce 6. livre, à ceux de Trèves, qui après la ruine de leur ville, après des massacres, et autres malheurs, présentèrent requête aux Empereurs, pour avoir permission de célébrer des spectacles ; prononçant, que ceux qui faisaient cette demande à leurs Princes, étaient plus malheureux à cause de la pe rte de leur sens et entendement, qu'ils montraient en cela, qu'à cause de la perte de leurs biens et parents, perdus par la guerre. Les délicats qui trouvent notre langage trop âpre, et rude, diront qu'il est plein de flatterie, s'ils daignent le comparer avec le style de cet Evêque, appelé de son temps le Maître des Evêques. Nous avons déjà ouï le témoignage de S. Augustin, qui avec plusieurs autres nous apprend ; Que les Comédiens étaient plus déshonorés entre les Païens, bien qu'ils ne s 'en pussent passer, qu'ils ne sont aujourd 'hui entre certains Chr étiens. En sa Cité de Dieu il allègue Cicéron, qui fait dire à Scipion, Que les Romains estimant cet art du tout infâme non seulement déniaient droit de bourgeoisie aux Comédiens, mais ne les souffraient non plus entre les gens de guerre, tant ils les jugeaient dépravés et pernicieux. Sur quoi il se moque plaisamment des Romains, qui tenaient pour service de leurs Dieux, les Comédiens, et détestaient tant les Comédiens, au lieu de les honorer comme Prêtres, et principaux serviteurs des Dieux : Mais je crois qu'il eût pleuré amèrement, aussi bien que son Commentateur Vives (lequel quoique de l'Eglise Romaine, déteste l'impiété des Prêtres, qui aujourd'hui permettent de jouer l'histoire de la passion de notre Seigneur) s'il eût prévu, que la même corruption dût entrer en l'Eglise, en la Cité de Dieu, où il s'en voit plus, qu'il n'y en eut jamais entre les Païens. Car, comme ci-dessus nous avons dit ; outre ce, qu'ès Ballets, on contrefait quelquefois les anciennes Comédies, qu'on appelait, Palliatas, Togatas, Prætextatas, Trabeatas, Tabernarias, Atellanas, Fescenninos, Mimos, Satyras, etc., on essaie à en inventer toujours de nouvelles, se déguisant tantôt en Turcs, en Egyptiens ; tantôt en Sauvages, tantôt en Bergers ; quelquefois en Sorciers ; bien souvent en Diables où il faut représenter plus de chiffres, et de figures, que les anciens n'en connurent onc : Tous ces Ballets sont estimés comme la moelle, l'infusion, et quintessence, comme un nouveau sirop magistral, pour empoisonner les âmes : Car on commence à se dégouter des Comédies, et Tragédies simples ; et crois, qu'à la fin on surmontera l'horreur des Bacchanales, et des Florales ; dont les Païens mêmes eurent honte : Est aussi à craindre qu'on ne se contentera plus, dans quelque temps, de déguiser les habits ; mais qu'on essaiera de changer le sexe tout à fait, à l'exemple de Néron, prenant à femme son Sporus, et se donnant pour femme à Pythagore : ou à celui d'Héliogabale, qui fit tout ce qu'il put, pour devenir femme. Ce sujet pourrait être traité plus amplement, et confirmé par plus grand nombre de raisons, tant de la parole de Dieu, que des écrits des Pères, Décrets de Conciles, histoire Ecclésiastique, et même de la Discipline de nos Eglises réformées ; mais ayant éclairci la question de droit par l'Ecriture sainte, et montré celle du fait, par la pratique de l'Eglise primitive : ceci pourra suffire aux dociles ; et tout ce qu'on en pourrait dire au monde, ne suffirait aux opiniâtres ; auxquels je proposerai derechef l'exemple des premiers Chrétiens, lesquels croyant, que Dieu abhorrait généralement tous hypocrites, et toute hypocrisie ; (car ces mots, pris en leur propre et naïve signification, signifient les joueurs de Comédies ou Tragédies, et le rôle, l'action ou geste qu'ils représentent.) ne parlaient jamais de tels jeux, que pour les détester, n'entraient aux Théâtres, que pour y souffrir opprobre, non pour y recevoir du plaisir ; servant eux-mêmes de sujet aux Païens ; pour jouer des Tragédies, où il n'y avait rien de feint, ni de déguisé : Et s'en est vu de nos jours, de si sanglantes en Europe, principalement sus le Théâtre de France, jouées aux dépens des vrais Chrétiens ; que ceux qui veulent être de ce nombre, se devraient montrer plus zélés à apaiser l'ire de Dieu par repentance, et nouveauté de vie ; que curieux à l'irriter, en recherchant et approuvant la nouveauté des farces, et vanités Païennes ; lesquelles un des grands ennemis des Chrétiens, se plaint tant, avoir été abolies par le premier Empereur Chrétien, imputant la ruine de l'Empire Romain, à l'abolition de cette abomination. Voilà à quelles gens il appartient de se plaindre de nous, à savoir aux Païens ; non aux Chrétiens, qui se souviennent de la règle, que l'Apôtre prescrit à toutes nos actions, quand il dit : « Toutes choses qui sont vraies, toutes choses honorables, justes, pures, amiables de bonne renommée ; S'il y a quelques vertu, et quelque louange, pensez à ces choses. » Ils considèrent aussi, combien sont dangereuses les moindre ouvertures qu'on fait au péché ; Toute corruption étant semblable à la fièvre hectique, qui du commencement est malaisée à connaître, aisée à guérir ; au progrès trop facile à connaître, impossible à guérir : tellement qu'il nous advient, enfin, comme dit quelque Ancien, que nous ne pouvons plus supporter, ni les vices, ni les remèdes ; voire on se moque des remèdes, quand ce qui était vice est devenu coutume. Le Père des lumières, nous veuille éclairer par le flambeau de sa parole, adressant nos pas en ses voies ; à ce qu'au milieu des ténèbres, et confusions de ce siècle mauvais, nous y parachevions notre course sans achoppement, et que foulant aux pieds les vains plaisirs du monde, nous méditions assidument les joies, que Dieu a apprêtées à ceux qui l'aiment. A lui soit gloire, honneur et louange à jamais. Amen. **** *book_tilenus_traite_1600 *id_body-3 *date_1600 *creator_tilenus Analyse et sommaire du présent Traité I. Arguments pris de la Matière des Comédies et Tragédies. Ce qui est plein de profanation de l'Ecriture Sainte, d'ordures et de dissolutions, de blasphèmes et invocations des Dieux Païens, ne doit être toléré en l'Eglise Chrétienne : La matière des Jeux Comiques et Tragiques est telle : Ils ne doivent donc être tolérés en l'Eglise Chrétienne. II. Arguments pris de leur Forme. Ce que Dieu appelle abomination ne doit être permis aux Chrétiens : Le déguisement du sexe, par les habits, est appelé abomination devant Dieu : Donc il ne doit être permis aux Chrétiens. III. Arguments pris de leur cause Efficiente. Le service que le Diable a ordonné aux Païens ne doit avoir lieu entre les Chrétiens : Or il appert par les histoires, tant Ecclésiastiques que profanes, que le Diable a ordonné les Jeux Comiques et Tragiques comme partie de son service : Ils ne doivent donc avoir lieu entre les Chrétiens. IV. Arguments pris de leur cause Finale. Ce que les Païens suivaient anciennement pour honorer et apaiser le Diable ne se peut maintenant faire entre les Chrétiens sans déshonorer et offenser Dieu : Or les Jeux Comiques et Tragiques se jouaient anciennement pour ladite fin : Ils ne peuvent donc être joués aujourd'hui sans ledit inconvénient. Fin