**** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-1 *date_1647 *creator_vincent FRONTISPICE TRAITTÉ des THEATRES par PH. VINCENT, Ministre du Sainct Evangile en l'Eglise Reformée de la Rochelle, Et se vendent, A La Rochelle, Par Jean Chuppin Marchand Li- braire, sur la Grand' Rüe. M. DC. XLVII. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-2 *date_1647 *creator_vincent A Monsieur et Madame de Vieille Vigne Si je semble introduire une pratique nouvelle, en vous offrant conjointement ce Traité, je crois y être fondé en bonne raison. De vrai, outre qu'au sacré lien qui vous joint, vous présentez l'exemple du Mariage le plus uni qui puisse être, il y a ceci en vous de particulier, que vous sympathisez très admirablement en la piété, et vous employez par efforts communs à l'avancement du règne de Notre Seigneur J. C. pour la gloire duquel je m'intéresse en cet écrit. Je n'ai donc pas cru devoir séparer en la dédicace d'icelui ceux que Dieu a ainsi conjoints. Quant à mon dessein en général de vous en faire l'adresse, il toutes ses vanités, je me suis confié que vous aurez à gré que j'aie tiré secours de votre nom, pour condamner cette-ci. De vous spécifier le motif particulier que j'ai eu, de l'entreprendre ainsi par exprès, il serait superflu ; joint que ce sont des plaies domestiques, qu'il est bon de cacher, plutôt que de les tirer au jour. Ilme suffit de présenter le remède au mal, sans m'attacher aux personnes. Seulement donc je me tourne en prières à Dieu, à ce que d'en haut il y épande la bénédiction, conserve son Eglise contre tous ses adversaires par le dehors, la repurge de tous scandales par le dedans, et lui suscite quantité de tels ornements que celui qu'elle a en vous, vous comblant au reste, et toute votre Maison de ses bénédictions les plus saintes. C'est par ce vœu que je fais fin, et par l'assurance que je vous supplie de prendre, que je suis, et serai toute ma vie, **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-3 *date_1647 *creator_vincent Avertissement au Lecteur. Lorsqu'on était sur le point de tirer la dernière feuille de ce Traité, Monsieur de Champvernon, très excellent serviteur de Dieu en l'Eglise Réformée de Taillebourg, à qui j'avais communiqué mon dessein de le publier, m'en a envoyé un sur ce même sujet, composé dès il y a huit ans, par ce grand Théologien, Monsieur Rivet, son très digne frère. J'avoue que si je l'eusse vu auparavant, je ne me fusse pas donné la peine de dresser cetui-ci, et m'eût suffi de faire réimprimer l'autre, dont les exemplaires ne nous étaient pas ici parvenus. Même je l'eusse fait d'autant plus, que, comme le reste des ouvrages de ce rare personnage, cetui-ci est très docte, et très exact. Mais ayant donné connaissance à plusieurs que mon labeur était sous la presse, et l'impression d'icelui étant déjà à sa fin, il n'y avait plus lieu de le retenir. Ainsi je le laisse aller, et avertis seulement le Lecteur, que cet autre Traité a été imprimé à La Haye, chez Théodore Le Maire, l'an 1639, afin que ceux qui le désireront voir s'en puissent munir. Il sera bon aussi qu'ils y joignent, ce que le même Auteur avait déduit par le menu touchant le même argument, sur le 3 Commandement de la 2e Table, en son docte Commentaire dessus l'Exode, lequel, combien que j'eusse par devers moi, je n'avais pas remarqué qu'il y maniât ce sujet, jusques à ce que ce dernier Traité m'en a averti. Ceux qui liront ce qu'il y a couché, et le conféreront avec mon écrit, y trouveront un merveilleux rencontre en divers endroits, soit ès raisons, soit en diverses des autorités : mais ce n'est pas la première fois, que ceux qui traitent même sujet, et lisent mêmes Auteurs, coïncident en leurs observations. Au reste la conformité grande quant à ce qui est des choses, entre le labeur de ce grand homme, et le mien, m'a apporté beaucoup de satisfaction, vu que par là demeure réfutée l'imposture de certains Apologiseurs des Théâtres de par deçà, qui avaient osé coucher de lui, comme s'il les eût mis, de même comme eux, entre les choses indifférentes : par ce double écrit tout au rebours, il paraît à clair qu'il en fait tout le même jugement que nous, et qu'il en a publié l'un en une occasion du tout même que celle qui m'a fait mettre la main à la plume. Que s'ils lui avaient imposé pour ce regard, la supposition n'est pas moindre, lors qu'ils ont aussi publié, que Nos très honorés frères, Messieurs les Pasteurs de l'Eglise Réformée de Paris, étaient en leur même sentiment. M'étant donné l'honneur de leur en écrire, sur les bruits que ces gens en faisaient courir, ils repoussent fortement cette calomnie, et me disent expressément « qu'ils ont été surpris, ayant vu en la mienne qu'on employait leurs noms pour autoriser une vanité mondaine, laquelle tous les jours, selon que les textes se rencontrent, ils condamnent en leurs chaires, avec les autres dissolutions, et œuvres infructueuses de ténèbres, entre lesquelles ils la mettent ». Ce sont les propres mots de ces excellents Serviteurs de Dieu ; dont j'ai cru devoir donner l'avis, pour détromper plusieurs, auxquels on couchait d'eux, et faire apparoir de la bonne foi de ceux qui en voulaient faire les partisans de leurs Théâtres, et les autoriser de ces noms célèbres. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-4 *date_1647 *creator_vincent Préface Touchant le but de ce Traité, avec la division d'icelui. Nous nous proposons en ce court Traité, sous le bon plaisir de Dieu, de tâcher à désabuser plusieurs, que nous voyons épris d'une passion démesurée pour les Théâtres, sur la créance qu'ils peuvent les fréquenter sans que Dieu y soit offensé ; et espérons de leur faire toucher au doigt le mal dont ils se rendent coupables lorsqu'ils y courent, nonobstant ce qu'ils en avaient pu estimer jusques ici. A cet effet, nous les sommons de se dépouiller pour un peu de leur préjugé, pour peser en une juste balance ce que nous avons à leur proposer ; et y sont d'autant plus tenus, qu'il s'agit d'un fait de conscience, qui regarde la gloire de Dieu, l'édification de son Eglise, et leur salut à eux mêmes. Afin de procéder par ordre en notre déduction là-dessus, nous la rapporterons aux chefs suivants, à chacun desquels nous donnerons un chapitre. 1. De quels Théâtres nous entendons traiter, à savoir de ceux où se jouent les Tragédies, et Comédies. 2. Du mal qu'il y a en ces Théâtres, à les considérer en eux. 3. De l'exception qu'ils ont été réformés. 4. Du mal qui y est, à les prendre à notre égard. 5. Que les plus Sages entre les Païens les ont condamnés. 6. Que les Lois civiles leur ont formé leur procès. 7. Que la pratique des premiers Chrétiens les a rejetés. 8. Que les Conciles les ont flétris de leurs censures. 9. Que les Anciens Pères se sont écriés contre eux. 10. Que l'Ecriture Sainte les condamne par ses Arrêts. 11. Que les hommes sages de cet âge qui ont dressé des modèles d'Etats bien réglés, les en ont exclus. 12. Que les raisons dont en les veut appuyer sont futiles, et de nul poids. C'est ce que nous nous proposons de déduire succinctement, et où il nous suffira d'indiquer les choses, sans nous étendre ès exagérations, et amplifications, qui regardent les Traités oratoires. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-5 *date_1647 *creator_vincent CHAP. I. De quels Théâtres il s'agit en ce Traité. Sans nous arrêter pour cette heure à la recherche et description des Anciens Théâtres, dont il y a des livres exprès, Il nous suffira de dire que ce terme étant dérivé d'un verbe Grec, qui signifie voir ou regarder, emporte entre nous, selon l'usage commun, tous les lieux généralement où on s'assemble pour voir des Bateleurs, et Comédiens, qui montent sur l'échafaud. Suivant cela lorsqu'on condamne les Théâtres, on y comprend aussi ceux des Charlatans, qui y montant pour vendre leurs drogues, ont d'ordinaire auprès d'eux quelques badins, et enfarinés, qui répondent proprement à ceux que les Anciens nommaient Histrions, dont les gestes étaient énervés et honteux, et la licence énorme à représenter les lascivetés les plus infâmes. Si ceux-là y étaient Maîtres passés, ceux-ci ne le sont pas moins. Car tout publiquement, et à la vue d'une multitude innombrable de Spectateurs, ils se produisent en toutes les postures les plus éhontées qui soient, et dégorgent des propos vilains et sales, auxquels toute oreille chaste se dût boucher ; Ce qui est étaler tout ouvertement 1e vice, et en donner les leçons à la vue du Soleil. Cette iniquité étant criante, ne saurait jamais être assez détestée, ni les fidèles suffisamment avertis d'avoir ces lieux-là en une dernière horreur, vu que ceux qu'on verrait s'y plaire donneraient un grand sujet de reproche à l'encontre d'eux, que leurs inclinations seraient portées à la souillure, qui est là comme sur son trône : Suivant le dire de S. Augustin, touchant ceux qui en fréquentaient de pareils, qu'ils ne s'y fussent point ainsi plu, s'il n'y eût eu une conformité entière de mœurs, entre eux, et les personnages représentés par ces Histrions. Or combien que selon les occasions nous fassions devoir de représenter la turpitude de ces spectacles, notre intention pour le présent n'est pas de nous y arrêter. Et d'autant moins, que nous n'apprenons point jusques ici, qu'aucun ait eu assez de front, pour en vouloir excuser l'effrontée impudicité. Ainsi notre but, pour cette heure, regarde les seuls Théâtres sur lesquels se jouent les Comédies, et les Tragédies, qui aussi sont ceux proprement pour lesquels il y en a qui dressent des Apologies, et tâcherons de les faire reconnaître pour ce qu'ils sont véritablement. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-6 *date_1647 *creator_vincent CHAP. II. Du mal qu'il y a ès Théâtres à les considérer en eux-mêmes. En premier lieu, si nous remontons à la première origine des Théâtres, saint Chrysostome soutient, que Satan le premier les dressa ès villes, afin qu'on y vaquât à son culte. De vrai il les fit consacrer aux faux Dieux, sous les noms desquels il était servi ; et se trouve surtout qu'ils étaient sous la protection particulière de Bacchus, et de Vénus, cetui-là le Dieu des ivrognes, et cette-ci la Déesse des Courtisanes, et des femmes de mauvaise vie. Que s'il arrivait quelque pestilence, ou autre calamité publique, nous apprenons par les Auteurs Anciens, que les attribuant à l'ire de ces fausses Divinités, ils les apaisaient entre les autres moyens par des jeux qu'ils faisaient jouer en leur honneur, dont les Tragédies et les Comédies faisaient partie. Suivant cela elles sont un reste de l'ancienne Idolâtrie, d'où Tertullien infère que ceux qui s'y rangent, en quelque façon y participent. Je sais que leur intention en est bien éloignée ; mais « l'idolâtrie qu'on commet, sans qu'on en eût d'ailleurs connaissance, ne laisse pas de faire périr », disait jadis le même Tertullien. Puis donc qu'aller aux Théâtres, C'est se rendre aux lieux que l'idole s'était affectés, et en quelque façon renouveler les anciens hommages qu'on y rendait à Satan, les vrais Chrétiens en doivent concevoir de l'horreur. Il se lit en l'Histoire Ecclésiastique, que quand les Idoles des Païens trébuchèrent devant J. C. du temps de Constantin le Grand, les fidèles de cet âge-là avaient une telle haine contre elles, qu'ils les brisaient, où qu'ils les trouvassent, et raclaient jusques aux parois où il en était resté le moindre vestige. Ceux qui auront seulement une étincelle de leur zèle, ayant appris que les Théâtres tirent leur origine de l'ancienne idolâtrie, et tandis qu'ils subsistent en portent le caractère, sans doute les détesteront, et ne voudront en aucune façon s'en approcher. Le 2e mal des Théâtres c'est la perte du temps : Comme nous sommes comptables à Dieu de toutes nos heures, c'est à nous de prendre bien garde à l'emploi que nous en faisons. Or quel conte lui en pourront rendre ceux qui aussi long temps que le Théâtre demeure dressé en une ville, n'en bougent non plus que s'ils y étaient enchantés, et abandonnent lors absolument, soit les devoirs de leurs charges, s'ils en ont, soit leurs affaires domestiques ? Je sais qu'à l'égard d'un grand nombre qui sont inutiles, et ne savent à quoi l'employer, cette raison est de peu de poids, vu qu'ils mettent à rien la perte du temps ; même leur étant en charge, tout leur étude aboutit à cercler les moyens de l'envoyer et de s'en défaire. Mais le Sage au contraire le tient pour très précieux, en est avare, et l'épargne le mieux qui lui est possible, et à grand regret qu'il lui en échappe la moindre parcelle sans l'avoir bien colloqué. Ainsi il fera grand conscience de s'aller seoir oisif des journées entières au pied d'un Théâtre, pour voir et ouïr des choses vaines, et des batelages. En 3e lieu nous estimons qu'il faut aussi faire considération de l'argent qui s'y emploie, qui vu le grand nombre qui se range là, ne laisse pas de faire des sommes considérables ; et est au reste très mal colloqué. Je sais qu'à l'égard de plusieurs qui sont moyennés, ce qu'ils donnent là ne leur tourne pas à charge, mais d'ailleurs aussi il est certain que plusieurs les y suivent qui achètent ce passe-temps aux dépens de leurs familles qui ont de la nécessité, et auraient besoin de ce qu'ils y mettent pour se nourrir et vêtir. Quant à ceux mêmes qui tirent ce qu'ils payent là de leur superflu, Dieu ne leur avait pas donné ses biens pour les dispenser si mal, et n'est pas à croire qu'au compte qu'ils lui en rendront, il alloue ces articles, et passe ce qu'ils auront mis pour payer des divertissements où il aura été offensé, et aidera entretenir des Bateleurs, en une profession déshonnête, et préjudiciable à la Société. Surtout ce sera un reproche honteux devant lui, à ceux d'entre eux qui se montrent là très libéraux, et même prodigues, jusques à payer pour autrui, et cependant sont chiches en leurs aumônes, et ne secourent point les nécessiteux, dont ils voient que le nombre est si grand, et que tous les jours il se multiplie. Que s'ils ont besoin d'un exemple illustre pour les mieux instruire, nous leur alléguons celui de Philippe Auguste, «  qui voyant que des robes et sommes de deniers qu'on donnait à ces gens-là, plusieurs pauvres eussent été entretenus, et vêtus par un bien long temps, Il voua que toute sa vie, ses robes, et l'argent qu'on leur donnait, serait distribué aux nécessiteux ». Le 4e mal qui se trouve ès Théâtres, leur a été jadis reproché par Tertullien, en ce que ce sont toutes fictions, qui ne peuvent plaire (dit-il) à celui qui hait la feintise, et tout mensonge, et est le Dieu de vérité. Là celui qui veut contrefaire un Géant, hausser à sa stature, comme s'il voulait (dit-il) rendre J. C. menteur, en ce qu'il nous a dit que nul ne saurait y ajouter une coudée. Là un homme se déguisera en femme, ce qui est renoncer à la prérogative de son sexe, et vouloir sortir du rang où son Créateur l'a mis. Là seront parfois des visages masqués, qui cachent sous des figures fausses, l'image de Dieu, que lui-même a empreinte dessus notre face. Tout cela, selon cet Ancien, ne peut qu'il ne soit déplaisant à Dieu. Sans remonter aux âges si éloignés, ces déguisements sous des masques ont longtemps été condamnés en ce Royaume : Car la Cour de Parlement de Rouen, condamna en l'année 1508, à l'amande de cent livres, tous les marchands qui vendraient de ces faux visages, et tous ceux aussi qui les porteraient ; De plus, elle renouvela cet Arrêt en l'an 1514. D'ailleurs l'Auguste Sénat de Paris, en la même année 1514, prononça tout le même Arrêt. Sans doute ces graves Sénateurs avaient reconnu l'indignité qu'il y a en de tels déguisements. Or tout le Théâtre n'est composé que de personnages ainsi feints, et dissimulés ; que s'ils ne le sont toujours quant à leurs visages, ils le sont au moins quant à leurs habits. De là donc leur condamnation, prononcée à ce sujet, par Solon le Sage législateur des Athéniens, ainsi que nous verrons ci-dessous. La 5e accusation contre les Théâtres, c'est qu'entre ces fictions il y en a d'horribles, et tout à fait détestables. Tantôt on y représentera un Magicien, qui fait ses enchantements, et y invoque et évoque les esprits malins. Tantôt on y représentera une Phèdre qui est éprise d'une flamme maudite, et brûle d'un amour incestueux. Tantôt on y fera parler un Julien l'Apostat (comme l'exemple s'en est vu ici) qui dégorgera des blasphèmes épouvantables contre la Divinité. Tout cela, à le bien prendre, est abominable. Car ce qui est mauvais à faire, est mauvais à contrefaire. Dieu ne veut point qu'on le blasphème par jeu. Ce ne sera pas une bonne excuse au dernier jour, à celui qui aura vomi contre lui des impiétés, de dire qu'il ne l'avait fait que par semblant, et pour se donner du plaisir. Il faut donc reconnaître là un très dangereux artifice du Diable, qui s'est avisé de ce subtil moyen d'épandre son plus noir venin, faisant dire impunément dessus le Théâtre, ce qui ailleurs serait puni de mille gibets et de mille roues. En 6e lieu, le plus grand et universel reproche contre les Théâtres, c'est que de tous temps on les a tenus comme des «  Assemblées dédiées particulièrement à l'impudicité  », comme a dit Tertullien, et pour des lieux où «  les mœurs se corrompent, et où on ne pourrait assister sans apprendre des choses sales, en ouïr de déshonnêtes et en voir de pernicieuses », qui sont les mots de saint Augustin. De vrai la matière qui s'y traite le plus ordinairement, ce sont des amours. Tantôt on y représentera une fille, qui transportée de sa passion, et perdant toute honte, s'opiniâtrera à vouloir un mari contre la volonté de ses Père et Mère. Tantôt on y introduira quelque homme perdu qui y usera de mille ruses pour séduire une femme, et triompher à la fin de sa chasteté. Bref, c'est le Vrai et propre thème de ces lieux. Or voilà une belle école aux filles et aux femmes pour y apprendre à être honnêtes ? Chrysostome au moins ne le croyait pas, alors qu'il s'écrie, « Cette simulation d'adultères combien en fait-elle de véritables » ? ni saint Cyprien non plus, lorsqu'il dit, touchant celles qui les hantent, que « telle y avait d'entre elles qui y était allée chaste, qui en revenait impudique ». Ni non plus Lactance, qui ayant posé, que les « adultères sont là enseignés à mesure qu'on les feint» », ajoute que les jeunes hommes et les jeunes filles qui y vont ne sauraient se garantir qu'ils ne s'y éprennent des brasiers de la convoitise, et retournent chacun chez soi la flèche dedans le cœur, et corrompus par le vice. Ici même ne doit pas être omise une observation de Tertullien, c'est qu'outre le dommage qui peut revenir des Théâtres, par les choses qui y sont dites, Satan y a d'autres soufflets de la convoitise, comme pour exemple, le concours grand qui s'y fait, ce qu'on y est assis pêle-mêle, et proches les uns des autres, les propos qu'on se tient mutuellement sur le sujet qui se joue. Tout cela, selon lui, sert comme de souffre pour allumer le feu, en une jeunesse, dont l'âge etle sang bouillant l'en rendent trop susceptibles. Et de fait, qui voudra reconnaître de bonne foi ce qui se voit là tous les jours, sera nécessité d'avouer que la licence y est en son règne, et que ceux qui ont dessein de cajoler de jeunes filles, en ménagent les occasions pour les aller là entretenir ; et peu à peu, par leurs approches, et en leur disant de bons mots sur ce qui se représente, les accoutument à ouïr le tout sans que la rougeur leur en monte au front, afin qu'ayant banni la pudeur, qui est la gardienne de l'honnêteté, enfin ils les tirent à leur désir. Ceux donc qui conduisent ou envoient là leurs filles, les remettent à de mauvais Maîtres, et les adressent à une école très dangereuse. Tout cela se trouvant ès Théâtres, c'est un sujet plus que suffisant de les condamner. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-7 *date_1647 *creator_vincent CHAP. III. Touchant l'exception que les Théâtres ne sont plus dissolus comme auparavant. Les défenseurs des Théâtres exceptent ici, que les Anciens allégués parlent des Théâtres des Païens, qui à la vérité ont été remplis d'infamies, et de dissolutions horribles. Mais que cela ne doit pas être appliqué à ceux de cet âge, qui n'ont rien de la turpitude de ces premiers. D'ailleurs que si durant un temps il y a eu lieu, de se plaindre que les Théâtres d'à présent étaient déshonnêtes, cette plainte doit cesser, vu qu'on les a repurgés de ces vilaines farces qui s'y jouaient, et en général de tout ce qui pouvait offenser les yeux et les oreilles chastes. C'est le grand retranchement de ceux qui aujourd'hui apologisent pour les Théâtres : mais il n'est pas mal aisé de les en tirer, et leur montrer leur mécompte. 1. Posé que les Théâtres ne fussent plus impudiques, comme ils reconnaissent qu'ils l'étaient il y a peu, cette exception ne les garantirait pas des autres blâmes que nous leur avons donnés. 2. Ils s'abusent, attribuant le blâme que les Pères donnaient aux Théâtres, à ce que toutes les pièces qui s'y jouaient étaient ainsi horriblement dissolues. Tout au contraire, Tertullien passe l'aveu qu'il y en avait entre elles qui étaient honnêtes : De vrai si nous lisons les Tragédies de Sénèque entre les Latins, et celles de Sophocle ou d'Euripide entre les Grecs, elles sont graves, et pleines de belles Sentences, et de riches enseignements moraux. Il y a eu même des Comédies entre eux, comme la plupart de celles d'Aristophane, où il ne se lit rien qui soit déshonnête, et qui pût corrompre les mœurs ; tant s'en faut, c'étaient des manières de Satires mordantes pour accuser la corruption qui s'y était glissée. Lors donc que les Pères ont ainsi condamné généralement les Théâtres, ce n'est pas qu'ils ne sussent qu'il s'y disait parfois de bonnes choses : Mais c'est qu'après celles-là, bonnes, il en suivait à d'autres fois de mauvaises ; Ce qui milite aussi au fait présent, s'agissant de celles qu'on nous dit réformées, ainsi que nous le verrons ci-après. 3. Les mêmes se mécomptent, posant par fait en leur exception, que les Anciens qui ont ainsi condamné les Théâtres, n'ont entendu parler que de ceux des Païens. Car si cela a lieu, au regard des premiers d'entre eux, comme Tertullien, et saint Cyprien, qui ont vécu durant que les Païens dominaient, on ne le doit pas dire des autres qui ont écrit depuis que Constantin le Grand eût fermé les Temples des Gentils, et aboli leurs impies superstitions. Chrysostome particulièrement a parlé ès termes que nous avons ouïs, à Constantinople, lorsqu'elle était toute Chrétienne. S. Augustin aussi, qui a tenu son même langage, lui a été contemporain, et a vécu sous Honorius et Arcadius, qui étaient Empereurs Chrétiens. Ainsi les Théâtres qu'ils ont condamnés n'ont pas été ceux des Païens, qui n'avaient plus l'autorité publique pour présenter des spectacles, comme lorsqu'ils étaient les Maîtres, mais ç'ont été ceux des Chrétiens, qui par une mauvaise coutume s'étaient laissé emporter à l'exemple des autres, et même les Empereurs, ainsi que nous 1'apprendrons de saint Augustin, au chapitre dernier. D'ailleurs 1e même Chrysostome remarque, qu'entre ceux qui hantaient ces Théâtres, et même qui y étaient forcenés, il y en avait qui présentaient une très belle apparence de piété : Or durant que ces Théâtres étaient Païens, ceux qui voulaient être tenus pour vrais Chrétiens, s'en séquestraient tout à fait, comme nous en ferons apparoir au chapitre septième. C'est donc une notoire méprise, lorsqu'on veut poser, que les Pères n'ont condamné que les Théâtres Païens, et non pas ceux des Chrétiens. Soit les uns, soit les autres, les voyant en un même blâme, et également tachés de dissolution, et des Ecoles ouvertes pour corrompre les mœurs, ils les ont enveloppés sous de pareilles censures. 4. Les Auteurs de cette exception, qui posent par fait que les Théâtres sont ainsi réformés, et qu'on s'y peut rendre et y assister sans nul péril, ou se flattent, ou bien trompent à dessein. Il est vrai que ceux qui y montent se sont avisés de cette souplesse, selon les lieux, et les personnes qui y assistent, de se réprimer et contrefaire. Ainsi lorsqu'ils auraient à jouer devant notre grande Reine, afin d'alléguer le plus haut exemple qui soit, le préjugé bien qu'ils n'auraient pas le front d'étaler rien de déshonnête, et ne fait nul doute, que comme toutes les inclinations de cette rare Princesse, sont à la vertu, s'ils sortaient hors des bornes, elle en concevait une juste indignation, et ferait châtier leur insolence et témérité. Mais comme Satan pour se déguiser un temps, et paraître lors en Ange de lumière, ne laisse pas d'être Satan, Encore que les Théâtres, parfois, prennent un plus beau masque, et ne montrent pas ce qu'ils ont de hideux, ils ne laissent pas d'être toujours les mêmes, c'est-à-dire, des lieux destinés de leur nature à la dissolution ; et ainsi, comme rien de contraire ne saurait être de durée, ils ne manquent point de retourner bientôt à leur naturel. A une fois ils n'auront rien dit qu'on pût reprocher, mais à une autre on les verra se licencier comme auparavant. Comme donc nous avons ouï, que les Anciens Pères condamnaient ceux de leur temps, combien que parfois ils disent merveilles, à cause que les mêmes bouches qui en l'une de leurs actions avaient proféré de belles Sentences, à une autre prononçaient des impuretés ; Ceux d'aujourd'hui non plus n'ont pas une suffisante excuse, en ce que par fois il n'y aura rien du tout en une Comédie qui puisse offenser, vu qu'aussi il en suivra d'autres qui seront licencieuses, et qu'entre deux vertes, ainsi que l'on dit, il y en aura toujours une mûre. Et de vrai, avec toute cette belle réformation dont on nous parle, Si on considère les Comédies données au jour, et qu'on met entre les repurgées, encore qu'il n'y ait pas des mots sales, ni des expressions qui fassent rougir, la matière en soi a le même reproche que celles du passé, qu'on confesse dissolues, et n'y a de différence, sinon que le venin est présenté sous une viande mieux apprêtée, ce qui le rend dangereux au double. En effet le sujet qui y est traité le plus ordinairement : Ce sont des passions d'amour, ainsi que nous avons déjà dit, représentées en termes exquis avec des transports, et des ravissements pathétiques tout ce qui se peut ; à quoi se joignant la grâce du geste, et la douceur de la prononciation, et la force secrète qui accompagne de bons vers, il faudrait être de marbre, pour ainsi dire, pour n'en être point ému. Aussi Lactance en a fait jadis l'observation, et disait que « d'autant plus que ceux qui composent ces fables comiques sont éloquents, d'autant plus persuadent-ils, par l'Elégance de leurs Sentences, joint que des vers nombreux et ornés, s'attachent plus aisément à la mémoire des Ecoutants : Ainsi que c'est le moyen d'attiser le feu ès cœurs de la jeunesse qui y assiste » Nous ne croyons pas qu'il ait jamais été rien dit de plus vrai, de sorte que tant s'en faut que nous estimions qu'il y ait moins de danger ès Comédies ainsi déguisées, que quand elles étaient tout ouvertement dissolues, tout au rebours, elles sont doublement à craindre, vu que le mal s'y cache avec art, et que le poison s'y avale sous la malvoisie. Au fond, n'y ayant rien de changé, sinon les mots, et quelque chose en la forme, et la matière y étant toujours la même, tout ce que la jeunesse, surtout, y voit et y oit, est comme qui battrait le fusil sur de l'esmorche bien sèche. Ainsi les voyant qui y courent si avidement, ils ressemblent à l'imprudent moucheron, qui vole vers le flambeau qui le doit brûler. Nous en revenons donc là, que nonobstant cette belle réformation tant vantée de la Comédie, elle a tout le même péril que devant, et même qu'elle est plus à craindre qu'elle n'était avant ce déguisement. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-8 *date_1647 *creator_vincent CHAP. IV. Du mal qu'il y a ès Théâtres à les prendre en notre égard. Mais outre le mal qu'il y a ès Théâtres, ainsi considérés en eux, il y en a deux autres qui ne sont pas moindres, si on les considère en notre égard. Le premier c'est que tous ceux de nous qui y vont, sans y penser, se rendent atteints de parjure. Par la grâce de Dieu nous sommes Chrétiens, et en tant que tels avons reçu le Sacré sceau du Baptême. Entre ceux qui portent ce nom, nous avons cet avantage d'être plus particulièrement dédiés au Seigneur, lui ayant fait le serment solennel en sa Maison, d'y vivre selon la Réformation Sainte qui nous distingue d'avec ceux que l'erreur tient encore dedans ses liens. Certes, en tant que Chrétiens, qui lui avons donné nos noms au Baptême, nous lui avons juré de renoncer au Diable, et à ses Pompes, car ainsi le porte la stipulation ancienne qui se faisait au Baptême, où ils entendaient par les Pompes de cet Ennemi, ainsi que le dit Tertullien, entre autres choses, les Théâtres et les Spectacles. De plus en tant que Chrétiens Réformés, nous avons engagé notre foi au Seigneur de converser honnêtement devant lui, et selon l'ordre de la Discipline de sa vraie Eglise, laquelle sans contredit nous défend ces Théâtres. Cela étant ainsi, Ceux de nous qui y assistent, se rendent doublement parjures, vu qu'ils enfreignent leur double serment. Or est-ce peu de violer la foi de laquelle tu t'étais engagé à Dieu ? Mais au parjure, se joint en second lieu, le scandale. Il est généralement connu, que la profession que nous disons suivre, défend cette vanité, les Règlements de notre Discipline y sont exprès, les Pasteurs les inculquent, On reprend ceux qui s'y adonnent. Lors donc que nonobstant il y en a qui y courent tout hautement, ceux qui sont hors de notre communion en rient, et nous en insultent ; et les gens de bien au-dedans en sont contristés, et ont un grand deuil en leur cœur de voir ainsi fouler aux pieds le saint Ordre établi au milieu de nous, et que notre profession en demeure déshonorée, et flétrie. Là-dessus je demande quel compte pourront rendre à Dieu ceux qui scandalisent ainsi son Eglise ? Notre Sauveur a prononcé dignes qu'on leur mît une meule au col, et qu'on les jetât au fond de la mer, ceux qui présenteraient matière d'achoppement à un seul des plus petits ; quel jugement à plus forte raison ont sujet d'attendre, ceux qui causent un si indigne scandale au corps entier de tous les fidèles ? Je sais que les fauteurs de la Comédie veulent excepter ici, que le scandale dont nous parlons, est pris, et non pas donné, mêmes quelques-uns passent jusques à le vouloir rejeter sur les Pasteurs, qui le causent (disent-ils) par les défenses qu'ils font d'une chose libre. A ce compte, voilà le criminel qui tire en cause son juge ? Et faudra désormais, que ceux à qui leurs charges donnent l'autorité de blâmer le vice, tout au rebours, subissent à ses Censures. Au fond si les Théâtres tiennent rang entre les choses libres, nous l'examinerons au dernier chapitre, et apert du contraire, par ce peu que nous avons déjà proposé. Quant aux défenses qu'en font les Pasteurs, s'il s'agissait d'une chose bien reconnue pour indifférente, posé que quelques-uns d'entre eux, par une humeur austère, et de leur simple autorité, entreprissent de l'interdire, et voulussent poursuivre par les Censures, ceux qui ne souscriraient pas à leurs opinions privées, ils sortiraient des limites de leurs charge, qui n'a pas cette autorité. Mais le fait ici est tout autre, vu qu'il s'agit d'une vanité mondaine, qui est très mauvaise en elle, et ayant été reconnue pour telle en tous les âges, tous les serviteurs de Dieu, unanimement, l'ont condamnée, et ont fait des Règlements publics à l'encontre d'elle, qui ont été reçus et autorisés en nos Eglise, et à l'observation desquels on lie et engage par promesse expresse, de tenir la main, tous ceux qui sont reçus au saint Ministère, voire même jusques à les y obliger par leurs seings. Lorsqu'ensuite ils condamnent les Théâtres, c'est grande injustice de les accuser qu'ils donnent du scandale ; Car un Pasteur ne donne pas du scandale, alors qu'il fait bien sa charge, et s'acquitte en conscience de ce à quoi il est tenu en vertu d'icelle. Leur consolation donc en de telles accusations, c'est de pouvoir dire comme jadis S. Chrysostome, à qui on faisait le même procès, et sur ce même sujet, «  Il nous suffit que nous nous acquittions du devoir de notre charge ». Par cela même demeure résolu ce qu'on exceptait, que le scandale de ceux qui s'offensent d'en voir d'autres qui courent aux Théâtres est un scandale pris, et non pas donné. Il serait tel qu'ils le disent, si les Théâtres étaient libres et indifférents en eux, et s'il n'y avait point de règlements publics de l'Eglise, dont nous sommes membres, qui les défendissent. Mais nous avons vu tout au contraire le mal qui y est ; Et d'ailleurs, il est tout notoire que notre Ordre public les défend très expressément. Lors donc que quelques-uns les enfreignent, et que leurs frères s'en scandalisent, le scandale n'est pas pris mal à propos, par ceux-ci, mais il est donné tout évidemment par ceux-là ; qui partant en seront comptables à Dieu. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-9 *date_1647 *creator_vincent CHAP. V. Qu'entre les Païens mêmes, les Sages ont condamné les Théâtres. Nous avons ouï que ce sont les Païens à qui les Théâtres rapportent leur Origine, Or y ayant couru avec une manière de forcènerie, si est-ce que les Sages qui étaient entre eux, en ont fort bien reconnu le mal, l'ont improuvé, et ont tâché d'y remédier. L'Histoire fait foi que le premier qui joua des Tragédies à Athènes, fut un certain Thespis, qui ayant dressé un Théâtre, tout le peuple y prenait un merveilleux goût. Or Solon, qu'ils avaient choisi pour corriger leurs lois, et bien policer leur République, s'y étant rendu, appela le joueur à l'issue de l'action, et lui demanda s'il n'avait point de honte de mentir en la présence de tant de gens ? A quoi l'autre ayant répondu, que ce n'était qu'en jeu, Solon là-dessus, frappa la terre avec un bâton qu'il tenait en sa main, en témoignage de courroux et prononça ces mots, « Mais en louant et approuvant de tels jeux, et de mentir à son escient, nous ne nous donnerons garde, que nous trouverons bientôt le mensonge en nos contrats et en nos affaires ». Nonobstant son improbation les Théâtres gagnèrent, et se mirent en grande vogue ; Ce qui ayant été remarqué par Platon, à qui toute l'antiquité a donné le nom de divin, il en témoigna une véhémente improbation, et ayant voulu fournir le modèle d'une République, telle qu'il en eût désiré une, en bannit tous les Poètes, à la réserve de ceux qui composeraient des Hymnes Sacrés, et s'étend même à justifier, qu'il n'y faudrait point admettre Homère, qu'il appelle le Père de tous ceux qui depuis lui, ont composé des Tragédies, et des Comédies ; et les exprimant nommément, je dis les Tragédies et les Comédies, il les accuse de « gâter l'entendement, et de pervertir la vraie raison, et outre cela de corrompre les mœurs, et exciter et mouvoir les désirs vénériens, et les autres cupidités, pour faire qu'elles dominent, au lieu qu'il les faudrait rendre sujettes ». Ajoutant ensuite « qu'il y en aurait peu entre les gens de bien qui se pussent garantir du mal qu'il dit être en ses fictions poétiques » : Il en conclut, qu'il « les faut bannir, comme on jetterait hors d'une Cité, ceux qui feraient métier d'en gâter les principaux, et les rendre méchants ». C'est un sommaire de ce que ce grand homme déduit bien au long en un livre tout entier. Il est vrai qu'en un autre ouvrage, il semble relâcher de cette sévérité, et concéder quelque chose, au grand désir qu'on avait pour ces passe-temps, Mais il y appose deux conditions, qui montrent combien il les condamnait. Premièrement il ne permet point à aucun Citoyen, ou personne libre, de se produire sur le Théâtre, pour aucun Batelage, et renvoie cela aux seuls Esclaves, ou aux Etrangers. D'ailleurs, étant question en particulier de ceux qui jouaient les Tragédies, et se vantaient de ne rien dire que de bon, et de sérieux, et les représentants, qui lui venaient demander accès, et libre entrée en sa République, « Ne croyez pas , leur répond-il, que nous souffrions aisément que vous veniez dresser vos Théâtres en lieu public, ni que vous produisiez des joueurs de farces, ni que nous endurions que vous prêchiez à nos Enfants, à nos femmes, à toute la tourbe de la ville, le contraire de ce que nous leur enseignons. Nous serions insensés, et nous et toute notre Cité, si on vous admettait auparavant que les Magistrats eussent vu vos Compositions, et jugé de ce que vous avez à dire à notre peuple ».Ce sont les propres mots de cet excellent Auteur, d'où on peut recueillir combien il tenait préjudiciable à une République d'y endurer des Théâtres. Or il n'est pas raisonnable que la sienne ait été plus chaste et mieux policée que l'Eglise de notre Seigneur J. C. Son Disciple Aristote n'a pas été éloigné de son avis : Car il recommande qu'on retienne les enfants en leur âge tendre de voir les Comédies : et en général, veut que le Magistrat empêche tous Spectacles, où il se die et fasse rien de déshonnête, vu que de l'ouïr et le voir, on passe aisément à le faire. De plus il a assez montré quel jugement il faisait de tous ceux qui montent sur le Théâtre, lorsqu'il recherche en l'un de ses Problèmes, « d'où pouvait venir que ces gens étaient d'ordinaire dissolus, et de vie corrompue », parlant de cela comme d'un fait avéré et tout notoire. Nous lui adjoignons un autre Philosophe, dont Aulu-Gelle a fait mention, qui tenant Ecole publique, et voyant l'un de ses Disciples, entre les autres, qui hantait les Comédiens, et était éperdu de passion pour les Théâtres, il rechercha les moyens de l'en retirer : Et à cet effet lui transcrivit tout du long ce Problème de ce grand homme, et le lui mettant en main, stipula de lui, que par chacun jour il ne manquerait de le lire. Lui aussi jugeait défavorablement des Théâtres, et avait reconnu le dommage qu'ils causent à ceux qui les fréquentent. Nous ne devons ici omettre le jugement qu'en ont fait deux Anciennes Républiques, qu'on a tenues entre les mieux policées, et dont toutes les Histoires ne se peuvent lasser de rehausser les louanges. La première a été celle des Massiliens, aujourd'hui Marseille, ancienne Colonie Grecque, fondée plus de six cents ans devant J.C. et dont Valère Maxime, dit que jusques à son temps, qui était celui de Tibère, elle n'avait point relâché de sa sévérité ancienne, ni laissé corrompre l'intégrité de ses mœurs. Selon le même, l'un des moyens entre les autres qu'elle y avait employés, c'est qu'elle avait banni de chez elle tout cet attirail de Théâtres. « Elle ne donne (dit-il) nulle entrée aux Bateleurs, pour monter sur le Théâtre, vu que les sujets qu'ils y louent, sont pour la plus grande part, des adultères et lascivetés, et qu'ils craignent que la coutume de voir ces choses n'introduise la licence de les commettre ». L'Autre République dont aussi nous touchons, est la tant vantée de Lacédémone, où par un aveu public, la vertu a été comme élevée dessus son Trône le plus sublime ; et qui par l'exacte observation de ses bonnes lois, s'est maintenue plusieurs siècles en un haut éclat. Ce qui aida entre autres choses à y conserver les bonnes mœurs, c'est « qu'ils n'oyaient jamais jouer ni Comédies, ni Tragédies, afin qu'ils n'entendissent jamais, ni par jeu, ni autrement, contredire aux lois ». Mais nous passons des Grecs aux Romains, qui avec le temps s'étant épris du même ésir de ces récréations, Si est-ce que l'autorité publique y résista autant qu'elle put. Car nous apprenons de Tertullien, qui savait sur le bout du doigt toutes leurs Antiquités, que lorsqu'il se bâtissait un Théâtre en la ville de Rome, les Censeurs, qui étaient des Magistrats publics, établis pour réformer les abus, le faisaient tout aussitôt démolir, voulant « pourvoir aux mœurs, et prévoyant qu'il y aurait grand péril que la lasciveté ne s'y fourrât » (nous dit cet Ancien). C'était faire un très mauvais jugement de ces passe-temps, puisqu'ils s'en prenaient aux lieux mêmes. Or cela ne fut pas seulement à une fois, ou à deux, mais continua jusques au temps de Pompée le Grand, qui pour garantir son Théâtre de passer par la même rigueur, s'avisa d'en faire un lieu Sacré, et lors de sa dédicace, y ayant assemblé le peuple, ne le qualifia pas un Théâtre, mais lui donna le nom de Temple, et le consacra à Vénus, de sorte que les Censeurs n'y osèrent toucher. Or ce qu'il ne subsista que sous cette couverture, les autres ayant été auparavant jetés bas, convint que jusques alors l'autorité publique les avait improuvés. Du depuis, la corruption ayant prévalu, et ces passe-temps s'étant rendus ordinaires, tout le peuple y courant avec une passion ; qui tenait lieu de manie ; Cicéron en a formé plainte, et l'a attribué à ce que les mœurs s'étaient perverties, « Il n'y aurait (dit il) aucune Comédie si nous n'approuvions les crimes qui y sont représentés  ». En suite le Sage Sénèque en a dit son avis avec une liberté tout entière. >« Il n'y a rien (disait-il) si préjudiciable aux bonnes mœurs que de seoir oisif à quelque spectacle. Car là les Vices se glissent par le plaisir qu'on y prend. Quand j'y vais j'en reviens plus avare, plus ambitieux, plus luxurieux, etc. » Ainsi a parlé ce grand homme, qui est d'autant plus croyable en ce qu'il dit contre les Théâtres, qu'il couche de sa propre expérience. Nous exhortons donc là-dessus, tous ceux qui aujourd'hui se flattent en l'opinion de l'indifférence des Théâtres, d'écouter la raison, parlant par la bouche de ces hommes Sages, à qui le sens naturel, sans autre Maître, a fait connaître le préjudice qu'ils apportent aux bonnes mœurs, Ainsi il ne faut pas qu'ils estiment, que quand les Anciens les ont défendus, ou lorsque nous les blâmons aujourd'hui, ce soit une humeur chagrine, et une sévérité qui retienne du farouche, plutôt qu'une connaissance bien informée. Certes il serait honteux que des Ministres de l'Evangile fussent plus mols à réprimer cette dissolution, que ne l'ont été jadis des Païens. Je préjuge que nos Apologiseurs des Théâtres se voudront jeter dans leur retranchement ordinaire, de la prétendue réformation qui en a été faite il y a peu. Mais des lieux qui ont pris possession durant plus de deux mille ans d'être des écoles pour gâter les mœurs, ne sauraient avoir changé si soudain. Il faut un long temps à une femme qui a mal vécu dès sa jeunesse pour la faire croire femme de bien. Puisque ce sont les mêmes Théâtres, les mêmes Acteurs, tout le même appareil d'auparavant, c'est abus de penser qu'on croie qu'ils soient autres qu'ils n'avaient été, et qu'au lieu du vice ils enseignent la vertu. Comme nous ne voudrions pas envoyer nos filles à des Vilaines, en un lieu infâme, pour les instruire à la chasteté, sous ombre qu'on nous dirait, que soudain, et depuis peu, elles seraient devenues toutes saintes, toutes ces nouvelles louanges qu'on donne aux Théâtres, ne doivent pas faire que nous les confions non plus aux Comédiens, pour les former à être honnêtes, puisque de si long temps ils ont passé pour gens vicieux, et que mêmes entre les Païens, les Sages en ont parlé en la manière que nous avons ouï. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-10 *date_1647 *creator_vincent CHAP. VI. Que les Lois civiles forment le procès aux Théâtres. Ceux que nous venons d'alléguer sont à notre égard des particuliers ; mais après eux nous touchons de l'autorité publique, qui a parlé par les Lois. Or il se trouve qu'elles ont fait 1e procès aux Théâtres. De fait elles notent d'infamie ceux qui y montaient. « Prætoris verbis infamia notatur, qui artis ludicra, pronuntiandive causa, in scænam prodierit ». Il est connu que cette note d'infamie emportait que ceux qui en étaient marqués ne pussent tester, ni être reçus en témoignage, ni être admis à aucune charge publique. Les Lois donc réduisant là ceux qui montaient sur les Théâtres, et les flétrissant ainsi, semblaient avoir voulu pourvoir à ce qu'aucun ne suivît une profession, qui les rendait infâmes et déshonorés. Outre cette Loi, il y a celle qu'on appelait Julia, qui traitait aussi fort mal les Théâtres, défendant à ceux qui étaient du corps du Sénat, de s'allier par mariage avec aucun de ceux qui s'y produisaient ; Cependant c'eût parfois été un avantage grand à un Sénateur qui eût été pauvre, de pouvoir épouser la fille de l'un d'entre eux, comme de cet Esope, tant renommé, qui après des profusions inouïes, laissa encore à son fils, valant cinq cent mille écus, selon la supputation qu'en a fait Budé : Mais vu l'infamie de cette profession, l'autorité publique empêchait qu'une telle alliance se pût contracter : selon qu'aussi la même Loi, et par la même raison, interdisait à tous ceux du Sénat, de bailler leurs filles à qui que ce fût qui eût exercé cet art. La Censure de Scipion surnommé Nasica leur fut aussi fort défavorable, Car il fit rayer de dessus la matricule des Citoyens, tous ceux qui se mêlaient du Théâtre, et les assujettit à payer tribut, Ce qu'il fit « à cause qu'ils corrompaient les mœurs et étaient pernicieux à la République » . Longtemps après, sous l'Empereur Tibère, il fut fait un autre règlement, qui de même leur fut fort honteux, Car il fut défendu à tout Sénateur d'entrer seulement en leur maison, et à tous ceux de l'Ordre des Chevaliers d'aller avec eux parmi la rue Et quant à eux il leur fut fait expresse défense de paraître ailleurs que sur leur Théâtre. C'était faire un très mauvais jugement, tant d'eux, que de tout leur art. Sous les Empereurs Chrétiens, cette même Loi, qui déclarait infâmes ceux qui montaient sur le Théâtre ayant retenu sa vigueur, Nous trouvons en la Constitution 115, que si un fils, malgré le Père, se jetait entre les Comédiens, il était en sa puissance de l'exhéréder. Pour ce qui est de ce Royaume, nous n'avions point appris jusques ici, que nonobstant la grande faveur qu'ils ont trouvée parfois auprès de quelques-uns qui avaient grande autorité, on ait relâché envers eux la rigueur des Anciennes Ordonnances, et en particulier de celle de Philippe Auguste, qui les bannit de sa Cour, comme gens qui « s'adonnaient à choses vaines et contraires au salut » . Ou de celle de saint Louis, qui « exila aussi de sa Cour les Bateleurs, et farceurs, vu qu'ils ne servaient qu'à corrompre les mœurs. », dit l'Historien du Haillan en la vie de ce Prince. Que si en l'information de la vie et mœurs de quelqu'un, qui se présenterait pour un Office, il était porté que c'aurait été un Triacleur, et qu'il aurait suivi les Comédiens, nous ne croyons pas qu'il fût admis à sa charge. Tout cela étant constant, je demande quel jugement on doit faire des Théâtres, et si on les peut tenir pour honnêtes, puis que ceux qui y montent sont marqués comme gens infâmes, et indignes de tenir rang entre les Citoyens. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-11 *date_1647 *creator_vincent CHAP. VII. Que la pratique des premiers Chrétiens a condamné les Théâtres. La droite raison, et les Lois, ayant ainsi fait le procès aux Théâtres, néanmoins la folle, et comme enragée passion, que les peuples avaient pour eux, prévalut à 1a fin, de sorte qu'ils y couraient en grandes foules, et tout le jour s'y tenaient assis, tantôt pour voir les combats des Escrimeurs à outrance, qui étaient de pauvres esclaves, qu'ils forçaient de s'entretuer, pour leur donner du plaisir ; tantôt pour les Comédies et Tragédies, qui ordinairement s'y jouaient. Mais leur pratique étant telle, lorsque l'Evangile de notre Seigneur J. C. vint à être prêché, Ceux qui par la prédication d'icelui furent retirés de leur ancien erreur, se séquestrèrent des dissolutions auxquelles ils s'étaient auparavant adonnés durant icelui, et en particulier de celle-là des Théâtres. C'est ce que nous apprenons de Tertullien, qui y est exprès, et duquel voici les mots, « Alors principalement les Païens s'assurent que quelqu'un s'est rendu Chrétien, lors qu'il fait divorce d'avec les Spectacles ». De plus cela est confirmé par cet excellent Dialogue, entre un Païen, et un Chrétien, composé par Minutius Felix, si on prend garde à l'une des objections que fait cetui-là, et à la réponse de cetui-ci. Quant au Païen, il y est introduit qui parle ainsi. « Les Romains règnent sans reconnaître votre Dieu, ont tout le monde sous leur puissance ; Sont maîtres de vous en particulier. Et quant à vous cependant, toujours en suspens, et en souci, vous vous retranchez vous-mêmes de la jouissance des plaisirs honnêtes, ne venez point voir les jeux et spectacles, ne voulez point assister aux Pompes. » C'est l'objection du Païen. Or quand le Chrétien répond à son tour, il ne le contredit point sur le fait, et tant s'en faut lui en passe aveu, seulement il lui soutient, qu'en usant ainsi, ils étaient fondés en droite raison. « Nous voulons (dit-il) qu'on juge de nous par nos mœurs, et par la pudeur. Ainsi c'est à juste cause que nous nous abstenons de vos voluptés mauvaises, et de Vos Pompes, et Spectacles. Très bien informés qu'il n'y a rien en tout cela qui ne tire son origine de votre Idolâtrie, et dont les blandices et allèchements ne soient pernicieux, aussi nous les condamnons. Es jeux des Gladiateurs qui n'aurait horreur de cette Ecole de meurtres ? En ceux qui montent sur les Théâtres pour les Tragédies et Comédies, la fureur n'y est pas moindre, mais la turpitude y est plus grande. Car le Bateleur efféminé y expose de bouche des adultères, ou les fait voir par geste, et tandis qu'il feint des passions d'amour sale, il en enfonce la plaie. » De ce passage illustre, comme aussi de l'autre de Tertullien, il paraissait à clair, que les premiers Chrétiens se retiraient des Théâtres, et ainsi qu'ils faisaient leur compte qu'il était incompatible avec leur profession de les fréquenter. De là donc on doit conclure, que si nous leur ressemblons, et avons véritablement donné nos noms au Seigneur Jésus, nous ne devons non plus avoir rien de commun avec cette dissolution, à laquelle, en tant que Chrétiens, ils ne voulaient avoir nulle part. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-12 *date_1647 *creator_vincent CHAP. VIII. Que les Conciles ont flétri les Théâtres par leurs censures. Combien que la pratique des premiers Chrétiens eût été telle, néanmoins comme le monde est alléchant, et les voluptés attrayantes, On en vit plusieurs d'eux, qui avec le temps, se relâchèrent, et ne firent point de difficulté de se rendre aux Théâtres. A ce sujet donc les Serviteurs de Dieu firent devoir de les réprimer, de sorte que les Synodes çà et là en firent divers règlements. De vrai on en trouve des vestiges ès Canons qu'on appelle des Apôtres au Canon 18 où il est ordonné que celui dont la femme se trouverait avoir monté sur le Théâtre ne pourrait être admis à aucun degré Ecclésiastique. De plus, au troisième Concile de Carthage, au Canon 11, Il est défendu expressément à tous Chrétiens de donner des Spectacles, et mêmes d'y assister. De même au premier Concile tenu à Arles, en notre France, au Canon 5, tous ceux qui se mêlaient des Théâtres sont exclus de la Communion. Mais surtout doit être ici considéré ce qu'ordonna là-dessus le sixième Concile universel, assemblé à Constantinople, au septième Siècle, lorsqu'absolument il n'y avait plus nulles traces de l'Erreur Païenne. Les Pères là convoqués, ayant remarqué que l'ancienne Discipline de l'Eglise s'était relâchée, et s'employant d'un saint zèle à la restaurer, Entre les autres abus, voulurent remédier à celui des Théâtres, et dressèrent ce Canon, qui se trouve le 51, en l'ordre de ceux qui furent là compilés. Ce saint et universel Concile « défend absolument Ceux qu'on appelle, Bateleurs, et leurs Spectacles, et de s'en aller aux Théâtres, que si quelqu'un méprise le présent Canon, et s'adonne à ces choses, qui sont défendues, si c'est un du Clergé qu'on le dépose de sa charge, et si c'est un Laïc, qu'il soit retranché de la Communion. Ce sont les mots propres de leur Canon. Et pour montrer qu'ils tenaient la chose importante, et la prenaient à cœur, ils en parlent de nouveau au Canon 61, et dénoncent la peine de l'excommunication aux hommes qui se vêtiraient en femmes, ou aux femmes qui se vêtiraient en hommes, et à tous ceux qui se déguiseraient pour jouer des Tragédies ou des Comédies. ». Cela étant ainsi, on ne saurait contredire que les Anciens Conciles n'aient flétri les Théâtres de leurs plus honteuses Censures, et Cela non seulement lorsque les Païens les dressaient, mais aussi depuis que l'abus s'en fut glissé entre les Chrétiens. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-13 *date_1647 *creator_vincent CHAP. IX. Que les Anciens Pères se sont écrié d'une commune voix contre les Théâtres Outre ce que les Synodes en déterminèrent ainsi en commun, les bons Serviteurs de Dieu s'employèrent çà et là, un chacun en son détroit, et de bouche et par écrit, à réprimer cette dissolution, de sorte que leurs livres en sont tous pleins. Tertullien en a composé un traité entier, qui se trouve encor aujourd'hui entre ses œuvres, où il appelle les assemblées qui se faisaient aux Théâtres, « des Eglises du Diable, et des rendez vous d'impudicité » ». Saint Cyprien son Disciple, les qualifie à son exemple, « une Ecole de turpitude », et dit qu'on y enseigne « les adultères, et toute corruption de mœurs ». Lactance après eux, a employé un chapitre tout entier à leur faire leur procès, et les tache des mêmes infametés. Que si ce qu'ils ont dit quant à eux, doit être restreint aux Théâtres de leur temps, tandis que l'impiété Païenne avait encore la vogue. La même dissolution y ayant continué, depuis que les Empereurs eurent embrassé le Christianisme, les Pasteurs fidèles en firent ouïr toutes les mêmes improbations, et détestations. De vrai, saint Ambroise, qui a vécu sous Théodose le Grand, en a parlé ainsi à ses auditeurs. « Celui qui est en Christ comment peut-il se donner à ces vanités du monde, lesquelles J. C. a crucifiées en sa chair ? Ha ! que puissions-nous par cette voix arrêter, et retenir ceux qui courent aux différents Spectacles des Théâtres !» » Saint Basile, qui écrivait du même temps, parlant de ces mêmes Théâtres, les qualifie une « publique et commune boutique de toute incontinence  ». Saint Augustin venu immédiatement après eux, fait de graves répréhensions à ceux qui s'y adonnaient, appelle le chemin qui menait au Théâtre, « le chemin qui mène à la mort », qualifie « frénétiques ceux qui y couraient », voyant qu'ils y étaient opiniâtrés, n'y trouve point de meilleur remède, sinon d'avertir « qu'on priât Dieu pour eux » ; à savoir, à la manière dont on use envers des malades qui sont déplorés. Saint Chrysostome qui à peu près lui a été contemporain, s'est étendu en plusieurs endroits dessus ce même sujet, a appelé ces Théâtres, « la Boutique du Diable , a dit, qu' il soupirait du fond de son cœur, de ce qu'un mal si GRAND n'était pas tenu pour être mal » (ce qui est le même erreur d'aujourd'hui) somme ceux qui s'y prostituaient d'entrer en une juste frayeur que « Dieu ne se courrouçât contre eux, et qu'il ne les fît périr », leur faisant remarquer au sujet de la famine qui alors les ravageait, « que le Ciel d'airain et la terre de fer leur marquaient son indignation contre eux », leur demande en suite, « jusques à quand ils seraient endurcis de cœur ? » Et pour fin, il cherche sa consolation, s'ils continuaient à être réfractaires, en ce qu'au moins « il avait fait sa charge, et du bon trésor de la vérité leur avait tiré choses assurées et véritables ». Tout cela est fidèlement extrait de ces bons et saints Docteurs. Ainsi on y peut voir quel jugement ils ont fait de tous les Théâtres et Spectacles, voir puis qu'ils en parlent en des termes si puissants, et qui témoignent une dernière détestation. Or cela bien considéré dût aujourd'hui imposer silence à aucuns, qui tournent à blâme aux serviteurs de Dieu de cet âge, lorsque poussés du même zèle des autres, ils en font paraître une même improbation. Certes, combien qu'ils leur soient inégaux en dons, ils ne le sont pas quant à la charge, et ont la même autorité de Notre Seigneur J. C. de reprendre les vices ; ainsi ils ont égal droit de condamner cetui-ci, et de menacer du juste jugement de Dieu, ceux qui s'y raidissent, nonobstant les remontrances qui tous les jours leur en sont faites. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-14 *date_1647 *creator_vincent CHAP. X. Que l'Ecriture condamne les mêmes Théâtres par ses Arrêts Souverains. A ces raisons et autorités, les Défenseurs des Théâtres tâchent de parer, en exceptant que la Parole de Dieu, de laquelle seule ils veulent dépendre, ne condamne point les Théâtres, et n'en dit un tout seul mot ; Ainsi que nul des hommes n'a pu s'ingérer par-dessus elle, ni défendre ce que son silence avait laissé libre. Cette objection n'est pas nouvelle, car les Sectateurs des Théâtres 1'avaient faite dès il y a plusieurs Siècles à Tertullien, qui leur a nié tout à plat, que l'Ecriture, comme ils le prétendaient, ne dît rien des Théâtres, et qu'elle laissât libre aux fidèles d'y aller ou non. A la vérité il avoue qu'on n'y en trouve pas le nom, et que comme elle dit, « Tu ne tueras point, ou ne déroberas point », elle n'a pas à la lettre, « Tu n'iras point au Théâtre  » : Mais il soutient que comme son sens est d'une large étendue, elle défend diverses choses, sous lesquelles ils sont compris nécessairement, vu qu'ils sont d'une même espèce ; ce qui doit suffire à celui qui désire de se résoudre par la Parole de Dieu, si on les peut recevoir, ou non. C'est la réponse de cet Ancien, à laquelle aussi nous nous tenons, et disons que l'Ecriture condamnant tous les maux que nous avons justifié se trouver ès Théâtres, en même temps aussi donne ses Arrêts contre eux. 1. Nous en avons trouvé l'Origine en l'Idolâtrie, dont ils sont encore aujourd'hui des restes ; la défense donc en est au premier et second Commandement, et en tous les passages qui défendent de participer aux Idoles. 2. Nous y avons vu la perte du temps, et un entretien d'oisiveté ; ils sont donc condamnés par saint Paul, au précepte qu'il nous a donné exprès, en deux divers lieux, d'être soigneux de le racheter. Eph. 5.16 et Col. 4-5. 3. Nous y avons remarqué un mauvais emploi de l'argent qui s'y met ; la Parabole donc du riche dissolu, qui n'avait pas usé ainsi qu'il eût dû des biens que Dieu lui avait départis, et qui au lieu d'en aider les nécessiteux, les avait employés en ses voluptés, prononce leur condamnation. 4. Nous y avons observé les déguisements d'hommes en femmes, et des femmes en hommes, ce qui est expressément contre la défense que Dieu en avait faite formelle au chap. 21 du Deutéronome. Et quant au subterfuge de ceux qui voudraient dire, que ce passage ne se doit entendre que d'un déguisement ordinaire, il n'a pas contenté Tertullien, qui aussi bien que nous a allégué ce reproche contre les Théâtres. En effet, on ne doit faire par jeu, ni pour quelque peu de temps que ce soit, ce que Dieu a dit, « lui être en abomination ». 5. Nous y avons marqué l'horreur impie des fictions de crimes énormes, comme lorsqu'on y introduit un Magicien qui fait ses enchantements, ou quelque monstre qui blasphème contre Dieu. Or on ne saurait contredire, que les passages de l'Ecriture, qui défendent de commettre ces horreurs, défendent aussi de les feindre ; Blasphémer Dieu en jouant, c'est toujours le blasphémer, contre la défense qu'il en a faite. 6. Nous avons convaincu ces mêmes Théâtres d'être dissolus, et de corrompre les mœurs, et comme entre les Païens ils avaient été dédiés à Vénus, de retenir toujours de leur première institution, et de tendre des lacs à la chasteté. Cela posé, on ne peut nier qu'ils ne soient compris sous le Commandement, « Tu ne paillarderas point » ; car le Législateur n'a pas entendu défendre l'action seule de la paillardise, mais généralement tout ce qui peut y servir d'amorce. 7. Les plus opiniâtres défenseurs des Théâtres ne sauraient nier qu'on n'y oie des bouffonneries, et divers propos d'un badin, qui n'est là que pour apprêter à rire à la compagnie. Or saint Chrysostome en fait voir la condamnation en celle que fait l'Apôtre saint Paul des « Plaisanteries et paroles folles » , Eph. 5.4. 8. Surtout sont ici très considérables les lieux du 4 des Ephésiens v. 17. et 1 saint Pierre 4. 3. où le saint Esprit avertissait les fidèles de ne cheminer pas comme le reste des Gentils, et de ne courir point avec eux à même abandon de dissolution, et à mêmes insolences. Il y a au Grec le propre mot de κωμοις, Comois, dont plusieurs des doctes ne font nul doute que les Comédies ne prirent leur nom. Et est certain qu'entre les dissolutions, et les insolences des Gentils, dont les Apôtres retiraient ceux qui donnaient leurs noms à J. C. étaient compris leurs Théâtres et Spectacles ; de quoi il ne faut point d'autre preuve que la pratique des Chrétiens d'alors, qui en vertu de ces défenses, renonçaient absolument à ces vanités, ainsi que nous l'avons vu au chapitre septième. Ces lieux donc, sans contredit, défendent absolument les Théâtres. De ce peu de passages on peut recueillir l'évident mécompte de ceux qui veulent prétendre que la Parole de Dieu ne condamne pas les Théâtres. Que s'il y en a d'opiniâtres qui par une subtilité perverse essaient d'éluder ces lieux, nous les renvoyons à débattre contre les Anciens, et contre l'Eglise de tous les âges, qui les a interprétés comme nous, et n'estimons pas qu'ils doivent être reçus à opposer leurs sentiments particuliers, tout notoirement passionnés et intéressés, aux suffrages et déterminations confiantes, de tout ce qu'il y a eu de fidèles Serviteurs de Dieu, depuis les saints Apôtres jusques à nous, qui en ont parlé d'un sens froid, et sans intérêt, que celui du salut des âmes qui leur étaient commises. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-15 *date_1647 *creator_vincent Chap. XI. Que les Sages, qui de notre temps ont donné des modèles de Républiques, en ont banni les Théâtres. Tout ce que dessus ayant été pesé, et soigneusement considéré, par les écrivains modernes, qui ont écrit de la Politique, et fourni des modèles de Républiques bien policées, Ils ont pris à tâche de faire voir le mal que causent les Théâtres, lorsqu'on les y souffre. Il nous suffira d'en produire deux, mais l'un et l'autre de très bonne marque. Le premier est Italien, François Patrice, Evêque de Gaiète, qui a été de grand nom, et a fait un ouvrage docte, et élaboré, touchant l'ordre qui doit être gardé en une République. Quand ce vient à parler des Théâtres, et des Tragédies, et Comédies, lesquelles on y joue, voici comment il s'en exprime,« J'estime qu'il faut jeter quasi toutes les Tragédies, hors d'une République bien ordonnée. Aussi les Lacédémoniens commandèrent qu'on renvoyât hors de Sparte les livres du Poète Eschyle, comme inutiles, et publiés plutôt pour corrompre les mœurs des hommes, que pour aucune bonne Discipline. Or ce n'est pas sans raison qu'on doit bannir la Tragédie des Spectacles. Car elle a un certain excès de violence, mêlé avec le désespoir, qui des fols peut faire des enragés, et tourner en fureur les esprits légers. Je ne crois donc pas qu'il les faille jouer dessus les Théâtres, combien que d'ailleurs les Doctes ne les doivent pas négliger, à cause de l'érudition. Je n'approuve non plus que la Comédie soit jouée publiquement ; Car elle corrompt les mœurs des hommes, et les rend efféminés, et les excite à la vie désordonnée, et à la luxure.» C'est l'avis de ce Sage Politique. Celui que nous lui adjoignons, est Jean Bodin, personnage excellent ès lettres, et duquel la République a été généralement bien accueillie, comme un ouvrage consommé, et où il a témoigné, outre son savoir très rare, un jugement du tout exquis. Y traitant aussi des Théâtres, et des Comédies et Batelages, voici ce qu'il en prononce. « Il ne peut y avoir de peste en la République qui soit plus pernicieuse, ne qui semble avoir plus de force pour corrompre les mœurs des Citoyens : non seulement elle gâte les esprits des enfants qui sont encore mols et tendres, mais aussi elle sollicite la pudicité des femmes mêmes les plus chastes. Enfin nous pouvons définir les Théâtres, un égout, et une école de turpitude, et de toute sorte de vices. »  Ces deux, qui accoutrent ainsi les Théâtres, eussent été bien loin de dresser pour eux des apologies, et de les proposer pour des Ecoles de vertu et d'honnêteté. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-16 *date_1647 *creator_vincent Chap. XII. Que les raisons dont on essaie d'appuyer les Théâtres sont tout à fait futiles. Apres ces condamnations des Théâtres, il reste que nous oyions ce que leurs Défenseurs allèguent en leur faveur, ce qui aidera d'autant mieux à les décréditer, tant ce qu'ils produisent là-dessus, pour la plupart, est puérile. 1. Leur grand bouclier, est ce que nous avons allégué et réfuté au chapitre 3 et 5 à savoir, que ces Théâtres ont été réformés, et ne sont plus dissolus, et impudiques, comme ils l'ont été un temps ; ainsi qu'on ne dût pas les envelopper en la même condamnation qui en avait été faite auparavant. Combien que nous ayons déjà répondu à cette objection, néanmoins vu que c'est là le fort de ces gens, nous récapitulerons nos réponses là-dessus. 1. Ce que les Comédies étaient dissolues il y a peu, par leur propre aveu, nous les rend très suspectes : Car un mal invétéré, et de tant de Siècles, n'est pas aisé à guérir. Et de fait, cette prétendue réformation n'est qu'en masque, vu que le sujet ordinaire qui s'y traite, ce sont des passions d'amour, qui ne peuvent sinon fort préjudicier à une jeunesse laquelle y court. 2. Si par fois il se joue là quelque pièce qui soit honnête, le même aussi avait lieu sur les Théâtres des Païens, nonobstant quoi les Anciens les ont condamnées, considérant, que de celles-là plus tolérables, Satan faisait un leurre, et un piège pour les autres, où il mêlait son venin ; Ce qui se trouve de même ès Théâtres d'aujourd'hui. 3. Les Comédies qui ne sont pas reprochables pour l'impudicité, le sont pour les autres maux qui s'y trouvent, selon que nous les allons exposés aux chapitres deux, et quatrième. 4. En tout cas, posé qu'il fût vrai que ces Théâtres fussent devenus ainsi honnêtes, comme celui qui a été banni d'une ville pour sa mauvaise vie, par l'autorité publique, n'y saurait être reçu, combien qu'on alléguait qu'il s'est amendé, sinon par la même autorité qui l'avait chassé, de même, puisque le procès avait été fait juridiquement aux Théâtres, à cause de leur dissolution, par les Assemblées Supérieures ; Il n'y a que les intimes Assemblées qui puissent lever cette tache de dessus eux. Ainsi ce serait à leurs Avocats de se pourvoir par devers elles, afin que leurs raisons pesées, il y fût décidé s'il faudra les tolérer à l'avenir. Jusques là, nul Pasteur particulier ne leur peut donner aveu, ni exempter de blâme ceux qui y courent, s'il ne veut faire contre l'ordre, et prévariquer en sa charge. II. On nous dit que les Théâtres, forment à la vertu, tant par les belles Sentences qui s'y oient, qu'aussi en ce que ès choses qui y sont représentées, les bonnes actions trouvent toujours leurs louanges, là où le vice au contraire est suivi de son châtiment, et aboutit à une fin malheureuse. Cette objection n'est pas d'aujourd'hui, et dès jadis avait été formée à saint Chrysostome. « Quelques-uns (dit-il) sont si insensés que combien qu'ils aient l'apparence de piété, ils ne laissent pas d'aller aux Théâtres, et disent qu'il leur en revient beaucoup d'utilité. Mais ce propos combien est-il ridicule. Tout cela sont prétextes et tromperies. » De vrai, quant à ces belles Sentences qu'ils nous disent s'ouïr de ces lieux, Salomon nous a avertis il y a long temps, que les « propos Sentencieux », perdent leur grâce « en la bouche d'un fol ». Posé qu'un Arlequin prononçât de dessus le Théâtre tous les plus graves dits de Sénèque, cette bouche ridicule les exposerait à la risée. C'est une absurdité entre les plus grandes, de croire que quelqu'un deviendra plus chaste ou plus tempérant, pource qu'un Comédien l'y aura exhorté, lui qu'il voit est dissolu, et d'une vie abandonnée. Pour ce qui est de l'autre Subterfuge, qu'en ce qui se représente sur le Théâtre, la vertu est récompensée, et le vice châtié ; nous disons en premier lieu, que toutes les histoires, soit saintes, soit du Siècle, dont la certitude est assurée, sont beaucoup plus propres à en donner les enseignements, que non pas tout ce que sauraient dire les Comédies, qu'on sait être de nues fictions, et des contes forgés à plaisir. D'ailleurs, qui ne sait, que vu la corruption de notre nature, les mauvais exemples ont beaucoup plus de force que n'en ont les bons. Là un adultère emploiera ses artifices pour séduire une femme, ou une fille raffinera ses ruses pour tromper son Père et sa Mère en faveur de son Amant ; Ces représentations, où sont données les leçons du mal, et les adresses pour le commettre, en peuvent causer cent et cent fois davantage, qu'il ne peut réussir de bien de ce que la Fable représentera à la fin que ces mauvaises pratiques n'ont pas eu un bon succès. Il ne faut pas faire une plaie sous espérance de la guérir. C'est un très mauvais artifice pour retirer quelqu'un d'un péché auquel on voit qu'il est fort enclin, de commencer par lui en présenter l'amorce, et l'instruire de la manière qu'il lui faudra tenir, pour satisfaire aux mauvais et passionnés désirs qui l'y portent. III. Outre cette allégation des belles Sentences des Théâtres, et que les actions qui s'y représentent portent à la vertu, On nous touche de quelques Comédies, dont le sujet est Saint, et qui sont pour porter à la dévotion, étant même tirées de la Parole de Dieu. Mais notre Discipline a excellemment bien dit là-dessus, que la Parole de Dieu nous a été donnée pour être prêchée, et non pas pour être jouée. Feu Monsieur de Bèze ayant mis en vers, et par personnages, le Sacrifice d'Abraham, pour inciter les Enfants à apprendre celle riche Histoire, la Congrégation des Pasteurs de Genève empêcha que la pièce ne fût représentée par les jeunes Ecoliers de leur Collège, qui en avaient eu dessein. Aussi ce qui est contenu ès écrits divins est trop grave, pour être proposé par jeu et les mystères du Salut doivent être annoncés ès Temples, et non pas échafaudés dessus des Théâtres. Dieu veut qu'ils soient publiés par ceux qu'il s'est consacrés pour être sa bouche, et non pas qu'on les oie de ces autres impures, que Satan loue, pour dire des vanités, ou des saletés. Comme J. C. étant en terre n'approuvait pas que cet Ennemi s'ingérât de lui rendre témoignage, de là-haut il impose le même silence à ses Ministres, qui entreprendraient de parler de lui, et leur défend de rien « réciter de ses statuts, et de prendre son Alliance en leur bouche » Nous trouvons en Eusèbe qu'un faiseur de Tragédies Grec, qu'il nomme Theodotus, ayant voulu adapter quelque chose, tiré des Ecritures divines, à une pièce qu'il composait, Dieu l'en punit sur le champ, et lui ôta l'usage des yeux. Tout autant qu'il y en a qui se rendent coupables de la même profanation des Ecrits sacrés, et les changent en des jeux, seraient tout à fait dignes de ce même jugement. Ainsi lorsqu'on nous allègue cette nouvelle coutume des Théâtres, c'est produire leur accusation et non pas les excuser. IV. Aucuns allèguent ici une autre défense pour les Comédies, disant que saint Paul les a lues, et celles de Ménandre entre les autres, de sorte qu'il en cite des Sentences dedans les écrits, ce qui montre qu'il ne les a pas condamnées. Mais je leur demanderais volontiers, s'ils croient que saint Paul ait approuvé tous les Ecrits qu'il a lus, et dont il a tiré des convictions contre les Païens, les battant de leurs armes, et coupant la tête à Goliath de son propre glaive. Comme il était permis, sous la Loi de prendre à femme une prisonnière de guerre, après lui avoir rasé la tête, et rogné les ongles, ainsi ceux qui lisent les Auteurs Païens, peuvent en extraire les belles Sentences qu'ils y rencontrent, et après les avoir repurgées, les employer en leurs propos, et écrits. Jedis même qu'en user ainsi, c'est reprendre le manteau de l'Egyptienne, qu'elle nous avait ravi ; Car ce que les Auteurs Païens ont de bon, n'est pas proprement à eux, mais est un larcin qu'ils ont fait à l'Eglise de Dieu, qui seule a 1e dépôt de la vérité, et des enseignements pour bien vivre. Mais au reste, c'est bien mal raisonné, saint Paul a lu Ménandre à son privé, pour de ce fient, tirer quelque grain d'or, dont il enrichit le Sanctuaire, et aussi pour s'en servir contre les Païens, à qui ce Poète était de plus de poids que tout ce qu'il eût produit des Prophètes : Donc, il a approuvé tout le contenu de son ouvrage, où il y a diverses choses qui regardent l'idolâtrie Païenne, et d'autres qui sont tout autant de honteux maquerellages : Donc, comme il l'a lu en privé, il n'aurait point fait de difficulté d'aller publiquement aux Théâtres, où ces Comédiens se jouaient, combien qu'alors tous les Chrétiens les eussent en détestation : Donc, si aujourd'hui on avait ces mêmes Comédies entières, et que les Théâtres les jouassent, au grand détriment de la piété, et des bonnes mœurs, il aurait approuvé que les particuliers fidèles s'y allassent rendre, contre les défenses que leur en fait leur profession, et au grand scandale de toute l'Eglise : Je ne sais qui c'est qui ayant une seule étincelle de la lumière de la raison, pourrait dire que ces conséquences fussent raisonnables. Or il les faut pourtant admettre, pour inférer de ce que S. Paul a lu et cité Ménandre, qu'il a prêté faveur aux Théâtres dont est notre débat. Certes il y a lieu d'appliquer ici le lieu de Tertullien, « Comparas, homo, reum, et judicem ; reum, qui quia videt, reus est ; judicem, qui quia videt, judex est ». « Tu compares, ô homme, 1e Criminel et le Juge ; le Criminel, qui à cause qu'il voit ces Spectacles, se rend coupable de crime ; le Juge, qui à cause qu'il les voit en est le Juge ». Saint Paul a lu Ménandre, mais c'a été pour lui faire son procès, et à tous ceux qui de même que lui enseigneraient la dissolution, et non pas pour y avoir part. Au reste, nous oyions naguère un grand homme qui bannissant les Tragédies de sa République, pour ce qui est de les jouer, permet qu'on les retienne, pour ce qui est de les lire, à cause de leur érudition. Ainsi il n'eût pas donné aveu à cette conséquence, que saint Paul eût trouvé bon qu'on eût représenté sur le Théâtre celles de ce Poète, poli et savant, à cause qu'il les avait lues. V. D'autres se présentent, qui veulent appuyer les Théâtres par l'autorité propre de notre Discipline Ecclésiastique, qui au même lieu où elle défend d'assister aux Comédies, permet toutefois que la jeunesse s'y puisse exercer, et qu'on leur en fasse jouer dedans les Collèges, ce qui montre qu'elles ne sont pas simplement condamnables. Mais en cette objection ils commettent plusieurs fautes, 1. Ils dissimulent que la Discipline dit seulement que cela se pourra tolérer. Or le mot de Tolérance imprime une tache à la chose tolérée, et en témoigne de l'improbation. Pour exemple lorsque saint Augustin forme plainte de diverses mauvaises coutumes qui s'étaient glissées, lesquelles pourtant lui, et les autres Pasteurs, accordaient à la dureté de cœur de leurs peuples, et qu'ils supportaient, voyant qu'il leur eût été difficile de les empêcher ; cela même qu'il en parle ainsi justifie qu'au fond il les désapprouvait. 2. Ils taisent qu'elle pose par condition, que cela se fît rarement, et par extraordinaire ; ce qui obvie à la perte de temps qui est ès autres. 3. Ils dissimulent la condition très expresse qui y est apposée, que la composition en eût été examinée par un Colloque, ce qui a rapport à ce que nous avons allégué de Platon au chap. 5. et empêcherait absolument le plus grand mal qui est ès autres, et qu'il ne s'y glissât rien qui pût corrompre les mœurs, et ressentît la dissolution. 4. Ils taisent à dessein que la Discipline ne parle pas des Comédies, qui sont d'ordinaire des fictions fabuleuses, mais seulement de la représentation de quelque histoire. Tout cela considéré montre que cette objection est un pur sophisme. De vrai quel lieu de conclure. 1. d'une tolérance à une approbation simple ? 2. d'une concession à une jeunesse honnête, pour s'exercer, à l'aveu d'une profession laquelle ceux qui suivent sont déclarés infâmes ? 3. d'une grâce accordée à des Ecoliers par extraordinaire, et rarement, à l'approbation de ceux qui font métier ordinaire de monter sur le Théâtre, et y entretenir l'oisiveté d'une foule inutile qui y court ? 4. de quelques vers récités par des enfants en un Collège privé, pour leur façonner la grâce, à un Théâtre dressé en un lieu public, sans utilité quelconque, et tout au contraire avec péril évident qu'il porte dommage aux mœurs ? 5. d'une composition sur quelque belle histoire, diligemment examinée par un Colloque, à toutes les pièces qu'il prendra fantaisie aux Comédiens de jouer, qui pour la plupart sont des fictions, dont le thème est un amour sale, et dont la représentation préjudicie à la Société ? Qui ne voit que tout cela sont des parallèles fort inégaux, et des conséquences très mal tirées ? Ainsi ils ont tort de vouloir faire parler en leur faveur la Discipline qui les condamne. VI. Il en suit quelques-uns qui nous touchent ici de l'intérêt de leur santé, et nous allèguent qu'étant d'une humeur triste, la Comédie les divertit. Nous leur disons pour réponse, que s'ils ont besoin de récréation, ils doivent en rechercher d'innocentes, esquelles Dieu ne soit point offensé, ni le prochain scandalisé ; autrement, ni les « plaisanteries », condamnées ci-dessus par saint Paul, ni les danses, ni les brelans, ni les mômeries et mascarades, ni en général tous les autres passe-temps de cette nature, ne pourront être condamnés, et faudra tout de même les autoriser, à cause qu'il y en aura qui diront qu'ils s'y délectent. Mais il vaudrait beaucoup mieux, fussent-ils mélancoliques au double, qu'ils écoutassent le Sage pour aller en la maison de Dieu plutôt que de se rendre en ces lieux de joie du monde, où ils ne peuvent assister sans se blesser l'âme, et préjudicier à leur conscience. Mais d'ailleurs, nous les avertissons qu'à des Esprits tels qu'ils se décrivent, et qui sont atteints de mélancolie, les Théâtres sont parfois très dangereux, et capables, au lieu de les soulager, de blesser tout a fait leur imagination ; à savoir lorsqu'on y représente quelque chose de tragique. C'est ce que nous a observé ce docte personnage que nous alléguions au chapitre précédent, qui nous disait touchant la Tragédie, «  qu'elle a un excès de violence, mêlé de désespoir, qui des fols peut faire des enragés et tourner en fureur les Esprits légers . » Tertullien l'avait remarqué auparavant, et tient incompatible qu'on se trouve en de tels lieux, et qu'on s'y maintienne en tranquillité d'esprit, ce qu'il prouve par les gestes, et les cris forcenés, de ceux qui y assistaient de son temps. A ce propos il nous souvient d'un effet étrange que produisit une Tragédie du Poète Euripide, en une ville de la Grèce. Un Auteur ancien nous dépose, qu'ayant été bien jouée par excellence, tous les assistants en furent tellement émus, et transportés hors d'eux-mêmes, qu'en effet leur esprit s'en démonta, et qu'ils tombèrent tout à fait en frénésie, courant par la ville tous furieux, récitant les mêmes vers qu'ils avaient ouïs, et contrefaisant tous les mêmes gestes qu'ils avaient vu représenter dessus le Théâtre : Et leur dura cet accès frénétique par l'espace de huit jours. S'ils étaient allés à cette Tragédie, avec intention de s'y recréer, et chercher remède à leur humeur mélancolique, il leur réussit très mal, vu qu'au lieu d'y trouver sa guérison, elle s'y excita, et se tourna en fureur. Cette raison donc tirée de la Médecine, et du secours que les Théâtres peuvent prêter à ceux que la Mélancolie travaille, ne semble pas être de mise, néanmoins nous nous en remettons aux entendus en cette science. VII. Une autre de leurs exceptions, sur laquelle surtout ils font fort, est une pétition pure de principe, comme on parle ès Ecoles. Car ils supposent que les Théâtres sont de la nature des choses indifférentes, qui d'elles-mêmes n'étant bonnes ni mauvaises, Il est libre à chacun d'en user ou non : Et ensuite bâtissant là-dessus ils accusent les défenses qui en sont faites par les conducteurs de l'Eglise, et soutiennent que lorsqu'ils s'y sont avancés, ils sont sortis hors des bornes de leur pouvoir, qui ne s'étend pas à faire de nouvelles lois, ni à géhenner la liberté des Consciences sur les choses de leur nature licites. Vu que c'est là-dessus que ces gens triomphent, il importe que nous fassions voir un peu plus particulièrement à quel point ils s'y mécomptent. 1. Ils posent comme avéré, ce que nous avons justifié faux, et par raisons, et par toutes autorités, je veux dire que les Théâtres, soient entre les choses libres ; tout au contraire, ils nous ont paru entre les mauvaises. Ainsi tout ce que leurs Défenseurs veulent bâtir sur ce mauvais fondement de leur prétendue indifférence, tombe de soi-même en ruine. 2. Posé que de grâce, et par une concession pure, on leur accordait, que de leur nature ils sont tels, et en l'ordre des choses libres, ils se font paraître très mauvais Théologiens, voulant ôter aux Conducteurs de l'Eglise, le pouvoir d'y faire des règlements, selon qu'il est jugé plus expédient pour le bien et édification des troupeaux qui leur sont commis. Et c'est ce qu'il nous faut un peu plus particulièrement éclaircir. Lorsque le Seigneur Jésus a envoyé les Pasteurs pour prêcher son Evangile, il leur a donné « la puissance des Clefs », qui outre la charge de publier le pardon des péchés à ceux qui s'en repentent, et croient en lui ce qui est proprement leur ouvrir les Cieux, emporte aussi celle du régime et de la conduite de son Eglise, où il les a fait avertir par saint Paul qu'il veut « que toutes choses se fassent honnêtement, et par ordre ». Ce Commandement étant général, il a laissé à ses Serviteurs le détail de l'exécution d'icelui, pour selon les lieux, et les temps, en user avec prudence, et aviser jugement à bien établir cet ordre. Que si nous y prenons garde on ne peut nier, qu'il ne consiste pour la plupart, en des choses indifférentes, comme les lieux et les heures des assemblées ; la manière externe qu'il y faut garder, soit durant la prière, soit pendant la Prédication de la Parole, soit lors de l'administration des Saints Sacrements ; la façon de se vêtir, à ce qu'elle n'ait rien de déshonnête, et qui choque la modestie ; bref toutes les autres choses de cette nature. Combien que de soi-même tout cela soit libre, vu qu'au fond il est indifférent devant Dieu à quelle heure on s'assemble, ou de quel geste nous accompagnerons la prière, ou si on sera vêtu de telle ou de telle étoffe ; Cependant après que ceux auxquels il a donné la charge d'aviser à cette ordre, s'étant assemblés, du consentement des troupeaux fidèles, et son nom Saint invoqué, ont fait des règlements là-dessus, lesquels le corps de l'Eglise a ensuite généralement approuvés, les choses ainsi arrêtées, ne demeurent plus comme auparavant entre les simplement libres, mais il y a obligation à tous les fidèles de se tenir à ce qui leur y a été prescrit, de sorte qu'il y faut rapporter l'avertissement de l'Apôtre, « Obéissez à vos Conducteurs, et vous y soumettez, Car ils veillent pour vos âmes, Comme ceux qui en doivent rendre compte ». Pour mieux entendre cela, posons ici qu'il y eût quelques menus Ergoteurs qui vinssent à dire, « Nous ne voulons pas qu'on s'assemble en des Temples, mais simplement ès Cimetières, comme faisaient les premiers Chrétiens » ; « Nous ne voulons pas que la Sainte Cène se célèbre de jour, mais que ce soit la nuit, à cause que ce fut au soir que J. C. l'institua » ; « Nous ne voulons pas nous vêtir à la manière ordinaire, et qui est tenue honnête, et bienséante, mais notre dessein est d'aller au Temple avec des habits extravagants et ridicules, ou bien de marcher tout nus, comme nos premiers Parents », selon qu'il y a eu des fols qui ont raisonné ainsi : Il n'y a celui qui sans beaucoup hésiter ne les condamnât. Que s'ils venaient aussi à objecter, que ces choses de leur nature étant libres, les Pasteurs n'auraient pas eu le droit d'y faire des Règlements, et les y géhenner, tous les siffleraient ; vu que le Saint Esprit ne nous ayant rien déterminé sur le particulier de tout cela, y a établi la règle générale, d'y suivre « ce qui est honnête et à édification » », et a autorisé ceux à qui il a donné la conduite de son Eglise à en donner les adresses plus spéciales, et selon les lieux et les temps y pourvoir avec prudence. Lors donc que par les voies légitimes, et toutes raisons sagement pesées, ils ont arrêté l'ordre qui doit être gardé en ces choses, Il ne faut plus regarder au matériel du règlement, mais à l'autorité par laquelle il a été établi, qui est celle de Dieu. Ainsi ceux qui vont opiniâtrement à l'encontre, ne se rebellent pas simplement contre les Pasteurs, qui avaient fait 1e règlement, mais contre Dieu lui-même, qui leur en avait donné le pouvoir ; de même que ceux qui résistent à la puissance Supérieure c. d. au Prince en ce qui est du civil, dont Dieu lui a remis l'administration, sont dits lui résister à lui-même, non pas que ce soit lui immédiatement qui soit auteur des Lois que ce Prince établit, mais à cause qu'il lui a déposé l'autorité en vertu de laquelle il les publie. Nous prévoyons qu'on objectera ici, que c'est étendre le pouvoir de l'Eglise comme à l'infini, et même qu'à ce compte il n'y aurait point de différence entre les Commandements divins, et les Ordonnances humaines. Mais cette objection est sans fondement, selon qu'il est aisé de le justifier. Déjà le pouvoir de l'Eglise ne s'étend pas ici à l'infini. Car il est resserré dedans une double borne, qui est a l'égard du prochain l'édification, et à l'égard de Dieu, de rapporter le tout à sa gloire. De plus, les Conducteurs de l'Eglise ont toujours ici devant leurs yeux leur règle générale, à savoir l'Ecriture, qui les adresse en cette conduite particulière. De vrai encore qu'elle ne spécifie pas une chacune chose en détail, néanmoins elle comprend le tout en substance : ainsi il n'y a aucun règlement Ecclésiastique qui n'y ait son fondement, et ne s'y rapporte. Au moyen de cela le pouvoir de les dresser n'est pas simplement indéfini. Quant à ce qu'on disait aussi, que si les Conducteurs de l'Eglise ont le droit de faire de tels règlements, et qui lient la Conscience, il n'y aurait pas de différence entre les Commandements de Dieu, et les Ordonnances des hommes, il n'est non plus recevable ; Car en voici trois très considérables. 1. Les Commandements de Dieu doivent être reçus nuement, et sans nulle enquête : Mais quant à tout ce que les hommes peuvent ordonner, il faut que nous examinions s'il est de Dieu. Car, au reste, si une assemblée de Pasteurs prescrivait quelque chose qui fût contraire à ce que Dieu a commandé. voire si S. Paul même revenait pour le prêcher, il faudrait crier « anathème ». 2 Tout ce que Dieu commande, par cela même devient nécessaire en soi, et d'une nécessité simple, sans que la circonstance du temps, ou du lieu, ou de la personne, en varie la nature. Comme pour exemple, s'il est question du blasphème, l'impiété en est détestable à la prendre en elle, elle l'est en tout temps, elle l'est en tout lieu, elle l'est en toute bouche. Mais quant aux règlements Ecclésiastiques, ils ne changent pas la nature de la chose sur laquelle on les fait, qui en soi demeure toujours la même, et ne devient nécessaire que par une nécessité d'ordre ; d'où vient que comme ces règlements sont établis sur de certaines raisons, qui regardent les temps, les lieux, les personnes, ces raisons cessant et changeant, on peut aussi les changer. 3. Ceux qui transgressent les Commandements de Dieu, sont coupables par cette violation prise en elle, et considérée au matériel propre du commandement ; et pèchent immédiatement contre Dieu, de l'autorité duquel il était aussi immédiatement émané ; Mais quant à ceux qui enfreignent quelqu'un des Règlements Ecclésiastiques, ce n'est pas le simple matériel du règlement qui les rend coupables, mais c'est la violation de l'ordre, et le mépris du commandement général, « obéissez à vos Conducteurs ». Ainsi leur offense première est contre cet Ordre, et ne remonte à Dieu que secondairement et par réflexion, en tant qu'il en était 1e premier auteur. Qui que ce soit qui veuille peser ces trois différences, pourra reconnaître, que nous ne faisons pas marcher de l'égal, les Commandements de Dieu, et les Règlements Ecclésiastiques. Or combien qu'il en soit ainsi, et que le péché soit beaucoup moindre à violer l'un de ces règlements, qu'à transgresser l'un des Commandements de Dieu, si est-ce qu'il est encore trop grand. Encore qu'un crime de lèse-majesté ne soit qu'au second chef, c'est toujours crime de lèse-majesté. Combien que ceux qui vont contre l'ordre établi par les Serviteurs de Dieu, suivant la charge qu'ils avaient de lui, ne violent son autorité que secondairement, c'est toujours la violer. Le péché donc y est grand, et d'autant plus que violant cet ordre, et ôtant du milieu de l'Eglise la Discipline établie pour sa conduite, c'est tout de même que qui couperait les nerfs à un corps ; ou bien, pour nous servir de la comparaison de saint Cyprien, comme si au milieu de la mer, et lorsque les vents soufflent, on allait arracher le gouvernail d'un Vaisseau. De vrai, cette Discipline lui en sert d'un fidèle et assuré, sans lequel sa nef ne tarderait guère à être emportée par les vents que les premiers séditieux y feraient souffler, et à périr par naufrage. En cas donc qu'il se trouvât des esprits hargneux, qui entreprissent de pointiller sur l'ordre reçu, et contrôler malicieusement les règlements établis et généralement approuvés en l'Eglise ; ne voulant pas l'Ecouter, ils nous doivent être « comme des infidèles ». », et ne reste sinon à leur dire avec l'Apôtre saint Paul, « Si quelqu'un cuide être contentieux, nous n'avons pas une telle coutume, ni aussi les Eglises de Dieu » Nous ne croyons pas que qui que ce soit qui ait tant soit peu de lumière de raison, et de sentiment de piété, puisse rien débattre de tout cela, à le prendre en général. Or s'il est une fois posé, ceux qui plaident pour les Théâtres y perdent leur cause tout du long, combien même qu'on fût d'accord de leur prétendue indifférence. De fait, il est constant, que non pas un ou deux d'entre les Pasteurs, mais tous généralement ; et non seulement en cet âge, mais en tous les Siècles qui ont coulé depuis Jésus Christ, avisant, selon leur charge, à l'ordre qui doit être gardé en l'Eglise, par les fidèles qui en sont membres, et à la conduite dont ils doivent user en leur vie, Ont vu un inconvénient grand s'ils se rendaient à ces Théâtres, et ont estimé que là est un entretien de l'oisiveté, et surtout que l'honnêteté y court risque, et que Satan y tend ses pièges pour corrompre les mœurs. Ainsi ils les ont avertis de s'en retirer, et ont déclaré indignes d'appartenir au corps de l'Eglise, ceux qui s'opiniâtreraient à les fréquenter. De plus, ce règlement ayant été établi en l'Eglise primitive, les Eglises Réformées l'ont renouvelé ; à chaque fois que les Synodes Nationaux se sont associés, ils y ont porté leurs suffrages ; tous les fidèles ensuite l'ont ratifié unanimement : Cela étant ainsi, il est très certain, que ces Théâtres ne sont plus entre les choses libres, posé même (ce que nous contredirons fortement) qu'ils y eussent été, mais ils sont entre les choses illicites et défendues. Ainsi nul ne peut y assister que ce ne soit en s'élevant contre l'ordre qui avait Dieu pour son auteur sans commettre l'ancien crime de Coré, lors qu'il fit son attentat, et conspira contre Moïse. VIII. Une autre excuse pour les Théâtres, est tirée de la qualité et condition de divers qu'on voit s'y rendre. De vrai, on nous allègue, que plusieurs qui sont gens d'honneur et de probité s'y rangent, et aucuns même du plus haut degré, jusques là que ces divertissements sont autorisés ès Cours des Princes, qui avec leurs plus considérables Ministres s'y rendent parfois pour s'y chercher du relâche, après les fatigues de leurs soins, pour la conduite de leurs Etats. De là les Défenseurs des Théâtres se tirent un grand avantage, et croient être suffisamment à couvert sous de si grands noms. Cette objection, qui a plus de malignité, que de solide raison, a été faite jadis à Saint Augustin, lorsqu'aussi il criait contre les Théâtres. Afin de lui fermer la bouche, on lui alléguait de même les Empereurs Honorius et Arcadius, d'ailleurs ardents zélateurs du Christianisme, qui néanmoins se donnaient à ces passe-temps. Mais quelque grand respect qu'il eût pour eux ; voici la réponse qu'il a faite à ceux qui le voulaient grever par ce grand exemple. « La souveraine puissance » (il entend celle de Dieu) « doit l'emporter sur toutes les autres. Rendons honneur à César comme à César, mais premièrement il faut craindre Dieu ».  A pareille objection nous faisons même réponse ; et dirons ici premièrement, que nous ne haussons nos yeux vers la puissance Supérieure qu'avec tout respect. Que s'il s'agit des commandements de leurs Majestés, lorsque montées sur le Trône, elles nous publient leurs Edits, nous les tenons pour Sacrés, et sommes prêts à leur rendre notre très entière obéissance, et services, et à mettre nos biens et nos vies pour la gloire de leur Empire. Quant à leurs actions en leur privé, nous croyons leur devoir cette révérence de ne nous en enquérir point, et ainsi n'avons point d'yeux pour les voir, ni de bouche pour en parler, et nous suffit d'avoir cette persuasion très assurée, que toutes leurs intentions sont à la vertu, et à ne rien faire où elles crussent que Dieu fût offensé. Que s'il est vrai qu'elles se divertissent parfois aux Théâtres, nous avons déjà dit, que nous n'estimons pas que ceux qui y montent devant elles, osassent se faire connaître pour ce qu'ils sont, et avouons bien que bonne partie de ce que nous avons observé de mal en ces lieux, en est alors retranché. Surtout si ceux qui gouvernent leurs Consciences y prêtent leur aveu, nous n'avons rien à y dire, n'en ayant nul droit, et n'étant point si téméraires de nous ingérer à ce qui ne nous appartient point. Mettant donc à part ce qui est de leur personnel, Nous répondons à ceux qui nous en couchent, pour nous tirer en envie, 1. qu'ils ne sont quant à eux ni Rois ni Princes, dont le respect retînt devant eux, ces gens d'eux-mêmes dissolus, de suivre leur vrai et propre génie. 2. que ces Rois et Princes dont ils veulent faire bouclier ne sont pas liés de leur même serment, ni astreints à leur obligation, puisqu'ils se disent quant à eux de la Religion, et suivent une profession qui défend absolument cette sorte de récréations. 3. qu'ils argumentent en très mauvais Théologiens, vu que le Chrétien vit par règle, et non pas par exemple, quelque illustres que pussent être d'ailleurs ceux qui le donneraient. Même nous nous assurons, que quand ces Princes qu'ils veulent flatter, en seraient consultés, Il n'y a aucun d'eux qui voulût donner les pratiques de sa Cour pour régler la conscience, qui n'a son regard qu'à Dieu tout seul. De fait, lorsqu'il est question d'une action, il faut s'enquérir, non pas si elle est en vogue à la Cour d'un Prince, mais si elle est selon Dieu, et conforme aux enseignements qu'il nous donne en sa Parole ; autrement si la conscience de quelqu'un lui dit que Dieu y est offensé, et son Eglise scandalisée, l'exemple de tous les Princes de la terre ne le doit pas emporter dessus le devoir. IX. En fin après que les partisans des Théâtres se sont ainsi tournés de tous les côtés pour tâcher de les défendre, la force de la vérité tire d'eux une demi-confession. Car il y en a entre eux qui avouent bien, qu'à l'égard de quelques-uns qui ont l'esprit faible, il y a du danger lorsqu'ils y assistent, mais que quant aux esprits forts, entre lesquels ils se mettent, ils s'y peuvent rendre sans aucun péril ; ainsi, qu'on n'eût pas dû en faire une règle de défense générale, mais y laisser un chacun à la connaissance qu'il a de soi-même. Quelques-uns passent plus outre, et conscients que le meilleur serait généralement de n'y aller point, seulement ils improuvent, que lorsque nonobstant il y en a qui s'y rendent, on le leur impute à un si grand péché ; comme s'il allait du pair avec les vols et les meurtres, et qu'au sujet d'icelui on fût en péril de damnation. Surtout ils portent avec impatience, lorsqu'on en fait des répréhensions publiques, qui sont souvent plus animées (disent-ils) que celles des blasphèmes, et autres tels crimes. Vu que c'est là leur dernier retranchement, il faut aussi les en tirer, ce que nous pouvons sans difficulté. Premièrement, nous leur disons que c'est déjà quelque chose qu'ils commencent à passer condamnation pour les Théâtres, et au lieu de l'utilité qu'ils y trouvaient, qu'à cette heure ils les confessent dommageables. Pour ce qui est de leurs exceptions, ensuite de cet aveu, elles ne sont d'aucune considération. Quant aux premiers qui en excluent les esprits faibles, et soutiennent que quant à eux ils y peuvent assister sans nul péril, ils étaient dès le temps de Tertullien, auquel ils disaient que « comme le rayon du Soleil peut donner sur de la fange, sans toutefois s'y infecter à cause qu'il est pur, eux de même, ayant les âmes nettes, ne recevaient nulle atteinte de tout le mal qui pouvait être ès Théâtres ». Mais comme cet Ancien ne reçut point cette excuse, nous ne l'admettons non plus aujourd'hui, et disons deux choses à ceux qui nous en veulent payer. En premier lieu, il est fort à craindre, que parlant si avantageusement d'eux-mêmes, il n'y ait de la présomption mêlée, et un préjugé trompeur de leur amour propre qui les aveugle. Que celui qui est debout prenne garde qu'il ne tombe. C'est être téméraires, de se tenir si affûtés en des lieux suspects, et qu'ils voient marqués des chutes et des ruines d'infinis autres. Quelque merveille qu'ils nous disent d'eux-mêmes, ils ne sont pas des Anges, mais des hommes, composés de chair et de sang, et sujets aux infirmités communes. Ayant donc les mêmes passions que les autres, ils peuvent être tentés tout de même qu'eux, et ne dussent pas se tant confier ès endroits où ils reconnaissent que les autres ont sujet de craindre. Mais posé que quant à eux ils s'y maintinssent sans nul danger, toujours, en y allant, ils donnent mauvais exemple à ces autres, pour lesquels, par leur aveu, il y a du péril, et qui n'ayant pas la même fermeté, dont quant à eux ils se vantent, ils y seront atteints du mal. Cela étant, et les y ayant pour ainsi dire conduits, ils sont tout notoirement coupables de la ruine en laquelle ils les font tomber. Saint Paul défendait jadis de faire périr pour de la viande le frère pour lequel Jésus Christ est mort, et protestait quant à lui que jamais plutôt il n'en eût mangé, que de donner du scandale au moindre. Combien sont éloignés ici de sa charité, ceux qui ne font nulle considération de l'achoppement qu'ils y donnent à leurs prochains, et ne voudraient pas se retrancher pour l'amour d'eux, je ne dirais pas de la viande, et d'une partie nécessaire de leur aliment, mais d'un nu passe-temps mondain, et d'une simple récréation de vanité ? Mais il ne faut point qu'ils y soient déçus les menant par leur exemple en ces lieux où l'occasion leur est présentée d'offenser Dieu, et de tomber au piège du Diable, ils leur en seront comptables devant 1e grand Juge, en la dernière journée. Quant aux autres qui passent condamnation absolue qu'il y a du mal à aller aux Théâtres, mais chicanent sur le degré, et sur la nature des répréhensions qu'on en peut faire, il est aisé aussi de les redresser. Premièrement, nous leur disons que ce n'est pas au malade proprement à juger de sa maladie, où il se peut mécompter. Et de vrai, les Pharisiens de jadis croyaient être bien sains, et cependant ils eussent eu besoin par-dessus tous autres que le Souverain Médecin les eût guéris. Ce n'est non plus au patient à prescrire à son Médecin quel remède lui sera propre. De fait la plupart rebuteraient le médicament qui leur serait le plus salubre, d'autant que leur goût y trouve de l'amertume. Ceux donc qui vont aux Théâtres étant ici les malades, et les censures la Médecine, ils ne doivent pas être crus simplement touchant la nature de leur mal, ni touchant la qualité et la dose du remède pour le guérir. Aussi il est évident qu'ils se méprennent ici en l'un et en l'autre. Déjà pour ce qui est de leur mal, ils se mécomptent, en ce qu'ils le veulent faire passer pour de peu de conséquence, au lieu que nous avons justifié ci-dessus, que de tout point il est grand. Nous avouons bien, que comme il y a de la différence entre les péchés, il ne faut pas mettre cetui-ci en un même rang avec les vols et les meurtres ; mais si ceux qui commettent ces derniers ont le plus grand blâme, ce n'est pas à dire que ceux qui trempent en l'autre en soient tout à fait exempts ; le plus et le moins ne changent jamais l'espèce : sans doute il n'y a pas la même horreur à aller au Théâtre qu'à brigander et à assassiner, mais il n'y en a toujours que trop à fouler aux pieds l'ordre saintement établi en la Maison de Dieu, et en la rébellion contre l'autorité que lui-même a voulu y être respectée, et que nous lui rendissions obéissance selon lui. De fait une telle rébellion, est vue péché de devinement et de Marmousets, c'est-à-dire, des plus criants, selon que Samuel le disait jadis à Saul. Mais comme ils se trompent à juger de leur mal, ils se déçoivent de même en ce qu'ils disent du remède. Leur avis serait qu'on y laissât un chacun à sa volonté, et qu'on s'en tût en public. Mais sur cela nous leur demandons où ils ont appris cette nouvelle Théologie, qu'il y ait des péchés (car désormais ils ont passé l'aveu qu'il y en a ici) qui doivent demeurer libres, et dont les Pasteurs ne soient point tenus de faire des répréhensions, eux à qui Dieu a donné la charge de veiller sur leurs troupeaux, de dire du mal qu'il est mal, d'avertir un chacun qu'il s'en donne garde ? sans doute ce qu'ils proposent en cela est du tout déraisonnable. Si, comme à la fin ils l'ont reconnu, il y a du mal ès Théâtres, les Pasteurs prévariqueraient, et seraient au rang des « Chiens muets », s'ils manquaient à le reprendre. Pour ce qui est de la qualité des répréhensions qu'ils en doivent faire, et de la mesure qu'ils y doivent garder, les temps, et les lieux les en instruisent, et doivent demander à Dieu son esprit de sagesse, et de discrétion qui les y adresse. Que si par fois ils parlent des Théâtres, et alors se taisent ou des Blasphèmes ou d'autres crimes tout autrement énormes, c'est que selon que le mal presse la raison veut qu'on y coure. En général, ils croient avoir Dieu et les hommes pour témoins, que selon la nécessité, et les occasions, ils ne flattent aucun des vices. Mais comme le nombre en est grand, ils ne peuvent pas toujours les entreprendre tout à la fois. Or les combattant successivement, lorsqu'ils se prennent à l'un, en ayant même un juge particulier, ce n'est pas à dire qu'ils aient fait paix avec les autres, lesquels ils condamneront de même à leur tour, et selon que le temps aussi et l'occasion les y semondront. Combien donc qu'ils parlent quelquefois des Théâtres, lorsqu'ils les voient dressés, et qu'on y court en grande foule, et en cet instant-là ne disent rien des Blasphèmes, ou autres crimes plus détestables, il n'y a rien de perdu, car ils ne manqueront à d'autres occasions de leur faire aussi leur procès. Au reste il faut ici soigneusement distinguer, entre la répréhension qu'on fait généralement des vices et celles qu'on fait d'un troupeau auquel ils se trouvent, et des personnes d'icelui qui en peuvent être entachées, et s'y être rendues coupables. Pour ce qui est des vices en général, la répréhension publique en doit être faite et dispensée selon qu'ils sont ou plus ou moins graves, pour aux plus grands faire la censure plus forte et sévère, et l'adresser moindre à ceux aussi qui sont moindres. En cet égard, certes, et à comparer vice avec vice, sans doute la répréhension des Blasphèmes, ou des vols, ou des adultères, doit être tout autre que non pas celle du péché qui se commet par ceux qui vont au Théâtre. De là vient aussi que les Pasteurs s'écrient contre ceux-là d'une voix tout autrement forte que non pas contre cetui-ci, et en témoignent une bien plus grande horreur et détestation, jusques à prononcer à ceux qui s'y opiniâtrent, qu'ils « n'hériteront point le Royaume des Cieux »  », ce qu'on ne leur a jamais ouï dire simplement touchant l'autre péché. Mais si cette règle doit être gardée, lorsqu'il est question de condamner les vices en général, il en va un peu autrement lorsqu'il s'agit des personnes qui en peuvent être coupables. Car la répréhension qu'on en fait doit être dispensée, non pas toujours à proportion de ce qu'ils font en eux, mais de l'éclat qui y est joint, et du Scandale qu'ils donnent. Ainsi lorsqu'il y en a de plus grands, mais qui n'appartiennent qu'à peu, et qui encore se cherchent des cachettes, de sorte qu'ils ne sont pas connus, il serait absurde de s'en prendre à un public, qui en est innocent, et en censurer tout un troupeau. A l'opposite, Combien que le péché soit moindre, s'il enveloppe un grand nombre, et est tout public, c'est là que la répréhension de nécessité doit être publique. De là vient donc, qu'en ce fait particulier des Théâtres, les Pasteurs font des censures publiques, et fortes, à ceux qui y courent si opiniâtrement, tandis qu'ils ne censureront pas ainsi en public des particuliers qui auront commis ces autres péchés. Ils en usent ainsi, à cause que ceux qui vont au Théâtre le font en foule publique, à la face du Soleil, et au scandale général de toute l'Eglise ; là où quant à ces autres, ils sont peu en nombre, et outre cela se vont cacher sous la sombre obscurité de la nuit. A la vérité, si comme on court ouvertement et publiquement au Théâtre, il y avait même abord pour aller en un lieu infâme, ou à commettre d'autres tels péchés, et si les Pasteurs en ayant connaissance, criaient hautement contre ces premiers, et à l'opposite se taisaient des autres, ou en parlaient mollement, ce serait « couler le Moucheron et engloutir le Chameau » » ; Car, quelque grande que soit la faute de ceux qui vont aux Théâtres, elle n'approche point de l'horreur du crime des autres. Mais posé ce que nous venons de dire, et qui est très constant, que ceux qui commettent ces crimes énormes sont peu en nombre, et se cachent, là où les autres sont une grande multitude, et commettent leur péché avec montre et éclat, la droite raison veut, que comme l'offense de ces premiers est privée, elle soit reprise seulement en privé, combien qu'elle soit plus grande ; et que comme celle des autres est publique, la répréhension aussi en soit publique, combien que d'ailleurs elle soit moindre. Reste de satisfaire pour la clôture, à ceux qui nous demandent, si condamnant ainsi les Théâtres, nous voudrions dire, que tous ceux qui y vont fussent damnés ? Mais jà n'advienne que nous eussions cette pensée. Tout au rebours, nous estimons, de la plupart, que s'y laissant al1er par infirmité, et manque de bien savoir le mal qu'ils commettent, comme leur péché est d'ignorance, aussi Dieu leur fera miséricorde. A ce sujet donc, nous faisons pour eux la même prière, que J. C. a faite pour d'autres dont le péché était d'une énormité tout autrement à détester, « Père Pardonne leur, car ils ne savent ce qu'ils font » Que si nous leur annonçons parfois les jugements de Dieu, nous avons plus d'égard aux « temporels, qui commencent par sa maison »,  et qui sont « des châtiments pour amender ses enfants qu'il avoue » », que non pas aux Eternels. Nous ajoutons ici pourtant, que si entre ceux qui pèchent ainsi par Erreur, il s'en mêlait d'autres, qui entreprissent de dresser une enseigne de rébellion en l'Eglise de J.C. et s'obstinassent avec orgueil et audace à en vouloir renverser l'ordre, ils ont tout sujet de penser à eux, vu qu'en effet un tel chemin ne saurait être celui du salut, mais c'est tout notoirement celui qui mène en l'Enfer. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-17 *date_1647 *creator_vincent Conclusion de ce Traité. Jusques ici nous croyons avoir satisfait à la tâche que nous avions entreprise en ce Traité. Car 1. Nous avons montré le mal qu'il y a ès Théâtres à le considérer en eux, à savoir un reste de l'ancienne Idolâtrie à laquelle ils doivent leur origine, perte de temps, argent mal employé, des feintes mensongères et des déguisements condamnables, entre ces feintes quelques-unes qui sont horribles, et coupables d'une énorme impiété : Surtout, une Ecole dangereuse pour y apprendre la lasciveté et toute corruption de mœurs, 2. Nous avons réfuté l'exception tirée de la Réformation prétendue de ces Théâtres, et montré, qu'en partie elle est fausse, et qu'au reste, posé que la dissolution n'y fût pas au même point qu'auparavant, les autres maux toujours s'y rencontrent : joint que la prohibition en ayant été faite par l'ordre public, elle demeure jusques à ce que la même autorité l'eût levée. 3. Nous avons fait voir qu'à prendre les Théâtres à notre égard, ils sont condamnables, tant à cause du parjure dont se rendent coupables ceux de notre profession qui y assistent, contre leur promesse, et serment, de se tenir à l'ordre de la Discipline, qui les défend, qu'à cause du grand scandale qu'ils donnent. 4 Nous avons ouï divers des plus considérables entre les Païens, qui par la seule lumière de la nature ont très bien remarqué qu'ils étaient de tout point préjudiciables. 5. Nous avons produit des Lois civiles qui déclarent infâmes tous ceux qui s'en mêlent. 6. Nous avons prouvé, qu'ès premiers Siècles, dès que quelqu'un avait donné son nom à J. C. l'une des marques était qu'on ne le voyait plus se rendre aux Théâtres. 7. Nous avons justifié que divers Conciles particuliers, et le sixième universel, les ont foudroyés de leurs anathèmes, 8. Nous avons reçu la déposition de plusieurs des Pères les plus célèbres, qui d'une voix, se sont écriés contre eux, et les ont accusés de dissolution, et d'en donner les leçons. 9. Nous avons justifié que l'Ecriture ne leur est pas plus favorable, et combien que le mot de Théâtre n'y soit pas, en divers endroits elle condamne la chose. 10 Nous avons montré que les Sages Politiques de cet âge, ont opiné à ce qu'on les bannît des Etats, si on voulait y entretenir l'intégrité, et les bonnes mœurs. 11. Enfin, Nous avons épluché une à une toutes les principales exceptions des Avocats des Théâtres, et avons fait voir qu'il n'y en a une seule qui soit de mise, et que la plupart sont puériles, et quasi plus dignes d'être sifflées, qu'exactement réfutées. Ce qui reste, c'est que tout ce qu'il y a de vrais fidèles, écoutent là-dessus, non pas la voix de leurs désirs, qui sont les partisans du monde, mais celle de la raison et de leur conscience, pour se retirer de ces lieux, où Dieu est offensé, le vice enseigné, l'Eglise scandalisée. Et clorons tout ce propos, en leur adressant ces belles paroles de saint Chrysostome. « Vous ne devez, point, vous qui êtes enfants de l'Eglise, vous dépraver par la vanité des spectacles ». « Souvenez-vous que nous vous avons fréquemment admonestés, vous qui êtes participant de la Parole divine, et de la victime mystique, dont on ne se doit approcher qu'avec une révérence craintive, que vous n'eussiez, aucune part aux Théâtres, et vous donnassiez garde de mêler les choses de Dieu, avec celles qui sont du Diable ». **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-18 *date_1647 *creator_vincent Approbation. L'Auteur de ce Traité, a eu des raisons particulières, pour lesquelles il a cru le devoir communiquer à tous les Pasteurs du Colloque d'Aunis, et non simplement aux deux nommés pour l'examen des livres de Religion qui auraient à se publier dedans le détroit d'icelui. Ainsi il 1'a fait voir, outre Messieurs Colomier, Bouhereau, et Flan, Pasteurs de La Rochelle, ses Collègues, à Monsieur Aubouineau ci-devant Pasteur en l'Eglise de Saint Martin de Ré, et de présent résidant en la ville de La Rochelle, Monsieur de La Forest Pasteur de l'Eglise de Mauzé, Monsieur Lesnier Pasteur des Eglises de Sales et Theray, Mr. Malherbe Pasteur des Eglises de Surgères et Cyré et Mr. Du Faur Pasteur des Eglises de Dompierre, Angoulins, et Estrai, lesquels tous y ont donné leur approbation, comme étant du tout conforme à la Doctrine et Discipline de nos Eglises, et ont exhorté l'Auteur d'en avancer la publication. **** *book_vincent_traite-des-theatres_1647 *id_body-19 *date_1647 *creator_vincent Errata. Il s'est glissé quelques fautes en l'impression tant par addition, que par défaut, ou changement de quelques lettres, à quoi le Lecteur suppléera par le sens. Seulement il est prié d'en corriger une importante de la page 38, ligne 31, et au lieu de ces mots « nul ne doute ? » mettre ceux-ci « plusieurs des doctes ne font nul doute ».