Pierre Massé

1579

De l’Imposture et Tromperie

Édition de Marie Saint Martin
2017
Source : Pierre Massé, Des jeux et autres observations séculières retenues de l’ancien Paganisme, in De l’Imposture et tromperie des diables, devins, enchanteurs, sorciers, noueurs d’aiguillettes, chevilleurs, nécromanciens, chiromanciens, et autres qui par telle invocation diabolique, arts magiques et superstitions abusent le peuple, Paris, Jean Poupy, 1579, f. 101-107.
Ont participé à cette édition électronique : François Lecercle (Responsable d’édition), Clotilde Thouret (Responsable d’édition) et Thomas Soury (XML-TEI).

[FRONTISPICE] §

de
l’imposture
et tromperie des
Diables, Devins, Enchan-
teurs, Sorciers, Noueurs

d’aiguillettes, Chevilleurs, Nécromanciens,
Chiromanciens, et autres qui par telle in-
vocation Diabolique, ars Magiques et Su-
perstitions abusent le peuple.
Par Pierre Massé du Mans,
Advocat.
A Paris
Chez Jean Poupy, ruë S. Jaques
à la Bible d'Or.
MDLXXIX.
Avec Privilege du Roy.

[f. 101]

Livre premier.
Des jeux et autres observations séculières retenues de l’ancien Paganisme.
Chapitre 22. §

En ce sermon combien que Saint AugustinI ne fasse pas mention spéciale de toutes sortes de divinations (pour être chose trop longue, et prolixe, et qui eût bien requis un œuvre à part) si est-ce qu’il ne laisse pas et entend les reprendre sous celles qui y sont nommées. Ce que nous pouvons aussi inférer par argument de similitude et exemples. Outre cela il reprend aussi toutes mauvaises coutumes et observations des Gentils et Païens, sous le nom aussi de quelques-unes qu’aucuns Chrétiens retenaient de son temps, et ne pouvaient oublier du paganisme. Or combien que lui et tous les autres saints docteurs aient eu beau prêcher, si n’ont-ils su tant faire qu’il ne nous en soit bien demeuré des vestiges et reliques lesquelles nous avons retenues par les désirs que nous avons des choses mondaines et séculières, qui nous sont plus plaisantes et agréables que la pureté, intégrité, et simplicité de notre religion, comme est la coutume de donner et planter des arbres le premier jour de Mai, de donner les étrennes au premier jour de l’an, qui ne serait pas paraventure mauvaise chose [f. 101v] sinon qu’en ce faisant nous suivons la mauvaise coutume des Gentils, et comme eux donnons plutôt à ceux qui n’en ont aucun besoin qu’à ceux qui ont indigence. De même nous observons leurs fêtes Saturnales, autrement Libérales, les Bacchanales, Lupercales, et Florales, sinon à mêmes jours au moins à autres èsquelsII nous faisons toutes les mêmes choses ou la plupart de ce qu’ils faisaientΚρονοβωμ en Lucien.. Es Saturnales qui se faisaient en vendanges, les maîtres licenciaient leurs serviteurs de tout faire et tout dire, et même de les brocarder. A cela n’avons-nous pas vu faire quelque chose de semblable de notre temps même aux collèges d’Eglise où les enfants de chœur et les chantres célébraient la fêtes aux fols. Quant aux Bacchanales, Florales et Lupercales il y en a assez qui les observent toute la nuit. Ce sont des Rogers-bontempsIII desquels parle Job disant : « Leurs enfants sortent comme troupeaux à l’ébat, et pour jouer ils ont le tambourin, la guiterne, et se réjouissent au son des chalumeaux. Ils démènent leurs jours en réjouissance, mais tout à coup ils descendent aux enfersIV. » Ceux qui ne peuvent pas mener ce train, ou qui ne veulent pas tant se débaucher pour vaquer aux affaires de ménages et à leur avarice, ont toutefois, quelques jours propres et dédiés à notre monde pour célébrer ces bonnes fêtes. Et [f. 102]principalement entre autres la Saint Martin, les Rois, et carême prenant. Auxquels jours nous n’oublions rien de tous jeux et ébats séculiers jadis inventés par les Gentils : de bouffons mathassinsV, mômeries, mascarades, toutes sortes de danses, comédies, fables ou farces, comme nous disons, par lesquelles on représente comme ès Florales, sinon de fait au moins de paroles, de signes, gestes, et de substance choses vilaines, et déshonnêtes qui ne peuvent qu’aviser, induire, et inciter les personnes à ce faire, à la première occasion qui s’y offre. Telle débauche se fait aussi bien souvent ès autres fêtes. Il y en a qui sont toujours de loisir à ce faire, ou rien qui vaille, ou bien ils le prennent très volontiers. Les fêtes de l’Eglise qui avaient été premièrement bien et saintement ordonnées et instituées pour vaquer en icelles seulement au service divin, ou pour faire commémoration des saints afin d’imiter la bonne vie d’iceux en cessant des œuvres séculières, ont été employées à celles-là qui ne sont bonnes à jour quelconque. Pour le service de Dieu elles ont été appliquées au service du diable, qui a gagné ce point contre Dieu sur les hommes qu’il a converti les fêtes de Dieu aux siennes. Comme sont les marchés, et les foires qui s’y font, auxquelles plusieurs vont plutôt porter ou acheter de la [f. 102v] marchandise, que pour prière et dévotion à quoi ils ne songent pas seulement. Autres qui n’y vont pour vendre, ni pour acheter y vont toutefois, par curiosité pour y voir seulement la Foire et l’assemblée pour y manger, boire, danser, rager et faire joyeuse chère, et pour y attraper ou décevoir quelques pauvres filles qui y vont aussi bien souvent pour se faire regarder et rechercher afin d’y avoir quelque chose. Je n’aurais jamais fait, ni déclaré tous les abus qui s’y font, et ne sais que je pourrais dire qui s’y fait bien. Car quant au service des prêtres peu le font en vraie dévotion, les uns le font d’une pompe et bravade, et de gloire s’écoutent et se regardent comme si le service de Dieu gisait à faire bonne et grosse mine. Autres le font sans cérémonie légèrement, ou lourdement, et comme par acquis. Le principal c’est d’avoir dit et chanté, et au reste d’aller faire bonne chère, et rire un petit les uns avec les autres. De même fait-on aux processions : ce que Saint Augustin blâme aigrement, et à bon droit quand il parle des convives et banquets qui se font à certains arbres, et à certaines fontaines. Comme il y a èsdites processions des maisons et des lieux dédiés, selon le plaisir et commodité d’un chacun, où il s’en fait aussi lesquels ne seraient mauvais, sinon que plusieurs y vont seulement pour cela, et aiment mieux y avoir perdu la Messe, et tout le service qu’un déjeuner. Cela se fait aussi [f. 103]aucunefois sous quelques arbres à la mode gentileVI, sur les fontaines et ruisseaux, ès prairies bien vertes, et ès bocages, ou quelques autres lieux propres à mettre les personnes gaiement plutôt qu’à dévotion. Et Dieu sait si on va parlant comme les pèlerins d’Emmaüs de la Passion et de la Résurrection de Jésus-Christ. Je crois que bien souvent on y peut parler de l’incarnation : mais non pas de la sienne. Et à ce propos aussi, ès Constitutions des ApôtresEs Constitution des Apôtres, chap. 36 du livre 7., il est dit et déclaré pourquoi Dieu nous a ordonné les fêtes : savoir est, pour la réjouissance bonne de nos âmes, réduisant en mémoire la nativité de notre Seigneur faite par nous, semblablement sa Passion et Résurrection, et ainsi des autres. Lesquelles fêtes et le Sabbat (au lieu duquel nous avons aujourd’hui le Dimanche) n’ont été commandées de Dieu comme il est là dit pour nous donner occasion de ne faire rien, mais seulement de piété : savoir est, pour connaître et penser à la puissance de Dieu, et à éviter le mal. La loi dit, Saint IrénéeSaint Irénée, chap. 19 du 4e livre Contre les hérésies. commandait qu’on s’abstînt de tout œuvre servile, c’est-à-dire de toute avarice qui se fait par négociation, et tout affaire terrien : ainsVII admonestait qu’on fît les œuvres de l’âme qui s’y font par sentences et bons propos, pour aide et édification de ceux qui sont proches. Et pourtant Jésus-Christ reprenait ceux qui lui faisaient reproche qu’il guérissait ès jours du Sabbat. Mais au lieu [f. 103v]desdites bonnes œuvres, les hommes prennent plutôt les mauvaises appartenances aux fausses religions. On en voit assez qui aimeront mieux un jour de Dimanche ou autre fête, aller à quelque bon déjeuner, jouer à la paume ou à l’ébat aux champs, qu’être au service et à la Grand-Messe. Autant en font-ils du Sermon et de Vêpres. Ils iront plutôt voir des bâteleurs ou autres jeux qui dépendent du diable, comme dit ici monsieur Saint Pierre en ces mots pris de Saint ClémentSaint Clément, livre 4 des Recognitions.. Plusieurs mauvaises et vagantes religions ont été introduites, auxquelles la plupart des hommes par occasion des fêtes s’est adonnée y ordonnant des tavernes, convisVIII et banquets, flûtes, chalumeaux, guiternes et autres diverses espèces de musique, se livrant eux-mêmes à toute ivrongnerie et luxure. De là jadis est venu le commencement et progrès de tout erreur. De là furent consacrés aux diables les bois et les autels par les Gentils. De là leur furent données, les couronnes, et les sacrifices leur furent faits, et après y avoir bien bu, les hommes ivres s’y démenaient comme gens troublés de leurs sens, et qui étant alors possédés des diables, commencèrent les danses furieuses de Bacchus. Avons-nous pas vu assez faire de telles fêtes même ès principales villes de ce Royaume qui y durent jusques à minuit. Il y a plusieurs autres erreurs et abus, que monsieur Saint Pierre déclare là plus [f. 104]au long, desquels nous en tenons et observons aussi quelques-uns. Pour lesquels et pour tous ceux que j’ai dits ci-dessus, à bon droit Dieu nous dit aujourd’hui tout ce que s’ensuit. Je ne veux point de vos néoméniesIX, de votre Sabbat, ni de toutes vos autres fêtes : vos assemblées sont iniques, mon âme hait vos Calandes et vos solemnités, elles m’ont été fâcheuses et ennuyeuses, j’ai travaillé à les endurer. La fête et le jour de Dieu ne sont-ils pas ténèbres et non lumière ? ne sont-ils pas obscurité et non splendeur ? Je hais et rejette vos fêtes, je ne prendrai point, je ne recevrai point l’odeur de vos assemblées. Dieu nous peut dire cela aujourd’huy, pource que tout ce que les Prophètes ont dit anciennement aux peuples d’Israël et des Juifs, est aussi dit à nous et pour l’instruction de nous qui sommes surrogésX au lieu d’eux, pour être à Dieu son peuple péculier, si nous ne persévérons à nous séparer d’avec lui par ces œuvres profanes et sacrilèges. Dieu nous dit aussi assez cela aujourd’hui par les Prédicateurs qui nous réfèrent tous les jours les mêmes paroles des Prophètes. Davantage il le nous dit par effet, montrant qu’il ne fait pas grand compte de nos fêtes, lesquelles il a fait tous les jours cesser du tout en plusieurs lieux, sans qu’il se soucie de les y remettre, et ès autres il les a bien souvent troublées, et interrompues. Aussi comme il dit quelque part : il [f. 104v]n’a que faire de notre service, il refuse nos fêtes, nous admonestant, dit Saint IrénéeSaint Irénée au livre 4 Contre les hérésies., faire plutôt les choses qui sont salutaires. « Lavez-vous (dit-il), soyez nets et mondesXI, ôtez les méchancetés de vos cœurs devant mes yeux, cessez à faire mal, apprenez et accoutumez-vous à faire bien. Cherchez jugement ou justice, tirez d’ennui celui qui souffre par envie, faites droit à l’orphelin, et justice à la veuve, et puis venez disputer et vous plaindre de moiChap. 33 Esaïe. [Isaïe, 33, 15]XII.>. » Quelque amateur immodéré des jeux, pourra pour la défense d’iceux alléguer des passages et exemples de l’écriture sainte, et même ès jours de fêtes et solemnités. Il est écrit (dira-t-ilAu 2e livre des Rois, 6XIII.) que David et tout le peuple jouaient devant le Seigneur de toutes sortes d’instruments : et qu’icelui dansant sautant de joie fut moqué de sa femme Michol, laquelle moquerie fut autant désagréable à Dieu, comme David jouant lui avait été agréable. Cela appertXIV manifestement et l’histoire le déclare assez qui dit, que pour peine et punition de cela, Michol ne fut trouvée digne d’avoir enfants. Les Béthuliens firent grande fête après la mort, fuite et défaite des gens d’HolopherneJudith, 16. [16, 20]., laquelle dura trois mois en toute allégresse et réjouissance publique. Il ne faut pas douter qu’en icelle, après et avec les louanges à Dieu on ne fît des banquets et convis, de belles assemblées ès places des jeunes et des vieux, ensemble des devises et des charollesXV de filles avec {p. 105}instruments et chansons comme avaient jadis fait MoïseExod., 15XVI., les Israëlites et leurs femmes conduites d’Anne la sœur dudit Moïse et d’Aaron. Et comme les femmes qui aussi jadis avaient sorti des villes à la rencontre de Saül et de David retournant de la victoire de Goliath et des PhilistinsAu premier livre des Rois, 18XVII.. Il dit aussi que les Juifs ayant eu permission de retourner de leur transmigration en Jérusalem et de la réédifier, en retournant avaient toutes sortes d’instruments, avec lesquels ils allaient se jouant et ébattantAu 3e chap. d’Esdras 2XVIII.. Et comme pour la dureté de leurs péchés, Dieu leur avait dit qu’il leur ôtait la voix de joyeuseté et réjouissance, la voix de l’époux et de l’épouseEn Baruch, 2. [2, 22-23].. Quant et quant en Jérémie promettant cette réduction et réédification de Jérusalem, entre autres choses prospères et joyeuses qu’il promet aussi, il dit ceci : « Et tu seras encore ornée de tes tambourins, et tous les frères seront s’ébattant et jouant. La vierge se réjouira alors en danse, ensemble les jeunes et les vieux, etc.En Jérémie, 30 et 31 [31,4]XIX.. » De même Zacharie dit : « Encore les hommes vieux et les femmes anciennes seront ès places de Jérusalem et leur verra-t-on porter le bâton pour leur vieillesse. Et les places de la cité seront toutes remplies d’enfants et de filles, jouant et s’ébattantEn Zacharie, 8. [8, 4-5].. » Tout cela est bon et bien allegué moyennant qu’on l’entende sainement. Car il n’y faut pas rien penser de mal, vilain, deshonnête et dissolu, tout en doit être référé à [f. 105v]honnêteté : comme celui des filles qui disent jeu sans mal et sans vilénie. S’il y a du mal, de la vilénie, du dolXX, de la tricherie et de l’avarice, ce n’est plus jeu, il perd son nom – au moins sa nature. Comme ce beau jeu dont il est parlé au second des Rois chapitre deuxième où on se rompt la tête et s’entretue-t-on à bon escient2e livre des Rois chap. 2XXI.. Tels sont les tournois, jeux d’escrime et autres semblables où cela advient bien souvent de propos délibéré ou autrement, pource queXXII la nature de tels jeux n’est point de s’entrechatouiller. Il y a aussi des joueurs desquels le jeu ne plaît qu’à eux, pource qu’ils font toujours mal. De telles manières de gens Salomon entend parler disant : « Le fol malin fait le mal comme en riantEs Proverbes 10. [10, 23].. » Autant en dit l’Ecclésiastique : « Les contes des pécheurs sont odieux et leur ris est en mal faire et en péchéEcclésiastique, 27. [27, 13.. » Il y en a qui, après avoir fait mal, voulant excuser leur jeu à ceux qui ne le peuvent trouver bon, disent (comme dit encore Salomon) : « Je le faisais en me jouantEs Proverbes 26XXIII.. » Ailleurs parlant d’eux et de ceux qu’on appelle vulgairement Rogers-bontemps dit : « Mais aussi ils ont estimé que notre vie n’était que ébat, et que notre conversation était composée ou accommodée à gain, et pourtant qu’il était loisible d’acquérir de quelque part que ce fût et même du malSapience, 15XXIV.. » Cela même touche Saint Paul attribuant ce jeu malin, volupteux, ou avaricieux avec toute autre avarice à vraie IdolâtrieEn Exode 30XXV.. « Ne soyez pas faits [f. 106] Idolâtres (dit-il) comme ceux-là desquels il est écrit, "le peuple s’assit pour manger et pour boire, puis ils se levèrent pour jouer"Saint Paul en la 1e épître aux Corinthiens, chap. 10 [10, 7].. » Tel pouvait être le jeu d’Israël, auquel il induisait Isaac. Ce que ne trouvant pas bon Sara requit Abraham son mari de le chasser avec la mèreGenèse, 21. [21, 9]XXVI.. L’autre Sara femme du jeune Tobie pleurant devant Dieu pour les accidents qui lui étaient advenus, à cause des injures et reproches que lui avait faites une mauvaise chambrière, l’appelait à témoin de son honnêteté, et que son cœur était chaste, pudique et non adonné à aucune folie et légèreté : et disait qu’elle ne s’était jamais mêlée avec ceux qui jouaientEn Tobit 3. [3, 14-15]XXVII. Autant en disait Jérémie de soi-même. « Je ne me suis point assis, dit-il, en l’assemblée des joueursEn Jérémie 5. [15, 17].. » Quelque mignon se voulant chatouiller et mettre en excusant son jeu, dira qu’il y a différence entre lui et un prophète ou religieux, lequel dira ne devoir aucunement jouer pource qu’il a renoncé à toute mondanité. Mais je lui demanderai s’ils se peuvent passer de boire, manger, ou de dormir. Ce sont encore choses du monde auxquelles il n’osent dire qu’ils eussent renoncé, et qu’elles ne soient nécessaires. Le jeu et récréation honnête n’est pas guère moins nécessaireXXVIII. Aucuns le prennent à se promener, les autres à deviser et à rire honnêtement. Saint Antoine (père et auteur des moines), lequel a mené une vie si austère et si sainte, fut trouvé un jour ès déserts d’Egypte avec aucuns de ses [f. 106v] moines par un certain seigneur Arabe allant à la chasse, faire telles récréations honnêtes desquelles ledit seigneur Arabe voulant quasi se scandaliser fut tout à l’heure satisfait par ledit Saint AntoineSaint Justin en l’Epître qu’il écrit à Zenas et Sérénus baille une règle et institution de bien vivre au Chrétien, et lui permet d’user d’ébat et raillerie honnête et civile pour adoucir ou recréer celui qui est naturellement chagrin et fâcheux. : lequel voyant ledit Seigneur garni d’un arc et d’une bonne quantité de flèches le pria d’en tirer un coup, puis deux, trois, et jusqu’à ce qu’il n’en eût plus, tant que ledit Seigneur s’ennuyant de tant décocher lui demanda pourquoi il le faisait tant tirer sans se reposer. Alors il lui fit réponse qu’ainsi était de la récréation qu’il faisait quelquefois avec ses religieux, afin qu’après avoir vaqué à Oraisons, dévotions et austérité ils eussent quelque consolation et relâchement d’espritSaint Athanase en la Vie de Saint Antoine.. Ce n’est pas pour excuser ceux qui jouent aux jeux de hasard, lesquels étant défendus sont encore beaucoup plus indécents de ses personnes religieuses, qu’autres, je ne sais si je dois référer les jeux du tablierXXIX, èsquels il y a du hasard et de l’esprit ou industrie, mais Apollonius ancien écrivain ecclésiastique et docteSaint Jérôme en fait mention lorsqu’il parle dudit Apollonius au Catalogue des écrits ecc[lésiastiques]., les réprouve et quant et quantXXX les échetXXXI et les reproche à Priscile et Maximile femmes Montanistes, qui se vantaient avoir l’esprit de Prophétie, et par cela et autres choses il les accuse et convainc comme de mensonge. Je dirai encore et pour fin, qu’ès jeux la qualité d’iceux et des personnes, ne les rend pas seulement mauvais mais aussi le tropXXXII, ou importunité de ceux qui [f. 107] autrement ne seraient pas mauvais : car il faut qu’il y ait une grande modéranceXXXIII et qu’ils soient faits par nécessité comme nous avons dit du dormir et non pas si souvent, parce qu’il n’est pas tant nécessaire. J’ai pris occasion au sermon de monsieur Saint Augustin de dire en passant au simple chrétien quelque chose des abus qui se font ès jeux, afin qu’étant averti d’en fuir aucuns, comme une espèce d’idolâtrie qui dépend et qui vient des anciennes observations et coutumes des Gentils, il soit aussi modéré ès autres qui en bien, ou mal usant, peuvent être licites ou illicites, et surtout y fuir les occasions de mal qui en viennent comme d’avarice, d’immodérée et folle dépense, de gourmandise et ivrognerie, de paillardise, de tromperie, de larcin, de risées, noises, débat, querelles, jurements et blasphèmes du nom de Dieu, de batteries, de meurtres et plusieurs autres méchancetés et pauvretés. A la fête de la Circoncision (qui est le premier jour de l’an) les leçons de matines sont prises d’une Homélie de MaximeXXXIV anciennement Evêque de Trènes, celui qui tint longtemps caché chez lui Saint Athanase fugitif d’Alexandrie, laquelle Homélie il a faite des Calendes de Janvier, y reprenant toutes les observations Gentiles qu’aucuns Chrétiens retenaient et imitaient encore des deux espèces dont nous venons de parler, savoir est et de divination, et des jeux mondains et [f. 107v]séculiers, faisant mention entre autres des déguisements qu’on fait des sexes, savoir est des hommes en femmes et des femmes en hommes, et autres : mais on peut voir aujourd’hui que ce sont les moindres maux qu’on y commet. J’ai voulu annoter ceci pour montrer toujours davantage que sans propos, je n’ai pas ajouté ce chapitre au précédent et inséré en ce traité pour la connexité que les matières ont l’une avec l’autre, et qu’en cela je n’ai rien fait qu’auteurs graves n’aient premièrement fait, retournons maintenant à nos divinations.