Pierre Nicole

1667

Traité de la comédie

Édition de Chiara Mainardi
2014
Source : Pierre Nicole, De la Comédie in Les Visionnaires, ou Seconde partie des lettres sur l'Hérésie Imaginaire, Liège, Adolphe Beyers, 1667, p. 452-495.
Ont participé à cette édition électronique : François Lecercle (Responsable d'édition), Clotilde Thouret (Responsable d'édition) et Frédéric Glorieux (XML-TEI).

[FRONTISPICE] §

LES
VISIONNAIRES,
ou
Seconde partie des lettres
sur
L'HERESIE IMAGINAIRE
contenant les huits dernières.
A LIEGE
Chez ADOLPHE BEYERS
M. DC. LXVII.

Préface §

{p. 452} Une des grandes marques de la corruption de ce siècle est le soin que l'on a pris de justifier la Comédie, et de la faire passer pour un divertissement qui se pouvait allier avec la dévotion. Les autres siècles étaient plus simples dans le bien et dans le mal : ceux qui y faisaient profession de piété témoignaient, par leurs actions et par leurs paroles, l'horreur qu'ils avaient de ces spectacles profanes. Ceux qui étaient possédés de la passion du Théâtre reconnaissaient au moins qu'ils ne suivaient pas en cela les règles de la religion chrétienne. Mais le caractère de ce {p. 453} siècle est de prétendre allier ensemble la piété et l'esprit du monde. On ne se contente pas de suivre le vice, on veut encore qu'il soit honoré et qu'il ne soit pas flétri par le nom honteux de vice, qui trouble toujours un peu les plaisirs que l'on y prend, par l'horreur qui l'accompagne. On tâche donc de faire en sorte que la conscience s'accommode avec la passion et ne la vienne point inquiéter par ses importuns remords. C'est à quoi on a beaucoup travaillé sur le sujet de la Comédie. Car comme il n'y a guère de divertissement plus agréable aux gens du monde que celui-là, il leur était fort important de s'en assurer une jouissance douce, tranquille et consciencieuse, qui est ce qu'ils désirent le plus. Le moyen qu'emploient pour cela ceux qui sont les plus subtils est de se former une certaine idée métaphysique de Comédie, et de purger cette idée de toute sorte de péché. La Comédie, disent-ils, est une représentation d'actions et de paroles comme présentes ; quel mal y a-t-il en cela ? Et après avoir ainsi justifié leur idée générale de Comédie, ils croient avoir prouvé qu'il n'y a donc point de péché aux Comédies ordinaires, et ils y assistent ensuite sans scrupule. Mais le moyen de se défendre de cette illusion est de considérer au contraire la Comédie, non dans une spéculation chimérique, mais dans la pratique commune et ordinaire dont nous sommes témoins. Il faut regarder quelle est la vie d'un Comédien et d'une Comédienne ; quelle est la matière et le but de nos Comédies ; {p. 454} et quels effets elles produisent d'ordinaire dans les esprits de ceux qui les représentent, ou qui les voient représenter ; quelles impressions elles leur laissent ; et examiner ensuite, si tout cela a quelque rapport avec la vie, les sentiments et les devoirs d'un véritable Chrétien. Et c'est ce qu'on a dessein de faire dans cet écrit.

Traité de la comédie §

I.
§

Il est impossible qu'on considère le métier de Comédien, et qu'on le compare avec la profession Chrétienne, qu'on ne reconnaisse qu'il n'y a rien de plus indigne d'un enfant de Dieu et d'un membre de Jésus-Christ que cet emploi. On ne parle pas seulement des dérèglements grossiers, et de la manière dissolue dont les femmes y paraissent, parce que ceux qui justifient la Comédie en séparent toujours ces sortes de désordres par l'imagination, quoiqu'on ne les en sépare jamais effectivement. On ne parle que de ce qui en est entièrement inséparable. C'est un métier qui a pour but le divertissement des autres ; où des hommes et des femmes paraissent sur un Théâtre pour y représenter des passions de haine, de colère, d'ambition, de vengeance, et principalement d'amour. Il faut qu'ils les expriment le plus naturellement et le plus vivement qu'il leur est possible, et ils ne le sauraient faire, s'ils ne les excitent en quelque sorte en eux-mêmes, et si leur âme {p. 455} ne prend tous les plis que l'on voit sur leur visage. Il faut donc que ceux qui représentent une passion d'amour en soient en quelque sorte touchés pendant qu'ils la représentent, et il ne faut pas s'imaginer que l'on puisse effacer de son esprit cette impression qu'on y a excitée volontairement, et qu'elle ne laisse pas en nous une grande disposition à cette même passion qu'on a bien voulu ressentir. Ainsi la Comédie, par sa nature même, est une école et un exercice de vice, puisque c'est un art où il faut nécessairement exciter en soi-même des passions vicieuses. Que si l'on considère que toute la vie des Comédiens est occupée dans cet exercice ; qu'ils la passent tout entière à apprendre en particulier, ou à répéter entre eux, ou à représenter devant des spectateurs l'image de quelque vice ; qu'ils n'ont presque autre chose dans l'esprit que ces folies: on verra facilement qu'il est impossible d'allier ce métier avec la pureté de notre religion: et ainsi il faut avouer que c'est un métier profane et indigne d'un Chrétien ; que ceux qui l'exercent sont obligés de le quitter comme tous les conciles le leur ordonnent ; et par conséquent qu'il n'est point permis aux autres de contribuer à les entretenir dans une profession contraire au Christianisme, ni de l'autoriser par leur présence. {p. 456}

II.
§

Comme la passion de l'amour est la plus forte impression que le péché ait faite dans nos âmes, ainsi qu'il paraît assez par les désordres horribles qu'elle produit dans le monde; il n'y a rien de plus dangereux que de l'exciter, de la nourrir, et de détruire ce qui la retient. Or le principal frein qui sert à l'arrêter est une certaine horreur que la coutume et la bonne éducation en impriment ; et rien ne diminue davantage cette horreur que la Comédie; parce que cette passion y paraît avec honneur et d'une manière qui, au lieu de la rendre horrible est capable au contraire de la rendre aimable. Elle y paraît sans honte et sans infamie. On y fait gloire d'en être touché. Ainsi l'esprit s'apprivoise peu à peu. On apprend à la souffrir et à en parler, et l'âme s'y laisse ensuite doucement aller en suivant la pente de la nature.

III.
§

Il est inutile de dire pour justifier les Comédies et les Romans, qu'on n'y représente que des passions légitimes ; car encore que le mariage fasse un bon usage de la concupiscence, elle est néanmoins en soi toujours mauvaise et déréglée ; et il n'est pas permis de l'exciter en soi ni dans les autres. On doit toujours la regarder comme le honteux effet du péché; comme une source {p. 457} de poison capable de nous infecter à tous moments, si Dieu n'en arrêtait les mauvaises suites. On ne peut donc nier que les Comédies et les Romans ne soient contraires aux bonnes mœurs, puisqu'ils impriment une idée aimable d'une passion vicieuse, et qu'ils en font une qualité héroïque, n'y en ayant point qui paraisse davantage dans ces héros de théâtre et de roman.

IV.
§

Le mariage règle la concupiscence, mais il ne la rend pas réglée ; elle est toujours déréglée en elle-même et ce n'est que par force qu'elle se contient dans les bornes que la raison lui prescrit. Or en excitant par les Comédies cette passion, on n'imprime pas en même temps l'amour de ce qui la règle: les spectateurs ne reçoivent l'impression que de la passion, et peu ou point de la règle de la passion: l'auteur l'arrête où il veut dans ses personnages par un trait de plume ; mais il ne l'arrête pas de même dans ceux en qui il l'excite. La représentation d'un amour légitime, et celle d'un amour illégitime font presque le même effet, et n'excitent qu'un même mouvement qui agit ensuite diversement selon les différentes dispositions qu'il rencontre ; et souvent même, la représentation d'une passion couverte de ce voile d'honneur est plus dangereuse, parce que l'esprit la regarde plus sûrement, qu'elle y est reçue avec moins d'horreur, {p. 458} et que le cœur s'y laisse aller avec moins de résistance.

V.
§

Ce qui rend le danger de la Comédie plus grand, est qu'elle éloigne tous les remèdes qui peuvent empêcher la mauvaise impression qu'elle fait. Le cœur y est amolli par le plaisir. L'esprit y est tout occupé des objets extérieurs, et entièrement enivré des folies qu'il y voit représenter, et par conséquent hors de l'état de la vigilance chrétienne nécessaire pour éviter les tentations, et comme un roseau capable d'être emporté de toutes sortes de vents. Il y a bien de l'apparence que personne n'a jamais songé de s'y préparer par la prière, puisque l'Esprit de Dieu porterait bien plutôt à éviter ce divertissement dangereux, qu'à lui demander la grâce d'être préservé de la corruption qui s'y rencontre. Que si les personnes qui vivent dans la retraite et dans l'éloignement du monde, ne laissent pas de trouver de grandes difficultés dans la vie chrétienne au fond même des monastères; s'ils reçoivent des atteintes du commerce du monde, lors même que c'est la charité et la nécessité qui les y engage, et qu'ils se tiennent sur leurs gardes autant qu'ils peuvent pour y résister ; quelles peuvent être les plaies et les chutes de ceux qui, menant une vie toute sensuelle s'exposent à des tentations, auxquelles les plus forts ne {p. 459} pourraient pas résister ? Ne doit-on pas dire d'eux, en les comparant avec les personnes spirituelles de l'Église, ce que Job dit de l'homme en le comparant avec les Anges ; « Ecce qui serviunt ei non sunt stabiles, et in angelis suis reperit pravitatem, quanto magis hi qui habitant domos luteas consumentur velut a tinea ? » Ces esprits qui servent à Dieu de ministres ne sont pas stables, et il trouve des défauts dans ses Anges mêmes ; à combien plus forte raison des âmes enfermées dans des corps, comme dans des maisons de boue, seront-elles sujettes à la corruption et au péché ? Ou ce que dit Isaïe : « Super humum populi mei spinae et vepres ascenderunt; quanto magis super omnem domum gaudii civitatis exultantis ? » Si la terre de mon peuple dit le Seigneur, est couverte de ronces et d'épines; c'est-à-dire si les âmes qui soupirent après leur patrie céleste sont quelquefois percées par les pointes du péché, à quels désordres ne s'emporteront point ceux qui vivent dans les plaisirs, et qui ont le cœur rempli de toutes les folles joies du monde ? « Quanto magis super omnem domum gaudii civitatis exultantis ? »

VI.
§

On doit considérer que la Comédie est une tentation recherchée de gaieté de cœur, ce qui éloigne bien plus la grâce de Dieu, et le porte davantage à nous abandonner à notre propre corruption, que {p. 460}celles où l'on tombe sans les prévoir. Il y a de la témérité, de l'orgueil et de l'impiété à se croire capable de résister sans la grâce aux tentations que l'on rencontre dans la Comédie ; et il y a de la présomption et de la folie à croire que Dieu nous délivrera toujours par sa grâce d'un danger où nous nous serons exposés volontairement et sans nécessité.

VII.
§

On se trompe fort en croyant que la Comédie ne fait aucune mauvaise impression sur soi, parce qu'on ne sent point qu'elle excite aucun mauvais désir formé. Il y a bien des degrés avant que d'en venir à une entière corruption d'esprit, et c'est toujours beaucoup nuire à l'âme que de ruiner les remparts qui la mettaient à couvert des tentations. C'est beaucoup lui nuire que de l'accoutumer à regarder ces sortes d'objets sans horreur et avec quelque sorte de complaisance, et de lui faire croire qu'il y a du plaisir à aimer et à être aimé. L'aversion qu'elle en avait était comme des dehors qui fermaient l'entrée au diable, et quand ils sont ruinés par la Comédie, il y entre ensuite facilement. L'on ne commence pas à tomber quand on tombe sensiblement, les chutes de l'âme sont longues, elles ont des progrès et des préparations; et il arrive souvent qu'on ne succombe à des tentations que parce qu'on s'est affaibli en des {p. 461}occasions qui ont paru de nulle importance, étant certain que celui qui méprise les petites choses s'engage peu à peu à tomber. « Qui spernit modica paulatim decidet" C'est un des sens de cette parole de Job: " Qui habitant domos luteas consumentur velut a tinea. » Ce qui marque que ceux qui vivent de la vie des sens et dans les plaisirs du monde sont souvent consumés par des passions dont l'effet est insensible au commencement comme celui de la tigne l'est sur les habits, et qu'ils attirent, comme dit un Prophète, l'iniquité dans leurs cœurs par ces vains amusements : « Vae qui trahitis iniquitatem in funiculis vanitatis. »

VIII.
§

Que ceux et celles qui ne sentent point que les Romans et les Comédies excitent dans leur esprit aucune de ces passions que l'on en appréhende d'ordinaire ne se croient donc pas pour cela en sûreté, et qu'ils ne s'imaginent pas que ces lectures et ces spectacles ne leur aient fait aucun mal. La parole de Dieu, qui est la semence de la vie, et la parole du diable qui est la semence de la mort ont cela de commun qu'elles demeurent souvent longtemps cachées dans le cœur sans produire aucun effet sensible. Dieu attache quelquefois le salut de certaines personnes à des paroles de vérité qu'il a semées dans leur âme vingt ans auparavant, et qu'il réveille quand il lui plaît, pour leur faire {p. 462}produire des fruits de vie; et le diable de même se contente quelquefois de remplir la mémoire de ces images sans passer plus avant, et sans en former encore aucune tentation sensible ; et ensuite, après un long temps, il les excite et les réveille sans même qu'on se souvienne comment elles y sont entrées, afin de leur faire porter les fruits de la mort, « ut fructificent morti », qui est l'unique but qu'il se propose en tout ce qu'il fait à l'égard des hommes. L'on peut donc dire à ceux qui se vantent que la Comédie et les Romans n'excitent pas en eux la moindre mauvaise pensée, qu'ils attendent un peu, que le diable saura bien prendre son temps quand il en trouvera l'occasion favorable. Peut-être que, les tenant à soi par d'autres liens, il néglige maintenant de se servir de ceux-là qui sont plus visibles ; mais s'il en a besoin pour les perdre, il ne manquera pas de les employer.

IX.
§

Quand il serait vrai que la Comédie ne ferait aucun mauvais effet sur de certains esprits, ils ne la pourraient pas néanmoins prendre pour un divertissement innocent, ni croire qu'ils ne sont point coupables en y assistant. On ne joue point la Comédie pour une seule personne : c'est un spectacle qu'on expose à toutes sortes d'esprits, dont la plupart sont faibles et corrompus, et à qui par conséquent il est extrêmement dangereux. {p. 4623}C'est leur faute dira-t-on d'y assister en cet état. Il est vrai, mais vous les autorisez par votre exemple ; vous contribuez à leur faire regarder la Comédie comme une chose indifférente; plus vous êtes réglés dans vos autres actions, plus ils sont hardis à vous imiter dans celle-là. Pourquoi, disent-ils, ferons-nous scrupule d'aller à la Comédie, puisque les gens qui font profession de piété y vont bien ? Vous participez donc à leur péché : et si la Comédie ne vous fait point de plaies par elle-même vous vous en faites à vous-même par celle que les autres reçoivent de votre exemple ; et ainsi vous êtes le plus coupable de tous. Les personnes du monde ne faisant point d'exemples ne sont presque coupables que de leurs propres péchés : mais ceux qui veulent passer pour vertueux, et qui pratiquent en effet quelques bonnes œuvres, sont coupables de leurs propres péchés et de ceux des autres ; et non seulement ils perdent le mérite de leurs bonnes actions, mais ils les empoisonnent en quelque sorte en les faisant servir à engager les autres dans le péché.

X.
§

Dieu ne demande proprement des hommes que leur amour ; mais aussi il le demande tout entier. Il n'y veut point de partage. Et comme il est leur souverain bien, il ne veut pas qu'ils s'attachent {p. 464}ailleurs, ni qu'ils trouvent leur repos dans aucune autre créature, parce que nulle créature n'est leur fin. La plénitude de la charité que nous devons à Dieu, dit Saint Augustin, ne permet pas que l'on en laisse couler au-dehors aucun ruisseau, « nullum rivum duci extra patitur ». C'est pourquoi quelque honnêteté qu'on se puisse imaginer dans l'amour d'une créature mortelle, cet amour est toujours vicieux et illégitime, lorsqu'il ne naît pas de l'amour de Dieu ; et il n'en peut naître lorsque c'est un amour de passion et d'attache, qui nous fait trouver notre joie et notre plaisir dans cette créature. Un Chrétien qui sait ce qu'il doit à Dieu ne doit point souffrir dans son cœur aucun mouvement, ni aucune attache de cette sorte sans la condamner, sans en gémir, et sans demander à Dieu d'en être délivré : et il doit avoir une extrême horreur d'être lui-même l'objet de l'attache et de la passion de quelque autre personne, et d'être ainsi en quelque façon son idole, puisque l'amour est un culte qui n'est dû qu'à Dieu, comme il ne peut être honoré que par l'amour. « Nec colitur nisi amando. » C'est ce qui fait voir qu'il y a une infinité de femmes qui se croient innocentes, parce qu'elles ont en effet quelque horreur des vices grossiers, et qui ne laissent pas d'être très criminelles devant Dieu, parce qu'elles sont bien aises de tenir dans le cœur des hommes une place qui n'appartient qu'à Dieu seul, en {p. 465}prenant plaisir d'être l'objet de leur passion. Elles sont bien aises qu'on s'attache à elles, qu'on les regarde avec des sentiments, non seulement d'estime, mais de tendresse ; et elles souffrent sans peine qu'on le leur témoigne par ce langage profane que l'on appelle cajolerie, qui est l'interprète des passions, et qui dans la vérité est une sacrilège idolâtrie. C'est pourquoi quelque soin que l'on prenne de séparer de la Comédie et des Romans ces images de dérèglements honteux, l'on n'en ôtera jamais le danger, puisque l'on y voit toujours une vive représentation de cette attache passionnée des hommes envers les femmes, qui ne peut être innocente; et que l'on n'empêchera jamais que les femmes ne se remplissent de l'objet du plaisir qu'il y a d'être aimées et d'être adorées d'un homme ; ce qui n'est pas moins dangereux ni moins contagieux pour elles que les images des désordres visibles et criminels.

XI.
§

Les Comédies et les Romans n'excitent pas seulement les passions, mais elles enseignent aussi le langage des passions, c'est-à-dire l'art de les exprimer et de les faire paraître d'une manière agréable et ingénieuse, ce qui n'est pas un petit mal. Plusieurs personnes étouffent de mauvais desseins, parce qu'ils manquent d'adresse pour s'en ouvrir. Et il arrive aussi quelquefois {p. 466}que des personnes sans être touchées de passion, et voulant simplement faire paraître leur esprit, s'y trouvent ensuite insensiblement engagées.

XII.
§

Le plaisir de la Comédie est un mauvais plaisir, parce qu'il ne vient ordinairement que d'un fond de corruption, qui est excité en nous par ce qu'on y voit. Et pour en être convaincu il ne faut que considérer que lorsque nous avons une extrême horreur pour une action on ne prend point de plaisir à la voir représenter : et c'est ce qui oblige les Poètes de dérober à la vue des spectateurs tout ce qui leur peut causer cette horreur désagréable. Quand on ne sent donc pas la même aversion pour les folles amours et les autres dérèglements que l'on représente dans les Comédies, et qu'on prend plaisir à les envisager, c'est une marque qu'on ne les haït pas, et qu'il s'excite en nous je ne sais quelle inclination pour ces vices, qui naît de la corruption de notre cœur. Si nous avions l'idée du vice selon sa naturelle difformité, nous ne pourrions pas en souffrir l'image. C'est pourquoi un des plus grands poètes de ce temps remarque qu'une de ses plus belles pièces n'a pas été agréable sur le théâtre, parce qu'elle frappait l'esprit des spectateurs d'une idée horrible d'une prostitution à laquelle une1 Sainte Martyre avait {p. 467}été condamnée. Mais ce qu'il tire de là pour justifier la Comédie, qui est que le Théâtre est maintenant si chaste que l'on n'y saurait souffrir les objets déshonnêtes, est ce qui la condamne manifestement. Car on peut apprendre de cet exemple que l'on approuve en quelque sorte tout ce que l'on souffre et ce que l'on voit avec plaisir sur le Théâtre, puisque l'on ne peut souffrir ce que l'on a en horreur. Et par conséquent y ayant encore tant de corruptions et de passions vicieuses dans les Comédies qui paraissent les plus innocentes, c'est une marque qu'on ne haït pas ces dérèglements, puisqu'on prend plaisir à les voir représenter.

XIII.
§

C'est encore un très grand abus, et qui trompe beaucoup de monde, que de ne considérer point d'autres mauvais effets dans ces représentations, que celui de donner des pensées contraires à la pureté, et de croire ainsi qu'elles ne nous nuisent point, lorsqu'elles ne nous nuisent point en cette manière ; comme s'il n'y avait point d'autres vices que celui-là, et que nous n'en fussions pas aussi susceptibles. Cependant si l'on considère les Comédies de ceux qui ont le plus affecté cette honnêteté apparente, on trouvera qu'ils n'ont évité de représenter des objets entièrement déshonnêtes, que pour en prendre d'autres aussi {p. 468}criminels, et qui ne sont guère moins contagieux. Toutes les pièces de M. de Corneille, qui est sans doute le plus honnête de tous les Poètes de Théâtre, ne sont que de vives représentations de passions d'orgueil, d'ambition, de jalousie, de vengeance, et principalement de cette vertu Romaine, qui n'est autre chose qu'un furieux amour de soi-même. Plus il colore ces vices d'une image de grandeur et de générosité, plus il les rend dangereux et capables d'entrer dans les âmes les mieux nées ; et l'imitation de ces passions ne nous plaît que parce que le fond de notre corruption excite en même temps un mouvement semblable, qui nous transforme en quelque sorte, et nous fait entrer dans la passion qui nous est représentée.

XIV.
§

Il est si vrai que la Comédie est presque toujours une représentation de passions vicieuses que la plupart des vertus chrétiennes sont incapables de paraître sur le Théâtre. Le silence, la patience, la modération, la sagesse, la pauvreté, la pénitence ne sont pas des vertus dont la représentation puisse divertir des spectateurs, et surtout on n'y entend jamais parler de l'humilité ni de la souffrance des injures. Ce serait un étrange personnage de Comédie qu'un Religieux modeste et silencieux. Il faut quelque chose de grand et d'élevé selon les {p. 469}hommes, et au moins quelque chose de vif et d'animé, ce qui ne se rencontre point dans la gravité et la sagesse chrétienneI. Et c'est pourquoi ceux qui ont voulu introduire des Saints et des Saintes sur le Théâtre ont été contraints de les faire paraître orgueilleux, et de leur mettre dans la bouche des discours plus propres à ces héros de l'ancienne Rome, qu'à des Saints et à des Martyrs. Il faut que la dévotion de ces Saints de Théâtre soit toujours un peu galante: c'est pourquoi la disposition au Martyre n'empêche pas la Théodore de M. de Corneille de parler en ces termes:

« Si mon âme à mes sens était abandonnée,
Et se laissait conduire à ces impressions
Que forment en naissant les belles passions. »

Et l'humilité de théâtre souffre qu'elle réponde de cette sorte en un autre endroit :

« Cette haute puissance à ses vertus rendue,
L'égale presque aux rois dont je suis descendue ;
Et si Rome et le temps m'en ont ôté le rang,
Il m'en demeure encor le courage et le sang.
Dans mon sort ravalé je sais vivre en Princesse,
Je fuis l'ambition, mais je hais la faiblesse. »

XV.
§

Les affections même communes ne {p. 470}sont pas propres pour donner le plaisir qu'on recherche dans les Comédies, et il n'y aurait rien de plus froid qu'un mariage chrétien dégagé de passion de part et d'autre. Il faut toujours qu'il y ait du transport. Il faut que la jalousie y entre, que la volonté des parents se trouve contraire, et qu'on se serve d'intrigue pour la faire réussir. Ainsi l'on montre le chemin à celles qui seront possédées de la même passion de se servir des mêmes adresses pour arriver à la même fin.

XVI.
§

Le but même de la Comédie engage les Poètes à ne représenter que des passions vicieuses : car la fin qu' ils se proposent est de plaire aux spectateurs, et ils ne le sauraient faire qu'en mettant dans la bouche de leurs acteurs des paroles et des sentiments conformes à ceux des personnes qu'ils font parler, et à ceux des personnes devant qui ils parlent. Or on ne représente guère que des méchants, et on ne parle que devant des personnes du monde qui ont le cœur et l'esprit corrompus par de mauvaises passions et de mauvaises maximes.

XVII.
§

Les gens du monde, spectateurs ordinaires des Comédies ont trois principales pentes. Ils sont pleins de concupiscence, {p. 471}pleins d'orgueil, et pleins de l'estime de la générosité humaine, qui n'est autre chose qu'un orgueil déguisé. Ainsi les Poètes qui doivent s'accommoder à ces inclinations pour leur plaire, sont obligés de faire en sorte que leurs pièces roulent toujours sur ces trois passions; et de les remplir d'amour, de sentiments d'orgueil, et des maximes de l'honneur humain. C'est ce qui fait qu'il n'y a rien de plus pernicieux que la morale poétique et romanesque, parce que ce n'est qu'un amas de fausses opinions qui naissent de ces trois sources, et qui ne sont agréables qu'en ce qu'elles flattent les inclinations corrompues des lecteurs ou des spectateurs. C'est la source du plaisir que l'on prend à ces vers que M. de Corneille met en la bouche d'un Seigneur qui avait tué en duel celui qui avait outragé son père.

« Car enfin n'attends pas de mon affection
Un lâche repentir d'une bonne action...
Tu sais comme un soufflet touche un homme de cœur.
J'avais part à l'affront, j'en ai cherché l'auteur.
Je l'ai vu, j'ai vengé mon honneur et mon père;
Je le ferais encor, si j'avais à le faire. »

C'est par la même corruption d'esprit qu'on entend sans peine ces horribles sentiments d'une personne qui veut se battre en duel contre son ami, parce qu'on le croyait {p. 472}auteur d'une chose dont il le jugeait lui-même innocent.

« C'est peu pour négliger un devoir si puissant,
Que mon cœur en secret vous déclare innocent.
A l'erreur du public c'est peu qu'il se refuse,
Vous êtes criminel tant que l'on vous accuse,
Et mon honneur blessé sait trop ce qu'il se doit
Pour ne vous pas punir de ce que l 'on en croit...
Telle est de mon honneur l'impitoyable loi,
Lorsqu'un ami l'arrête, il n'a d'yeux que pour soi,
Et dans ses intérêts toujours inexorable
Veut le sang le plus cher au défaut du coupable. »

Personne aussi ne s'est jamais blessé de ces paroles barbares d'un père à un fils, à qui il donne charge de le venger.

« Va contre un arrogant éprouver ton courage,
Ce n ‘est que dans le sang qu'on lave un tel outrage.
Meurs ou tue. »

Et cependant en les considérant selon la raison, il n'y a rien de plus détestable ; mais on croit qu'il est permis aux Poètes de proposer {p. 473}les plus damnables maximes pourvu qu'elles soient conformes au caractère de leurs personnages.

XVIII.
§

Il ne faut pas s'imaginer que ces méchantes maximes dont les Comédies sont pleines ne nuisent point, parce qu'on n'y va pas pour former ses sentiments, mais pour se divertir: car elles ne laissent pas de faire leurs impressions sans qu'on s'en aperçoive ; et un Gentilhomme ressentira plus vivement un affront, et se portera plus facilement à s'en venger par la voie criminelle qui est ordinaire en France, lorsqu'il aura ouï réciter ces vers.

« Mourir sans tirer ma raison,
Rechercher un trépas si mortel à ma gloire,
Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire
D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison...
N'écoutons plus ce penser suborneur. »

Et la raison en est que les passions s'excitent par les objets et par les fausses opinions dont l'esprit est prévenu. L'opinion, que la chimère de l'honneur est un si grand bien qu'il le faut conserver aux dépens même de la vie, est ce qui produit la rage brutale des Gentilshommes de France. Si l'on ne parlait jamais de ceux qui se battent en duel, que comme de gens insensés et ridicules {p. 474}comme ils le sont en effet ; si l'on ne représentait jamais ce fantôme d'honneur qui est leur idole, que comme une chimère et une folie ; si l'on avait soin de ne former jamais d'image de la vengeance que comme d'une action basse et pleine de lâcheté, les mouvements que sentirait une personne offensée seraient infiniment plus lents: mais ce qui les aigrit et les rend plus vifs, c'est l'impression fausse qu'il y a de la lâcheté à souffrir une injure. Or on ne peut nier que les Comédies, qui sont toutes pleines de ces mauvaises maximes ne contribuent beaucoup à fortifier cette impression; parce que l'esprit y étant transporté et tout hors de soi, au lieu de corriger ces sentiments, s'y abandonne sans résistance, et met son plaisir à sentir les mouvements qu'ils inspirent, ce qui le dispose à en produire de semblables dans l'occasion.

XIX.
§

Ce qui rend l'image des passions que les Comédies nous proposent plus dangereuse, c'est que les Poètes pour les rendre agréables sont obligés, non seulement de les représenter d'une manière fort vive, mais aussi de les dépouiller de ce qu'elles ont de plus horrible, et de les farder tellement par l'adresse de leur esprit, qu'au lieu d'attirer la haine et l'aversion des spectateurs, elles attirent au contraire leur affection; de sorte qu'une passion qui ne pourrait causer {p. 475}que de l'horreur, si elle était représentée telle qu'elle est, devient aimable par la manière ingénieuse dont elle est exprimée. C'est ce qu'on peut voir dans les vers où M. de Corneille représente la rage de la sœur d'Horace ; car voici ce qu'il lui fait dire en parlant de son père.

« Oui je lui ferai voir par d'infaillibles marques
Qu'un véritable amour brave la main des Parques,
Et ne prend point de loi de ces cruels tyrans
Qu'un sort injurieux nous donne pour parents.
Tu blâmes ma douleur, tu l'oses nommer lâche ;
Je l'aime d'autant plus que plus elle te fâche,
Impitoyable père, et par un juste effort,
Je la veux rendre égale aux rigueurs de mon sort. »

Et ensuite parlant à son frère, elle fait cette horrible imprécation contre sa patrie :

« Rome l'unique objet de mon ressentiment,
Rome à qui vient ton bras d'immoler mon amant,
Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore,
Rome enfin que je hais, parce qu'elle t'honore.
Puissent tous ses voisins ensemble conjurés
{p. 476}
Saper ses fondements encor mal assurés,
Et si ce n'est assez de toute l'Italie,
Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie.
Que cent peuples unis du bout de l'univers
Passent pour la détruire et les monts et les mers.
Qu'elle-même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles.
Que le courroux du Ciel, allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux.
Puissé-je de mes yeux voir tomber cette foudre,
Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre;
Voir le dernier Romain en son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir. »

Si l'on dépouille l'image de cette passion de tout le fard que le Poète y prête, et qu'on la considère par la raison, on ne saurait rien s'imaginer de plus détestable que la furie de cette fille insensée, à qui une folle passion fait violer toutes les lois de la nature. Cependant cette même disposition d'esprit si criminelle en soi n'a rien d'horrible lorsqu'elle est revêtue de ces ornements; et les spectateurs sont plus portés à aimer cette furieuse qu'à la haïr. On s'est servi à {p. 477}dessein de ces exemples, parce qu'ils sont moins dangereux à rapporter: mais il est vrai que les Poètes pratiquent cet artifice de farder les vices en des sujets beaucoup plus pernicieux que celui-là; et si l'on considère presque toutes les Comédies et tous les Romans, on n'y trouvera guère autre chose que des passions vicieuses embellies et colorées d'un certain fard, qui les rend agréables aux gens du monde. Que s'il n'est pas permis d'aimer les vices, peut-on prendre plaisir à se divertir dans des choses, qui nous apprennent à les aimer ?

XX.
§

Le Chrétien ayant renoncé au monde, à ses pompes et à ses plaisirs, ne peut pas rechercher le plaisir pour le plaisir, ni le divertissement pour le divertissement. Il faut afin qu'il en puisse user sans péché, qu'il lui soit nécessaire en quelque manière, et que l'on puisse dire véritablement qu'il s'en sert avec la modération de celui qui en use, et non avec la passion de celui qui l'aime : « Utentis modestia, non amantis affectu. » Or comme la seule utilité du divertissement est de renouveler les forces de l'esprit et du corps, lorsqu'elles sont abattues par le travail; il est clair qu'il n'est permis de se divertir tout au plus, que comme il est permis de manger.

Il est aisé de conclure de là que ce n'est point une vie chrétienne, mais une vie {p. 478}brutale et païenne, de passer la plus grande partie de son temps dans le divertissement, puisque le divertissement n'est pas permis pour soi-même; mais seulement pour rendre l'âme plus capable de travail. Car si personne ne doute que ce ne fût une vie très criminelle que celle d'un homme qui ne ferait que manger, et qui serait à table depuis le matin jusqu'au soir ; ce que le Prophète condamne par ces paroles : « Vae qui consurgitis mane ad ebrietatem sectandam, et potandum usque ad vesperam » ; il est facile de voir que ce n'est pas moins abuser de la vie que Dieu nous a donnée pour le servir, que de la passer toute dans ce qu'on appelle divertissement ; puisque le mot même nous avertit qu'on ne le doit rechercher que pour nous divertir et nous distraire des pensées et des occupations laborieuses, qui causent dans l'âme une espèce de lassitude qui a besoin d'être réparée.

Cela suffit pour condamner la plupart de ceux qui vont à la Comédie. Car il est visible qu'ils n'y vont pas pour se délasser l'esprit des occupations sérieuses, puisque ces personnes, et particulièrement les femmes du monde, ne s'occupent presque jamais sérieusement. Leur vie n'est qu'une vicissitude de divertissements. Elles la passent toute dans des visites, dans le jeu, dans les bals, dans les promenades, dans les festins, dans les Comédies. Que si elles ne laissent pas de s'ennuyer, comme elles font souvent, c'est {p. 479}parce qu'elles ont trop de divertissement, et trop peu d'occupation sérieuse. Leur ennui est un dégoût de satiété pareil à celui de ceux qui ont trop mangé; et il doit être guéri par l'abstinence, et non par le changement des plaisirs. Elles se doivent divertir en s'occupant, puisque la fainéantise et l'oisiveté est la principale cause de leurs ennuis.

XXI.
§

Il s'ensuit de là que tous ceux qui n'ont point besoin de divertissement, c'est-à-dire que la plupart de ceux qui vont à la Comédie, ne le peuvent faire sans péché, quand il n'y aurait point d'autre raison qui rendît la Comédie défendue. Mais il ne s'ensuit pas que ceux qui ont véritablement besoin de se délasser l'esprit, puissent y aller sans péché; parce que la Comédie ne peut passer pour un divertissement, ne pouvant avoir l'effet qu'il est permis de chercher dans le divertissement. Car le Chrétien n'y peut rechercher qu'un simple délassement d'esprit, qui le rende plus capable d'agir chrétiennement et dans des dispositions chrétiennes. Or tant s'en faut que la Comédie y puisse servir, qu'il n'y a rien qui indispose l'âme davantage, non seulement aux principales actions chrétiennes, comme la prière; mais aux actions mêmes les plus communes, lorsqu'on les veut faire dans un esprit de Chrétien, c'est-à-dire recueilli et {p. 480}attentif à Dieu, qu'il faut tâcher autant que l'on peut, de conserver dans les actions extérieures. Ainsi comme le besoin que nous avons de manger ne fait pas qu'il nous soit permis de manger des viandes, qui ne servent qu'à affaiblir le corps; de même le besoin de se divertir ne peut excuser ceux qui recherchent des divertissements qui ne font que rendre leur esprit moins propre à agir chrétiennement.

XXII.
§

Non seulement la Comédie et les Romans rendent l'esprit mal disposé pour toutes les actions de religion et de piété; mais ils le dégoûtent en quelque manière de toutes les actions sérieuses et ordinaires. Comme on n'y représente que des galanteries ou des aventures extraordinaires, et que les discours de ceux qui y parlent sont assez éloignés de ceux dont on use dans les affaires sérieuses; on y prend insensiblement une disposition d'esprit toute romanesque, on se remplit la tête de héros et d'héroïnes ; et les femmes principalement y voyant les adorations qu'on y rend à celles de leur sexe, dont elles voient l'image et la pratique dans les compagnies de divertissement, où de jeunes gens leur débitent ce qu'ils ont appris dans les Romans, et les traitent en Nymphes et Déesses, s'impriment tellement dans la fantaisie cette sorte de vie, que les petites affaires de leur ménage leur {p. 481}deviennent insupportables; et quand elles reviennent dans leurs maisons avec cet esprit évaporé et tout plein de ces folies, elles y trouvent tout désagréable, et surtout leurs maris qui, étant occupés de leurs affaires ne sont pas toujours en humeur de leur rendre ces complaisances ridicules, qu'on rend aux femmes dans les Comédies, dans les Romans et dans la vie romanesque.

XXIII.
§

La nécessité que nous avons de réparer la défaillance de nos corps par la nourriture ne peut pas servir d'excuse à ceux, qui mangeraient volontairement des viandes, qui imprimeraient une qualité venimeuse; qui troubleraient les humeurs, et y causeraient une intempérie: parce que cette sorte de nourriture serait contraire à la fin du manger, qui est de conserver la vie du corps. Ainsi le besoin que l'on a de se délasser quelquefois, ne peut pas excuser ceux qui prennent la Comédie pour divertissement; puisqu'elle imprime, comme nous avons dit, des qualités venimeuses dans l'esprit, qu'elle excite les passions, et dérègle toute l'âme.

XXIV.
§

Le besoin que les hommes ont de se divertir n'est pas de beaucoup si grand que l'on croit, et il consiste plus en imagination ou en accoutumance, qu'en une nécessité {p. 482}réelle. Ceux qui sont occupés aux travaux extérieurs n'ont besoin que d'une simple cessation de leur travail. Ceux qui sont employés dans des affaires pénibles à l'esprit et peu laborieuses au corps, ont besoin de se recueillir de la dissipation qui naît naturellement de ces sortes d'emplois et non pas de se dissiper encore davantage par des divertissements qui attachent fortement l'esprit: c'est une moquerie de croire qu'on ait besoin de passer trois heures dans une Comédie à se remplir l'esprit de folies. Les hommes de ce temps-ci n'ont pas l'esprit autrement fait que ceux du temps de S. Louis qui s'en passaient bien, puisqu'il chassa les comédiens de son royaume. Ceux qui sentent en eux ce besoin le doivent considérer non comme une faiblesse naturelle; mais comme un vice d'accoutumance, qu'il faut guérir en s'occupant sérieusement. Un homme qui a bien travaillé est satisfait quand il cesse de travailler, et il se divertit à ce qui le désoccupe. La Comédie n'est nécessaire qu'à ceux qui se divertissent toujours, et qui tâchent de remédier au dégoût qui accompagne naturellement l'excès des plaisirs; et comme cette nécessité ne vient que de leur mauvaise disposition, qu'ils sont obligés de corriger, on peut dire qu'elle n'est nécessaire à personne, et qu'elle est dangereuse à tout le monde.

{p. 483}

XXV.
§

Mais il n'y a rien qui fasse mieux voir le danger de la Comédie, et combien elle est défendue aux Chrétiens, que l'opposition qu'elle a avec les principales dispositions dans lesquelles ils doivent tâcher de s'établir; et auxquelles ils doivent tendre, si la faiblesse de leur vertu les en éloigne. La première est l'esprit de prière, dont l'Apôtre fait un commandement exprès par ces paroles : « Sine intermissione orate.  » Priez Dieu sans discontinuation. Et Jésus-Christ par celles-ci ; « Vigilate et orate ne intretis in tentationem. » Veillez et priez, afin que vous ne succombiez pas à la tentation. Car les tentations étant en quelque sorte continuelles, la prière, qui en est le remède, le doit être aussi.

Il est vrai que cette continuité de la prière ne peut consister dans une attention perpétuelle de l'esprit à Dieu, et qu'il suffit qu'il demeure quelquefois dans un simple désir que Dieu y connaît ; mais il est certain que ce désir s'éteint facilement, si l'on n'a soin de le nourrir par les prières actuelles et par la méditation des choses divines.

C'est pourquoi les Chrétiens ne pouvant pas passer toute leur vie dans l'acte de la prière, sont obligés au moins de se renouveler de temps en temps devant Dieu : et comme c'est par ces prières actuelles qu'ils entretiennent celle qui doit être toujours {p. 484}dans le fond de leur cœur, ils doivent éviter avec un grand soin tout ce qui peut rendre leurs prières indignes d'être présentées devant la divine majesté: ce qui les oblige non seulement d'éviter les distractions qui leur surviennent dans la prière, mais beaucoup plus les sources des distractions qui remplissant l'âme de folles pensées, la rendent incapable de s'appliquer à Dieu.

Cela suffit pour obliger tous ceux qui ont quelque soin de leur salut de fuir les Comédies, le Bal et les Romans, n'y ayant rien au monde qui fasse sortir davantage l'âme hors de soi, qui la rende plus incapable de l'application à Dieu, et qui la remplisse davantage de vains fantômes. Ce sont d'étranges prières que celles que l'on fait en sortant de ces spectacles, ayant la tête pleine de toutes les folies qu'on y a vues. L'on ne se peut pas procurer à soi-même l'esprit de prière, ni cette sainte ardeur qui s'excite quand il plaît à Dieu par la méditation : « Et in meditatione mea exardescet ignis. » Mais le moins que l'on puisse faire, est de n'y mettre pas d'obstacle et d'empêchement en faisant volontairement ce qui est directement contraire à cet esprit.

XXVI.
§

Dieu pardonne aisément les distractions qui naissent de la fragilité de la nature, mais il ne fait pas le même de celles qui sont volontaires dans leur source, telles que {p. 485}sont celles que la Comédie produit. C'est pourquoi il y a sujet de craindre que toutes les prières des gens du monde qui sont pleines de ces sortes de distractions, ne soient plus capables d'irriter Dieu que de l'apaiser, et qu'elles ne soient du nombre de celles dont le Prophète dit : « Et oratio ejus fiat in peccatum. » Que si la prière qui doit attirer l'Esprit de Dieu sur tout le corps de nos œuvres est elle-même souillée, que doit-on juger de tout le reste des actions ? « Si lumen quod in te est, tenebrae sunt, ipsae tenebrae quantae erunt ? »

XXVII.
§

Une des principales parties de la piété, et un des principaux moyens de la conserver, est d'aimer la parole de Dieu, et d'y trouver sa consolation. C'est par le sentiment de la douceur que le Prophète avait éprouvée dans cette nourriture spirituelle, qu'il dit à Dieu : « Inventi sunt sermones tui, et comedi eos, et factum est verbum tuum in gaudium et in laetitiam cordis mei. » « J'ai trouvé vos paroles, et je m'en suis nourri, et elles ont rempli mon cœur de joie et d'allégresse. » C'est cette consolation divine selon saint Paul, qui entretient notre espérance, et qui nous soutient dans les traverses de cette vie. Ce sont ces saintes délices qui font monter les âmes chrétiennes du désert de ce monde jusqu'à Dieu, selon cette parole du Cantique : « Quae est ista quae ascendit de {p. 486}deserto deliciis affluens ? » Or l'expérience peut faire connaître à tout le monde, que rien n'éteint davantage la joie spirituelle que l'on ressent dans la lecture de la parole de Dieu, que les joies séculières et sensuelles, et principalement celles de la Comédie. Ces deux joies sont entièrement incompatibles. Ceux qui se plaisent dans la Comédie, ne se peuvent plaire dans la vérité ; et ceux qui trouvent leur plaisir dans la vérité; n'ont que du dégoût pour ces sortes de plaisirs. C'est pourquoi ce même Prophète à qui Dieu avait donné ce goût spirituel pour sa parole témoigne incontinent après qu'il ne pourrait souffrir les assemblées de jeux et de divertissement, et qu'il mettait toute sa gloire et toute sa joie à considérer les merveilles des œuvres de Dieu : « Non sedi cum concilio ludentium, et gloriatus sum a facie manus. » Et le saint Roi David, qui avait aussi goûté la douceur de la loi divine témoigne de même le mépris qu'elle lui faisait concevoir de tous les vains discours et de tous les vains amusements de ce monde. « Narraverunt mihi iniqui fabulationes suas, sed non ut lex tua. » C'est le sentiment que le S. Esprit inspire à tous ceux à qui il donne de l'amour pour sa sainte parole. Tous ces divertissements qui sont si agréables aux gens du monde leur sont une viande fade, dont ils ne sauraient manger, parce qu'ils n'y voient que du vide, du néant, de la vanité et de la folie; et {p. 487}qu'ils n'y trouvent point le sel de la vérité et de la sagesse. Ce qui leur fait dire avec Job qu'ils n'en sauraient goûter : « An poterit comedi insulsum quod non est sale conditum ? » Qui pourrait manger de cette viande qui n'a point de sel ?

Mais si l'âme au contraire s'abandonne à ces faux plaisirs, elle perd incontinent le goût des spirituels; et ne trouve que du dégoût dans la parole de Dieu. Ce sont ces raisins verts dont le Prophète dit qu'ils agacent et engourdissent les dents de ceux qui en mangent : « Omnis homo qui comedit uvam acerbam, obstupescent dentes ejus. » C'est-à-dire selon l'explication de S. Grégoire, que lorsqu'on se repaît des vaines joies du monde, les sens spirituels deviennent engourdis et incapables de goûter et d'entendre les choses de Dieu. « Qui praesentis mundi delectatione pascitur, interni ejus sensus ligantur, ut jam spiritualia mandere et intelligere non valeant. » Or entre les joies du monde qui éteignent l'amour de la parole de Dieu, on peut dire que la Comédie et les Romans tiennent le premier rang;, parce qu'il n'y a rien de plus opposé à la vérité, et que l'esprit de Dieu, comme dit S. Bernard, étant un esprit de vérité, ne peut avoir de part avec la vanité du monde. « Sed nec erit ei unquam pars cum mundi vanitate, cum veritatis sit spiritus. »

{p. 488}

XXVIII.
§

Dieu ne nous impute pas les froideurs qui viennent de la soustraction de ses lumières, ou simplement de la pesanteur du corps; mais il nous impute sans doute celles auxquelles nous avons contribué par notre négligence, et nos vains divertissements. Il veut que nous n'estimions rien tant que le don précieux qu'il nous a fait de son amour, et que nous ayons soin de l'entretenir en lui donnant de la nourriture. C'est le commandement qu'il a fait à tous les chrétiens en la personne des Prêtres de l'ancienne loi, auxquels il ordonne d'entretenir toujours le feu sur l'autel, et d'avoir soin d'y mettre tous les jours du bois le matin: « Ignis in altari semper ardebit, quem nutriet Sacerdos subjiciens mane ligna per singulos dies. » Cet autel est le cœur de l'homme, et chaque chrétien est le Prêtre qui doit avoir soin de nourrir sur l'autel de son cœur le feu de la charité, en y mettant tous les jours du bois c'est-à-dire, en l'entretenant par la méditation des choses de Dieu et par les exercices de piété. Or si ceux qui vont à la Comédie ont encore quelque sentiment de piété, ils ne peuvent désavouer qu'elle n'éteigne et n'amortisse entièrement la dévotion. Et ainsi ils ne doivent point douter que Dieu ne les juge très coupables d'avoir fait si peu d'état de son amour, qu'au lieu de le nourrir et de {p. 489}tâcher de l'augmenter, ils n'aient point craint de l'éteindre par leurs vains divertissements, et qu'il ne leur impute comme un grand péché le refroidissement, ou la perte de leur charité. Car si la dissipation des biens du monde et de l'or terrestre, par le jeu et par le luxe n'est pas un petit péché, que doit-on juger de la dissipation des biens de la grâce, et de cet or enflammé dont parle l'Écriture, que nous devrions acheter par la perte de tous les biens et de tous les plaisirs de la vie ?

XXIX.
§

Les Pères blâment comme une témérité dangereuse la conduite de ceux qui n'étant pas encore bien affermis dans l'amour de Dieu s'emploient avec trop d'ardeur dans les bonnes œuvres extérieures sous prétexte de charité; parce qu'il est difficile que l'esprit ne se dissipe beaucoup dans ces exercices : « In terrenis quippe actibus ; dit S. Grégoire, valde frigescit animus, si necdum fuerit per intima dona solidatus. » Si l'âme n'est fortifiée et affermie dans la vie intérieure par la grâce, elle se refroidit beaucoup dans les occupations terrestres et séculières. Quel jugement auraient-ils donc fait de ceux qui, étant encore faibles ne font pas néanmoins difficulté d'aller à la Comédie, qui dissipe plus l'esprit que les plus grandes occupations, et ne peut être excusée, ni par la charité, ni {p. 490}par le zèle, puisqu'on n'y recherche que le plaisir ?

XXX.
§

Personne n'approuverait sans doute qu'un Chartreux allât à la Comédie; parce que tout le monde voit assez l'extrême disproportion qu'a ce divertissement avec la vie sainte dont il fait profession: mais on n'est pas choqué de même de ce que plusieurs Chrétiens ne font pas difficulté d'y aller; parce qu'on ne connaît pas la sainteté à laquelle ils sont obligés par le vœu de leur baptême. On ne considère pas, comme dit S. Paulin, que par la grâce de ce sacrement ils ont été ensevelis avec Jésus-Christ; qu'ils ont fait vœu d'embrasser sa croix, de n'être plus vivants à eux-mêmes ni au monde, mais de faire vivre Jésus-Christ en eux. On ne considère pas que la vie chrétienne doit être non seulement une imitation, mais une continuation de la vie de Jésus-Christ, puisque c'est son esprit qui doit agir en eux, et par eux, et imprimer dans leur cœur les mêmes sentiments qu'il a imprimés dans le cœur de Jésus-Christ. Si on regardait la vie chrétienne par cette vue, on connaîtrait aussitôt combien la Comédie y est opposée ; et il ne faudrait point de raisons pour en convaincre ceux qui seraient persuadés de ces vérités capitales de notre religion; comme il n'en faut point pour {p. 491}convaincre un Chartreux instruit dans sa règle, que les divertissements profanes lui sont défendus.

XXXI.
§

Toutes nos actions sont dues à Jésus-Christ, non seulement comme à notre Dieu; mais comme à celui qui nous a rachetés d'un grand prix, pour nous obliger de le glorifier dans toutes nos œuvres, selon S. Paul. Il faut donc que toutes nos actions soient rapportées à sa gloire et qu'elles témoignent que nous sommes amateurs de Jésus crucifié, que nous aimons ce qu'il a aimé, et que nous haïssons ce qu'il a haï. Il faut enfin que nous puissions dire véritablement que nous les faisons pour lui et pour son amour. Or ne serait-ce pas se moquer de Dieu et des hommes, que de dire que l'on va à la Comédie pour l'amour de Jésus-Christ ? Que si cette disposition est essentielle au Christianisme, comme on n'en peut douter, il est visible que ceux qui fréquentent les Comédies ne sont pas et ne vivent pas dans l'esprit du Christianisme.

XXXII.
§

Si le Chrétien se considère comme pécheur, il doit reconnaître qu'il n'y a rien de plus contraire à cet état qui l'oblige à la pénitence, aux larmes, et à la fuite des plaisirs inutiles, que la recherche d'un {p. 492}divertissement aussi vain et aussi dangereux que la Comédie: et s'il se considère comme enfant de Dieu, comme membre de Jésus-Christ, illuminé par sa vérité, enrichi de ses grâces, nourri de son corps, héritier de son royaume; il doit juger qu'il n'y a rien de plus indigne d'une si haute qualité, que de prendre part à ces folles joies des enfants du siècle.

XXXIII.
§

La véritable piété ne peut subsister sans une crainte salutaire, que l'âme conçoit à la vue des dangers dont elle est environnée. Elle ne peut ignorer la puissance et la malice de ses ennemis, qui font la ronde à l'entour d'elle pour la dévorer, comme parle l'Écriture. Elle sait, comme dit saint Paulin, que toute la figure du monde passe et que toutes les créatures corporelles qui attirent nos cœurs par l'entremise de nos yeux, sont autant de rets dont le diable se sert pour nous prendre, autant d'épées dont il tâche de nous percer le cœur. Elle sait qu'elle marche au milieu de mille ennemis et de mille pièges, et qu'elle y marche sans lumière et sans force; parce qu'elle ne voit que ténèbres dans son entendement, que faiblesse dans sa volonté, que révolte dans ses sens. L'expérience de tant d'âmes qui se perdent à ses yeux, et le dérèglement général qui règne partout, lui fait connaître qu'il n'y a rien de plus rare, que la {p. 493}vertu chrétienne; rien de plus facile, que de se perdre; rien de plus difficile, que de se sauver. Comment pourrait-elle donc allier avec une crainte si juste de maux effroyables qui la menacent les vaines réjouissances du monde, et repaître son esprit de vains fantômes dont les Comédies le remplissent ? N'est-il pas visible que comme l'effet naturel de la Comédie est d'étouffer cette crainte si salutaire; aussi l'effet de cette crainte doit être d'étouffer le désir des divertissements inutiles; et de faire conclure à l'âme qu'elle a bien d'autres choses à penser et à faire dans ce monde, que d'aller à la Comédie : que le temps que Dieu lui donne est trop précieux, pour le perdre malheureusement dans ces vains amusements ? De sorte que lorsqu'elle s'y abandonne, il faut que ce soit en s'aveuglant soi-même, en perdant le souvenir de ces dangers, et en étouffant aussi cette disposition par laquelle le S. Esprit entre dans le cœur, et qu'il y entretient tant qu'il y demeure.

XXXIV.
§

Un des premiers effets de la lumière de la grâce est de découvrir à l'âme le vide, le néant, et l'instabilité de toutes les choses du monde, qui s'écoulent et s'évanouissent comme des fantômes, et de lui faire voir en même temps la grandeur et la solidité des biens éternels : et cette même {p. 494}disposition produit dans toutes les âmes chrétiennes une aversion particulière pour les Comédies; parce qu'elles y voient un vide et un néant tout particulier. Car si toutes les choses temporelles ne sont que des figures et des ombres sans solidité: on peut dire que les Comédies sont les ombres des ombres, et les figures des figures, puisque ce ne sont que de vaines images des choses temporelles, et souvent de choses fausses.

XXXV.
§

Le péché a ouvert les yeux aux hommes pour leur faire voir les vanités du monde avec plaisir: et la grâce du christianisme, en ouvrant les yeux de l'âme pour les choses de Dieu, les ferme pour les choses séculières, par un aveuglement beaucoup plus heureux que la vue malheureuse que le péché nous a procurée. C'est cet aveuglement salutaire, dit saint Paulin, que le Prophète demandait à Dieu, lorsqu'il dit : « Empêchez mes yeux de voir la vanité » ; et que le Seigneur préfère aux yeux clairvoyants des Juifs, lorsqu'il leur dit : « Si caeci essetis, non haberetis peccatum. » « Si vous étiez aveugles, vous n'auriez point de péché. »

Si nous sommes donc obligés en qualité de Chrétiens, de demander à Dieu, qu'il nous ôte les yeux pour toutes les folies du monde, dont la Comédie est comme l'abrégé; et qu'il nous en imprime la haine et l'aversion dans le cœur: comment {p. 495}pourrons-nous croire que nous puissions repaître nos yeux de ces vains spectacles, et mettre notre contentement en ce qui doit être l'objet de notre aversion et de notre horreur.

On n'a pas voulu rapporter en cet Écrit les passages des Pères, et des Conciles, qui condamnent la Comédie et les spectacles, ni faire voir qu'ils comprennent aussi bien les Comédies de ce temps que celles du temps des Pères : parce que l'on peut voir cela en d'autres écrits qui ont été faits sur le même sujet.

FIN.