1687

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5].

2017
Source : Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5]. §

Au Roy §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. I-XVIII

AU ROY.

Sire,

Je n’aurois pas mis l’auguste nom de Vostre Majesté à la teste de ce Volume, si l’on n’y trouvoit dans toutes les pages les transports ardens, & les témoignages respectueux du plus fort amour que jamais Sujets ayent eu pour leur Souverain. Il ne renferme que des actions de graces renduës à Dieu pour l’entier rétablissement d’une santé si précieuse à tout l’Vnivers, & des Festes qui ont marqué la joye que vos Peuples ont fait paroistre pour un bonheur si ardemment desiré. L’un & l’autre s’est veu de tout temps ; on a toûjours rendu des graces publiques dans tous les Temples, & elles ont esté ordinairement suivies de Festes éclatantes. Cependant, SIRE, dans une conjoncture pareille à celle-cy, on n’a jamais oüy parler de rien qui ait ressemblé en la moindre partie à ce qui vient d’estre executé par vos Peuples. I’en ay déja parlé pendant plusieurs mois, & quand j’ay crû cette matiere épuisée, elle m’a encore fourny dequoy remplir un Volume beaucoup plus ample que les precedens. Il n’est pas difficile d’en rendre raison. Iamais on n’a veu de Festes publiques, accompagnées de si glorieuses circonstances pour les Souverains, qui en ont esté l’objet. Quand les Villes suivoient autrefois les ordres qu’elles avoient là-dessus, les Corps & les Particuliers prenoient seulement part à l’allegresse publique ; mais aujourd’huy les uns & les autres se sont imposé les mesmes devoirs que les Villes entieres. Il est inoüy qu’on ait jamais decoré des Eglises en France, pour des actions de graces de cette nature, avec des ornemens qui n’ayent regardé que l’Histoire du Prince pour lequel elles ont esté renduës. C’est ce qui s’est fait pour V. M. Les Devises n’ont pas seules esté assez fortes au gré de la pluspart de vos Sujets, pour bien exprimer la grandeur de vos actions. Ils ont voulu que des Tableaux les representassent, sans que ces actions toutes merveilleuse, fussent voilées par ces ingenieuses obscuritez qui semblent les cacher aux Peuples, lors qu’elles les découvrent aux Sçavans, & ne vous pouvant à voir pour témoin de la ferveur de leur zele, ils ont placé le Portrait de V. M. dans tous les Temples où ils ont prié, & dans tous les lieux, où ils ont fait éclater leur joye ; afin que leurs yeux eussent le plaisir de voir le Prince, dont l’Image est si profondement gravée dans leurs cœurs. Mais, SIRE, tout cela n’approche point, encore de ce que leur zele ingenieux a inventé de nouveau en cette occasion. Iamais l’Eloge d’un Prince vivant n’avoit servy de matiere à des discours entiers, prononcez dans la Chaire de verité, & c’est ce qu’on vient de voir, presque dans toutes les Eglises de ce Royaume. On a crû (& on l’a crû avec beaucoup de raison) qu’un Monarque qui a dompté l’Heresie, estoit digne d’estre loüé dans un lieu où l’on n’a jusques icy entendu que les Eloges des Morts, & les Panegyriques des Saints Plus ces sinceres & brillants Portraits d’une partie de vos vertus, remplissoient les cœurs de la haute idée que chacun doit avoir de V. M. plus les prieres devenoient ferventes. Ceux devos Peuples qui ne sont pas d’un caractere à s’instruire par la lecture, des miracles d’une vie si glorieuse, & qui n’en sçavent souvent que ce qu’ils en entendent dire à leurs égaux, quoy qu’ils eussent pû s’imaginer de la grandeur de V. M. ont pour ainsi dire trouvé un nouveau Roy dans les loüanges qu’ils ont entendues, & envoyant de nouveaux sujets d’admiration pour eux, ils se sont sentis échauffez d’un nouvel amour pour V. M. Les Etrangers, chacun dans la Ville où il s’est trouvé, ont appris parce qu’ils ont oüy qu’ils ne vous connoissoient pas encore tout entier, & ces éloges prononcez en mesme temps par toute la France dans la Chaire de Verité, & par des personnes d’une pieté reconnuë, ont produit des effets que l’Histoire journaliere, à laquelle j’ay l’honneur de travailler portera jusque dans les pays les plus reculez. Ce n’est pas, il est vray, cette grande Histoire que l’on conservé dans toutes les Bibliotheques, & qui perce tous les Siecles ; mais cette Histoire, toute recherchée qu’elle est par les personnes d’un certain caractere, est neanmoins souvent inconnuë aux Peuples, parce qu’elle est au dessus de leur esprit. Mon ouvrage n’est qu’un Iournal Historique, pour lequel je m’étudie à chercher jusqu’à la moindre action de V. M. Comme il est simple & naturel, & qu’il ne paroist que par des morceaux assez courts pour estre lus, il est veu de tous les Peuples ; & à mesure que les actions de V. M. brillent à nos yeux, il les porte dans le fond des cœurs ainsi que dans le fond des plus éloignez Climats. Si tout ce que la joye du parfait retour de vostre santé vient de faire entreprendre à vos Peuples, n’a jamais eu d’exemple, c’est parce qu’il étoit juste qu’on fist quelque chose de nouveau pour un Monarque qui n’a jamais eu de pareil. Toute la France doit s’applaudir de s’estre servie de cette occasion pour faire connoistre à toute la Terre, jusqu’où va pour vous la force de son amour. Vous estiez bien redoutable, SIRE, par la grandeur de vostre courage ; par les justes mesures que vous prenez sur tout ce qui regarde la guerre, & par vos Troupes, toûjours prestes à executer vos ordres & toûjours victorieuses ; mais toute l’Europe doit vous trouver beaucoup plus à craindre, avec ce puissant amour de vos Peuples, qu’avec tous les avantages que je viens de marquer, & si vous aviez un aussi grand desir de conquerir l’Univers, que vous en avez d’y établir la tranquillité, il devroit plus apprehender, en vous voyant si generalement aimé d’une Nation si fidelle, si belliqueuse & si preste à vous ouvrir ses tresors, & à répandre son sang pour vous, que si vous estiez à la teste des plus nombreuses Armées, sans estre aimé autant que vous l’estes Mais, SIRE, pendant que le retour de vostre santé, a fait goûter à vos Peuples une joye si parfaite, & qui a éclaté de toutes manieres, vostre cœur en apprenant les Communions que les nouveaux Convertis ont faites pour V. M. presque dans toutes les Villes du Royaume, en a senty une si forte que la plus vive éloquence ne la pourroit exprimer. Je diray plus, SIRE ; il n’y a personne qui ne soit persuadé que s’il estoit besoin de souffrir encore une fois le même mal pour engager ceux dont le fond du cœur est peut-estre encore endurcy, à donner les mesmes marques d’une veritable Conversion, V. M. s’y exposeroit encore avec la mesme constance. Mais, SIRE, ce n’est pas icy le lieu de faire le Panegyrique de V. M. Une si vaste matiere demande plus d’étenduë, & ne m’estant proposé de vous parler dans cette Epistre, que du Livre que je prens la liberté de vous presenter, il est temps que je vous assure du profond respect avec lequel je suis,

SIRE,

De Vostre Majesté.

Le tres-humble, tres-obeïssant, & tres-fidelle serviteur & Sujet DEVIZÉ.

[Affiche en Vers] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 1-5

Ne soyez point surprise, Madame, de recevoir une Suite de ma Lettre de ce mois, puis que dans ce qui luy sert de premiere Partie, je n’aurois pû vous faire qu’une peinture imparfaite des saintes & galantes réjoüissances qui ont esté faites dans tout le Royaume, pour rendre graces à Dieu de l’entier rétablissement de la santé du Roy. Quoy que tous les Peuples de France ayent toûjours marqué beaucoup d’amour pour leur Souverain, ils n’ont jamais fait de Festes publiques dans les formes, & ausquelles les Magistrats ayent assisté en Corps, sans attendre des Lettres de cacher pour les commencer ; mais les transports de leur joye ont esté si grands en cette rencontre, qu’ils n’en ont pas esté Maistres. Ils ont cru qu’il leur estoit permis d’exprimer tout ce que sentoit leur cœur, puis que tous les mouvemens en estoient justes, & que se réjoüir sans en avoir d’ordre, c’estoit donner des marques d’une plus sincere joye, & d’un zele plus ardent. On n’a veu par tout pendant deux mois que des Affiches qui avoient pour titre, Prieres pour le Roy. En voicy une que fit un Particulier, & qui merite d’estre distinguée des autres.

Moy qui n’ay point de bien, quoy que de noble race,
Abandonné du sort, pauvre Enfant du Parnasse,
Qui vois avec plaisir tous les jours mille vœux
Pour nostre auguste Roy s’élever vers les Cieux,
Qui les vois exaucez par la santé parfaite
Qui plus de soixante ans encor je luy souhaite ;
Seul, dans mon Cabinet, admirant ses vertus,
Qui tiennent pour jamais les vices abattus,
Je ne fais point prier la Majesté suprême
Pour le plus grand des Rois, mais je le fais moy-mesme.

[Havre de Grace suivi d'un Récit de Basse]* §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 5-15.

Comme tout ce qui a de bons principes, & qui part veritablement du coeur, est rarement condamné, le Roy a fait connoistre qu'il regardoit tous les emportemens de joye que ses Sujets ont fait éclater, comme autant de marques de leur amour pour luy, mais aprés leur avoir laissé un libre cours pendant plusieurs mois, il a cru devoir faire finir, ce que l'on n'avoit point commencé par ses ordres, & sa seule bonté en a esté cause, puisqu'il a voulu arrester les dépenses d'un Peuple tellement occupé de sa joye, qu'il inventoit tous les jours de nouvelles Festes pour la marquer. Ces Festes ayant eu pour la pluspart une fort grande diversité dans leurs parties differentes, quand je vous décrirois encore une fois celles dont je vous ay déja parlé, je suis asseuré qu'elles vous paroistroient toutes nouvelles par quantité d'endroits qui ont échapé à ceux qui en ont d'abord envoyé des Relations. Le Havre en fournit un exemple bien digne de remarque. Je vous ay décrit si amplement toutes les réjoüissances que l’on y a faites, qu’on auroit pû croire que j’aurois plûtost ajoûté à cette grande Feste, que d’en avoir oublié quelque circonstance. Cependant il y manquoit beaucoup de choses, dont je ne sçaurois m’empescher de vous marquer icy quelques-unes, parce qu’elles sont fort singulieres. Mrs de Ville avoient fait écrire en gros caractere deux à trois mille Vive le Roy, qu’ils firent mettre à toutes les maisons des Habitans, & dans les lieux où ces deux mots pouvoient estre leus. La clarté des lumieres les fit remarquer de loin ; de sorte que de quelque costé que l’on se tournast, on avoit toûjours devant les yeux Vive le Roy, & ils estoient mesme placez d’une maniere, qu’on en pouvoit voir d’assez loin hors de la Ville. Ces objets presentez à la veuë de plus de quarante mille personnes déja excitées sans cela à crier Vive le Roy, faisant repeter ces mots en mesme temps dans tous les endroits de la Ville, formoient un Chœur auquel tous les Quartiers de la mesme Ville servoient d’Echo Comme on n’entendoit de tous costez que des cris de Vive le Roy, on crut que ces paroles devoient estre aussi mêlées dans les chansons, de sorte qu’on en fit plusieurs qui en estoient toutes remplies. Je vous en envoye seulement une, afin qu’aprés avoir crié Vive le Roy, dans les Festes qui se sont faites dans vostre Province, vous ayez le plaisir de l’y faire aussi chanter.

RECIT DE BASSE.

Avis pour placer les Figures : la Chanson doit regarder la page 10.
 Vive, vive le Roy, sa santé rétablie
 Remet ses Sujets hors d’effroy,
Et leur redonne à tous le repos & la vie,
  Vive le Roy, vive le Roy.
 Son heureux regne nous convie
De voir couler nos ans sans trouble & sans envie,
  Ce Heros ne fait rien pour soy,
C’est pour nous les beaux jours dont sa gloire est suivie.
 Faisons-nous une doute loy
 De chanter à jamais, Vive, vive le Roy.
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Les Echevins du Havre firent aussi orner la Statuë du Roy qui est placée vis à vis l'Hostel de Ville. Ils trouverent moyen de faire tenir une Figure de la Renommée en l'air, directement au dessus de la teste de Sa Majesté. Cette Renommée tenoit d'une main une Couronne de Laurier qu'elle posoit sur la teste du Monarque, & son autre main tenoit occupée par sa Trompette, dont la banderole étenduë faisoit voir des deux costez les mots : Vivat Rex. Quatre hommes representant parfaitement bien les quatre Parties du monde, & avec les habillemens qu'on leur donne, estoient aux pieds de la Statuë du Roy, & faisoient voir chacun dans des écriteaux & dans des Cartouches, Vivat ut vixit, avec les quatre Devises suivantes, dont les quatre faces estoient remplies. La premiere representoit un Soleil dans son Midy avec ces paroles, Sicut Sol in aethere. La seconde une Salamandre dans le feu avec ces mots, Sicut Salamandra in igne. On lisoit autour de la troisiéme qui faisoit voir un Phoenix en l'air. Sicut Phoenix in aëre. La quatriéme representoit une Immortelle sur la terre, & avoit pour ame, Sicut amaranthus in terris. Toutes ces paroles peuvent recevoir beaucoup d'explications, mais le sens de Mrs du Havre estoit que de mesme qu'il n'y a qu'un Soleil qui éclaire dans le Ciel, une Salamandre qui vit dans le feu, & une immortelle sur la Terre, le monde n'a aussi qu'un Louïs LE GRAND. Dans le mesme temps qu'on alluma le soir un feu de joye, la Statuë du Roy, & tous les ornemens qu'on y avoit ajoûtez se trouverent éclairez de plusieurs flambeaux placez tout autour, & beaucoup plus grands qu'à l'ordinaire. Tout le Peuple alla voir ce grand spectacle qui marquoit l'amour de la Ville, & sa veneration pour le Roy, & donna d'éclatantes marques de sa joye par ses Chansons & par ses Dances, accompagnées de Violons, de Hautbois, de Trompettes, de Boëtes, & de Canons. Les Etrangers, qui sont toûjours en grand nombre au Havre, remarquerent par ces Réjoüissances de quelle maniere le Roy est aimé par ses Peuples.

[Officiers du Siege General de la Table de Marbre du Palais à Roüen] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 15-27

Le Samedy premier jour de Fevrier, Mrs les Officiers du Siege General de la Table de Marbre du Palais à Roüen, firent une Feste des plus singulieres. L'Eglise des Cordeliers fut choisie pour les Prieres, & la Riviere & le Port pour le regale qu'ils donnerent au Public. Le jour qui preceda cette Feste, tous les Vaisseaux se rangerent par leur ordre au milieu de la Riviere. De plus de 150. qui estoient alors dans le Port, on en choisit sept, qui formerent une espece de demy-lune. Les autres se mirent sur deux Lignes, les uns à la droite & les autres à la gauche. Le premier des sept estoit le Chasseur, monté seulement de dix pieces de Canon. On en fit l'Amiral de la Flote, & rien ne fut épargné pour le parer richement. Il estoit commandé par le Sr Jean le Comte. Les deux autres qui suivoient à l'aisle droite, & à l'aisle gauche, estoient l'Invincible, & la Marie ; l'un commandé par le Sr Pierre le Comte, & l'autre par le Sr Loüis Serain, montez chacun de dix pieces de Canon. Les deux autres qui les suivoient estoient la Couronne & la Marguerite, montez chacun de douze pieces de Canon, & commandez par les Srs Georges Hais, & Jacques Durand. Il y en avoit deux autres pour l'arriere-garde. L'un estoit le Sr François commandé par le Sr François d'Olonne, & armé de huit pieces de Canon. L'autre estoit une Tartane, montée de douze pieces de Canon, & commandée par le Sr Bernard Cassier. Il y avoit encore plusieurs Pierriers et Boëtes sur ces Vaisseaux, ainsi que sur ceux des Lignes qui pour la pluspart avoient du Canon. On en avoit placé sur le bord l'eau douze pieces qui devoient répondre incessamment à ceux des Vaisseaux.

Le jour marqué, les Officiers se rendirent sur les onze heures à l'Eglise des Cordeliers au bruit des Tambours & des Trompetes. Le Lieutenant General de l'Amirauté avoit la droite le Lieutenant General des Eaux & Forests la gauche, & ils estoient precedez de leurs Greffiers, & d'une partie de leurs Huissiers, & suivis des Lieutenants Particuliers, & des Conseillers de chaque Siege. Le Procureur du Roy fermoit cette marche, suivy de l'autre partie des Huissiers, des Interpretes & des Facteurs de Maistres de Navires. Je ne vous dis point que l'Eglise estoit ornée de riches Tapisseries, & tres-bien illuminée. C'est ce qui s'est veu par tout, & que je ne repeteray point si quelque circonstance particuliere ne m'y oblige. Le Portrait du Roy estoit sous un Dais au dessus de la principale Porte de l'Eglise, avec cette Inscription dans un Cartouche. Sanitatis restitutae gratiarum action, & au dessus du Portrait on lisoit un autre Cartouche, Admirilitatis unâ & aquarum sylvarumque primi à supremis Judices. Au haut du Clocher estoit un Pavillon blanc & bleu, avec une flâme d'une prodigieuse longueur, & plusieurs Falots autours qui portoient pour Inscription Sanitatirestitute. Cette mesme Inscription se lisoit au Pavillon de l'Amiral & de tous les autres Vaisseaux. La Messe fut celebrée avec beaucoup de solemnité, & à l'Elevation le Canon qui estoit sur les Vaisseaux & sur le Port fit sa premiere décharge au signal qui en fut donné par une cloche. Il en fit une seconde lors que l'on chanta le Te Deum. Les Prieres achevées, les Officiers se rendirent sur le port, où plusieurs petits Bateaux plats, ornez de Pavillons & de Flâmes, les attendoient pour les porter à l'Amiral, dans lequel ils entrerent tous en Robe. Ce fut alors que les Canonniers au bruit des Tambours & des Trompettes firent les décharges, qui attirent un nombre infiny de Peuple. Le Pont de Bateaux qui passe pour un Ouvrage des plus merveilleux, se trouva si chargé de Spectateurs, qu'on eut peur qu'il ne rompist. On servit le disné sur les trois heures. Les Chambres qu'on avoit preparées dans le Vaisseau, furent le lieu où l'on donna ce Repas, & pendant ce temps, on entendit alternativement la Symphonie des Hautbois, des Violons & des Trompettes marines. On but à la Santé du Roy, & chaque fois qu'on y but, elle fut saluée de cent coups de Canon, qui furent toûjours suivis des cris & des acclamations du Peuple. On ne voyoit que de la fumée & du feu, & pendant trois heures on tira plus de deux mille coups. Le soir, on mit le feu au bucher. On l'avoit dressé sur un Bateau préparé exprés au milieu des sept Vaisseaux qui formoient la Demy-lune, & autour de ce Bateau, qui estoit des plus grands de la Riviere, il y avoit une infinité de Falots de fer, dont chaque pointe estoit garnie de cordons gaudronnez. Ces Falots estoient tous placez sur les bords du Bateau, à la hauteur du bucher, ave un nombre encore infiny d'autres Falots, dans lesquels on avoit mis des lumieres. Les deux Lieutenans Generaux accompagnez de Tambours & de Trompettes, descendirent dans le petit Bateau qui les avoit portez à l'Amiral, & après qu'ils eurent fait le tour du bucher, l'un & l'autre y mit le feu. Le Canon tira aussi-tost comme il avoit fait auparavant, & les acclamations du peuple recommencerent. Le bucher parut tout en feu presque en un instant. Les Falots qui estoient autour jettoient une clarté surprenante, & l'on eust dit d'une Isle embrasée qui flotoit sur l'eau. Les autres Vaisseaux se trouverent garnis aussi de lumieres depuis le haut jusqu'en bas. Ce Spectacle estoit accompagné de la lueur qui sortoit des Canons. C'estoit comme autant d'éclairs qui se mesloient au bruit du Tonnerre, & la Ville estant environnée de rochers & de montagnes, pour cent coups de Canon que l'on tiroit, les Echos en rendoient souvent plus de cinq cens. Le Bal se donna sur la Riviere dans les chambres de l'Amiral. Plusieurs Dames se hazarderent à monter dedans, & y prirent le divertissement de la Danse, tandis qu'un tres grand nombre de petits Bateaux, chargez de personnes de toutes sortes de conditions, & tres-bien illuminez, en venoient faire le tour, chacun voulant voir de prés ce qu'il avoit admiré de loin. Le bruit du Canon ne cessa point, & il y en eut plus de trois mille coups tirez pendant la nuit.

[M. Bertheaume, avocat au Parlement de la mesme Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 27-29

 

Les réjoüissances d'un Particulier de la mesme VilleIVoir aussi l'article précédent qui relate d'autres célébrations à Rouen., meritent bien d'avoir place icy. Mr Bertheaume, Avocat au Parlement, après avoir fait la ceremonie des Prieres avec sa Compagnie, traita magnifiquement le soir quarante de ses Confreres. Ce Repas fut précedé d'un grand feu devant sa porte, composé de trois charetées de gros bois. Il y mit le feu, accompagné de tous ses Amis, au bruit des Tambours, des Fifres & des Trompetes, auquel répondoit le son des Hautbois & des Violons. On distribua de l'argent à tous les Pauvres, & en mesme temps il sortit de la muraille une Fontaine de vin, qui coula par trois tuyaux, depuis huit heures du soir jusques à quatre heures du matin. Toute sa maison se trouva remplie de monde, & les rafraischissemens n'y furent épargnez à aucun de ceux qui en voulurent.

[M. le Bret, à Estrepagny] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 29-31

 

Le 24. du mois passé, Mr le Bret, cy devant Conseiller en Grand'Chambre du Parlement de Paris, fit chanter un Te Deum avec simphonie, au bruit de plusieurs décharges de Mousqueterie, dans l'Eglise d'Estrepagny prés Gisors. Il y avoit dans le Nef une maniere de Trône, où estoit le Portrait du Roy avec un Dais au dessus. Le soir, le mesme Mr le Bret mit le feu à un bucher au bruit des mesmes décharges. Outre les aumônes qu'il fit faire à tous les Pauvres, il fit une chose bien particuliere, qui fut le donner de quoy marier un nombre de Filles, afin que le souvenir de cette heureuse occasion de leur dot se pust conserver dans les Familles.Comme il ne trouva point de malheureux à soulager dans les Prisons d'Estrepagny, il procura la liberté de quelques-uns qui estoient dans celles de la Ville de Lyons-la-Forest, qui en est à 2 ou trois lieuës. & où il y eut aussi un Te Deum chanté, & des feux de joye faits par les soins de M. l'Abbé le Page, Curé de la Ville, & Frere du Pere le Page, Jesuite.

[Hostel-Dieu d'Andely] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 31-32

 

Le 9. Février Dame Esperance Dareres, Niece de Mr du Fay, Gouverneur de Fribourg, & Prieure de l'Hostel-Dieu d'Andely, petite Ville à trois lieuës d'Estrepagny, dont je viens de vous parler, fit chanter dans son Eglise une Messe solemnelle, & le Te Deum par toute sa Communauté. Elle alla ensuite en Procession allumer un grand feu dans la Court de l'Hospital, & fit faire force aumônes avec une distribution de vin à quantité de personnes des Villages circonvoisins.

[M. de Tourville, Major du Regiment de Villars] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 32-33

 

Comme les Officiers des Troupes se sont distinguez en cette occasion par tout où ils se sont trouvez, Mr de Tourville, Major du Regiment de Villars, fit aussi chanter un Te Deum le 16. du même mois dans le Village de Thuy, voisin de la mesme Ville. Le Curé du lieu, âgé de 88 ans, officia, & n'oublia rien pour marquer la joye.

[Discours prononcé par M. d'Uzez] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 33-47

 

Le 9 Février le Te Deum fut chanté dans toutes les Paroisses du Diocese d'Uzez. Celuy de la Cathedrale fut précedé d'un Discours, que Mr Poncet de la Riviere, Evesque d'Uzez, fit à la louänge de Sa Majesté. Vous sçavez, Madame, que c'est un Prelat tres éclairé, tres-zelé, parfaitement honneste homme, & d'une conduite qui édifie tout le monde. Voicy ce que l'on a pû retenir de son Discours.

La nouvelle de la maladie du Roy, mes chers Auditeurs, s'est répandüe jusqu'au bout du monde. Comme il a porté la gloire de son nom & la terreur de ses Armes au delà des Mers, foudroyant les Villes des Souverains rebelles à ses ordres, & réduisant en cendres les retraites des Pirates, tous les Peuples ébloüis de sa gloire & intimidez par sa valeur, estoient dans l'attente du succés de son mal, pendant que toute la France (& nous pouvons dire toute l'Eglise) poussoit des soûpirs vers le Ciel, & versoit des larmes en abondance, voyant osuffrir son Protecteur & son Souverain, le plus juste, le plus grand, & le plus parfait de tous les Rois. Mais Dieu qui regarde cet Empire d'un oeil favorable, & qui soutient les interests du Fils aisné de son Eglise, a rendu la santé à ce Monarque. Elle est si bien rétablie, qu'il semble que la Divine Providence ne luy ait envoyé l'indisposition dont il a été attaqué, que pour éprouver si son ame seroit aussi grande &aussi belle dans le mal & dans la douleur, qu'elle a toûjours paru dans le bonheur & dans la prosperité. L'épreuve en a esté faite, Messieurs, & le Roy a expose son Corps & sa vie avec la mesme fermeté qu'il a voulu autrefois sacrifier son bras pour la reunion de ses Sujets à la véritable Eglise; mais ce Sacrifice n'a pas esté plus loin que celuy d'Abraham. Dieu s'est contenté de sa volonté, & sans qu'il luy en coûte ny le bras ny la vie, il a la satisfaction de voir tous ses sujets Catholiques, & sa santé parfaitement rétablie. Pirates, Corsaires, recommencez à pendre la fuite. Souverains, Puissances jalouses de notre gloire, recommencez à craindre. Peuples mutinez, ennemis de l'Etat, recommencez à tremblez, LOUIS LE GRAND se porte bien. Mais vous, François, Peuples heureux, qui viez sous les loix de ce grand Prince, redoublez vos actions de graces, faites éclater vostre joye & retentir les Echos des Montagnes de vos allegresses, LOUIS LE GRAND se porte bien. Et vous, fameuse Renommée, qui faites vivre les hommes Illustres jusqu'à la fin des Siecles, volez, allez publier par tout la Santé de celuy dont toutes les actions font autant d'emplois pour vous, & servez-vous pour Trompette, de la bouche de cette jeune Noblesse de l'un & de l'autre Sexe, qui luy doit l'éducation & la subsistance. Servez-vous de celle des Pirates dont il a reduit en cendres les fameuses Retraites ; Servez-vous de celle de ces Souverains, qui sont venus au pied de son Trône reconnoistre son pouvoir, & implorer sa clemence. Servez-vous de celle de ces Peuples presque Barbares qui sont venus de l'extremité du Monde, pour voir de leurs yeux ce Heros Autheur des prodiges ; servez-vous de celle des Ambassadeurs qui partent pour retourner dans des Pays presque inconnus pour nous, satisfaits d'avoir veu ce qu'il y a de plus parfait sous le Ciel.

Mais quoy, mes chers Auditeurs, toutes ces bouches étrangeres seront-elles ouvertes en faveur de nostre Monarque, toute la France sera-t-elle en Joye, toutes les Eglises & les Dioceses en Prieres, sans y joindre les nostres en actions de graces? Nous avons autrefois chanté des Te Deum pour l'heureuse naissance des Fils de France, nous en avons chanté pour les succés heureux & surprenans des Armes du Roy, toûjours favorables à ses Alliez, toûjours terribles aux Princes jaloux de sa gloire ; nous en avons chanté pour les Batailles gagnées, pour les Conquestes des Villes & des Provinces entieres ; n'en chanterons-nous pas pour la Santé de celuy qui est l'Autheur de toutes ces merveilles, qui renferme en luy tout le merite des Princes qu'il a donnez à la France, que nous pouvons prendre en quelque façon pour la victoire mesme, puis qu'il n'a jamais fait un pas sans elle, & qui semble n'avoir donné la Paix à toute l'Europe que pour livrer la guerre à ce monstre d'Erreur qui nous a si longtemps désolez, & que nous voyons aujourd'huy terrassé oar sa valeur? Animez-vous donc, fidelles sujets d'un si grand Roy. Joignez vos voix, mes chers Diocesains, avec celles de tous vos compatriotes, qui au moment que je parle unissent leurs coeurs en action de graces. Gentilshommes, Magistrats, Marchands, Peuples fidelles, élevez vos coeurs à Dieu, renouvellez vos souhaits & vos voeux. Il s'agit de la conservation de celuy qui donne le repos à vos Familles, & la seureté à vos Champs & à vos Terres. Nouveaux Catholiques, rendez graces au Ciel de la Santé de celuy qui a esté seul capable de former le dessein de vous ramener à la veritable Eglise, parcequ'il a esté luy seul assez sage pour le concevoir, assez genereux pour l'entreprendre, assez heureux pour l'exectuer. Prestres, Ecclesiastiques, Religieux, élevez vos chants, faites monter vos Oraisons vers le Ciel comme un encens odoriferant. Il s'agit de la conservation du Fils aisné de l'Eglise, du Restaurateur de la Foy, de l'Exterminateur de l'Heresie. Si vous avez esté attentifs à tous les momens de sa vie auguste, vous avez pû compter les années de la décadence & de la chute de ce Monstre d'erreur par celles du regne de cet Invincible Monarque. Musiciens, redoublez vos accords, élevez vos tons & vos chants mélodieux, faites retenir de nostre joye les échos de ces Montagnes, & qu'ils redisent avec nous cent & cent fois, LOUIS LE GRAND se porte bien. Pour moy, mes chers Auditeurs, je croiray m'estre acquité de mon devoir, si aprés avoir joint mon coeur & mes voeux avec les vôtres, je finis avec la pensée de ce fameux Romain, qui voyant l'Empire dans son plus grand lustre disoit, qu'il ne falloit plus prier pour en augmenter les bornes, mais seulement pour conserver celles qui avoient esté conquises. Le Roy a élevé cet Empire à un si hait degré de gloire que tous nos voeux ne doivent plus tendre, qu'à le maintenir dans la splendeur qu'il luy a donnée ; mais encore plus à la conservation de sa sacrée Majesté, que nous ne demanderions pas à Dieu avec tant d'instance, si la vertu & le merite pouvoient donner l'immortalité.

Après le Salut, qui fut chanté par une tres-belle Musique, Mr l'Evesque d'Uzez, à la teste de son Clergé, alla mettre le feu au bucher que l'on avoit preparé par son ordre à la place de l'Evesché. Il estoit accompagné des Magistrats & de quantité de Gentilshommes. Le bruit des Boëtes & des Tambours fut suivy d'un agréable spectacle de Fusées volantes, & d'autres feux d'artifice. Il y avoit dans la mesme Place une Fontaine de vin avec des Tables couvertes, qui entretinrent la joye & les acclamations du Peuple le reste du jour & toute la nuit. Toutes les personnes de marque qui avoient assisté à cette action, ayant esté invitées à souper chez Mr l'Evesque, remplirent trois Tables de quatre-vingt couverts. L'une estoit pour le Chapitre & pour le Clergé ; l'autre pour les Gentilshommes, & la troisième pour les Magistrats, & pour les plus considerables de la Ville. La Santé du Roy fut beuë solemnellement au bruit d'une grande Musique, des Tambours, des Boëtes, & des décharges reïterées du Regiment de Bretagne. Les Gentilshommes nouveaux Convertis, qui s'y trouverent au nombre de trente-deux, donnerent à ce Prelat de nouvelles asseurances de fidelité au service du Roy, qui avoit pris soin de les ramener à la veritable Eglise.

[Parlement de Toulouse] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 48

 

Le 14. de Fevrier le Parlement de Toulouse fit celebrer une Messe, & chanter le Te Deum dans la Chapelle du Palais, & dans la grande Salle de l'Audience, qui estoit ornée de plusieurs Tableaux, où les Victoires de Sa Majesté estoient peintes. Mr l'Evesque de Cahors officia. Tous les Officiers du Parlement estoient en robes rouges, & les Presidens avec leurs Manteaux de ceremonie.

[Tresoriers de France de la mesme Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 48-49

 

Le 17. du mesme mois, les Tresoriers de France en cette Generalité, firent aussi chanter la Messe & le Te Deum en Musique dans la Chapelle Royale de Saint Barthelemy, au son des Trompetes, & au bruit des Fauconneaux, & de la Mousqueterie, ce qui fut suivy le soir d'une distribution de toutes sortes de vins, & d'une grande Illumination aux fenestres, aux tours, & aux creneaux de la Tresorerie.

[Capitouls] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 49-61

 

Le lendemain les Capitouls qui representent toute la Ville en general, firent la mesme Feste dans l'Hostel de Ville [de Toulouse]. La court estoit tenduë de bleu. Sur le haut du grand Portail, par où l'on entre dans le Vestibule, on avoit posé un grand Tableau, où estoit peint un Soleil avec cette inscription.

DEO

OPTIMO, MAXIMO

Servatori

D. D. D.

Octoviri Capitolini

P. Q. TOLOSE

ob restitutam

LUDOVICO MAGNO

NALETUDINEM,

Et conservatum Nobilitati

PRINCIPEM

Magistratibus Legislatorem

POPULO PATREM,

ORBI PERPETUUM MIRARACULUM

Au dessous estoient peints huit Heliotropes avec cette Inscription.

Nous regardons toûjours celuy qui nous a faits.

Et à costé de ces Tournesols estoient peintes les Armes des Capirouls, quatre de chaque costé. Ces Magistrats entendoient marquer par cette representation, que le Roy leur ayant fait l'honneur de les nommer, ils se croyoient aussi dans une particulière obligation, de tourner incessamment leurs voeux vers Sa Majesté. Sur les piliers des Portiques l'on avoit posé des Cartouches, où estoient les Inscriptions suivantes.

DEO EXERCITUUM

ob servatum Regem,

Hostium, & sui semper

Victorem

GRAT. IMMORT.

 

DEO PACIS,

ob servatum Regem Pacis

studiosum & Arbitrum,

GRAT. IMMORT.

 

DEO LEGIFERO,

ob servatum Regem Juris

Authorem ac vindicem,

GRAT. IMMORT.

 

DEO ZELOTI,

OB SERVATUM REGEM

Fidei apud fuos & Exteros

Propagatorem,

GRAT. IMMORT.

Le Vestibule par où l'on entre dans le lieu où ils font leurs Assemblées, & qu'ils appellent le grand Consistoire, estoit tendu de riches Tapisseries. Jugez des soins que l'on avoit pris pour orner le Consistoire. L'Autel estoit magnifiquement paré, & les gradins élevez d'environ deux toises, estoient chargez d'une infinité de cierges, de Miroirs & de Bouquets. La Messe fut celebrée par Mr l'Evesque de Comminge, & le Te Deum chanté en Musique. Les huit Capitouls revestus de leurs robes & de leurs manteaux de ceremonie y assisterent, accompagnez de tous les anciens Capitouls & des Officiers de Ville, avec un grand concours de peuple. Au sortir de là, ils traiterent ce Prelat, & ses Assistans avec une partie des anciens Capitouls. Il y eut deux Tables de trente couverts, & l'on y but la Santé du Roy aux fanfares des Trompetes, & au bruit des Tambours & de plusieurs salves de la Compagnie du Guet. Sur les six heures du soir, les Capitouls en habits de ceremonie, precedez de la mesme Compagnie du Guet, se rendirent à la Place de Saint Georges, pour estre presens au Feu d'artifice qu'ils avoient fait élever au milieu de cette Place. Le dessein de ce Feu estoit pris du cinquiéme Livre de l'Illiade, où le Dieu Mars se voyant blessé, s'adresse à Jupiter, qui luy envoye Pan. Ce Medecin des Dieux le guerit. Hebé, Déesse de la Jeunesse, luy redonne sa premiere vigueur, & luy presente des habits precieux & agreables. Toutes ces Figures en bosse, & de grandeur naturelle, posoient sur un Echafaut d'environ deux toises de hauteur, & d'autant en carré, entouré d'une balustrade, autours de laquelle estoient representées les Devises suivantes.

Un Soleil dans des nuages, avec ces mots Espagnols, Escondido, y no escurecido.

Un Soleil qui par l'ombre du stile marque dix heures sur une Montre, & ces mots, Il n'a pas achevé la moitié de sa course.

Une partie du Ciel avec la voye Lactée, & ces mots, Heroum via vulnere fulget.

Un soleil dans des nuages, Haec inter, munda non negat officium.

Une Grenade couronnée & le mot, Sta bene al capo perche mostra il cuore.

Un Soleil sortant d'un nuage, & le mot, N'esce piu bello.

Un Soleil avec quelques taches,

Afflicto spirat reverencia vultu.

Un Soleil dans des vapeurs élevées de la terre,

Ce que j'éclaire m'obscurcit.

Toutes ces Devises & ces Inscriptions estoient de la composition du P. Roques Jesuite, connu de toute la France par son esprit & par son erudition. Ce Feu fut tiré au bruit des Boëtes, des fusées, & autres pieces d'artifices, auquel se joignit celuy des Trompetes, des Hautbois, des Tambours, & de la Mousqueterie de la Compagnie du Guet. Le mesme soir, il y eut une grande Illumination à toutes les fenestres de l'Hostel de Ville & sur le Donjon, & tous les Habitans de Toulouse, par l'ordre des Capitouls, allumerent des feux devant leurs maisons, avec des Illuminations aux fenestres. Mr de Nolet, Tresorier de France, se distingua par une grande Illumination qu'il fit au devant de la sienne avec plusieurs Devises à l'honneur du Roy. Les Boutiques furent fermées pendant tout le jour dans toute la Ville, & le lendemain des Magistrats firent faire une grande distribution de pain & de vin. Quelques jours auparavant le Corps de la Bourse commune des Marchands avoit fait faire une semblable Ceremonie avec beaucoup de magnificence, dans la Chapelle qu'ils ont au Cloistre de l'Eglise des Jacobins. Elle fut suivie d'un feu d'artifice dans le Place qui est au devant de la Maison de la Bourse.

[Jesuites de Poitiers] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 61-76

 

La Cathedrale de Poitiers ayant chanté le Te Deum le 26. de Janvier, les Jesuites de la mesme Ville qui ont des raisons particulieres de signaler leur zele pour le Roy, parce que leur College est un College Royal, & de la Fondation de Sa Majesté, resolurent de donner des marques distingués de la part qu'ils prenoient à la joye publique. Il firent orner le grand Pavillon & les Clochers de Drapeaux & de Guidons, & le 3. de Fevrier, jour choisy pour cette Feste, tous les Peres dirent la Messe de la Trinité en action de graces. A huit heures du matin les Ecoliers, qui sont au nombre de douze à treize ans, depuis la seconde Classe jusqu'à la Cinquiéme, vinrent deux à deux, suivis des Regens, entendre la Masse que celebra le Pere Recteur. Ensuite ils communierent de sa main avec beaucoup de devotion & de modestie, pendant que la Musique chanta un tres-beau Motet. Les Ecoliers de Rethorique, de Philosophie, & de Théologie, succederent aux premiers, qui s'estoient retirez dans le mesme ordre qu'ils estoient venus. La Musique chanta la Grand'Messe, Mr Rabreüil, Doyen de Saint Pierre, & Grand Vicaire, officiant solemnellement. A l'Offertoire, le Pere Chesnon, l'un des Professeurs de Theologie du College, & Docteur de la Faculté, prononça en presence de ce qu'il y a de plus choisy dans la ville, un fort beau Discours sur le sujet de la Feste. Comme ce Pere a infiniment de l'esprit, de la politesse, & de ce feu d'imagination qui donne au choses un tour également délicat & élevé, il traita sa matiere avec beaucoup d'éloquence & de dignité. Son Texte fut, Confitebor tibi in Nationibus, Domine, & nomini tuo Psalmum dicam, magnificans salutes Regis. Il fit voir que la Grace que le Ciel venoit de nous accorder par le rétablissement de la Santé du Roy, estoit la grace la plus propre à asseurer le bon heur de la France, parcequ'elle conservoit l'Auteur & le principe de la félicité; qu'elle ; qu'elle étoit la grace la plus favorable à nos inclinations, parce qu'elle conservoit un Prince qui est l'amour & les délices de son Peuple, & enfin qu'elle estoit la grace qui fait le plus d'honneur à nos voeux & à nos Prieres, parce qu'elle conservoit le plus grand Monarque du Monde. A la fin de cette Messe, on communia comme on avoit fait à l'autre ; les Jesuites les premiers, & les Ecoliers ensuite. Enfin la Musique chanta le Te Deum, pendant lequel on fit une décharge du Canon de la Ville. Le soir on recita sur le Theatre du College quantité de belles Poësies Françoises, Latines, Italiennes, Espagnoles, Angloises, qui ne faisoient toutes qu'un Corps, & qu'une action fort reguliere. L'on commença par des Actions de graces au Ciel ; on se réjoüit de son Present, on s'en promit mille nouveaux avantages. Un Sphinx proposa plusieurs Devises sur la Santé du Roy, divers Oedipes les expliquerent, & l'on finit par des voeux pour la conservation de Sa Majesté. Cette action fut égayée d'un tres-beau Balet. Le Dessein estoit la joye publique. Celle de la France en general, donnoit lieu à une Entrée. En voicy les Vers.

PREMIER DANCEUR.

Du bonheur des François un Demon envieux
Changea nostre Esté, nostre Automne
En un Hyver affreux.
On n'y vit ny Cerés, ny Flore, ny Pomone,
On n'y vit pas un de leurs jeux.
Est-il quelque plaisir en France,
Peut-on s'y croire en asseurance,
Peut-on n'estre pas tout en pleurs,
Quand LOUIS est dans les douleurs ?

SECOND DANCEUR.

Mais cet Esté, cet Automne si belle,
Un destin favorable en Hyver les rappelle,
Il haste le retour des douceurs du Printemps ;
Tous les François gais & contens
Ne songent qu'aux Jeux, à la Dance.
Qui peut se refuser les plus doux des plaisirs,
Que permet l'innocence,
Lors qu'on voit remplir ses desirs ?
Dançons, sautons au son de la Musette ;
De vos charmans Concerts
Faites, Hautbois, retentir l'Univers,
Le Roy joüit d'une santé parfaite.

La joye des Courtisans en particulier faisoit la seconde Entrée.

PREMIER DANCEUR.

Un Soleil eclipsé qui se remontre aux yeux,
Et qui redonne à la Nature
Cet éclat precieux
Qui fait sa plus belle parure,
Ne réjoüit pas tant nos sens
Que le Roy réjoüit ses zelez Courtisans
En leur remontrant son visage.
Les Roses & les Lis par un bel assemblage
En son teint réunis,
Montrent que sous ses maux se sont évanoüis.
Ah ! s'il falloit encore essuyer quelque orage,
Qu'il retombe sur nous, & non pas sur LOUIS.

SECOND DANCEUR.

Et son Peuple & sa Cour souffroient plus de sa peine
Que luy-mesme n'en put souffrir,
Nostre esprit estoit à la gêne.
Combien en ont pensé mourir ?
LOUIS dans sa douleur extrème
Estoit seul égal à luy-mesme,
Et tout comme en santé brilloit de cent vertus.
Tout est passé ; n'y pensons plus.
Dissipons nos chagrins par nos réjoüissances,
Ne songeons qu'aux jeux & aux dances.

La troisième Entrée estoit le Triomphe des beaux Arts.

PREMIER DANCEUR.

Tout souffre, tout languit, tout est en défaillance
Si le Pere du jour cesse son influence ;
Mais tout revient, tout reprend coeur,
Dès que de l'obstacle vainqueur
Le Soleil de ses feux fait sentir la puissance.
Grand Roy, Soleil des beaux esprits,
Le Pere des beaux Arts, du Monde la lumiere,
Lors qu'un affreux nuage obscurcit ta carriere,
On nous y vit ensevelis.
Interdits & sans éloquence,
Sans esprit sans science
Sans haleine & sans voix,
Nous n'osions chanter tes exploits.
Mais qui le pourroit croire ?
Dés que le Ciel accorde à nos voeux, à sa gloire,
De te revoir brillant de toute ta splendeur
Chacun sent revenir sa vertu son ardeur.

SECOND DANCEUR.

Les Arts plus soigneux de luy plaire,
Plus sçavans à mieux faire
Du Couchant au Levant vont porter ses hauts faits,
Et disposer toute la Terre
A le regarder dans la Guerre,
A le regarder dans la Paix,
Comme un Prince où Dieu mesme gravé tous ses traits.

Le Triomphe des Vertus faisoit le sujet de la quatrième Entrée.

PREMIER DANCEUR.

Quand l'Eclipse à nos yeux dérobe le Soleil
Il ne perd rien de sa lumiere,
Ny de cet éclat sans pareil
Qu'il a dans sa noble carriere ;
Toûjours il luit pour soy,
Et c'est ainsi, grand Roy,
Que cette sublime sagesse
De tous tes mouvemens éternelle Maistresse,
C'est ainsi que la pieté
La justice, la foy, le zele & la bonté
Embellirent toûjours ton ame,
C'est ainsi que la charité
Mesme dans tes douleurs te brûla de sa flâme.

SECOND DANCEUR.

Aprés tous, sa vertu reserrée en son cours
D'une forte Santé demandoit le secours ;
Le Ciel enfin à nos voeux favorable,
Nous l'accorde à propos.
Que ne nous promet pas maintenant ce Heros ?
Déjà je vois voler son zele incomparable
Jusques à la source du jour.
Attendons tout du pur amour,
Qui pour le Roy des Roys le coeur du Roy consume.
Oüy, l'on peut l'esperer sans que trop on presume,
Que malgré l'obstacle des Mers
LOUIS fera tant par son zele,
Que l'on verra bien-tost fidelle
Un des grands Roys de l'Univers.

 

Je serois trop long si je rapportois les desseins & les récits des autres Entrées. Ce spectacle attira une foule prodigieuse de personnes de toutes conditions. Les acteurs furent extremement applaudis, & parmy les jeunes gens de qualité qui on estoient en grand nombre, deux des Enfans de Mr de Verac, Lieutenant de Roy, se distinguerent aussi bien que le Fils de Mr Foucault, Intendant de la Province. On finit la Feste sur les six heures par des Illuminations aux Clochers, aux Pavillons & à toutes les Fenestres, & par un Feu d'artifice qui réüssit tres-bien, parmy la décharge du Canon, les fanfares des Trompettes, le bruit des Tambours, & les Concerts des Hautbois & des Violons.

[Senez] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 76-81

 

Mr l'Evesque de Senez ayant convoqué l'Assemblée Generale de tout le Clergé de son Diocese en Synode, chanta le Te Deum solemnellement dans sa Cathedrale le 20. de Février. La Ceremonie commença par l'Installation des sept Chanoines nouveaux que ce Prelat a fondez de son propre, & qui ont esté confirmez par Lettres Patentes, le nombre de huit anciens ne suffisant pas pour faire le Service Divin dans cette Eglise. Mr l'Evesque celebra la Messe pontificalement, assisté des deux Chapitres, ancien & nouveau, aprés quoy il prononça le Panegyrique de Sa Majesté, sur le mesme Texte, & sur la mesme division de l'Oraison Synodale qui venoit d'estre faite par un des Ecclesiastiques du Diocese. Le Te Deum fut chanté ensuite par la Musique de la Cathedrale, tout le Clergé, & le Peuple repetant chaque Verset. Tous les nouveaux Convertis du Diocese, qui estoient en estat de venir à cette Ceremonie y assisterent, ainsi que cent Pauvres, dont la moitié avoient esté habillez aux despens de ce Prelat, & l'autre moitié à ceux du Clergé & du Chapitre? Ces cent Pauvres avoient chacun un Cierge à la main. Au sortir du Te Deum on fit une aumône generale à tous les Pauvres qui se presenterent suivant la publication qui en avoit esté faite huit jours auparavant dans tout le Diocese, & toutes les pauvres Filles orphelines de la Ville de Senez qui se trouverent avoir occasion de se marier, furent dotées par Mr l'Evesque, qui traita tout le Chapitre, & défraya tout le clergé du Diocese. Sur le soir aprés les Vespres où tous les nouveaux Convertis assisterent encore les cent Pauvres, Mr de Senez alluma le Feu de joye dans la grande Place au devant de la Cathedrale, & posa ensuite la premiere pierre du Piedestal qu'on doit élever d'une toise & demie, & qui est destinée pour la Statuë du Roy de neuf pieds de haut, à laquelle on travaille actuellement aux despens de ce Prelat. Elle sera d'une pierre plus belle, plus solide & plus durable que le marbre. Cette pierre qui s'est trouvé dans le Diocese, & que ceux du Pays appellent Frejau, resiste eternellement à toutes les injures du temps, & il s'en trouve encore des Ouvrages entiers qui ont esté faits par les Romains.

[Chaumont en Bassigny] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 81-85

 

Les Prieres de quarante heures qui avoient esté ordonnées à Chaumont en Bassigny, petite Ville dans la Province de Champagne, furent terminées le 2. de Fevrier par une Procession Generale, où tous les Officiers de Judicature chacun en leur rang & dans l'ordre de leur Juridiction marchoient à la droite, ayant à leur teste Mr le Moine, Lieutenant General du Bailliage, & à la gauche Mr le President Denys, nouvellement éleu à la charge de Maire suivy de tous les Officiers de Ville. Le Te Deum fut chanté dans l'Eglise Collegiale par deux Choeurs de Musique qui se répondoient, & l'on en sortit au bruit d'une décharge de plus de mille coups de Mousquet & de cinquante coulevrines. Cette décharge se réïtera plusieurs fois jusqu'à la nuit, au commencement de laquelle Mr le Maire & Mrs les Officiers de Ville s'estant rendus en la grande Place, on mit le feu au Bucher qu'on y avoit préparé. Quatre bataillons postez dans les quatre coins de cette Place, & distinguez par leurs Livrées differentes, vinrent à la charge tour à tour, tandis qu'un nombre infiny de fusées volantes produisoient en l'air des étoiles lumineuses, qui par leurs heureuses dispositions formoient ces mots, Vive LOÜIS LE GRAND. Les Dames qui estoient aux fenestres, & sur des Balcons pour joüir de ce Spectacle, eurent encore un autre plaisir. On leur presenta des Bassins de Confitures seches en pyramides avec des Liqueurs de toutes sortes. Mr le Lieutenant General donna le soir un grand Bal, où toutes les Dames de qualité du Bassigny & de la Ville avoient esté invitées. Madame sa Femme en fit les honneurs, & la propreté du lieu & des Illuminations ne se firent pas moins remarquer, que la somptuosité de la Collation qui y fut servie.

[Caën] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 99-103

 

La Ville de Caën fit de pareilles Réjoüissances avec un zele extraordinaire le 26. de Janvier. Le Canon du Château annonça par plusieurs coups réïterez la solemnité de ce jour avant qu'il parust. Les Armes & les Chiffres de Sa Majesté furent les principaux ornemens de l'un & de l'autre grand Portail de l'Eglise de S. Pierre. L'industrie paroissoit avec la magnificence, dans la disposition des Tapisseries & des lumieres qui formoient un agreable Spectacle. La Messe fut celebrée par Mr l'Evesque de Bayeux. Tous les Corps de la Ville y assisterent, ayant à leur teste Mr de Gourgues, Intendant de la Generalité de Caën. Les Officiers du Regiment du Roy, accompagnerent Mr le Marquis de la Luzerne comme Lieutenant de Roy en cette Province. Il estoit escorté de la Noblesse du Pays, & Mr le Chevalier du Monchevreüil, par son exemple aussi bien que par ses ordres, luy fit rendre tous les honneurs qui estoient deux à son Caractere. Le Te Deum qu'on chanta sur les quatre heures, fut suivy d'un feu de joye & d'Illuminations dans toute la Ville, pendant que le Canon faisoit diverses décharges, ausquelles le Regiment du Roy sous les Armes répondoit de son costé. Il y eut deux Fontaines de Vin qui coulerent en deux endroits differens, à la porte de Mr de Gourgues, qui avoit donné un magnifique repas. Mr le Marquis de la Luzerne termina la Feste par un grand soupé & par le Bal. Mrs de Ville traiterent aussi quantité de personnes considerables, & ce ne fut pas sans faire entendre souvent le bruit du canon.

[S. Jacques de Compiegne] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 104-106

 

Le 6. du mesme mois [février], les Marguilliers de la Paroisse de S. Jacques de Compiegne, dans laquelle est situé le Château du Roy, firent rendre les mesmes actions de graces avec beaucoup de solemnité. Mr le Curé y contribua de tous ses soins, & marqua beaucoup de zele. Mr le Lieutenant General & autres Officiers de Justice, Mrs les Echevins & les Officiers & Chevaliers des Jeux de l'Arquebuse, de l'Arbalette, & de l'Arc, assisterent a cette Ceremonie, ainsi que tous les Corps des Mestiers, qui s'estoient rendus chacun dans leur Chapelle, ornée magnifiquement à l'envy les uns des autres. Il y eut Grand'Messe, Salut, & Procession, où tous les Ecclesiastiques & toutes les personnes considerables porterent des Cierges avec les Armes du Roy. La Processions fut suivie du Te Deum, aprés lequel on alluma un grand Feu, pendant que le bruit des Boëtes informoit la Ville de cette réjoüissance.

[Religieuses de la Visitation de Sainte Marie de la mesme Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 106-107

 

Le 10. les Religieuses du Monastere de la Visitation Sainte Marie de la [Ville de Compiegne], fondé par sa Majesté, & par la Reyne Anne d'Autriche, chanterent le Te Deum, ayant chacune un Cierge à la main. Elles firent ensuite un Feu de joye composé de quatre Pilastres avec leurs Portiques ornez d'Armes & de Chifres du Roy, le tout terminé par une grande Couronne fleurdelisée, d'où quantité de Fusées partirent.

[Nouveaux Convertis de la mesme Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 107-108

 

Dans le mesme temps, les nouveaux Convertis [de Compiègne] zelez particulierement pour le Roy qui les a mis dans le chemin du salut, firent faire des Prieres solemnelles, & chanter le Te Deum par les Religieux de l'Abbaye Royale de Compiegne, dans la Chapelle de l'Hermitage de la Croix du Saint Signe, à l'entrée de la Forest, qui est un lieu signalé, à cause qu'on y conserve une partie du Saint Suaire, qui fut apporté par le Roy Charles le Chauve. Il y eut ensuite un Feu de joye allumé par Mr Guillebert de Launay, Subdelegué de Mr l'Intendant, & Maistre des Eaux & Forests, au bruit des Boëtes, des Tambours & des Trompettes, & au son des Violons, Musettes, Fifres, & divers autres Instrumens. Comme ce jour-là le temps estoit doux & fort serein, on donna la Collation & le Bal aux Dames au bord de cette Forest.

[Mrs de la Ste Chapelle de Vivier] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 109

 

Le 2. de Février, Mrs de la Sainte Chapelle du Vivier en Brie, chanterent le Te Deum, aprés lequel Mr le Trésorier alluma un feu de joye au bruit de plusieurs pieces d'Artillerie, & au son des Hautbois & des Musetes. Cette joye fut continuée plusieurs jours & plusieurs nuits au mesme lieu du Vivier, & dans les Villes voisines.

[Fontenay en Brie] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 109-115

 

Le mesme jour [le 2 février] Mr du Bois de Carcé, Prieur de Fontenay en Brie, ayant assemblé ses Paroissiens aprés qu'on eut finy l'Office du jour, leur dit, que comme Chrestiens zelez pour leur Religion, & comme Sujets fidelles du plus grand des Rois, il les exhortoit de joindre ses Prieres aux siennes, pour obtenir la conservation des jours de Sa Majesté ; qu'estant tous unis du mesme esprit, & pour un dessein si juste, il ne doutoit poit que Dieu n'exauçast leurs voeux, puis qu'en luy demandant une longue suite d'heureuses années pour ce grand Monarque, c'estoit le prier pour sa propre gloire, & pour celle de son Eglise.Il s'etendit ensuite sur les merveilleuses actions du Roy, sur ce qu'il avoit donné la Paix à l'Europe, & détruit l'Heresie en son Royaume, & il ne finit que pour entonner le Te Deum. Lors qu'on l'eut chanté, les Tambours donnerent le signal à deux cens hommes qui étoient sous les Armes, & qui firent aussi-tost une premiere décharge de Mousqueterie. Elle fut soûtenuë du bruit de cent Boëtes, qui estant placées dans les plus hauts lieux de la Tour de cette Eglise, se firent entendre à plus de trois lieuës aux environs. Ce Prieur ayant commencé l'Exaudiat, marcha en Procession avec tout son Clergé, qui fut suivy du Maire & des Echevins, jusqu'à un Feu qu'il avoit fait élever vis à vis de l'Eglise. Ce Feu avoit 50. pieds de hauteur sur 20. pieds de large, & il estoit soutenu d'une forte Charpente peinte, & toute semée de Fleurs de Lys. Autour éstoient des Tableaux, où l'on avoit peint une épée, & un Bouclier avec ces mots, Au Destructeur de l'Heresie, & au Protecteur de la Religion. Quantité de Couronnes de laurier & de lierre, & plusieurs branches de Pin artistement mises, couvroient le Bucher d'une verdure agreable? Il representoit un Chesne vert, qui par sa durée & son élevation estoit la figure d'une longue vie, que l'on souhaitoit à Sa Majesté. Le haut de cette espece de Chesne estoit couronné par un Ange, pour marquer que les Conquestes du Roy venoient du Ciel. Le Feu estant allumé, les Mousquetaires firent une seconde décharge, à laquelle il fut répondu par les mesmes Boëtes. La Tour parut tout en feu par le nombre des flambeaux, falots & lanternes qu'on y alluma dans le mesme temps. La Procession rentra dans l'Eglise, où l'on chanta un Motet & une Oraison en action de graces. Il se fit une troisiéme décharge, & Mr le Prieur de Fontenay fit distribuer trois cens Bouteilles de vin. Sa naissance ne le distingue pas moins que son merite. Il est Neveu de Mr du Bois du Menillet, Conseiller de la grand'Chambre. Les Mousquetaires pour marquer leur joye danserent au tour du Feu & le Mousquet sur l'épaule, au son des Fifres & des Tambours. Leur Danse quoy que rustique, avoit je ne sçay quoy de guerrier qui fut fort plaisant à voir.

[Crecy en Brie] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 115-116

 

Le 9. 10. & 11. de Fevrier, il y eut Prieres de Quarante heures dans l'Eglise du Monastere Royal de Mondenis, étably en la Ville de Crecy en Brie en 1641. par le feu Roy, sous l'Invocation de la Créche de Jesus, à laquelle ce pieux Monarque avoit une devotion particuliere. Pendant ces trois jours la Communion des Religieuses fut generale, & le dernier elles chanterent le Te Deum avec autant de magnificence que leur état le pouvoit permettre. Elle firent aussi des distributions de pain aux Pauvres.

[Grenoble] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 116-127

 

Mr le Cardinal le Camus, Evesque de Grenoble, fit aussi chanter le Te Deum dans sa Cathedrale le 16. de Janvier, & tout son Clergé, à qui la douleur avoit jusque-là arraché des larmes, n'en versa plus que de joye. Le Parlement en fit chanter un en Musique le 29. du même mois, dans la Chapelle du Palais. Il y assista en robes rouges, & quatre Conseillers Clercs officierent à la messe que celebra le plus ancien. Le lendemain la Chambre des Comptes fit faire la mesme chose dans sa Chapelle, & envoya de grandes aumônes aux Prisonniers. La mesme Ceremonie fut faite aussi ce jour-là par le Bureau des Finances, dans la Congregation des Gens de qualité, établie chez les Jesuites. La Musique y fut soûtenuë par une Harmonie tres-agreable de differens Instrumens. La Chancellerie du Parlement s'acquita du mesme devoir dans l'Eglise de Ste Claire, où le Bailliage de Gresivodan fit aussi chanter un Te Deum le I. de Février. Ce Te Deum fut accompagné d'un tres-beau concert de Violons ; ainsi que celuy du Juge Royal & Episcopal, & des Elus de Grenoble, qu'ils firent chanter le 3. Je ne dis rien de ceux des Procureurs au Parlement, des Notaires, & de tous les Corps des Arts & Métiers ; chacun d'eux s'est signalé en differentes Eglises. Le 2. du mesme mois les Consuls & les Officiers de Ville s'estant rendus dans la Cathedrale, vestus de leurs robes Consulaires, & suivis d'une affluence extraordinaire de peuple, y firent chanter un Te Deum en Musique, avec une Simphonie de Violons, de Hautbois, & autres Instrumens. Le soir tout l'Hostel de Ville fut illuminé, & on alluma un grand feu dans la Place qui est devant cet Hostel. Le 4. Les Officiers de la Milice ayant marché quatre à quatre jusqu'à l'Eglise des Dominicains, y rendirent les mêmes actions de graces. Le 5. Mr Bouchu, Intendant, dont l'esprit est aussi propre à inventer les plaisirs, qu'il est prompt pour les Affaires, donna une Feste qui fit connoistre sa joye. Il est logé en l'Hostel de Lesdiguieres, où est une grande Salle dont le Lambris est doré. Deux rangs de bancs l'un sur l'autre qui regnent tout autour de cette Salle, furent couverts de Tapis de Turquie ; & les chaises que l'on mit devant, furent cloüées au Parquetage, afin qu'on ne pust changer la ligne qu'elle faisoient. Au bout de la Salle estoit un Amphitheatre à douze étages. On assembla tous les Violons de la Ville, pour rendre la Simphonie plus éclatante. Le Bal commença aprés un magnifique Repas, & il ne finit qu'à cinq heures du matin. On l'interrompit en presentant aux Dames une collation de Confitures, d'Oranges, de Citrons, & de fruits qui furent accompagnez de differentes liqueurs. Il y avoit un lieu pratiqué dans le coin de la Sale, où l'on prodigua le Vin au Peuple. Les Dames qui ne voulurent point dancer, occuperent une partie de l'Amphitheatre, & le Peuple se tint derriere des Barrieres, qu'on y avoit fait construire en divers endroits. Le 7. Mr le Comte de Tessé, qui commande les Troupes en cette Province, & dont le merite, la naissance & la valeur sont connus de tout le monde, donna un Bal dans l'Hostel de Ville, où les hommes & les femmes parurent masquez, & où personne n'entra qu'il ne le fust. Il sembloit que toutes les Nations s'estoient assemblées. On vit des habits de toutes manieres. Les Indiens, les Turcs, les Barbares, les Perses, les Sauvages de l'Amerique, & enfin tous les Peuples de l'Europe parurent dans la Sale ; où l'on dansa avec ce qu'ils ont de plus superbe dans leurs vestemens. On commença le Bal sans que personne se fust reconnu ; & après que l'on eut quitté le masque tout parut en joye. Pour la mieux solemniser, il y avoit une grande & longue Table, ornée d'un riche Bufet & garnie de quantité de bassins de confitures & de semblables douceurs. Quoy que l'on mangeast & bust souvent, jamais ce delicieux Bufet ne fut dégarny. Le 15. on chanta encore un Te Deum. Ce fut celuy de la propagation de la Foy. La Musique & les Hautbois y firent un Concert tres-agreable. Plusieurs jeunes Enfans nouveaux Convertis parurent vestus en Genies avec des couronnes de Laurier, & firent le tour de cette Maison precedez par les Hautbois. Il y en avoit cinq qui portoient les Armoiries de France, de Dauphiné, de Bourgogne, d'Anjou & de Berry, sur des Corbeilles d'argent pour representer la Maison Royale, & ils allerent offrir cette auguste Maison à Dieu, en mettant ces Corbeilles & ces Armoiries sur l'Autel. Le soir un Portrait du Roy, qu'on avoit mis sur la porte de l'Eglise, fut illuminé par des bougies dans des Lustres de cristal, & dans plusieurs bras d'argent. L'on attacha les Armoiries autour du Portrait, & l'on mit au devant toutes les Couronnes de Laurier qu'avoient porté les Genies. Le 16. fut le jour choisi pour les Avocats du Parlement. Après la Messe solemnelle celebrée dans l'Eglise Cathedrale de Nostre-Dame, & à laquelle trois Conseillers Clercs du Parlement de Grenoble, Chanoines de la mesme Eglise officierent, ils firent chanter le Te Deum en Musique. Le soir ils donnerent sur le Pont de Pierre le divertissement de quelques feux d'artifice, dont une partie brûla sur l'eau. Pendant ce temps les Violons joüerent sur une terrasse du Parterre de l'Hostel de Lesdiguieres, qui regne le long du Quay qui aboutit à ce Pont. Il y eut aussi des Concerts de Voix.

[Montelimart] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 127-129

 

Le 10. à Montelimart Mr de Colombez, Doyen de l'Eglise Collegiale de Sainte Croix, fit couler au devant de sa maison une Fontaine de Vin, depuis midy jusques à trois heures qu'on chanta le Te Deum. Le Bataillon de Bourbonnois qui estoit en quartier dans cette Ville se mit sous les armes, & les Tambours solemniserent la Feste avec grand bruit, qu'on ne fit cesser qu'afin qu'on oüist les Violons. Les Ecclesiastiques & toutes les personnes considerables jusqu'aux Dames mesme, burent du Vin de cette Fontaine à la santé de Sa Majesté. Ce mesme Doyen fit distribuer aux Pauvres quantité de Vin, & trois Corbeilles, de pain. Le Bataillon de Bourbonnois fit trois décharges. Celuy qui le commandoit délivra quelques Soldats qu'on avoit mis en prison pour les fautes Militaires.

[Lettre en Prose & en Vers contenant toutes les Prieres, & les Réjoüissances faites à Aix par toutes les Compagnies, tous les Corps, & les Particuliers] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 129-165

 

La Lettre qui suit vous apprendra ce qui s'est passé à Aix en Provence. Elle est de Mr de Tremplery, Gentilhomme de la mesme Ville, à une Dame de ses Amies, à laquelle il rend compte des ceremonies du Parlement, de la Cour des Comptes, & de divers autres Corps. Le hazard m'ayant fait tomber cette Lettre entre les mains, je vous en envoye une copie.

 

A MADAME DE ***

 

D'Aix le 17. Février 1687.

 

Dites-moy, Madame, he vous prie, quel peché avez-vous fait qui puisse vous obliger à une si rude penitence, que de demeurer à la Campagne tandis que toute nostre Ville éclate de joye pour l'heureuse guérison de nostre grand Roy? Quoy? voulez-vous par vostre retraite imiter la Madeleine en sa seconde vie, sans l'avoir imitée en sa premiere, ny avoir donné aucune matiere pour fonder vostre penitence; car enfin si j'exepte les rigueurs dont j'ay à me plaindre, quelle autre faute pouvez-vous avoir à expier? D'ailleurs, Madame, quelle raison avez-vous euë de passer le Carnaval dans un desert, où toutes les Saisons ressemblent fort au Carême, & de vouloir estre sage dans un temps où la coûtume veut que tout le monde soit fou? Est-ce vivre que de mourir d'ennuy? Quelle difference mettez-vous entre estre caché dans une maison champêtre, & estre enfermé dans un tombeau? Enfin, ne serez-vous pas respeonsable envers Dieu du mauvais usage que vous faites de ces appas, par qui l'on peut vous mettre en parallele avec les Astres mesme les plus éclatans.

Mais si vostre beauté si brillante & si rare.
Veut qu'au Soleil on vous compare,
Je n'ay garde pourtant de tenir ce discours;
Cette comparaison seroit trop mal receuë,
Le Soleil paroist tous les jours,
Et vous, depuis long-temps on ne vous a point veuë.

Cependant j'aurois aujourd'huy une belle occasion de me vanger de vos injustices, en vous privant du plaisir d'apprendre les grandes Festes qui se sont données en cette Ville ; mais neanmoins je veux bien vous donner ce contentement, quoy que je n'en aye jamais receu aucun de vous, & que je n'aye à vous remercier d'autre chose, que de m'avoir appris à supporter patiemment les rigueurs d'une insensible.

Je vous diray donc, que Vendredy 7 de ce mois Mrs du Parlement penetrez de plaisir pour la guerison de nostre Grand Prince, & ne pouvant plus contenir une joye qui cherchoit à se répandre, s'assemblerent dans le Palais, où ils delibererent de faire des actions de graces & des réjoüissances publiques, & témoigner par là que les grandes joyes ne sont pas muettes comme les grandes douleurs.

Le matin du Lundy suivant, qui étoit le Lundy-gras, la Grand' Sale du Palais, au bout de laquelle est la Chapelle de Messieurs, fut tenduë de riches Tapisseries qui en ostoient le jour, & où l'on voyoit éclater par tout les Armes du Roy. Le Platfond & les Lanspaniers estoient d'un drap bleu brodé de Fleurs de Lys, d'où pendoit une multitude de Lustres. Les deux aîles de cette Salle estoient occupées de deux rangs de sieges égaux relevez sur un long marchepied, pour Mrs les Magistrats, & au dessous regnoient deux autres rangs de sieges pour les Dames. Sur la porte de la Chapelle estoit le Portrait du Roy à cheval, & au fond de la Salle qui est opposé à la Chapelle, on avoit dressé deux Amphitheatres, l'un pour la Musique, & l'autre pour les Violons & les Hautbois ; au dessus il y avoit une maniere de Iubé pour les Trompetes, les Fifres, & les Tambours. Mais, Madame, ce qui est le plus remarquable, c'est que tout cela fut dressé presqu'en aussi peu de temps qu'il en faut pour le décrire, & avec aussi peu de préparation, que si c'eust esté par les mains des Fées, & par un pur enchantement.

Quand toutes les bougies des Lustres, des Girandoles, & des Bras qui regnoient à distances égales autour de la Tapisserie, furent allumées, & qu'à leur clarté se joignit l'eclat des Dames, ce lieu ainsi déguisé sembloit mieux le Palais d'Armide que le Palais du Parlement. Il paroissoit plus propre à gagner des coeurs que des Procés. Enfin, il falloit avoir l'imagination bien forte pour se persuader, que c'estoit le Tribunal de la Justice plûtost que celuy de l'Amour, & qu'on y décidast d'autre fortune que de celle des Amans.

Sur les dix heures Mrs du Parlement, qui estoient assemblez dans deux Chambres, & avoient ordonné que toutes les Boutiques de la Ville seroient fermées, entrerent en Corps & en robes rouges dans la Grand'Salle au nombre de soixante-huit, précedez de leurs Huissiers avec la Masse, & de tous les Archers conduis par Mr le Prevost de Laurens ; les Presidens ornez de leur Manteau-Royal, & leurs Mortiers sur la teste, & les Conseillers, & les Gens du Roy couverts de leurs Bonnets. Après qu'ils eurent pris leurs places, Mr de la Berchere, nommé par le Roy à l'Archevesché de cette Ville, & depuis peu à celuy d'Alby, parut revestu de ses Habits Pontificaux, la Mitre en teste, précedé de tout son chapitre, & alla s'asseoir dans la Chapelle sous un Dais qu'on luy avoit préparé. Ensuite ayant celebré la Messe, le Te Deum fut chanté en Musique, & fut suivy de tous les Instrumens dont j'ay eu l'honneur de vous parler, & au bruit desquels se joignit un cry general de Vive le Roy, qui sortit plûtost du coeur, que de la bouche du peuple. Mr l'Archevesque, & son Chapitre s'estant retirez, Mrs du Parlement se leverent, & sortirent de ce beau lieu pour entrer dans la Grand'Chambre.

Mais, Madame, si ce que je vous ay dit vous a causé de l'étonnement, ce qui me reste à dire vous donnera de l'admiration, & avec elle un regret mortel de ne vous estre pas trouvée en cette Ville pour une Feste si pompeuse, & de vous estre amusée à donner à manger à vos poules & à vos dindons dans un temps où l'on ne donnoit à manger icy autre chose aux Valets & aux Porteurs.

Vous sçaurez donc, que le soir du mesme jour, les Fenestres de toutes les ruës furent illuminées. La Place qu'on appelle des Prescheurs qui est devant le Palais, & en laquelle on avoit dressé le Feu de joye & des Theatres pour les Violons & pour la Musique, fut toute tenduë de Tapisseries de diverses fabriques ; & aux fenestres du Palais & de toutes les Maisons qui regardent cette Place parut une telle illumination, qu'elle empescha de regreter la clarté du jour qui commençoit à disparoistre, ou plûtost il sembloit que le Soleil eust laissé tous ses rayons dans cette Place.

Cependant Messieurs du Parlement, qui s'estoient rassemblez au Palais sur les six heures du mesme soir, furent se placer dans la grand'Salle aux mesmes Sieges qu'ils avoient occupez le matin, & firent chanter en Musique dans leur Chapelle un Exaudiat qui fut commencé par Mr de Barreme Conseiller-Clerc, homme distingué par sa pieté,& par son merite.

Dés que l'Exaudiat fut finy, le Parlement en Corps & en Robes rouges se mit en marche & sortit du Palais au son des Trompetes, des Fifres, & des Tambours, les Presidens ayant leurs Mortiers sur la teste, & les Conseillers leurs Bonnets, & chacun portant un gros flambeau de Cire blanche allumé, precedez des Huissiers, des Archers, & de quarante-neuf Pauvres que le Parlement avoit fait habiller de juste-au-corps bleus & de haut-de-chausses rouges, ayant choisy ce nombre en memoire des quarante-neuf ans de l'âge heureux de nostre incomparable Monarque.

En cet estat & en rang de deux à deux, ils entrerent dans la Place des Prescheurs, & aprés en avoir fait le tour, ils se rangerent en cercle autour du Feu qui estoit preparé. Mr le Premier President Marin, ayant salué le second President qui estoit à sa gauche, commença à mettre le feu avec son flambeau, & aussi-tost tous les autres Magistrats successivement & observant la mesme Ceremonie acheverent d'allumer le feu.

Alors la Musique, les Violons, les Hautbois, les Trompettes, les Fifres, & les Tambours, joints aux longs cris du Peuple, formerent un bruyant mélange qu'il seroit mal-aisé de définir, & firent une de ces voluptueuses confusions qui sont préferables aux choses les mieux ordonnées. Les Boëtes qu'on avoit mises devant le Palais, firent un bruit qui auroit paru épouvantable en toute autre occasion. Le Feu d'artifice commença à joüer & lança dans les airs tant de brillantes fusées, qu'elles avoient dequoy disputer d'éclat avec les Astres qu'elles sembloient attaquer. Enfin, Madame, Il ne fut jamais de nuit si belle ny si ennemie du sommeil, & sur ma parole la nuit dans une pareille occasion seroit mal appellée la mere du calme & du silence. Pour moy, je fus enchanté d'un spectacle si surprenant, & je vous avouë à ma confusion, que je fis une chose qui ne m'estoit jamais arrivée depuis que j'ay l'honneur de vous connoistre, c'est que je ne pensay point à vous durant un quart d'heure. J'espere que vous pardonnerez cette condamnable distraction à l'aveu sincere que je vous en fais.

Cependant Mrs du Parlement se retirerent au Palais dans le mesme ordre & par la mesme marche qu'ils estoient allez à la Place des Prescheurs ; & de là ils furent tous souper chez Mr le Premier President, qui fit une dépence extraordinaire, & digne d'une occasion si éclatante. Comme toutes ses actions sont magnifiques, le Repas ne pouvoit manquer de l'estre ; mais ce qu'il y eut de plus agreable & de meilleur goût, ce furent les brillantes & ingenieuses plaisanteries que l'excés de sa joye & la vivacité de son esprit luy firent dire pendant le Soupé, & qui furent un second regale pour la Compagnie. Le Repas ne finit que pour commencer le Bal. Les Dames étoient en grand nombre, & si belles & si richement parées, que les bougies sembloient n'emprunter leur lumiere que de leurs pierreries & de leurs yeux. Toutefois, Madame, s'il faut vous dire mon sentiment touchant ces charmantes Belles.

Bien que de mille appas chacune fust pourveuë,
Et donnast dans les coeurs un rigoureux assaut.
Il me sembloit de voir en chacune un défaut,
Mais ces défauts n'estoient que pour vous avoir veuë.

La premiere Courante fut dancée par Madame la Marquise d'Oppede, qui parut comme un bel Astre qui donna bien de la peine aux autres à soûtenir leur éclat en sa presence. La connoissance que vous avez, Madame, de la profondeur de son esprit, de la finesse de son discernement, de la grandeur de son ame, & de la grace de ses manieres, m'épargne l'embarras où je serois pour décrire tous ses avantages. Madame la Marquise de Bruë, & Madame de Piolenc, Soeurs de Mr le Marquis d'Oppede, se firent remarquer entre les autres par leur bonne mine, aussi facilement que s'il n'y eust qu'elles seules.

Enfin cette celebre soirée se termina par des Feux de joye que fit chaque particulier devant la porte de sa Maison, & par des illuminations en toutes les ruës qui ne furent effacées que par le retour du Soleil. Outre ces Feux particuliers, il y en eut encore de distinguez. Mr le Premier President en fit dresser un devant sa Maison qui n'estoit borné que par la largeur de la ruë. Mr le President de Cornillon en fit de mesme. Mr le Conseiller de Mazangues fit armer le quartier, & alluma luy-mesme en Robe rouge avec un flambeau de Cire blanche le feu qu'il avoit fait preparer devant la Maison. Mr le Conseiller de Guidy plein d'ardeur pour son auguste Maistre, & ayant sucé avec le laict ce zele dont feu Mr son Pere a donné tant de marques dans les Commissions qu'il a exercées, fit éclater ce mesme zele par un grand Feu de joye, par des illuminations dont la façade, de sa Maison fut éclairée, & par des Fontaines de vin invitoient à boire les naturels les plus sobres. Mr le Marquis de Bruë, Procureur General du Roy, & M de Saint-Martin Avocat General, ne donnerent pas de moindres témoignages de leur attachement pour nostre Monarque, & de leur joye pour le retour de sa precieuse Santé, non plus que le reste du Parquet. Les Dames s'en sont meslées, car Madame la Presidente de Bandol, Femme d'une distinction particuliere, & Veuve d'un des plus galans hommes du Royaume, estant logée dans une Maison où quatre ruës aboutissent, & forment une Place, au milieu de laquelle il y a une Fontaine, fit dresser un Arc de Triomphe en chacun des quatre coins, & tapisser toutes les Maisons voisines, & après avoir allumé un Feu de joye qu'elle avoit fait preparer devant la sienne, on vit joüer avec tant d'éclat un Feu d'artifice posé autour de la Fontaine, qu'il sembloit que le feu & l'eau fussent ce soir là de la meilleure intelligence du monde. Cela fut accompagné des fanfares des Trompetes, & d'une décharge de Mousquets, & se termina par un Soûpé & par un Bal, où l'on ne pouvoit rien ajoûter pour la magnificence.

Mais, Madame, quelle apparence y auroit-il, que vous ayant entretenuë des réjoüissances de Mrs du Parlement, ie ne vous parlasse point de celles de Mrs des Comptes qui sont encore moins recommandables par leur dignité que par leurs personnes, & qui tirent moins d'éclat de la splendeur de leur pourpre, que de la droiture de leurs ames. Je remplirois donc mal vostre curiosité & mon devoir, si je ne vous disois que Mrs de la Chambre des Comptes & Cour des Aydes (vous sçavez que ces deux Juridictions sont unies dans cette Province) voulurent témoigner par des marques publiques & éclatantes, qu'ils n'ont pas moins d'ardeur & de zele que le Parlement pour la Personne sacrée de nostre puissant Monarque, & pour l'heureux rétablissement d'une Santé d'où dépend toute la destinée de son Peuple. Mrs les Commissaires nommez par la Cour pour la conduite de cette grande Feste, s'en acquiterent avec tant de diligence, qu'ils executerent dans les deux jours qu'ils avoient pour s'y preparer, ce que d'autres n'auroient pas seulement proietté dans un si court espace, de sorte que le Mardy-gras qu'on avoit destiné pour la solemnité de cette celebre journée, toutes choses furent disposées dans une perfection qui ne laissoit rien à desirer.

Au milieu de la Court qui est au-devant de leur Appartement du Palais, on avoit élevé sur trois bassins differens, une haute Fontaine de Stuc qui poussa durant tout le jour un Jet de vin d'une élevation prodigieuse. L'Emblême estoit un Soleil qui meurissoit un raisin, autour duquel on lisoit ces paroles, Post lacrymas. Cette Court fut toute couverte d'une Tente, contre laquelle les rayons du Soleil ne faisoient pour la percer que d'inutiles efforts, & là mille Bougies supleoient admirablement à la clarté du jour. Deux rangs de Tapisserie l'un sur l'autre regnoient sur toutes les murailles de cette Court, & n'estoient interrompus que par de grands Pilastres à distances égales. De là on voyoit au devant de la porte de la grand'Salle un Arc de Triomphe qui soûtenoit une Renomée, portant d'une main les Armes du Roy, & de l'autre un Drapeau avec cette Inscription, Domine, Salvum fac Regem. Cet Arc de Triomphe estoit embelly de Trophées d'Armes, où l'on lisoit, ces paroles, Dico opera mea Regi, & encore de divers Emblémes, inventez par Mr André Conseiller en la mesme Compagnie, en un desquels estoit representée l'Envie revestuë des habits de Calvin qui s'abîmant dans la Mer, prioit Thétis de retenir le Soleil dans ses ondes. Cette Déesse méprisoit sa priere, & le Soleil se levoit de l'eau plus resplendissant que jamais avec ces mots: Lux orbi restitua. dans un autre Emblême on voyoit Hercule allumant son flambeau au Soleil pour brûler les testes de l'Hydre avec ces paroles pour ame, Secura victoria.

Je ne doute point, Madame, que vous qui vous interessez à la gloire du Roy, vous n'ayez pas envie de sçavoir ce que ces mots Latins signifient.Je pourrois bien les tourner icy en François, mais j'ay juré de ne vous les expliquer qu'en cette Ville pour vous donner quelque sujet d'y revenir, & jusque-là ces Emblêmes seront des Enigmes pour vous. Il y en avoit encore plusieurs autres dont je ne vous feray aucune mention oour vous parler de la grand' Salle de Mrs où la Ceremonie se devoit faire.

Elle fut toute tapissée de Fleurs de Lys ; les sieges de Messieurs y étoient dressez sur un long marche-pied, & au bout de cette Salle on avoit élevé deux grands Theatres fleurdelisez, l'un pour la Musique, & l'autre pour les Violons & les Hautbois. Les bougies qui estoient allumées dans des Chandeliers de Cristal, des Bars & des Plaques d'argent, faisoient l'objet le plus agreable dont on puisse regaler les yeux. Sur la porte de la Chapelle, qui est aubout de cette Salle, paroissoit le Portrait de LOUIS LE GRAND, environné d'une infinité de bougies, qui sembloient s'efforcer d'ajoûter leurs lumieres à celle dont brille avec tant d'éclat l'auguste Visage de ce grand Monarque. Mais rien n'estoit égal à la beauté de la Chapelle. Elle estoit tenduë d'une Tapisserie d'un Velours cramoisy, dont les frises, la pente & les Pilastres estoient de Velours ciselé à fond d'or, & sur laquelle on voyait des Tableaux si admirables, que les yeux ne regretoient point les endroits de cette riche Tapisserie que leur cachoient ces Tableaux. A un costé de cette Chapelle on avoit élevé sur trois marches une estrade pour Mr l'Archevesque, tapissée d'un Damas cramoisy à crépines d'or, & le Dais de mesme ; & de l'autre costé on avoit placé des sieges pour Mrs du Chapitre.

Le mesme jour, sur les dix heures du matin, Messieurs sortant du premier Bureau au carillon de toutes les Cloches, & au bruit des Tambours & des Trompetes, entrerent le Bonnet sur leurs testes dans la Grand'Salle qui estoit pleine des personnes les plus qualifiées de l'un & de l'autre Sexe, les Presidens revestus de robes de Velours noir, & leurs Bonnets fourrez d'Hermine, les Conseillers en robes rouges, & leurs Bourrelets noirs fourrez de mesme; les Auditeurs & les Correcteurs revestus de Damas noir, & les Gens du Roy comme les Conseillers.

A peine furent-ils dans leurs sieges, que Mr l'Archevesque arriva, precédé de ses Aumôniers & de tout son Chapitre, & se plaça dans la Chapelle, où il officia pontificalement. Durant la Messe la Musique, la Simphonie & les Violons remplirent leur devoir d'une maniere à donner de grandes distractions aux amateurs de l'Armonie ; & lors que la Messe fut achevée, & que le Te Deum eut esté chanté, Mr l'Archevêque se retira avec son Chapitre, & Mrs les Magistrats repasserent au premier Bureau.

Sur les six heures du soir du mesme jour, Messieurs s'estant rendus encore au Palais au nombre de quarante, entrerent dans la Grand'Salle dont je viens de vous parler, & ayant pris leur seance, & allumé leurs flambeaux, ils firent chanter dans leur Chapelle l'Exaudiat en Musique, & ensuite ils allerent en Robe & en Bonnet à la place de Prescheurs, pour allumer le feu qui y estoit préparé, précedez des Trompettes, des Tambours, des Archers, de leurs Huissiers, & de quarante-neuf Pauvres qu'ils avoient fait habiller, chacun un flambeau de cire blanche allumé. Dans cet ordre ils arriverent au-devant du feu, qui estoit gardé par trois cens hommes qu’ils avoient fait mettre sous les armes, pour augmenter l’éclat de cette celebre réjoüissance. Ie ne vous diray point, Madame, que toute cette Place fut tapissée, toutes les fenestres illuminées comme le jour précedent, car vous devez bien le comprendre ; & ce que je vous ay déja dit de Mrs du Parlement, joint à l’envie que i’ay de finir cette longue Lettre, me fait taire mille choses qui ont esté semblables ou approchantes.

Enfin Messieurs des Comptes ayant allumé le feu dans le mesme ordre & avec la mesme ceremonie que ces autres Magistrats, se retirerent au Palais par la mesme marche qu’ils avoient déja tenuë, portant toûjours leurs flambeaux allumez. Du Palais ils allerent tous souper chez Mr de Seguiran, leur premier President, dans sa maison sur le Cours, au devant de laquelle il avoit fait dresser un grand feu de ioye, & une Fontaine de vin blanc, qui sous une agreable verdure sortant abondamment par de longs tuyaux, marquoit l’abondance de cœur avec laquelle il estoit donné au Public. A la porte de cette maison, dont toutes les fenestres estoient illuminées, aussi-bien que celles de toutes les maisons voisines, on avoit élevé un Arc de Triomphe orné du Portrait du Roy à cheval, autour de plusieurs trophées qui portoient cette Devise,

Una salus Orbi LODOICUS corpore sanus.

Et au dessus on avoit peint la Renommée, qui publioit les vœux ardens du Peuple par cette Inscription,

Vivat, & augustos nostris Deus augeat annos,

Mais ce qu’il y eut de plus surprenant & de plus singulier, c’est qu’à peine Messieurs furent-ils arrivez dans la maison de leur premier President, qu’il en sortit trente Dames magnifiquement parées, chacune conduite d’une main par un Cavalier, & de l’autre portoit un gros flambeau de cire blanche, pour allumer le feu qui estoit préparé devant cette maison. La premiere, comme la plus ardente pour là gloire de Sa Maiesté, fut Madame de Valbelle, Marquise de Merargues, conduite par Mr le Marquis de Bouc, dont la galanterie & le merite sont au dessus de tous les éloges. Vous sçavez que cette illustre Dame, estant un des plus beaux ornemens de nostre Ville, est tres-propre pour une grande Feste. La douceur de ses manieres, l’agrément de son esprit, & la delicatesse de ses sentimens sont des charmes contre lesquels il n’est pas aisé de tenir ; & pour sa personne, elle est faite d’une telle maniere,

Qu’un cœur pour s’échaper ose en vain se debattre,
Contre tant de beautez en vain il se défend ;
 Bien qu’Amour ne soit qu’un enfant,
Si-tost qu’elle paroist, on ne peut le combattre.

Aprés que cette aimable Dame eut allumé le feu, toutes les autres en firent de mesme. Alors les Violons & les Hautbois qui les avoient accompagnées, furent obligez de ceder aux fanfares du Trompetes, & au retentissement de cent Boëtes, qui porterent jusqu’au Firmament le bruit de cette celebre journée, & quoy que ces Dames par mille cris de Vive le Roy, eussent assez marqué leur zele, toutefois il estoit si grand, qu’elles regreterent même par des soûpirs de ne pouvoir le faire éclater davantage ; ainsi elles, qui font soûpirer tant d’autres, soûperent à leur tour.

Dés qu’elles se furent retirées dans la maison de Mr le Premier President de Seguiran, ce digne Magistrat, qui ne dégenere point de ses illustres Ancestres, Premiers Presidens en la Chambre des Comptes, dont il est le quatriéme, & qui ignore ce que c’est que l’épargne quand il s’agit de la gloire de son auguste Maistre, fit jetter au peuple quatre cens pieces de quinze sols, qui causerent un desordre d’autant plus plaisant, que l’interest en estoit le principe. Cela fut suivy de deux Repas servis en mesme temps, & dont le superflu en auroit composé un troisiéme fort magnifique. L’un estoit de quarante couverts pour Mrs les Magistrats, & l’autre de trente pour les Dames, qui aprés le Soupé fermerent cette grande Feste par un Bal, dont l’agreable durée fut si longue que le coucher des Dames fut le lever du Soleil.

Bien que cette Lettre que je vous écris précipitamment & sans méditation, ne soit déja que trop longue, & que je me fusse proposé de ne vous parler que de ce qui regarde le Parlement & la Cour des Comptes, je ne puis, Madame, m’empescher d’ajoûter succinctement, que le Jeudy, second jour de Caréme Mrs les Tresoriers Generaux de France firent dans leur Appartement du Palais, une Feste pareille à celles dont je viens de vous entretenir. Le soir aprés qu’ils eurent allumé un Feu d’artifice dans la Place des Prescheurs, en robes de Satin noir & couverts de leurs Bonnets, trois cens Soldats qu’ils avoient payez, firent une décharge si juste, qu’elle ne sembla qu’un seul coup. Leur dépense fut extraordinaire, & eux qui ont soin des Finances du Roy, n’en eurent pas des leurs propres dans cette grande occasion.

Le lendemain Vendredy, Mrs du Siege General de cette Ville firent éclater leur joye par toutes les magnificences possibles. Je ne pourrois vous representer qu’imparfaitement les parures & les grandes illuminations dont leur Appartement du Palais brilloit de toutes parts. Le matin la Messe fut celebrée par Mr l’Abbé de Bonfis dont le Pere a remply si dignement la Charge de Lieutenant General au mesme Siege ; & le soir s’estant rassemblez au Palais & ayant fait chanter un Exaudiat en Musique, ils allerent allumer un Feu de joye eu la mesme Place des Prescheurs avec toute la pompe qu’on pouvoit attendre de leur zele. De là s’estant retirez au Palais, ils accompagnerent Mr de Courtez leur Lieutenant General en sa Maison du Cours qui parut toute illuminée, & au devant de laquelle on alluma un grand Feu au bruit des Trompettes, des Tambours, & d’une décharge de deux cens Mousquets dont Mr de Courtez fit la despense. Comme ce digne Lieutenant, outre mille autres qualitez recommandables, est plein d’ardeur pour la gloire de son auguste Prince, il signala sa joye par un repas où la propreté égaloit la magnificence, & qui fut encore plus celebre par la presence de Mr le Premier President du Parlement. On y commença les Santez par celle du Roy, qui fut suivie de celles de Monseigneur le Dauphin, de Madame la Dauphine, & de toute la Maison Royale, & Mr de Courtez n’eut d’autre regret dans cette celebre Feste que de ne pouvoir la terminer par un grand Bal, mais son deüil pour la mort de Madame sa Mere ne luy permit pas d’avoir ce plaisir.

Le Samedy 15. tous les Procureurs du Parlement firent pour le mesme sujet une réjoüissance publique, mais avec si peu de ménagement, & tant de profusion, que bien qu’on les accuse d’user quelquefois de chicane en leurs Procés, ils n’en chercherent aucune dans une despense qu’ils faisoient si volontiers.

Le Dimanche suivant, Mrs de l’Hôtel de Ville signalerent cette journée par tant de pompeuses circonstances, qu’elles meriteroient une Relation dans les formes ; mais Madame, comme les recits que je vous fais ne sont que des lambeaux & des abregez d’une Relation complete, je vous diray en peu de mots, que le matin leur grand’ Messi fut celebrée dans l’Eglise Métropolitaine saint Sauveur par Mr le Chanoine de la Bastide, & si la Musique de ce Chapitre surpasse toutes les autres, elle se surpassa elle-mesme au Te Deum qu’elle chanta. Tout ce jour-là les ruës furent tapissées, & plusieurs Fontaines de vin coulerent devant l’Hostel de Ville où estoit dressé un Arc de Triomphe ; vers la fin du jour il y eut une telle illumination par toute la Ville, qu’on ne s’aperceut que par le froid que le Soleil estoit couché. Sur les six heures du mesme soir, Mrs les Consuls, qui sont aussi Procureurs du Pays, partirent de l’Hostel de Ville pour aller allumer un Feu de joye en la Place des Prescheurs. Il auroit esté bien difficile d’ajoûter quelque chose à la beauté de leur marche. Elle commença par six cens hommes sous les armes, parmy lesquels il y avoit deux cens Cadets d’une qualité distinguée, tous conduits par cinq Capitaines de quartier, & suivis de quarante-neuf Pauvres que la Ville avoit fait habiller, portant chacun un flambeau allumé. Puis marchoient Mrs les Consulaires & les anciens Assesseurs ; ceux-là l’épée au costé, & ceux-cy en Robe longue, dont le premier estoit Mr l’Avocat Gaillard, Seigneur de Chaudon & l’Ancien des Consulaires, qui sans consulter la foiblesse de son grand âge qui pouvoit le dispenser d’une si longue fatigue, marcha soûtenu de deux hommes. Ensuite venoient quatre Valets du Pays tenant leurs épées nuës en la main, precedez de la Musique & des Violons. Aprés eux marchoient Mr le Lieutenant Criminel, & Mrs les quatre Consuls portant chacun un grand flambeau de Cire blanche allumé, aussi-bien que tous les autres. Mrs les Conseillers de l’Hostel de Ville fermoient cette marche accompagnez d’une foule mal aisée à representer.

Aujourd’huy Lundy les Procureurs en la Cour des Comptes ont fait les mesmes solemnitez que les Procureurs au Parlement. Mais, Madame, quel moyen de vous parler de toutes celles qui ont esté faites en cette Ville, sur le recouvrement de la Santé de ce grand Prince, qui fait le bonheur de la France, la destinée de l’Europe, l’étonnement de l’Univers, & dont la vie n’a point de vuide, & n’est qu’un continuel enchaisnement d’actions qui ne pourront estre cruës de ceux qui ne croyent point aux miracles ? Enfin si j’entreprenois de vous décrire tout ce qui s’est fait icy de merveilleux dans cette éclatante occasion, je ferois un Livre au lieu d’une Lettre. D’ailleurs quoy que mon cœur voulust bien que je vous entretinsse plus long-temps de ce qui regarde la gloire de nostre Monarque, ie sens que ma main refuse de m’obeïr. Elle est déja si lasse d’écrire, qu’à peine me permet elle d’aioûter ces quatre Vers que ie vous adresse.

Quitez, Belle, quitez vos choux & vos ozeilles,
Venez voir en hyver fleurir nos Fleurs-de-Lys ;
Puis qu’Aix est aujourd’huy le Pays des merveilles,
 Venez revoir vostre Pays.

[Chancellerie de la mesme Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 184-195

 

Cette Lettre dattée du 17. de Fevrier, contient toutes les Réjoüissances qui se sont faites à Aix jusqu'à ce jour-là. Le 18. du mesme mois, Mrs des deux Chancelleries du Parlement & de la Cour des Comptes de la mesme Ville, firent leur ceremonie particuliere dans l'Eglise des Augustins avec beaucoup de pompe & d'éclat. Mrs les deux Garde-Sceaux dont l'un est Mr de la Brillane, Conseiller au Parlement, & l'autre Mr de Meironnet, Conseiller en la Cour des Comptes, s'estant rendus au Palais chacun dans sa Chancellerie, avec tous leurs Officiers, envoyerent publier à son de Trompe par les Ruës ou les Sceaux du Roy devoient estre portez, que chacun des Habitans eust à tapisser le devant de sa maison, & que les Boutiques fussent fermées. On avoit choisi 49. Pauvres que les deu Chanceliers avoient fait habiller fort proprement avec des Rubans violets & blancs à leur cravate, & il y en eut encore treize autres habillez aux dêpens de chacun de Mrs les Barde-Sceaux, ceux de Mr de la Brillane avec des Rubans violets & jaunes, & ceux de Mr de Meironnet avec des Rubans couleur de cerise & blanc. Sur les onze heures les Officiers de la Chancellerie du Parlement sortirent en cet ordre. Huits Archers commandez par un Lieutenant de la Maréchaussée parurent d'abord. Ils furent suivis du chaufecire qui portoit le Sceau du Roy dans une Cassette ouverte & fleurdelisée. Elle estoit sur un Tapis de Velours, dont deux Huissiers de la Chancellerie tenoient les deux-bouts. Aprés eux marchoient Mr de la Brillane en Robe violete, & derriere luy les Audienciers, les Controlleurs & Secretaires du Roy, deux à deux l'Epée au costé avec des gans à franges d'or & un cordon d'or à leur chapeau. Ensuite venoient les Referendaires en Robes de Soye noire avec un chapeau de Satin bordé d'Hermines. Deuix Huissiers fermoient la marche. Estant arrivez à l'Eglise des Augustins, les Sceaux y furent receus au bruit des Tambours & Trompettes, Fifres & Violons. Ils furent portez aux Choeurs & mis sous un Dais au costé droit sur un grand carreau de velours bleu. Mr de la Brillane, suivy de tous les Officiers, ayant fait une profonde reverence devant les Sceaux, alla se placer au costé droit de l'Eglise, Les mesmes choses furent observées dans la marche des Officiers de la Chancellerie de la Cour des Comptes. Les Sceaux ayant esté receux à L'Eglise comme ceux de l'autre Chancellerie, furent posez sous un Dais au costé gauche du Choeur, Mr de Meironnet & les Officiers firent de pareilles reverences, & se placerent du mesme costé. On dit une grande Messe solemnelle avec l'excellente Musique de Saint Sauveur, & une agreable simphonie de Violons. Aprés la Messe & le Te Deum & l'Exaudiat chantez en Musique, Mrs des deux Chancelleries se retirent dans le mesme ordre & allerent au Palais remettre les Sceaux. Tous les Officiers de la Chancellerie du Parlement, se rendirent ensuite chez Mr de la Brillane qui les traita magnifiquement. Ceux de la Chancellerie de la Cour des Comptes furent receus chez Mr de Meironnet, aux fanfares des Trompetes & au son des Violons. A l'entrée de sa maison estoient quatre Colomnes garnies de Boüis & de Rubans bleux & blancs qui soûtenoient un Portail, au dessus duquel il y avoit un Portrait du Roy sur un Piedestal doré. Aux deux costez estoient deux Emblêmes, dont l'une qui estoit du costé droit, representoit un Bureau couvers d'un Tapis bleu fleur de lisée avec des Franges & des Houpes d'or, & sur ce Tapis estoit une Cassette fleurdelisée & fermée. Au dessus dans un Cartouche estoit représenté un Miroir ardent, qui recevoit les rayons du Soleil avec ces mots A sydere virtus. On voyoit du costé gauche un autre Bureau couvert d'un Tapis violet fleurdelisée, sur lequel la Cassette des Sceaux du Roy paroissoit ouverte avec quantité d'Expeditions selées. Au dessous on avoit peint dans une Cartouche une fusée & une meche allumée, & l'on y lisoit ces mots, Mira dum adhaeret. Cette Inscription estoit au dessous de Portrait du Roy dans un Feston de Laurier. Hinc & inde Magnus. Tous les coins & les vuides de l'entrée de la maison de Mr de Meironnet estoient remplis des chifres du Roy avec des couronnes, le tout d'une maniere tres-propre. Toute la Ruë où il loge estoit tapissée; & comme elle tourne du costé du Cours, & que sa Maison est au milieu, il avoit fait preparer deux Arcs de triomphe, ornez de Festons de Bouis & de Laurier, au dessus desquels estoit un feu d'artifice. Ils répondoient l'un à l'autre, & faisoient une espece de combat de petards & de fusées. On avoit aussi dressé un Bucher devant sa porte. Ainsi de quelque costé que l'on entrast dans la Ruë, on voyoit une décoration tres-agreable. Mr de Meironnet donna un magnifique disné aux Officiers de la Chancellerie des Comptes, & lorsque la nuit survint on illumina toutes les Fenestres de la Ruë ; on mit le feu au Bucher, au bruit des Tambours, Fifres, Trompetes & Violons, & l'on fit joüer les feux d'artifice des Arcs de Triomphe. La Collation & le Bal suivirent, & les Officiers de l'une & l'autre Chancellerie firent ce jour-là tapisser le devant de leurs Maisons. Toutes leurs fenestres furent éclairées, & il y eut des feux de joye à leurs portes.

[Avignon] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 195-197

 

La Ville d'Avignon n'a pas oublié de marquer son zele. Le Chapitre de l'Eglise Collegiale de Saint Agricol rendit des actions de graces à Dieu le 8. du dernier mois [février], par un Te Deum qui fut chanté au bruit des Tambours & des Trompetes & de toute l'Artillerie. Il y avoit deux Choeurs de Musique, & il fut suivy de quelques Motets meslez d'une simphonie de Violons. Un feu d'artifice que l'on avoit preparé auroit terminé agreablement la Feste si la violence du vent n'en eust empesché l'effet. Cet accident fut assez heureusement reparé par une distribution d'argent & de pain que Mr le Doyen fit faire aux Pauvres.

Le lendemain Mrs du chapitre de la Metropolitaine priererent Mr l'Archevesque d'Avignon de celebrer pontificalement la Messe dans leur Eglise. Lors qu'elle fut achevée ce Prelat entonna le Te Deum, qui fut continué par la Musique. Le soir de ce mesme jour, Mrs les Consuls avec le Viguier de la Ville, accompagnez de toute la Noblesse, en firent chanter un autre dans l'Eglise des Jesuites, par un grand nombre de Musiciens, au bruit du canon qu'on tira deux fois devant & après le Salut.

[La Ville du Mans] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 197-198

 

Le Maire & les Echevins de la Ville du Mans ayant fait rendre des actions de graces à Dieu dans l'Eglise Cathedrale, les Officiers du Presidial suivirent leur exemple le 6. de Fevrier, en faisant chanter un Te Deum en Musique dans la Chapelle de la grande Salle du Palais. Il y eust Feste tout le jour dans la Ville avec des Illuminations qui durerent toute la nuit dans toutes les Ruës. Le lendemain, le Corps des Avocats fit chanter une Messe & le Te Deum dans l'Eglise des Cordeliers. Elle estoit tenduë jusqu''à la voute, des plus riches Tapisseries de la Ville. Mille feux redoublez par des glaces de grands Miroirs faisoient une Illumination admirable ; mais il n'y eut rien de plus applaudy que la Devise qui paroissoit au dessous du Portrait du Roy que l'on avoit élevé sur le frontispice de la Tribune du Choeur. C'étoit un Soleil tout brillant de lumiere, au sortir de son Eclipse, avec ces mots.

Redivivus cuncta serenat.

[Peronne] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 200-205

 

Le 29. de Janvier Mrs du Chapitre Royal de S. Furcy de Peronne firent celebrer une Messe solemnelle, à laquelle Mr de la Brouë Lieutenant de Roy, accompagné du Commandant du Château, & de l'Estat Major de la Place, assista, ainsi que le Corps de Ville & les autres Corps de Justice. Toutes les Boutiques furent fermées, & l'on vit pour marque de joye aux Fenestres de l'Hostel de Ville, tous les Drapeaux des Arts & Corps de Mestiers, qui dont au nombre de trente & un, & sur lesquels il y a plusieurs Emblêmes à la gloire de Sa Majesté, & à l'honneur de la Ville. La Messe & le Te Deum furent chantez en Musique ; & Mr l'Abbé Vestier, Docteur de Navarre, & Doyen de cette Eglise, officia avec sa pieté ordinaire. Mr Aubé Mayeur, de concert avec Mr le Lieutenant de Roy, fit battre la Generale pour assembler le Regiment de Milice de la Bourgeoisie. Les seize Compagnies se rendirent sur la Place d'Armes du Bastion Royal, où le Regiment s'estant formé, il descendit en bon ordre, ayant à sa teste le Lieutenant Cononel, & une partie des Capitaines en front, & des Lieutenans dans les divisions. L'autre partie des Capitaines fermoit la queuë de e Regiment, & les Sergens estoient sur les Aisles. Dans cet ordre ils vinrent se mettre en bataille sur la grande Place, par les soins du Major & de l'Ayde-Major de la Milice, devant le Feu que Mrs de Ville y avoit fait preparer. Mr de la Brouë qui s'estoit rendu à l'Hostel de Ville, accompagné de l'Estat Major, en sortit sur les quatre heures avec Mrs les Mayeurs & Echevins, precedez d'un grand nombre de Tambours, de Hautbois, & d'autres Instrumens des Gardes de Mr le Marquis d'Hocquincourt, Gouverneur, & des Huissiers de Ville avec leurs Robes de Ceremonie. Lors qu'ils furent arrivez à la grande Place, Mr de la Broüe, Lieutenant de Roy, & Mr Aubé Mayeur, mirent le feu au Bucher, aprés quoy tout le Regiment fit la premiere décharge. Ensuite il défila & fit le tour de la Place, & aprés plusieurs décharges réiterées, le Drapeau de la Pucelle, & les deux qui l'accompagnent au Bataillon, furent portez & remis suivant l'ordre de la Guerre par vingt Mousquetaires détachez. Chacun fit des Feux devant sa porte, & des illuminations aux fenêtres, & cette Ville n'oublia rien pour solemniser avec éclat une journée si heureuse. Aussi n'a-t-elle pas moins merité le nom de fidelle qu'on luy donne, que celuy de Pucelle, parce qu'elle n'a jamais esté prise, & l'on peut dire que ses Habitans suivent dignement le chemin que leurs Peres leur ont tracé, & qu'ils ne sont ny moins fidelles ny moins zelez pour la gloire & pour le service du Roy.

[Arras] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 206-213

 

Les Estats Generaux du Pays & Comté d'Artois, qui estoient assemblez au mois de Novembre dernier dans la Ville d'Arras, Capitale de la Province, ayant appris le 21. de ce mesme mois, que le Roy s'estoit resolu à souffrir la grande Operation, dépescherent aussi-tost un Gentilhomme de leur Compagnie pour aller en poste marquer à Sa Majesté l'inquietude où cette nouvelle les avoit jettez, & en mesme temps la joye que leur causoit l'heureux succés que l'Operation avoit euë. Mr le Comte de Belleforiere, choisi des trois Ordres pour cette commission, estant arrivé à Versailles, eut l'honneur de voir le Roy. Ce fut Mr de Louvois qui le presenta. Sa Majesté qui estoit au lit, témoigna beaucoup de plaisir de voir l'empressement que les Estats avoient eu de sçavoir des nouvelles de sa santé, & chargea Mr le Comte de Belleforiere d'assurer ses Sujets d'Artois de la continuation de sa bienveillance, dont Elle leur donneroit des marques aux occasions. Le retour de ce Gentilhomme donna beaucoup de consolation aux Estats, qui apprirent par une Lettre de Mr de Louvois, qu'on esperoit que dans peu de temps la santé du Roy seroit parfaite. Ce fut aux premieres nouvelles de l'entier rétablissement de cette santé si chere, que la joye de tous les Habitans d'Artois redoubla. La Ville d'Arras en donna des marques éclatantes. Les Magistrats allerent en ceremonie apprendre à Mr le Comte de Villeneuve, Lieutenant de Roy en cette Place, comme à celuy qui representoit la personne de Sa Majesté, en l'absence de Mr le Comte de Nancré qui en est le Gouverneur, le dessein qu'ils avoient pris d'ordonner des Réjoüissances publiques. Ils firent joüer le carrillon de la Ville, & sonner la Cloche Ioyeuse, appellée ainsi parce qu'on ne la sonne qu'aux occasions de réjoüissances, ce qu'elle continua pendant trois jours, le matin, à midy, & le soir, & une heure chaque fois. Le 19. de Janvier on chanté le Te Deum dans l'Eglise Cathedrale. Les Officiers de l'Etat Major, & de la Garnison, & tous les Corps de Justice y assisterent en ceremonie, avec un concours de Peuple extraordinaire. Il y eut le soir un feu de joye devant l'Hostel de Ville, & des Illuminations aux Fenestres & au Beufroy, remplies des armes de Sa Majesté & de la Famille Royale. Les Magistrats donnerent ensuite une magnifique Collation à Mr l'Evesque d'Arras, aux Officiers de l'Etat Major, à Mrs des Etats, & à tout le Corps de Ville. On y salüa la santé du Roy solemnellement au bruit du canon, & au son des Trompetes, Timbales, Violons & Flustes douces. Le 20. les Etats firent chanter une Messe & le Te Deum en musique dans l'Eglise Abbatiale de S. Vaast d'Arras. Mr l'Abbé Danchy, l'un de ceux qui assitent à l'Assemblée des Etats, y officia pontificalement, & l'aprésdînée Mr le Marquis du Forest, qui en est le Député ordinaire pour la Noblesse, donna le Bal aux Dames dans son Hostel, & le soir un grand regale. Le Conseil Souverain d'Artois s'aquitta aussi du mesme devoir, & fit chanter un Te Deum solemnel par la Musique de la Cathedrale dans la Chapelle Royale du mesme Conseil, où il assista en Corps. Les jours suivans on ne cessa point dans toute la Ville de rendre de pareilles actions de graces à Dieu, par des Messes solemnelles & des Te Deum en Musique, que tous les Corps de Justice, Avocats, Procureurs, Musiciens, & les Marguilliers de chaque Paroisse firent chanter tour à tour. Mrs de l'Estat Major & les Magistrats se trouverent à toutes ces ceremonies, où le sieur Doré Maistre de Musique de la Cathedrale, fit admirer sa fecondité, en donnant par tout des Compositions nouvelles.

[Angers] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 213-236

 

La Ville d'Angers a fait paroistre tout l'empressement qu'on pouvoit attendre de son zele, dans les actions de graces qu'elle a renduës pour la guerison du Roy. Les Officiers du Presidial revestus de la Robe rouge que Sa Majesté leur a donnée pour recompense de leur fidelité, & tous les Corps de Justice firent d'abord celebrer un service solemnel dans la Salle du Palais. Les Habitans vinrent y joindre leurs Prieres à celles de leurs Magistrats; & ce fut peut-estre la premiere fois qu'un lieu fréquenté par tant d'hommes agitez de passions differentes, fut tout remply de personnes également satisfaites. Toutes les autres Compagnies Ecclesiastiques & Seculiers, l'Université, l'Abbaye de Roncere, les autres Maisons Religieuses, & les Communautez des Artisans disputerent à l'envy à qui se signaleroit davantage dans ces marques publiques de joye. Les Officiers de l'Hostel de Ville se distinguerent dans cette occasion par une magnifiscence extraordinaire à laquelle Mr de la Feauté, Maire de la Ville, ajoûta un grand repas. Mais ce qui se passoit dans le fond des coeurs estoit encore bien plus glorieux à nostre auguste Monarque. Chacun dans ses actions de graces rappelloit dans sa memoire les avantages qu'il reçoit sous le Regne d'un si grand Prince ; & comme toutes ces reflexions demeuroient renfermées dans l'esprit des Peuples, ou se terminoient à de simples entretiens familiers, l'Academie Royale d'Angers, qui a droit de regarder le Roy comme son Fondateur, & comme son Pere, se crut obligée de prester sa voix à des sentimens si justes, & d'expliquer les siens propres. Mr Dautichamp, Lieutenant de Roy dans les Ville & Chasteau d'Angers, qui a esté nommé Directeur de l'Academie en la place de Mr l'Evesque, la fit assembler extraordinairement sur ce sujet le Samedy 15 Fevrier. Il trouva la mesme ardeur dans tous les Academiciens, qui ne se seroient cedé qu'a regret une occasion si favorable de témoigner leur reconnoissance dans le discours qu'on attendoit de la Compagnie, s'ils n'eussent consulté leur modestie plûtost que leur zele. Ainsi l'Academie par un sentiment jaloux pour son honneur & dans la crainte qu'on ne pust croire qu'un seul de ceux qui la composent n'auroit pas en ce mesme empressement, jetta les yeux sur Mr Poquet de Livonniere, Conseiller au Presidial d'Angers, & dont le merite luy estoit tres-connu. Mr Dautichamp voulut se charger du soin de la dépense de tout le reste de la ceremonie, afin que dans cette réjouissance general il y eust des marques de joye où luy seul eust part. La chose s'executa dans une maniere qui passa tour ce qu'on en pouvoit entendre. Les Academiciens s'estant rendus à neuf heures du matin les Samedy 22. Février, huit jours après la proposition de cette Ceremonie, dans la Salle des Conferences Academiques, toute remplie des Personnes les plus considerables de la Province, Mr de Livonniere commença son discours en ces termes. [Discours].

Ce Discours dans lequel chacun reconnut ses propres sentimens dans toute leur force, sembla donner une ardeur nouvelle à l'Assemblée. Si-tost qu'il fut finy, tous les Academiciens se rendirent au Chasteau, où se devoit faire le reste de la Ceremonie, & ils y furent receus par la Garnison sous les Armes. La Chapelle de ce lieu qui fut celle des Duc d'Anjou, & dont la Structure répond à la magnificence des Princes qui l'ont bastie, estoit parée de riches Tapisseries, d'un grand nombre de Lustres, d'une infinité de lumieres disposées d'une maniere fort ingenieuse, & de divers Tableaux des premiers Peintres de France & d'Italie, mais qui furent peu considerez, parce que tous les yeux estoient attachez sur le Portrait de Sa Majesté. Tous les Academiciens ayant pris leur place, Mr Deniau, Docteur de la Maison de Sorbonne, & grand Doyen de l'Eglise Cathedrale, assisté de deux Chanoines de la mesme Eglise, celebra la Messe. Elle fut chantée par deux Choeurs de Musique accompagnée de plusieurs Instrumens. A la fin de la Messe on chanta le Te Deum qui fut suivy d'une décharge de toute l'Artillerie & de la Mousqueterie du Chasteau. Les Academiciens au nombre de vingt-quatre furent ensuite conduits dans l’Hostel de Mr Dautichamp, où ils trouverent deux Tables magnifiquement servies. Ce Repas commença & finit par la Santé du Roy, que toute la Compagnie but avec des souhaits redoublez pour la prosperité de son Regne, & beaucoup de témoignages d’un profond respect. On fit en mesme temps une nouvelle décharge de l’Artillerie, pour servir d’avertissement à toute la Ville qu’on eust à répondre de la mesme sorte au zele des Academiciens. Ce Disner fut agreable, non seulement par la propreté & par l’abondance, mais aussi par l’agrément de la conversation d’un si grand nombre d’hommes de lettres tous animez d’un mesme esprit, & qui se trouvoient encore excitez par la joye que cette Feste inspiroit ; & peut-estre que ce Repas ne cedoit guere aux Festins de ces anciens Philosophes qui sçavoient si bien assaisonner les plaisirs de la Table, par tout ce que les belles Lettres & la Philosophie ont de plus agreable & de plus utile.

[Marseille] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 237-240

 

Le Dimanche 19. Janvier les Echevins de la Ville de Marseille sortirent de leur Hostel sur les deux heures aprés midy, en Robes rouges doublées de Velours noir, pour aller rendre graces à Dieu dans l'Eglise Cathedrale. D'abord parurent les Hautbois & les Trompetes precedez des Fifres & des Tambours, outre ceux qui estoient employez dans la marche d'une compagnie de plus de deux mille Bourgeois & autres Particuliers sous les Armes & vêtus fort lestement, que devançoient les quatre Compagnies des quartiers avec les Capitaines à leur teste. Les Hautbois & ces Trompettes precedoient 44 Pauvres que les Echevins avoient fait habiller tres proprement par rapport au nombre d'années du glorieux Regne de Sa Majesté. Chaque Pauvre portoit un Guidon, où d'un costé estoient les Armes de France & un Soleil de l'autre. Derriere eux estoient tous les Violons de la Ville, joints ensemble, & ces Violons precedoient les Echevins, qui furent suivis de presque tous les Chefs de Famille. Dans cet ordre ils se rendirent à l'Hostel de Mr Morand Intendant de Justice, qui en qualité de Commandant de la Province, se mit dans la marche devant les Echevins, accompagné d'un grand nombre de Gentilshommes & de Notables Bourgeois. Ils arriverent de cette sorte à l'Eglise où le Te Deum fut chanté par deux celebres Corps de Musique, aussi bien que les autres prieres ordonnées, Mr l'Evesque de Marseille faisant les fonctions en habits Episcopaux. On fit plusieurs décharges de toute la mousqueterie & d'une tres-grande quantité de Boêtes. On alla de là dans le mesme ordre à l'Hostel-Dieu, où Mr Morand & les Echevins servirent les Pauvres Malades à souper. Aprés cela ils descendirent vers la principale Place publique, où un tres-grand feu de joye fut allumé. Il estoit orné d'un grand nombre de Guidons pareils à ceux des 44. Pauvres. La mousqueterie & les Boëtes recommencerent à se faire entendre & tous les bastiments de mer qui se trouverent sur le Port, répondirent à ce bruit par leur canon. Grandes Illuminations le soir aux Fenestres des maisons. Les deu jours suivans, les Echevins continuerent à servir les Malades de l'Hostel-Dieu aux dépens de la Ville, & ils se fit une grande distribution de pain & de Vin, & de plusieurs autres aumônes pour soulager les honteux, & pour délivrer les Prisonniers.

[Les Grands Augustins de la même Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 240-242

 

Le 26.II les grands Augustins de la mesme Ville [Marseille] firent celebrer une Messe solemnelle qui fut suivie par une excellente musique, accompagnée des deux grandes bandes de Violons. Sept cens Cierges éclairerent le Maistre-Autel, & la Nef estoit remplie de Lampes d'argent & de Lustres. La Messe fut suivie d'une Procession qui commença par deux cens Pauvres, dont chacun portoit un Guidon aux Armes de France. Aprés eux parurent les Penitens gris en fort grand nombre avec des flambeaux, une bande de Violons les suivoit. On voyoit ensuite une Troupe nombreuse de jeunes Enfans richement vestus, qui representoient le Roy, les Princes de la Maison Royale, les hauts Officiers de la Couronne, & tout ce qui peut former une Cour pompeuse. Ils precedoient la Musique, après laquelle marchoient les Religieux. Seize Penitens portoient les Reliques, qu'on ne fait sortir que dans les occasions extraordinaires. Une seconde bande de Violons fermoit la Procession, qui fut saluée de la Place-Neuve & au Cours par soixante Boëtes en chaque endroit. Au retour on fit distribuer plus de neuf cens pains aux Pauvres. L'aprésdînée Mr l'Evêque & les Magistrats s'estant rendus à l'Eglise, le Pere le Roux Religieux du mesme Ordre, prononça l'Eloge de Sa Majesté. La Musique chanta le Te Deum, & on fit une décharge de six-vingts Boëtes. Le soir toute la Façade du Convent qui a veuë sur le Port, fut illuminée.

[Les Augustins Déchaussez de la mesme Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 243-253

 

Le jour suivantIII, les Augustins Deschaussez firent une Feste magnifique. L'Eglise qui est aujourd'huy une des plus belles de la Ville, estoit ornée de trois rangs de Tableaux, les plus curieux qu'on eust pû trouver. On avoit mis sur la grande Corniche de grands Vases d'Orangers chargez de leur fruits meurs posez en distance égale, & entre ces Orangers on avoit meslé quantité de Chandeliers avec leurs grosses bougies allumées, & de petis Vases de Porcelaine garnis de bouquets de Laurier & de Fleurs. Au dessous entre la Corniche & l'Architrave, on voyoit deux pieds en deux pieds des doubles LL. en chifres de couleur d'or, qui remplissoient agreablement la place de la frise qui n'est point encore faite. Au milieu de la Nef estoit un superbe Trône élevé de six marches couvertes d'un Damas rouge parsemé de Fleurs de-Lis en broderie, aussi couleur d'Or. On avoit placé au dessus un grand Fauteüil de Velours cramoisi avec au carreau de mesme étofe à Dentelles & à Houpes d'or & d'argent, sur lequel on avoit mis un Sceptre d'argent fleuredelisé, & une grand Couronne Imperiale Françoise aussi d'argent enrichie de pierreries. le dais éstoit de Damas cerise changeant sur la couleur d'or, orné d'aigretes blanches & de plumes rouges. Un Pavillon de la mesme étofe pendoit de ce Dais. & il estoit rattaché au deux costez par des Rubans d'or, le tout sur une Tapisserie de Satin à petites rayes vertes & blanches. On avoit mis sous ce Dais un Portrait du Roy en ovale; & il estoit accompagné en dehors de ceux de Monseigneur & de Madame la Dauphine. Tout le Trône estoit fermé par une balustrade de Damas rouge fleurdelisé, devant laquelle on avoit laissé un espace vuide jusqu'à la Chaire du Predicateur. Cet espace estoit bordé de deux rangs de grands Chaises de Velours figuré cramoisy, lises de costé pour empescher que l'on ne tournast le dos du Portrait du Roy. L'Autel qui est tout doré, estoit orné de plus de cent Chandeliers garnis de Cierges, & d'un pareil nombre de bouquets de fleurs, partie naturelles, partie artificielles, ou dans les Corbeilles ou dans des Vases de Porcelaine, placez sans confusion outre deux autres grands Vases precieux remplis de Plantes de Violiers jaunes doubles en fleur, posez sur les deux Fenestres qui donnent dans le Choeur des Religieux. Un second Portrait du Roy en ovale posé sur un Tapis de Perse, faisoit l'ornement du fond de l'Eglise, & un troisiéme beaucoup plus grand representant ce Prince à cheval, faisoit celuy de la façade qui estoit couverte de trois grands Tapis de Damas cerise rehaussé de Fleurs-de-Lis, & de doubles LL. couronnées en broderie de couleur d'or. Sur le haut de cette mesme façade estoit un grand Etendart de pareille étofe.

Tout cela estant ainsi disposé, la feste fut annoncée le soir du 26. par le son de la Cloche, par le bruit de quantité de Boëtes, par trois grands feux de joye allumez le long d'une vaste allée de Ciprés pratiquée presque au milieu d'une Colline chargée d'arbres toûjours verds, qui est dans l'enclos du Monastere ; par un quatriéme Feu encore plus grand, que l'on avoit preparé au haut de la Colline au milieu d'une plate-forme d'où l'on voit toute la Ville, le Port & la Mer en trois endroits, & par une infinité de lumieres posées dans toutes les Fenestres du Convent tout le long de la Galerie de la muraille qui soûtient l'allée, du balcon de la plate-forme, des Fenestres & du toit de la Chapelle qui paroist au dessus, dans tous les Oratoires du petit bois, entre les arbres mesme, & par tout où l'on avoit jugé que ces lumieres pourroient faire effet dans l'une des plus belles situations de France, faite naturellement un amphitheatre. Les Pots-à-feu y avoient esté entre-meslez, & tout ce grand éclat dura trois heures entieres. Le lendemain on chanta une Messe solemnelle en laquelle tous les Freres Clercs & Convers communierent, & sur les trois heures aprés midy, le Pere Raphaël prononça le Panegyrique du Roy avec beaucoup d'eloquence. Il prit pour texte Psallite Deo nostro ; psallite Reginostro, psallite. D'abord il invita toute la France, toute l'Eglise, & la terre à rendre des graces infinies à Dieu pour le retour de la santé du plus grand, du plus pieux, du plus auguste Roy de l'Univers, & dit qu'on devoit en mesme temps publier par tout les loüanges de LOUIS LE GRAND, le Dieu-Donné, le Tres-Chrestien. Il ne le considera prroprement que sous cette derniere qualité, quoy qu'il n'oubliast pas l'inserer adroitement toutes les autres dans son discours. Il posa pour fondement qu'un Prince Chrestien doit cultiver le Christianisme dans ses Etats, & l'étendre mesme dans les Pays Etrangers; que poser le cultiver dans son Royaume, il doit abolir les vieilles Heresies qui s'y sont établies, & s'opposer au nouvelles que l'on voudroit y faire glisser; qu'il doit encore affermir les Catholiques en la pureté de la Foy par son exemple & par le bon ordre en tout ce qui regarde la saine Doctrine, la pieté & les bonnes moeurs; que pour étendre le Christianisme dans les Provinces Etrangeres, il doit entreprendre la guerre contre les Ennemis de l'Eglise, pour l'interest de la Foy, faire des Alliances Politiques, & employer mesme sa personne, s'il est necessaire, pour aller planter la Croix en ces Pays éloignez. Il dit en peu de mots que Saint Loüis l'avoit fait, & il prouva dans la suite que le Roy avoit glorieusement marché sur ses traces. Je ne vous dis rien de la description qu'il fit de l'Heresie & des mal-heurs qu'elle cause. Il s'attacha à ceux que les erreurs de Calvin avoient produits, &montra que toute l'Europe avoit en vain pris les armes oour s'y opposer, que toute l'Eglise assemblée avoit en vain fulminé tous ses carreaux, qu'un Siecle entier n'avoit pû trouver un Hercule pour mettre ce Monstre en pieces, que cette Hydre efroyable avoit toûjours presenté de nouvelles testes plus venimeuses, que la gloire de l'étoufer estoit reservée à LOUIS LE GRAND, & que le Vainqeur des Villes, des Provinces, des Etats, devoit encore vaindre les Enfers. Delà il s'entendit insensiblement sur les conquestes du Roy. Il marqua le peu de temps qu'il y avoit employé, & fit voir aprés cela le bon ordre qu'il a étably dans son Royaume pour la saine Doctrine & les bonnes moeurs. Il parla des Declarations contre les irreverences dans l'Eglise, contre les blasphêmes & les duëls ; des Ordonnances pour les Universitez, la Police & la Justice ; du choix des personnes de merite pour les Dignitez & les grands Emplois ; & conclut que la pieté du Roy & le bon exemple qu'il nous donne, estoient la cause de l'heureux état où nous voyons aujourd'huy la France. Ce Panegyrique receut tous les applaudissemens qui lui estoient deus. Lors qu'il fut finy, Mr l'Evesque de Marseille entonna le Te Deum, qui fut continué par deux Choeurs d'une excellente Musique, meslée de Symphonie avec les Hautbois & les Violons.

[Caudebec] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 275-277

 

Le 27. Janvier, le Te Deum fut chanté avec Simphonie aprés une Messe en Musique dans la principale Eglise de Caudebec, Capitale du Pays de Caux, le plus beau des Territoires de Normandie. Le Presidial & le Corps de Ville y assisterent, & le feu fut mis avec ceremonie à deux Buchers, placez, l'un dans la grande Place, & l'autre dans celle de la Maison de Ville. Le Portrait du Roy estoit à chacun de ces endroits, avec une Garde actuelle qui fut relevée dans les regles tant qu'il y resta. La Bourgeoisie en grand nombre estoit sous les armes. Diverses Inscriptions environnoient ces Portraits. Il y en avoit une entr'autres tirée du second Livre des Machabées, que Mr Busquet de Chandoisel, Lieutenant General du Presidial, avoit appliqué heureusement autours d'un Soleil sortant d'un épais nuage. En voicy les paroles. Dies affuit, quo Sol refulsit qui prius erat in nubilo, accensus est ignis magnus, ita ut omnes mirarentur. Ce Magistrat donna un splendide disné au Chef du Clergé, aux Officiers des deux Corps, & aux Capitaines Quarteniers, & le soir il regala magnifiquement les Dames. Le Bucher qu'il avoit fait élever devant sa porte, fut allumé devant elles au bruit des Tambours & au son des Instrumens. La Feste se termina par le Bal. Je ne parle point d'un Fontaine de Vin que firent couler le Presidial & l'Hostel de Ville, ny des Feux de joye accompagnez d'Illuminations aux Fenestres, qu'on alluma le soir dans toutes les Ruës. C'est ce qui s'est fait dans chaque Ville.

[Evreux] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 277-279

 

Mr de Novion, Evesque d'Evreux, n'eut pas si-tost appris l'heureuse convalescence du Roy, qu'il fit rendre graces à Dieu, solemnellement dans sa Cathedrale. Tous les Corps de la Ville assisterent au Te Deum que la Musique y chanta. Il avoit fait dresser plusieurs Tables dans la court de l'Evesché, où le pain & le Vin furent abondamment distribuer à tous les venans. Toutes les Compagnies de la Ville en armes allerent le salüer, & firent plusieurs décharges de leurs mousquets, ce qu'elles redoublerent autour d'un grand feu, dressé devant la grande porte de son Palais. Ce Prelat ne se contenta pas de cette démonstration de joye. Mr de Chamillart, Prevost General de la haute Normandie, frere de feu Mr de Chamillart, qui a esté Intendant à Caën, luy ayant demandé permission de faire chanter un autre Te Deum dans l'Eglise de Saint Denys sa Paroisse, il l'entonna luy-mesme en habits Pontificaux, & il fut continué par la Musique. Deux jours après il en indiqua un troisième pour les Officiers de son Officialité, & il en fit encore toutes les ceremonies au bruit du Canon de la Ville qui s'estoit déja fait entendre dans les deux premieres occasions. Mrs du Presidial & Bailliage rendirent les mesmes actions de graces dans la Chapelle de leur Pretoire, & Mrs de l'Election aux Jacobins avec un feu de joye hors la porte de l'Eglise. La mesme ceremonie fut faite separement par les huit Curez de la Ville, & par toutes les Communautez Religieuses avec beaucoup d'appareil & de dépense.

[Vendosme] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 279-282

 

On a montré le mesme zele à Vendosme. A la premier nouvelle que l'on y receut de la guerison du Roy, Mr de Remilly, Bailly de la Province, & Maire perpetuel de la Ville, fit chanter une Messe solemnelle & un Te Deum dans l'Eglise du Château. Il y assista accompagné des Echevins, & tout le Clergé Regulier & Seculier s'y trouva, ainsi que toutes les Compagnies de Justice. Le lendemain le Corps de la Justice ordinaire, à la teste de laquelle estoit Mr le Bailly, fit la mesme chose dans l'Eglise des Cordeliers. Ces ceremonies furent suivies de celle des Peres de l'Oratoire, qui fut annoncée le soir du jour precedent, par l'illumination de leurs bâtimens. On chanta une Grand'Messe & le Te Deum dans leur Eglise, où le Portrait du Roy estoit sur un Trône. L'apresdinée ils tinrent table ouverte dans leur Terre de Courtnas, éloignée d'un quart de lieuë de la Ville. La Jeunesse de leur College y vint sous les armes, &il y eut un grand feu de joye. Les Officiers des Grands Jours & ceux de l'Election, voulant imiter leur magnificence, les premier firent illuminer la Tour & le Portail de l'Abbaye de la Trinité, & les autres choisirent la mesme Eglise des Prestres de l'Oratoire pour faire chanter leur Te Deum. Il y eut des Illuminations & des Fontaines de Vin, & la Feste se termina par un feu de joye, & par des Feux d'artifices. Les autres Villes de la Province, les Paroisses mesmes de la Campagne, & sur tout Madame l'Abbesse de la Virginité, marquerent leur zele à l'exemple de Vendosme. Ces Réjoüissances que Mr le Bailly & Maire avoit commencées, finirent par luy le 16. de Fevrier. Il se rendit à l'Eglise du Château suivy des Echevins & de tous les Corps de Justice. Les Communautez y étoient venuës en Procession. Le Te Deum y fut encore chanté en Musique, pendant que la Bourgeoisie sous les armes à pied & à cheval faisoit de continuelles décharges. Un grand feu de joye suivy d'un feu d'artifice, acheva les Réjoüissances de cette journée.

[Mr de Loysnes, second President au mortier du Parlement de Mets] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 282-284

 

Le 30. de Janvier Mr de Loysnes, second President au Mortier du Parlement de Mets, fit rendre des actions de graces dans l'Eglise des Ursulines, où il a deux filles. D'abord les Trompetes & les Timbales se firent entendre dans la court de son Hostel qui répond à cette Eglise. Aprés un motet chanté par les Religieuses avec Simphonie ; le Superieur accompagné de plusieurs Ecclesiastiques, entonna le Te Deum qu'un grand Corps de Musique poursuivit. Il estoit de la composition du Maistre de la Cathedrale, tres-habile homme, & dont la maniere a receu plusieurs fois des applaudissemens de Sa Majesté. Le soir on alluma un grand feu devant la porte de l'Hostel de ce President ; & il fut suivy de quantité de Fusées volantes, de Petards, de Serpenteaux, & d'autres feux d'artifice, qu'on vit partir d'une Tour fort élevée de l'Hostel, où les mesmes Trompetes & Timbales qu'on entendoit presque de toute la Ville, faisoient un effet tres-agreable.

[Tresoriers de France de la Generalité de Mets] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 284

 

Le 10. de Fevrier Mrs Tresoriers de France de la Generalité de la mesme Ville [Metz], firent chanter un Te Deum dans l'Eglise Royale de Saint Victor. La Musique, la Simphonie, les Trompetes & les Timbales semblerent se disputer la gloire de cette action. Au sortir de l'Eglise Mr de Navarre, President à ce Bureau, alluma le feu dressé dans la Place. Il estoit à la teste de son Corps. En mesme temps parurent des Illuminations autours du Portrait de Sa Majesté, qui avoit esté exposé sous un Dais de Damas cramoisy à crespine d'or, entouré de Tapisseries au devant de la maison de Mr Fetiq, Procureur du Roy au mesme Bureau. Une Fontaine de Vin fit un jet qui ne tarit qu'à minuit. Les Fusées Volantes parsemerent l'air d'étoiles, & toute la Ville retentit d'une artillerie tres-bien ordonnée, composée de petites pieces de Campagne, de Boëtes & de Mortiers. Il se fit trois décharges, la premiere à six heures, la seconde à huit, & la troisiéme à dix. Il y eut un soupé servy avec beaucoup d'ordre, auquel toutes les personnes considerables furent invitées.

[Livourne] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 285-287

 

Le 16. Janvier Mr Cotolendi, Consul de la Nation Françoise à Livourne, fit tirer une infinité de Boëtes & de feux d'artifice devant sa Maison, qui fut illuminée toute la nuit par trente flambeaux de cire de Venise, & par cent Bougies de la mesme cire dans des Chandeliers d'argent. Le jour suivant il fit distribuer du pain, non seulement à tous les Pauvres de la Ville, mais aussi à tous les Hôpitaux & dans les Prisons. Sur le midy il fit chanter une grand'-Messe & un Te Deum dans la Chapelle de Saint-Loüis, par trois grands corps de Musique, composée des plus excellentes Voix d'Italie, qui se trouverent alors à Livourne. Pendant ce temps-là, on tira encore une tres-grande quantité de Boëtes, qui furent suivies par son ordre, d'une décharge generale de l'Artillerie de tous les Bâtimens qui estoient au Port.

[Province de la Sarre] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 287-291

 

Les Frontieres de l'Etat ont fait connoistre par leur Réjoüissances, que pour n'avoir pas toûjours eu l'honneur d'appartenir à nostre auguste Monarque, elles n'ont pas moins de zele pour sa Personne sacrée, que les Peuples nez sous la domination, dont ces nouveaux Sujets reconnoissent tous les jours la douceur & la justice. La Sarre s'est signalée en cette rencontre, & Mr de la Goupilliere, Intendant de cette Province, qu'il a formée par ses travaux, embellie par ses soins, & reglée par son équité, pour satisfaire à l'empressement des Peuples, alla à Sar-Loüis où il fit chanter un Te Deum dans la grande Eglise. Tout le Clergé y assista en Chapes, & Mr de Choisy Gouverneur, Mr l'Intendant, le Presidial en Robes & tous les Officiers de la Ville, & des Troupes, s'y trouverent avec une devotion digne d'une si sainte ceremonie. Ces marques de leur zele pour le Roy, ne satisfirent pas peu Mr de la Goupilliere, mais cela ne suffisoit pas encore à son zele. Il se rendit en diligence à Hombourg, & ayant ordonné au grand Prevost de ce gouvernement que le jour des Rois ses intentions fussent executées, l'Eglise fut remplie de lumieres. Il y eut Predication à l'issuë des Vespres, & le Te Deum fut chanté ensuite. Mr l'Indentant, Mr de la Clos, Major & commandant en l'absence de Mr le Marquis de la Bretêche Gouverneur de cette Place, le Maire & les Echevins de la Ville, les Officiers de la Garnison, & les Bourgeois assisterent à tout, avec la pieté que demandoit cette grande Feste. Au sortir de l'Eglise, la Compagnie estant rentrée chez Mr l'Intendant où elle avoit dîné, elle fut agreablement suprise par une grote qu'elle trouva dans la court. Au milieu de plusieurs Sapins élevoit une pointe de Rocher couvert de mousse, mais si naturellement reprensentée, qu'on l'auroit pris pour une des vieilles Roches que le hazard forme dans les Deserts. Du haut de ce Rocher sortoit une Fontaine de Vin qui rejaillissoit jusques au devant des Armes du Roy, qu'on avoit placées à six pieds de hauteur au dessus du bassin de la Fontaine. Des Bougies attachées aux arbres en divers endroits, Mr dans l'enfoncement de la Grote, faisoient un spectacle qui satisfaisoit beaucoup les yeux. La Fontaine coula de la mesme force jusques à deux heures aprés minuit, ce qui fut un divertissement agreable pour le Peuple. Mr l'Intendant donna un magnifique soupé aux Dames & aux Officiers, & le Bal ensuite. Les Bourgeois de leur costé n'oublierent rien pour maqruer leur zele. La ville fut illuminée de toutes parts, les Habitants ayant affecté de mettre sur leurs Fenestres plus de lumieres qu'on ne l'avoit ordonné, afin de faire connoistre que les témoignages de leur joye estoient plûtost un effet de leur inclination que de leur obéïssance. Le Buste du Roy paroissoit au dessus du Balcon de la Maison de Ville, illuminé de flanbeaux. Le lendemain, Mr de Sheraulle, Capitaine de Dragons, donna le Bal, dont il s'acquitta avec beaucoup de galanterie.

[Mr de Cuvillier] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 291-292

 

J'ay déja parlé de quelques Particuliers, qui seuls ont fait autant que des Corps ; & j'ay crû devoir le faire connoistre, parce que c'est une chose, qui n'a jamais esté faite que pour le Roy. Aussi me paroît-elle plus à remarquer à cause du zele, dans cette occasion où l'on avoit craint pour une vie si precieuse à l'Etat, que ce qu'on a fait des Villes & des Provinces. Mr de Cuvillier, Renoüeur & Valet de Chambre ordinaire du Roy, s'est trouvé du nombre des Particuliers dont je vous parle. Il fit chanter un Te Deum aux grands Augustins le 26. de Janvier. Les Trompetes & les Timbales s'y firent entendre. Il y eut Procession, en laquelle quatre Armeniens porterent des flambeaux, ayant voulu faire voir que les Etrangers s'interessoient au bonheur public. On tira en ce lieu-là deux cens Boëtes, qui furent encore tirées après la ceremonie devant le logis de Mr de Cuvillier, où on alluma un feu de joye.

[Champigny] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 293-295

 

Il s'est fait une autre Réjoüissance chez un Particulier dans une maison qu'il a à deux lieuës de Paris, en un lieu appellé le Bouquet de Champigny proche Saint Maur. Celuy qui donna la Feste avoit choisi ce lieu, & le Dimanche 2. Fevrier, pour y faire chanter une Messe solemnelle & un Te Deum, ce qui se seroit fait avec appareil, si Mr l'Archevesque qui venoit de faire la Cloture de ces actions de graces, n'eust point refusé la permission qui luy en fut demandée. Ainsi ce Particulier se vit contraint de faire éclater sa joye d'une autre maniere. Il pria bon nombre de Dames & plusieurs de ses Amis, de se trouver ce jour-là en sa Maison du Bouquet ; & sur le soir un grand bruit de Boëtes qui reveilla la joye de la Compagnie, excita la curiosité de quantité de personnes des environs qui y accoururent. On vit tout d'un coup une Illumination aussi ingenieuse que bien entenduë, qui regnoit dans toute la façade de la Maison, & formoit artistement des Fleurs de-Lys à l'endroit des Fenestres, pour faire voir que le Roy estoit le motif de cette réjouissance. Quantité de Fusées volantes accompagnées de feux d'artifices, s'eleverent dans les airs, tandis que le feu consumoit un grand Bucher qui estoit devant la porte. Des gens placez en divers endroits distribuoient du Vin à toute la populace, & tout cela se faisoit au bruit de Tambours & des Trompetes. Un Bal tres-bien ordonné suivit, & tous ces plaisirs furent terminez par un Repas magnifique, ou la politesse de la Dame de la Maison du Bouquet, qui joint beaucoup d'agrément à une grande delicatesse dans ses manieres, se fit remarquer sans peine. Chacun s'en retourna tres-content, & le jour parut trop court à ceux qui furent de cette Feste.

[Porteurs de la Chasse de Ste Geneviéve] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 297

 

Les quarante Porteurs de la Chasse de Sainte Geneviesve, qui sont Bourgeois choisis de Paris, qui portent cette Chasse dans les grandes ceremonies, lors qu'on la descend pour quelque necessité pressante, firent celebrer l'Office en l'Eglise de l'Abbaye Royale de cette Sainte le 12. du mesme mois [janvier]. Mr l'Abbé de Sainte Geneviesve Officia avec toute la solemnité possible, & la ceremonie se termina par la procession, & un Te Deum.

[Bateurs d'or] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 297-299

 

Les Maistres Bateurs d'or ayant fait chanter une grande Messe & un Te Deum en Musique dans l'Eglise de Sainte Croix de la Bretonnerie, le sieur Pierre Simon qui s'y estoit trouvé avec ses Confreres, se distingua le soir par une réjoüissance qui merite d'être remarquée. Comme il fournit l'or en feüilles qui s'employe aux Bâtimens de toutes les Maisons Royales, il voulut marquer son zele en faisant élever devant sa Boutique, où il bat l'or au quartier S. Martin rüe des Menestriers, un Buste du Roy d'aprés le Chevalier Bernin. Il estoit sous un magnifique Dais, avec quantité de Devises en maniere d'Illuminations. Les Fenestres de sa maison furent éclairées de Lanternes fleurdelisées & historiées, qui durerent presque toute la nuit, pendant laquelle plusieurs feux d'artifice divertirèrent agreablement les Spectateurs. Il distribua du pain & du Vin à tous les Passans, & il n'y en eust aucun qu'il ne fist boire à la santé de Sa Majesté.

[Bourgueil] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 299-304

 

Bourgueil, petite Ville dans la Touraine, à demy-lieuë de la Riviere de Loire, n'a pas fait voir moins de zele que les plus considerables du Royaume. Trois cens hommes distribuez en quatre Compagnies se rangerent le 26. de Janvier dés six heures du matin devant les maisons de leurs Capitaines. La premiere Compagnie qui avoit le bleu pour couleur, & la seconde le rouge, estoient commandées par Mrs de S. Estienne & Devau, tous deux Gentilshommes de Bourgueil, dont l'un a servy long-temps en qualité du Capitaine du Regiment de Bretagne, & l'autre dans la Maison du Roy. Le verd estoit la couleur de la troisiéme, & le blanc de la derniere. Si-tost qu'elles se furent jointes et mises en ordre, elles allerent prendre la Justice, qui estoit assemblée en Corps & en Robes chez Mr des Lutinieres, Senéchal du lieu. On se rendit delà au Château de l'Abbaye, où l'on fit faire une salve de toute la mousqueterie en l'honneur de Mr l'Abbé, qui est un des Fils de Mr de Louvois, aprés quoy on alla dans l'Eglise des Peres Benedictins, Curez primitifs de Bourgueil. Les Compagnies firent une seconde décharge, & se mirent en bataillon devant la principale porte de l'Eglise. La grand'-Messe fut chantée avec beaucoup de solemnité, l'aprésdînée on retourna dans le mesme ordre à la mesme Eglise. La Justice fut placée dans les hauts bancs du Choeurs à la droite, & les Officiers des Compagnies dans les hauts bancs à la gauche. Les Soldats rangez dans le fond du Choeur, tirerent leur Epée & la tinrent nuë pendant qu'on chanta le Te Deum. Cette petite ceremonie qui marquoit qu'on estoit prés de verser son sang pour le service du Roy, causa une émotion dans les coeurs, qui ria des larmes de joye de la plus grande partie de l'Assemblée. On alla ensuite chanter un second Te Deum dans la principale Paroisse appellée S. Germain, aprés les Vespres qu'on y entendit, & il en fut chanté un troisième au feu de joye que l'on alluma sur les cinq heures. L'air fut remply de Fusées Volantes, accompagnées de feux d'artifice, & les cris d'allegresse qu'on poussa de toutes parts, empêchoient presque qu'on n'entendist la mousqueterie, qui ne cessa point de tirer pendant deux heures. Les Officiers de Justice & des Compagnies s'estant rendus chez Mr le Senechal, y trouverent un magnifique Soupé. Pour se disposer à boire à la santé du Roy, d'une maniere qui ne fust pas commune, il lut un Eloge de Sa Majesté en vers, & but en le finissant. En mesme temps tout le monde debout & nuë teste fit retentir la Sale de cris de Vive le Roy, ce qui joint au bruit des Tambours & des Hautbois, qu'on avoit fait venir de Chinon & de Saumur, fit une harmonie qui se répandit dans toute la Ville. Les huit derniers Vers de cet Eloge qui contenoitent des Voeux pour le Roy, furent donnez à toute la Compagnie, & chacun l'un aprés l'autre les leut avant que de boire, ce qui produisit toûjours le mesme effet. Le lendemain Mr le Senechal à la teste de cinquante Cavaliers, tous bien montez & forts lestes, alla aprés midy à une lieuë de Bourgueil en la maison de Mrs Guedier freres, l'un sous-Doyen, & l'autre Chanoine de S. Martin de Tours, qui les receurent avec tous les témoignages possibles de joye. On alla d'abord dans leur Chapelle, où un Prestre qu'on avoit mené de Bourgueil en qualité d'Aumonier de la Compagnie, annonça le Te Deum à Mr le Sous-Doyen, qui ensuite l'entonna. Mrs Guedier donnerent aprés cela une Collation à plus de cent personnes dispersées en divers endroits de leur maison, où ils avoient fait dresser des Tables.

[Rennes] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 304-309

 

Le 29. de Janvier il se fit une solemnité des plus éclatantes dans l'Eglise Cathedrale de Renes. Elle fut annoncée le soir precedent, par un son de trois heures de la grosse Horloge, l'une des plus belles de tout le Royaume. La Cloche est ouverte de deux doigts du haut en bas, à cause du grand timbre qu'elle avoit, & qui empeschoit qu'on ne pust aisément distinguer les coups qui marquent les heures. L'Horloge recommença à sonner de grand matin, & toutes les Cloches de la Ville luy répondirent. A l'heure de Vespres le Corps du Presidial & celuy de la Ville se rendirent dans le Choeur de la Cathedrale, où toutes les Paroisses & tous les Religieux vinrent processionnellement. Après le Te Deum qu'on y chanta en Musique, le Corps de Ville, composé des deux Connetables qui sont Officiers Militaires pourveus par Sa Majesté en titre, qu'on appelle ailleurs Majors ; du Syndic en charge ou Maire ; des anciens Syndics & des Echevins alla au bruit des Trompetes & des Tambours, mettre le feu au Bucher dressé devant l'Hostel de Ville. Il fut accompagné des Feux d'artifice, & de toute l'Artillerie qu'on avoit pû ramasser. Mr l'Evesque de Rennes, qui est de la Maison de Lavardin, marqua la joye par une superbe Illumination, qui parut aux Tours de son Eglise. Il y eut un grand Bucher allumé avec des Feux d'artifice devant l'Hostel de Mr le Marquis de Coetlogon, Gouverneur de la Ville. Les Jésuites firent illuminer le Portail & le Clocher de leur Eglise, & les Ursulines du Preboré, qui avoient chanté un Te Deum, se signalerent aussi par une tres-belle Illumination, & par un grand feu qui fut allumé devant leur Convent. On en fit dans tous les Carfours & toutes les Ruës, & on passa la plus grande partie de la nuit dans les plaisirs, les uns de la Danse, & les autres de la Table. Icy on voyoit le Bourgeois donner à manger à ses Amis. Là les Violons se faisoient entendre. Les innocentes Chansons faisoient ailleurs le divertissement du Peuple. Enfin tout le monde voulut ce jour-là faire quelque chose qui parust. On remarqua que plusieurs dans le transport de leur joye, rencontrant leurs Ennemis, se reconcilierent en les embrassant, & ce qui est de particulier, tous ceux qui avoient des Portraits du Roy, dont le nombre est grand, les exposerent entourez de Lauriers sur des Tapis. Mr Hevin Avocat au Parlement & ancien Syndic de Renes, illumina sa maison d'un grand nombre de Lanternes, qui avoient d'un côté une S. couronnée & de l'autre un A pour signifier, Saluti Augusti. Chaque face du Bucher qu'il fit élever devant sa porte, estoit ornée d'une Inscription tirée des Médailles des Empereurs. La principale marquoit le sujet de la Feste. Salus Augusti. Les trois autres en expliquoient les consequences, Securitas Orbis. Laetitia fundata. Saeculi felicitas. Le 21. le Corps des Notaires Gardenotes du Roy, fit chanter une Grand'Messe & un Te Deum en Musique, accompagné de Concerts, & le soir ils firent un tres-beau feu dans une Place publique. Le 22. le Corps des Marchands fit la mesme chose dans leur Chapelle. Il y eut plusieurs Concerts, suivis d'un feu d'artifice. Les Procureurs du Presidial s'acquiterent le 23 du mesme devoir. L'un de ces jours de Réjoüissances, il y eut une Fontaine de Vin devant le Bureau de la Poste, aux dépens de Mr Orson Maistre des Postes, qui en fit distribuer par tout.

[Redonce] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 309-311

 

Ces Réjoüissances ont esté grandes à Redonce, qui est une petite Ville de Bretagne. Le Clergé donna l'exemple par un Te Deum qu'il chanta à la Paroisse ; après quoy il alla Processionnellement mettre le feu au Bucher preparé devant l'Eglise. Le lendemain les Habitans allerent en Corps à l'Eglise de Saint Sauveur, fameuse Abbaye de l'ordre de Saint Benoist. On y chanta un Te Deum, qui fut suivy de la décharge de toutes les Boêtes de la Ville, ce qui fut réiteré lors que l'on mit le feu au Bucher. Le jour suivant fut un jour de Feste que solemniserent les Bourgeois du Port. Ils firent chanter une Messe, où Mr l'Abbé du Boüair officia comme à tout le reste de cette ceremonie. Sur les trois heures, ils allerent entendre Vespres à la Paroisse. Le Te Deum fut chanté ensuite, & cela fait, on vint avec le Clergé allumer un feu dressé sur le Port, il y avoit alors prés de cinquante Vaisseaux. Ils avoient tous leurs Pavillons & leurs flâmes & chacun tira son Artillerie. On invita tous les Etrangers à un superbe Repas. On y but à la santé de Sa Majesté, & au signal d'un flambeau, tous les Vaisseaux firent une seconde décharge.

[La Patache] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 311-312

 

Le soir du 15. de Fevrier Mr de la Place, commandant les Brigades pour le Roy à la Patache, qui est une petite Isle, vis à vis Chantoceaux en Anjou & à cinq lieuës de Nantes, fit annoncer par plusieurs volées de canon la Feste qu'il préparoit pour le lendemain. Tous les Habitans des environs y accoururent, & se mirent sous les armes. Le Te Deum fut chanté, on alluma un feu de joye & le bruit des Tambours & Violons retentit de toutes parts. On dit que le Canon se fit entendre jusque dans Angers qui en est à dix lieuës.

[Eu] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 312-315

 

Le 20. de Fevrier les Habitans de la Ville d'Eu firent celebrer une Messe solemnelle dans l'Eglise des Chanoines Reguliers de l'Ordre de Saint Augustin, Abbaye de Nostre-Dame, où le Clergé des quatre Paroisses de la Ville & des Maisons Religieuses fut invité. Mr le Comte de Lannoy, Gouverneur de la Ville & Comté d'Eu, de l'ancienne Maison de Lannoy originaire de Flandre, s'y trouva avec quantité de Noblesse: Mr d'Auberville sur Yere, Bailly d'Epée & de Robe longue, & Mr du Pont, Maire de la Ville s'y estoient rendus, l'un à la teste du Corps du Bailliage, & l'autre à la teste des Echevins. L'Eloge du Roy fut prononcé avec beaucoup d'applaudissement, par le Pere Celestin Pernet, Religieux Recollet ; & après la Messe & le Te Deum, on alluma le Bucher dans la grande Place, au bruit du Canon, des Boêtes, & de la Mousqueterie des Bourgeois qui s'estoient mis sous les Armes. Le soir on fit des feux dans toutes les Ruës. Les principaux Officiers se distinguerent par des Illuminations, & Mr de Franval Gentilhomme Servant de la feuë Reyne, se fit remarquer par le nombre des lumieres qui éclairoient le devant de sa maison. Le comté d'Eu fut le partage de Guillaume Fils puisné de Richard dit sans Peur, Duc de Normandie en 1002. Il fut érigé en Pair en faveur de Charles d'Artois Comte d'Eu en 1458. Il entra dans la Maison de Guise, par le mariage de Catherine de Cle?? avec Henri de Lorraine Duc de Guise, & Mademoiselle d'O??lrans l'acheta en 1660, deux millions cinq cens mille livres, le prix d'achat pour faire juge de son étenduë. Son Altesse Royale a extrêmement embelly & aggrandy le Château, & la piété de cette grande Princesse l'ayant portée à faire quantité de fondations dans le Comté d'Eu, elle a fait bâtir dans la Ville d'Eu un Hospital General fort magnifique, sur le dessein de Mr Gabriel. Elle y a aussi étably un Séminaire de Soeurs de la Charité, ainsi que dans les autres Villes & Bourgs du mesme Comté.

[Orbec] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 315-317

 

Orbec, petite Ville de Normandie, n'a pas oublié de marquer son zele. La grand'Messe y fut celebrée solemnellement le 2. de Fevrier, & le Te Deum chanté. A l'issuë des Vespres, on fit la procession, à laquelle se trouva tout le Bailliage en Robes longues. On alluma un grand feu au bruit des Tambours & des Hautbois & d'une décharge de Mousqueterie que firent les Habitans rangez sous les Armes. Cette belle Soldatesque avoit un Drapeau de couleur celeste, où l'on avoit dépeint un petit Bucher encore à demy allumé, d'où s'élevoit un Phoenix avec ces paroles Redivivus ab aggore Phoenix. on fit joüer des feux d'artifice, [et] l'air parut éclairé d'un tres-grand nombre de Fusées volantes. Mr Guenet, Seigneur de Saint Ju[st] & de la Factiere, qui exerce la charge de Lieutenant General d'Orbec avec tout l'applaudissement imaginable, regala le soir les Officiers de la Justice, de la Gendarmerie, & plusieurs autres personnes considerables. Il y eut deux Tables servies avec autant d'abondance que de propreté. Quoy que ce Repas fust fort splendide, on peut dire, que Madame la Lieutenant Generale fit le plus bel ornement. Elle a Niepce de feu Mr le President du Tronc, qui a fait les fonctions du premier President de la Chambre des Comptes à Roüen avec une approbation generale. Madame de Varaville sa mere est soeur de Mr l'Evesque d'Angoulesme, & Niepce de feu Mr Pericard Evesque d'Evreux. Les Violons & les Voix ne furent pas oubliez dans ce superbe Repas. Ces Réjoüissances durerent toute la semaine. La gendarmerie d'Orbec s'estant divisée par bandes, alla faire allumer les feux dans les Paroisses voisines, & tout le monde à l'envy y fit paroistre sa joye.

[Chastillon sur Seine] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 317-322

 

Après que le Baillage de Chastillon-sur-Seine y eut fait chanter le Te Deum, & que chaque Corps eut suivy cet exemple en divers jours, avec permission de promener en Armes par la Ville au son des Hautbois & des Violons ce qui dura prés d'un mois, Mr le Comte de la Feuillée, Lieutenant General des Armées du Roy, Gouverneur de Dole & de Chastillon, finit ces Réjoüissances par une Feste particuliere. Toute la jeunesse s'estant trouvée par ses ordres devant sa maison dans l'équipage le plus propre qu'elle pût, il la divisa en trois Compagnies distinguées par des couleurs differentes ; la premiere estoit des Cadets des Principaux de la Ville, & prit le bleu & le blanc. On donna le bleu à la seconde, & le jaune fut choisi par la troisième. La reveuë en ayant esté faite par un Officier de sa Maison, il les fit conduire hors de la Ville dans une Place commode, où il leur enseigna luy-mesme à faire l'exercice & tous les mouvemens ordinaires aux Troupes les mieux réglées. Ils se rendirent le lendemain au mesme équipage devant un logis, & Mr le Gouverneur s'estant mis à la teste des Cadets, on fut tres agreablement surpris de voir à sa suite Madame la Gouvernante precedée de Fifres, Tambours & Hautbois, & suivie d'une trentaine de jeunes Filles, toutes vestuës de blanc & de livrées bleuës. Les deux autres Compagnies marchoient après cette Troupe, & toutes les autres furent conduites à l'Eglise où l'on chanta solemnellement la Messe. Les Filles, chacune un cierge à la main, allerent à l'offrande, & cette pieuse ceremonie se termina par l'Exaudiat & le Te Deum. Vous pouvez jugez du bruit des Fifres, du Tambours & Hautbois & de la Mousqueterie. L'aprésdinée Mr le Gouverneur, encore à la teste de cette Gendarmerie, & Madame la Gouvernante à celle de ces jeunes Demoiselles, traverserent toute la Ville, pour se rendre à une Place qui sert de promenade aux Habitans. On y fit ranger ces Troupes en bataille ; & après qu'on leur eut fait faire l'exercice, elles eurent ordre de mettre les Armes bas, & l'on commença à danser dans cette Place. Chacun eut son tour, & jusqu'aux gens les plus graves qui n'estoient venus que pour estre spectateurs. Cela estant fait, il fut permis aux jeunes Soldats d'aller visiter le Viandier ; qui avoit eu soin de dresser une Tente à la teste de ce petit Camp, & de la garnir d'excellent vin. Les Tambours ayant rappellé chacun à son poste, Mr le Comte de la Feuillée proposa des prix pour celuy qui tireroit avec le plus d'adresse. Comme il estoit déjà tard, il n'y eut que les deux premieres qui tirerent, & le prix de la troisieme fut remis au lendemain. Les troupes défilerent & reconduisirent Mr le Gouverneur. Les Demoiselles qui avoient suivy la Gouvernante furent regalées d'une Collation ; & les Soldats ayant fait plusieurs tours dans la Ville, toûjours precedez de leurs Hautbois allerent se délasser dans les plaisirs de la Table. Il y eut Bal chez Mr le Gouverneur, devant la Maison duquel un grand feu fut allumé. Des Fusées volantes, & plusieurs feux d'artifices parurent en l'air de differens endroits de la Ville, & toute la nuit se passa en joye. Le lendemain les mesmes Troupes se rendirent dans l'endroit, où devoit tirer la derniere Compagnie. Mr le Gouverneur fit distribuer les prix, & il y eut encore ce jour là de grandes Réjoüissances.

[Cour des Aydes d'Auvergne] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 322-323

 

Le Dimanche 2. de Fevrier, la Cour des Aydes d'Auvergne se rendit en Robes rouges dans la Cathedrale de Clermont, où elle assista au Te Deum. Le Jeudy suivant elle en fit chanter un autre dans la Chapelle du Palais. Il fut precedé d'une Messe solemnelle, & il y eut un grand concert de Voix & d'Instrumens. Ce jour mesme Mr Ribeyre, Premier President de cette Cour, en regala magnifiquement tous les Officiers. Ce regale fut suivy d'un grand Bal donné aux Dames, après quoy on chanta plusieurs beaux Airs, composez exprés sur la guerison du Roy. Tout cela finit par un feu de Joye & par une tres-belle Illumination que ce premier Magistrat fit faire sur toute la face de son Hostel. On y voyat sur un grand Balcon les Armes du Roy au milieu de quatre grandes Statuës, qui representoient les quatre Vertus Cardinales. On employa une bonne partie de la nuit à cette Réjoüissance, pendant laquelle on réïtera plusieurs fois la décharge de toute la mousqueterie, de toutes les Boëtes, & de toutes les Coulevrines de la Ville. Les mesmes marques de joye ont esté données à S. Sandoux & à L??zoux. Ce sont deux Bourgs, éloignez chacun de quatre lieües de Clermont qui appartiennent à Mr Ribeyre. Mr le Premier Presidens dont je vous parle esy frere aisné de Mr de S. Sandoux, qui mourrut en 1679. Gouverneur de Tournay et Cousin germain de Mr Ribeyre Conseiller d'Etat, si celebre par son integrité & par sa vertu.

[Morlaix] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], [Extraits] p. 324-330

 

Tous les ordres de la Ville de Morlaix, l'une des plus considerables de Bretagne pour sa fidelité au service de nos Rois, pour son grand commerce, & pour ses riches marchez, se rendirent le Mercredy 6. de Fevrier, dans la Chapelle Royale de Nostre-Dame du Mur, ainsi nommée, parce qu'elle est dans l'enceinte des murailles du Château des anciens Ducs de cette Province. [...] Je passe les ceremonies des Prieres qui furent faites accompagnées de Musique, pour venir au feu que la Maison de Ville avoit fait dresser, vis à vis le Canal qui separe le Quay de Leon & de Treguier. [...] Le feu fut suivy d'une Collation magnifique que Mr le Syndic fit servir avec grand ordre, dans la Salle de la Maison de Ville, où les Violons, les Hautbois & les Trompetes se répondoient tour à tour. Les Illuminations ne furent pas seulement à toutes les Fenestres de chaque quartier, mais aussi dans les Clochers, ce qui produisit un tres agreable effet, sur tout dans la Tour de Nostre-Dame du Mur.

[Tours] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 330-332

 

Tous les Corps & toutes les Communautez de la Ville de Tours, ayant marqué leur joye à l'envy par des Prieres publiques, la Communauté des Marchands Maistres Ouvriers en draps d'or, d'argent & de soye, n'a pas oublié de s'acquiter d'un devoir si juste. Ils choisirent le 20. de Janvier, Feste de Saint Sebastien leur patron, pour faire chanter une Messe solemnelle & un Te Deum dans l'Eglise des Augustins. Les deux Corps de Musique des Chantres de Saint Gatien & de Saint Martin, se joignirent pour cela, tous les anciens qui ont passé par les Charges & les Maistres particuliers de cette Communauté y assisterent avec beaucoup de dévotion. Ils envoyerent du pain, du Vin & du bois aux Prisonniers, firent l'aumône à tous les Pauvres qui se presenterent.

Le 2. de Fevrier, Mr l'Archevêque de Tours, & Mrs de l'Eglise Metropolitaine firent la closture de ces Prieres avec beaucoup de solemnité. Ils ornerent pendant la nuit les deux tours de leur Eglise de quantité d'Illuminations, dont le spectacle attira toute la Ville. La disposition naturelle de la Tours y contribua beaucoup. La structure qui est tres-belle & tres-delicate, y estoit distinguée à faveur des flambeaux qui formoient trois Couronnes sur chaque Tour d'étage en étage. Ces Illuminations furent accompagnées d'un feu d'artifice qu'on tira au son des Cloches, dont l'harmonie charme tous ceux qui l'entendent.

[Madame de Bethune, Abbesse de Beaumont lez Tours] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 332-337

 

Le lendemainIV, Madame de Béthune, Abbesse de Beaumont les Tours, fit éclater les apprests qu'elle faisoit depuis quelques temps. Dans la grande court étoit un Theatre de douze pieds de hauteur, & de seize de face, au milieu duquel on avoit élevé une Pyramide haute de seize pieds, & terminée par un Globe ou estoient les Armes de Sa Majesté ; & au bas Ludovico Magno. Les quatre coins du Theatre estoient ornez de Soleils, Fleurs de Lis & Chifres, & tout autour regnoit une Balustrade façon de marbre, avec quatre grands Emblêmes aux extrêmitez. Le premier faisoit voir le Roy qui retiroit plusieurs personnes du précipice. Le second representoit la Religion sous la Figure d'une Femme, qui tenoit une Croix & le Livre des Evangiles ouvert, où mettoient la main quantité de Protestans. Dans le troisiéme, paroissoient plusieurs Monstres écrasez sous les ruines d'un Temple, & dans le dernier, on voyoit la Vierge & le Roy à genoux lui demandant la preotection. La figure de ce Prince avoit esté mise sur un piedestal au bas de la Pyramide, & sur le Theatre orné par tout de Trophées & de Festons, estoit dressé un feu d'artifice. Vis à vis, il y avoit un Bucher soûtenu d'un mast de cinquante pieds de haut, au milieu duquel estoit l'Heresie, sous la figure d'une Femme hydeuse, tenant dans ses mains les Livres de Calvin & de Luther. Sur les trois heures arriverent les Compagnies des Habitans sous les Armes, au travers desquelles passerent Mr l'Archevesque, Mr de Rasilly, Lieutenant de Roy de la Province, & Mr le Marquis de Nointel, Intendant de la Generalité de Tours. lors qu'ils se furent rendus à l'Eglise, on prononça l'Eloge du Roy, le Te Deum fut chanté par une excellente Musique, & ce Prelat donna la Benediction. On se rendit delà au logis Abbatial, où l'on servit une collation magnifique, pendant laquelle il y eut Concert. Sur les sept heures Mr l'Archevesque mit le feu à une fusée portée par un Ange, qui embrasa le Bucher où estoit l'Heresie. Au mesme instant on entendit les Tambours, & les Trompetes de toutes les Compagnies, & l'on vit le Dome de la Maison, qui est extrêmement élevé, remply d'une infinité de lumieres, qui firent paroistre une figure éclatante de la Vierge écrasant un Serpent, avec ces mots, Cunctas hæreses sola interemisti. D'un costé estoit un Soleil éclairant plusieurs testes couronnées, & de l'autre une Hydre avec ses testes coupées. A ?? face qui regarde le Cloistre estoit le Roy a la teste de son Armée regardant une Croix dans ?? nuages avec cette Inscription, Ab hoc signo vinces. D'un costé la Renommée publioit sa gloire, & de l'autre il y avoit divers trophées d'Armes. Dés que le Bucher fut allumé, Mr le Lieutenant de Roy Mr l'Intendant mirent ensemble le feu à une Fusée, qui fit joüer celuy d'artifice. Il réüssit parfaitement bien ; & les Peuples dont la court & le dehors estoient remplis, marqua sa joye par mille acclamations. Ce mesme jour Madame l'Abbesse fit faire une distribution à tous les Pauvres qui se presenterent au nombre de quatre mille.

[Madame de Praslin, Abbesse de l'Abbaye Royale de Nostre-Dame de Troye] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 337-338

 

Madame de Praslain, Abbesse de l'Abbaye Royale de Nostre-Dame de Troye, a fait rendre des actions de graces dans son Eglise. Il y eut une Messe du S. Esprit chantée en Musique. Mr de Lamivoye, ancien Doyen de la Cathedrale, & grand Vicaire de Mr l'Evesque, officia accompagné de dix Assistans, tous revestus d'ornemens à Fleurs-de Lis d'or. La Messe finie, on chanta le Te Deum avec la mesme Musique & simphonie, après quoy ces paroles furent repetées, Vitam peruit à te, & tribuisti ei longitudinem erum in sæculum, & in sæculum sæculi. Ces actions de graces que tou les Corps et toutes les Communautez de la Ville avoient fait durer prés de deux mois, ont fini par celles des Dames de la Charité.C'est une Assemblée formée par les soins & par la prudence de Mr l'Evesque. leur ceremonie se fit dans les Carmelites, où Mr Denise, Chanoine de la Cathedrale, prononça l'Eloge du Roy avec son éloquence ordinaire. On fit ensuite une aumône à tous les Pauvres des Paroisses de la Ville.

[Saint Maximin]* §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 341-346

 

Le Dimanche 9 du mesme mois il y eut à Saint Maximin une solemnité fort particuliere. Le Premier Consul ayant fait tapisser le devant de sa Maison & mettre le Portrait du Roy sur sa porte, se rendit à l'Eglise avec les autres Consuls & les principaux Bourgeois, precedez par des Tambours, des Fifres & des Trompetes, ayant à leur teste le Capitaine de la Ville accompagné de douze Gardes du corps de Sainte Madeleine armez de Pertuisanes. Ils assisterent ainsi que les Magistrats à une grand'Messe que les Religieux de la Paroisse chanterent. Un peu avant l'élevation treize Marguiliers de Nôtre-Dame des grands Cierges en Robe & Surplis & portant de grands flambeaux, s'approcherent de l'Autel ; & en mesme temps le Choeur chanta le Pseaume Exaudiat te Deus. La Messe estant achevée, le premier Consul regala les Magistrats & Mrs de Ville. L'aprésdinée ils retournerent tous au mesme lieu, & les Vespres dites on fit la Procession dans l'ordre suivant. Les Tambours, les Fifres & les Trompetes marchoient les premiers devant une Compagnie de Mousquetaires qui faisoient de continuelles décharges. Ils precedoient la Croix de la Paroisse, après laquelle on voyoit toutes les Bannieres & tous les Marguillers des Confrairies avec des flambeaux de cire blanche. Il y avoit parmy eux vingt-quatre Marguilliers de Nôtre-Dame des Grands Cierges dans leurs habits de ceremonie, portant sur l'épaule des Cierges de douze pieds de hauteur, qui font la charge d'un homme. Vingt-quatre Artisans de la mesme Confrairie, avoient de semblables Cierges. Les Penitens blancs paroissoient ensuite, portant les Tabernacles où sont les Chasses des saintes Reliques. Les Capucins marchoient après eux, suivis des Religieux de la Paroisse. Quatre Chantres en Surplis tenant de grands Bastons d'argent fleurdelisez, chantoient l'Hymne de Sainte Madeleine, & ils precedoient quatre Danseurs magnifiquement vestus, qui pour témoigner la joye du peuple dansoient devant le Tabernacle de cette Sainte, de mesme que David dansoit devant l'Arche. Il estoit gardé par le Capitaine de la Ville. Plusieurs Religieux revestus de Dalmatiques tenoient des Reliques dans leurs mains, & le Pere Superieur du Convent Royal de Sainte Madeleine marchoit sous un Dais, portant la Sainte Ampoulle où il y avoit de la Terre teinte du Sang précieux du Sauveur du monde, les Magistrats & Consuls fermoient la marche. Toutes les Ruës furent tapissées, & après que le Te Deum eut esté chanté au bruit des Tambours & des Trompetes & de la décharge de la mousqueterie, les Religieux allerent mettre le feu au Bucher qu'ils avoient fait preparer devant l'Eglise. Les Magistrats avec les Consuls le mirent à celuy de la grand'Place, autour duquel les quatre Danseurs signalerent leur adresse. Le Prieur des Penitens blancs fit chanter le Te Deum dans sa Chapelle, & alluma le Bucher qui estoit devant. On en alluma aussi dans toutes les Ruës, & le Capitaine de la Ville traita à Soupé les Consuls & douze Gardes du Corps de Sainte Madeleine. Après ce Repas ils sortirent tous ensemble & allerent convier les Magistrats de venir à la Place publique afin d'y boire à la santé de Sa Majesté. C'est ce qu'on executa avec les acclamations d'une infinité de monde ; les liqueurs furent données en grande abondance à tous ceux qui en voulurent, & la Feste se fust terminée de cette sorte, si le Peuple n'eust voulu la continuer pendant trois jours.

[Saint Lomer de Blois] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 346-349

 

Les Religieux de l'Abbaye Royale de Saint Lomer de Blois qui ont juridiction temporelle sur un des plus considerables Fauxbourgs de la Ville, ayant declaré aux Officiers du quartier qu'ils vouloient que tous ceux qui étoient capables de porter les armes se trouvassent le 23. de Janvier dans le Parvis de leur Eglise avec l'étendard, & revestus des livrées qui les distinguent du reste de la Ville, cet ordre fut executé ponctuellement, & ils s'y rendirent au nombre de trois cens avec de grands Bonnets d'écarlate, chargez de Rubans & de galon d'or & d'argent. Les Officiers les ayant mis en ordre les firent entrer dans l'Abbaye, où ils firent plusieurs décharges. Delà ils entrerent dans la Ville, & se firent voir partout. Le lendemain s'étant remis sous les armes, ils allerent à Nostre-Dame de Vienne rendre graces à la Vierge de la protection qu'elle a donnée à la France en luy conservant le Roy. Sur les cinq heures du soir ils retournerent dans le grand parvis de l'Eglise Abbatiale, où l'on avoit preparé un feu de joye. Les Armes de France estoient sur la grande porte de l'Eglise, & l'on voyoit celles de l'Abbaye sur les quatre pilliers des deux grosses Tours. Une Fontaine de Vin coula depuis deux heures jusques à sept, & ce jour-là & le jour suivant on fit une aumône generale. Toutes choses estant disposées, le Prieur de l'Abbaye precedé de deux Chantres vint au Choeur où ayant trouvé la Communauté, il entonna le Te Deum qui fut suivy de l'Exaudiat, & precedé d'une décharge de tous les mousquets & de douze demy-coulevrines. Les Prieres achevées il quitta ses ornemens, & à la teste de sa Communauté, qui est le premier Corps du Clergé de Blois, il alla mettre le feu au Bucher. La mousqueterie & les coulevrines recommencerent à se faire entendre. On avoit illuminé les Tours de feux d'artifices, & l'on en fit tomber une pluye de feu.

[Mr Lion, Receveur des Gabelles de Dunois] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 349-351

 

Le 23. de Fevrier Mr de Lyon, Receveur des Gabelles de Dunois fit élever un grand feu de joye à Chateaudun devant le Grenier à Sel, ou deux Compagnies de Fuseliers estoient postées pour empescher la confusion. Il y avoit deux Arcs de Triomphe aux portes de ce Grenier, avec ces deux mots Sol & Sal, & au dessous.

Le Soleil & le Sel ont de la simpatie.
Le Soleil produit l'aliment,
Et le Sel l'assaisonnement.
Le Soleil & le Sel nous donnent donc la vie.

Auprés du mesme Grenier à Sel couloient deux Fontaines de Vin, & tout le monde fut receu à deux Tables qui avoient esté dressées dans la court du Receveur. Le Te Deum fut chanté ; on alluma le feu de joye, & on alla ensuite au Chasteau faire de Salves à la porte de Mr le Marquis de Saint Hilaire, Gouverneur du lieu, qui avoit envoyé les Drapeaux de la Ville chez Mr de Lyon.

[Mr Rougeau, Receveur du Marquisat de Courtanvau] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 351-352

 

Le 2. de ce moisV Mr Rougeau, Receveur du Marquisat de Courtanvau & Directeur des Postes de Chasteaudun, fit rendre des actions de graces dans l'Eglise de Saint Médard sa Paroisse, & dans celle des Cordeliers qui est à l'autre bout de la Ville, afin que tous les quartiers pussent y prendre part dans le mesme temps. Une Fontaine de Vin blanc, & une autre de Vin rouge coulerent de chaque costé de son Bureau. Au milieu estoit une Pyramide de ?arton doré, & au dessus d'un Soleil, dont les rayons s'étendoient par toutes sortes de fruits parmy desquels on voyoit quantité de grapes de raisin, estoient ces paroles, Foecunditas & maturitas. A la base de la Pyramide on lisoit ces Vers.

Peuples quijoüissez des doux fruits de la Paix,
Donnez de vostre joye une éclatante marque;
Beuvez de ce Vin à longs Traits;
LOUIS triomphe de la Parque

Les Hautbois, les Violons & les Mousqueteries ne furent pas oubliez dans cette Feste.

[Les Elus de Chasteaudun] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 352-354

 

Peu de temps après les Elus de Chasteaudun firent celebrer une Messe solemnelle, après laquelle le Predicateur du Caresme monta en chaire. [Sur la guérison de la Belle-mère de Saint-Pierre]. Après le Te Deum chanté en musique, on alla dans la grand'Place où le feu de joye fut allumé. La Mousqueterie se fit entendre ainsi que les Violons, & cette Réjoüissance finit par un grand Repas, & par une aumône à tous les Pauvres. [Liste de personnes se distinguant lors de cette cérémonie].

[Les Chambres Semestres de la Cour des Comptes, Aydes, & Finances de Montpellier] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 354-355

 

Le 8. de Fevrier les Chambres & Semestres de la Cour des Comptes, Aydes, & Finances de Montpellier s'assemblerent au Palais, où ayant pris leurs Habits de ceremonie, Mr le Marquis de la Castries, Neveu de Mr le Cardinal de Bonzi & Gouverneur de la Ville & Citadelle, y vint prendre sa place en qualité de Conseiller honoraire. En cet état ils se rendirent à la Chapelle, où la ceremonie commença par une grand'Messe que celebra le Pere de la Greffe, Religieux de l'Observance de Saint François. Il est fils de feu Mr de la Greffe second President de cette Compagnie, & son merite l'a fait élire deux fois Provincial & Definiceur General de l'Ordre. On chanta le Te Deum, & tout fut accompagné d'une excellente Musique, d'un grand nombre de Violons & autre Instrumens, & suivy du bruit des Hautbois & des Trompetes. Des Fontaines de Vin clairet & muscat coulerent tout le jour dans la court du Palais, & on y distribua de l'argent à tous les Pauvres.

[Consuls & Gouverneurs de la Ville d'Arles] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 356-359

 

Mrs les Consuls Gouverneurs de la Ville d'Arles, ayant resolu de faire éclater leur joye commencerent d'en donner des marques par une aumône generale qu'ils firent de leurs propres mains dans l'Hostel de Ville, à une infinité de Pauvres qui s'y rendirent de toutes parts. Ils y furent occupez les plus grandes parties du 9. de Fevrier & une foule de Noblesse s'étant venuë ranger auprés d'eux sur les trois heures, ils se rendirent dans l'Eglise Cathedrale de Saint Trophime, où le Te Deum & un motet excellent furent chantez. Mr le Coadjuteur d'Arles officia. Cependant comme on avoit disposé un tres-beau deu d'artifice au milieu de la Place du Marché où est l'obelisque, cette Place estant terminée dans son vaste quarré par les façades de l'Eglsie Cathedrale, de l'Archevesché, de l'Eglise de Sainte Anne, & de l'Hostel de Ville qui est un chef d'oeuvre d'Architecture du dessein du fameux Mr Mansard, on prit soin en mesme temps de faire dresser un bout de l'Estrade qui regne devant cet Hostel, une espece d'Arc de Triomphe à trois avenuës de verdure, embellies de Guidons & de banderolles & remplies d'Emblêmes, du haut duquel on vit jallir pendant tout le jour une Fontaine de Vin muscat dont le jet estoit d'une hauteur surprenante. Le feu d'artifice estoit élevé sur un piedestal de figure exagone & surmonté d'un quarré qui soûtenoit un Dome ouvert en Portique. Aux Angles estoient des figures en relief tres-richement assorties, avec des Devises en cartouches à la gloire de Sa Majesté. Une infinité de Guidons au Armes de France en remplissoient les extremitez. La nuit s'approchant, on fut surpris de l'Illumination qui parut depuis le haut jusqu'au bas de l'Hostel de Ville ; rien ne pouvoit estre plus agreable. Les Consuls sortirent de cet Hostel au bruit des Tambours & des Trompetes, & dés qu'ils parurent on tira toutes les Boëtes. Après les trois tours qu'ils firent autour [d'un arc de triomphe édifié devant l'Hôtel de Ville], ayant à leur teste le Major de Ville, & precedez par les Violons & plusieurs autres sortes d'Instrumens, ils mirent tous en ensemble le feu à differentes traisnées de poudres qui firent leur effet en un moment. Delà ils allerent répandre leur joye dans toute la Ville, & ils en firent le tour precedez encore par les Violons, par les Tambours & par les Trompetes, & accompagnez de quantité de Noblesse. La solemnité se termina par un superbe Repas qu'ils donnerent à leur retour dans la Ville.

[Madame l'Abbesse de Nostre-Dame d'Yerre] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 360

 

Madame l'Abbesse de Nostre-Dame d'Yerre en Brie, après des Prieres de quarante heures qu'elles avoient fait faire dans son Eglise, y fit chanter un Te Deum en Musique le 19. de Janvier. [Fondation de l'Abbaye].

[Provins] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 361-363

 

Les Jeux & les Divertissemens du Carnaval ont esté changez à Provins en actions de graces & en Prieres publiques pour le Roy. Elle furent commencées le 2 de Fevrier en l'Eglise Royale & Collegiale de S. Quiriace. M. d'Aligre, Abbé de S. Jacques, s'y trouva avec les Chanoines Reguliers, aussi bien que le Clergé, les Magistrats, le Corps de Ville & toute la Bourgeoisie. Le Te Deum fut suivy d'un Feu, que le Maire & les Echevins firent allumer devant l'Hostel de Ville. Le lendemain on chanta dans la mesme Eglise une Messe solemnelle, où les Magistrats & les Corps de Ville se trouverent. Les Chanoines de Nostre-Dame du Val, les Paroisses & les Communautez Religieuses firent la même chose dans les autres jours de la Semaine. Messieurs du Presidial & de l'Election s'acquiterent du même devoir dans l'Eglise des Cordeliers : les Avocats & les Procureurs dans celle de S. Ayoul & les Chevaliers de la Bute dans leur Chapelle. Le Dimanche 9. sur les cinq heures du soir les Directeurs du Bureau des Pauvres, dont Mr l'Abbé de S. Jacques est le Chef & le Tresorier, firent une pareille solemnité dans l'Eglise de cette Abbaye. Cet Abbé fit ensuite par luy-même & de ses propres deniers une distribution extraordinaire à tous les Pauvres du Bureau, les exhortant de prier Dieu pour le Roy. Cette distribution monta à douze cens livres. Le Lundy Gras, les Sergens qui ont droit de faire nourrir les Gens ce jour-là par les Meuniers, & de les faire danser dans les ruës, changerent cette Coustume profane en une Action de sainteté, assistant tous à une Messe qu'ils firent chanter aux Cordeliers avec un concert de Voix & d'Instrumens. Ils allerent de là donner à disner aux Prisonniers. Le Mardy Gras, le Curé de S. Pierre distribua une somme considerable à cinquante Pauvres qu'il avoit fait communier à la Messe à l'intention du Roy.

[S. Valery en Caux] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 364-365

 

Dans ce même temps une Messe solemnelle & un Te Deum furent chantez dans l'Eglise de S. Valery en Caux. Les Habitans se mirent sous les Armes au nombre de plus de deux mille, & la Mousqueterie répondit par plusieurs décharges au bruit des Trompettes, des Tambours, des Hautbois & des Violons. Le Curé du lieu, accompagné d'un nombreux Clergé & d'une foule de peuple, alla ensuite processionnellement à la Chapelle qui sert d'annexe à la Paroisse. Mr Vasse, qui fait les fonctions de la Marine, avoit prit soin de la f? ?orner. Sur le frontispice estoit le Buste du Roy, avec cette inscription Vivat in aexernum. Après qu'on y eut chanté le Te Deum, & que le Feu qu'il avoit fait élever devant son Bureau, eut donné lieu à de nouvelles décharges de Mousqueterie, il fit distribuer plusieurs Bariques de vin aux Habitans, & tint Table ouverte le reste du jour. Les pauvres eurent lieu de prendre part à cette Réjoüissance par les AUmônes qui leur furent faites.

[Me l'Abbesse de Fontaine-Guerard] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 365-366

 

Au commencement du mois passé, Madame l'Abbesse de Fontaine-Guerard, Diocese de Roüen, fit chanter une Messe solemnelle où cinquante Religieuse communierent. Cette Messe fut suivie d'un Te Deum, après lequel il y eut une Aumône generale. Au milieu de la Court du dehors, on avoit dressé un feu de joye qui fut allumé par Madame la Presidente du Tronc, au bruit de plusieurs Boëtes qui furent tirées.

[Abbaye de Bernay en Normandie] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 366-368

 

Le Jeudy 6. de Fevrier, les Habitans de la Ville de Bernay en Normandie s'estant mis sous les Armes, & rangez chacun sous son enseigne, les Officiers de Justice de l'Election & du Grenier à Sel avec Mrs de Ville se rendirent dans l'Eglise Abbatiale des Benedictins, qui sont Seigneurs de Bernay. Tout le Clergé Regulier & Seculier s'y trouva. Le Choeur & la Nef estoient tendus de Tapisserie de Haute-Lisse, & les Dossiers des Chaires du Choeur, couverts d'écarlate avec de riches écussons aux armes de France. Outre quantité de Chandeliers d'argent dont on avoit rempli la corniche qui regne au tour du Choeur, il y avoit sur l'Autel un nombre infini de lumieres si bien disposées, qu'elles formoient une perspective naturelle des plus agréables. Toutes les Boutiques furent fermées ce jour-là. Les Prieres faites, où la Musique se fit admirer on marcha processionnellement au feu de joye qu'on avoit dressé dans la Court Abbatiale. Le Pere Prieur, & Mr Le Lieutenant General y mirent le feu, & aussi-tost la mousqueterie & le canon se firent entendre. Une Fontaine de Vin fit la joye du Peuple, tandis qu'une aumône generale soulagea les Pauvres. le soir, il y eut illumination au clocher de l'Abbaye.

[Coutances] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 368-369

 

Coutances, autre Ville de Normandie, s'est distinguée par son zele. Il y eut un jour de Feste ordonnée le Samedy premier de ce mois. Les Bourgeois prirent les armes, & les Officiers du Presidial firent chanter une Messe Solemnelle & un Te Deum, après quoy le feu de joye fut allumé par Mr le Gouverneur, & par Mr Demons Lieutenant General. Il en fut aussi allumé un devant la porte de ce Magistrat avec les Tambours, les Violons, & grande Mousqueterie. Il y eut un magnifique repas donné à la Maison de Ville. Mr le President au Presidial regala la Compagnie Presidiale qui s'estoit trouvée au Te Deum, & fit dresser une table sous la porte, où l'on arrestoit tous ceux qui passoient. Tous les autres Corps, Paroissent & Communautez de la Ville firent tour à tour de pareilles Festes, mais il n'y en eut point de plus remarquable, que celle des Officiers des Traites Foraines. Ils y employerent deux jours & deux nuits sur la fin du Carnaval, & pendant ce temps il y eut cinq ou six feux toûjours allumez devant leur porte avec des Tambours & des Violons. Non seulement ils regaloient tous ceux qui venoient chez eux, mais ils alloient dans toutes les ruës en criant Vive le Roy, & versant du vin à tout le Peuple. Le commencement de cette Feste fit un tel éclat que le lendemain les Officiers du Presidial voulant y contribuer, vinrent eux mesmes mettre le feu au bois preparé devant la porte de la Romaine. Voylà comment l'amour respectueux qu'on a pour ce grand Monarque, s'explique à l'envy dans toutes les Villes.

[Rellec en Bretagne] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 370-372

 

Mr Moreau, Prieur du Rellec en Bretagne, choisit le Dimanche 2. de ce mois pour marquer sa joye, & celle de l'Abbaye qu'il gouverne depuis plusieurs années avec toute la conduite qui luy pouvoit acquerir l'estime où il est. La Ceremonie commença par une Procession hors l'Abbaye, & à la fin de la Messe qu'il celebra au retour avec beaucoup de solemnité, il un discours à la loüange du Roy, [Paroles de l'Evangile du jour]. Le Te Deum fut chanté l'apresdinée, & pendant ce temps la Mousqueterie fit plusieurs décharges. Ensuite Mr le prieur & tous les Religieux, precedez par les Mousquetaires qui alloient en ordre Tambour battant, & suivis de toute la Noblesse voisine & des Officiers de Juridiction, marcherent vers le Feu de Joye, & ils firent les trois tours accoutumez en chantant l'Exaudiat. [Description de la Pyramide élevée sur un Theatre soûtenu d'Alcades] Je ne parle point du Vin que fit distribuer Mr le Prieur pour exciter à la Joye, de la table ouverte qu'il tint dans le Refectoire, & de l'Aumône extraordinaire qui fut faite par son ordre. [Frêre de Mr le Prieur]

[Montargis le Franc] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 373-377

 

Le Maire & les Echevins de Montargis le Franc, Capitale du Puisaye, Generalité d'Orleans, ayant resolu de faire une Feste, firent annoncer pendant huit jours, trois fois chaque jour, par les Tambours de tous les quartiers de la Ville, conduits par un Heraut avec les Trompettes, qu'elle se feroit le 6. de Janvier. La veille les cloches tant de la Paroisse que des Communautez sonnerent depuis midy jusqu'au jour, & recommencerent le lendemain si tost qu'il fut jour. Sur les neuf heures, le Corps du Presidial & des autres Justices se rendit à la Maison de Ville, dont tous les Officiers estoient assemblez, ils allerent chacun dans son rang à la Paroisse. On fit d'abord une Procession Generale. Le Presidial tenoit la droite; & le Maire, les Eschevins &les Conseillers de Ville estoient à la gauche. Au retour on commença la Grand'Messe, & aprés l'Evangile, le Pere Bidal, Prieur Curé de la Ville, cy-devant Prieur de Nantes, & fort illustre dans l'Ordre de Sainte Geneviéve, monta en Chaire, & fit voir combien nous estions obligez à Dieu qui nous a donné un Roy uniquement occupé à remplir son ministere. ce qu'il dit des rares vertus de ce grand Prince toucha tellement ses Auditeurs qu'ils se trouverent naturellement engagez de finir avec luy par la priere que fait l'Eglise pour la conservation de son Protecteur. L'apresdinée les Capitaines ayant assemblé leurs Troupes devant la Maison de Ville, le Maire & les Eschevins en firent un détachement qu'ils donnerent à commander à Mr Violet Conseiller du Presidial, l'un des Capitaines, auquel ils confierent la garde du Guidon fameux que les Habitans prirent sur les Anglois après leur défaite devant les murs de la Ville, sous le Regne de Charles VII. Toute cette milice alla se porter aux environs de l'Eglise, où le Te Deum fut chanté avec beaucoup de magnificence. Au sortir de là le maire & les Echevins furent conduits dans la Place publique, où ils avoient fait élever un grand Portique de verdure devant la maison de Mr Robeau de Coulevreux, l'un des anciens Echevins. On y voyoit sous un dais un Portrait du Roy couronné de laurier, & au dessous les Armes de Monsieur, avec des grands Festons de la Ville, ce qui fait voir que Montargis est de l'Apanage de ce Prince. Tout au dessous estoit l'Ecu des Armes de Mr de Boisfranc, Chancelier de S.SA.R. Grand Bailly & Gouverneur de la Ville. En arrivant dans la Place, la Compagnie du Guidon fut mise de garde devant le Portique, sous lequel entrerent le Maire & les Echevins pour y saluer le Portrait du Roy avant que d'aller allumer le feu. Les Dames y estoient placées avec une grande symphonie de Violons. Le feu estoit un Pentagone, ou plustot il y avoit six feux, l'un dans le milieu, & cinq autres d'égale figure, & de la même grandeur, ayant chacun une même communication avec le grand feu. Il en sortit une infinité de feux d'Artifice & quantité de fusées volantes parurent en l'air au son des Trompettes. Mr Robeau traita magnifiquement le Maire & les Echevins & d'autres Personnes considerables ; on servit une table au Capitaine du Guidon devant le Portique, qui estoit illuminé, & tous ceux qui voulurent y manger y prirent place. Pendant ce temps, la Milice fit plusieurs décharges, aprés quoy elle se retira avec les Capitaines, dont chacun tint une Table publique dans son Quartier.

[Mr de Villebague à S. Malo] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 378-380

 

Mr de Villebague, qui a un amour particulier pour Sa Majesté fit une Feste des plus éclatantes à S. Malo le 17 du mois passé. La Messe & le Te Deum auquel se joignit un tres-beau Motet de la composition de Mr Jouvin, furent chantez dans l'Eglise de S. Pierre. [Mr de Villebague offrit un repas à l'évêque de Saint-Malo, pendant lequel le port fut embrasé par les feux d'artifices qu'on tira des navires qui y mouillaient.] Cette Feste fut suivie de plusieurs autres, & ceux qui en prirent soin joignirent l'agrément de la Musique à la beauté des Illuminations.

[Celestins d'Avignon] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 380-382

 

Les Celestins d'Avignon, dont Charles VI. fonda le Monastere en 1393. après avoir fait des Prieres publiques pendant tout le cours de la maladie du Roy devant les Reliques de S. Pierre de Luxembourg, & de S. Benezet Patrons de la Ville, qui reposent dans leur Eglise, rendirent graces à Dieu de l'heureux retour de sa santé le 22 du dernier mois dans la Chapelle Royale de Saint Pierre de Luxembourg. Elle estoit parfaitement bien ornée. Le Portrait du Roy estoit au milieu dans un Fauteüil de Velours garny de Galons & de Franges d'or, placé sur un Trône, au dessus duquel estoit un Dais magnifique parsemé de Fleurs de Lys aux Armes de la Couronne. On fit une Aumône generale, & une Fontaine de Vin à plusieurs Jets coula jusques à la nuit, à l'entrée de laquelle on chanta le Te Deum, qui fut suivy de l'Exaudiat, le tout d'une excellente Musique. A la sortie de l'Eglise, Mr le Viguier & Mrs les Consuls qui avoient esté d'abord receus à la porte par le Pere Saytre Prieur, à la teste de toute sa Communauté, allumerent un fort beau Feu d'artifice que l'on avoit preparé au dessus de la premiere Porte de ce Monastere, où sont arborées les Armes de France, qu'on voyoit ornées de Festons aussi bien que celles de Monseigneur le Dauphin, & de Monseigneur le Duc de Bourgogne. Les Illuminations, les Fusées volantes, les Boëtes, les Trompettes, les Fifres & les Tambours attirant le peuple de toutes parts, firent long-temps éclater la joye publique.

[Les Religieux du Monastere de S. Martial dans la mesme Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 382-383

 

Les Religieux du Monastere de S. Martial, Ordre de Cluny, dans la même Ville [Avignon], rendirent de pareilles Actions de graces le 2 de ce mois. Mr le Duc de Caderousse, & Madame la Duchesse de Caderousse sa femme y assisterent accompagnez des plus considerables de la Noblesse & des principales Dames, ainsi que d'un tres-grand nombre des premiers Citoyens d'Avignon. On avoit dressé un Feu de Joye devant l'Eglise. Mr le Duc de Caderousse l'alluma au son des Tambours & des Trompettes, & au bruit de quantité de Boëtes, & de Feux d'artifice qui divertirent le public pendant tout le soir.

[Presidial de Valence] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 383-385

 

Le 5 de Février le Presidial de Valence en Dauphiné suivit l'exemple que luy avoit donné le Parlement & tous les Corps de Grenoble. Il se rendit en Corps sur les trois heures dans l'Eglise de l'Abbaye Royale de S. Ruf, pour assister au Te Deum qui fut entonné par Mr l'Abbé revêtu de ses Habits Pontificaux. La Musique le continua. Elle estoit accompagnée d'un concert de Violons. Cela fut precedé & suivy du bruit de vingt-trois Boëtes, qui s'estoient déjà fait entendre le soir du jour precedent. Une fontaine de vin coula à la porte du Palais jusqu'à cinq heures du soir. Elle s'élevoit jusqu'à un Cartouche, où estoit écrit en Lettre d'Or, Vive le Roy. une Couronne de Laurier ornoit ce Cartouche, & il estoit soustenu par quatre Pilliers de même sorte, garnis de Rubans. Les Armes du Roy estoient au fond, ainsi qu'à la surface de l'Eglise qui en estoit toute ornée. Au dessus de l'Autel, remply d'une quantité surprenante de lumieres, estoit une Couronne de quatre pas de longueur d'où pendoient ces mêms Armes. Elle estoit garnie à plusieurs rangs, de Cierges separez par des Fleurs de Lys. Il y avoit aussi deux rangs de Couronnes depuis le commencement du Choeur jusqu'à l'extremité de l'Eglise, à plusieurs rangs de Cierges & de Fleurs de Lys suspendues fort proprement, ce qui faisoit une Decoration des plus agreables. Mr de Valernod, President & Lieutenant General, traita magnifiquement tous les Officiers de sa Compagnie, & donna ensuite le Bal aux Dames.

[Hospital general de la mesme Ville] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 385-386

 

Le 7 de ce mois l'Hopital General de la mesme Ville fit aussi chanter un Te Deum en musique dans sa Chapelle, éclairée de quantité de lumières, dont les unes formoient des Vases & les autres des Pyramides. Mr l'Evesque de Valence, nommé à l'Archevesché d'Aix, y officia en Habits Pontificaux. La Cerémonie fut precredée d'une distribution de quelques rafraichissements à tous les Pauvres de dehors, & finie par un Feu d'Artifice accompagné d'une Illumination. Trois Fontaines de Vin coulerent tout le jour sous des Berceaux de verdure imitez au naturel, & chargez de Fleurs de Lys en écusson. Au delà de ces Berceaux estoit un Arc de Triomphe ouvert de trois Arcades, sur lequel on voyoit la Figure du Roy entre la Justice & la Religion foulant l'Erreur, le Mensonge & l'Heresie La Gloire couronnoit cette figure, & la Renommée monstroit cette Inscription. Pio, lusto, Invicto, Haereseos, Domitori, belli & pacis Arbitro. Au travers de ces Arcades on voyoit un Soleil en Illumination tout environné de Fleurs de Lys. Les Genies de la Renommée placez dans les Niches de l'Arc de Triomphe presentoient des Cartouches remplis de Devises sur l'Operation faite à sa Majesté, & sur son heureuse guerison. L'une avoit pour Corps l'Arbre qu'on incise afin d'en tirer le baume, & pour ame ces paroles Felici Vulnere sanet. Un Soleil dissipant un nuage opposé, faisoit le corps d'ne autre Devise, & ces paroles qui luy servoient d'ame, Nil tardare potest, faisoient entendre que l'indisposition d'un Roy ne luy avoit rien fait relacher de son aplication continuelle pour le bien de son Royaume. Une immortelle qui avoit pour ame In aeternum, faisoit voir les voeux des Peuples pour une santé si precieuse. On voyoit dans une quatriéme Cartouche un Couronne posée sur deux Spectres en Sautoir, au bas d'un Autel chargé d'une Cassolette. Ces mots, Grotes Ipse rependre, marquoient le soin pieux de sa Majesté qui a voulu aller rendre graces à Dieu publiquement de sa guerison dans le Metropolitaire de son Royaume. La Decoration du Feu d'Artifice, qui pendant le jour parut un bois semé de Fleurs de Lus fut changée la nuit en un amas de brillans nuages, d'où sortoient trois Pyramides de lumieres, & quatre termes chargez des Armes de France. La Pyramide du milieu plus haute & plus enfoncée que les autres, portoit un Soleil rayonnant avec cete Inscription, Nil te lucente cavendum. Celle d'un des costez soutenoit une Lune qui paroissoit obscurcie, avec cette autre Inscription, Solus luce fugat, & au bas de troisiéme, où l'on voyoit un Aigle puny d'avoir volé trop prés du Soleil, on lisoit, Tantos non sustine ignes. L'Artifice fit un effet aussi surprenant qu'il parut nouveau. Il fournit pendant un long espace de temps une pluye, des Cascades, des Allées, des Berceaux de feu, &l'on vit tout à coup sortir du Globe du Soleil des éclairs & des foudres qui renverserent la Lune & l'Aigle au bruit de plusieurs décharges & aux fanfares des Trompettes.

[Presidial de Vienne en Dauphiné] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 389-391

 

Le Presidial de Vienne dans la mesme Province de Dauphiné, n'ayant differé la Feste qu'il avoit resolu de faire qu'à cause de l'absence de son Lieutenant General, la celebra avec une grande pompe dans la Chapelle du Palais, le 13 de ce mois. De tres belles voix, soustenuës d'un Concert d'Instrumens, se firent admirer dans une Messe solemnelle que l'on y chanta, & qui fut suivie d'un Te Deum. Toute la Compagnie s'y trouva en Corps, assistée des Avocats Feste, particuliere aux gens de Justice, en devint bien-tost publique. Mr de St André Gouverneur de la Ville, fit illuminer toute sa Maison. Son grand Portail fut ouvert &un Portrait du Roy à cheval fut mis sous un riche Dais, orné de Festons & Couronné de Fleurs, sur une Estrade élevée de plusieurs marches. Toute la Cour estoit tapissée, & un grand nombre de Lustres l'éclairoient. La Noblesse accourut à ce spectacle. On n'entendoit que des acclamations de toutes parts, & Mr le Gouverneur qui méloit ses cris à ceux du Peuple, tout malade, qu'il estoit, dit à ceux de ses Amis qui entrerent dans Chambre, que quand il seroit tout prest d'expirer, il auroit assez force pour crier encore plus fort que les autres, Vive le Roy. Il fit faire un feu d'artifice devant sa Porte, & les quartiers qui s'étoient mis sous les Armes firent plusieurs décharges au bruit des Tambours & des Trompettes. Ces réjoüissances durerent toute la nuit.

[Prieur de S. Ruf Coste de S. André] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 392-395

 

le 22 Février Messire Thomas Borgier, Prieur du prieuré Conventuel de S. Ruf dans la Coste S. André, aussi en Dauphiné, fit chanter une Messe solemnelle accompagnée du Te Deum & de l'Exaudiat par Mrs les Chanoines Reguliers. Le lendemain Mr le Marquis de Mison, Lieutenant Colonel du Regiment des Dragons du Roy, fit faire une Feste particuliere dans la mesme Eglise. Comme les Dragons du Regiment dispersez en divers endroits, s'estoient rendus à ce Bourg le jour precedent suivant les ordres qu'il avoit donnez, il se mit à la teste des Compagnies, qui marcherent en bel ordre vers la grande Eglise. Mr le Marquis de Chavagnac faisoit l'office de Major ; & Mr le Marquis de Fleury portoit l'Etendard. Aprés les Prieres faites, on retourna dans le mesme ordre chez Mr Mison qui avoit fait preparer trois grandes tables. Elles furent magnifiquement servies, l'une pour Mrs du Chapitre ; l'autre pour la Noblesse qui est nombreuse & renommée en ce lieu par la Bravoure, & une autre pour les Dames, parmi lesquelles estoient Madame de Blanville de l'Illustre Maison de Prunier, & Madame de Maitel digne Soeur de feu Mr de la Serre, Lieutenant des Gardes du Corps. On y but la santé du Roy, &de Monseigneur au bruit des Tambours & des Salves de Mousquet, & il y eut un Bal tout le jour. Après un soupé qui fut aussi somptueux que le disné, on alluma un Feu de joye, qui donna lieu aux Tambours & aux Mousquets de se faire entendre toute la nuit.

Le 26. 400 Hommes de l'élite des Habitans se trouverent sous les Armes, & s'estant rangez à sept heures du matin devant la maison de Mr Argond Capitaine Chastelain Royal du Bourg & des neufs Villages qui en dépendent, il se mit à teste de cette Milice au millieu des deux Consuls qui s'estoient rendus chez Luy douze Conseillers, dont est composée la Maison de Ville. On alla en bon ordre à la mesme Eglise, où la Messe, le Te Deum & l'Exaudiat furent chantez par les Chanoines Reguliers & par le Clergé du Voisinage. Les Confrairies des Artisans du Bourg y assisterent ainsi que les Peres Recolets. La Milice fit trois décharges, l'une à l'élévation de la Messe, l'autre au Te Deum, & la derniere à la Benediction qui se donna. Aprés le Service, Mr le Chastelain donna un fort grand repas, où Mr le Marquis de Mison & les deux Lieutenans du Regiment de Dragons furent invitez avec toute la Noblesse, les Officiers de la Milice, & les principaux Bourgeois. Le soir Mrs les Chastelain, Conseuls & Conseillers, retournerent dans le Bourg, dont ils firent le tour pour estre témoins des Illuminations que l'on avoit ordonnées.

[Tresories de France en la Generalité de Dijon] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 396-397

 

Je croy vous avoir déjà marqué que Mrs les Tresoriers de France de la Generalité de Dijon avoient fait chanter un Te Deum avec beaucoup de solemnité. La Ceremonie se fit le 31 janvier dans l'Eglise Nostre Dame. Ils s'y rendirent au nombre de vingt avec Mrs les Gens du Roy, precedez de leurs trois Greffiers & de six Huissiers. Les quatre plus anciens Tresoriers estoient en Robes de Velours plein, & les seize autres en Robes de Moire, bordées de Velours, ayant tous des Cordons d'or sur leurs chapeaux ou Toques aussi de Velours ; le Portrait du Roy fut exposé dans le fond du Choeur en un lieu fort élevé. Au sortir du Te Deum ils firent un grand Repas, où l'on but solemnellement à la santé de Sa Majesté. Le lieu où ils font leurs Assemblées, qu'on appelle le Bureau des Finances, fut éclairé presque toute la nuit part des Pots à feu, par un grand feu à la porte d'entrée de leur Bureau, & par des Illuminations à toutes les fenestres.

[Elus & Huissiers de la mesme Province] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 397-403

 

Le 11. de Février les Elûs de la ProvinceVI firent chanter une Messe le matin, & un Te Deum le soir à la Sainte Chapelle. Ils y allerent en Ceremonie, sans neantmoins garder de rang fixe, parce qu'il n'y a encore rien de reglé parmy eux, & que c'étoit la premiere fois qu'ils marchoient en Corps, ce qui se fit sans que cette Marche pût tirer à consequence. Ils estoient precedez du Grand Prevost, à la teste de ses Archers. Le Te Deum fut suivy d'un fort beau Feu qui fut tiré dans la Place Royale, & de quantité d'Illuminations dans la Tour & dans tous les Apartemens du Logis du Roy, dont la muraille de clôture & la Grand' Porte estoient bordées de Pots à feu, de Fusées volantes, de Lances à feu, & autres feux d'artifice.

Le Mercerdy 19 de ce mois, jour de S. Joseph, les quatre principaux corps des Métiers s'étans joints, suivirent l'exemple que toute la Ville leur avoit donné. Ils choisirent l'Eglise des Carmes pour cette solemnité. Il y avoit quatre rangs de Tapisseries, & des lumieres dans tous les endroits qui pouvoient estre éclairez. Au sortir du Te Deum, d'où ils revinrent au son des Tambours comme ils y estoient allez, ils firent tirer un Feu de Joye à la Place S. Jean. Le Roy y estoit representé sous la figure d'Hercule. Calvin y paroissoit abbatu ; & l'on y voyoit l'Heresie détruite. On avoit placé quatre Genies des Arts & Métiers aux quatre Angles du Theatre, & il y avoit des Devises sur les Frises & dans les Cartouches, avec quelques Vers François autour du Cube qui servoit de Piedestal à la Figure de Sa Majesté.

Les Officiers, Avocats & Procureurs de la Seneschaussée de Toulon, marquerent leur joye le 23 de Février. Aprés les ceremonies de l’Eglise, on vint allumer le feu qui estoit en forme de Pyramide renfermé dans un carré, qui composoit quatre Arcs ornez de Mirte, de Laurier, & de fleurs de toutes sortes. Au haut de la Pyramide on lisoit ces mots dans un Cartouche. Ludovici Magni saluti. Une Figure d’Esculape estoit au dessus de la premiere face, & ces mots au bas, Languentia corpora sanat Un grand Cartouche portoit cette Inscription au dessous de l’Arc :

festam pyram, gaudu monumentum
EXTRUXERE
SENATORES PRÆTORIANI,
PATRONI,
ET PROCURATORES TOLONENSES.

Au dessous, & dans un petit Canton estoit écrit ce Distique.

 Convaluit Regno Lodoix, tutela sacrorum,
Per quem tot populi convaluere Deo,

A la face opposée estoit la Justice, avec ces mots, Efficit incolumes animos ; & au dessous

LEGUM RESTAURATORI
RESTAURATAM SALUTEM
GRATULANTUR.
REGEM MAXIMO
REGNUM QUIETUM,
VITAM PROLIXAM
PRECANTUR
LEGUM ET REGUM CULTORES.

Cet autre Distique estoit au dessous de l’Inscription

Vive diu, nostra hæc sunt vota, piissime Regum ;
Sospite te, populis jura fidesque vigent,

A la troisiéme face, dum salvum, fecit, salvos nos fecit.

Le Ciel à nos soûpirs est devenu sensible,
Il n’a pu voir long-temps souffrir le Grand LOVIS.
France, pour assurer la Paix dont tu joüis,
Que n’est-il immortel, comme il est invincible !

A la quatriéme face, Omnis in uno nostra salus.

Ce Heros par sa valeur
Tient la Fortune asservie,
Et nous n’aurons de bonheur
Qu’autant qu’il aura de vie.

On lisoit ces mots Latins au dessous de ce Quatrain, Gaudeat longe salute corporis, qui æternæ animarum saluti consuluit. Sur la porte du Palais on avoit mis le Portrait du Roy avec une Devise qui avoit pour corps un Soleil sortant d’un nuage, & ces mots pour ame, Clarior ex nebula.

Avecque plus d’éclat qu’il n’avoit commencé,
 Il poursuit sa vaste carriere.
 Cet Astre qui fait la lumiere,
Peut bien estre obscurcy, mais non pas éclipsé.

M. Trotebas, Avocat, est l’Autheur de toutes ces Inscriptions.

[La Ferté-Bernard] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 405-406

 

Le Ferté-Bernard a imité les plus grandes Villes. La Ceremonie qui s'y est faite commença par le Panegyrique de Sa Majesté, que prononça Mr le Doyen & Curé du Lieu avec tout l'applaudissement possible. Ensuite on chanta le Te Deum & un Motet en musique, après quoy Mr le Camus, Bailly de la Ville, à la teste de toute la Justice, du maire & des Echevins, du Corps du Grenier à Sel & celuy de la Mareschaussée, alluma le Feu que l'on avoit preparé dans la Place Publique au bruit de toutes les Coulevrines de la Ville. Il fut suivy de celuy de trois descharges que firent plus de quatre cens Mousquetaires qui avoient esté posez dans cette Place. On n'oublia pas de faire l'aumosne à tous les Pauvres, & il y eut Bal en divers endroits. Toutes les Confrairies du mesme lieu firent chacune en différens jours leur solemnité particuliere.

[Chasteau-Roux] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 406-407

 

A Chasteau-Roux en Berry, les Abbé, Chanoine & Chapitre de l'Eglise Collegiale firent une Procession Generale au tour de leur Eglise le 16. de ce mois avec tout le Clergé & les Religieux de la Ville. On chanta le Te Deum, auquel assista le Corps de Justice ordinaire avec celuy de toute la Ville & des Elûs. Le 21. les Cordeliers de l'Observance du mesme lieu, rendirent de pareilles actions de graces dans leur Eglise, ce qu'ont fait aussi toutes les Paroisses & Communautez Regulieres & Seculieres.

[La Ferté-Milon] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 407-408

 

La Ville de la Ferté-Milon s'acquita du mesme devoir le 24. Janvier, par les soins de Mr Hericart, Lieutenant General, & de Mr Rangueil, Procureur du Roy. Mrs Fournier, & Lange, Eschevins, n'oublierent rien pour répondre au dessein des Magistrats. Tous les Corps se trouverent en bon ordre dans l'Eglise de Nostre-Dame, & après une Procession generale, ils assisterent à la Messe & au Te Deum, qui furent chantez solemnellement au bruit des Boëtes & des Tambours & au Carillon des Cloches de toute la Ville. Mr de Malbortique Prieur & Curé fit un excellent discours à l'avantage du Roy. Le reste du jour se passa en feux de Joye, d'Artifice, & autres rejoüissances publiques. Les Chevaliers de l'Arquebuse, sous la conduite de Mr Fournier des Galais leur Capitaine, se distinguerent, tant par leurs frequentes décharges que par des fuzées volantes & des Illuminations en la Salle du leur Jardin de l'Arquebuse.

[Les Jesuites de Quimper] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 408-415

 

Parmi les Festes les plus remarquables, ausquelles l'heureuse guerison du Roy a donné lieu, on peut compter celle des Jesuites du College de Quimper. Après les Prieres de 40. heures terminées le Mardy 21. de ce mois par une distribution d'aumônes, par un Discours prononcé à la loüange de Sa Majesté, & par un Te Deum en musique, les Ecoliers de la Rhetorique representerent le Mercredy 12. une piece de Theatre ornée de Ballets qui avoit pour titre, la Felicité de la France retablie par la convalescence du Roy. Au sortir de ce spectacle on trouva toute la Façade du College illuminée. Sur la porte estoit le Portrait du Roy avec deux Devises: l'une avoit pour corps un Soleil éclipsé, & ces mots pour ame, Ex illius labore omnium labor. L'autre estoit un Soleil éclairant la Terre au sortir de sou Eclipse, avec ces paroles, Incolumi arridet telus. Le Perron avoit esté embelly de plusieurs Figures posées sur la Balustrade. Apollon y paroissant au milieu des neufs Muses, sembloit inviter les Peuples à entrer dans le Temple, où les Genies de la Religion, de la Justice, des Arts, & de la Felicité publique dressoient un Autel à son fils Esculape, en action de graces de la santé renduë à Loüis le Grand, ce qui répandoit à la coûtume des Anciens, qui souvent aprés leur guerison se faisoient un devoir d'élever des Autels au Dieu Esculape. On en voyoit un au milieu de la court, entouré d'une Balustrade, servant de Soubassement à tout l'édifice, qui estoit de 36 pieds de hauteur sur 9 en quarré, & avoit quatre Portiques d'un ordre Persique, surmontez de leurs frontons & terminez de Pots à feu. Du costé qui faisoit face à l'Eglise, estoit le Portique du Genie de la Religion. La Medaille d'un Antonin posée sur le Timpan du fronton avoit ces mots dans l'Exerque, Pieras augusta. Sur la frise estoit cette Inscription, errori extincto, & plus bas cette Devise, une colonne soustenant un Temple, Stantque cadurisque simul. Dans le second Portique, qui estoit celuy du Genie de la Justice, on voyoit la Medaille de Trajan, dans l'Exerque, Pietas felix, plus bas, sceleri represso, & pour Devise un miroir, cuique suum reddir. La Medaille d'Auguste ornoit le Portique du Genie des Arts; dans l'Exerque, litterarum amor; plus bas, ignorantiae fugatae, & pour Devise un Essain d'Abeilles que la veuë de leur Roy anime au travail, Hac duce fervet opus. Dans ce Portique du Genie de la Felicité publique estoit la Medaille de Tite avec cette Legende, deliciae populi ; plus bas, tristiae expulse, & pour Devise un Soleil éclairant un Parterre remply de fleurs, Ridet ab aspectu. Je laisse les ornemens des quatres faces de la Court, dont chacune avoit rapport au Genie qu'elle regardoit, pour vous dire que tout ce grand appareil ayant esté tout à coup illuminé d'une maniere agreable, l'Autel dresse au milieu de cette Court parut tout en feu par le moyen de cinq cens Lances attachées sur tous les membres de l'Architecture. Le feu le communiqua aux Girandoles qui estoient aux angles saillans des quatre Portiques. Ces quatre Machines en tournant jetterent le feu à plus de quatre pieds de diametre, & firent briller un Soleil qui estoit attaché à leur centre. Pendant ce temps il sortit des quatre encoignures du second ordre d'architecture un tres-grand nombre de fusées volantes qui s'élancerent en l'air, & quatre Pots à feu firent un bruit extraordinaire. Au dessus du Dome qui soûtenoit la Statuë du Dieu Esculape, une infinité de serpenteaux qui se croisoient les uns sur les autres, representerent mille chifres agreables, & au dessus parut une gerbe de feu, qui par la cheute forma une espece de Cascade dans tout l'aspect de l'édifice, aprés quoy plusieurs Petards partirent d'un boëte de Pandore qui tenoit Esculape d'une main & du Serpent qu'il tenoit de l'autre, on vit sortir une flame qui descendit sur l'Autel & y mit le feu. Ce feu s'estant répandu à gros boüillons en forme de torrent jusque sur le Perron, il se divisa en trois branches. Deux tomberent sur le premier Pallier, & aprés avoir formé une nape de feu sur les deux rampes, elles se reünirent à un grand Bucher qu'elles allumerent. La troisiéme ayant eu aussi son cours jusques au même Bucher, retourna à l'Autel d'où elle estoit partie, & en estant sortie de nouveau par les quatre ouvertures, elle se dissipa d'une maniere qui causa beaucoup de plaisir aux Spectateurs. La figure d'un Coq qui estoit l'oiseau que les Anciens sacrifoient ordinairement au Dieu Esculape, terminoit ce Bucher que l'on avoit representé sur les quatre faces un Hibou, un Epervier, un Corbeau, & un Butor, qui sont des simboles de l'Erreur, de l'Injustice, de la Tristesse, & de l'Ignorance, & que les Genies de la Religion, de la Justice, de la Felicité publique & des Arts sacrifoient un Dieu Esculape.

[Chartres]* §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 415

 

Le 19 de Janvier les Echevins de Chartres ayant receu les ordres de Mr le Marquis d'Alluy, Gouverneur de la Province, firent chanter le Te Deum dans l'Eglise des Cordeliers. Ils y assisterent en Corps, precedez de la Compagnie des Archers du Vidame à Chartres, avec les quatre anciens Drapeaux de la Ville, qui furent arborez dans le Choeur au bruit des Fifres, Tambours & Hautbois. On alluma un grand feu de Joye devant l'Hostel de Ville, & le tout fut accompagné de plusieurs décharges de Mousquets.

[Senlis] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 415-416

 

Les mêmes Prieres ont esté faites à Senlis. Elles commencerent par une Messe que chanta Mr l'Evêque dans la Cathedrale. L'apresdinée il y eut un Te Deum en Musique, où se trouverent tous les Magistrats. Mrs Ville suivirent. Leur Ceremonie se fit aux Carmes [à] Grand bruit de Boëtes & de Mousquets, & le soir [un] Bal & une superbe collation [furent donnés] à l'Hostel de Ville. Les Corps de Métiers se distinguerent ensuite aux Cordeliers & dans les autres Eglises.

[Mantes sur Seine]* §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 416-417

 

Le 26. de Janvier, le Te Deum fut chanté en l'Eglise Collegiale de Mante sur Seine, en presence du Commandant, des Officiers & des Gardes du Corps qui y sont en Garnison, du Presidial en Corps, du Maire & des Echevins, de l'Election, & de la Compagnie Royale des Arquebuziers qui tous avoient esté invitez par Mrs du Chapitre. Ce mesme jour le Pere Verdier, Religieux Cordelier de la Province de Languedoc, fit un excellent discours sur le rétablissement de la santé de sa Majesté.

[Mr le Marquis d'Echaufour] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 418

 

Mr le Marquis d'Echaufour fit aussi chanter le Te Deum, le 9. de ce mois dans l'Eglise du Bourg d'Echaufour ; le Clergé des Paroisses voisines s'y trouva avec beaucoup de Noblesse. Plus de deux mille hommes de ses Vassaux estoient sous les Armes, & les descharges furent fort frequentes. Ce Marquis regala splendidement tous les Ecclesiastiques, les Gentilshommes, & la Milice.

Les mesmes solemnitez accompagnées de rejoüissances publiques, ont esté faites.

[Eu] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 419-420

 

A la Ville d'Eu le 2. de Mars. Ce fut une Feste particuliere que fit faire Mr Virgille, Maistre de la Verrerie de Cristal de S.A.R. Mademoiselle d'Orleans dans le Comté d'Eu. Il avoit fait preparer le divertissement de l'Arquebuse, & après avoir fait tirer un prix, il tint table ouverte. Le Peuple estoit sous les Armes, & le feu de Joye fut allumé au bruit de la Mousqueterie, & au son des Trompettes & des Violons.

[Madame de Dorat, Abbesse de Moncé] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 422

 

Madame de Dorat, Abbesse de Moncé, & la Communauté chanterent le Te Deum dans leur Eglise le 26. Janvier. Tous leurs Vassaux, & les Peuples des Villages circonvoisins y assisterent, & il se fit une aumosne generale.

[Aniere sur Oise] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 422

 

Ce mesme jourVII Mademoiselle Martineau, petite Fille de Nourrice de Henry IV. fit chanter une Messe & un Te Deum, dans l'Eglise d'Aniere sur Oise, apres quoy elle fit faire une distribution de pain à tous les Pauvres.

[Abbaye de Turpené en Touraine] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 422

 

Mr l'Abbé du Rivau de Beauvau a fait aussi chanter un Te Deum dans l'Eglise de son Abbaye de Turpené en Touraine, apres une Messe solemnelle. Mr l'Abbé du Rivau son Neveu, a fait faire la mesme chose dans celle de son Abbaye de Saint Victor au Païs de Caux.

[Procureurs du Presidial d'Aix en Provence] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 423-425

 

Je vous ay déjà parlé des Festes d'Aix en Provence, mais je ne vous ay rien dit de celle que firent les Procureurs du Presidial quelques jours après que les officiers du même Siege se furent acquitez de ce devoir. Ils s'assemblerent dans le Palais à la Sale de l'Audience, ornée dedant & dehors de Portraits du Roy avec du Laurier, des Festons, & de tres-belles Peintures, & allerent en Corps à l'Eglise des Penitens de l'Observance qui est au bout de la Ville, precedez de douze Tambours & de six Fifres, de 150. Mousquetaires, commandez par un Capitaine, Lieutenant, Enseigne, & quatre Sergens richemens vestus, de vingt-quatre Pauvres de la Charité qu'ils avoient fait habiller, conduits par leurs Archers, & ensuite de la grande bande de Violons. Il y avoit dans cette Eglise trois Arcs de Triomphe par dessus celuy qui estoit sur la Porte avec des Inscriptions & des Emblemes à la gloire de sa Majesté. La Grand'Messe que l'on chanta en Musique fut celebrée par Mr l'Abbé de Bonfils, & suivie du Te Deum, après lequel on tira quantité de Boëtes. Le Soir ils se rendirent dans la mesme Eglise, & apres l'Exaudiat aussi chanté en Musique, ils allerent en Robe & Bonnet à la Place des Precheurs, portant chacun un Flambeau de cire blanche, & precedez de quarante Musiciens ayant aussi un Flambeau. Toutes les ruës par lesquelles ils passerent, estoient extraordinairement illuminées. Il y avoit plus de trois mille Bougies au devant du Palais & des Maisons qui donnent sur la Place. Le feu avoit esté élevé sur un Theatre, & on l'alluma au chant de la Musique, disant. Domine salvum fac Regem, & au bruit de la Mousqueterie, des Tambours, Violons, Trompettes, Boëtes, Fuzées & feux d'Artifices preparez au Balcon du Palais. Les mêmes Procureurs se rendirent ensuite devant les maisons de leurs Syndics, où ils allumerent d'autre feux de Joye qu'ils avoient fait dresser. Ces maisons estoient illuminées depuis le bas jusqu'au haut, aussi bien que celles de leurs Collegues qui souperent tous ensemble pour mieux terminer la Feste.

[Bourges] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 426-427

 

Mr le Large, Maire de Bourges, accompagné des Eschevins, fit chanter un Te Deum solemnel dans l'Eglise de Saint Aoutrillet, qui est la Paroisse de l'Hostel de Ville. Messieurs du Presidial y assisterent. La Musique de la Cathedrale, celle de la Sainte Chapelle, & l'Harmonie d'un grand nombre de Violons, formerent trois Choeurs qui receurent beaucoup d'applaudissemens.

Le 26. de Février l'Université de la mesme Ville rendit de pareilles Actions de graces avec une grande solemnité. Elle s'assembla sur les trois heures chez Mr le Clerc, Docteur Regent aux Droits & Recteur, où se rendirent aussi les Magistrats de Police comme estant du Corps. Ils marcherent tous avec pompe jusqu'à l'Eglise des Jacobins. Apres qu'ils eurent pris place, le Recteur ouvrit la Ceremonie par le Panegyrique de Sa Majesté, dont le sujet fut que si l'Antiquité avoit eu quelque raison d'appeller Tite, l'Amour & les delices du monde, ce titre estoit deu avec bien plus de justice à Louis le Grand. Apres ce discours qui charma tous ceux qui l'entendirent, il entonna le Te Deum, & aussi tost les Concerts de Musique & d'Instrumens se firent entendre. La Compagnie reprit ensuite sa marche, & conduisit son recteur chez luy avec le mesme appareil.

[Mr le Comte de Clermont] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 427-428

 

A la Campagne aussi bien que dans les Villes, les Peuples ont fait éclater leur joye. Mr le Bailly de S. Aignan suivant l'ordre qu'il avoit receu de Mr le Comte de Clermont, aisné de cette Maison, fit assembler tous les Sujets de cette Terre, composée de plusieurs Paroisses, afin qu'ils eussent à se mettre sous les Armes, pour prendre part à la Feste que l'on preparoit. Tous les Curez & les Prestres de cette Seigneurie s'y trouverent, avec une affluence de plus de cinq mille personnes. Après un Te Deum solemnel chanté dans l'Eglise, on se rendit à la Place d'armes qui avoit esté choisie. Les Gentilshommes, les Officiers de Justice & les Avocats en Robe & Bonnet, y trouverent toute la Milice sous les Armes. On y chanta encore un Te Deum, & ensuite Mr le Bailly mit le feu au Bucher, ce qui fut suivy de plusieurs salves de Mousqueterie. Les Tonneaux de Vin furent défoncez, & à l'entrée de la nuit les Fusées volantes servirent d'un agreable spectacle.

[Alby] §

Mercure galant, mars 1687 (seconde partie) [tome 5], p. 429-432

 

La Ville d'Alby a fait voir son zele par les Te Deum qu'on y a chantez, & par beaucoup de réjoüissances publiques. Mr l'Abbé de la Chaise qui y fait son sejour depuis quelque temps, marqua sa joye au commencement de ce mois d'une maniere qui le distingua. Il choisit le Fauxbourg qui borde la Riviere du Tarn, vis-à-vis les fenestres de l'Archevêché. ce fauxbourg est grand & beau, & chaque Maison ayant un Jardin, ce mélange d'arbres & de Bastimens presente un objet qui charme les yeux. Les maisons qui sont au bord de l'eau ont divers rangs de Galeries ou Corridors. Ce fut là que cet Abbé fit attacher en dehors un tres-grand nombre d'Illuminations. Quantité de Lustres suspendus au dedans formoient des Globes de lumiere ; & comme les chambres qui donnerent sur ces Corridors, ont des Vitres au lieu de Murs, on penetroit dans ces chambres, & l'on y voyoit toutes les personnes de Qualité que Mr l'Abbé de la Chaise y avoit assemblées. On avoit mis la Musique dans une Tour éleveé, & elle estoit si bien placée, que l'on entendoit distinctement les Actions de graces qu'elle rendoit au Ciel pour la guerison du Roy. Plusieurs Bateaux flotoient doucement sur la Riviere, & il en partoit des Fusées qui s'élevoient jusqu'aux nues au bruit des Trompetes, des Hautbois, des Violons, des Fifres & des Musetes. L’air qui menaçoit d’un orage, changea tout d’un coup, & devint calme. C’est ce qui donna occasion à Madame la Viguiere d’Alby de faire ces Vers, qu’elle envoya à Mr l’Abbé de la Chaize.

L’air s’armoit des vapeurs qui forment le Tonnerre.
Agité par les vents, déja le Tarn s’enfloit,
  Le superbe Aquilon soufloit,
Et tous les Elemens nous declaroient la guerre ;
Mais, genereux Abbé, si tost que vos concerts
Du grand nom de LOVIS font retentir les airs,
Si tost qu’on voit briller vostre magnificence,
Dans les airs, sur la terre, & dans le sein des eaux,
La Nature attentive observe le silence,
Et ce beau nom redit par cent Echos nouveaux,
Force les Elemens d’estre d’intelligence.
  Ainsi l’on a veu quelquefois
L’Hollandois, l’Espagnol, l’Allemand, le Genois,
Aprés avoir formé des desseins inutiles
D’engloutir nos Vaisseaux, de détruire nos Villes,
Au seul nom de LOVIS perdre ces mouvemens,
  Et devenir plus immobiles
Que n’ont fait cette nuit tous les quatre Elemens.