1697

Mercure galant, juillet 1697 [tome 7].

2017
Source : Mercure galant, juillet 1697 [tome 7].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, juillet 1697 [tome 7]. §

[Sonnet qui a remporté le prix des Sonnets proposé par la Compagnie des Lanternistes] §

Mercure galant, juillet 1697 [tome 7], p. 7-11.

Je croy ne pouvoir donner à cette Lettre un commencement plus agreable pour vous, que le Sonnet en bouts-rimez que vous allez lire. Il renferme un court Eloge qui convient au Roy parfaitement dans la situation où sont les choses, & qui fait entendre beaucoup au de-là de ce qu’il exprime.

AU ROY.

Grand Roy, ton bras est craint du Couchant à l’Aurore.
Tu rehausses l’éclat de tes brillans Ayeux.
Jadis Rome t’eust mis au rang des demi-Dieux,
Aprés tant de hauts faits que nul Peuple n’ignore.
***
La Paix, fille du Ciel, plus charmante que Flore,
Va bien tost couronner d’un art ingenieux
Les exploits inoüis, dont tu frapes nos yeux ;
Déja ses Etendarts à Riswick elle arbore.
***
Quelle gloire pour toy ! quel honneur sans pareil !
D’un repos plein d’appas le superbe appareil !
Te montre à l’Univers des Heros le modele.
***
Les Muses à loisir sur de nouveaux accens,
Vont chanter le bonheur de ton Peuple fidelle,
Et t’offrir tour à tour un éternel encens.

Priere pour le Roy.

Seigneur, qui de Loüis favorisez la gloire,
 Soyez propice à nos souhaits ;
 Donnez luy toujours la victoire,
 Afin qu’il nous donne la Paix.
 Plus laudem quàm dona moror.

Ce Sonnet est du Pere François Lamy, de la Doctrine Chrestienne, & a remporté le Prix des Sonnets en Bouts-rimez, proposez par l’Academie des Lanternistes de Toulouse. Ce Prix luy fut adjugé le 24. du dernier mois, jour de la Feste de Saint Jean, dans la Salle de Mr Morant, premier President du Parlement de cette Province, qui décida entre le Sonnet du Pere Lamy, & celuy d’une Dame de qualité, que l’on avoit reservez, pour examiner avec plus d’attention qui le devoit remporter des deux. Son Ouvrage avoit esté envoyé sous le nom de Mademoiselle le Sauvage, sa Belle-sœur, Niece de feu Mr le Sauvage, Evêque de Lavaur.

[Diverses pièces de vers sur des sujets du temps] §

Mercure galant, juillet 1697 [tome 7], p. 52-57.

Voicy quelques Vers sur la prise d’Ath, que l’abondance de la matiere ne me permit pas de vous envoyer le mois passé, quand j’achevay le Journal des derniers jours du Siege de cette Place. Les premiers sont de Mademoiselle Itier.

Ath est pris, & bien-tost nous verrons Barcelone
 De LOUIS recevoir la loy.
 Fiers Ennemis de ce grand Roy.
Qui voyez qu’en tous lieux la gloire le couronne,
Ne poussez pas plus loin vostre vaine fierté.
Vous avez éprouvé la force de ses armes ;
 Par une Paix pleine de charmes,
 Venez éprouver sa bonté.
***
 Vous n’aurez jamais l’avantage
D’épuiser ses tresors, de lasser son courage,
 Vainement vous le prétendez ;
Les desseins de ce Roy, si prudent & si sage,
 Du Ciel sont toujours secondez.
Tous vos retardemens ne sont plus excusables,
 Cessez de refuser la Paix.
Le zele & la valeur de ses braves Sujets
 Sont des sources inépuisables,
 Qui ne luy manqueront jamais.

Le Sonnet qui suit est de Mr Robinet, toujours zelé pour la gloire de son Prince.

SUR LA PRISE D’ATH.

La Victoire toujours pour Loüis se déclare,
Ses Ennemis en vain cherchent à l’attirer.
De la voir dans leur Camp l’évenement est rare ;
C’est un coup de hazard qui la fait égarer.
***
Elle ne peut souffrir que le sort la separe
De son charmant Heros qui se fait adorer,
Par quelque grand succés l’outrage elle repare,
Et vient de son amour soudain le rassurer.
***
Luy reprend on Namur, dont la noble conqueste
Avoit mis un Laurier si fameux sur sa teste,
Bien-tost une autre Place est soumise au Vainqueur.
***
Ath, que ses forts remparts rendent si meurtriere,
A peine treize jours résiste à son bonheur,
Qui tient à l’admirer l’Europe toute entiere.

Cet autre Sonnet, auquel la prise de la même Place a donné lieu, a esté fait sur les derniers Bouts-rimez, proposez par Mrs les Lanternistes de Toulouse.

Abbé, lors que tu dors une heure aprés l’Aurore,
Sçais tu que nos François imitant leurs Ayeux,
Font éclater leur nom comme des Demi-Dieux,
Qu’ils ont enfin pris Ath, & qu’aucun ne l’ignore ?
***
Jadis au mois de May Mars & Venus & Flore,
A se prendre sans vert estoient ingenieux ;
Mais le Mars d’aujourd’huy ne fait voir à nos yeux
Que le vert des Lauriers & des Lis qu’il arbore.
***
Alexandre & Cesar, ce couple sans pareil,
Avec tous leurs hauts faits & leur grand appareil,
Reconnoistroient pourtant Louis pour leur modele.
***
Il a d’un vray Heros le cœur & les accens,
Auguste, genereux, équitable, fidelle,
Et luy seul des Mortels merite de l’encens.

Declaration de l’Auteur d’un nouveau Sens d’un Passage de Virgile §

Mercure galant, juillet 1697 [tome 7], p. 57-72.

N’apprehendez rien du titre que porte la Piece que vous allez lire. Quoy qu’on y parle encore de la Louve qui allaita Romulus, ce n’est point une nouvelle Dissertation sur le Passage de Virgile dont on a déja parlé plusieurs fois, mais une Declaration qui fait connoistre qu’on ne veut point pousser plus loin la dispute, & que chacun a la liberté de demeurer dans son sentiment, puis qu’aucun ne veut ceder aux raisons de l’autre.

DECLARATION
de l’Auteur d’un nouveau sens d’un Passage de Virgile.
A MONSIEUR ***.

Mon troisiéme Adversaire seroit-il devenu, Monsieur, un Hypercritique, avec son amas de citations, extraits favoris de ses Recueils ? On peut en douter, car quoy qu’il dise, sa peau, soit de Louve, ou de Loup, soit d’espece ou d’individu, est percée de plusieurs trous en divers endroits. Il paroist qu’il l’a senti ; car comme les playes causent de l’inflammation, sa Lettre est écrite avec chaleur, dans un stile different de la precedente. Mais enfin, en quelque estat que soit cette peau, elle luy est chere, & il luy plaist de la retenir pour s’en parer peut-estre, comme on se fait honneur de ces Enseignes qu’on rapporte de la guerre toutes déchirées. A la bonne heure, qu’il conserve son opinion telle qu’elle est, j’en feray autant de la mienne. Je suis seur qu’on ne trouvera pas des feuïlles de chesne indignes du berceau de Romulus, puis qu’un arbre de cette espece fut autrefois un monument de gloire sur le tombeau d’Enée, de qui on fait descendre le Fondateur de Rome ; feuïlles de chesne tres-propres à luy avoir servi de langes, puis qu’elles servirent depuis à faire des couronnes à ses Romains. Il faut bien en demeurer là ; sçavoir, que chacun se tienne dans le parti qu’il a pris : car ce seroit se fatiguer inutilement que de disputer sans cesse, sans pouvoir convenir de l’un ou de l’autre sens. Il a aussi trouvé un expedient singulier pour mettre fin à cette contestation ; c’est de répondre en ne répondant pas. Il s’estoit attaché à quelques endroits cy-devant attaquez, & aussitost deffendus ; mais comme ce sont-là des plats réchauffez, méchans ragouts pour le Lecteur, il a imaginé une réponse muette à de nouvelles Remarques & à de nouvelles Reflexions que j’avois faites. Il dit donc que ce seroit les faire valoir, que de les refuter, en quoy il ne se méprend pas, puis qu’une réponse qui ne satisfait point, donne un nouveau degré de force à des raisons qu’on n’a pû détruire. En effet, ce silence est politique ; car enfin, que pouvoit-il dire sur ce que j’ay voulu nous reduire à la question du fait, parce qu’ordinairement on ne se cede rien l’un à l’autre ? J’ay remarqué que Romulus est habillé dans un antique, dont la figure est de sa hauteur dans le T. Live de Vigenere, que là on n’y trouve point la peau de la Louve, quoy que ce dust estre là sa place, comme on voit la peau du Lion sur les épaules d’Hercule ; que même les trois testes qui s’y distinguent, ne sont point des testes de Loup. Cette statuë meritoit bien d’estre regardée ; mais on ne regarde pas volontiers ce qui nous fait de la peine, & où on ne trouveroit pas son compte. Mais au lieu de s’arrêter à cet endroit, & à d’autres qui sont nouveaux, il essaye de faire une diversion en m’apostrophant, au sujet d’un passage de T. Live, qu’il étale autant qu’il peut, afin qu’au moins il occupe de la place. Vous aurez, dit il, bien de la peine à répondre à ce que je vous oppose. Je pourrois user de la même défaite, & luy rendre dans un autre sujet, objection pour objection ; mais on ne doit pas suivre un exemple qu’on n’aprouve point. Je vais donc répondre en droiture, & positivement à son passage ; car quoy qu’il en fasse son fort, comme si c’estoit un lieu escarpé, dont il ne craint point l’accés, je n’ay pas besoin de m’efforcer beaucoup pour y penetrer. Voicy donc ce que c’est. L’Historien rapporte qu’on vit un Loup qui poursuivoit une Biche, laquelle s’enfuit dans le Camp des Gaulois, qui la tuerent ; & que les Romains laisserent passer au travers de leur Armée, le Loup, sans le blesser seulement, ce qui parmy eux fut regardé comme un présage de la victoire, laquelle ils remporterent. Je demeure d’accord du texte, mais nullement de la consequence qu’on en tire sur la nature du Loup. Ce qui fit l’heureux présage, ne fut pas l’espece, mais l’action de l’animal. Supposons qu’un Renard eust passé dans le même endroit, & qu’il eust mis en fuite pareillement quelque beste, la superiorité du Renard eust esté prise comme estant de bon augure, quoy que le Renard soit per se, en soy, un animal de mauvais augure, comme le remarque le sçavant Critique d’Horace, sur Fœtaque Vulpes, de l’Ode 27. du livre 3. Ainsi cet incident du Loup ne change point le caractere de cette affreuse beste. Le Loup n’en est pas moins de sa nature, & odieux & infame, ny moins un objet de présage sinistre. Aprés l’apostrophe voicy une accusation, mais qui assurément me fera moins de mal qu’à son Auteur. Tegmen, dit-il, n’est pas formé de tego, comme vous vous l’estes persuadé, mais de texo. Où a-t-il pris cette curieuse observation, que tegmen vient de texo ? Pour moy, je suis toujours persuadé, & j’ay raison de l’estre, que tegmen vient de tego. Veut-il faire juger la cause par des Juges competens ? Les voilà sur le siege prests à la juger. Que dis-je, prests à juger ? ils ont déja jugé l’affaire. Robert Estienne, dans son Tresor de la Langue Latine, met tegmen au nombre des descendans de tego. Calepin dans son Dictionnaire de huit Langues, met aussi tegmen au rang des noms dérivez de tego. Dolet, ce sçavant du siecle de François Premier, le fait de même dans ses Commentaires de la Langue Latine. Et qui est-ce qui ne le fait pas ? Assurément tego est le veritable pere de tegmen, & celuy qui luy en donne un autre, deshonore un enfant legitime, & le fait bâtard. Ce qui a trompé l’Auteur de cette Critique singuliere, c’est son subtemen : mais subtemen n’est pas tegmen. Ces deux mots ne sont pas deux freres. Chacun a son pere qui n’est pas le pere de l’autre, l’un est fils de tego, & l’autre de subtexo. Ils ne sont pas même parens par les Verbes composez de tego, où l’on ne trouve point subtego. S’il ne garantit pas mieux ses Remarques critiques que par de semblables origines, il n’augmentera pas leur reputation.

Voilà Monsieur, si je puis m’exprimer ainsi, nostre chasse du Loup. Verbum non amplius addam, quelque nouvelle Lettre qui survienne ; car quoy que celuy qui soutient une these, même ayant un air de singularité, ait le droit & l’usage pour luy, de parler le dernier, je déclare que je renonce desormais à cette prerogative. Que mon dernier Adversaire & ses Alliez soient contens dans leur Lycophilie. Pour moy je le seray dans mon aversion pour cet horrible animal, & cette aversion n’est pas fondée sur les idées de quelques siécles. Nostre Poëte avoit la même horreur du Loup, qu’on l’a aujourd’huy, Triste Lupus, dit-il, & Appollon, le Dieu du Poëte, compte entre ses Titres, celuy de Lycoctonos : Destructeur des Loups. Je suis, &c.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1697 [tome 7], p. 244.

Je ne vous dis rien de la Chanson dont vous allez lire les paroles. Vous en connoîtrez le prix en les chantant.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air doit regarder la page 244.
Berger, gardez vostre cœur pour une autre,
Le soin de mon troupeau suffit pour m'occuper.
L'on voit trop souvent échaper
Un cœur leger comme le vostre.
Berger, gardez vostre cœur pour une autre.
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