1704

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12].

2017
Source : Mercure galant, novembre 1704 [tome 12].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12]. §

[Paraphrase du Pseaume 101. appliquée au Roy] §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 5-11.

Je vous envoye une Paraphrase du Pseaume 101. appliquée au Roy.

Beatus vir, qui timet Dominum, in mandatis ejus volet nimis.

L’homme qui craint le Ciel, & qui suivant ses loix
Ne cherche d’autre fruit, ny d’autre récompense
 Que le plaisir de son obéïssance,
Sera le plus heureux des hommes & des Rois.

Potens in terra erit semen ejus

Son nom, son sang, sa gloire & sa felicité,
Dont l’éclat a bien mieux que celuy du tonnerre
 Surpris & fait trembler toute la terre,
Passent de fils en fils à la Posterité.

generatio rectorum benedicetur.

C’est ainsi que du Ciel les Justes sont benis.
Du Ciel qui pour hâter l’effet de ses promesses
 Prévient leurs vœux & répand ses largesses
Avec plus de bonté qu’il n’a même promis.

Gloria & divitiæ in domo ejus.

Les biens, l’autorité, le thrône, la grandeur,
Pour les autres Mortels, monuments peu durables,
 Sont pour luy des titres inéfaçables
Dont la crainte de Dieu rassure la splendeur.

Justitia ejus manet in sæculum sæculi.

Les siecles à venir & les plus reculez
Verront ce qu’il a fait en le voyant revivre,
 En ses Neveux fideles à le suivre.
Ses Empires jamais ne seront ébranlez.

Exortum est in tenebris lumen rectis corde, misericors & miserator & justus.

De la Discorde en vain paroît l’affreuse nuit,
Par un trait de Justice égale à sa clemence,
 Le Seigneur fait éclater sa puissance,
Et loin de ses Etats la Discorde s’enfuit.

Jucundus homo, qui miseretur & commodat, disponet sermones suos in judicio, quia in æternum non commovebitur.

De l’homme genereux, sage dans ses discours,
Sensible aux affligez, à ses amis fidelle
 Le sang, le nom, la gloire est éternelle,
Et rien ne peut troubler ny son cœur, ny ses jours.

In memoriâ æternâ erit justus, ab auditione malâ non timebit.

Sa memoire à l’abri des plus tristes revers,
Le Juste ne craint pas qu’on vienne à ses oreilles
 Publier que l’éclat de ses merveilles
Irrite ses Voisins, & choque l’Univers.

Paratum cor ejus sperare in Domino, confirmatum est cor ejus.

Le Seigneur est son Dieu, le Ciel est son appuy ;
Sa voix est son conseil, & son bras sa puissance.
 C’est Dieu seul qu’il appelle à sa défense,
Toûjours prest à n’avoir d’esperance qu’en luy.

Donec despiciat inimicos suos.

De cent Peuples divers tous les Princes liguez
Ne font aucun effort qui ne serve à sa gloire,
 Toûjours forcé d’aller à la Victoire
Il les voit malgré luy confus & subjuguez.

Dispersit dedit pauperibus justitia ejus manet in sæculum sæculi.

Les Peuples & les Rois comblez de ses bienfaits
Benissant les faveurs de ses mains liberales,
 Font que l’éclat de ses vertus royales
Avecque son bonheur ne finira jamais,

cornu ejus exaltabitur ingloriæ.

Sa puissance portée au de-là de nos vœux,
Doit s’élever encor si haut, que pour le croire,
 Sans écouter ce qu’en dira l’Histoire,
On ne consultera que ses dignes Neveux.

Peccator videbit & irascetur, dentibus suis fremet

De ses prosperitez, jaloux à la fureur,
Les Princes ses voisins grincent les dents de rage ;
 Mais le Soleil, au milieu de l’orage,
Ne fait que mieux connoistre, & sentir son ardeur.

& tabescet ; desiderium peccatorum peribit.

Heureux, Grand, Immortel, le pecheur le verra,
Le pecheur, qui seichant de dépit & d’envie,
 Voudra couper son bonheur & sa vie,
Mais avec ses desirs, le pecheur perira.

Cette Paraphrase est de Mr l’Abbé Grimaud, fameux Prédicateur.

Extrait des Lettres de Mr l’Evesque de Babylone, écrites d’Hispahan §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 25-30.

EXTRAIT
Des Lettres de Mr l’Evesque de Babylone, écrite d’Hispahan à Mr de Saint-Olon son frere, dans les mois de Novembre 1703. & Janvier 1704.

Le R.P. Zapolosky, Jesuite, Ambassadeur de Pologne, fit son entrée à Hispahan le 4. Juillet dernier avec un Cortege assez nombreux. Il menoit avec luy deux autres Peres & un Novice, un Tambour, deux Trompettes, un Porte Enseigne, dix Soldats armez de Lances avec des Banderolles rouges & blanches, & quarante hommes à cheval ; je l’accompagnois aussi sur une mule blanche bien ornée. On le logea dans le Palais du deffunt Archevesque d’Ancyre. Il n’a cependant rien pû obtenir de cette Cour, pas mesme la permission de bastir une Eglise à Chamaquie. La multitude de semblables Ambassades en gaste le mestier. Il est reparty le 16. Octobre pour s’en retourner ; mais j’apprens qu’il est mort en chemin, & que ses Compagnons ont porté ses os à Tauris, où ils ont esté enterrez en grande Pompe. Le R.P. Rhent, Secretaire de son Ambassade, est encore icy.

La Flotte des Portugais qui étoit à Congo fit voile au mois de Septembre pour s’en retourner à Goa, aprés avoir inutilement attendu pendant trois ans les troupes Persiennes tant promises par le Sophy pour la guerre de Mascaty ; ainsi l’on peut dire que le dessein de cette Guerre s’en est allé en fumée.

Celui-cy ayant sçû qu’un de nos Missionnaires de Zulpha avoit chez luy une Laye de Sanglier avec sept Marcassins l’envoya enlever, & la fit tuer en sa présence à coup de canon.

On dit que les affaires des Compagnies Angloise & Hollandoise sont toûjours broüillées avec les Mogontains à Surate, & aucun Vaisseau n’en est venu depuis long-temps.

Un des premiers Eunuques, Nazir ou Grand Maistre de la Maison du Sophy est party depuis peu avec plusieurs Dames du Serrail, & environ dix mille personnes pour les grands Pelerinages de la Secte de Haly, qui sont Machet, Bagdad, & la Mecque ; & l’on dit qu’il y porte trente mille Tomans de presens. Ce Nazir est grand ennemy des Chrestiens ; mais on donne sa Charge à un autre Eunuque blanc, nommé Ibrahim Aga qui est plus benin.

La Nation Georgienne a maintenant le dessus dans cette Cour, & y possede les principales Charges de la Couronne.

Le bruit avoit couru icy que Orenguezeebe, Grand Mogol, qui a prés de cent ans, étoit mort, mais comme il ne se confirme pas ; le Pere Fortuné, Carme déchaussé Genois, qui en attend icy le decés il y a plus d’un an, pour aller congratuler le nouveau Monarque de la part de l’Empereur, est contraint de differer son Ambassade.

[Reception faite à Lyon à Madame & à Mademoiselle d’Elbeuf] §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 46-48.

Monsieur le Duc de Mantoüe passa à Lyon dans le mois d’Octobre, il ne s’y arresta que demie heure. Madame & Mademoiselle d’Elbeuf y arriverent quelques jours aprés luy ; elles y sejournerent cinq ou six jours. Elles allerent aux Carmelites le jour de sainte Therese. Me de Villeroy qui en est Prieure leur donna un repas magnifique. Elles entrerent le lendemain dans l’Abbaye de saint Pierre ; Me de Chaulnes qui en est Abbesse les y reçut avec beaucoup de magnificence. Elles ont esté plusieurs fois à l’Opera, où la beauté de Mademoiselle d’Elbeuf a paru relevée d’un fort grand nombre de pierreries. Elles ont esté par eau jusqu’à Marseille, où deux Galeres les attendoient. Les Dames de Lyon qui les accompagnerent jusqu’à la Barque qu’on leur avoit préparée, verserent beaucoup de larmes en les quittant, Mademoiselle d’Elbeuf ayant charmé tout le monde par ses belles manieres. On luy a présenté pendant son sejour plusieurs Ouvrages en Vers remplis des loüanges de cette Princesse.

Air nouveau §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 209-210.

Je vous envoye un Air nouveau, dont voicy les paroles.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par O Dieux ! &c. doit regarder la page 211.
O Dieux ! quand rendrez-vous à mes justes desirs,
L’aimable objet de mes tendres soupirs ?
Depuis son absence cruelle,
Une douleur toujours nouvelle,
  Me jette à chaque instant,
  Dans un desespoir éclatant.
Vous, qui voyez mes cris & ma peine mortelle,
O Dieux ! quand rendrez-vous à mes justes desirs,
L’aimable objet de mes tendres soupirs ?
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[Pastorale sur les nouveaux avantages remportez en Savoye, en Piémont, & sur mer] §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 267-269.

La Veuve de Jacques Grou, ruë de la Huchette, au Soleil d’or, vend aussi une Pastorale Lyrique, de la composition de Mr de Messange. Cet ouvrage qu’il a fait à l’occasion de la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, a pour titre, Les nouveaux avantages remportez en Savoye, en Piémont, & sur Mer. On peut dire que Mr de Messange est universel, & que quoy qu’il s’attache souvent à des ouvrages serieux & d’une profonde erudition, il ne laisse pas de s’occuper quelquefois à faire des Vers ; & qu’il réüssit parfaitement en ce genre d’écrire.

[Livres nouveaux. Histoire du roi en almanach]* §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 271-272.

Le même I continuë l’Histoire du Roy en Almanachs, & vient de mettre au jour la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, avec tout ce qui s’est passé de remarquable pour celebrer cette heureuse naissance. Ce sujet est parfaitement bien executé, tant par l’ordonnance du Dessin & la beauté des graveures, que par la ressemblance des Portraits & le choix des plus beaux sujets de l’année.

[Livre de Sonnates] §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 272-274.

Mr Michel Mascitti, Italien a fait graver icy un Livre de douze Sonnates. Six à Violon seul avec la Basse, & six à deux Violons avec la Basse. Ce livre est dedié à S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans, & se vend à l’entrée de la ruë S. Honoré, chez le Sr Foucault à l’Enseigne de la Regle d’or. Le prix du Livre est de huit livres sans être relié. L’Auteur de cet ouvrage s’est acquis beaucoup de reputation depuis qu’il est à Paris. Il a eu le bonheur de plaire au grand Prince que je viens de nommer, qui ne se trompe jamais en gens de merite. Mr Mascitti a eu l’honneur de joüer devant le Roy, devant Monseigneur le Dauphin, & par consequent devant toute la Cour, dont il a esté fort applaudi. Le grand debit de son Livre, dont il ne reste presque plus, en fait voir la bonté.

[Les Psaumes de David, & les Cantiques de l’ancien & du nouveau Testament mis en vers François sur les plus beaux airs des meilleurs Auteurs, tant anciens que modernes] §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 274-276.

Mr le Clerc, Libraire, rue S. Jacques proche S. Yves, à l’Image S. Lambert, vient de mettre au jour un Livre intitulé, les Pseaumes de David & les Cantiques de l’ancien & du nouveau Testament, mis en Vers François sur les plus beaux airs des meilleurs Auteurs, tant anciens que modernes, notez pour en faciliter le chant. Ce Livre, qui est de la composition de Mr l’Abbé Pellegrin, est dedié au Roy, & l’Epître a esté fort applaudie de ceux qui se piquent de se connoistre en ce genre d’écrire, & ceux qui ont commencé la lecture de ce Livre par cette Epître, en ont d’abord eu bonne opinion. Aussi n’est-ce pas un coup d’essay pour Mr l’Abbé Pellegrin, puisqu’il a déja fait plusieurs ouvrages à peu prés de même nature. Ce dernier est bien considerable, puisqu’il a mis cent cinquante Pseaumes en Vers, & que ces Vers sont propres à estre chantez ; c’est-à-dire qu’ils sont aisez & naturels ; ce qui manque à la pluspart des ouvrages de Vers, même à ceux où l’on est point assujetti par toutes les choses que demande le chant. Mr l’Abbé Pellegrin fait voir dans sa Preface les raisons qu’il a eu des s’essujettir aux plus beaux airs de ce temps, ou plutost l’impossibilité où il s’est trouvé de faire autrement. Le Latin est à côté des Vers, & l’on trouve à la teste de chaque Pseaume un Argument qui en explique le sujet.

[Rejouissances faites à Toulon à l’arrivée de Monsieur le Comte de Toulouse, & l’arrivée de ce Prince à Versailles] §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 338-347.

Il est temps de vous parler du retour de Monsieur le Comte de Toulouse, aprés une si longue & si glorieuse campagne. Ce Prince ayant non seulement fait voir toute la valeur, & toute l’intrepidité imaginable au milieu des plus grands perils, quoy qu’il se trouvast dans le feu pour la premiere fois, ce qui doit causer de l’émotion à ceux qui manquent le moins de courage, & qui doivent estre un jour au rang des plus grands Capitaines ; cependant, quoy qu’il vît tomber à ses costez ceux qui estoient les plus proches de sa Personne, & qu’il ne cessast point d’estre pendant toute une journée au milieu des flâmmes, & exposé aux plus grands perils, il ne fit pas un pas en arriere pour reculer. Il continua toûjours à donner ses ordres avec autant de sang froid que de presence d’esprit. L’ardeur avec laquelle ce Prince avoit toûjours souhaité d’en venir aux mains avec les ennemis, & ce qu’il avoit fait de son propre mouvement pour mettre la Flote en estat de partir, devoient faire attendre de son courage tout ce que l’on en a vû lors qu’il s’est trouvé dans l’occasion.

Le 2. de ce mois dés le matin on découvrit à Toulon, de fort loin, l’armée Navale qu’un vent forcé de Nord-Ouest, empescha d’entrer dans la rade. Le lendemain matin le vent s’étant un peu calmé, tous les Vaisseaux entrerent, & dés que le Vaisseau Amiral eut moüillé, le Corps de Ville alla à bord, faire la reverence à S.A.S. Mr Flamenq premier Conseiller porta la parole, & luy fit un compliment dont ce Prince parut tres-satisfait. Il mit pied à terre à l’entrée de la nuit dans l’Arsenal, d’où s’étant dérobé des personnes qui le suivoient, il passa seul à pied tout le long du Port, dont toutes les maisons estoient illuminées, & particulierement l’Hôtel de Ville ; le tout accompagné, d’inscriptions & de festons qui couvroient tout le balcon ; au dessous duquel il passa sans être reconnu de personne, & gagna la ruë S. Michel, où il trouva les mesmes illuminations, ainsi que dans toute la Ville. Il se rendit ensuite à la Cathedrale, où il fut joint par toutes les personnes de sa suite, & où il fit sa priere. Mrs les Maire & Consuls avoient fait dresser un grand bucher entre les quatre coins qui sont à la traverse de l’Hôtel de Ville au Port. Pour faire plus d’honneur à la feste, ils prierent Mr le Marquis de Chalmazel Commandant, de vouloir l’allumer avec eux, ce qui fut fait en cérémonie au son des Tambours, des Fiffres & des Trompettes, & au bruit de l’Artillerie. Au retour de la marche qu’on fit en Corps, en montant par la ruë de la Halle, & en revenant par la rue S. Michel, tout le monde crioit, Vive le Roy, & Monsieur l’Amiral. Tous les Habitans firent paroître une joye extraordinaire en cette occasion. Toute la Ville paroissoit en feu tant par les illuminations, que par les flambeaux qui éclairoient les Officiers de Ville & les buchers qui étoient allumez tout le long des ruës. S.A.S. qui étoit allée descendre chez Mr de Vauvré, vit de son balcon la marche du Corps de Ville, lorsqu’on traversa de la Halle à la ruë Sainte Ursule ; ce qui fit plaisir à ce Prince, puisqu’il eut la bonté de dire, Qu’il recevoit d’autant plus volontiers ces demonstrations de joye des Habitans de Toulon, qu’il estoit persuadé qu’elles partoient du fonds de leur cœur. Le 4. un peu avant cinq heures du matin S.A.S. partit en chaise de poste avec Mr le Marquis d’O, au bruit de l’artillerie de la Ville.

Le portrait de ce Prince qu’on avoit exposé sur le balcon de l’Hôtel de Ville, estoit orné de l’inscription suivante, & du Madrigal qui l’accompagne ; l’un & l’autre de la composition de Mr Irotebus Avocat.

VICTORI
a Navali pugna adversus
ANGLOS ET BATAVOS
Reduci.

MADRIGAL.

Au milieu des fureurs de Neptune & de Mars,
Preservé de mille hazards,
Que (sans fremir) nous ne pouvions entendre.
Vous revenez vainqueur, grand Prince ? ô l’heureux jour !
Quelles graces au Ciel ne devons nous pas rendre,
Et de votre victoire & de votre retour !

Monsieur le Comte de Toulouse qui n’avoit pas voulu entrer dans Toulon que tous ses Vaisseaux ne fussent en place, ayant donné tous les ordres necessaires pour ce qui regardoit le service du Roy, partit pour se rendre en Cour, où ce Prince arriva le 10. de ce mois. Il y fut reçû avec toutes les démonstrations de joye imaginable. Chacun s’empressa pour le voir & pour le feliciter sur sa glorieuse campagne, & sur son heureux retour ; & toutes les Dames luy firent compliment, & luy donnerent de grandes loüanges.

[Articles des Enigmes] §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 377-380.

Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit la Lanterne magique. Quoique cette Enigme soit fort belle & que les rapports en soient fort justes, elle est si peu connuë qu’il ne faut pas s’étonner si les Devineurs ne sont pas en grand nombre, & si plusieurs ont crû que le veritable mot étoit le Songe ou le Soleil. Ceux qui en ont trouvé le veritable sens, sont, Mrs l’Abbé Boutard : de Penavaly : de Lorme : Duret : de Formont : Groyer de Boiseraud, Conseiller au Conseil Souverain de Cayenne : Mauduit de la Montagne, son amy : Rohaut le jeune & son amy l’Archimede de l’Isle Nostre-Dame :

Mlle Malerfaut : Fanchon le Sueur, la blonde Angelique desbquinze-vingt : & la plus belle & gracieuse Dame du Cloistre Nostre-Dame.

Je vous envoye une Enigme nouvelle, elle est de Mr Jean Th…… de la Rochelle.

ENIGME.

Je suis un corps des plus gonflez,
Quoique sec comme un hidropique,
J’ay le dos & la taille antique.
J’ay deux yeux grands & noirs sur mon ventre placez.
***
Sans langue & sans bouche je crie.
Il me faut pour mon entretien
Des tripes de chat ou de chien ;
Cependant de manger je n’eus jamais envie.
***
Si l’on me flatte en me touchant,
Je suis d’une douceur charmante ;
Mais si trop fort l’on me tourmente,
Lors je gronde, & tout bas n’obeis qu’en jurant.
***
Le temps par qui tout perd son prix,
Ne me rend que plus precieuse,
Ma vieillesse m’est glorieuse,
Et toûjours à cent ans je valus plus qu’à six.

Air nouveau §

Mercure galant, novembre 1704 [tome 12], p. 381.

L’Air que je vous envoye est sur des Vers qui sont dans ma derniere Lettre, & qui ont esté faits à l’occasion de la mort d’une petite Chienne nommée Lise.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par La pauvre Lise, &c. doit regarder la page 380.
La pauvre Lise entre vos bras
  A fini ses destinées.
Pour moy je ne me plaindrois pas
  Si j’y finissois mes années.
Pourroit-on plus heureusement
Entrer dedans le monument ?
Lise, que je te porte envie,
Et que ton sort me paroist beau
  D’avoir entré dans le tombeau,
  En sortant des bras de Silvie ?
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