1706

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7].

2017
Source : Mercure galant, juillet 1706 [tome 7].
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Mercure galant, juillet 1706 [tome 7]. §

[Publication de l’Histoire des Journaux]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 98.

Mr Juncker a donné depuis peu, en Allemagne, l’Histoire des Journaux ; & on dit que l’on travaille en France sur le mesme sujet.

[Publication de la troisième édition des œuvres philosophiques de Mr le Clerc]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 101.

Mr le Clerc a donné à Amsterdam une 3e. édition de ses œuvres philosophiques. Joannis Clerici opera Philosophica, in quatuor volumina digesta, editio 3. auctior & emendatior. Outre ces 3. éditions, il s’en est fait une à Londres. Mr le Clerc a ajoûté, dans cette édition, un petit traité de huit pages, où il parle de l’utilité de la Physique, que l’on ne connoît pas certainement assez en Hollande.

[Nouvelle édition de l’Art de penser]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 102-103.

On a fait à Hall une nouvelle édition de l’Art de penser, en Latin. Le Libraire a promis d’y ajoûter toutes les remarques que Mr Bernard fit, dans le mois de Novembre 1703. de ses nouvelles, &c. sur toutes les éditions latines de cet ouvrage. Mr Buddé a ajoûté à cette édition, une Préface de vingt pages, où il marque les avantages & les défauts de cette Logique. Il avertit, que le premier pas qu’on doit faire pour se garentir de l’erreur, c’est de corriger sa volonté, & de travailler à retenir ses passions dans les bornes de la droite raison.

[Publication de Ver Herculanum du Père Nicolas Parthenio Giannettassi]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 103-105.

Le Pere Nicolas Parthenio Giannettassi a fait imprimer, à Naples, un nouveau livre, sous le titre de Ver Herculanum : Le printemps passé à torre del Greco, dans la Campagne de Rome. C’est la suite des Livres du même Auteur, intitulez, Autumni Surrentini, ætates Surrentinæ ; les Automnes passées à Sorrente, les Etez passez à Sorrente. Sous ce titre, l’Auteur a ramassé des Dialogues ingenieux ; des observations curieuses, écrites dans le goût de l’antiquité latine la plus délicate ; des descriptions tantôt en Prose, tantôt en Vers. Il paroît qu’il s’est proposé pour modele Aulugelle, & peut-estre les connoisseurs jugeront-ils que le Pere Giannettassi est plus délicat & aussi sçavant que cet ancien Auteur. La Poësie est le principal talent de ce Pere ; outre des Eglogues, il a paru de luy trois Poëmes considerables, chacun de plusieurs livres : Nautica, l’art de la navigation : Halicatica, la Pesche : Bellica, l’art de la guerre. Chacun de ces Poëmes contient un assez gros volume in douze. Le mesme Pere a fait aussi une Geographie Latine. Il travaille à l’histoire de Naples, qui doit estre estimée, à cause des belles découvertes dont il l’a enrichie.

[Mort de Jacques Testu]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 120-124.

Mre Jacques Testu, Conseiller Aumônier & Predicateur Ordinaire du Roy, Abbé de Nôtre-Dame de Belval, Prieur de S. Denis de la Chartre, & l’un des 40. de l’Academie Françoise. Le merite de cet Abbé & le goust qu’il a eu pour les beaux Arts & pour les belles Lettres, ont éclaté d’une maniere qui luy a fait beaucoup d’honneur. Ses Stances Chrestiennes, dont on a fait cinq ou six éditions, marquent assez le talent qu’il avoit pour la Poësie. Il avoit un tres-beau Cabinet de tableaux ; & comme il connoissoit parfaitement tout ce que la Peinture a de plus beau, & que tous les tableaux qui composoient son Cabinet estoient de son choix, il n’y a point à douter que les Curieux ne les recherchent avec empressement.

L’union du Prieuré de Saint Denis de la Chartre, dont il estoit titulaire, au Seminaire de Saint François de Sales, que Monsieur le Cardinal de Noailles a fondé pour les Prestres infirmes, est l’ouvrage de sa charité ; puisqu’en consentant à cette union pendant sa vie, & se dépoüillant du droit qu’il avoit de le resigner, il a assuré l’établissement de ce Seminaire, qui est si utile à l’Eglise.

La Maison de Mrs Testu est tres-ancienne à Paris. Mrs de Balincourt sont de la même Maison, & estoient proches parens de celuy qui vient de mourir. Il y en a deux Chevaliers de Malthe, dont l’aîné est Commandeur de cet Ordre ; & un autre Conseiller au Parlement, dont l’esprit, le merite, & la politesse sont connus de tout le monde. Mr de Balincourt, Capitaine des Chasses de la Vicomté de Paris, est aussi de cette famille ; son fils est Colonel du Regiment d’Artois. Mr l’Abbé Testu avoit deux freres, dont l’aîné qui avoit beaucoup d’esprit, & qui estoit fort répandu dans le monde, estoit Chevalier du Guet ; & l’autre estoit Abbé. Ces trois freres sont enterrez aux Carmes Déchaussez.

[Mort de Pierre Blanger]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 124-127.

Mre Pierre Blanger, Docteur en Theologie de la Faculté de Paris, Senieur de la maison de Sorbonne, Prieur de la Chapelle de la Reyne, Vicaire General de Mr l’Evêque de Coûtances, cy-devant son Official, Chantre & Chanoine de l’Eglise de Coûtances. Mr d’Etoüilly, Docteur de la mesme maison, luy a succedé en la Seniorité ; ils avoient long-temps contesté la qualité de Senieur de Sorbonne. Mr  Blanger estoit plus ancien reçu dans la maison de Sorbonne, & Mr d’Etoüilly plus ancien Docteur ; la Seniorité fut adjugée à Mr Blanger, comme plus ancien reçu dans la maison de Sorbonne, parce que cette qualité n’a rien de commun avec la Faculté de Theologie. Mr Blanger s’étoit démis depuis environ une année de sa prebende & de sa dignité de Chantre de l’Eglise de Coûtances, au grand regret de Mr de Lomenie Evêque de Coûtances, qui auroit bien voulu conserver ce Docteur auprés de luy. Mr Blanger estoit de Normandie, & du Diocese mesme de Coûtances ; il passoit pour un zelé défenseur de la saine doctrine, & il y avoit peu de Docteurs plus en garde que luy contre les nouveautez. Il estoit grand Theologien ; il avoit donné des preuves de son érudition en plusieurs occasions qui luy avoient fait beaucoup d’honneur, & qui luy avoient acquis la reputation d’un tres-sçavant homme. Mr Blanger estoit fort consulté pour la Morale, & il s’y estoit appliqué durant une bonne partie de sa vie, persuadé que cette partie de la Theologie est la plus necessaire pour la conduite des mœurs & pour la direction des ames. Il avoit une bibliothéque assez considerable, & remplie de livres ou rares ou tres-curieux. Il les connoissoit parfaitement bien ; ainsi le choix qu’il en avoit fait, étoit tres-bon & tres-judicieux.

[Mort de Mr de Riouperoux]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 142.

Le Parnasse François vient de perdre Mr de Riouperoux, Auteur de plusieurs Pieces de Theatre, qui ont eu un grand succés, du nombre desquelles sont Valerien & Hypermnestre, qui ont reçu de grands applaudissemens.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 142-143.

Aprés vous avoir parlé de la mort d’un Poëte, je puis vous entretenir d’une Dame vivante, qui fait parfaitement bien des Vers, & dont les ouvrages réussissent beaucoup ; c’est de Me de Saintonge, qui a fait les paroles de l’Air qui suit. Cet Air est de la composition de Mr Charles.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Vostre cœur est le Lot, page 143.
Vôtre cœur est le Lot où le mien doit prétendre ;
Mes soins sont les billets qui pourront l’obtenir.
S’il peut jamais m’appartenir ;
N’esperez pas, Philis, de pouvoir le reprendre.
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[La Science des personnes de qualité de la Cour, de l’Epée & de la Robe, &c. livre nouveau] §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 206-211.

On debite depuis peu, chez le sieur Nully, ruë S. Jacques, à l’image de saint Pierre, un livre intitulé : La Science des personnes de la Cour, de l’Epée & de la Robe, par demandes & par réponses ; où l’on trouve une instruction sur la Religion, l’Astronomie, la Geographie, l’Histoire, la Chronologie, les Fables, le Blason, l’interest des Princes, la Guerre, les Fortifications, la Marine ; avec les definitions des Sciences & des Arts. Par le sieur de Chevigny, Gouverneur de Mr le Marquis de Janson.

Il seroit difficile de former un dessein plus vaste & plus utile, que celui que l’Auteur de ce Livre a embrassé ; puisqu’il n’y a rien dont il ne soit susceptible, & que cet ouvrage peut estre utile à tout le monde, quoiqu’il semble n’avoir esté fait que pour instruire la jeunesse. Ce Livre est du nombre de ceux qu’il faut lire entierement pour estre bien instruit de ce qu’il contient, & son titre en donne une si haute idée, que ce qu’on diroit de cet ouvrage pourroit estre infiniment au dessous de ce qu’il en doit faire concevoir. L’Auteur s’est proposé, dans cet ouvrage, de donner au public, ce que doivent principalement savoir les personnes d’un certain rang, & de leur mettre devant les yeux leurs obligations & les moyens de les remplir. Quoique son dessein regarde principalement les personnes de qualité, il ne laissera pas d’estre utile à tout le monde ; puisqu’il renferme ce qu’il y a de plus essentiel dans la Religion, dans l’Astronomie, la Geographie, l’Histoire, la Fable, le Blason, la Guerre, les Fortifications & la Marine : & que la connoissance de toutes ces choses convient à toutes sortes d’états. L’Auteur, avant que d’entrer dans le détail de ces Sciences, s’est attaché à donner une idée de la Cour, de ses manieres, & de la conduite qu’on y doit tenir. Il a ensuite expliqué, ce que l’on entend par personnes de qualité, ce qu’elles doivent savoir, & quelles sont leurs obligations ; & comme rien ne donne plus d’entrée dans les Sciences, qu’une juste definition, l’Auteur a tâché d’en donner d’assez claires pour y servir d’introduction. Il ajoûte, dans son Avertissement, que l’abregé de la fondation & de la destruction des Royaumes, depuis la création du monde jusqu’à nôtre temps, avec les Guerres des Romains, ne paroîtra point inutile, & que l’on sentira, dans la lecture des histoires generales, que ces premieres idées serviront à mieux faire goûter les faits que l’on y rencontre plus détaillez. À l’égard de ce qui regarde la Geographie, il s’est contenté de faire une description des lieux les plus remarquables de l’Asie, de l’Afrique, & de l’Amerique ; mais il s’est étendu davantage sur l’Europe, parce que la connoissance en est plus necessaire.

[Mariage de Mr de Breviantes, comte de Montmor et de Mlle Apool-de-Romicourt]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 249-251.

Mr de Breviantes, Comte de Montmor, a épousé Mlle Apool-de-Romicourt, fort connuë par son merite & par sa beauté ; elle est fille de Mre N … Apool-de-Romicourt, & de Dame N … de Santour. Mr de Breviantes est frere de Me la Comtesse de Valençay, & de Mr de Raymond, cy-devant Conseiller au Parlement. Il a rendu le nom de Breviantes celebre par ses progrez dans la Philosophie, & sur tout dans les Mathematiques & dans la Metaphysique. Il est un des plus zelez disciples du Pere Mallebranche ; & il est peu de gens qui sachent mieux que luy, les principes de ce grand Philosophe. Il merite en cela une grande loüange ; les ouvrages du Pere Mallebranche n’estant pas à la portée de tout le monde, & estant à l’égard de beaucoup de personnes, des Tresors ensevelis. Il fit imprimer il y a trois ans, pendant un voyage qu’il fit en Hollande, la derniere réponse du Pere Mallebranche à feu Mr Arnauld, decedé dix années auparavant.

[Nouveau changement fait dans l’Academie des Inscriptions] §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 251-262.

Il y a eu un nouveau changement dans l’Academie des Inscriptions. Sa Majesté a agréé la démission de Mr l’Abbé Tallemant, qui en estoit Doyen, pensionnaire & Secretaire perpetuel ; & luy a accordé, en faveur de ses longs & agréables services, le Titre de Veteran, avec la continuation de ses pensions. L’Academie ayant ensuite procedé, suivant la maniere ordinaire, à l’élection de trois sujets que l’on devoit presenter au Roy pour remplir la place de pensionnaire en survivance, Sa Majesté a honoré de son choix, Mr de Boze, Associé, qui estoit un des élûs ; mais ne s’estant pas déterminée d’abord sur la nomination d’un Secretaire perpetuel de l’Academie, à cause du nombre des sujets dignes de remplir ce poste, elle a décidé pour Mr de Boze, dont le merite & les talens sont connus, par plusieurs dissertations sçavantes qu’il a données au Public.

Mr Danchet, connu par quantité d’Ouvrages de Poësie, & sur tout par les Poëmes Dramatiques qu’il a donnez au Public, & qui en ont receu de grands applaudissemens, a esté nommé pour remplir la place d’Associé, qu’avoit cy-devant Mr de Boze.

Mr Danchet m’ayant donné lieu de vous parler des Poëmes Dramatiques, je dois vous dire que ces ouvrages sont souvent l’écüeil des Poëtes qui entreprennent d’y travailler, & que quelques acclamations qu’ayent eus les premiers ouvrages de cette nature, de ceux qui se sont mêlez d’en faire ; ces premiers succez n’ont jamais dû leur répondre de la réussite des ouvrages de ce caractere qui les devoient suivre. Cela est si vray, que feu Mr de Corneille, qui s’estoit acquis dans le Public une si haute estime, par les Tragedies inimitables qui l’avoient souvent fait admirer, n’apprehendoit pas moins pour le succés de ses dernieres pieces, qu’il avoit fait pour celuy des premieres, lorsque son nom & son merite estoient à peine connus. Une infinité de gens de distinction, de toutes sortes d’états, se sont sentis emportez du desir de travailler à ces sortes d’ouvrages, pour jouir, en cachant leur nom, du plaisir d’entendre des concerts d’acclamations publiques ; ce qui ne peut arriver à l’égard des autres ouvrages, que chacun lit en particulier, sans que les Auteurs puissent sçavoir le plaisir que la lecture de leurs ouvrages donne à ceux qui les lisent. C’est ce qui est cause que l’on apporte tous les ans un fort grand nombre de ces sortes de Poëmes aux Comediens, qu’ils ne peuvent s’empescher de refuser ; tant il est difficile de mettre ces Poëmes en estat d’estre representez. On peut connoistre la verité de ce que je dis, par le peu de succés d’une partie de ceux qu’on represente tous les ans ; quoiqu’ils soient choisis parmi un tres-grand nombre. On ne doit pas s’estonner du mauvais sort de quantité de ces ouvrages, quand on considerera qu’ils doivent estre composez sur une infinité de regles, qu’il est souvent mal-aisé d’observer toutes ensemble, & que souvent, en les observant toutes, on ne trouve pas celle de plaire, qui est la principale, & que les Auteurs doivent trouver eux mesmes, puisque personne ne la peut enseigner. D’ailleurs le merveilleux & le vray semblable se doivent trouver dans ces sortes de Poëmes ; & s’ils ne sont maniez avec beaucoup d’art, il est difficile que l’on y puisse faire trouver ces deux choses ensemble. Je dois ajoûter à tout cela, que sept ou huit cens personnes qui se trouvent quelques fois ensemble à la representation de ces pieces, se rencontrent rarement d’un mesme goût, & d’un mesme avis ; je puis mesme dire, qu’il est absolument impossible que cela arrive : Et comment cela pourroit-il arriver, puisque lorsqu’il s’agit de la fortune & de la vie des hommes, on trouve rarement huit ou dix Juges d’un mesme avis, aprés avoir examiné tranquillement & à fonds les affaires sur lesquelles ils doivent prononcer ; & qu’ils ont de plus esté instruits ou par les plaidoïers d’habiles Avocats, ou par leurs écrits ? Tout cela étant veritable, il est impossible que 7. ou 8. cens personnes de different goût, assemblez dans un mesme lieu, qui n’ont point esté instruits des raisons des Auteurs, & qui décident tumultuairement, puissent toûjours porter un jugement juste. Il arrive souvent en ces occasions que ceux qui parlent le plus haut & le plus affirmativement, imposent aux autres, & font souvent le sort d’une piece, dans sa premiere representation ; son succés dépendant des applaudissemens qu’elle reçoit le premier jour qu’elle est representée. Ce qui se passe aujourd’huy au Theatre, fait bien voir la bizarrerie du goût du public. Il y a plus de 30. ans que l’on joüa une piece d’un Auteur de grand nom, d’une grande reputation, & dont plusieurs pieces de Theatre avoient eu un succés prodigieux ; cette piece fut reçuë fort froidement du public, elle ne fut point goûtée & son succés fut tres-mediocre. Il y a quelque temps que les Comediens, n’ayant rien de nouveau à joüer, les Auteurs ne voulant point donner leurs ouvrages en Esté ; parce que dans cette saison on va plus aux promenades qu’aux spectacles, & parce que la guerre enleve en ce temps-là tous les Officiers, ce qui rend les spectacles deserts : les Comédiens, dis-je, ayant remis au Theatre, cette piece qui n’avoit pû réüssir dans un temps favorable, vient d’avoir, dans une saison morte, un succés qui passe, si on a égard à la saison, tous ceux dont ont esté suivis les pieces qui ont le plus réüssi dans les saisons les plus favorables. Que dira-t-on aprés cela du goût du public ? Et que croira-t-on du goût de ceux qui ont vû si froidement cette piece il y a 30. ans, ou de celuy des auditeurs d’aujourd’huy qui l’applaudissent jusques à la fureur ? Et cela sans cabale & sans suffrages mendiez ; car on ne s’avise jamais d’en demander pour de vieilles pieces qui ont eu leur destinée en leur temps, & que l’on n’a jamais vû changer.

Air nouveau §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 263-264.

En vous parlant des Poëmes Dramatiques, qui tiennent rang parmi les plus grands ouvrages de Poësie, je vous en envoye un Lyrique, c’est-à-dire, un des plus petits ; c’est une chanson de Me de Saintonge, dont l’air a esté fait par Mr Charles.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Armons-nous promtement d’un verre, page 263.
Armons-nous promtement d’un verre,
Pour triompher de l’Amour ;
Des yeux plus beaux que le jour,
Dans ce repas, nous font la guerre.
Remportons la victoire ;
Aimer ne suffit pas, pour devenir heureux :
Mais c’en est assez de bien boire,
Pour voir combler tous nos vœux.
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[Continuation de l’ouvrage de l’origine de la Poësie Françoise, par Mr l’Abbé Massieu] §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 264-265.

Je dois vous dire en vous parlant de Poësie, que Mr l’Abbé Massieu, de l’Academie Royale des Inscriptions, continuë son ouvrage de l’origine de la Poësie Françoise. Les morceaux qu’il en a lus dans cette Academie, les applaudissemens qu’ils y ont receus, & les empressemens du public à demander cet ouvrage, sont des motifs assez pressans pour engager Mr l’Abbé Massieu à le continuer. Son travail est si grand & si considerable, que l’ouvrage qui a paru sous ce titre ne doit point l’empescher de satisfaire la curiosité du public, qui attend son ouvrage avec une extrême impatience.

[Conversion] §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 265-274.

Les articles de la nature de celui qui suit, ne peuvent être trop répandus dans le monde, à cause du bien qu’ils peuvent produire.

Les operations de la grace ont toûjours esté des mysteres impenetrables, mesme à ceux qui ont plus de lumieres sur les voyes de Dieu. Celuy qui la donne, la fait agir sur qui il veut, & où il luy plaist. Tel qui paroist rassembler dans sa personne, tous les caracteres de la réprobation la plus marquée est souvent une de ces ames privilegiées que Dieu a tirée de la masse de la corruption universelle, pour en faire un sujet d’élection ; & tel qui a esté sourd à la voix de Dieu, au milieu des Pasteurs qui luy annonçoient sa parole, & qui vouloient le remettre dans l’unité, l’entend souvent dans le sein mesme de l’Heresie, & dans un lieu d’où tous les vrais Pasteurs ont fui. Le sieur François Prossalendi, Grec de Nation, & natif de la Ville de Corfou, est une preuve de la seconde de ces veritez. Il avoit eu le malheur de naître dans le Schisme qui separe l’Eglise Latine & l’Eglise Grecque depuis le milieu du neuviéme siecle. Quoiqu’il y ait une Eglise Catholique dans la Ville de Corfou, & un Clergé assez considerable, & qu’il ait eu occasion de former des habitudes avec les Ecclesiastiques qui le composent ; il n’a jamais eu cependant aucune pensée de se convertir, ni la plus legere inspiration de retourner à l’unité de l’Eglise. Il sortit de cette Ville il y a environ neuf ans, & alla à Constantinople. Il entra dans un College de Grecs qui est prés de la Ville, & il y passa quelques années, dans le cours desquelles il reçut du Patriarche de Constantinople, les Ordres de Soûdiaconat & de Diaconat. Il passa de Constantinople en Angleterre, où il a demeuré trois années dans le College Grec d’Oxfort. Il y étudioit en Theologie sous le Docteur Wdroff. Dans les conversations particulieres qu’il eut plusieurs fois avec ce Professeur, & dans les Leçons publiques qu’il luy entendit faire, il fut indigné de la maniere dont ce Docteur attaquoit la Tradition ; & il eut souvent occasion de découvrir son infidelité & ses falsifications, en allant aux sources, & en verifiant dans les Livres de la celebre Bibliotheque de cette Université, qui est ouverte à tout le monde, la mauvaise foy de ce Professeur. Celui-cy publia à Oxfort, l’année derniere, un Livre écrit dans l’ancien idiome Grec, dans lequel il attaquoit ouvertement la Tradition ; il intitula cet ouvrage, Autarcia sacrarum scripturarum. Ce nouvel attentat enflamma le zele du Grec ; & en cherchant de nouveau à découvrir les fraudes du Professeur, il trouva le chemin de la verité, & il fut convaincu que sur certains chefs il étoit dans l’erreur, aussi-bien que le Docteur Wdroff. Il ne resista pas long-temps à la lumiere qui l’éclairoit ; il fit son abjuration, peu de temps aprés, en Angleterre, & rentra dans l’unité de l’Eglise. Une démarche de cet éclat l’obligea de sortir promptement de ce Royaume ; il abandonna cette terre, en secouant, comme le Prophete, la poudre de dessus ses souliers. Il passa en Hollande ; mais en quittant l’Angleterre, il n’abandonna pas le dessein qu’il y avoit formé, de combattre la pernicieuse doctrine du Docteur Wdroff, & de répondre à son Livre. Il se retira à Amsterdam, & c’est où il a publié, au mois d’Avril de cette année, sa réponse au Professeur Anglois ; elle a pour titre : Hæreticus Magister ab Orthodoxo Discipulo reprehensus. Liber utilis affirmans traditiones, & patefaciens sophismata Benjamini Wdrofii, Professoris Collegii Græci in Anglia existentis. Autore Francisco Prossalendio Corcyrense, Discipulo Præfati Benjamini Wdrofii. Ce Livre est composé dans l’ancien idiome Grec, & l’Auteur qui est arrivé à Paris depuis quelque temps, en fera une traduction Latine, s’il fait quelque sejour en cette Ville. Il convainc le Docteur Wdroff de donner de fausses interpretations à l’Ecriture & aux Peres ; & il démontre que tous les raisonnemens de cet Anglois, ne sont que de purs Sophismes. Il prouve ensuite, par une foule d’autoritez de l’Ecriture, des Peres & des Conciles, que la Tradition est la pure parole de Dieu. Il découvre enfin la mauvaise foy des Auteurs Anglois à l’égard de l’Eglise Orientale, & la maniere honteuse dont ils luy imposent. Il finit son ouvrage par une Methode qu’il donne pour enseigner les Grecs, & pour les disposer à entrer dans l’unité de l’Eglise. Cet ouvrage qui a esté imprimé à Amsterdam ; chez Theodore & Henri Bruin, aux dépens de l’Auteur, & avec un grand secret, à cause de la matiere qui y est traitée, se vend à Paris ruë S. Jacques, chez Barthelemy Girin, à la Prudence, proche la Fontaine Saint Severin. L’Auteur n’a apporté à Paris, qu’une partie des exemplaires ; il a envoyé l’autre dans les differentes parties de la Grece, & sur tout à Constantinople. Il seroit à souhaitter que la lecture de ce Livre, inspirât au Patriarche de Constantinople, à qui il est adressé, le dessein de se réunir à l’Eglise Romaine. S’il n’en tire pas fruit, on peut du moins assurer que ç’a esté la fin que s’est propose l’Auteur en le composant.

[Article des Enigmes] §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 399-402.

Comme la diversité plaist souvent, je croy devoir mêler l’article des Enigmes parmi des articles serieux. Le mot de l’Enigme derniere, estoit le Pepin. Cette Enigme estoit tres difficile, & plusieurs en ont inutilement cherché le mot. Voici les noms de ceux qui l’ont trouvé ; Mrs le Nain, Marquis de l’Epine ; Loüis Tyndare ; Simon Oreste, & Henri Tarxon ; Boutrey & Didier, de S. Germain en Laye ; Valinski, & les deux Edmes de la ruë des Bourdonnois ; Danvin ; le Marquis Dingy ; Malet, Enfant de Chœur de S. Germain de l’Auxerrois ; l’Abbé Billardin, & le Beneficier de Saumur ; le Chevalier de Furtainville ; l’Abbé de Megrigny, & l’Abbé Mystique ; le Docteur Abaillard, Mr de Sçait-tout, & le Prieur de T. en ville ; le Prévost de Boulogne ; le Musicien, de la ruë des trois Maures ; Damour ; le Boiteux, du cœur de la ville ; l’Amant secret, des deux pilliers d’or de la ruë S. Jacques ; le Favori d’Apollon, de la ruë de l’Hirondelle ; Thirsis, de la ruë de la Harpe ; & Tamiriste, & sa fille Angelique : Me la Presidente de l’Election de Chaumont & Magny ; Mlles Maisonneuve & Folberky ; Henriette Gourlade ; la Charmante Bouchery, & de Gagny ; la belle Babet, de la ruë des Bourdonnois ; la belle Amynte du Fleuve, de la ruë des Bourdonnois ; la belle Marchande, de la ruë des Lombards ; la blonde d’Angache ; la plus jeune des belles Dames, de la ruë des Bernardins ; la Muse renaissante ; Raison ; du Charme ; Dulcinée ; Finette, & Gratiosa.

Je vous envoye une Enigme nouvelle ; elle est de Mr Rat, Conseiller au Presidial de Montpellier.

ENIGME.

Je suis jeune & suis vieux ; car le temps est mon pere.
Aujourd’huy je suis doux, le lendemain mauvais.
On me vend, & revend ; je ne sais pas, je sais.
Je ne suis bon à rien, & je suis necessaire.
Mon corps est bien souvent plûtost mince qu’épais,
Quoique je sois carré de taille.
Je porte un habit bleu, je meure quand je renais ;
Et je ne suis, & ne seray jamais
Annoncé que par la canaille.

[Réception du duc de Chartres à Milan]* §

Mercure galant, juillet 1706 [tome 7], p. 429-432.

Son Altesse Royale partit le 10 dans le dessein d’arriver le 11 à Milan. Monsieur le Prince de Vaudemont, qui avoit fait préparer & peindre plusieurs Barques & Galiotes pour sa reception, se rendit au bout du canal qui est fort long, accompagné de toute sa Cour. Il le reçût au bruit des fanfares, & le conduisit jusqu’à Milan avec les mesmes fanfares & le mesme accompagnement, où ce Prince entra au bruit de plusieurs salves de toute l’artillerie. Il fut conduit au Palais de Monsieur le Prince de Vaudemont, où il trouva une garde Espagnole. Ce Palais étoit rempli d’un grand nombre d’Officiers, & des personnes les plus distinguées de Milan qui estoient venuës, tant pour faire compliment à ce Prince, que pour le voir & luy faire leur Cour. Il y eut ce soir-là une grande musique ; & tout ce que l’on y chanta, fut à la gloire de son Altesse Royale. Le souper fut magnifique, & la joye éclata sur le visage de tous ceux qui eurent l’honneur de souper avec un Prince, qui n’est pas moins recommendable par la grande penétration de son esprit, & par toutes ses belles qualitez, que par la grandeur de sa naissance. Enfin toute cette soirée se passa en festes & en divertissemens.

Le lendemain son Altesse Royale alla entendre la Messe à l’Eglise de S. Charles, où tout ce que la Ville de Milan a de plus distingué, se trouva ; & l’on remarqua que toutes les Dames estoient parées comme dans un jour de feste & de ceremonie. Ce Prince alla voir l’aprés-dînée tout ce qu’il y a de plus curieux dans la Ville, & rendit plusieurs visites. Les acclamations du peuple ne cesserent point dans tous les lieux où il passa. Monsieur le Prince de Vaudemont luy donna le soir un grand souper, où les principales Dames de la Ville furent conviées. La conversation ne fut pas moins spirituelle qu’à Lion ; les Dames Italiennes ayant beaucoup d’esprit & de vivacité dans leurs reparties. Le souper fut suivi d’une Comedie, qui plût beaucoup moins que la conversation des Dames.