1706

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9].

2017
Source : Mercure galant, septembre 1706 [tome 9].
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Mercure galant, septembre 1706 [tome 9]. §

[Feste de Saint Loüis, celebrée par Mrs de l’Academie Françoise; par Mrs de l’Academie Royale des Medailles & Inscriptions, & par Mrs de l’Academie Royale des Sciences, avec des extraits des Sermons prononcez ce jour-là] §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 5-35.

Vous ne trouverez point d’éloge du Roy dans les premieres lignes de cette lettre, selon l’usage que j’ay suivi depuis trente ans ; mais vous en trouverez dans la fin de l’extrait du Sermon que vous allez lire. Je dois vous dire, pour vous expliquer de quel Sermon je veux parler, que Mrs de l’Academie Françoise celebrerent, selon leur coûtume, le 25. du mois dernier, le jour de la feste de Saint Loüis. On celebra d’abord la Messe dans la Chapelle du Louvre, pendant laquelle, selon l’usage ordinaire, on entendit un Motet, avec la Priere pour le Roy, de la composition de Mr du Bousset, chanté par un grand Chœur de musique mêlée d’instrumens & de voix. Le Panégyrique de Saint Loüis fut prononcé ensuite par le Reverent Pere de Saint Jacques, Chanoine Regulier de Saint Augustin, Ordre de Saint Antoine, avec un applaudissement general. Le choix de Mrs de l’Academie fait d’autant plus d’honneur à ce digne Panégyriste, que non seulement il est fort jeune, mais aussi le premier Regulier sur qui l’on ait jetté les yeux, & qui ait de plus esté élû tout d’une voix & sans scrutin, pour prêcher le jour de cette Solemnité. Je dois, à cette occasion, vous dire qu’il luy arriva l’année derniere, en fait de Prédication, une chose qui a paru tenir du prodige.

Le fameux Pere Seraphin prêchant dans l’Eglise de Saint Antoine, le jour de la Feste de Tous les Saints, eut une attaque d’apoplexie, au commencement de son premier Point, qui l’obligea de descendre de Chaire, au grand regret de l’Assemblée, qui s’attendoit à un Sermon, & à un Sermon d’un aussi habile Predicateur. Cependant le R.P. Superieur de la Maison crût devoir proposer au Pere de Saint Jacques de suppléer, s’il se sentoit assez de courage pour une pareille entreprise ; & celuy-cy ayant répondu qu’oüy, il quitta sa place, pour aller prendre celle du Predicateur : & reprenant ses deux mêmes propositions, il continua le discours avec autant d’éloquence, de justesse, & de presence d’esprit que s’il s’y estoit préparé. De maniere que tout l’Auditoire se crut tout-à-fait dédommagé de la perte du Sermon du Pere Seraphin, & il ne pût s’empêcher de témoigner hautement son admiration.

Je reviens à l’Eloge que ce Pere a prononcé le jour de Saint Loüis. Il prit pour Texte ces paroles du Chapitre treiziéme du second Livre d’Esdras. In multis gentibus non erat Rex similis ei. Il n’y avoit point dans toutes les Nations aucun Roy qui pust l’égaler ; & dit.

Tous les siecles ont fait voir sur le Trône quelques grands Rois, que les qualitez héroïques, où les vertus chrestiennes ont distinguez des autres Souverains, & que les Histoires saintes ou prophanes nous ont toûjours proposez comme les modeles des Princes les plus accomplis ; mais qu’il est rare de trouver toutes ces qualitez & toutes ces vertus réünies en la personne d’un Roy ! De voir en luy tout à la fois, & tout ce qui fait les Heros selon le monde, & tout ce qui fait les Saints selon l’Evangile ! C’est un de ces prodiges que la nature qui s’épuise, pour ainsi dire, à les former, ne nous fait voir qu’aprés plusieurs siécles, & un de ces miracles que la grace, qui se communique pour l’ordinaire avec mesure, comme dit S. Paul, ne nous accorde que rarement ; soit que Dieu veüille punir les pechez des peuples, soit qu’il se plaise à abaisser l’orgueil des Souverains.

Ce fut pourtant, Mrs, le caractere du Saint Roy, dont l’Eglise celebre en ce jour la Feste. Prince, digne d’estre comparé à tout ce que l’antiquité payenne a le plus admiré dans les Alexandres & dans les Césars, & tout ce que l’Histoire sacrée a le plus loüé dans les Josués & les Davids. Prince, qui sçût unir en sa personne tout ce qui peut attirer l’estime & l’admiration du monde politique, avec tout ce qui peut meriter l’amour & la veneration du monde chrestien. Joindre une grande puissance à une grande moderation ; une valeur héroïque, à une sagesse consommée ; la gloire des victoires & des triomphes, à l’humiliation de la Croix, & à une rare pieté. Prince, enfin, dont le regne fut celuy de la gloire & de la Religion ; dans lequel on vit briller toutes les qualitez royales, & toutes les vertus chrestiennes, qui fit voir qu’on pouvoit estre tout à la fois un parfait Héros, & un parfait Chrêtien ; un grand Roy, & un grand Saint. C’est sur ces deux caracteres de grandeur & de Sainteté, que je vais former son éloge. Saint Loüis a possedé toutes les qualitez qu’on peut souhaiter dans un grand Roy : S. Loüis a pratiqué toutes les vertus qui font les grands Saints. Ses qualitez héroïques, & ses vertus chrêtiennes, feront le partage de ce discours, & le sujet de vôtre attention.

Mais, avant que de l’entreprendre, l’honneur que j’ay de parler pour la premiere fois devant une illustre Compagnie, composée de tout ce qu’il y a de plus grand & de plus auguste dans la République des Lettres, demanderoit, Mrs, que je fisse tous mes efforts pour joindre au Panegyrique de Saint Loüis, les loüanges que merite vôtre pieté envers ce grand Saint ; & je ne me dispenserois pas d’un devoir si juste, si je n’estois persuadé que l’éclat de cette solemnité rejaillit jusque sur vous ; & que parmi les éloges que vous attirez à ce saint Roy, chacun se souvient que c’est de vous que nos Orateurs empruntent ces traits hardis, ces expressions sublimes, cette éloquence parfaite qu’on voit regner dans tous vos ouvrages. L’on sçait, Mrs, que l’Academie, l’un des plus beaux ornemens de la France, ayant esté établie pour embellir nostre langue, s’est dignement acquitée de cette glorieuse obligation, & qu’en luy donnant l’élegance & la fécondité des Langues Gréque & Latine, elle l’a mise en estat de devenir la Langue universelle de l’Europe.

C’est, Mrs, ce qui demanderoit de grands éloges, si vous pouviez souffrir qu’on en fist quelqu’autre dans ce jour solemnel que celuy du grand Saint dont vous celebrez la memoire avec tant de pieté ; & si le désinteressement de vostre zele ne vous faisoit déja regretter ce peu de paroles que je viens de dérober, pour ainsi dire, à sa gloire : J’ose donc me flater, que vous joindrez vos vœux aux miens, pour m’obtenir du Ciel les secours dont j’ay besoin, & que nous allons implorer par l’entremise de Marie, &c.

Il commença son premier Point par un beau portrait de la grandeur & de la majesté des Rois ; & ajoûta que leurs obligations répondoient à l’excellence de leur dignité. Qu’un Roy doit avoir un cœur courageux & intrépide, pour attaquer ses ennemis, ou pour resister à leurs insultes ; un cœur bon & genereux, pour user avec moderation de ses victoires ; un cœur tendre & équitable, pour rendre justice à ses peuples. Voilà les qualitez souveraines qui font les Heros selon le monde, la valeur, la clemence, & la justice ; & voilà les qualitez que Saint Loüis a possedées, & qui luy acquirent le titre de Grand Roy, l’estime & la veneration de tous les Peuples.

C’est ce qu’il prouva dans sa premiere Partie, avec beaucoup de justesse & d’éloquence. Il se soûtint également par tout ; & sur la fin il releva particulierement l’amour que Saint Loüis eut pour la justice, qui fit souvent sacrifier aux besoins de ses Sujets, son loisir, son repos, & ses divertissemens. Combien de fois, dit-il, le vit-on interrompre ses promenades, & les plaisirs innocens de la Chasse, pour entrer dans la cause de la Veuve, & pour écouter les plaintes de l’Orphelin ? Vous en fûtes témoin, Arbre fameux, par l’honneur que vous eûtes de luy servir de lit de Justice, lors qu’assis à l’ombre de vos feüillages, & dépoüillé, pour ainsi dire, de sa majesté, il faisoit les mêmes fonctions que cet Ange envoyé du Ciel sur la terre pour la conduite d’Israël, qui s’assit sous un Chesne, comme il est dit dans le Livre des Juges, pour instruire ce peuple ; paroissant sous la figure d’un homme, & dans cette situation familiere, pour ne pas intimider ceux à qui il vouloit parler.

Il entra dans sa seconde Partie, en disant, que tous ces pompeux & magnifiques dehors qu’il venoit d’étaler, ne donneroient à Saint Loüis qu’une gloire purement mondaine, s’ils n’estoient soûtenus par une pieté, qui l’a rendu encore plus recommandable devant Dieu, que la valeur, la clemence, & la justice ne l’avoient fait admirer des hommes. Tous ces augustes titres de grand Roy, de Conquerant, d’Arbitre souverain de l’Univers, qu’il a meritez par ses vertus héroïques, sont passez : mais le titre de Saint & de Serviteur de Dieu, qu’il s’est acquis par ses vertus chrêtiennes, le suivra jusqu’à la fin des siecles, & le fera vivre dans une gloire immortelle pendant l’Eternité. Il ajoûta, que ce n’estoit pas tant la grandeur qui faisoit la gloire des Rois, que la grande & suprême pieté : que cette gloire n’avoit qu’un faux éclat, si les vertus chrêtiennes n’en faisoient l’ornement ; & que tout cet appareil de majesté, qui environne les Princes de la terre, n’avoit rien de solide, s’ils n’estoient aussi saints aux yeux de Dieu, que Dieu les avoit fait grands aux yeux des hommes. Que c’estoit là le sage conseil, que David, qui avoit appris par une longue experience, que la pieté estoit la gloire & l’affermissement des Trônes, avoit donné à Salomon, lorsque sur la fin de ses jours, il luy dit : Mon Fils, craignez le Seigneur, marchez dans ses voyes, gardez ses divins préceptes, afin de réüssir dans toutes vos entreprises, & de rendre vostre nom celebre dans tout l’Univers. Il appliqua ces sentimens à Saint Loüis, en disant que ce Prince religieux, éclairé des vives lumieres de la Foy, avoit crû que pour regner glorieusement sur le premier Trône du monde chrestien, il devoit faire regner Dieu sur luy-même, sur ses peuples, & sur toutes les nations de la terre, travaillant par la pratique des vertus chrêtiennes à son salut particulier, à la sanctification de ses Sujets, & à la conversion des Infideles.

Le détail qu’il en fit, fut accompagné d’un grand nombre d’applications fort justes de l’Ecriture, & de belles reflexions morales ; & touchant d’un air pathetique, les disgraces du premier voyage de la Terre-Sainte, il justifia la conduite du Seigneur à l’égard de la captivité de ce saint Roy, disant. Arrestez icy vos jugemens & vos pensées, Chrestiens qui m’écoutez, & admirez la conduite impenetrable de Dieu, à qui la gloire d’un seul est si précieuse, qu’il abandonne la sienne propre, pour le donner en spectacle & en admiration à toute la terre. Une troisiéme victoire eust rendu tout l’Orient tributaire de l’auguste Deffenseur de la Religion ; une victoire eust rétabli les Temples, & relevé les Autels, renversé les Idoles, rallumé le feu des Sacrifices, arboré par tout la Croix de Jesus-Christ : mais cette victoire n’eust pas fait connoistre à tout l’Univers que Dieu avoit sur le Trône un Ami fidele, un Serviteur désinteressé, également pieux, comme Job, dans l’une & dans l’autre fortune.

Il releva ensuite la pieté, la constance, & la religion de Saint Loüis ; & finit, en disant. Ne dérobons rien à sa gloire. Ce qui le toucha uniquement dans sa disgrace, ce fut de ne pouvoir estre malheureux sans que Dieu en souffrît dans l’établissement de son culte ; il se fust estimé heureux, si en luy sacrifiant sa liberté & sa vie, il eust pû établir sa Religion parmy les Infideles. Mais mourir, comme Moïse, sans avoir le bonheur d’introduire le peuple de Dieu dans la terre promise ; mourir dans un climat barbare, où le nom de Jesus-Christ n’estoit pas invoqué ; mourir, & laisser l’Arche du Seigneur entre les mains des Philistins : Voilà quel fut le seul regret de ce Prince religieux, que la terre ne sçauroit assez dignement loüer, & que le Ciel n’a pas dû laisser sans recompense. Oüy, grand Saint, il estoit juste que Dieu mist la sainteté de son nom à couvert du blasphême parmy des Nations accoûtumées à ne juger des choses que par l’événement. Il estoit juste que punissant l’iniquité des Peres jusques à la troisiéme & quatriéme générations, il couronnât aussi vos vertus dans la personne de vos descendans. Et comme dans la felicité dont vous joüissez dans le Ciel, vous prenez interest à ce qui se passe sur la terre, combien devez-vous estre sensible à la gloire de vostre auguste Petit-Fils, qui n’est pas moins l’heritier de vos vertus, que de vostre Couronne ; qui n’a pas moins reçû de Dieu sur les autres Rois de la terre, une superiorité de merite, qu’une superiorité de puissance ; & qui, aprés avoir élevé la France au plus haut point de la gloire, a fait aussi triompher la Religion de Jesus-Christ dans l’un & dans l’autre monde ? Et adressant la parole à Mrs de l’Academie, il ajoûta. Je sens, Mrs, que j’entre dans vos sentimens, en rendant cette justice à Louis le Grand, l’exterminateur de l’heresie, & le restaurateur de la Foy ; à la pieté duquel la Religion ne doit pas moins un tribut, que l’éloquence humaine en doit à sa gloire. Je n’entreprens pas de faire icy son éloge ; c’est à vous, Mrs, qui estes les reformateurs de la parole, & qui possedez toutes les graces du discours, à publier les merveilles de ce Grand Prince, qui vous honore de son auguste protection. Je me contente de chanter, dans le Temple du Dieu vivant, des divins Cantiques à la loüange de cet Oint du Seigneur ; & d’unir mes vœux aux vôtres, pour demander à Dieu la conservation de sa personne sacrée, la prosperité de ses armes, & une Paix durable sur la terre, qui soit la digne récompense de ses glorieux travaux, en attendant les Couronnes que Dieu luy prépare dans le Ciel par une gloire immortelle, & que je vous souhaite, &c.

Mrs de l’Academie Royale des Sciences, & de celles des Medailles & des Inscriptions, firent celebrer pareillement le même jour une Messe, qui fut dite par Mr l’Abbé de Tilladet, l’un des Pensionnaires de l’Academie des Inscriptions, dans l’Eglise des Prestres de l’Oratoire de la ruë Saint Honoré, ensuite de celle de l’Academie Françoise. On chanta pendant cette derniere Messe l’Exaudiat en Musique, de la composition de Mr du Bousset. Le Panégyrique de Saint Loüis y fut prononcé par le Pere de la Ferté Jesuite. Ce Discours reçut de grands applaudissemens ; il estoit rempli de morale. Sa division même estoit tirée de deux pensées tres-morales : sçauoir, la vertu éprouvée par la grandeur ; & la vertu purifiée par l’adversité. Il commença la premiere Partie, en faisant voir, que la naissance d’un homme qui naist dans la grandeur, est le premier pas qui le conduit à sa perte. Cette Partie fut subdivisée par trois reflexions, qui firent voir que les richesses sont la matiere des vices, l’occasion des vices, & l’impunité des vices. Le détail où le Pere de la Ferté entra pour rendre sensibles ces trois reflexions, fut tres beau & tres-touchant. Il fit voir à diverses fois les dangers où exposent les richesses, la séduction qui accompagne la grandeur, & la forte tentation à laquelle est souvent exposé un Grand que tous les objets qui l’environnent flattent & tâchent à corrompre à l’envy ; & il fit voir que c’estoit dans ces dangers évitez, & dans le bonheur qu’un Grand a de fuïr ces écueïls, que consiste le vray Heroïsme. Il commença sa seconde Partie, par cette belle pensée d’un Philosophe du Paganisme, que l’on reconnut aussitost que cet Orateur avoit tiré de Seneque, que c’est un spectacle digne d’un Dieu, de voir un cœur genereux aux prises avec la Fortune. En effet, il fit connoître que l’Heroïsme de la vertu de Saint Loüis consistoit dans sa tranquillité, dans son indifference, & dans cette précieuse paix, qui ne fut jamais alterée dans les plus grands revers & les plus humiliantes disgraces. La constance de ce Saint Roy à refuser de faire un serment que les Barbares vouloient extorquer de luy, & que tous ses Courtisans, & même le Legat du Pape l’exhortoient à faire pour rompre ses liens, donna un beau champ à l’Orateur. Les paroles de Saint Loüis au lit de la mort, sauvez mon Peuple, sanctifiez-le, servirent de sujet au Pere de la Ferté, pour faire un compliment à Mrs de l’Academie ; il leur fit voir, qu’il leur serviroit de peu d’avoir fait de riches découvertes dans la nature, & d’en avoir penetré tous les secrets, s’ils ne penetroient les routes du Ciel, & s’ils ne se sanctifioient. Cet endroit, où il fit une Priere pour le Roy, au lieu de faire son éloge, fut tres-recherché. Cette Priere qu’il adressa à Dieu pour la conservation de la personne du plus grand Monarque de la terre, pour la prosperité de ses armes, & pour la justice de sa cause, finit cet éloquent discours ; mais encore plus chrêtien qu’éloquent.

[Places données dans les Academies des Medailles & des Sciences] §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 43-49.

Les articles que vous allez lire, regardant deux des Academies dont je viens de vous parler, je croy ne devoir pas differer à vous les envoyer.

Mr du Hamel de Saint Lambert, ancien Secretaire de l’Academie Royale des Sciences, & ancien Professeur de Philosophie au College Royal, estant decedé, ainsi que je vous l’ay appris dans ma Lettre précedente ; parmy les trois sujets que l’Academie a nommez pour remplir la place d’Anatomiste, le Roy a choisi Mr Littre, Docteur en Medecine de la Faculté de Paris, & Medecin du Châtelet. Ce n’est pas le seul changement qui s’est fait dans cette Academie. Le Roy ayant declaré Mr Dalesme Veteran, Sa Majesté a nommé pour remplir sa place de Mechanicien pensionnaire, Mr Carré, qui estoit Associé Geometre, & que Mr Varignon, si connu parmy les Mathematiciens & les Philosophes, avoit choisi pour Eleve dans l’ancienne Academie. Ces deux Sçavans sont tres-dignes des places qu’ils remplissent. Mr Littre, outre son profond sçavoir en Medecine, est tres-habile & tres-celebre Anatomiste. Quant à Mr Carré, il est connu des Sçavans par l’ouvrage qu’il a donné sur le Calcul Integral, & par plusieurs autres découvertes. Il ne s’est pas seulement appliqué aux Mathematiques & aux Mechaniques ; mais il a sur tout cultivé la Philosophie, & sçait, par des talens rares, la rendre si sensible & si agreable, qu’un grand nombre de Dames de la premiere qualité se font un plaisir de l’apprendre de luy. Il a entrepris, par l’ordre de Mr" l’Abbé Bignon, de décrire tous les Instrumens de Musique, qui sont en usage en France. On sçait que l’Academie des Sciences a entrepris de faire la description de tous les Arts, afin de les conserver à la posterité, & de contribuer à leur perfection. C’est une entreprise digne de l’Academie, & du grand Roy qui la protege.

J’aurois beaucoup de choses à vous dire de Mr l’Abbé Bignon, dont le travail & les soins font que cette Academie est aussi florissante qu’on la voit aujourd’huy.

Mr de Boze, Secretaire perpetuel de l’Academie des Inscriptions, a eu l’agrément du Roy pour la Charge d’Intendant des Devises & Inscriptions des Edifices Royaux, qu’il a achetée de Mr l’Abbé Tallemant, & qui a esté créée par François I. & toûjours possedée par des personnes de merite & de distinction.

La place de Mr Danchet, qui estoit Eleve de l’Academie, a esté donnée à Mr l’Abbé le Roy, qui s’est acquis beaucoup de reputation, par la traduction qu’il a donnée au Public de la Dissertation du P. Mabillon, sur culte des Saints inconnus. Cet Abbé est frere de Mrs le Roy, celebres Avocats du Parlement ; & de Mr le Roy d’Arsilly, Commissaire des Guerres.

[Lettre critique sur le Livre intitulé la Langue] §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 140.

Je vous ay parlé, dans ma Lettre du mois d’Avril de l’année derniere, du Livre intitulé, la Langue. Il paroist depuis peu augmenté d’une Estampe assez curieuse, & d’une Lettre Critique, sur ce qui a esté dit & écrit pour & contre cet ouvrage. Je ne vous parleray point icy du favorable jugement que j’ay porté de ce Livre, en vous l’annonçant ; j’ajoûteray seulement que la suite a fait voir que le public s’est trouvé de mon avis ; & qu’il y a un second volume sous la presse, qui paroistra bien-tost.

Air nouveau §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 168-170.

Mes lettres n’estant composées que de portraits qui representent au naturel ce qui se fait tous les jours dans le monde, où l’on passe continuellement de la joye à la douleur, & de la douleur à la joye ; les articles de morts que vous venez de lire, peuvent estre suivis de la Chanson que je vous envoye. Elle est de Mr Charles, dont les Airs ont eu l’avantage de vous plaire.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par ces paroles,Vous partez, belle Clymene, doit regarder la page 169.
Vous partez, belle Clymene ;
Je ne verray plus vos yeux :
Que je vais souffrir de peine !
Que tout va m’estre ennuyeux !
***
Moy, qui fus toûjours rebelle,
Dois-je expirer sous vos coups ?
Ah ! je vois bien, cruelle,
Qu’il faudra mourir pour vous.
***
Helas ! malgré vôtre haine,
Que je ferois des jaloux,
Si je pouvois, inhumaine,
Expirer à vos genoux !
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[Le Roy va voir l’Eglise des Invalides] §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 256-270.

Avant que d’entrer dans le détail de ce que j’ay à vous dire de la superbe Eglise des Invalides, qui peut passer pour une des merveilles du monde, & dans laquelle on celebra la Messe pour la premiere fois le 28. du mois dernier, à laquelle le Roy voulut assister ; je dois vous parler de Mr Mansard, à qui la France doit ce bel ornement, pour ne pas dire le plus beau de tous ceux que l’on y admire aujourd’huy. La France luy doit aussi l’Orangerie, & les deux Ecuries de Versailles. Rien de cette nature n’a fourni d’idée à Mr Mansard, lorsqu’il y a travaillé ; & l’on peut dire qu’il n’a point rencheri sur les idées des autres, qu’il n’y a rien reformé, & qu’il n’y a rien ajoûté. Il n’a jamais cherché la gloire que l’on acquiert par là, quoique souvent elle soit considerable. Il n’a jamais suivi d’autres idées que les siennes ; il est original dans tous ses ouvrages : & il est né pour estre imité, & pour n’imiter personne.

Quoy que puissent dire tous ceux qui vantent l’antiquité, il est impossible qu’elle ait jamais atteint à la perfection qui se trouve aujourd’huy dans tous les ouvrages où les Arts ont quelque part ; puisque la pluspart des Arts qui servent à perfectionner tout ce que nous voyons aujourd’huy de plus beau, n’estoient pas alors inventez, & que ceux qui l’ont esté depuis ce temps-là, ont à peine atteint une entiere perfection. Les merveilles du monde, qui ont esté vantées dans tous les siecles, l’ont moins esté par la delicatesse & par la beauté de leurs ouvrages, que par l’immensité de leur grandeur, en quoy consistoit ce qu’elles avoient de plus rare. Il faut que les ouvrages d’aujourd’huy soient accompagnez d’un grand nombre de parties differentes, qui, en leurs especes, sont autant de chef-d’œuvres differens ; c’est ce qui doit faire admirer l’Eglise des Invalides, que l’Architecte a rendu susceptible de tous les ornemens que les beaux Arts peuvent prêter à ce grand édifice. Le sçavoir de l’Architecte paroist d’abord dans la beauté de tous les édifices en general ; & on en admire toutes les parties. La beauté du Portail surprend, & celle du Dôme étonne ; & l’on est ensuite charmé de voir l’Art merveilleux avec lequel l’Architecte a disposé tous les endroits qui peuvent estre embellis par la Sculpture, par la Peinture, & par la Dorure. Ce qui fait connoistre que tous les Peintres & tous les Sculpteurs, qui ont esté choisis pour contribuer, par le moyen de leur Art, à l’ornement d’un si superbe édifice, ont dû estre ravis de trouver un si beau champ pour exercer leur sçavoir, & dans lequel il n’estoit pas possible de mal faire ; tant de beautez ensemble devant produire un coup d’œil merveilleux, & capable d’enchanter tous les spectateurs. C’est ce qui n’a pas manqué d’arriver ; & c’est pourquoy, dés que l’entrée de ce magnifique Temple a esté permise au public, il y a couru avec empressement, sur le bruit qui s’estoit répandu du merveilleux amas de toutes les beautez qui se trouvoient ensemble dans ce lieu. La foule n’a point discontinué depuis plus de cinq semaines ; & l’on y court encore aujourd’huy avec le même empressement que l’on y alloit le premier jour : & il y a même lieu de croire qu’elle ne finira pas si-tost, la curiosité du public n’estant pas encore satisfaite ; les mêmes personnes y retournant plusieurs fois, & invitant tous ceux qui viennent à Paris, de faire la même chose. Mr Mansard a fait travailler pendant trente ans à cet édifice ; il en a donné le dessein, comme premier Architecte du Roy, & comme Surintendant des Bâtimens, & Ordonnateur des Arts & Manufactures de Sa Majesté. Il a nommé tous les Peintres & tous les Sculpteurs, qui ont eu part à la gloire de cet ouvrage immortel ; & comme il connoist la force, les talens & le genie de tous ceux qui y ont esté employez, & qu’il leur a donné à chacun les ouvrages qui leur convenoient, il ne faut pas s’étonner s’il resulte de tant d’ouvrages differens un tout ensemble si merveilleux, & si les applaudissemens sont si grands, si unanimes, & si universels.

Si j’estois entré dans le détail de toutes les parties qui composent ce superbe monument, l’étenduë ordinaire de ma Lettre n’auroit pas suffi pour en faire une exacte & fidele relation ; d’ailleurs on en a imprimé une in folio, dans laquelle on trouve gravé tout ce que ce grand édifice renferme de plus beau. Les Planches, qui ont esté trouvées tres-belles, sont de Mr le Pautre ; la description de tout l’ouvrage est de Mr Felibien, commis depuis longtemps pour toutes ces sortes de descriptions, & pour celles des Maisons & des Festes Royales, dont il a fait un si grand nombre, qu’il doit mieux réüssir que personne dans ces sortes de relations.

La reputation de l’Eglise des Invalides s’augmentant chaque jour, à mesure que ce grand travail s’avançoit, & les étrangers qui n’en ont vû que de simples ébauches, ayant publié, à leur retour chez eux, que cet ouvrage étoit digne de la curiosité de tous les peuples du monde ; il y avoit long-temps que l’on esperoit de le voir dans un état digne de celle du Roy, & que l’on comptoit que Sa Majesté viendroit bien-tost voir un ouvrage qui répondoit à sa pieté & à sa grandeur : On s’estoit même flatté, pendant un assez long espace de temps, que ce Monarque y viendroit le jour de la Feste de Saint Loüis. Mais ce Prince ayant consideré que depuis un grand nombre d’années le peuple de Paris & des environs, s’y rendoit en foule le jour de la feste de ce Saint, & ne voulant pas, par une bonté qui luy est naturelle, & dont il donne tous les jours une infinité de marques ; crût ne devoir pas priver ce peuple du plaisir qu’il avoit accoûtumé de prendre tous les ans, & dont il sembloit s’estre fait une agreable Loy, changea le dessein qu’il avoit pris d’aller voir ce superbe monument le jour de la Feste de S. Loüis, quoy que la curiosité eust commencé à luy faire souhaiter de voir un ouvrage dont on luy disoit tous les jours tant de bien : ce Prince, dis-je, changea de resolution, & prit le parti de ne se rendre aux Invalides que le Samedy 28. du mois dernier, ainsi que je viens de vous le marquer. Il partit ce jour-là de Meudon, où il avoit couché, & il arriva accompagné de Monseigneur le Duc de Bourgogne, & d’une nombreuse Cour.

Mr Mansard voyant arriver Sa Majesté, s’avança pour luy presenter la clef de ce somptueux édifice, & luy parla en ces termes.

SIRE,

J’ay l’honneur de presenter aux pieds de VOSTRE MAJESTÉ, la Clef de ce Temple Sacré, que Vostre pieté a fait élever à la Gloire de Dieu. Heureux si ce travail que vous avez confié à mes soins depuis trente années, peut répondre à la haute idée que VOSTRE MAJESTÉ m’en a donnée, & à ses sages conseils ! Ce superbe Monument de Vostre Religion marquera à la posterité la plus reculée, la grandeur de Vostre Regne.

Le Roy, aprés avoir écouté ce compliment, avec toute l’attention que sa bonté luy fait toûjours prester à tous ceux qui luy parlent, remit la même Clef entre les mains de Mr Mansard, d’une maniere qui luy fit connoistre, ainsi qu’à toute la Cour, qui estoit attentive à tout ce qui se passoit, combien Sa Majesté estoit contente de luy, & de tous ses ouvrages. Ce Prince s’étant ensuite avancé dans l’Eglise, trouva Monsieur le Cardinal de Noailles, qui luy presenta l’eau benîte. La famille de Mr Mansard estoit un peu plus avant dans l’Eglise ; & Sa Majesté ayant démêlé Me Mansard, au milieu de plusieurs personnes qui l’environnoient, fit quelques pas pour s’avancer vers elle, & luy dit : Madame, vous voyant icy, je ne puis m’empêcher de vous faire compliment sur la pars que vous devez prendre à la gloire que reçoit aujourd’huy Mr vostre mary. Ce Prince ayant ensuite jetté les yeux sur tout ce qui se presenta à sa veuë, fut frappé d’étonnement, quoiqu’il eût dû s’attendre à tout ce qu’il voyoit ; les desseins luy en ayant esté montrez, avant que l’on eust commencé à travailler, & ayant même donné des avis tres-judicieux, qui marquent la parfaite connoissance qu’il a de tout ce qui regarde les Arts. Il entendit la Messe qui fut celebrée par Monsieur le Cardinal de Noailles, pendant laquelle les Musiciens, qui étoient placez dans quatre tribunes magnifiques, chanterent le Te Deum, & l’Exaudiat. Ceux qui ont part à la beauté de ce lieu, s’estant presque tous presentez devant Sa Majesté, Elle leur parla d’une maniere si gracieuse, qu’ils furent charmez de sa bonté. Ce Prince dit à Mr Mansard, en examinant l’ouvrage de Mr de la Fosse : Il faut luy faire peindre la Chapelle de Versailles. Il s’arresta, aprés estre sorti de l’Eglise, à considerer le Portail ; & les beautez qu’il y remarqua, l’attacherent tellement, qu’il demeura exposé à la pluie pendant prés d’un quart d’heure. Il est aisé de juger, par tout ce que je viens de vous dire, combien ce Monarque fut satisfait de ce qu’il venoit de voir.

[Monseigneur le Duc de Bourgogne se rend à Sainte Genevieve, où après avoir fait sa priere, il voit ce qu’il y a de plus curieux dans cette maison]* §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 276-279.

Monseigneur le Duc de Bourgogne alla, en sortant de Sorbonne, faire ses Prieres à Sainte Geneviéve, où il arriva sur les quatre heures. Le Superieur, à la teste de toute la Communauté, le reçût à la descente de son Carosse ; & aprés un compliment fort court, il luy presenta de l’Eau-benîte, & la vraye Croix à baiser. Il conduisit ensuite ce Prince, au bruit des Orgues, & au son des Cloches, sur un Prie-Dieu qu’on luy avoit préparé au haut des marches du Sanctuaire ; & depuis la porte de l’Eglise jusqu’à ce Prie-Dieu, il parla à ce Superieur avec beaucoup de bonté & d’estime. Ce Prince luy dit : que ce jour-là même on célebroit une grande Feste dans son Eglise ; puisqu’ils étoient, non pas Peres de Sainte Geneviéve, comme on les appelle dans le monde, mais Chanoines de Saint Augustin. On doit remarquer qu’on celebroit ce jour-là la Feste de ce Saint. Ce Prince fit des réflexions tres-Chrétiennes & tres-judicieuses sur les trois Tombeaux, qui se présentent lorsqu’on entre dans le Chœur ; l’un de Clovis, que ce Prince examina fort attentivement ; l’autre de Sainte Geneviéve, élevé au dessus des autres ; & celuy de Sainte Clotilde, qui se voit dans une Chapelle derriere la Chasse. Je dois ajoûter icy, que ce Prince fit sa Priere pendant un assez long espace de temps, avec un recüeillement qui charma tous les assistans. Le Superieur luy proposa, lorsqu’il sortit du Chœur, d’entrer dans la Maison. Il y consentit, & monta d’abord à la Bibliothéque ; où, aprés en avoir examiné toutes les parties, & l’ordre des Livres, dont il parla comme les connoissant parfaitement, il considera sa vaste étenduë, & entra ensuite dans le Cabinet des Medailles. Ce Prince en regarda avec attention toutes les pieces ; il se fit expliquer ce qui regarde les instrumens des anciens Sacrifices, & toutes les autres curiositez, qui se trouvent dans ce Cabinet : & il parla sur chacune avec une érudition, & une facilité dont à peine les plus Savans sont capables. Il considera sur tout un petit Tombeau Romain, qui est peut-estre le plus rare & le plus ancien morceau d’antiquité qui soit dans les Cabinets des Curieux ; & il en examina fort attentivement la structure. Il dit, en sortant, qu’il avoit esté si satisfait de tout ce qu’il avoit vû, qu’il reviendroit une seconde fois, pour voir le reste de la Maison. Le Superieur luy répondit que c’étoit une parole Royale qu’il leur donnoit ; & qu’ainsi ils étoient persuadez qu’il la tiendroit.

[Addition à la Relation des Invalides] §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 351-355.

Quoique je vous aye déja parlé, dans cette Lettre, de ce qui se passa à l’Eglise des Invalides, le jour que Sa Majesté alla voir ce superbe Temple ; je croy vous devoir envoyer la Relation suivante, qui vient de tomber entre mes mains.

Lorsque le Roy vint voir l’Eglise des Invalides, ce Prince étoit acompagné de Monseigneur le Dauphin, de Messeigneurs les Ducs de Bourgogne, & de Berry, de Son Altesse Royale Madame, de Madame la Duchesse, de Madame la Princesse de Conty, & de plusieurs autres Dames & Seigneurs de la Cour. Son Altesse Serenissime Monsieur le Prince y étoit déja arrivé, accompagné de Monsieur le Duc, & ce Prince y attendit Sa Majesté.

On avoit mis six cents Soldats de la maison des Invalides sous les armes ; trois cents dans l’avenuë qui est en face du Portail de l’Eglise ; & trois cents dans la cour, qui est entre le Portail & l’avenuë, aves des Officiers à leur teste, qui étoient commandez par le Gouverneur, le Lieutenant de Roy, & le Major, qui reçurent le Roy au bruit des Tambours & des Trompettes.

Sa Majesté descendit au pied du Perron, sur le Pallier duquel Mr Mansart, Sur-Intendant des Bâtimens, qui a commencé & finy ce grand & superbe Edifice, accompagné des Officiers des Bâtimens de Sa Majesté, & des plus illustres Architectes, Peintres & Sculpteurs des Academies, presenta à Sa Majesté une clef artistement travaillée & dorée, en luy faisant un tres-beau discours. Les cent Suisses de la Garde étoient rangez en haye, aux deux costez du Perron, & en dedans de l’Eglise jusques à l’entrée du Dôme. Les Gardes du Corps avoient pris possession des portes, & estoient postez en differents endroits de l’Eglise.

Le Roy fut reçû, à l’entrée de l’Eglise, par Monsieur l’Archevêque, en Rochet, accompagné de ses Aumosniers & du Clergé de l’Hôtel des Invalides, qui présenta de l’Eau-benîte à Sa Majesté. Ce Prince s’arresta à l’entrée, pour considerer le coup d’œil du dedans de l’Eglise, dont il fut agréablement surpris. Il visita les deux Chapelles du côté de l’Evangile, & une moitié de l’Eglise avant la Messe ; & en passant au Sanctuaire, Sa Majesté trouva son Prie-Dieu, posé en face du Maistre Autel, où elle entendit une Messe basse, celebrée par Monsieur l’Archevêque. Pendant la Messe quatre Chœurs de Musique, de plus de cent cinquante personnes, placées dans les quatre Tribunes portées par les avant-corps de Colomnes du Dôme, chanterent le Te Deum & un Motet composez par Mr de la Lande, avec des Symphonies mêlées de Trompettes & de Tymballes. Aprés la Messe Sa Majesté considera le costé du Maistre-Autel vers l’ancienne Eglise, les deux Chapelles du costé de l’Epistre ; & revint sous le Dôme, dont Elle considera les Peintures, & tout le reste de l’Eglise, dont Elle parut fort satisfaite. Elle remonta ensuite en Carosse, en donnant à Mr Mansart, mille marques de sa bonté & de sa satisfaction.

[Articles des Enigmes] §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 355-359.

Le mot de l’Enigme du mois passé, étoit la Pipe. Ceux qui l’ont trouvé, sont Mrs Lemire, Avocat au Parlement, demeurant à Abbeville : de Belcourt : de Cailletot : Loüis Toffier : André Boivin : Colin le B. du coin de la ruë sainte Croix. Binot, & son amy Pierre Ravart : Gillier, & son serviteur Poitevin, du coin de la ruë des Roziers : Oedippe fils, de la ruë au Maire, & son compagnon : Bazini di Bolonia : Melliti di Sameria : Tamiriste, & sa fille Fortin : le Solitaire du Marais : le Philosophe, du cul de sac saint Landry : le Solitaire Lis, & la tante du nouvel époux, du même cul de sac de saint Landry. Mlles la Presidente de l’Election de Chaumont & Magny : Thienot : la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins : la Bergere Climene, & son Berger Tircis, de la ruë de l’Echarpe ; & la Partie la plus sage & la moins médisante, de la Ville de Beaumont de Lomagne, sur la riviere de Gimone.

L’Enigme nouvelle que je vous envoye, est de Mr d’Aubicourt.

ENIGME.

De vingt membres au moins, se compose mon corps,
De qui tout le bon sens n’est produit au dehors,
Que par differens traits de l’humeur la plus noire :
Quoy qu’il en soit, chacun sur ma foi me peut croire.
***
Si mon Art, dont l’employ n’est dû qu’à l’équité,
Pour établir l’erreur, combat la verité ;
Ce n’est pas qu’il ne soit de soi-même équitable :
L’usage est le défaut qui le rend condannable.
***
Le Chinois, l’Iroquois, l’Hebreu, le Caldéen,
Le Latin, l’Allemand, le François, l’Italien ;
Mille langues par moy, sur la terre & sur l’onde,
Sans voix, se font entendre aux quatre coins du monde.
***
Mes talens sont égaux, pour la Prose & les Vers ;
Plus que les Sçavans mesme, en doctrine j’excelle,
Je ne puis devenir, comme eux, l’appas des vers ;
Puisqu’il n’est point de jours qu’on ne me renouvelle.
***
Le Heros vit content, & meurt d’un air aisé,
Croyant par mon secours s’estre immortalisé :
Mais un jour les mortels se verront tous renaistre ;
Et pour lors à jamais sera détruit mon estre.

Air nouveau §

Mercure galant, septembre 1706 [tome 9], p. 359.Une version à deux voix, attribuée à Montailly, figure dans le Recueil d'airs sérieux et à boire de février 1708 (Paris, Ballard, p. 34-35). Une basse vocale a été ajoutée, tandis que la partie de dessus comporte des variantes mélodiques et rythmiques mineures.

Je vous envoye une Chanson nouvelle, qui convient au temps des Vendanges.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par ces paroles,Amy, je te vois rire, en regardant Catin, doit regarder la page 359.
Amy, je te vois rire, en regardant Catin,
Dont les beaux yeux te font la guerre,
Pour moy, qui suis buveur, je ne ris qu’à mon verre,
Quand il est plein de vin.
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