1707

Mercure galant, juin 1707 [tome 6].

2017
Source : Mercure galant, juin 1707 [tome 6].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, juin 1707 [tome 6]. §

Traduction d’une Ode Latine de Mr l’Abbé Boutard, sur la Naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, adressée à Monsieur le Duc de Bourgogne §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 16-26.

Celle de la Piece dont je vous envoye la Traduction, & qui regarde le même sujet, ne l’est pas moins. Vous n’en douterez pas en lisant le nom de son Auteur.

TRADUCTION D’UNE ODE LATINE DE Mr L’ABBÉ BOUTARD,
Sur la Naissance
de monseigneur
LE DUC DE BRETAGNE,
adressée à monseigneur
LE DUC DE BOURGOGNE.

Enfin d’un sort cruel s’addoucit l’influence :
Le jour heureux nous rit, qui va sécher nos pleurs,
Et rendre bien-tost à la France
Son éclat obscurci par de tristes malheurs.
***
Ouy ; le deüil fait place à la joye,
Et les temps fortunez d’un regne triomphant
Vont renaître, Grand Prince, avec l’auguste Enfant
Que la faveur du Ciel t’envoye.
***
Ce nouveau fruit de tes chastes amours
D’un coup fatal ne sera point la proye :
D’un long tissu d’or & de soye
La Parque doit filer ses jours.
***
Ainsi du Tout-puissant la sagesse profonde ;
Craignant que de Louis le sang ne manque au monde,
Le perpetue au besoin des mortels,
Et fait des rejettons de sa tige féconde
L’éternel appuy des Autels.
***
Connoy sous quels heureux auspices
Naist ce Royal Enfant par nos vœux racheté,
Ce Tresor, que des Cieux à tes desirs propices
Des grands Bourbons a merité
  L’hereditaire pieté.
***
De la Paix desirée il est le seur presage :
On le verra suivy d’un calme heureux & prompt,
Et de Janus au double front
Fermer le Temple affreux tout souillé de carnage
***
L’esprit d’erreur ne dicte point mes Vers :
La Paix, l’aimable Paix remplira ma promesse.
J’ay vû du haut des cieux descendre la Déesse
Sur les Monts de neige couverts,
Asyle éternel des Hyvers.
***
La Candeur, & la Foy, la pudique Innocence,
L’Abondance, & Themis à l’égale balance
Marchant à l’envy sur ses pas
Réjouissoient ces froids climats.
***
Deux Colombes traînoient son chardoux & paisible :
Et j’admirois comme en passant.
Son air serein changeoit la face horrible
Des Champs & des Citez, où le fer menaçant
Allumoit la guerre terrible :
***
Telle que le Soleil sur les Plaines d’azur
Montre son front de rose au travers des nuages,
Chasse les vents, dissipe les orages,
Sur les Cieux éclaircis ramene un jour plus pur,
Et changeant tout à coup les foudres en rosée,
Faire éclore les fleurs sur la terre arrosée.
***
Déja de la Discorde ont éteint le flambeau
Les Nations que l’Elbe abreuve de son eau,
Le Scythe qui se plaist aux guerrieres allarmes,
Le Sarmate vaincu par d’invisibles charmes,
Prests à s’ensevelir dans un même tombeau,
De leurs sanglantes mains ont vû tomber les armes.
***
Dés que la Paix par son heureux retour
Aura calmé du Nord la tempeste guerriere,
Bien-tost de l’Univers suivant le vaste tour,
  Elle fixera son séjour
Dans les climats qui bornent la carriere
  Du lumineux pere du jour.
***
  Qu’à son vol l’orgueilleux Batave
  N’oppose plus de vains efforts,
  Ny le fier habitant des bords
  Que la Tamise lave.
***
Si le Germain enflé d’un fragile bonheur
Rejette la Concorde offerte avec honneur
Qu’il craigne des Combats la faveur inégale,
Et que par un revers vangeur
L’inconstance de Mars aux superbes fatale
Ne le soûmette aux Loix d’un barbare Vainqueur.
***
O France, en attendant le calme aprés l’orage,
D’une prochaine Paix reçois le tendre gage,
Pareille aux clairs flambeaux qui brillent dans les Cieux,
Tu la verras bien-tost revenir en ces lieux,
Et voler de la Seine au Tage.
***
Ce calme heureux, dont la douceur
Dans son rapide vol en tout temps l’accompagne,
Eteindra la noire fureur
Qui déchire le sein de la fidelle Espagne,
Autrefois ta rivale, & desormais ta sœur,
Et l’inseparable compagne
De ta gloire & de ton bonheur.
***
Fidele aux saints devoirs d’une auguste alliance,
Preste à verser son sang pour Philippe son Roy.
Elle attend son repos de son obeissance
Et de son intrepide foy.
***
France, beny le Ciel propice à tes demandes.
Viens, le front couronné de lys & de guirlandes,
Au pied des saints Autels faire fumer l’encens,
Et redoubler par tout les vœux & les offrandes
De tes peuples reconnoissans.
***
Tu ne peux conserver avec trop de tendresse
Le present que te fait ton auguste Princesse
La jeuneAdelaïde, objet de ton amour,
Que le riche Eridan a pour toy mis au jour.
***
Pleine d’une vive allegresse,
Garde ce cher Enfant, veille sur son berceau :
Des promesses du Ciel il est le sacré Sceau,
Et le moment de sa naissance
Est du salut public l’infaillible assurance.

Cette Traduction est de Mr l’Abbé du Jarry, qui brille depuis long-temps sur le Parnasse, & dans la Chaire, par la vivacité de son éloquence.

[Mort de Philippe Julien Mazarini Mancini, Duc de Nervers]* §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 54-64.

Messire Philippe Julien Mazarini Mancini, Duc de Nevers, Pair de France, Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur & Lieutenant General pour sa Majesté de la Province de Nivernois, est mort âgé de 66 ans. Il laisse de Dame Diane-Gabrielle Damas, fille de Claude Leonor, Marquis de Thianges, & de Gabrielle de Rochoüart-Mortemar, plusieurs enfans ; sçavoir Mr le Duc de Donzy, Mr le Comte de Manciny, qui a eu pour son partage les Terres scituées en Italie, Me la Princesse de Chimai, & Mlle de Nevers. Mr le Duc de Nevers avoit eu plusieurs freres, & plusieurs sœurs. Mr le Comte Mancini tué au combat du Fauxbourg saint Antoine à Paris, l’an 1652. & qui estoit son aîné ; Mr. l’Abbé Manciny qui mourut malheureusement au College en joüant avec quelques Pensionnaires, le 15 Decembre 1654. Laure Manciny, mariée le 4 Fevrier 1651. avec Loüis Duc de Vendôme, & qui estant entré dans l’Etat Ecclesiastique aprés la mort de cette Dame arrivée en 1657. fut honoré de la pourpre Romaine ; Olympia Mancini Surintendante de la Maison de la Reine, alliée le 20. Fevrier 1657. au feu Prince Eugene Maurice de Savoye, comte de Soissons. Elle est mere de Mr le Prince Eugene ; Marie Mancini épouse de Laurent Colonne, Connetable du Royaume de Naples ; Marie Anne mariée le 20 Avril de l’an 1662. avec le Prince Geofroy-Maurice de la Tour, Duc de Boüillon, & Hortense Manciny, mariée le 28 Fevrier 1661. à Mre Arnaud-Charles de la Porte, fils de feu Mr le Maréchal de la Meilleraye, à condition qu’il porteroit le nom, & les armes de Mazarin. On donna ce nom au Duché de Rhetelois, érigé de nouveau. Mr le Duc Mazarin a eu un fils & quatre filles de ce mariage. Mr le Duc de la Meilleraye qui a épousé Mlle de Duras ; Me la Marquise de Richelieu, une fille Abbesse, & deux autres Religieuses. Madame la Duchesse Mazarin mourut à Londres il y a déja quelques années. Ils étoient tous sortis du mariage de Michel Laurent Manciny, Chevalier Romain, avec Jeronine Mazarin, sœur puînée du Cardinal de ce nom. Michel Laurent Mancini, Chevalier Romain qui aimoit beaucoup les belles Lettres, & qui établit dans cette grande Ville l’Academie des Humanistes, & de Dame Vittoria-Capoti d’une des meilleures familles de Rome ; le Comte Paul Mancini vivoit en 1600. Il se fit Prestre aprés avoir perdu sa femme, & l’aîné de ses fils fut Referendaire de l’une & de l’autre signature. Le Chevalier Jean-Baptiste Mancini qui estoit de Boulogne, & Chevalier des Ordres de Saint Lazare & de Saint Maurice de Savoye, estoit de cette même Maison ; son esprit & son merite lui attirerent beaucoup de consideration dans le monde. Il s’attacha au Cardinal de Savoye, & il se fit d’illustres amis. Mr de Scudery a traduit en nostre Langue une partie des Ouvrages qu’il avoit composez ; ceux qui ont pour titre : I Furori de la Gioventu ; & La Caduta di Sçiano, lui ont fait beaucoup d’honneur. Lelio Mancini celebre Professeur en Droit Canon en l’Université de Padouë, estoit aussi de la même famille, ainsi que feu Mr le Cardinal Mancini, grand oncle de feu Mr. le Duc de Nevers ; Mr le Comte Mancini dont il nous reste un excellent recüeil d’Harangues de sa composition, & Mr l’Abbé Mancini qui se distingue fort aujourd’huy à la Cour de Rome par ses prédications : il a déja eu plusieurs fois l’honneur de prêcher devant sa Sainteté. Feuë Madame la Comtesse Mancini, mere de Mr le Duc de Nevers, estoit sœur de Marguerite Mazarin aînée du Cardinal, & qui epousa le 6 Juillet de l’an 1634. Jerôme Martinozzi Chevalier Romain, & qui eut de ce mariage Laure Martinozzi, alliée en 1655. avec Alphonse quatriéme du nom, Duc de Modene. Le feu Duc de Modene, & la Reine d’Angleterre sont sortis de ce mariage. Me la Comtesse Martinozzi fut aussi mere d’Anne Marie Martinozzi épouse d’Armand de Bourbon Prince de Conty, & mere de Mr le Prince de Conty d’aujourd’huy. Me la Comtesse Mancini estoit aussi sœur du Cardinal Michel Mazarin qui nâquit à Rome en 1607. & qui aprés avoir esté pendant quelques années dans l’Ordre de saint Dominique, & y avoir exercé la Charge de Maistre du Sacré Palais, fut nommé par le Roy à l’Archevêché d’Aix en 1645. au Cardinalat en 1647. & à la Viceroyauté de Catalogne en 1648. Il mourut à Rome le 2 de Septembre de la même année. Me la Comtesse Mancini estoit fille de Pierre Mazarini & d’Hortensia Bufalini d’une bonne Maison de Citta di Castello, & sœur du celebre Abbe Bufalini chez lequel elle accoucha du Cardinal Jule Mazarin en 1602. La Maison Mazarini estoit originaire de Montaldeo dans l’Etat de Genes. Mrs Mazarini quitterent leur patrie dans le sixiéme siecle pour s’aller établir en Sicile, d’où ils passerent ensuite à Rome. Mr le Duc de Nevers fut fait Chevalier des Ordres du Roy, avant que d’avoir atteint l’âge de 35 ans porté par les Statuts ; & cette nomination fut faite à cause qu’il avoit eu l’honneur de porter la queuë du manteau de S.M. le jour de son Sacre, ce privilege estant attaché à tous ceux qui ont cet avantage. Ce Duc avoit beaucoup d’esprit, & les Vers qu’il laissoit de temps en temps échaper de sa veine, en sont une preuve convaincante.

[Mariage de Mr de Blincourt et Mlle Victorine]* §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 87-88.

On ne peut rien ajoûter aux Festes qui se sont données à Arras à l’occasion du Mariage de Mr de Blincourt, dont les ancêtres ont esté honorez de l’Ordre de la Toison d’Or. Il a épousé Mlle Victorine d’une famille distinguée du païs de Laleu, & qui l’est encore plus par son merite que par sa naissance. La pluspart des Officiers des troupes qui estoient alors à Arras, ont assisté à la ceremonie de ce Mariage, où les Hautbois & les Trompettes de plusieurs Regimens se sont fait entendre. Il y eut un repas magnifique sous un berceau d’un jardin tout illuminé, un grand Bal, & un tres-beau feu d’artifice.

[Sonnet de Morale] §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 112-114.

Je vous ay promis tous les mois un Sonnet de Morale de Mr le Curé de Livry. Je vous en envoye un, & je crois ne le pouvoir mieux placer qu’ensuite de l’Homelie de Sa Sainteté.

SONNET.

Grand Dieu repand en moy ta divine douceur,
Dans mes malheurs divers, toy seul me rend tranquile,
Fais qu’à tes saintes loix mon ame soit docile,
À tes ordres sacrez tourne & éleve mon cœur.
***
De ta juste bonté l’équitable rigueur,
En m’accablant de coups me presente un azile,
Souffrir pour ton amour est un bonheur facile,
C’est un remede sûr contre nostre douleur,
***
Pour calmer nos esprits pour adoucir nos larmes,
Pour chasser nos terreurs & vaincre nos allarmes,
Il suffit de penser que tu nous veux frapper.
***
Ta main en immolant cette chair criminelle,
Dissipe les erreurs qui pourroient nous tromper,
Et la mort qu'elle donne est la vie éternelle.

[Place d’Académicien donné à Mr Saurin]* §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 129-138.

En vous parlant le mois passé de Mr Saurin, au commencement de l’article qui regarde l’Academie des Sciences, je devois vous apprendre ce qui suit. Il est d’une noble famille de Provence où elle a toûjours vécu tres-honorablement. Feu Mr Saurin, Pere de celuy dont je vais vous entretenir, avoit quatre fils & deux filles ; l’aîné qui estoit fort connu par ses ouvrages & particulierement par sa dispute avec Mr Jurieu, est mort depuis deux ou trois ans Ministre de l’Eglise Walone d’Utrech ; les trois autres étoient aussi Ministres ; deux sont établis en Hollande & le troisiéme qui est celuy dont je vous parle, & qui est âgé de 50. ans, fut d’abord Ministre en Dauphiné. Une affaire de religion l’ayant obligé de sortir du Royaume quelques mois avant la revocation de l’Edit de Nantes, il passa en Suisse dans le Canton de Berne où il fit les fonctions de Ministre durant six années ; il y épousa pendant son séjour Mlle de Crauzat d’Hermenge d’une tres-noble & tres-ancienne famille.

Le Ciel permit qu’il luy vint alors quelque doute dans l’esprit sur sa religion. Il en écrivit à feu Mr l’Evesque de Meaux, & aprés avoir eu quelque temps commerce de Lettres avec ce Prelat, il passa en France pour conferer avec luy, & fit abjuration entre ses mains en 1690. Son merite s’étant bien-tost fait connoître il fut chargé par le Roy de receüillir les Memoires de l’Histoire de France que compose Mr l’Abbé de Cordemoy ; son érudition en tout genre & sa maniere d’écrire l’ont fait depuis choisir pour l’examen des Livres & pour travailler au Journal des Sçavans dont toutes les matieres sont de son ressort, ayant eu soin de joindre l’étude des belles Lettres aux plus hautes Sciences prophanes & Ecclesiastiques. On peut dire qu’il possede presentement les Mathematiques & la Philosophie dans un suprême degré, & qu’il n’est pas moins estimé par ces deux endroits qu’il l’a esté autrefois par les Protestans, qui le regardoient comme l’un de leurs plus habiles Theologiens, & de leurs plus grands Predicateurs. Tous ses grands talens ont esté cause que Mr le Comte de Pontchartrain, & Mr l’Abbé Bignon ont souhaité de le voir dans l’Academie des Sciences, estant l’un & l’autre toujours attentifs à tout ce qui peut favoriser les gens de Lettres & augmenter dans le Royaume, le progrés des Sciences & des Arts. Quoy qu’ils eussent conçu pour Mr Saurin une idée aussi avantageuse que le merite ce sçavant homme, ils l’engagerent neanmoins il y a quelques mois à se presenter pour cette Academie en qualité d’Eleve, ayant resolu de n’y recevoir desormais personne, non plus que dans celle des Inscriptions, à moins que l’on n’y entre par les voyes ordinaires. Mais à peine Mr Saurin eut-il remply pendant six semaines, la place d’Eleve, que l’Academie fit une grande perte qu’elle a crû ne pouvoir mieux remplacer qu’en donnant à Mr Saurin une marque de l’estime particuliere qu’elle avoit pour luy en le nommant à la place de Mr l’Abbé Galois qui venoit de mourir, & qui estoit un des Pensionnaires de l’Academie, en qualité de Geometre. Elle le nomma donc à cette place dans une Assemblée, qui avoit esté convoquée pour choisir un successeur à Mr l’Abbé Galois, & qui pust dignement remplir la place de cet Abbé. On doit remarquer que Mr Saurin eut presque toutes les voix, quoy qu’il ne fust Eleve que depuis six semaines. Ceux qui avoient eu le plus de voix aprés luy, furent aussi nommez au Roy, par Mr le Comte de Pontchartrain, & Sa Majesté luy donna la preference. Il l’a meritoit bien puisqu’ayant autant de sçavoir & d’élevation d’esprit qu’il en a, sa modestie luy avoit fait tenir à honneur, d’occuper une place d’Eleve, dans l’Academie. Aussi luy a-t-on rendu une prompte justice, puisque sans avoir esté Associé, il s’est veu tout à coup élevé à la place de Pensionnaire. Ainsi on peut dire que son merite l’a emporté sur l’usage, ce qui luy est d’autant plus glorieux que l’on n’a veu jusqu’icy aucun exemple d’une pareille nomination dans l’Academie dont il a l’honneur d’estre un des Membres, ni dans celle des Inscriptions.

[Prix distribuez à Toulouse aux Jeux Floraux] §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 138-142.

On donna le 3. de May à Toulouse les Prix qui se distribuent tous les ans aux Jeux Floraux. L’Assemblée qui se tient dans la plus grande Salle de l’Hostel de Ville estoit des plus nombreuses. Mrs les Mainteneurs & Maistres des Jeux s’y rendirent aux bruit des Hauts-bois & des Trompettes. Dés qu’ils eurent pris Séance, Mr le President de Drüillet, qui présidoit à cette ceremonie, nomma quelques-uns des Academiciens pour aller avec Mrs les Capitouls à la Daurade prendre les Prix. La Daurade est un Prieuré Paroisse de l’Ordre de S. Benoist, Congregation de S. Maur. Les Prix y sont sur l’Autel, & un des Religieux les presente à Mrs les Capitouls, en leur faisant un Compliment. On les apporte en ceremonie au bruit des Tambours, des Trompettes & des Hauts-bois. Pendant cette marche qui dura environ trois quarts d’heure, Mr le President de Drüillet lut son Analyse & sa Traduction ; de l’Ode d’Horace à Cypris ; ce qui fit plaisir à la Compagnie. Les Prix estant arrivez, Mr Laurent, ci-devant Conseiller à la Table de Marbre, gendre de Mr de Drüillet, prononça le Panegyrique de la fameuse Clemenée Isaure, Fondatrice des Prix des Jeux Floraux. Il le commença par cinq ou six Periodes Latines. On fait à Toulouse plusieurs actions publiques de cette nature, même des Sermons. Il s’y en fit un le Samedy Saint dernier que l’on commença en Latin, & que l’on continua en François, afin de conserver quelques restes de l’ancien usage. L’éloge de Dame Clemenée dont on voit la statuë de marbre dans la Salle où se distribuë les Prix, & qui estoit couronnée de fleurs, & tenoit un bouquet à la main, fut continué en Prose & en Vers, par Mr Laurent. On lut ensuite les Pieces qui ont remporté les Prix. Celuy de l’Ode, dont le sujet regardoit les Anciens, avoit esté remporté par Mr l’Abbé de Maumenet. Mr de la Mothe-Houdart, qui est exclus du Prix de l’Ode, parce qu’il l’a remporté trois fois, eut celuy du Poëme. Il auroit même eu celuy de l’Eglogue, sans deux petites expressions qui luy estoient échapées & que l’on jugea impropres. Ce Prix de l’Eglogue fut remporté par Mr de la Monnoye de Dijon, & le Prix du Discours en Prose, dont le sujet estoit l’Amitié, fut adjugé à Mr l’Abbé Caussin.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 142-143.

L’Air qui suit est de Mr Charles, dont vous en avez souvent vû qui ont eu l’avantage de vous plaire ; les paroles sont de Mr Maugé.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Estre aimé de Sylvie, doit regarder la page 143.
Estre aimé de Sylvie,
La voir à tout moment,
Des plaisirs de la vie
C’est-là le plus charmant.
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[Réjoüissances faites à Paris & en quelques autres Villes, à l’occasion du gain de la bataille d’Almanza] §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 192-210.

J’avois tant de choses à vous mander le mois dernier, que je ne pûs m’étendre sur les réjoüissances qui ont esté faites à l’occasion du gain de la bataille d’Almansa. Je vous fis voir neanmoins l’empressement avec lequel tout Paris s’estoit porté de luy-mesme à donner des marques de sa joye. Elle éclata mesme aux environs de cette grande Ville, Mr le President Orry ayant choisi la Maison de Mr de la Croix située à Bercy sur le bord de la riviere, pour donner des marques de la joye dont il estoit penetré Mr l’Ambassadeur d’Espagne, Mr le Duc de Saint Pierre & Don Pedro de Zuniga, Envoyé Extraordinaire de Sa Majesté Catholique, & frere de Mr le Duc de Bejar s’y trouverent & ils amenerent avec eux toutes les personnes de qualité sujetes du Roy leur Maistre qui estoient alors à Paris. Les Dames invitées estoient Me la Duchesse d’Albe ; Me la Comtesse d’Egmont ; Me la Duchesse de S. Pierre ; Me la Comtesse de Vaubecourt, & Me la Comtesse de Rupelmonde.

Cette Feste commença par un grand dîné, dont l’abondance des mets égala la delicatesse. On demeura fort longtemps à table, & l’on joua ensuite pendant le peu de temps qui restoit jusqu’à la nuit. À peine avoit-on commencé à apporter des lumieres, que l’on entendit tirer du costé de la riviere, & l’on vit en mesme-temps une fusée volante qui parut estre le signal de quelque plaisir nouveau. On entendit ensuite tirer un second coup qui fut suivi d’une seconde fusée, & aussi tôt chacun quitta son jeu & courut sur la terrasse du jardin, se doutant bien que de pareils signaux n’avoient pas esté faits sans sujet. Comme l’éloignement est grand de la Maison à la terrasse, & qu’il faut traverser tout le Jardin pour y arriver, l’ordre estoit donné de tirer autant de fois, & de faire paroistre autant de fusées volantes qu’il en faloit pour remplir tout le temps necessaire pour donner à la compagnie celuy de se rendre au bord de la riviere. On entendit en y arrivant un grand bruit de Hautbois, de Trompettes & de Timballes qui estoient dans une petite Isle, & on vit paroistre en l’air une girande & dans l’eau des feux Gregeois qui formerent un tres-beau spectacle ; & ce qu’il y eut de surprenant, fut que ces feux furent sans cesse renouvelez pendant prés d’une heure, ce qui fut entremeslé d’autres sortes de feux dont la varieté ne fut pas moins admirée, qu’elle fut trouvée divertissante.

Ce spectacle finit par une salve de quarante boëtes, aprés laquelle la compagnie reprit le chemin de la maison. Il falloit passer pour s’en retourner par un petit bois separé en deux par l’allée du milieu du jardin. À peine la compagnie y fut-elle entrée, qu’elle fut arrestée par une simphonie de Violons qui estoient cachez dans la partie gauche de ce bois ; ils jouerent seulement trois Airs choisis, aprés lesquel ils finirent selon l’ordre qu’ils en avoient receu, ce qui donna lieu à la compagnie de reprendre le chemin de la maison ; mais les Hautbois, les Trompettes & les Timballes qu’on avoit entendus sur le bord de l’eau, s’estoient glissez dans l’autre partie du bois pendant qu’on s’estoit arresté à entendre les Violons ; de maniere qu’ayant joué tout à coup lorsqu’on s’y attendoit le moins, ils donnerent de nouveaux plaisirs dont chacun fut agréablement surpris. Ce Concert éclatant que l’on ne se lassoit point d’entendre ayant cessé, la compagnie reprit une seconde fois le chemin de la maison ; mais elle fut surprise lors qu’aprés avoir tourné du costé où elle est située elle s’apperçut que les portes & les fenestres estoient ouvertes, & que les appartemens estoient tous brillans de lumieres, & elle trouva en y entrant une table servie d’un superbe Ambigu composé de tout ce que la saison pouvoit fournir de viandes, de fruits & de liqueurs ; & de plus la table estoit couverte de quantité de fleurs que la saison rendoit encore rare. On avoit fait passer les Violons sous un berceau qui n’estoit pas éloigné de la salle basse où cet Ambigu estoit dressé, & les Hautbois estoient de l’autre costé dans une piece qui est proche de celle où l’on devoit manger ; & comme le premier repas que l’on avoit fait empeschoit que l’on eut d’empressement pour se mettre à table, & que toute la compagnie ne s’y mit pas, on peut dire que l’on mangea, que l’on joüa & que l’on dança en même temps.

Les Seigneurs Espagnols qui estoient à cette Feste donnerent de grandes loüanges à Mr Orry, & luy dirent qu’il reussissoit parfaitement dans toutes les choses dont il se mêloit. Me & Melle Orry firent les honneurs de cette Feste avec la maniere agréable qui leur est ordinaire.

Il s’est aussi fait à Beziers de grandes réjoüissances à l’occasion de la Victoire remportée à Almansa. La Lettre qui m’a esté adressée sur ce sujet, & que je vous envoye, vous en apprendra toutes les particularitez. Elle est d’un homme qui n’est pas moins connu dans la Province par son esprit que par la grande Charge qu’il y possede.

À Beziers ce 4e Juin 1707.

Le 29. May dernier, on chanta icy dans l’Eglise Cathedrale le Te Deum, pour rendre graces à Dieu de la Bataille gagnée par Mr le Maréchal Duc de Barwick. Plusieurs Officiers Espagnols venus du Milanez qui sont en cette Ville jusqu’à nouvel ordre, assisterent à cette ceremonie. Ils y furent invitez par le Chapitre, & les plus considerables d’entre-eux furent placez dans les hautes Chaises du Chœur. Ils firent faire par trois ou quatre cens Soldats qui sont icy avec eux, trois décharges de Mousqueterie pendant le Te Deum, & ces soldats firent le soir de pareilles décharges lorsque l’on tira le feu qui estoit dressé devant l’Hôtel de Ville. Ces décharges furent accompagnées d’acclamations & de cris de vive les Rois de France & d’Espagne. Ce feu estoit orné de plusieurs Devises que je vous envoye avec leur explication.

La premiere estoit sur l’Archiduc en Catalogne ; elle avoit pour corps un Parelie qui se dissoud devant le veritable Soleil, & pour ame ces paroles.

Vanescet Imago.

Auprés du vray Soleil le faux va disparoistre,
Et l’Espagne en repos n’aura bien-tost qu’un Maistre.

La seconde estoit sur l’évacuation du Milanez. Elle representoit un arbre émondé, avec ces mots Espagnols.

Podado da fuerça al tronco.

Ce Rameau retranché rendra le tronc plus fort.

La troisiéme regardoit l’alliance des Anglois & des Hollandois avec l’Empereur. Elle representoit un Aigle en l’air tenant dans ses serres deux Tortuës, avec ces mots de Claudien.

Ut lapsu graviore ruant,

 Ces Tortuës si haut montées
En feront à leur tour plus bas precipitées.

La quatriéme qui estoit sur l’appuy que le Roy donne à l’Espagne, faisoit voir une main de Justice ; un Sceptre fleurdelisé & une épée à l’Espagnole entrelassez & soutenant une Couronne avec ces mots Espagnols.

Lapoyan y defienden.

Ce Sceptre & cette épée ici nous font entendre
Qu’apuis d’une Couronne, ils sçavent la défendre.

La cinquiéme estoit sur la fidelité & sur la valeur des Castillans, dont le Païs est situé au milieu de l’Espagne. Elle contenoit un Miroir ardent qui reçoit les rayons du Soleil ; elle avoit ces paroles pour ame.

In medio virtus.

Pour le Roy dont le Ciel protege la grandeur,
Le centre de l’Espagne montre le plus d’ardeur.

Rien n’est si galant que les Officiers Espagnols que nous avons en cette Ville, & ils font connoistre qu’ils n’ont pas moins herité de l’esprit galant de leurs ancêtres que de leur valeur. Don Joseph Vinol de Bethencourt Lieutenant Colonel du Regiment de Lisboa, est un de ceux qui s’y distinguent le plus. Il est François d’origine, & il descend de Jean de Bethencourt de la Province de Normandie qui en l’an 1402. conquit les Isles Canaries dont Henry III. Roy de Castille luy donna la souveraineté sous foy & hommage, ainsi qu’il est dit dans l’Histoire d’Espagne & dans le Dictionnaire de Moreri sous le mot de Canaries, & sous celuy de Bethencourt.

Mr Arnaud, Consul pour la Nation Espagnole à Toulon, y a aussi donné des marques de sa joye, pour le gain de la Bataille d’Almanza. Toute sa Maison fut illuminée, & les Armes d’Espagne y parurent en quantité d’endroits toutes brillantes de lumiere. Cette illumination commença à huit heures, & continua pendant la plus grande partie de la nuit. Il fit allumer en même temps un grand feu devant la porte de sa Maison, & un autre au milieu de la Cour. Il y avoit proche de chacun de ces feux une digue, au bout de laquelle on voyoit un Pavillon où étoient les Armes d’Espagne. Tant que durerent ces feux, on entendit le bruit de plusieurs boëtes & de plusieurs pierriers. Il y eut ensuite un tres-beau Bal, où toutes les personnes les plus distinguées de la Ville se trouverent. Ce Bal fut suivi d’un souper magnifique qui dura presque toute la nuit. Il seroit impossible de bien peindre l’allegresse que tous les Conviez firent paroître pendant ce repas, en beuvant les santez des deux Rois.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 210-211.

Les Réjoüissances & les Fêtes publiques ayant de grandes liaisons avec les Chansons, je crois ne pouvoir mieux placer qu’icy la Chanson suivante. L’air est de Mr Charles, qui en donne depuis long-temps au public avec succés.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Sombres Deserts, doit regarder la page 211.
Sombres deserts qui cachez ma tristesse,
Si je pouvois dans vos détours secrets
Perdre le souvenir des maux qu’Amour m’a faits ;
Je ne troublerois pas comme je fais sans cesse
  Vôtre tranquille paix.
Mais, helas ! pour guerir de l’ardeur qui me presse,
L’insensible Philis a pour moy trop d’attraits,
Et mon cœur a trop de foiblesse.
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[Lettre de Bayonne] §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 232-238.

Je ne vous dis rien de la Lettre qui suit ; elle merite l’attention de tous ceux qui la liront.

À Bayonne ce 9. Juin 1707.

Je croirois manquer à un devoir essentiel, si je vous laissois ignorer les dernieres démarches d’une des plus grandes & des plus vertueuses Reines du monde ; vous sçavez que nous avons l’honneur de posseder dans nôtre Ville la Reine Doüairiere d’Espagne ; cette auguste Princesse, joint à la grandeur de son sang tant de vertus, qu’elle pourra servir de modele dans les siecles à venir à celles de son rang ; sa pieté, sa charité, sa liberalité, cette bonté affable, mais toûjours Majestueuse, qui accompagne toutes ses Royales actions, sont les vertus qu’elle possede dans un degré éminent, & qui ébloüissent le plus nos yeux.

Vous avez esté instruit de tout ce qui s’est passé icy à l’arrivée pendant le séjour, & au départ de S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans. Vous y avez remarqué qu’on ne peut rien ajoûter aux empressemens que S.M. a fait paroître en cette occasion, & en toutes celles qui se sont presentées depuis, de marquer son zele pour tout ce qui regarde la gloire de Philippe cinquiéme. Sa Majesté n’eut pas plûtôt appris la nouvelle de l’éclatante & fameuse Victoire, que l’Armée des deux Couronnes a remportée sur celle des Alliez, dans les Plaines d’Almanza, qu’elle donna des marques de sa joye, & de la part qu’elle prenoit à cette grande & memorable journée. Ses apartemens furent dans le moment ouverts, & éclairez plus qu’à l’ordinaire : l’allegresse qui paroissoit sur le visage de tous les Officiers de sa Maison, montroit assez, combien la gloire & l’élevation de la France & de l’Espagne interessent cette auguste Reine, S.M. s’est depuis montrée plus souvent en public, & pour faire briller la sincerité de ses sentimens avec plus d’éclat, S.M. attendoit avec impatience que l’on reçut l’ordre de la Cour, pour faire chanter le Te Deum ; cet ordre arrivé, le Te Deum fut chanté ; mais cette Princesse n’en ayant point esté avertie, elle fit chanter dés le lendemain un second Te Deum, dans l’Eglise des Religieuses de la Visitation, & elle y fit inviter plusieurs Dames de la Ville, qui y assisterent ; toute sa Maison s’y rendit, & les Actions de graces finies, Sa Majesté revint à son Palais, qui parut un moment aprés tout en feu, les dehors & les cours interieures, ayant esté illuminées par un tres-grand nombre de gros flambeaux de poing de cire blanche ; le jour suivant les mêmes illuminations continuerent, & S.M. donna un magnifique repas, où plusieurs Dames de la Ville furent conviées, & dont Me la Duchesse de Linarez Camarera Major, fit les honneurs : ce Repas commença au bruit de toute l’Artillerie du Château, & finit avec le même éclat ; on y but la santé du Roy, & celle du Roy d’Espagne. Cette Feste, quoy que simple, honorée de la presence d’une si grande Princesse, a paru toute des plus brillantes ; la part qu’elle prend, à la gloire des deux Couronnes s’apperçoit, jusques dans les moindres occasions, & je ne fais aucun doute que son interieur ne réponde à ces dehors, le cœur d’une Reine, estant incapable d’aucun déguisement : j’ay l’honneur d’estre, &c.

Enigme. §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 349-353.

Le mot de l’Enigme du mois passé étoit le Bouton. Ceux qui l’ont deviné sont, la grande Princesse qui devine toutes les Enigmes dés la premiere lecture ; Mrs de Boissery ; le Comte de Gallinée & l’Abbé Robert son Precepteur ; Colique, Buvetier du Palais ; Nicolas Thevenot, Procureur du Roy au Bailliage de Chaillot ; de Belleville ; Don Pedro Joseph de Campo la Guarda ; Bardet & son amy du Plessis ; Bonnarien de l’Evêché d’Angoulême ; Jean G… de Reims ; le Chevalier Samaritain ; la Fleur de Montbrisson ; l’Elite de la Gascogne ; l’Agreable Normandie ; le Dépositaire de la folie ; Kric Krac ; Ed. N.M. de S. Florentin ; le Solitaire Quémine, & son Amy Darius. Mlles Jofroy ; du Mont ; Teriat ; d’Ormans ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; Dona Theresa y su marido ; la plus belle blonde de la ruë Jean S. Denis, & les deux Sœurs qui se disent insensibles.

L’Enigme que je vous envoye est du galant Maloüin.

ENIGME.

Quoique je sois enfant du bruit,
J’ayme le silence & la nuit,
Je dormirois toûjours si l’on me laissoit faire ;
Mais peu sensible à tout ce qui n’est pas mon pere,
À peine jusqu’à moy sont parvenus ses cris
Que tout aussi-tôt je fremis,
Comme luy je me desespere,
Ou comme luy je chante & ris.
De ma complaisance infinie
Il ne faut point estre surpris,
C’est lui qui me donne la vie,
Qui me fournit ce que je dis,
Qui r’anime mon froid genie.
Qui m’aprend les accords d’une douce harmonie,
Et je ne suis enfin qu’autant que j’obéis.
J’affecte volontiers les lieux qu’on abandonne,
Les Forêts, les Rochers, & les Châteaux deserts,
D’où quand mon Pere veut je flotte dans les airs.
Solitaire & discret je n’attaque personne :
Quand on m’agasse je résonne
Sur un ton aussi haut qu’on le prend avec moy,
Et de fiers Bataillons en ont pâli d’effroy.
Jamais l’œil d’un mortel n’a pû voir ma figure,
Et je suis de telle nature,
Qu’en vain pour me nommer tu ferois mille efforts
Si mon nom n’étoit pas plus connu que mon corps.

[Te Deum chanté à Saragosse]* §

Mercure galant, juin 1707 [tome 6], p. 371-372.

Le Vendredy 3. de ce mois, le Te Deum fut chanté à Saragosse avec beaucoup de solemnité, dans l’Eglise Metropolitaine de saint Sauveur. S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans, Mr l’Archevêque & son Chapitre, le Corps de Ville, & toute la Noblesse y assisterent, avec un concours prodigieux de peuple. Mr le Maréchal Duc de Berwik y arriva le soir. Il avoit laissé à Caspé les Troupes qui avoient penetré avec luy par le Royaume de Valence ; & il estoit venu avec peu de suite pour saluer Son Altesse Royale, & pour conferer avec elle sur les projets de la Campagne.