1709

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1].

2017
Source : Mercure galant, janvier 1709 [tome 1].
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Mercure galant, janvier 1709 [tome 1]. §

[Services solemnels faits à Lyon] §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 103-114.

Je vous ay déja parlé du Service fait à Lyon pour le repos de l’ame de Madame la Maréchale de Villeroy, fait par Messieurs les Comtes de S. Jean. On a rendu les mêmes honneurs funebres à cette Dame, dans toutes les Eglises Collégiales de la même Ville, chacune selon leur rang. Tous ces Services ont esté faits de suite, & le premier fut celebré le lendemain que Messieurs les Comtes de S. Jean se furent acquittez de ce devoir, par Messieurs les Barons de S. Just, dont l’Eglise est la premiere Collégiale de Lyon. Ce Service se fit avec toute la magnificence convenable en pareille occasion.

Monsieur Blauf Obéancier de cette Eglise, & qui en cette qualité est Orateur né du Clergé de Lyon, officia. Tout le quartier de S. Just composé d’une brillante Compagnie, assista à ce Service.

Le lendemain Jeudy 29. Novembre, Messieurs de S. Paul firent aussi un trés beau Service. Mr l’Abbé de Vernaux-Varissant, Chamarier de cette Eglise, Docteur de Sorbonne, & Conseiller-Clerc de la Cour des Monnoyes, & Siége Présidial de Lyon, officia. La Compagnie fut aussi belle que nombreuse, & la representation toute brillante de lumiere, fut magnifique.

Le lendemain jour de S. André, on ne fit point de Service funebre ; ainsi Mrs de S. Nisier, troisiéme Collégiale, ne pûrent faire le leur, que le Samedy 1. Decembre. Mr l’Abbé de Mayoles, Bachelier de Sorbonne, Prieur consistorial de Beaulieu, & Sacristain de S. Nisier, qui en est la premiere dignité, & qui en cette qualité est aussi Curé de cette Paroisse, l’une des plus grandes du Royaume, officia avec un grand appareil funebre. Mrs de l’Hôtel de Ville & du Consulat y assisterent, S. Nisier étant leur Paroisse ; quoique l’Hôtel de Ville soit à present dans la Paroisse de S. Pierre : mais comme l’ancien Hôtel de Ville étoit dans la Paroisse de S. Nisier, ils ne l’ont point quittée. La presence de ces Corps rendit cette ceremonie plus auguste, & Mrs de S. Nisier se distinguerent beaucoup ; Mais le Chapitre de S. Thomas de Forvieres, qui est aussi une Collégiale, ne le voulant pas ceder à S. Nisier, & qu’il prétend estre plus ancien : il fit son Service le même jour, & Mr l’Abbé de la Forest, Sacristain, qui est la premiere dignité de ce Chapitre, y officia. Les Habitans du quartier de Forvieres, qui sont tous fort considerables, y assisterent.

Le Mecredy suivant 5. Decembre, Mrs du Chapitre de S. Martin d’Esnay, Abbaye secularisée depuis 25 à 30 ans, & qui ne roule point avec le Clergé de Lyon, firent aussi un trés beau Service. Mr l’Abbé de Rochefort, neveu du P. la Chaize, & Prevost de ce Chapitre, officia ; ayant Mrs de Saconay & Bartholi, Chanoines de cette Eglise, pour Diacre & Soûdiacre. La magnificence de l’appareil funebre de cette ceremonie attira les yeux de tous ceux dont cette Eglise estoit remplie. Mr de Valorges, Major de la Ville, & d’une famille attachée à la Maison de Villeroy, fit les honneurs de cette ceremonie, qui fut precedée d’un autre Service, que l’on fait tous les ans le même jour dans cette Eglise, pour la Maison de Villeroy ; & que Mrs de Ville ont fondé, sous l’administration de feu Mr de Charrier, Comte de la Barge, Prevost des Marchands, & de Mrs Philibert & de la Vaure. Mrs Ourselle & Estival assisterent à ce Service, où Mr Loubat Chanoine de cette Eglise, & neveu du celebre Mr Carles, officia.

Le Pere Dom Bronod Chartreux, Visiteur de l’Ordre, & Prieur de la Chartreuse de Pierre Châtel en Bugey, est mort dans un âge assez avancé, à la Chartreuse de Lyon, où il avoit fait profession. Il est mort dans de grands sentimens de Religion. Il estoit de Lyon, & d’une famille assez considerable. Il estoit frere de Mr Bronod Superieur du Seminaire de Grenoble, Ecclesiastique d’une vertu connuë, & d’une reputation bien établie. Il estoit fort estimé de feu Mr le Cardinal le Camus. Ils estoient neveux de feu Mr Batteo, l’un des plus considerables Magistrats de Lyon. Celuy dont je vous apprens la mort, avoit esté fort employé dans son Ordre, par le feu Pere le Masson General, & par celui qui gouverne aussi si dignement aujourd’huy cet Ordre ; & il avoit visité les Chartreuses de Rome, de Pavie, de Naples, les principales Chartreuses d’Espagne & d’Allemagne ; & il avoit esté designé en dernier lieu par le P. General, pour succeder à Dom Maurin Prieur de Paris, en cas que ce dernier mourut de la maladie dangereuse, qui fit apprehender pour sa vie, il y a quelques mois. Dom Bronod fut aussi un de ceux qui furent proposés à la mort du dernier General, pour luy succeder. Il étoit trés habile ; & il avoit une parfaite connoissance des hautes Sciences & des belles Lettres ; & il avoit toûjours esté trés attaché à la saine Doctrine : il en donna un témoignage éclatant à la Communauté de Lyon, lorsqu’on luy administra l’Extrême-Onction ; il declara que quoiqu’il eut marqué en divers temps de la curiosité pour les ouvrages de ceux qui prennent mal-à-propos le nom de veritables Disciples de S. Augustin, il avoit toûjours esté infiniment éloigné de leur Doctrine ; qu’il la detestoit avec l’Eglise, & qu’il souscrivoit de bon cœur à tous les foudres, dont les Papes ont frappé ces nouveautez ; & il ajoûta que ce n’avoit jamais esté que la pureté du stile dans lequel ces ouvrages sont écrits, qui l’avoit engagé à les lire, & nullement le penchant pour la Doctrine, qui y estoit contenuë. Ce sont ses dernieres paroles, étant tombé peu aprés dans l’agonie.

[Mort de Dom Fougereux]* §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 118-121.

Le Pere Dom Fougereux, Chartreux est mort dans la Chartreuse de Nantes dans un âge tres-avancé, & aprés avoir perdu la vûë depuis plusieurs années ; c’estoit un des plus beaux esprits de ce siecle. Il avoit un goust particulier pour la critique, & il jugeoit avec un succés merveilleux de tous les Ouvrages d’esprit, & rien ne luy échapoit de bon ou de mauvais dans tous ceux qu’il examinoit ; il en a fait quelques-uns qui n’ont pas paru sous son nom, & sur tout des Dissertations sur des sujets curieux & importants. Il a aussi travaillé pour les Prix de l’Academie Françoise, & ses Ouvrages, sans qu’il en ait paru Autheur, ont quelquefois esté couronnez. Il estoit de Tours, & le Liget, fameuse Chartreuse auprés de cette Ville estoit sa maison de profession. Il avoit exercé les principales Charges de son Ordre. Il avoit esté Visiteur de sa Province pendant prés de 30. années. Il avoit aussi esté fort long-tems Prieur de la Chartreuse de Nantes, & il s’estoit fait déposer lorsqu’il perdit la veuë, & qu’il reconnut par cet accident que Dieu l’appelloit à une vie plus retirée, pour mettre quelque intervalle entre sa mort & le tumulte des affaires du monde. Il a profité de cet intervalle en Chrêtien consommé dans l’exercice des vertus d’un veritable Solitaire, & il s’est preparé à la mort pendant les dernieres années de sa vie avec beaucoup d’édification, & de soumission aux ordres de Dieu. Le Pere Dom Fougereux estoit en relation d’esprit avec les personnes les plus spirituelles du Royaume. On l’a long-temps consulté sur les Ouvrages d’esprit qui se faisoient dans les Provinces où il demeuroit. Mr l’Evêque de Nantes estoit son ami particulier, ainsi que Mr l’Archevêque de Tours, & ces Prelats le visitoient souvent.

[Execution d’un vœu, faite au Port Louis par plusieurs Officiers de Marine] §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 126-138.

L’Extrait qui suit d’une Lettre qui m’a esté envoyée du Port-Louis, vous fera connoître dequoy il s’agit dans les pieces que vous lirez ensuite, & que vous trouverez dans les mêmes termes qu’elles m’ont esté envoyées, parce que l’on pourroit alterer les Actes de Justice si on y changeoit seulement un mot.

Quoy que je n’aye pas l’honneur d’estre connu de vous, je vous envoye un détail fidelle & exact d’un Vœu qui nous a manifestement tirez d’un danger dont il estoit impossible de se tirer sans la grace divine, qui nous a extraordinairement protegez par l’entremise de S. Antoine de Padoüe, auquel le vœu n’eut pas esté plutost prononcé que le vent changea, & la mer devint traitable. Je ne puis m’empêcher de vous faire un détail de ce miracle évident arrivé à nostre égard. Vous en serez instruit si vous voulez bien prendre la peine de faire lecture des Certificats tant des Officiers, Pilotes, & autres dudit Navire, dont je vous envoye des Copies ; & aprés que vous en aurez fait lecture, je suis persuadé que vous avez trop à cœur la gloire de Dieu, pour ne pas mettre en lumiere un Miracle si manifeste, afin d’augmenter la devotion des Fidelles envers ce grand Favory de Dieu. Je suis, &c.

Voicy les pieces dont il s’agit.

Aujourd’huy dix-huitiéme de Decembre de l’an mil sept cens huit entre dix & onze heures du matin, a esté acquitté dans la Chapelle de Saint Charles des Recolets du Port-Loüis, devant l’Image de Saint Antoine de Padoüe, un Vœu fait au Seigneur sous l’intercession dudit Saint, dans un peril évident où s’est trouvé le Vaisseau du Roy l’Afriquain, commandé par Mr de la Grange Officier, lequel dit Navire immediatement aprés ledit Vœu fait, s’est trouvé par un miracle manifeste délivré du danger évident où il estoit, sans autre secours que celuy du Ciel ; que les Officiers ont reclamé par l’intercession de Saint Antoine & qui leur a esté accordée d’une maniere sensible ; en reconnoissance de quoy ils ont fait la sainte Communion à la Post-commune de la grande Messe qui a esté chantée par le R.P. Bonnaventure Eyston Recolet Anglois, Missionnaire de Canada, & Aumosnier sur ledit Navire l’Afriquain, aprés une exhortation touchante & édifiante à eux faite par le Venerable Pere Gratien Raoul, Gardien du Convent des Recolets du Port-Louis, suivie du Te Deum ; lequel acte Messieurs les Officiers & autres du susnommé Vaisseau l’Afriquain, ont jugé à propos de signer pour servir de monument à leur devotion, & en consequence d’y joindre un Acte authentique du danger où ils se sont trouvez, pour faire éclater la gloire du saint dont les merites ont obtenu de Dieu leur délivrance ; ce qu’ils avoüent & signent le jour & an que dessus : Ainsi signé en l’Original, J. la Grange, Plassant, de la Joüe, Chaviteau Pilote, Gautier Pilote, Berthelot, Lagere, Dupuy de la Fouretiere, Delestage, Dupont, Foucault, du Foureau, Migeon, de la Gaugetier, Villedené, Chartier, Charlier de Lofinier Ecclesiastique, Crespin, Petrimoux Pilote, &c. Pere Bonnaventure Eyston, &c.

Je certifie Pilote sur le Vaisseau du Roy l’Afriquain, commandé par Monsieur de la Grange Officier, qu’ayant ateré à la vûë de Groais & Belle-Isle, sur le soir, en estant environ à quatre lieuës, nous avons esté surpris d’un coup de vent de Sud, tourmente qui nous jettoit à la Coste sans nous en pouvoir sauver d’aucun costé, ne pouvant porter de voile ; nous nous sommes mis sous la protection de Saint Antoine de Padoüe, & par un miracle évident nous nous sommes trouvez au jour dans une situation qui ne pouvoit estre causée que par l’intercession de ce grand Saint, dont nous avons accompli le Vœu dans l’Eglise des Recolets à la Chapelle Saint Charles au Port-Louis, ce dix-huitiéme Decembre mil sept cens huit. Ainsi signé, Chaviteau le fils, Pilote entretenu.

Aujourd’huy Samedy quinziéme environ les une heure aprés midy, Nous Pilote sur le Vaisseau du Roy l’Afriquain, ayant ateré à Groix d’un beau temps, esperant de faire route pour la Rochelle ; le vent s’estant changé de la part du Sud gros vent ; nous estions environ à quatre lieuës de Groix, qui nous jettoit du Nort-Est quart de Nort à Belle-Isle à l’Est, environ cinq lieuës gros vent, & ne pouvant nous relever de terre nous voyans acculez à la Coste, & dérivant sur Ylevan, nous nous mîmes à onze heures du soir tout-à-fait à terre & ayant dérivé sur la Gument, nous fusmes contraints de virer de Bord pour tâcher de nous élever ; mais le vent continuant toûjours à venter nous resolûmes de nous voüer à Saint Antoine de Padoue, pour nous mettre sous sa protection, afin que le Seigneur nous voulut favoriser d’un peu de beau temps, nous nous mismes tous à faire nostre Priere, & particulierement le Reverend Pere Bonaventure, qui aprés bien des Prieres, prit quatre morceaux de papier sur lesquels estoient écrits ces paroles, qui contiennent la benediction de Saint Antoine de Padoue, qui sont : Ecce Crux Domini ✠ fugite partes adversæ ; vicit Leo de Tribu de Juda radix David, alleluia, alleluia. Et de plus il ajoûta : grand Saint Antoine de Padoue, exaucez nos prieres & nos vœux ; & il les jetta à la mer avec plusieurs autres de mêmes inscriptions ; & incontinent le Seigneur nous favorisa d’un beau temps par l’entremise de Saint Antoine, qui voulut bien s’employer pour nous afin de faire voir son pouvoir auprés du Seigneur ; le vent s’estant rangé de la part du Ouest-Sud-Ouest, cela nous porta au large, & au jour nous nous trouvâmes bien environ à six lieuës de Groix ; nous arrivâmes pour reconnoistre la terre, & pour entrer au Port-Louis, où nous avons fait dire une grande Messe avec toutes les ceremonies, suivie du Te Deum, en action de grace, où le Capitaine & beaucoup d’autres ont fait leur devotions ; lequel je certifie le present Acte veritable. Ainsi signé, Charles Gaultier, second Pilote.

Je certifie Pere Bonaventure Eyston, Aumônier du Roy l’Afriquain, que les Certificats cy-dessus sont conformes aux Originaux ; en foy dequoy j’ay signé, P. Bonaventure Eyston ; Recolet Anglois, Missionnaire de Canada, & Aumônier dudit Vaisseau.

[Prise de possession de l’Evêché de Grenoble] §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 141-150.

Vous attendez sans doute un détail de l’Entrée qu’auroit dû faire Mr l’Evêque de Grenoble, le jour de la prise de possession de son Evêché ; mais la modestie de ce Prelat a esté cause qu’il n’est entré que la nuit à Grenoble, afin d’éviter ces sortes de Ceremonies qui se font toujours avec un grand appareil ; il prit même si bien son temps, qu’il arriva sans qu’on l’attendist, ayant imité en cela son illustre Predecesseur qui prit de si justes mesures, qu’il ne fit point d’Entrée publique. Le lendemain ce Prelat prit possession de son Eglise à la teste du Chapitre & d’une grande foule de monde qui desiroit de voir cette Ceremonie.

Mr le Doyen de Grenoble dont je vous envoyay un Mandement aprés la mort de Mr le Cardinal le Camus, harangua à la porte de l’Eglise, le nouvel Evêque. Il parla dans son Discours de toutes les vertus qui ont distingué ce Prelat pendant qu’il a esté dans le second ordre, & le peu d’empressement qu’il a eu de rechercher dans l’Eglise une place que tant de grands personnages de son nom y ont remplie. La grandeur de l’origine de la maison des Allemans fournit ensuite un vaste champ à l’Orateur, & aprés avoir jetté quelques fleurs sur le Tombeau des Comtes de Foucigny, Ancestres des Allemans de Vaubonnois, il parla des Evêques que cette maison a donnez aux Eglises d’Arles, d’Orange, de Gap de Grenoble & à plusieurs autres. Ce Discours fut tres-aplaudy. L’aprés-dîné Mr l’Evêque de Grenoble reçût des complimens de tous les Corps, & le Parlement, la Chambre des Comptes, la Cour des Aides, le Bureau des Finances, le Bailliage & l’Election luy envoyerent des Deputez. Ceux du Parlement & de la Chambre des Comptes se firent admirer. Le premier prit pour sujet le bonheur qui naissoit ordinairement de la concorde de l’Eglise & de l’Etat, & ce qu’il dit là-dessus fut trouvé tres-beau. Le second s’étendit sur les avantages particuliers qui distinguoient le Siege de Grenoble. Tous les Corps Seculiers & Reguliers haranguerent ensuite. Le Deputé de S. André, qui est la Collegiale, aprés avoir loüé le Prelat par des traits neufs & delicats, parla ensuite du Cardinal Loüis Aleman, Archevêque d’Arles, qui se signala fort au Concile de Basle, & qui ayant eu le malheur de troubler l’Eglise par un Schisme, qui ne fut pas d’une longue durée, expia si bien cette faute par un sincere repentir, qu’il a merité d’estre beatifié.

Le jour de Saint François Xavier, Mr de Grenoble alla dire la messe en public, la premiere fois dans l’Eglise des Jesuites ; sa messe estant finie il se trouva investi d’une Troupes d’Ecoliers qui reciterent de plusieurs sortes de vers à sa loüange, & qui s’empressoient tous de marquer chacun à sa maniere son zele pour ce nouveau Prelat, qui répondit à tout d’une maniere fort juste, & remplie d’esprit ; ce qui est d’autant plus difficile, qu’on est toujours surpris dans ces occasions, & qu’il y a toujours des harangues ausquelles on ne s’attend pas, & ausquelles on doit répondre sur le champ. Il ajoûta dans la reponse qu’il fit aux P.P. Jesuites, que le Roy luy avoit recommandé de veiller sur la Theologie qui s’est ouverte dans ce College seulement depuis la mort de Mr le Cardinal le Camus, quoyque ces Peres eussent depuis plusieurs années un Arrest qui leur en accordoit l’exercice. Il dit enfin que ce dépost estoit en bonnes mains, & qu’il soûtiendroit par son authorité leurs soins & le succés qu’il esperoit que cette nouvelle Ecole auroit bien tôt. Le lendemain le Regent de Retorique qui avoit differé de prononcer la Harangue qu’il doit faire à l’ouverture des Classes, parce qu’elle estoit toute à la loüange du nouveau Prelat, se disposoit à la prononcer, lorsque le Ceremonial entre Mr l’Evêque & le Parlement, ayant fait naistre une contestation, les P.P. Jesuites furent obligez de supprimer la Harangue, personne ne s’estant voulu trouver à la Ceremonie, & Mr l’Evêque n’ayant pas voulu accepter la sceance que le Parlement luy offroit au dessous des Presidens à Mortier, & au dessus du Doyen des Conseillers. Le Discours du Gardien des Capucins a reçû de grands applaudissemens, & il a beaucoup brillé parmi ceux qui ont esté prononcez. Le compliment des Etats de la Province dont l’Evêque est le President né, a aussi esté fort estimé.

[Mort de M Bourdelot, premier Medecin de Madame la Duchesse de Bourgogne]* §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 247-250.

Je ne dois pas finir cet article sans vous parler encore de Mr Bourdelot. Il estoit neveu du fameux Abbé Bourdelot, Medecin de la Reine Christine de Suede, & de feu Monsieur le Prince, & fort connu dans la Republique des Lettres. Il laissa en mourant, son neveu dont je viens de vous apprendre la mort, heritier de son nom & de sa biblioteque. Ce dernier estoit sur le point de donner au public, lorsque la mort l’a surpris, un grand ouvrage auquel il travailloit depuis plus de vingt ans. C’est un espece de Catalogue de tous les livres de Medecine, imprimez, avec la vie des Auteurs, & la critique de leurs ouvrages ; ce dessein estoit si vaste, que cet ouvrage pourra contenir trois gros volumes in folio. Il ne bornoit pas son sçavoir dans la connoissance de la Medecine. Il estoit universel, & rien ne lui avoit échapé de tout ce que l’on peut sçavoir dans presque tous les genres de litterature. Il écrivoit fort poliment. La delicatesse de son esprit paroissoit dans sa conversation ; sa douceur & ses bonnes mœurs se joignant à toutes ces belles qualitez, pouvoient le faire passer pour un homme accompli. Rien ne fait mieux son éloge, que les regrets que Madame la Duchesse Bourgogne a témoigné de sa mort, & l’estime qu’en faisoit Mr Fagon, qui l’avoit placé à la Cour.

Je dois ajoûter ici que feu Mr Bourdelot avoit la plus nombreuse, & peut-être la plus parfaite biblioteque de medecine qui soit dans l’Europe ; & qu’il est mort âgé seulement de 54 à 55. ans.

[M. le marquis de Longepierre est nommé Sous-Gouverneur du duc de Chartres] §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 261-262.

Mr de Longepierre, connû par sa naissance & par son esprit, dont l’érudition est profonde, qui tient un des premiers rangs dans l’Empire des belles-Lettres, à qui les Auteurs Anciens ne sont pas moins connus que les Modernes, & dont il n’est rien sorti de la plume qui n’ait esté admiré, qui passe pour un tres-honneste homme, & qui sçait parfaitement l’usage du monde, vient d’estre nommé par Son Altesse R. Monsieur le Duc d’Orleans, Sous Gouverneur de Monsieur le Duc de Chartres. Ce que je viens de vous dire d’un homme aussi sçavant & aussi universel, doit vous faire connoistre le bon goust du Prince qui vient de luy confier ce qu’il a de plus pretieux.

[Ouvrages mis au jour par Mr de Fer pendant le cours de l’année derniere] §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 262-264.

Vous ayant depuis trente ans parlé des Ouvrages de Geographie, mis au jour par Mr de Fer, Geographe de Sa Majesté Catholique, & de Monseigneur le Dauphin, à mesure qu’il a mis ses Ouvrages au jour, & vous ayant de plus, pour vous en faire souvenir, donné à la fin de chaque année, un Catalogue de ceux qu’il avoit donnez au Public dans le cours de l’année, je vous envoye celuy de l’année 1708.

Un Livre in quarto, des beautez de la France, tiré de son Atlas curieux.

L’Introduction à la Geographie, in douze.

Un tres-beau Plan de Paris.

Les Royaumes de Naples & de Sicile.

De tres-belles Cartes de la France, d’une grande feuille chacune.

Une de la Franche Comté.

Une de la Lorraine.

Une de la Picardie & de l’Artois.

Et le Diocese de Paris en 4. feuilles.

[Réjouissances pour le jour de la naissance de Sa Majesté Catholique]* §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 277-279.

S.A.E. de Baviere a fait chanter à Mons le Te Deum, pour celebrer le jour de la naissance de Sa Majesté Catholique, au bruit de trois décharges de plus de six-vingt piéces de canon qui sont sur les remparts. Elle donna le soir un repas magnifique aux Officiers de la garnison, & ensuite le Bal aux Dames de la Ville, pendant lequel on luy vint dire qu’un détachement de la garnison de Bruxelles en estoit sorti à cinq heures du soir ; qu’il avoit pris la route de cette Ville, & qu’il paroissoit avoir dessein de faire quelque expedition. S.A.E. fit aussi tôt mettre la garnison sous les armes, & l’on fit patroüiller 400. chevaux hors de la Ville ; mais l’on apprit peu de temps aprés, que les Ennemis ne s’estoient point avancez, ayant eu avis qu’on avoit fait sortir de Charleroy & de S. Guislain, de gros détachemens pour les couper.

Etrennes §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 327-332.

ETRENNES.
Presentées à une Compagnie de Traitans Generaux le 2e. Janvier par Mr Martin, l’un de leurs Commis âgé de 17. ans.

Nous aprentifs du grand art de Finance,
Qui languissons au sein de l’Opulence,
Et qui n’avons encor pour nostre part,
Que le travail, l’envie & l’indigence ;
À vous Seigneurs, maistres dans ce grand art,
Nous adressons cette humble remontrance.
Par vos biens-faits avons dequoy manger
Couci, couci ; mais item il faut boire ;
Voicy des jours où chacun doit songer
À celebrer des trois Rois la memoire ;
Puis Carnaval, puis enfin Mardy gras,
Jours consacrez, où l’antique Legende
En Lettre rouge a marqué tu boiras :
Or le moyen qu’aucun de nostre bande
Puisse vacquer à ce culte divin,
En ce temps-cy ******
Nul sans argent ne veut fournir du vin,
Et nul de nous n’a valant un Quatrain :
À ce besoin, magnifique Assemblée,
Auriez-vous bien le cœur d’abandonner
De vos Commis une Troupe zelée ?
L’Année encor pour nous faire étrenner,
Semble à propos s’estre renouvellée :
Vous avez plus d’un sujet de donner ;
Donnez-nous donc, & Plutus vous le rende ;
Même pour nous vostre honneur vous demande.
Par jalousie ou par entestement,
Le monde fait un mauvais jugement,
Croit que vos mains ne sont bonnes qu’à prendre ;
Au Peuple sot il faut faire comprendre,
Que si tres-bien vous sçavez recevoir,
C’est pour donner que vous voulez avoir.

À peine ceux à qui ce compliment estoit adressé, en eurent-ils entendu la lecture, qu’ils donnerent l’ordre suivant à leur Caissier.

Il sera tenu compte à Mr R… nostre Caissier, de la somme de trois cens livres qu’il payera au sieur Martin & Consors, à la charge de fournir à chacun de nous Interessez soussignez, une copie de la Requeste cy-dessus, &c. Fait, &c. Signé Vil… Ney… Bes… de B… Ore… de Vil… &c.

On asseure que l’Auteur travaille à un Remerciement. Il y a lieu de croire que s’il plaist autant qu’a fait la Requeste, il sera encore suivi d’une recompense, Mrs les Interessez étant toûjours en état de faire les choses de bonne grace.

Enigme §

Mercure galant, janvier 1709 [tome 1], p. 343-346.

Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit la Vitre. Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs le Bailly de Chelles ; du Pelippont ; de Lardiliere ; de Camartin, & de Bartilly ; l’Amour glacé ; les Amants transis ; l’Adonis, du Marais ; le Mechanicien de Cour Cheverny en Sologne ; le Poëte Marchand, de la ruë S. Denis, & le petit Pequio, de Toury. Mlles de Bus ; de la Chenetiere ; d’Auberville, & de Linan ; Plotine de la ruë des bons Enfans ; l’aimable Amphitrite, du Quartier du Palais Royal ; la jeune Muse renaissante G.O. la Solitaire de la ruë aux Féves ; les deux Jannetons, de la ruë Geofroy Lasnier ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; la blonde Mazel, & la brune Cauret.

Voicy de quelle maniere on a expliqué l’Enigme, sous le nom de la Societé de Melun.

Je regardois à travers la fenêtre,
Iris passoit, Iris qu’on adore en tous lieux :
Je croyois voir Venus, telle qu’elle doit estre,
Quand elle brille dans les Cieux.
Un verre net, une vitre polie
Ne me cachoit aucun de ses charmes divins….
Ainsi parloit Hilas, quand Jean frappant des mains ;
Je me mocque de ta folie,
Dit-il, l’interrompant : mais je ne suis qu’un sot,
Ou d’une Enigme fort jolie,
Tu viens, sans y penser, de nous dire le mot.

Comme ce n’est pas la richesse des rimes que l’on cherche dans une Enigme, je vous envoye celle qui suit.

ENIGME.

Quoy qu’issu de bas lieu dans mes commencemens,
Je deviens grand dans le cours de ma vie :
L’espece me diversifie,
Dans tous les climats differens ;
En moy tout se rencontre utile,
Même jusqu’à mon excrement.
Ainsi c’est à bon droit qu’avec empressement,
On me recherche aux Champs, on me recherche en Ville.