Claude-Pierre Goujet

1735

Moliere (Supplément au Grand Dictionnaire historique) [graphies originales]

2018
Claude-Pierre Goujet, « Moliere (Jean-Baptiste Poquelin de) », in Supplément au Grand dictionnaire historique, généalogique, géographique, etc. de M. Louis Moreri, pour servir à la dernière édition de l’an 1732 et aux précédentes… par l’abbé Claude Pierre Goujet, t. II, Paris, J. Vincent, J.-B. Coignard, P.-G. Lemercier, J.-T. Herissant, 1735, p. 82. Source : Google.
Ont participé à cette édition électronique : Eric Thiébaud (Stylage sémantique) et Wordpro (Numérisation et encodage TEI).
{p. 82}

MOLIERE, (Jean-Baptiste Poquelin) poëte comique, &c. §

On en a parlé dans le dictionaire historique éditions de 1725. & de 1732. mais son article merite les corrections & les additions suivantes.

1°. On a dit qu’il naquit vers 1620. & l’on n’a donné à son pere que la qualité de valet de chambre tapissier du roi. Il est certain que Moliere est né à Paris en 1620. dans une maison qui subsiste encore sous les pilliers des halles, & que l’on croit être la troisiéme en entrant par la rue saint Honoré, & que son pere étoit marchand frippier de même que valet de chambre tapissier chez le roi.

2°. On dit qu’il fut destiné par ses parens à l’étude du droit ; mais on le dit contre toutes preuves : il est sûr au contraire que Jean-Baptiste Poquelin, son pere, & Anne Boutet, sa mere, lui donnerent une éducation conforme à leur état, & qu’ils n’eurent point d’autres vûes que celles de le voir de leur profession. Il apprit un peu à lire & à écrire, & du reste il ne connut jusqu’à quatorze ans que la boutique de son pere, & l’état qu’il exerçoit. On eut soin même de lui faire obtenir la survivance de la charge de valet de chambre tapissier chez le roi ; mais son aversion pour sa profession, & son penchant pour l’étude l’engagerent à solliciter son grand-pere qui le menoit quelquefois à la comédie à l’hôtel de Bourgogne, de porter son pere à le faire étudier. Il l’obtint enfin : on le mit dans une pension, & il étudia comme externe chez les Jesuites, ainsi qu’on l’a dit. Il y suivit pendant cinq ans le cours des classes d’Armand de Bourbon, premier prince de Conti, & il s’y lia avec Chapelle & Bernier, qui y étoient écoliers, & qui se sont distingués beaucoup l’un & l’autre dans la suite ; le premier par ses poësies, & le second par ses voyages, & par ses ouvrages philosophiques, & sur d’autres matieres. Cette liaison lui donna lieu dès-lors de connoître le célébre philosophe Gassendi qui lui apprit la philosophie, de même qu’à ses deux compagnons, & sous lequel il continua de s’instruire lorsqu’il fut sorti du collége. Cependant son pere étant devenu infirme, il fut obligé d’exercer les fonctions de son emploi auprès du roi Louis XIII. qu’il suivit dans son voyage de Narbonne en 1641. A son retour à Paris, sa passion pour la comédie qui l’avoit déterminé à faire ses études, se réveilla, & il résolut de la satisfaire en devenant en même tems comédien & auteur. Il s’associa quelques jeunes gens qui avoient du talent pour la déclamation. Ils jouoient dans le fauxbourg saint Germain, & au quartier saint Paul, & on appella leur société l’illustre théatre. Poquelin qui prit alors le nom de Moliere faisoit de petites comédies pour les provinces, le docteur amoureux, les trois docteurs rivaux, le maître d’école, & quelques autres qui n’ont point été imprimées. La premiere piéce réguliere qu’il composa fut l’étourdi en cinq actes. Il la représenta à Lyon en 1653. & il fit aussi en province, & y joua, le dépit amoureux & les précieuses ridicules, en présence du prince de Conti qui tenoit les états de Languedoc à Beziers. Moliere avoit alors trente-quatre ans.

Le reste de l’article qui le regarde dans le dictionaire historique est exact, si ce n’est que vers la fin on dit qu’il reçut plusieurs pensions du roi Louis XIV. & au commencement on avoit dit, ce qui est vrai, qu’il n’en eut jamais qu’une qui étoit de mille livres. Moliere se maria, choisit fort mal sa compagne, & fut très-malheureux en ménage. Il mourut âgé de cinquante-trois ans, & non de cinquante-un seulement : & lorsque le roi eut obtenu de l’archevêque de Paris qu’on l’enterrât en terre sainte, on porta son corps à saint Joseph, qui est un aide de la paroisse de saint Eustache.