Charles Magnin

1846

Quelques pages à ajouter aux œuvres de Molière (Revue des deux mondes)

2015
Source : Charles Magnin, « Quelques pages à ajouter aux œuvres de Molière », Revue des deux mondes, nouvelle série, tome XV, 1er juillet 1846, p. 172-181.
Ont participé à cette édition électronique : Charlotte Dias (OCR et stylage) et Chayma Soltani (Structuration et encodage TEI).

Quelques pages à ajouter aux oeuvres de Molière §

{p. 172}On plaidait hier pour une signature de Molière ; aujourd’hui, voici quatre ou cinq pages oubliées de ce grand homme, qu’un heureux hasard nous permet de remettre en lumière et d’indiquer à un futur éditeur. Ces reliques, au reste, nous le confessons tout d’abord, ne sont pas d’une bien haute portée littéraire ; il ne faut pas qu’on s’attende à une scène originale, hardie, digne des ciseaux de la police, à un pendant, par exemple, de la scène du pauvre, si longtemps absente du Festin de Pierre. Sauf quelques mots qui sentent leur don Juan et qui montrent à nu l’élève enjoué de Lucrèce et de Gassendi, nous n’avons mis la main que sur quelques jovialités burlesques ; mais il s’attache un intérêt si vif et si légitime à tout ce qu’on peut croire sorti de la plume de l’auteur du Misanthrope, que nous n’hésitons pas à faire confidence au public de ce que nous appellerons notre trouvaille, pour ne pas abuser, comme on fait chaque jour, et pour beaucoup moins, du grand mot de découverte.

Il s’agit de cent cinquante vers macaroniques qui se rencontrent en plus dans une {p. 173}ancienne édition, probablement unique, de la cérémonie du Malade imaginaire. Ce livre de dix-sept pages a été achevé d’imprimer à Rouen, le 24 mars 1673, trente-cinq jours après la mort de Molière. II a échappé jusqu’ici aux lunettes des bibliographes et à la passion plus clairvoyante des amateurs du théâtre, Pont-de-Vesle, Befara et M. de Soleinne y compris. Il repose depuis une époque indéterminée sur les rayons de la Bibliothèque Royale, et, qui mieux est, figure depuis vingt-cinq ans au moins sur le catalogue, à l’article si souvent feuilleté de J.-B. Poquelin Molière. Tout le monde a pu l’y voir ; seulement personne jusqu’ici n’avait eu la fantaisie de l’ouvrir et de l’examiner.

Il y aurait une histoire instructive et amusante à faire des premières éditions du Malade imaginaire. Cette comédie-ballet, composée à la fin de 1672, pour récréer Louis XIV au retour de la fameuse campagne de Hollande, ne fut jouée devant le roi que le 19 juillet 1674, dans la troisième journée des fêtes qui eurent lieu à Versailles après la conquête de la Franche-Comté. Toutefois elle avait été représentée auparavant avec un grand succès à Paris, sur le théâtre du Palais Royal, le 10 février 1673, et interrompue le 27 du même mois, après la quatrième représentation, dans laquelle Molière expirant ne put qu’à grand’ peine achever son rôle. La législation était alors si peu favorable à la propriété dramatique, que, pour jouir exclusivement de l’œuvre dernière et très fructueuse de leur chef et de leur camarade, les comédiens de la troupe de Molière, dont faisait partie sa veuve, furent obligés de solliciter une lettre de cachet portant défense à toute autre troupe de représenter cet ouvrage, tant qu’il ne serait pas imprimé, Aussi ne se hâtèrent-ils pas de le mettre sous presse, et comme ce retard ne faisait pas le compte de la librairie étrangère, habituée dès-lors à vivre an dépens de nos auteurs en crédit, la contrefaçon hollandaise s’avisa cette fois d’un singulier procédé. Un quidam, qui avait vu représenter la pièce à Paris, osa se charger de refaire de mémoire l’œuvre de Molière. Avec Diafoirus et fils, Argan qu’il nomme Orgon, Purgon qu’il transforme en Turbon (car son oreille néerlandaise n’avait retenu ni compris les noms propres), ce pauvre hère fabriqua la plus plate, la plus fade, la plus triste comédie du monde, preuve éclatante de ce que vaut le style, même au théâtre. Dans les deux pièces en effet, le plan, l’intrigue, les caractères, sont les mêmes ; la diction seule et le dialogue font que l’une est une rapsodie misérable et l’autre un chef-d’œuvre1. Diverses éditions plus ou moins fautives se succédèrent tant à Paris qu’à l’étranger, jusqu’à la bonne et authentique publication du théâtre complet de Molière, faite en 1680 par La Grange et Vinot. J’aurais bien quelques remarques à faire sur ces divers textes ; mais ces curiosités attrayantes et ces courses buissonnières allongeraient trop ma route. Je ne veux m’occuper aujourd’hui que du nouveau texte de la cérémonie du Malade imaginaire.

Tous les critiques conviennent que cette réception d’un médecin « en récit, chant et danse » est le plus ingénieux et le plus divertissant des intermèdes qui épient les comédies-ballets composées par Molière à l’occasion des joies du carnaval. On a même observé que, fidèle à la vérité jusque dans ses parades les {p. 174}plus bouffonnes, Molière n’avait qu’assez peu exagéré le ridicule du cérémonial usité pour la prise de possession du bonnet doctoral, surtout dans la faculté de Montpellier. M. Aimé Martin a confirmé cette opinion par un curieux passage du philosophe Locke, qui, se trouvant à Montpellier en 1676, trois ans seulement après la mort de Molière, écrivait les lignes suivantes : « Recette pour faire an docteur en médecine. Grande procession de docteurs habillés de rouge, avec des toques noires. Dix violons jouent des airs de Lulli. Le président s’assied, fiait signe aux violons qu’il veut parler, et qu’ils aient à se taire ; il se lève, commence son discours par l’éloge de ses confrères, et le termine par une diatribe contre les innovations et la circulation du sang. Il se rassied. Les violons recommencent. Le récipiendaire prend la parole, complimente le chancelier, complimente les professeurs, complimente l’académie. Encore les violons. Le président saisit un bonnet qu’un huissier porte au bout d’un bâton et qui a suivi professionnellement la cérémonie, coiffe le nouveau docteur, lui met au doigt un anneau, lui serre les reins d’une chaîne d’or, et le prie poliment de s’asseoir. Tout cela, ajoute le grave Locke, m’a fort peu édifié2. » Cela, tout au contraire, nous édifie beaucoup, car cela nous montre quel esprit de loyale observation Molière apportait dans le dessin et l’exécution de ses farces même les plus folles. Ici le grotesque de la fiction ne surpasse guère le grotesque de la réalité, et l’on a pu dire avec raison de cette parodie que tout y est vrai, jusqu’aux violons.

Au rapport de plusieurs écrivains du xviie siècle, le cadre bouffon imaginé par Molière fut rempli en société, chez Mme de la Sablière, dans un dîner où se trouvaient Ninon, Chapelle, Despréaux, La Fontaine et quelques autres convives dignes d’un tel cercle. Chacun y mit son mot. Il est bon de dire en passant que la maîtresse du logis, la belle Sablière, pour parler comme Mme de Sévigné, aurait fort bien pu mettre du sien dans une composition d’une latinité plus correcte, car Corbinelli loue cette charmante personne d’entendre Horace comme le comte de Bussy-Rabutin et lui entendaient Virgile. Le canevas fut donc bientôt rempli, et même au-delà des besoins du théâtre. Molière l’abrégea, comme on peut s’en assurer par le texte imprimé sous ses yeux. En effet, si, par les motifs que nous avons indiqués, la pièce ne fut livrée que plus tard à l’impression, il n’en fut pas de même du prologue et des intermèdes. Il était d’usage alors de mettre, comme aujourd’hui, à la disposition des spectateurs le programme des ballets et des parties chantées, pour faciliter l’intelligence du sujet et des paroles. Aussi le prologue et les intermèdes du Malade imaginaire, dont Charpentier avait composé la musique, furent-ils imprimés sous la forme ordinaire, petit in-4°, une première fois en 1673, chez Christophe Ballard, seul imprimeur du roi pour la musique, et une seconde fois pour la représentation de Versailles du 19 juillet 1674, chez Guillaume Adam, libraire et imprimeur ordinaire de la troupe du roi. Ces deux impressions présentent dans le prologue et les deux premiers intermèdes des variantes assez importantes qui ont échappé à tous les éditeurs, même à M. Auger, très soigneux pourtant sur ce point3. {p. 175}Quant au troisième intermède, c’est-à-dire à la cérémonie, les différences ne portant que sur quelques mots4. Ce texte est donc resté fixé de la sorte dans toutes les éditions aussi bien qu’au théâtre, où cependant il est de tradition d’ajouter sur la fille aux pâles couleurs quelques vers qui rappellent un peu la longue tirade qu’on remarquera dans le livret de Rouen.

Ce livret offre le texte des éditions ordinaires, mais beaucoup plus ample. Ici la cérémonie n’est ni jointe aux autres intermèdes ni accompagnée de la pièce. C’est comme une petite comédie à part. Le titre en est ainsi conçu : « Receptio publica unius juvenis medici in academia burlesca Johannis Baptistæ Moliere doctoris comici. Editio deuxième, revisa et de beaucoup augmentata super manuscriptos trovatos post suam mortem. » Rouen, chez Henri-François Viret, 1673 ; et au dernier feuillet : « Achevé d’imprimer le 34 de mars 1673. » La seconde page commence ainsi : Acta et ceremoniæ receptionis.

Il me paraît évident que cet opuscule contient la copie complète de la cérémonie, rédigée en commun dans le salon de Mmede la Sablière. Nous ne proposons pas pour cela de substituer ce texte à celui qui fut arrêté par Molière. Nous croirons simplement que cette pièce doit entrer comme annexe dans toutes les éditions critiques que l’on fera dorénavant de notre immortel comique.

Ce qui constitue la principale différence des deux rédactions, c’est que dans les copies ordinaires quatre docteurs seulement prennent part à la réception da postulant, et que dans l’édition de Rouen huit docteurs entrent en lice et interrogent le bachelier. Le président, præses, ouvre la séance par la harangue que l’on connaît :

Sçavantissimi doctores,
Medicinæ professores, etc.

Le premier docteur parle également comme dans toutes les éditions. Les développemens nouveaux ne commencent qu’à la question posée par le second docteur :

SECUNDUS DOCTOR.

Proviso, quod non displaceat
Domino præsidi, lequel n’est pas fat,
Mais benigne annuat,
Cum totis doctoribus sçavantibus
Et assistantibus bien-veuillantibus.
Dicat mihi un peu dominus prætendens
Raison a priori et evidens,
Cur rhubarba et le séné
Per nos semper est ordonné
Ad purgandum utramque bile ?
Si dicit hoc, erit valde habile.

BACHELIERUS.

A docto doctore mihi, qui sum prætendens,
Domandatur raison a priori et evidens
{p. 176}Cur rhubarba et le séné
Per nos semper est ordonné
Ad purgandum utramque bile,
Et quod ero valde habile :
Respondeo vobis,
Quia est in illis
Virtus purgativa,
Cujus est natura
Istas duas biles evacuare.

CHORUS.

Bene, bene, bene, bene respondere !
Dignus, dignus, etc., etc.

TERTIUS DOCTOR.

Ex responsis il paraît jam sole clarius,
Quod lepidum iste caput, bachelierus,
Non passavit suam vitam ludendo au trictrac,
Nec in prenando du tabac ;
Sed explicet pourquoi furfur macrum5
Et parvum lac,
Cum phlebotomia et purgatione humorum,
Appellantur a medisantibus idolæ medicorum,
Nec non pontus asinorum ?
Si premièrement grata sit domino præsidi
Nostra libertas quæstionandi,
Pariter dominis doctoribus
Atque de tous ordres benignis auditoribus.

BACHELIERUS.

Quærit a me dominus doctor
Chysologos, id est, qui dit d’or,
Quare parvum lac et furfur macrum,
Phlebotomia et purgatio humorum
Appellantur a medisantibus idolæ medicorum,
Atque pontus asinorum ?
Respondeo quia
Ista ordonnando non requiritur magna scientia,
Et ex illis quatuor rebus
Medici fadunt ludovicos, pi s toi as et des quarts d’escus.

CHORUS.

Bene, bene, bene, bene respondere, etc., etc.

QUARTUS DOCTOR.

La question de notre quatrième docteur est celle du second des éditions ordinaires ; elle est seulement un peu plus développée.

{p. 177}[...] Quæ sunt remedia,
Tam in homine quam in muliere,
Quæ in maladia
Ditta hydropisia,
In malo caduco, apoplexia,
Convulsione et paralysia,
Convenit facere ?

BACHELIERUS.

Clysterium donare, etc., etc.

QUINTUS DOCTOR.

Le couplet du cinquième docteur commence comme celui du troisième des éditions ordinaires ; mais il contient une kyrielle de maladies tout autrement formidable :

Si bonum semblatur domino præsidi, etc.
Domandabo tibi, erudite bacheliere,
Ut reveni un jour à la maison gravis ære6,
Quæ remedia colicosis, fievrosis,
Maniacis, nephriticis, phreniticis,
Melancholicis, dæmoniacis,
Asthmaticis atque pulmonicis,
Catarrhosis, tussiculosis,
Guttosis, ladris atque gallosis,
In apostematis, plagis et ulcere,
In omni membro démis aut fracturé,
Convenit facere7 ?

BACHELIERUS.

Clysterium donare, etc., etc.

SEXTUS DOCTOR.

On remarquera dans le couplet du sixième docteur la mention qu’il fait de la faculté de Montpellier.

Cum bona venia reverendi præsidis,
Filiorum Hippocratis,
{p. 178}Et totias coronæ nos admirantis8
Petam tibi, resolute bacheliere,
Non indignus alumnus di Monspeliere,
Quæ remedia cæcis, surdis, mutis,
Manchotis, claudis atque omnibus estropiatis,
Pro coris pedum, malum de dentibus, pesta et rabie,
Et nimis magna commotione in onmi novo marié,
Convenit facere ?

BACHELIERUS.

Clysterium donare, etc., etc.

La tirade du septième docteur est, à quelques vers près, celle du quartus doctor des éditions communes. Un trait pourtant est à relever :

Tombavit in meas manus
Homo qualitatif, dives comme un Cræsus. […]

OCTAVUS DOCTOR

Impetrato favorabili congé
A domino praeside,
Ab electa troupa doctorum,
Tam praticantium quam practicæ avidorum,
Et a curiosa turba badaudorum,
lngeniose bacheliere,
Qui non potuit esse jusqu’ici déferré,
Faciam tibi unam quæstionem de importantia :
Messiores, deturnobis audiencîa.
Isto die bene mane,
Paulo ante mon desjeuné,
Venit ad me una domicella
Italiana, jadis bella,
Et, ut penso, encore un peu pucella,
Quæ habebat pallidos colores,
Fievram blancam dicunt magis fini doctores,
Quia plaignebat se de migraina,
De curta halena,
De granda oppressatione,
Jambarum enflatura et effroiabili lassitudine,
De battimiento cordis,
De strangulamento matris,
Alio nomine, vapor hystérique,
Quæ, sicut omnes maladiæ terminatæ in ique,
Facit à Galien la nique.
{p. 179}Visagium apparebat bouffitum et coloris
Tamtum vertæ, quantum merda anseris.
Ex pulsu petito valde frequent, et urina mala,
Quam apportaverat in phiola,
Non videbatur exempta de febricule ;
Au reste, tara debilis, quod venerat
De son grabat,
In cavallo sur une mule ;
Non habuerat menses suos,
Ab ilia die quæ dicitur des grosses eaux ;
Sed contabat mihi à l’oreille,
Che si non era morta, c’estait grand’ merveille,
Perche in suo negocio
Era un poco d’amore et troppo di cordoglio,
Che’l suo galano sen’era andato in Allemagna
Servire al signor Brandebourg una campagna.
Usque ad maintenant multi charlatani,
Medici, apothicari et chirugiani,
Pro sua maladia in vano travaillaverunt,
Juxta mesme las novas gripas istius Bourru van Helmont,
Emploiantes ab oculis cancri ad Alcahest.
Veuillas mihi dire quid superest
Juxta orthodoxes illi facere ?

BACHELIERUS.

Clysterium donare, etc., etc.

IDEM DOCTOR.

Mais, si tam grandum bouchamentum
Partium naturalium
Mortaliter obstinatum
Per clysterium donare,
Saignare,
Et reiterando cent fois purgare,
Non potest se guarire,
Finaliter, quid trovares à propos illi facere ?

BACHELIERUS.

In nomine Hippocratis benedictam, cum bono garçone
Conjunctionem imperare.

CHORUS.

Bene, bene, bene, etc.

Cette parodie d’une formule de la liturgie catholique (in nomine Hippocratis benedictam) égale, ce me semble, si elle ne surpasse, le fameux « je te le donne par l’amour de l’humanité » de la scène du pauvre. Ce trait caractérise une certaine partiede la société du xvIIesiècle.

{p. 180}La suite est à peu près semblable dans les deux textes, sauf quelques additions. Le président fait, par exemple, jurer au postulant de ne jamais

Emeticum ni mercurium dare,
Maladus dust-il crevare, etc.
Les pouvoirs qu’on lui confère sont aussi plus étendus :
Puissanciam, virtutem atque licentiam
Medicinam cum methodo faciendi,
Id est, clysterizandi,
Saignandi,
Purgandi,
Sanguandi,
Ventousandi,
Scarificandi,
Perceandi,
Taillandi,
Coupandi,
Trepanandi,
Brûlandi,
Uno verbo, selon les formes, atque impune occidendi
Parisiis et per totam terram.

Le dernier couplet qu’un chirurgien prononce dans l’ancien texte est attribué, dans le nouveau, à un apothicaire, et il est beaucoup plus détaillé :

Puisse toti anni
Lui essere boni,
Et favorabiles,
Et n’habere jamais
Entre ses mains pestas, epidemias,
Quæ sunt malas bestias,
Mais semper pluresias, pulmonias,
In renibus et vessia pierras,
Rheumatismos d’un anno et omnis generis fievras,
Fluxus de sanguine,
Guttas diabolicas,
Mala de sancto Joanne,
Poitevinorum col ica s,
Scorbutum de Hollandia.......

Nous passons les derniers souhaits, que nos lecteurs pourraient, comme la comtesse d’Escarbagnas, trouver d’un latin un peu trop malhonnête.

On voit que cette nouvelle rédaction accroît d’environ cent cinquante vers, c’est-à-dire de la moitié, le texte que nous possédions. Nous avons consulté, sinon la totalité, au moins un très grand nombre des éditions connues de Molière, et nous n’avons trouvé ces additions dans aucune. Cependant ce texte développé de la cérémonie n’a point passé absolument inaperçu ; il a même été reproduit une fois, mais non pas en France. En 1697, un certain Nic. de Castelli, {p. 181}italien réfugié en Allemagne et secrétaire de l’électeur de Brandebourg, traduisit en italien et fit imprimer séparément à Leipsick toutes les comédies de Molière, qu’il réunit l’année suivante en quatre volumes in-12. Dans sa traduction du Malade imaginaire, cet auteur a donné la cérémonie telle qu’on la lit dans le texte de Rouen. On peut s’étonner que la traduction de Castelli, qui n’est pas fort rare, et que possèdent beaucoup d’amateurs du théâtre, n’ait été ouverte ni parcourue par aucun d’eux. J’ajouterai un fait non moins singulier, c’est que ce même Nic. de Castelli a donné dans le Festin de Pierre la traduction exacte de la scène du pauvre, absolument conforme au texte le plus complet. Cet Italien était, comme on voit, un homme emunctae naris, et des mieux informés. Les éditeurs de Molière auraient bien fait, et feront bien dorénavant, de tenir plus de compte de son travail.

Charles Magnin.