PREMIÈRE ENTRÉE §
Un homme vient donner les Livres du Ballet, qui d’abord est fatigué par une multitude de gens de Provinces différentes, qui crient en Musique pour en avoir, et par trois importuns qu’il trouve toujours sous ses pas.
-
Le donneur de Livre
Monsieur Dolivet.
Spectateur Musiciens. §
- MM. le Gros,homme du bel air,
-
Estival,
-
Hedouin,
- Gaye,Gascon,
-
Morel,
-
Gingant l'aîné,
- Gingant cadet,Gascon,
- Blondet,vieux babillard,
- Langez,vieux babillard,
- Fernon,homme du bel air,
-
Deschamps,
-
Gillet,
- Philbert,Suisse,
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Bernard,
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Noblet,
- Rebel,homme du bel air,
-
Quatre Pages de la Musique.
-
Filles coquettes.
Jeannot, Pierrot, Renier, Un Page de la Chapelle.
DIALOGUE DES GENS
Qui en Musique demandent des Livres.
TOUS.
À Moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi Monsieur,
105 Un Livre, s’il vous plaît, à votre serviteur.
Homme du bel air.
Monsieur distinguez-vous parmi les gens qui crient,
Quelques Livres ici, les Dames vous en prient.
Autre homme du bel air.
Holà Monsieur, Monsieur, ayez la charité
D’en jeter un de notre côté.
Femme du bel air.
110 Mon Dieu qu’aux personnes bien faites
On sait peu rendre honneur céans.
Autre Femme du bel air.
Ils n’ont des Livres et des bancs
Que pour Mesdames les Grisettes.
Gascon.
Aho ! l’homme aux Libres, qu’on m’en baille,
115 J’ay déja le poumon usé,
Bous boyez que chacun mé raille.
Et jé suis escandalisé
De boir és mains de la canaille
Cé qui m’est par bous refusé.
Autre Gascon.
120 Eh cadedis, Monseu, boyez qui l’on pût estre,
Un Libret, je bous prie, au Baron d’Asbarat,
Jé pense, mordy, que le fat
N’a pas l’honnur dé mé connoistre.
Le Suisse.
Mon’-sieur le donneur de papieir,
125 Que veul dir sty façon de fifre,
Moy l’écorchair tout mon gozieir
À crieir,
Sans que je pouvre afoir ein lifre ;
Pardy, mon foi, Mon’-sieur, je pense fous l’estre ifre.
Vieux Bourgeois babillard.
130 De tout ceci franc et net
Je suis mal satisfait,
Et cela sans doute est laid
Que notre fille
Si bien faite et si gentille
135 De tant d’amoureux l’objet,
N’ait pas à son souhait
Un Livre de Ballet,
Pour lire le sujet
Du divertissement qu’on fait,
140 Et que toute notre famille
Si proprement s’habille,
Pour être placée au sommet
De la Salle, où l’on met
Les gens dans l’entringuet :
145 De tout ceci franc et net
Je suis mal satisfait,
Et cela sans doute est laid.
Vieille Bourgeoise babillarde.
Il est vrai que c’est une honte,
Le sang au visage me monte,
150 Et ce jeteur de Vers qui manque au capital
L’entend fort mal,
C’est un brutal,
Un vrai cheval,
Franc animal,
155 De faire si peu de conte
D’une Fille qui fait l’ornement principal
Du quartier du Palais Royal,
Et que ces jours passés un Comte
Fut prendre la première au Bal :
160 Il l’entend mal,
C’est un brutal,
Un vrai cheval,
Franc animal.
Hommes, et Femmes du bel air.
Ah quel bruit !
165 Quel fracas !
Quel chaos !
Quel mélange !
Quelle confusion !
Quelle cohue étranger !
170 Quel désordre !
Quel embarras !
On y sèche,
L’on n’y tient pas.
Gascon.
Bentre jé suis à vout.
Autre Gascon.
175 J’enrage, Dieu me damne.
Suisse.
Ah que ly faire saif dans sty sal de cians.
Autre Gascon.
Jé pers la tramontane.
Suisse.
Mon foy moy le foudrois estre hors de dedans.
Vieux Bourgeois babillard.
180 Allons ma mie,
Suivez mes pas,
Je vous en prie,
Et ne me quittez pas,
On fait de nous trop peu de cas,
185 Et je suis las
De ce tracas :
Tout ce fatras,
Cet embarras,
Me pèse par trop sur les bras ;
190 S’il me prend jamais envie
De retourner de ma vie
À Ballet ni Comédie,
Je veux bien qu’on m’estropie :
Allons ma mie,
195 Suivez mes pas,
Je vous en prie,
Et ne me quittez pas,
On fait de nos trop peu de cas.
Vieille Bourgeoise babillarde.
Allons mon mignon, mon fils,
200 Regagnons notre logis,
Et sortons de ce taudis
Où l’on ne peut être assis ;
Ils seront bien ébaubis
Quand ils nous verrons partis :
205 Trop de confusion règne dans cette Salle,
Et j’aimerais mieux être au milieu de la Halle :
Si jamais je reviens à semblable régale
Je veux bien recevoir des soufflets plus de six :
Allons mon mignon, mon fils,
210 Regagnons notre logis,
Et sortons de ce taudis
Où l’on ne peut être assis.
TOUS.
À moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi
Monsieur,
215 Un Livre, s’il vous plaît, à votre serviteur.
SECONDE ENTRÉE. §
Les trois importuns.
Messieurs S. André, la Pierre, et Favier.
TROISIÈME ENTRÉE. §
Espagnols chantant.
MM. Martin, Morel, et Gillet
Monsieur Morel.
Se que me muera dé amor
Y solicito el dolor.
A un muriendo de querer
De tanbuen ayre adolezco
220 Que es mas de loque padezco
Loque quiero padecer
Y no pudiendo exceder
Amideseo el rigor.
Se que me muero de amor
225 Y solicito el dolor.
Lisonjéame la suerte
Con piedad tan advertida,
Que mé assegura lauida
En el riesgo de la muerté
230 Vivir de Lugolpe fuerte
Es de mi salud primor.
Sé que, etc.
Six Espagnols dansant.
Messieurs Dolivet, le Chantre, Bonnart, Lestang, Isaac, Joubert.
Deux Espagnols dansant ensemble.
MM. Beauchamp, et Chicanneau.
Trois Musiciens Espagnols.
Monsieur Morel, Espagnol chantant.
Ay que locura, contanto rigor
Quexarse deamor
235 Del nino bonito
Que todo es dulçura
Ay que locura,
Ay que locura.
Monsieur Gillet, Espagnol chantant.
El dolor solicita,
240 El que al dolor se da
Y nadie deamor muere
Sino quien no saue amar.
Messieurs Morel, et Gillet. Espagnols.
Dulce muerte es el amor
Con correspondencia ygual,
245 Y si esta gozamos oy,
Por que la quieres turbar ?
Monsieur Morel. Seul.
Alegrese Enamorado
Y tome mi parecer
Que en esto dequerer
250 Todo es hallar el vado.
Tous trois ensemble.
Vaya, vaya de fiestas,
Vaya de vayle,
Alegria, alegria, alegria,
Questo de dolor es fantasia.
QUATRIÈME ENTRÉE. §
Italiens.
Une Musicienne Italienne fait le premier récit, dont voici les paroles.
La Musicienne Italienne. Mademoiselle Hilaire.
255 Di rigori armata il seno
Contro amor mi ribellai,
Ma fui vinta in un baleno
In mirar duo vaghi rai,
Ahi che resiste puoco
260 Cor di gelo a stral di fuoco.
Ma si caro é’l mio tormento
Dolce é si la piaga mia,
Ch’il penare é’l mio contento,
El’ sanarmi é tirannia.
265 Ahi che più giova, é piace
Quanto amor é più vivace.
Après l’air que la Musicienne a chanté, deux Scaramouches, deux Trivelins, et un Arlequin, représentent une nuit à la manière des Comédiens Italiens en cadence.
Les deux Scaramouches.
Messieurs Beauchamp et Mayeu.
Les deux Trivelins.
Messieurs Magny, et Foignard cadet.
Arlequin.
Le Seigneur Dominique.
Un Musicien Italien se joint à Mademoiselle Hilaire, et chante avec elle les paroles qui suivent.
Le Musicien Italien. Monsieur gaye
Bel tempo che vola
Rapiscé il contento,
D’amor ne la scola
270 Si coglie il momento.
Mademoiselle Hilaire.
Infin che florida
Ride l’età
Che pur tropp’horrida
Da noi sen và.
Tous deux.
275 Sù cantiamo,
Sù godiamo,
Nebei di, di gioventù :
Perduto ben non si racquista più.
Monsieur gaye
Pupilla che vaga
280 Mill’ alme incatena,
Fà dolce la piaga
Felice la pena.
mademoiselle hilaire.
Ma poiche frigida
Langue l’età,
285 Più l’alma rigida
Fiamme non hà.
Tous les deux.
Sù cantiamo, etc.
Après le Dialogue Italien, les Scaramouches et Trivelins dansent une réjouissance.
CINQUIÈME ENTRÉE. §
François.
Deux Musiciens Français dansent, et chantent les paroles qui suivent.
Messieurs la Grille, et Noblet.
MENUETS
PREMIER MENUET
Chanté par M. Noblet.
Ah ! qu’il fait beau dans ces bocages,
Ah ! que le Ciel donne un beau jour.
M. de la Grille, chantant.
290 Le Rossignol, sous ces tendres feuillages
Chante aux Échos leur doux retour :
Le beau Séjour,
Ces doux ramages,
Le beau séjour
295 Nous invite à l’amour.
SECOND MENUET.
TOUS DEUX ENSEMBLE.
Vois ma Climène,
Vois sous ce chêne
S’entre baiser ces oiseaux amoureux ;
Ils n’ont rien dans leurs vœux
300 Qui les gêne,
De leurs doux feux
Leur âme est pleine,
Qu’ils sont heureux !
Nous pouvons tous deux,
305 Si tu le veux,
Être comme eux.
Six autres Français viennent après vêtus galamment à la Poitevine, trois en hommes, et trois en femmes, accompagnés de huit Flûtes et Hautbois.
Les trois hommes.
Messieurs la Pierre, Favier, et S. André.
Les trois Femmes.
MM. Faure, Foignard, et Favier le jeune.
Les huit Flûtes.
Les Sieurs Descouteaux, Piesche le fils, Philidor, Boutet, du Clos, Plumet, Fossart, et Nicolas Hotterre.
SIXIÈME ENTRÉE. §
Tout cela finit par le mélange des trois Nations, et les applaudissements en Musique de toute l’assistance, qui chante les deux Vers qui suivent.
Quels Spectacles charmants, quels plaisirs goûtons-nous,
Les Dieux mêmes, les Dieux, n’en ont point de plus doux.
FIN