Emma Morel

1864

Mythologie épurée à l’usage des maisons d’éducation pour les deux sexes (nouv. éd.)

2016
Mythologie épurée à l’usage des maisons d’éducation pour les deux sexes, augmentée d’un questionnaire, de notes géographiques, et d’une explication de la Mythologie par l’histoire, par Mme Emma Morel, maîtresse de pension, nouvelle édition, Tours, Alfred Mame et fils, éditeurs, 1864, 178 p. Source : Google livres.
Ont participé à cette édition électronique : Léa Johnson (OCR, Stylage sémantique) et Diego Pellizzari (Encodage TEI).

Préface. §

Il n’est personne qui ne reconnaisse combien est nécessaire l’étude de la Mythologie ; en effet, pour qui ne possède au moins les notions élémentaires de cette science, les poëtes anciens et modernes deviennent inintelligibles, les plus célèbres productions des peintres et des statuaires ne présentent plus que des énigmes inexplicables et des conceptions monstrueuses ; l’ignorance de la mythologie frapperait de mort les chefs-d’œuvre des beaux-arts, qui font la gloire de l’esprit humain.

Les croyances du paganisme ne présentent qu’un amas confus de traditions, d’apologues et de contes plus ou moins ingénieux, embellis par les poëtes, et auxquels la fantaisie de chaque siècle et de chaque pays ajoutait de nouveaux détails ; mais ces inventions mensongères ont joué un rôle si important dans l’histoire des anciens peuples, elles ont fourni de si nombreux sujets de compositions aux écrivains et aux artistes, que la connaissance nous en est indispensable. Elles peuvent encore nous inspirer des réflexions salutaires en nous montrant dans quel épouvantable chaos d’absurdités et d’extravagances l’homme tombe inévitablement quand il oublie son Créateur, pour se livrer à l’idolâtrie et aux fausses religions.

Toutefois, à côté de beaucoup de charme et d’intérêt, cette étude présente un danger incontestable, résultant de la dépravation de mœurs qui existait parmi les anciens. Elle offre une foule de tableaux que la religion et la morale commandent de voiler sévèrement.

Nous ne nous flattons pas d’avoir écrit l’histoire des dieux de la Fable mieux que nos devanciers ; mais nous croyons qu’aucun d’eux n’a mis une attention aussi scrupuleuse à éviter tout ce qui pourrait porter la moindre atteinte à la pureté d’esprit et de cœur que de sages instituteurs doivent s’attacher par-dessus tout à conserver chez leurs élèves.

MYTHOLOGIE ÉPURÉE

Notions préliminaires §

On appelle Mythologie la science qui apprend à connaître l’histoire et les attributions des divinités du Paganisme.

Le nombre de ces divinités était très-considérable ; on en comptait jusqu’à trente mille ; mais la plupart sont aujourd’hui complètement oubliées, et nous ne nous occuperons que des plus connues.

La théologie païenne distribuait les Dieux en quatre classes : la première comprenait les Dieux suprêmes ou Dieux des nations, ainsi appelés parce que leur culte était honoré généralement et en tous lieux.

Ces Dieux principaux étaient au nombre de vingt : c’étaient Jupiter, Neptune, Mercure, Apollon, Mars, Vulcain, Junon, Cérès, Vesta, Minerve, Vénus, Diane, Uranus, Saturne, Genius, le Soleil, Pluton, Bacchus, la Terre et la Lune. Les douze premiers composaient le conseil suprême ; les huit derniers n’y assistaient pas.

La seconde classe était composée des Dieux indigètes ou Dieux inférieurs des nations, tels que Thémis, Plutus, Flore, etc.

La troisième catégorie renfermait les Demi-Dieux et les Héros de l’antiquité.

Enfin les divinités de la quatrième classe étaient les vertus qui honorent l’humanité, ou même les vices qui la dégradent, comme le courage, la clémence, ou la colère, le mensonge, etc.

Nous diviserons ce cours en quatre parties : dans la première nous nous occuperons des Dieux principaux ; dans la seconde, des Dieux du second ordre ; dans la troisième, des Demi-Dieux et des Héros ; dans la quatrième, du culte rendu aux faux Dieux, des jeux publics, des monuments et des usages de l’antiquité.

Questions. §

Qu’est-ce que la Mythologie ? — Quel était le nombre des divinités de la Fable ? — En combien de classes les divisait-on ? — Que comprenait la première classe ? — La seconde ? — La troisième ? — La quatrième ? — Quelle est la division de ce cours ?

Première partie.
Divinités du premier ordre. §

I. — Saturne ou le Temps. §

Avant la création du monde, la Fable suppose que l’univers n’était qu’une masse informe contenant, dans un état de confusion générale, tous les éléments qui, en se débrouillant et se coordonnant, formèrent le globe que nous habitons. Ce désordre primitif avait reçu des païens le nom de chaos.

Le Ciel était le plus ancien des Dieux, et Vesta, ou la Terre, la première déesse. Ils eurent pour enfants Titan et Saturne, ou le Temps.

En sa qualité de fils aîné, Titan devait hériter de l’empire du monde ; mais, sur les instances de sa mère, il abandonna ses droits à Saturne, à la condition que celui-ci n’élèverait aucun enfant mâle.

Cependant Cybèle, femme de Saturne, ayant mis au monde Jupiter et Junon, ne présenta à son époux que cette dernière, et lui donna, à la place de son fils, une pierre emmaillotée, qu’il dévora immédiatement. Plus tard elle trouva encore moyen de soustraire à la férocité de ce père cruel Neptune et Pluton. Informé de cette supercherie, Titan déclare la guerre à son frère, s’empare de lui, et le retient en prison avec Cybèle. Cependant Jupiter avait échappé aux recherches de son oncle ; devenu grand, il lève une armée, défait les ennemis de sa famille, et replace son père sur le trône.

Cet état de choses dura peu. Saturne, ayant lu dans le livre des Destins qu’il serait détrôné par un de ses enfants, résolut de se défaire de Jupiter, dont il redoutait l’ambition. Il lui tendit donc des embûches ; mais Jupiter échappa à ce danger, et pour se venger il arma contre son père, le chassa du ciel et s’empara de sa puissance.

Déchu de sa grandeur, Saturne vint chercher un asile en Italie, où Janus, roi du pays latin, l’accueillit avec respect et lui fit partager son autorité. Pour reconnaître cette généreuse hospitalité, Saturne voulut assurer le bonheur des habitants du Latium ; il leur donna des lois, leur inspira l’amour de la vertu, et leur enseigna l’agriculture. C’est l’époque de son règne que les poëtes ont célébrée sous le nom de l’âge d’or. Les temps qui suivirent furent successivement appelés l’âge d’argent, l’âge d’airain, et l’âge de fer, parce que les hommes s’éloignaient de plus en plus de leur innocence et de leur félicité primitive.

Saturne ayant donné à Janus la connaissance du passé et de l’avenir, la Fable celui-ci représente avec deux visages dont l’un regarde devant et l’autre derrière. On en a fait aussi un Dieu, et Numa Pompilius lui bâtit à Rome un temple dont les portes étaient fermées pendant la paix et ouvertes pendant la guerre.

On représente Saturne ou le Temps sous la figure d’un vieillard tenant une faux, symbole de destruction ; les ailes qu’il porte aux épaules et quelquefois aux pieds rappellent sa rapidité ; près de lui est un serpent qui se mord la queue, emblème du cercle perpétuel et de la révolution des temps ; on lui donne encore pour attributs un sablier et un aviron1.

Questions. §

Comment la Fable représente-t-elle l’univers ayant la création ? — Quels furent les plus anciens des Dieux et quels furent leurs enfants ? — Lequel des deux succéda à son père ? — Quelles furent l’occasion et l’issue de la guerre entre les deux frères ? — Comment Jupiter s’empara-t-il de l’empire des cieux ? — Que devint Saturne ? — Quel don fit-il à Janus ? — Comment représente-t-on Saturne ?

II. — Cybèle ou Vesta. §

Cybèle, Déesse de la terre, est fille du Ciel et épouse de Saturne ; on l’appelait aussi Rhée ou la bonne déesse, et encore Grand’mère, parce qu’elle avait donné naissance à plusieurs Dieux.

Sous le nom de Vesta, on la regardait comme reine du feu. Numa Pompilius lui avait consacré un feu éternel qui était sans cesse entretenu par six prêtresses nommées Vestales, et choisies dans les familles les plus distinguées de Rome ; si ce foyer sacré venait à s’éteindre, la ville se croyait menacée des plus grands désastres, et on ne pouvait le rallumer qu’au feu du ciel ou aux rayons du soleil ; la Vestale dont la négligence avait causé cet accident était enterrée vivante2.

On représente ordinairement Cybèle vêtue d’une longue robe parsemée de fleurs, le front couronné de créneaux et de tours, portant à la main un disque et une clef, assise sur un char traîné par quatre lions. Le pin lui était consacré.

Ses prêtres, appelés Galles, Corybantes, Dactyles, l’honoraient en dansant autour de sa statue, avec des contorsions épouvantables3.

Questions. §

Qu’est-ce que Cybèle ? — Quel culte lui rendait-on sous le nom de Vesta ? — Comment la représente-t-on ? — Quels noms portaient ses prêtres, et comment l’honoraient-ils ?

III. — Jupiter. §

Jupiter, fils de Saturne et de Cybèle, ayant été soustrait par sa mère à la férocité de Saturne, qui s’était engagé à dévorer tous ses enfants mâles, fut confié aux Corybantes, qui l’élevèrent dans l’île de Crète4 ; les prêtres de Cybèle dansaient autour du berceau du jeune Dieu en frappant sur des bassins d’airain, pour empêcher ses cris de parvenir aux oreilles de son père. Jupiter fut nourri du lait de la chèvre Amalthée ; plus tard il transforma celle chèvre en constellation, et lui donna une place dans les cieux ; une de sescornes qu’il donna aux nymphes qui avaient pris soin de son enfance avait le don de produire toute espèce de biens ; c’est ce qu’on a nommé la corne d’abondance.

Quand Jupiter se fut emparé du trône de son père, il partagea l’empire du monde avec ses deux frères : Neptune fut le roi des eaux ; Pluton régna sur les enfers, et Jupiter se réserva le ciel, avec le droit de présider à l’univers.

Dès le commencement de son règne, il eut une guerre redoutable à soutenir contre les Titans ou Géants, fils de la Terre, qui se révoltèrent contre son autorité. Ces Titans étaient d’une stature prodigieuse et d’une force colossale ; les uns, comme Briarée, avaient cent bras et cinquante têtes ; d’autres étaient moitié homme et moitié serpent. Pour escalader le ciel, ils entassèrent l’une sur l’autre les montagnes de la Thessalie, et causèrent une telle frayeur aux Dieux, que la plupart se réfugièrent en Égypte, où ils se cachèrent sous différentes formes d’animaux ou de plantes ; Bacchus seul était resté auprès de Jupiter sous la figure d’un lion. Mais bientôt les autres Dieux revinrent ; Hercule se déclara leur champion, et Jupiter, s’étant emparé de la foudre, renversa les Titans, et les écrasa sous les montagnes qu’ils avaient accumulées. Typhon, l’un d’eux, fut enseveli sous l’Etna5, et les poëtes ont supposé que les éruptions de ce volcan et les tremblements de terre qu’il produit venaient des efforts désespérés du géant que la montagne retient prisonnier sous son poids.

Jupiter avait pour femme Junon, sa sœur ; mais la Fable lui en donne en même temps plusieurs autres ; pour se soustraire à la vigilance de Junon, qui était fort jalouse, il prenait toute espèce de figure : ainsi il se transforma en taureau pour enlever Europe ; en cygne pour visiter Léda ; en pluie d’or pour pénétrer chez Danaé ; en satyre pour surprendre Antiope ; il avait pris les traits de Diane pour tromper Callisto, et il se métamorphosa en aigle pour enlever le jeune Ganymède, dont il fit son échanson.

Prométhée, fils de Japet, ayant formé des statues d’hommes avec de la terre délayée, les anima au moyen du feu du ciel qu’il avait dérobé, avec l’aide de Pallas, au char du soleil. Jupiter, irrité de cette audace, ordonna à Mercure d’enchaîner Prométhée sur le mont Caucase6, où un vautour dévorait sans cesse son foie, qui renaissait toujours ; ce supplice dura jusqu’à ce qu’Hercule vînt y mettre un terme et délivrât Prométhée.

Les Dieux, jaloux du droit exclusif que s’attribuait Jupiter de créer des hommes, se réunirent pour former une femme que chacun d’eux se plut à parer des avantages dont il pouvait disposer, et qu’ils nommèrent Pandore. Jupiter, feignant de vouloir contribuer à sa perfection, lui fit présent d’une boîte qu’il lui ordonna de porter à Épiméthée. Celui-ci ne l’eut pas plutôt ouverte, que tous les maux, tous les vices ettoutes les misères de la nature humaine, qui y étaient enfermés, en sortirent aussitôt et se répandirent sur la terre. L’espérance seule resta au fond de la boite.

La corruption se répandait de plus en plus sur la terre, et les hommes attirèrent sur eux par leurs crimes la colère du ciel. Avant de sévir contre le genre humain, Jupiter voulut connaître par lui-même toute l’étendue du mal : il vint en Arcadie, et alla demander l’hospitalité à Lycaon, roi de ce pays, que l’on accusait de se plaire à répandre le sang de tous les étrangers qui tombaient en son pouvoir. Ce prince cruel, pour s’assurer de la divinité de son hôte, lui servit à manger les membres d’un enfant qu’il venait d’égorger. Jupiter, justement irrité, saisit sa fondre et réduisit le palais en poussière ; Lycaon parvint à s’échapper, mais le courroux des Dieux le suivit dans les bois où il avait cherché un refuge, et il fut métamorphosé en loup.

Ce fut pour punir les crimes de l’espèce humaine que Jupiter résolut de l’anéantir dans un déluge universel. Les eaux envahirent toute la surface du globe et couvrirent jusqu’aux plus hautes montagnes. Tous les hommes périrent : Deucalion et sa femme Pyrrha furent seuls épargnés par considération pour leurs vertus : leur barque les déposa sur le sommet du mont Parnasse. Quand les eaux se furent retirées, Deucalion et Pyrrha, se trouvant isolés au milieu de la terre désolée, allèrent consulter l’oracle de Thémis, qui leur conseilla de jeter derrière eux et par-dessus leur tête les os de leur grand’mère : par ces mots l’oracle entendait des pierres, qui sont les os de la terre. Les deux époux obéirent, et les pierres lancées par Deucalion devenaient des hommes, tandis que celles que jetait Pyrrha se métamorphosaient en femmes ; c’est ainsi que la terre se couvrit de nouveaux habitants.

On donnait à Jupiter un grand nombre de noms, suivant les lieux où il était adoré, et Varron comptait jusqu’à trois cents Jupiter dont les poëtes ont confondu dans un seul toutes les aventures et toutes les attributions. On l’appelait souvent Jupiter Olympien, parce qu’il tenait, disait-on, sa cour sur le sommet du mont Olympe7 ; les Égyptiens le nommaient Jupiter Ammon, les Romains le surnommaient Capitolin, à cause du temple que Tarquin le Superbe lui avait consacré au Capitole ; et Stator, parce que, sur un vœu que lui avait fait Romulus, il avait arrêté les Sabins prêts à s’emparer de la ville. On le nommait encore Jupiter Hospitalier, parce qu’il présidait à l’observation des devoirs de l’hospitalité.

On représente Jupiter avec une figure majestueuse et une longue barbe, assis sur un trône d’or ou d’ivoire, tenant la foudre dans la main droite ; à ses pieds on place ordinairement un aigle, son oiseau de prédilection. Le chêne lui était consacré8.

Questions. §

Quelle fut l’enfance de Jupiter ? — Comment partagea-t-il l’empire du monde avec ses frères ? — N’eut-il pas une guerre à soutenir dès le commencement de son règne ? — Contre qui, et quelle en fut l’issue ? — Quelle fut l’épouse de Jupiter ? — Racontez l’histoire de Prométhée. — Qu’était-ce que Pandore ? — Par quels crimes les hommes excitèrent-ils la colère de Jupiter ? — Comment leur race fut-elle détruite et renouvelée ? — Jupiter n’avait-il pas différents noms ? — Comment le représente-t-on ?

IV. — Junon. §

Fille de Saturne et de Cybèle, sœur et épouse de Jupiter, Junon était la reine des Dieux, la Déesse des royaumes et des empires. Elle était la protectrice du mariage ; c’est pourquoi on l’appelait Pronuba ; elle présidait aussi à la naissance des enfants, et dans cette circonstance on l’invoquait sous le nom de Lucine.

Elle eut pour enfants Hébé, Déesse de la jeunesse, qui servit le nectar à son père, jusqu’à ce qu’elle fût remplacée dans cet emploi par Ganymède ; et Vulcain, le dieu du feu. Jupiter ayant créé Pallas de lui-même, en la faisant sortir de son cerveau, Junon donna de son côté le jour au dieu Mars.

Junon avait un caractère orgueilleux et vindicatif ; elle poursuivait sans relâche ceux qui avaient encouru son mécontentement. L’histoire des Troyens en offre une preuve devenue célèbre. Junon assistait avec tout l’Olympe aux noces de Pélée et de Thétis, lorsque la Discorde, qui n’avait pas été invitée, voulant se venger de cet oubli, jeta sur la table une pomme d’or qui portait cette inscription : A la plus belle. Junon, Vénus et Pallas se disputèrent vivement cette pomme, et, pour mettre un terme à leurs débats, Jupiter chargea Pâris, fils de Priam, roi de Troie, de décerner le prix de la beauté. L’arbitre prononça en faveur de Vénus, et Junon, furieuse de cet échec, devint l’ennemie déclarée des Troyens, qu’elle ne cessa de persécuter, même après la chute de leur empire.

Junon était souvent en querelle avec son époux, qu’elle tourmentait par sa jalousie ; elle persécutait cruellement ses rivales, ainsi que leurs enfants. Pour surveiller les démarches de Jupiter, elle employait un espion, nommé Argus, qui avait cent yeux, dont cinquante veillaient tandis que les autres se reposaient. Par l’ordre de Jupiter, Mercure endormit au son de sa flûte ce vigilant observateur et le tua. Junon désolée le transforma en paon, et jeta ses cent yeux à l’extrémité des plumes de cet oiseau, qu’elle prit sous sa protection.

Cette Déesse avait Iris pour messagère et pour confidente ; voulant récompenser ses bons offices et sa fidélité, elle la plaça dans le ciel, où elle la transforma en un vaste demi-cercle revêtu de brillantes couleurs : c’est ce que nous appelons l’arc-en-ciel.

On représente Junon avec des traits majestueux et fiers, portant un diadème sur le front et un sceptre à la main ; elle est assise sur un trône, ou dans un char traîné par des paons9.

Questions. §

Qu’est-ce que Junon, et quels noms lui donnait-on ? — Quels furent ses enfants ? — Quel était son caractère ? — Vivait-elle en bonne harmonie avec son époux ? — Qu’était-ce qu’Iris ? — Comment représentait-on Junon ?

V. — Apollon. §

Apollon, Dieu de la poésie, de la musique et des arts, recevait aussi le nom de Phébus quand on le considérait comme dieu du jour, chargé de guider le char du soleil.

Il était fils de Jupiter et de Latone : sa mère eut beaucoup à souffrir de la jalousie de Junon, qui la fit poursuivre par le serpent Python. Tandis qu’elle errait de côté et d’autre, elle rencontra des paysans qui travaillaient à la terre près d’un marais, et, comme elle était fort altérée, elle leur demanda un peu d’eau pour se rafraîchir ; elle n’en reçut qu’un refus insultant. Pour les punir, Jupiter les métamorphosa en grenouilles. Enfin la fugitive dut un asile à la pitié de Neptune ; ce Dieu fixa d’un coup de trident l’île de Délos10, qui jusqu’alors n’était qu’un rocher flottant, et Latone y donna le jour à Apollon et à Diane.

Le premier exploit d’Apollon lorsqu’il eut acquis des forces fut la destruction du serpent Python, monstre énorme né du limon de la terre, et que Junon avait mis à la poursuite de Latone. Il le tua à coups de flèches, et de sa peau il couvrit le trépied sur lequel s’asseyait le pythonisse de Delphes11, pour rendre ses oracles. Ce fut à l’occasion de cette victoire qu’Apollon institua les jeux pythiens, que l’on célébrait tous les quatre ans, en s’exerçant à la musique et à la danse.

Apollon avait eu un fils nommé Esculape, auquel le centaure Chiron avait enseigné la médecine. Il était devenu tellement habile dans cette science, qu’il put rendre la vie à Hippolyte, fils de Thésée, que ses chevaux effrayés avaient traîné et déchiré sur des rochers. Mais ce succès lui devint funeste, car Jupiter, jaloux d’une cure qui semblait empiéter sur ses droits, foudroya le malheureux Esculape12. Apollon, ne pouvant venger son fils sur le maître des Dieux, lança ses flèches contre les Cyclopes qui avaient forgé la foudre, instrument de la mort d’Esculape ; mais Jupiter, pour punir ce meurtre, le chassa de l’Olympe et ne lui rendit ses bonnes grâces et la conduite du char du soleil qu’après l’avoir tenu pendant plusieurs années exilé parmi les hommes.

Le Dieu proscrit alla chercher un refuge chez Admète, roi de Thessalie, dont il garda les troupeaux ; ce qui l’a fait honorer comme le dieu des bergers. Il devint épris de la nymphe Daphné qui, pour éviter ses poursuites, invoqua son père, le fleuve Pénée, et fut changée en laurier. Apollon en cueillit une branche dont il se fit une couronne, et voulut que cet arbre lui fût consacré. Il s’était lié intimement avec Hyacinthe ; mais un jour, en jouant au palet, il le tua involontairement. Désolé de cet accident, le Dieu métamorphosa son jeune ami en la fleur qui a pris le nom d’hyacinthe ou de jacinthe, et s’éloigna d’un pays rempli pour lui d’amers souvenirs.

Il s’enfuit en Asie, où il trouva Neptune, banni comme lui, qui s’était mis au service du roi Laomédon. Il se réunit à lui, et les deux divinités déchues travaillèrent à l’érection des murs de Troie ; mais quand le travail fut achevé, Laomédon voulut les frustrer du salaire dont il était convenu. Ils le punirent sévèrement de sa mauvaise foi ; Neptune renversa une partie de la ville par une inondation, et Apollon dévasta le pays par la peste.

Le fils de Latone passait pour l’inventeur de la musique et de la poésie, et excellait dans ces deux arts. Pan, le Dieu des campagnes, avait voulu faire lutter les sons de sa flûte contre les accords de la lyre d’Apollon ; il fut honteusement vaincu. Cependant Midas, roi de Phrygie, ayant donné la préférence à Pan, Apollon lui fit pousser deux oreilles d’âne. Le roi cachait avec soin cette difformité sous un grand bonnet ; mais son barbier, éprouvant le besoin de se décharger du poids de ce secret, fit un trou dans la terre, et dit à voix basse en collant sa bouche sur le sol : Le roi Midas a des oreilles d’âne. Peu de temps après, des roseaux poussèrent en cet endroit, et lorsque le vent les agitait, on les entendait murmurer : Midas, le roi Midas a des oreilles d’âne !

Apollon soutint une autre lutte musicale contre le satyre Marsyas, habile joueur de flûte de Phrygie ; il avait été convenu que le vaincu serait à la disposition de son adversaire ; le Dieu l’emporta et usa de son avantage avec barbarie : il ordonna que Marsyas fût écorché vif.

Parmi les nombreux enfants d’Apollon, nous devons citer Phaéton, que son imprudence et son malheur ont rendu célèbre. Voulant donner une preuve irrécusable de sa divine origine, ce jeune homme supplia son père de lui confier pendant un jour la direction du char lumineux qui répandait la chaleur et la lumière. Le Dieu du jour eut la faiblesse de céder aux supplications du jeune ambitieux, qui s’élança plein de joie dans le char brillant du soleil. Mais sa présomption fut cruellement punie. Les chevaux, ne reconnaissant pas la main de leur guide accoutumé, s’emportent et entraînent le char hors de sa route ; tantôt se perdant au plus haut du ciel ils privent le monde de lumière, tantôt s’approchant trop de la terre ils menacent de l’embraser. Jupiter, irrité de ce désordre, foudroie le malheureux Phaéton, et le précipite dans l’Éridan13. Ses sœurs, inconsolables, furent changées en peupliers, et son ami Cycnus fut métamorphosé en cygne.

Quand les poëtes considèrent Apollon comme le Dieu de la poésie et des arts, ils placent sa cour sur le double sommet du mont Parnasse14 ; l’Hélicon15 et le Pinde16 lui étaient aussi consacrés, ainsi que les rives du Permesse17, et la fontaine d’Hippocrène. C’est dans ces beaux lieux, au milieu d’un bois de lauriers, qu’on le représentait, entouré des Muses, filles de Jupiter et de Mnémosyne, auxquelles il se plaisait à enseigner les sciences et les arts dans lesquels il excellait.

Ces déesses étaient au nombre de neuf ; voici quels étaient leurs noms et leurs attributions18 :

Uranie préside à l’astronomie. On la représente sous les traits d’une jeune fille vêtue d’une robe couleur d’azur, couronnée d’étoiles, soutenant d’une main un globe céleste, et de l’autre une baguette au moyen de laquelle elle semble démontrer les signes tracés sur le globe.

Clio, la muse de l’histoire, est couronnée de laurier ; elle tient une trompette dans la main droite, et dans la gauche un livre où sont inscrits tous les événements mémorables et les grandes actions.

Calliope présidait à l’éloquence et à la poésie héroïque ; on lui donnait un air majestueux, et on la paraît de guirlandes de fleurs ; comme sa sœur Clio, elle portait une couronne de laurier, un livre et une trompette.

Thalie, déesse de la comédie, était une jeune fille couronnée de lierre et chaussée de brodequins, qui tenait d’une main un masque, emblème de la comédie de caractère, et de l’autre un bâton recourbé qui rappelle la comédie pastorale.

Melpomène préside à la tragédie ; son front est sérieux et sévère ; elle est chaussée de cothurnes, et l’une de ses mains tient des sceptres et des couronnes, tandis que l’autre agite un poignard.

Erato était la muse de la poésie lyrique. On la représente comme une jeune fille enjouée, couronnée de myrte et de rose, tenant d’une main une lyre et de l’autre un archet.

Euterpe, déesse de la musique, est couronnée de fleurs ; elle tient dans les mains un cahier de musique, des flûtes, des hautbois et d’autres instruments.

Polymnie préside à la rhétorique. Elle est vêtue de blanc pour marquer la pureté du langage, et couronnée de perles pour exprimer les grâces et les figures qui doivent orner le discours. Sa main droite semble gesticuler, et de la gauche elle soutient un sceptre, emblème de la puissance qu’exerce la parole.

Terpsichore est la muse de la danse ; on la représente avec l’apparence de l’enjouement et de la vivacité, tenant entre ses mains une harpe au son de laquelle elle dirige ses pas en cadence.

Pégase jouait aussi un rôle important dans la suite d’Apollon ; c’était un cheval ailé qui paissait dans le vallon sacré habité par le Dieu des vers et par les Muses. Il servait de monture à Apollon, qui le prêtait quelquefois aux bons poëtes. Pégase était né au sang de Méduse, lorsque Persée coupa la tête à cette Gorgone ; c’est ce cheval merveilleux qui fit jaillir d’un coup de pied la fontaine d’Hippocrène, dont les eaux avaient la vertu d’inspirer l’enthousiasme poétique.

Comme Dieu des arts, Apollon se représente sous les traits d’un jeune homme sans barbe, parfaitement beau, couronné de laurier, et tenant une lyre à la main ; quand on veut peindre le Dieu de la lumière, on le montre le front ceint d’une auréole rayonnante, parcourant le zodiaque sur un char d’or traîné par quatre chevaux blancs.

Questions. §

Qu’est-ce qu’Apollon ? — Par quels événements sa naissance est-elle remarquable ? — Quel fut son premier exploit ? — A quelle occasion fut-il banni du ciel ? — Que lui arriva-t-il en Thessalie ? — Où alla-t-il ensuite ? — Dans quel art excellait-il, et quelles luttes firent éclater sa supériorité ? — Pouvez-vous rapporter l’histoire de Phaéton ? — Où les poëtes placent-ils la demeure du Dieu de la poésie et des arts ? — Qu’était-ce que les Muses, et quelles étaient les attributions de chacune d’elles ? — Dites ce que vous savez de Pégase. — Comment représente-t-on Apollon ?

VI. — Diane. §

Diane, sœur d’Apollon, fille de Jupiter et de Latone, avait trois noms, comme elle avait trois fonctions et trois séjours distincts. On l’appelait Hécate dans les enfers, la Lune19 ou Phœbé au ciel, et Diane sur la terre. C’est de là que viennent les noms de triple Hécate, de Déesse à trois formes, de triple Déesse, que lui donnent souvent les poëtes.

Sous le nom de Diane, elle était considérée comme Déesse de la chasse, et elle habitait constamment les bois, accompagnée d’une troupe de nymphes qui la suivaient sans cesse. On la considère aussi comme la divinité de la pudeur, et elle exigeait si sévèrement l’observation des lois de la décence, qu’un chasseur nommé Actéon ayant pénétré jusqu’à une fontaine dans les eaux de laquelle elle prenait un bain, Diane offensée le métamorphosa en cerf, et il fut aussitôt déchiré par ses propres chiens.

Le culte de cette Déesse était très-honoré par les anciens, qui l’adoraient dans tous les endroits où trois chemins se rencontraient. Elle avait en outre une multitude de temples, dont le plus célèbre, situé à Éphèse20, était regardé comme une des sept merveilles du monde.

On représente Diane en habits de chasse, chaussée de brodequins, avec les cheveux noués derrière la tête et un croissant sur le front ; sa main tient un arc, et un carquois est attaché à son épaule ; une meute de chiens la suit en courant. Quelquefois aussi on la montre sur un char traîné par des biches ; cet animal lui était consacré.

Questions. §

Qu’est-ce que Diane, et quels sont les différents noms qu’on lui donne ? — Sous le nom de Diane, quelles étaient ses fonctions sur la terre ? — Quel culte lui rendait-on ? — Comment la représente-t-on ?

VII. — Bacchus. §

Bacchus, Dieu du vin, était fils de Jupiter et de Sémélé, fille de Cadmus, roi d’Athènes.

Junon, toujours outrée contre ses rivales, inspira à Sémélé, pendant sa grossesse, le désir de voir Jupiter dans tout l’éclat de sa gloire. Après avoir longtemps résisté, le maître du tonnerre se rendit à ses vœux imprudents ; mais le spectacle de sa grandeur ne pouvait être supporté par de simples mortels ; la foudre qu’il tenait en main mit le feu au palais de Sémélé, qui périt dans l’incendie. Pour sauver son fils, Jupiter le porta dans sa cuisse jusqu’à ce que le terme de sa naissance fût arrivé. Il le fit élever en cachette avec le secours des Hyades, qu’il plaça depuis dans le ciel, pour les récompenser21. Le vieux Silène, satyre plein de science et de gaieté, fut chargé de l’éducation du jeune Dieu.

Quand il fut devenu grand, Bacchus se rendit célèbre par son courage, et fut considéré comme le plus puissant des Dieux après Jupiter. Seul de tous les habitants de l’Olympe il osa rester auprès de son père lorsque les géants escaladèrent le ciel, et, sous la figure d’un lion, il combattit avec une héroïque valeur.

Plus tard il fit la conquête de l’Inde, qu’il envahit à la tête d’une armée composée d’hommes et de femmes armés seulement de thyrses22, de cymbales et de tambours. Il vint ensuite en Égypte, où il apprit aux hommes à cultiver la terre, et leur enseigna l’art de faire le vin. Dans toutes ses courses, il était suivi de Pan, de Silène et des satyres. On dit que les honneurs du triomphe, le diadème et les ornements royaux furent inventés par lui.

Bacchus exigeait impérieusement les honneurs divins, et punit souvent de la manière la plus sévère ceux qui se refusaient au culte qui lui était dû. Penthée, roi de Thèbes, et Lycurgue, roi de Thrace, ayant nié sa divinité, le premier fut changé en sanglier et massacré par ses propres parents ; le second tomba en proie à de si violents accès de fureur, qu’il se mutila lui-même et se coupa les jambes. Les Minéides ou filles de Minée, habiles ouvrières qui excellaient dans l’art de faire de la tapisserie, n’ayant pas voulu interrompre leurs travaux tandis que l’on célébrait les fêtes du Dieu du vin, furent métamorphosées en chauves-souris.

Les cérémonies consacrées à Bacchus se nommaient Bacchanales ou Orgies, et se célébraient par toute espèce de débauches. Les bacchantes ou prêtresses du Dieu parcouraient les campagnes, vêtues de peaux de tigres, tout échevelées, portant des thyrses, des torches et des flambeaux, et poussant des hurlements effroyables ; on lui sacrifiait des ânes et des boucs.

Bacchus était encore adoré sous d’autres noms ; les Égyptiens le désignaient sous celui d’Osiris, les Indiens sous celui de Dionysius, et les Romains lui avaient donné le surnom de Liber.

Il épousa Ariane, fille de Minos, roi de Crète, que Thésée avait abandonnée dans l’île de Naxos. Cette princesse avait une couronne d’or que Bacchus plaça dans le ciel, entre la constellation du Dragon et celle du Serpent.

On représente ordinairement Bacchus sous les traits d’un jeune homme sans barbe ; quelquefois on lui place des cornes sur la tête ; il est couvert d’une peau de bouc, et tient à la main une coupe et un thyrse ; il est assis sur un tonneau, ou dans un char traîné par des panthères, des tigres et des lynx, qui rappellent la fureur et la brutalité que l’abus du vin peut inspirer. La pie lui était consacrée.

Questions. §

Qu’est-ce que Bacchus ? — Par quelle particularité sa naissance fut-elle marquée ? — Sous quel rapport devint-il célèbre dès sa jeunesse ? — Quels pays parcourut-il en conquérant ? — Comment ce Dieu punit-il ceux qui n’honoraient pas son culte ? — Comment célébrait-on ses fêtes ? — N’avait-il pas plusieurs noms ? — Quelle fut son épouse ? — Comment le représente-t-on ?

VIII. — Mercure. §

Mercure, fils de Jupiter et de Maïa, l’une des Pléiades, était le ministre et le messager de toutes les divinités, mais particulièrement de son père. C’était lui qui était chargé de conduire les âmes dans les enfers et de les en ramener. On le considérait en outre comme le Dieu de l’éloquence, des voyageurs, du commerce et des voleurs. Interprète et confident des Dieux, il dirigeait leurs intrigues, intervenait dans les traités de guerre et de paix, présidait aux jeux et assemblées, et répondait aux harangues publiques.

Dès sa jeunesse il donna des preuves de son adresse au vol en dérobant le sceptre de Jupiter, le trident de Neptune, l’épée de Mars et la ceinture de Vénus. Pour le punir, son père l’exila sur la terre ; mais Mercure s’y livra encore à son penchant favori : ayant rencontré parmi les hommes Apollon, proscrit comme lui, qui gardait les troupeaux d’Admète, il lui enleva, sans qu’il s’en aperçût, ses armes et sa lyre.

Il vola même les troupeaux que gardait Apollon, et alla les cacher dans une caverne voisine ; ayant été vu par un paysan nommé Battus, il lui fit don d’une vache pour prix de son silence. Cependant, pour éprouver la discrétion de son complice, il revint bientôt après sous une autre forme, et s’informa de lui s’il avait aperçu les animaux dérobés, lui offrant deux vaches s’il lui en donnait des nouvelles ; Battus ne put résister à une si forte tentation, et dévoila le secret de la retraite du voleur ; Mercure irrité le changea en pierre de touche.

Apollon fut d’abord très-irrité de se voir ainsi dépouillé ; mais l’inimitié ne fut pas longue entre les deux divinités déchues : Mercure, qui ne voulait que prouver son adresse, rendit les troupeaux à Apollon, et lui fit don en outre d’une lyre à neuf cordes qu’il venait de fabriquer de l’écaille d’une tortue. En retour, Apollon donna à son frère une baguette qui avait la puissance d’apaiser les dissensions et les querelles ; Mercure ayant vu deux serpents qui se battaient voulut faire essai de son talisman, et jeta entre eux sa baguette magique, qui fit aussitôt cesser le combat. Depuis ce moment on a donné pour attribut à Mercure un caducée, c’est-à-dire un bâton orné de deux ailerons, et autour duquel s’enroulent deux serpents. C’est un symbole de paix et d’union.

Mercure apprit aux hommes à faire des échanges et à se servir pour le commerce de poids et de mesures, ce qui le fit considérer comme le patron des marchands. Il inventa aussi la lutte et les autres exercices gymnastiques, et les athlètes l’invoquaient comme leur protecteur.

Ce fut lui qui, par l’ordre de Jupiter, trancha la tête d’Argus, attacha sur le Caucase Prométhée, qui avait osé dérober le feu céleste, et délivra Mars de la prison où l’avaient enfermé les géants.

On représente Mercure sous la figure d’un jeune homme qui semble courir ou planer dans les airs : il porte des ailes aux talons et à son bonnet ; il tient d’une main son caducée et une bourse dans l’autre. Quelquefois on figure des chaînes d’or qui, sortant de sa bouche, vont enchaîner les oreilles de ceux qui l’écoutent, pour exprimer le pouvoir de l’éloquence23.

Questions. §

Qu’est-ce que Mercure, et quelles étaient ses fonctions ? — A quels penchants se laissa-t-il entraîner dès sa jeunesse ? — En quelle circonstance changea-t-il un paysan en pierre de touche ? — Quels gages d’amitié échangea-t-il avec Apollon ? — Quels arts enseigna-t-il aux hommes ? — Quelles missions principales accomplit-il par l’ordre de Jupiter ? — Comment le représente-t-on ?

IX. — Vénus. §

Vénus ou Cypris était la Déesse de la beauté. Les poëtes ne sont pas d’accord sur son origine : suivant les uns, elle était fille du Ciel et de la Terre ; suivant d’autres, elle doit le jour à Jupiter et à la nymphe Dionée ; la plupart prétendent qu’elle fut formée de l’écume de la mer, et que les flots la déposèrent sur l’île de Cythère24. Les Heures25 furent chargées du soin de l’élever, et bientôt après elles la conduisirent avec pompe dans l’Olympe.

Les Dieux la trouvèrent si belle, que chacun d’eux voulut l’épouser. Mais Jupiter la donna à Vulcain, comme une récompense du service que ce Dieu lui avait rendu en forgeant les foudres qui l’avaient rendu vainqueur des géants. Vénus, frappée de sa laideur, ne l’accepta qu’avec répugnance. Elle eût préféré Mars, le Dieu de la guerre, ou Bacchus, ou Adonis, jeune chasseur d’une grande beauté, qui fut tué par un sanglier, et du sang duquel Vénus fit naître l’anémone.

Les poëtes ont épuisé leur imagination pour peindre cette Déesse sous les dehors les plus séduisants ; non contents de lui avoir prodigué tous les charmes de la beauté la plus parfaite, ils prétendent qu’elle possédait une ceinture divine, tissu merveilleux qui ajoutait à ses attraits un pouvoir irrésistible.

Vénus eut un grand nombre d’enfants ; les plus célèbres sont Cupidon, l’Hymen, Enée, les Jeux, les Ris et les Plaisirs, qui, sous la forme de petits génies ailés, suivaient partout leur mère, et faisaient l’ornement de sa cour. Vénus donna aussi le jour aux trois Grâces, Aglaé, Thalie et Euphrosine ; ces divinités, qui présidaient à tous les arts de goût et d’agrément, ainsi qu’aux qualités aimables qui font le charme de la vie sociale, sont habituellement représentées sous la figure de trois jeunes filles dont les bras sont entrelacés.

Le culte de Vénus était honoré partout ; on ne lui sacrifiait pas de victimes vivantes, mais ses fêtes étaient souvent l’occasion de honteux excès. Ses temples les plus renommés étaient ceux de Paphos, d’Amathonte, d’Idalie26, de Gnide27, de Cythère, et du mont Eryx en Sicile.

On représente Vénus sous les traits d’une femme d’une grande beauté, portant sur ses cheveux blonds une couronne de myrte et de roses, et assise sur un char en forme de conque marine, que traînent des colombes, des cygnes ou des moineaux. La colombe et la rose lui étaient consacrées28.

Questions. §

Qu’est-ce que Vénus, et quelle est son origine suivant la Fable ? — Comment devint-elle l’épouse de Vulcain ? — Quels avantages les poëtes ont-ils accordés à Vénus ? — Quels furent ses enfants les plus connus ? — Comment honorait-on son culte ? — Comment la représente-t-on ?

X. — Vulcain. §

Vulcain, fils de Jupiter et de Junon, était le Dieu du feu. Il vint au monde si laid et si difforme, que Jupiter, ne pouvant supporter sa vue, le précipita d’un coup de pied hors des demeures célestes. Après avoir mis un jour entier à parcourir l’espace qui sépare le ciel de la terre, Vulcain tomba dans l’île de Lemnos29, dont les habitants le recueillirent et l’élevèrent. Dans sa chute il s’était cassé une jambe, et resta toujours boiteux des suites de cet accident.

Vulcain se fit bientôt remarquer par son adresse et son industrie ; le premier il apprit aux hommes à forger le fer, et devint lui-même un très-habile ouvrier. Ce fut lui qui forgea les foudres au moyen desquels Jupiter put écraser les géants, et le père des Dieux l’en récompensa en lui donnant Vénus pour épouse.

Il avait établi ses forges dans les îles de Lemnos, de Lipari30, et dans les cavernes du mont Etna. Ce fut dans ces ateliers souterrains que les divers métaux, rougis dans d’immenses fournaises, furent pour la première fois façonnés et polis. Vulcain était aidé dans ses travaux par les Cyclopes, ses ouvriers, géants d’une force prodigieuse qui n’avaient qu’un œil au milieu du front. Les plus célèbres de ces habiles forgerons sont : Polyphème leur chef, Brontès, Sterops, Pyrachmon, qui étaient chargés de fabriquer les foudres.

La Fable a attribué à Vulcain tous les chefs-d’œuvre célèbres dans l’antiquité, tels que le sceptre de Jupiter et celui d’Agamemnon ; les pantoufles d’aimant au moyen desquelles Jupiter suspendit Junon dans les airs, après la révolte des Dieux ; les armes de Mars ; le trident de Neptune ; le collier de Vénus ; la statue de Pandore ; le bouclier d’Achille ; l’armure d’Énée, etc.

On représente Vulcain sous les traits repoussants d’un petit homme contrefait, noirci par la fumée de la forge, à la barbe longue et négligée ; sa tête est couverte d’un bonnet, sa poitrine nue, et il tient à la main des tenailles et un marteau.

Questions. §

Qu’est-ce que Vulcain, et quels accidents signalèrent sa naissance ? — Par quels talents se fit-il remarquer ? — Où avait-il établi ses ateliers, et quels étaient ses compagnons de travail ? — Quels ouvrages célèbres lui attribue la Fable ? — Comment le représente-t-on ?

XI. — Neptune. §

Neptune, Dieu de la mer, était le deuxième fils de Saturne et de Cybèle, et par conséquent le frère de Jupiter, avec qui il partagea l’empire du monde.

Ayant pris part à la conspiration des Dieux contre Jupiter, il fut exilé sur la terre avec Apollon, et réduit à travailler pour le roi Laomédon, qui venait de fonder Troie. Ce fut le Dieu proscrit qui fit élever les murailles de cette ville, ainsi que les digues qui la défendaient contre les invasions des eaux. Laomédon lui avait promis de magnifiques récompenses ; mais lorsque Neptune eut achevé cet immense travail, il réclama vainement son salaire, et le roi, renouvelant sans cesse ses frivoles promesses, différait toujours de s’acquitter. Neptune, irrité de cette mauvaise foi, souleva des orages et suscita des monstres marins qui détruisirent tous ses ouvrages, et répandirent la désolation sur les rivages troyens.

Rentré en grâce auprès de Jupiter, il épousa Amphitrite, fille de l’Océan ; cette nymphe montra d’abord une grande répugnance pour le maître des eaux ; mais Neptune lui députa deux dauphins qui la trouvèrent au pied du mont Atlas, et qui, l’ayant persuadée par leur éloquence, la conduisirent à son époux sur un char en forme de coquille.

Lorsque Cécrops eut bâti Athènes31, Neptune et Minerve se disputèrent le droit de donner un nom à cette ville. L’assemblée des Dieux décida que cet honneur appartiendrait à celui des deux rivaux qui créerait l’objet le plus utile au genre humain. Minerve fit aussitôt sortir de terre un olivier tout fleuri ; d’un coup de son trident Neptune fit naître un cheval ; ce fut la déesse qui l’emporta.

Après avoir formé le cheval, Neptune enseigna aux hommes l’art de dompter cet animal et de le dresser aux différents usages auxquels il peut être employé.

Aussi célébrait-on ses fêtes par des courses de chevaux et de chariots. Les jeux Isthmiens à Corinthe et les Consuales à Rome lui étaient consacrés ; on lui immolait le cheval et le taureau. Le culte de Neptune était très-honoré, car ce Dieu était redoutable. Outre l’empire souverain sur les mers, les fleuves, les lacs et toutes les eaux, on lui reconnaissait une grande puissance sur les îles, les presqu’îles, et les terres qui avoisinent les rivages. C’est encore à lui qu’on attribuait les tremblements de terre.

Neptune eut un grand nombre d’enfants, parmi lesquels on remarque les Tritons, dont nous parlerons plus tard, et les Harpies, monstres hideux qui portaient la famine partout où ils passaient, et qui infectaient tout ce qu’ils touchaient. La Fable prétend qu’elles avaient une tête de femme, des oreilles d’ours, le corps d’un vautour, des ailes de chauve-souris, et des griffes aux pieds et aux mains. Les plus connues se nommaient Aello, Ocypète et Celeno.

On représente Neptune sous les traits d’un vieillard à longue barbe, ayant pour sceptre un trident ; porté sur les flots dans un char en forme de coquille, traîné par des chevaux marins, et environné de toutes les divinités des eaux.

Amphitrite est représentée sur un char de même forme, et avec les mêmes attributs, moins le trident.

Questions. §

Qu’est-ce que Neptune ? — Pourquoi fut-il chassé du ciel, et comment employa-t-il le temps de son exil ? — Quelle fut son épouse ? — A quelle occasion eut-il un différend avec Minerve, et quelle en fut l’issue ? — Quel art Neptune enseigna-t-il aux hommes ? — Comment célébrait-on ses fêtes, et quelle puissance lui attribuait-on ? — Neptune eut-il des enfants ? — Comment le représente-t-on ?

XII. — Pluton. §

Pluton, Dieu des Enfers, était le troisième fils de Saturne et de Cybèle, et le frère de Jupiter et de Neptune.

La laideur de Pluton et l’horreur qu’inspirait le séjour des morts dont l’empire lui était échu en partage, empêchèrent longtemps ce Dieu de trouver une compagne. Voyant ses vœux repoussés par les mortelles comme par les Déesses, il prit le parti d’enlever de vive force Proserpine, fille de Cérès ; il la surprit un jour occupée avec ses compagnes à cueillir des fleurs dans les prairies d’Enna en Sicile, et l’entraîna, malgré ses cris, sur un char d’ébène ; puis, ayant entrouvert la terre d’un coup de son sceptre, le farouche ravisseur disparut avec sa proie dans les profondeurs de son ténébreux royaume.

Proserpine s’attacha cependant à son époux et devint la reine des Enfers ; l’antiquité honorait son culte en cette qualité. On lui donnait aussi le nom d’Hécate ; le narcisse et le pavot lui étaient consacrés.

On représente Pluton avec une barbe épaisse et des traits durs et menaçants, assis sur un trône d’ébène ou sur un char traîné par des chevaux noirs. Sa couronne est noire, sa main droite soutient un sceptre terminé par une fourche à deux pointes ; on lui met une clef dans la main gauche. On ne lui éleva jamais aucun temple, et on ne lui sacrifiait que des animaux noirs ; le cyprès lui était consacré.

Questions. §

Qu’était-ce que Pluton ? — Quels moyens employa-t-il pour se procurer une compagne ? — Quelle fut la suite de cette union ? — Comment représente-t-on Pluton ?

XIII. — Minerve. §

Minerve, Déesse de la sagesse et des arts, sortit, dit-on, tout armée et âgée de vingt ans, du cerveau de Jupiter. On la considère aussi comme Déesse de la guerre ; et alors elle prend le nom de Bellone ; on l’appelle aussi Pallas, du nom d’un des Titans qu’elle tua lorsque ces fils de la Terre voulurent escalader le ciel.

On fait honneur à Minerve des plus ingénieuses et des plus utiles découvertes ; ce fut elle qui fît connaître aux hommes l’écriture, la peinture, l’usage des chiffres et du calcul, l’art de filer la laine, de tisser et de broder les étoffes.

Elle se montrait même jalouse de sa supériorité dans les travaux à l’aiguille, car, ayant appris qu’une jeune fille de la ville de Colophon nommée Arachné se vantait de broder aussi habilement qu’elle, la Déesse irritée déchira l’œuvre de sa rivale. Arachné, désespérée d’avoir reçu un tel affront, alla se pendre. Minerve lui rendit la vie ; mais elle la métamorphosa en araignée.

Minerve eut un différend célèbre avec Neptune, qui lui disputait l’honneur de donner un nom à la ville que Cécrops venait de bâtir. La création de l’olivier assura l’avantage à la déesse, qui nomma la ville Athènes, et depuis ce temps l’olivier, symbole de la paix, lui fut consacré.

On représente cette Déesse avec des traits qui respirent une douce majesté ; son front est couvert d’un casque ; sa main droite tient une lance, sa main gauche s’appuie sur un bouclier ; sa poitrine est protégée par l’égide, espèce de cuirasse impénétrable formée de la peau de la chèvre Amalthée, et portant la tête de Méduse32, qui avait le pouvoir de pétrifier ceux qui la regardaient. A ses pieds est une chouette, son oiseau favori33.

Questions. §

Qu’est-ce que Minerve, et quels autres noms lui donne-t-on ? — Par quelles inventions mérita-t-elle la reconnaissance des humains ? — Ne se montrait-elle pas jalouse de ses talents ? Quel différend eut-elle avec Neptune ? — Comment la représente-t-on ?

XIV. — Mars. §

Junon, jalouse de ce que Jupiter avait donné naissance à Pallas en la tirant de son cerveau, voulut de son côté avoir un fils qui lui fût propre, et elle mit au monde Mars, qui fut le Dieu de la guerre.

Ce fut ce Dieu qui le premier façonna en armes meurtrières le fer, qui jusqu’alors n’avait servi qu’à féconder le sein de la terre ; ce fut encore lui qui enseigna aux hommes l’art de l’attaque et de la défense, et qui soumit à des règles régulières la science de la guerre.

En visitant l’Attique, il apprit que sa fille Alcippa était accablée d’outrages par le cruel Hallirothius, fils de Neptune. Enflammé de colère, il arracha la vie à ce lâche oppresseur. Poursuivi pour ce fait par Neptune devant le tribunal des Dieux, il plaida sa cause lui-même, et fut absous.

Alectryon, un des favoris de Mars, l’ayant laissé surprendre un jour qu’il était placé en sentinelle, le Dieu le métamorphosa en coq ; depuis, cet animal lui fut consacré.

La nation belliqueuse des Romains voulut se mettre sous la protection immédiate du Dieu des batailles, et la Fable prétendait que Romulus et Rémus étaient issus de l’union de Mars avec Rhea Silvia, fille de Numitor, roi d’Albe. Aussi le culte du fils de Junon était-il plus honoré à Rome que partout ailleurs ; Numa Pompilius lui consacra douze prêtres nommés saliens parce qu’ils célébraient leurs fêtes en sautant et en dansant ; ils étaient chargés de veiller à la conservation des anciles, ou boucliers sacrés que l’on disait être tombés du ciel, et auxquels on croyait que la destinée de l’empire romain était attachée.

On représente Mars avec des traits menaçants et armé de pied en cap ; il tient une lance d’une main et un bouclier de l’autre. Quelquefois on le place sur un char traîné par deux chevaux qu’il dirige lui-même, ou qui sont conduits par sa sœur Bellone.

Questions. §

Comment Mars vint-il au monde, et quelles étaient ses attributions ? — Quel art enseigna-t-il aux hommes ? — A quel sujet fut-il traduit par Neptune devant le tribunal des Dieux ? — Comment punit-il Alectryon de sa négligence ? — Les Romains ne lui rendaient-ils pas un culte particulier ? — Comment le représentait-on ?

XV. — Cérès. §

Cérès, fille de Saturne et de Cybèle, est la Déesse de l’agriculture et des moissons.

La disparition de Proserpine, que Pluton avait enlevée, la jeta dans un profond désespoir : elle alluma deux torches au feu du mont Etna, et se mit à parcourir la terre, la nuit comme le jour, décidée à ne pas se reposer qu’elle n’eût découvert la destinée de sa fille.

En traversant l’Attique, elle s’arrêta chez Céléus, roi d’Éleusis. Pour récompenser ce prince de son hospitalité généreuse et empressée, elle rendit la santé à son jeune fils Triptolème, se chargea du soin de son éducation, et lui enseigna l’art de labourer, de semer, de récolter, et de faire le pain. Elle lui fit ensuite présent d’un char attelé de deux dragons, au moyen duquel il parcourut la terre en instruisant les hommes des secrets de l’agriculture. Plus tard, Triptolème fonda dans sa patrie un temple et des fêtes en l’honneur de la Déesse des moissons.

Enfin Cérès, qui avait vainement parcouru le monde entier, apprit de la nymphe Aréthuse que Proserpine partageait le trône de Pluton. Elle alla aussitôt se jeter en pleurant aux pieds de Jupiter et lui redemander sa fille. Le maître de l’Olympe, touché de sa douleur, s’engagea à la lui faire rendre, pourvu qu’elle n’eût pris aucun aliment depuis qu’elle habitait le sombre royaume des morts. Mais Ascalaphe affirma qu’il avait vu Proserpine cueillir une grenade dans les jardins de son époux et en manger sept grains. Indignée de cette dénonciation, Cérès changea Ascalaphe en hibou. Cependant, pour consoler cette mère désolée, Jupiter ordonna que Proserpine passerait chaque année six mois avec elle, et six mois avec son époux.

On avait élevé en l’honneur de Cérès plusieurs temples très-célèbres ; ses fêtes se célébraient avec de grands mystères et un appareil effrayant ; ceux qui troublaient ces cérémonies ou qui divulguaient ce qu’ils en savaient étaient punis de mort. On lui immolait des porcs.

On représente cette déesse entourée d’instruments aratoires, quelquefois sur un char traîné par deux dragons, couronnée d’épis, tenant une faucille dans une main, et dans l’autre une gerbe d’épis et de pavots34.

Questions. §

Qu’était-ce que Cérès ? — N’éprouva-t-elle pas un violent chagrin au sujet de sa fille Proserpine ? — Que lui arriva-t-il dans l’Attique ? — Parvint-elle enfin à retrouver sa fille ? — Quel culte lui rendait-on ? — Comment la représentait-on ?

Deuxième partie.
Divinités du second ordre §

[Introduction.] §

Au-dessous des Dieux principaux ou du premier ordre, dont le pouvoir était considéré comme supérieur, le paganisme reconnaissait d’autres Dieux et Déesses auxquels on attribuait une autorité secondaire. Le nombre en était infini ; l’imagination des poëtes en avait peuplé le ciel, la terre et les eaux. Chaque homme avait même sa divinité particulière.

On divise ces divinités inférieures en terrestres, champêtres, maritimes, domestiques, infernales et allégoriques. Nous allons faire connaître successivement les plus célèbres, car il serait impossible de les indiquer toutes.

Questions. §

La Fable ne reconnaissait-elle pas des divinités d’un rang inférieur aux Dieux suprêmes ? — Comment divise-t-on ces divinités du second ordre ?

Chapitre premier.
Divinités terrestres. §

Thémis. §

Thémis, fille du Ciel et de la Terre, mère de la Loi et de la Paix, était la Déesse de la justice.

On la représente tenant une balance d’une main et un glaive de l’autre ; elle a sur les yeux un bandeau qui indique qu’elle ne doit se laisser influencer par aucune considération étrangère aux affaires dans lesquelles elle est appelée à prononcer ; un lion est couché à ses pieds. Jupiter plaça ses balances dans le ciel, et en fit l’un des signes du Zodiaque.

Questions. §

Qu’est-ce que Thémis ? — Comment la représente-t-on ?

Plutus. §

Plutus, fils de Cérès et de Jasion, était le Dieu des richesses. Il présidait aussi aux mines d’or et d’argent qui se trouvent dans les entrailles de la terre ; c’est pourquoi quelques poëtes le confondent avec Pluton, bien qu’en général on le considère seulement comme le ministre de ce Dieu.

On prétend que dans sa jeunesse il ne distribuait ses dons qu’au mérite et au talent, aux gens sages et vertueux ; mais Jupiter l’ayant depuis privé de la vue, il les accorde maintenant sans discernement à celui qui les mérite comme à celui qui en est indigne, au bon comme au méchant.

Les anciens représentaient Plutus sous les traits d’un vieillard aveugle tenant une bourse à la main ; ils disaient qu’il était boiteux pour venir et qu’il avait des ailes pour s’enfuir, voulant exprimer par-là que les richesses étaient aussi faciles à dissiper que difficiles à acquérir.

Questions. §

Qu’était Plutus ? — Comment distribuait-il ses faveurs ? — Sous quelle forme le représentait-on ?

Momus. §

Momus était le Dieu de la raillerie et du sarcasme. Il ne faisait autre chose que de critiquer avec la plus grande liberté toutes les actions des autres Dieux.

Neptune ayant créé le taureau, Momus trouva que les cornes auraient dû être placées près des yeux, pour que leurs coups fussent mieux dirigés ; Minerve avait construit une maison, Momus la trouva mal imaginée, en ce qu’on ne pouvait la transporter plus loin quand on avait un mauvais voisin ; Vulcain lui présenta un homme, et Momus s’écria qu’on aurait dû lui mettre une petite fenêtre devant le cœur, pour que sa véritable pensée pût toujours être connue. Ne trouvant rien à reprendre dans la personne de Vénus, il se moqua de sa chaussure ; enfin il trouvait toujours matière à exercer sa verve satirique. On représente ce Dieu avec une figure riante, tenant d’une main une marotte, symbole de la folie, et de l’autre un masque qu’il vient d’arracher.

Questions. §

Qu’était-ce que Momus ? — Quels traits cite-t-on pour faire connaître son caractère ? — Comment le représente-t-on ?

Comus. §

Comus présidait aux plaisirs de la table, aux danses, aux réjouissances nocturnes, aux parures et aux toilettes des jeunes gens.

On ne lui avait consacré ni temple ni autel, on ne lui sacrifiait aucune victime ; mais ceux qui voulaient honorer son culte couraient pendant la nuit de maison en maison, masqués et déguisés.

Les peintres lui donnent une figure jeune et enluminée ; il est coiffé d’un bonnet conique orné de fleurs ; une de ses mains tient un flambeau renversé, tandis que l’autre s’appuie sur une longue pique.

Questions. §

Quelles étaient les fonctions de Comus ? — Comment honorait-on son culte ? — Comment le représentait-on ?

Cupidon. §

Cupidon, fils de Vénus, était le Dieu des tendres attachements. Le culte que l’on rendait à sa mère lui était commun.

A peine était-il né, que Jupiter, prévoyant tous les maux dont il serait la cause, ordonna à sa mère de le faire périr ; mais celle-ci le cacha dans une forêt, où il fut nourri du lait des bêtes féroces. Les premiers jouets de son enfance furent un arc de frêne et des flèches de cyprès, avec lesquels il exerçait contre les animaux une adresse qui devait plus tard être fatale aux hommes.

Il épousa Psyché à l’insu de sa mère. Lorsque Vénus fut instruite de cette union, elle fit mourir Psyché à force de persécutions ; mais Jupiter, sur les instances de Cupidon, lui rendit la vie et lui donna l’immortalité.

On représente Cupidon sous la forme d’un enfant ailé, les yeux couverts d’un bandeau et les épaules chargées d’un carquois plein de flèches ; d’une main il tient un arc et de l’autre un flambeau allumé.

Questions. §

Qu’était-ce que Cupidon ? — Comment fut-il élevé ? — Quelle fut son épouse ? — Comment le représente-t-on ?

Hymen. §

Hymen ou Hyménée, fils de Vénus, présidait aux mariages. On le représente sous les traits d’un jeune homme blond, couronné de roses, tenant un flambeau à la main.

Questions. §

Qu’était-ce que l’Hymen ? — Comment est-il représenté ?

Aurore. §

Aurore, fille de Titan et de la Terre, préside à la naissance du jour.

Elle aurait voulu épouser Céphale, et l’enleva dans cette intention ; mais, ayant appris qu’il était l’époux de Procris, fille du roi d’Athènes, elle le rendit à sa femme. Cette princesse, devenue fort jalouse de son mari, alla un jour l’épier dans les bois où il chassait. Céphale l’aperçut, et, la prenant pour quelque animal, il lui décocha une flèche. Il fut si désolé de cet accident, qu’il se perça le cœur du même javelot qui avait donné la mort à Procris.

Aurore épousa Tithon, jeune prince célèbre par sa beauté, fils de Laomédon. Dans l’ardeur de son attachement, elle obtint pour lui qu’il ne mourrait pas ; mais elle avait oublié de demander qu’il fût exempt des maux de la vieillesse ; de sorte qu’ayant atteint un âge fort avancé, Tithon était en proie à des maux et à des infirmités qui lui rendaient la vie insupportable. Il supplia alors Jupiter de le laisser mourir. Le Dieu eut pitié des souffrances de Tithon, et le métamorphosa en cigale.

On représente Aurore franchissant sur un char étincelant le seuil d’un palais de vermeil. Elle porte des ailes, et une étoile brille au-dessus de sa tête ; ses mains répandent des roses dans l’espace.

Questions. §

Qu’est-ce que l’Aurore ? — Quelle influence exerça-t-elle sur le sort de Céphale ? — Quelles furent les suites de son union avec Tithon ? — Comment la représente-t-on ?

Chapitre deuxième.
Divinités champêtres. §

Pan. §

Pan, fils de Démogorgon35, Dieu des bergers et des campagnes, figurait au premier rang parmi les divinités champêtres.

On dit qu’il naquit en Arcadie, où on lui rendait un culte particulier sur les monts Ménale et Lycée. Ce fut Evandre, roi d’Arcadie, qui, fuyant sa patrie, où il avait tué son père par accident, apporta le culte de ce Dieu dans le Latium. Romulus créa en son honneur des fêtes qui furent nommées Lupercales ; pendant qu’on les célébrait, les prêtres de Pan, couverts de la peau des boucs et des chèvres qu’ils avaient immolés, parcouraient les rues de Rome, armés de fouets dont ils frappaient tous ceux qu’ils rencontraient.

Ce Dieu voulut épouser Syrinx, fille du fleuve Ladon ; mais cette Naïade, pour se soustraire à sa poursuite, se changea en roseau. Les soupirs de Pan, pénétrant dans la cavité des fragments de roseaux qu’il avait saisis, formèrent des sons doux et plaintifs ; et de là vint l’invention de la flûte rustique ou des pipeaux, que l’on attribue à Pan.

Plus tard il fut sur le point d’épouser la nymphe Pitys ; mais Borée, qui aspirait aussi à sa main, jaloux de la préférence accordée à son rival, enleva la malheureuse Pitys dans un tourbillon de vent, et la précipita du haut d’un rocher élevé. Les Dieux, sensibles à la douleur de Pan, transformèrent le corps de Pitys en pin, et c’est pourquoi cet arbre est consacré au Dieu des campagnes.

Pan était habile dans le métier de la guerre, et c’est lui qui enseigna aux hommes l’art de ranger une armée en bataille. Ayant accompagné Bacchus dans les Indes, il avait pris une part importante à ses combats et à ses triomphes. On dit qu’il savait inspirer aux troupes ennemies un secret effroi qui les mettait en fuite sans même que le combat fût engagé ; aussi a-t-on nommé terreurs paniques ces alarmes subites, ces frayeurs sans motif qui s’emparent quelquefois des armées. C’est à son secours que l’on attribuait la défaite des Perses à Marathon, et l’épouvante qui se manifesta dans les rangs des Gaulois au moment où ils allaient piller le temple de Delphes.

On représente Pan avec un visage enflammé, des cornes sur la tête, une barbe en désordre, et l’extrémité inférieure du corps semblable à celle d’un bouc. Il tient à la main la flûte à sept chalumeaux, dont il est l’inventeur, et quelquefois une houlette ou une faucille.

Questions. §

Qu’était-ce que Pan ? — Où naquit-il, et quel culte lui rendait-on ? — A quelle occasion inventa-t-il la flûte pastorale ? — Quel fut le sort de la nymphe Pitys qu’il voulait épouser ? — Ne se distingua-t-il pas dans l’art militaire ? — Comment Pan est-il représenté ?

Palès. §

Palès était la divinité tutélaire des bergers, des pâturages et des troupeaux. Quelques auteurs l’ont confondue avec Cybèle et Cérès.

Chaque année, à la fin d’avril, les Romains célébraient en son honneur des fêtes nommées Palilies ; à cette occasion on faisait des libations de vin et de lait, on offrait à la déesse des gâteaux de millet, et l’on promenait les troupeaux autour de son autel. Une autre partie essentielle de la cérémonie consistait à élever à des distances égales un grand nombre de tas de paille auxquels on mettait le feu, et par-dessus lesquels les bergers sautaient en luttant d’adresse et d’agilité.

Palès était représentée avec une couronne de laurier et de romarin mêlée à ses cheveux, et tenant dans ses mains un faisceau de paille.

Questions. §

Qu’était-ce que Palès ? — Par quelles fêtes les Romains l’honoraient-ils ? — Quels sont ses attributs ?

Faune. §

Faune était un roi des aborigènes qui accueillirent favorablement Évandre en Italie. Il fut mis, après sa mort, au nombre des divinités champêtres, en considération des progrès qu’il avait fait faire à l’agriculture. On lui bâtit des temples, qui devinrent fameux par les oracles qu’il y rendait.

Sa femme Fauna, ayant imité ses vertus, fut aussi rangée parmi les Déesses, et les dames romaines l’honoraient sous le nom de la bonne Déesse. Aucun homme n’était admis aux cérémonies qui se célébraient dans son temple.

Faune, étant considéré comme le père et le type de cette nombreuse famille de Faunes, de Satyres et de Sylvains dont les poëtes avaient peuplé les champs et les bois, était représenté comme eux avec des cornes et des jambes de bouc.

Questions. §

Qu’était-ce que Faune ? — N’honorait-on pas sa femme comme une Déesse ? — Comment représentait-on Faune ?

Sylvain. §

Sylvain, fils de Faune, était le Dieu des bois et des forêts.

A Rome, les hommes seuls pouvaient prendre part au culte rendu à Sylvain ; on lui sacrifiait du lait et un cochon.

C’est de son nom qu’on a nommé Sylvains des divinités champêtres qui ne diffèrent en rien des Faunes.

On représente Sylvain sous la figure d’un Satyre tenant en main un jeune cyprès. Cet arbre lui est consacré, soit parce qu’il le cultiva le premier, soit à cause de la nymphe Cyparisse qu’il devait épouser, et qui fut métamorphosée en cyprès par Apollon.

Questions. §

Qu’était-ce que Sylvain ? — En quoi le culte qu’on lui rendait à Rome était-il remarquable ? — Ne donne-t-on pas son nom à de nombreuses divinités ? — Sous quelle figure le représente-t-on ?

Satyres. §

Les Satyres étaient des Dieux d’un ordre inférieur, en très-grand nombre, qui habitaient les forêts, dont ils sont les divinités tutélaires.

Ils formaient le cortége ordinaire de Pan, Dieu des campagnes, et de Bacchus. Les monuments de l’antiquité les montrent aussi souvent dansant autour de Vénus et des Grâces.

On leur donne une figure railleuse, des cornes et des jambes de bouc.

Silène, le plus vieux d’entre eux, qui avait élevé Bacchus, est représenté avec beaucoup d’embonpoint, un nez camard, des oreilles démesurées et un front chauve couronné de lierre ; il est toujours ivre et a peine à se soutenir sur l’âne qui lui sert habituellement de monture.

Questions. §

Qu’étaient les Satyres ? — Quels Dieux accompagnaient-ils ordinairement ? — Sous quelle forme les représente-t-on ? — A quoi peut-on reconnaître Silène ?

Flore. §

Flore n’était d’abord que la nymphe Chloris, qui épousa Zéphire, et à qui ce Dieu donna, avec son nouveau nom, un empire souverain sur les fleurs ; on la considérait aussi comme la Déesse du printemps.

Les prêtresses de cette Déesse célébraient ses fêtes, nommées Florales, en courant nuit et jour et en dansant au son des trompettes, le front couronné de fleurs.

On orne la figure de cette Déesse de guirlandes, et on l’entoure de corbeilles remplies de fleurs.

Questions. §

Qu’était-ce que Flore ? — Comment célébrait-on ses fêtes ? — Avec quels ornements la représente-t-on ?

Vertumne et Pomone. §

Vertumne était le Dieu de l’automne et des vergers.

Il désirait vivement épouser Pomone, qui était la Déesse des fruits ; mais cette Déesse, qui avait déjà refusé de s’unir à plusieurs divinités champêtres, s’était enfermée dans son jardin qu’elle avait fait clore de murs, et où elle s’occupait uniquement de la culture des arbres fruitiers. Vertumne usa de la faculté qu’il avait de prendre toutes les formes, et se présenta successivement, mais toujours inutilement, sous les traits d’un laboureur, d’un moissonneur et d’un vendangeur. Enfin il prit l’aspect d’une vieille femme, et, après avoir, par ses discours, persuadé à Pomone de choisir un mari, il se présenta sous sa forme véritable, et obtint la préférence. Depuis ils devinrent les modèles des époux, et on les représente ordinairement se tenant par la main.

Vertumne est un jeune homme couronné d’épis et de grappes de raisin, tenant dans ses mains des fruits et une corne d’abondance. Pomone porte une couronne de fruits ; elle tient une serpette à la main, et a près d’elle des corbeilles remplies de fleurs et de fruits mûrs.

Questions. §

Qu’est-ce que Vertumne ? — Comment s’unit-il avec Pomone ? — Sous quels traits représente-t-on Vertumne ? — Et Pomone ?

Nymphes champêtres. §

Les Dryades et les Hamadryades étaient des nymphes qui présidaient aux bois et principalement à la conservation des chênes.

Les Dryades étaient immortelles ; elles erraient librement dans les forêts placées sous leur protection, et formaient des danses gracieuses autour des grands arbres.

Les Hamadryades naissaient et mouraient avec le chêne auquel elles étaient identifiées. On ne pouvait mutiler cet arbre sans les blesser ; on ne pouvait l’abattre sans les tuer, et elles punissaient sévèrement ceux qui les attaquaient ainsi. Aussi les anciens ne coupaient-ils les arbres qu’après en avoir éloigné les Hamadryades par des cérémonies que les prêtres accomplissaient.

Il y avait encore les Napées, qui étaient les nymphes des bocages et des prairies ; et les Oréades, celles des montagnes.

Questions. §

Qu’étaient les Dryades et les Hamadryades ? — Quelles étaient les attributions particulières des Dryades ? — Et celles des Hamadryades ? — N’y avait-il pas encore d’autres nymphes champêtres ?

Terme. §

Le Dieu Terme présidait aux limites des champs et des héritages ; il était chargé d’empêcher et de punir les empiétements et les usurpations.

Lorsque Tarquin le Superbe voulut consacrer un temple à Jupiter sur le Capitole, il fit transporter ailleurs tous les temples et les statues qui se trouvaient sur l’emplacement destiné au nouvel édifice. Tous les Dieux cédèrent la place sans résistance au maître du tonnerre ; Terme seul rendit vains tous les efforts que l’on fit pour le déplacer, et resta inébranlable au lieu qu’il occupait. Cette circonstance extraordinaire augmenta beaucoup la vénération que les Romains avaient pour ses droits sacrés.

Le Dieu Terme était souvent figuré par une tuile, une pierre carrée, ou un simple pieu de bois. Quand on le représentait avec des formes humaines, on ne lui donnait ni bras ni jambes, afin qu’il ne pût ni reculer ni avancer.

Questions. §

Qu’est-ce que le Dieu Terme ? — Quelle circonstance augmenta à Rome le respect qu’on lui portait ? — Sous quelle forme le représentait-on ?

Chapitre troisième.
Divinités maritimes. §

L’Océan. §

L’Océan36, fils du Ciel et de Vesta, était le Dieu de la mer.

Il épousa Téthys, déesse de la mer, et cette union donna naissance à un nombre considérable de filles nommées nymphes, et aux divinités des fleuves, des rivières et des fontaines.

On représente l’Océan sous les traits d’un vieillard à longue barbe, assis sur les flots et tenant une pique à la main ; auprès de lui on place habituellement un monstre marin.

Questions. §

Qu’était-ce que l’Océan ? — Quelle union contracta-t-il, et quels en furent les fruits ? — Comment le représente-t-on ?

Téthys. §

Téthys37 fut l’épouse de l’Océan et la mère de toutes les nymphes Océanides.

On la représente ordinairement sur un char en forme de coquille traîné par des dauphins et entouré de Tritons ; sa main droite soutient un sceptre d’or.

Questions. §

Qu’était-ce que Téthys ? — Comment la représentait-on ?

Nérée. §

Nérée, fils de l’Océan et de Téthys, était un dieu marin qui épousa Doris, dont il eut cinquante filles qui furent les nymphes de la mer.

Nérée était célèbre pour sa bonté, sa sagesse, et la connaissance parfaite qu’il avait de l’avenir. Lorsque Pâris traversait la mer, emmenant sur son navire Hélène, qu’il venait d’enlever, Nérée lui apparut au milieu des flots, et lui prédit tous les maux que ce rapt devait attirer sur les Troyens et sur la famille de Priam. Ce fut encore Nérée qui instruisit Hercule de la contrée et de l’endroit où il trouverait les pommes merveilleuses du jardin des Hespérides.

Questions. §

Qu’était-ce que Nérée ? — Par quelles qualités fut-il surtout remarquable ?

Néréides. §

Les Néréides ou filles de Nérée étaient au nombre de cinquante ; c’étaient les nymphes de la mer.

Les plus connues sont : Calypso, qui donna l’hospitalité à Ulysse dans son île d’Ogygie, et Thétis, qui était d’une si grande beauté, que Jupiter, Neptune et Apollon se disputèrent sa main ; mais le Destin ayant déclaré que le fils qui naîtrait d’elle serait plus grand que son père, ces Dieux se retirèrent, et elle épousa Pélée, roi de Phthiotide, en Thessalie, de qui elle eut Achille.

On peint les Néréides comme de jeunes filles portées au sein des flots sur des chevaux marins ; quelquefois on les représente moitié femmes et moitié poissons.

On leur consacrait des autels et des bouquets de bois sur le bord de la mer ; les navigateurs leur sacrifiaient du lait, de l’huile et du miel.

Questions. §

Qu’étaient les Néréides ? — Quelles sont les plus célèbres ? — Leur rendait-on un culte ? — Comment les poëtes et les peintres les ont-ils représentées ?

Naïades. §

Les Naïades, filles de Jupiter, étaient les nymphes qui présidaient aux fleuves, aux rivières et aux fontaines.

On les peint sous les traits de jeunes femmes appuyées sur une urne penchée d’où s’élance un courant d’eau ; elles portent une couronne de roseaux, et de longs cheveux tombent sur leurs épaules.

Questions. §

Qu’étaient les Naïades ? — Comment les représente-t-on ?

Les Sirènes. §

Les Sirènes, filles du fleuve Achéloüs et de la muse Calliope, étaient des nymphes qui accompagnaient Proserpine lorsqu’elle fut enlevée ; on les nomme Leucosie, Ligie et Parthénope.

Après avoir longtemps inutilement cherché et sur la terre et sur la mer la fille de Cérès, elles vinrent se fixer dans la mer de Sicile sur des écueils au milieu desquels elles se plaisaient à faire échouer les navigateurs en les attirant par la douceur de leur chant dans ces passages dangereux.

Ulysse trouva moyen d’échapper à leurs séductions en bouchant avec de la cire les oreilles de ses compagnons, et en se faisant attacher lui-même au mât de son vaisseau.

On les représente ordinairement avec un corps de femme qui se termine en une queue de poisson ; mais il semble plus conforme aux traditions mythologiques de leur donner des ailes et des pattes d’oiseau, car les Dieux leur avaient permis de voler autour de la mer à la recherche de leur compagne disparue. L’une d’elles tient habituellement une lyre, la seconde des tablettes, et la troisième deux flûtes.

Questions. §

Qu’étaient les Sirènes ? — Où avaient-elles fixé leur séjour ? — Comment Ulysse échappa-t-il à leurs séductions ? — Sous quelle forme les représente-t-on ?

Éole. §

Éole, fils de Jupiter, était le Dieu des vents, qu’il tenait enchaînés dans les antres des îles Éoliennes38. S’il n’avait soin de les retenir constamment, leur violence indomptable causerait d’horribles tempêtes et bouleverserait le monde.

Les principaux vents qu’il tient sous ses ordres sont Borée ou le vent du nord, Eurus ou le vent d’orient, Auster ou le vent du midi, et Zéphyr ou le vent d’occident39.

Lorsqu’Ulysse traversa les États d’Éole, ce Dieu lui fit don de quelques outres qui renfermaient des vents captifs ; les compagnons du roi d’Ithaque ayant ouvert les outres par curiosité, les vents qui s’élancèrent de leur prison causèrent un ouragan qui fit périr tous les vaisseaux.

On représente Éole avec un visage ridé et chagrin, des sourcils épais et pendants, des yeux pleins d’un feu sombre et austère, gourmandant de sa voix menaçante les aquilons furieux qui s’agitent autour de lui. Il tient en main un sceptre de fer.

Questions. §

Qu’était-ce qu’Éole ? — Quels étaient les principaux vents qu’il avait sous ses ordres ? — Ne fit-il pas un présent à Ulysse, et quelles en furent les suites ? — Sous quels traits a-t-on coutume de le représenter ?

Protée. §

Protée, fils de l’Océan et de Téthys, était chargé de garder dans les vastes plaines de la mer et sur ses rivages les troupeaux de Neptune.

Il avait reçu de ce Dieu la connaissance parfaite de l’avenir. Mais, pour obtenir de lui la révélation des événements futurs, on était obligé de recourir à l’adresse et à la force. En effet, il fallait le saisir et l’enchaîner pendant qu’il sommeillait à l’ombre de quelque grotte ; alors même il cherchait encore à échapper en prenant toute sorte de formes, en devenant successivement lion, tigre ou dragon, ruisseau limpide, flamme ardente, ou pierre ou roseau. Ce n’était que lorsqu’il désespérait de lasser la persistance de ceux qui l’interrogeaient qu’il consentait à leur dévoiler l’avenir.

Questions. §

Qu’était-ce que Protée ? — N’avait-il pas connaissance de l’avenir, et comment pouvait-on en obtenir la révélation ?

Glaucus. §

Glaucus était un pêcheur de Béotie ; il avait remarqué que les poissons qu’il pêchait reprenaient une nouvelle vigueur et se jetaient à la mer lorsqu’il les posait sur une certaine herbe du rivage. Il eut l’idée de goûter à cette herbe, et aussitôt il se sentit entraîné involontairement au milieu des flots. Là il fut accueilli par les divinités maritimes, qui l’admirent parmi elles.

Glaucus devait épouser la nymphe Scylla ; mais la magicienne Circé, jalouse de leur bonheur, empoisonna la fontaine où Scylla devait aller se baigner. Celle-ci, en sortant de l’eau, se vit transformée en un monstre hideux. Elle en ressentit un si violent désespoir, qu’elle se précipita dans la mer, où elle fut changée en écueil40.

On représente Glaucus avec une longue barbe, des cheveux flottants sur les épaules, et un corps terminé en forme de poisson.

Questions. §

Quelle est l’histoire de Glaucus ? — Ne fut-il pas sur le point d’épouser la nymphe Scylla ? — Comment le représente-t-on ?

Tritons. §

Triton était un fils de Neptune ; on a donné son nom aux nombreuses divinités maritimes qui ont le corps d’un homme terminé depuis la ceinture en forme de poisson, et qui accompagnent ordinairement le char de Neptune, en faisant retentir des trompettes formées de conques marines.

Question. §

Qu’était-ce que Triton ?

Chapitre quatrième.
Divinités domestiques. §

Lares et Pénates. §

Les Lares et les Pénates étaient les divinités particulières à chaque Etat, à chaque famille, à chaque maison.

On en distinguait de publics qui veillaient aux intérêts d’une ville, ou qui présidaient aux places publiques, aux chemins ; et de particuliers qui avaient sous leur surveillance immédiate les affaires intérieures de chaque famille.

Énée doit surtout sa célébrité au soin religieux avec lequel il sauva les Pénates de Troie au milieu de l’incendie qui dévorait cette ville.

A Rome, quand un enfant entrait dans l’adolescence, c’est-à-dire à l’âge de quatorze ans, il consacrait aux Lares la bulla ou le petit ornement en forme de cœur qu’il avait porté jusqu’alors suspendu à son cou. Des esclaves affranchis déposaient leurs chaînes au pied de leurs autels.

On leur rendait un culte continuel dans l’intérieur de chaque maison, et les gens riches leur construisaient chez eux de petites chapelles où l’on entretenait constamment une lampe ; on ne décidait rien d’important sans les avoir consultés. Aussi s’en prenait-on quelquefois à ces divinités des afflictions qui venaient frapper les familles, et on les punissait en les privant de tout honneur ou en brisant leurs images, lorsque leur protection s’était montrée inefficace.

On représentait ces Dieux domestiques sous la forme de statuettes faites de matières variées, et pour lesquelles les personnes opulentes employaient les plus riches métaux. Elles étaient souvent placées auprès du foyer ou derrière la porte.

On leur donnait aussi quelquefois la figure d’un chien ; on les revêtait de la peau de cet animal, pour indiquer leur dévouement et leur fidélité.

Questions. §

Qu’étaient les Lares et les Pénates ? — N’en distinguait-on pas plusieurs espèces ? — Comment Énée montra-t-il son respect envers ces divinités ? — Quel usage observait-on à Rome à leur égard ? — Comment les honorait-on ? — Sous quelle figure les représentait-on ?

Génies. §

Les Génies étaient des divinités attachées à chaque homme, qui le suivaient depuis sa naissance jusqu’à sa mort, et qui présidaient à toute sa destinée. On reconnaissait aussi des Génies spéciaux à chaque peuple, à chaque pays.

Il y avait des Génies blancs et des Génies noirs : les premiers, esprits bienfaiteurs, inspiraient aux hommes toutes leurs bonnes résolutions et ne les excitaient qu’au bien ; les autres les poussaient au mal. Les hommes étaient donc bons ou mauvais, suivant qu’ils obéissaient à leur bon ou à leur mauvais Génie. On représentait le bon Génie sous les traits d’un jeune homme à la figure riante, tenant une coupe d’une main, et de l’autre une corne d’abondance. Le mauvais Génie, au contraire, se reconnaissait à son front chagrin, à son œil menaçant, et au fouet dont il était armé.

Questions. §

Qu’étaient les Génies ? — En distinguait-on plusieurs espèces ? — Comment les représentait-on ?

Chapitre cinquième.
Les Enfers et les divinités infernales. §

Nous avons parlé plus haut (p. 45) de Pluton, Dieu des Enfers. Avant de faire connaître les autres Dieux infernaux, nous allons parcourir les lieux qu’ils habitaient.

Les Enfers. §

Les poëtes représentent les Enfers comme un lieu souterrain où les âmes se rendaient après la mort pour être jugées suivant leurs œuvres.

Les Enfers se divisaient en deux parties distinctes : les Champs-Elysées, lieux de délices où régnait un printemps éternel, où les ombres des hommes justes jouissaient d’un bonheur parfait ; et le Ténare ou Tartare, où les méchants enduraient la punition de leurs crimes.

Minos, ancien roi de Crète, Eaque, ancien roi d’Egine, et Rhadamanthe, ancien roi de Lycie, qui tous les trois s’étaient fait remarquer par la sagesse avec laquelle ils avaient gouverné leurs peuples, étaient les juges devant lesquels Mercure conduisait les âmes, et qui, après avoir pesé leurs bonnes et leurs mauvaises actions, décidaient du sort qui leur était réservé dans l’autre vie.

Cinq fleuves entouraient de leurs eaux profondes le royaume des morts : le Styx était le plus célèbre de tous ; il repassait neuf fois autour des Enfers ; les Dieux eux-mêmes avaient un tel respect pour ce fleuve, que, lorsqu’ils avaient juré par ses ondes, ils ne pouvaient violer ce serment sans s’exposer à perdre leur pouvoir pour longtemps, et à être chassés de l’Olympe.

L’Achéron était un fils du Soleil et de la Terre qui avait été changé en fleuve pour avoir fourni de l’eau aux Titans lors de leur attaque contre Jupiter. Ses eaux étaient bourbeuses et amères.

Le Cocyte entourait le Tartare, et n’était alimenté que par les larmes des méchants.

Le Léthé, ou fleuve d’oubli, coulait dans les Champs-Elysées, et avait la vertu de faire oublier le passé à ceux qui buvaient de ses eaux. Les ombres étaient obligées d’en boire lorsque, après être restées mille ans dans les enfers, elles allaient habiter d’autres corps. Elles perdaient ainsi la mémoire de leur première existence et du temps qu’elles avaient passé dans l’Enfer.

Le Phlégéthon roulait autour du Tartare des ondes enflammées.

Caron, fils d’Érèbe et de la Nuit, était un vieux nautonier rude et grossier, qui, l’aviron à la main, faisait traverser les fleuves infernaux aux ombres qui se présentaient sur leurs bords. Il ne recevait dans sa barque que celles qui avaient une pièce de monnaie à lui donner ; celles qui ne pouvaient payer ce tribut erraient pendant cent ans sur les bords désolés du Styx ou de l’Achéron. C’était par suite de cette croyance que les peuples de l’antiquité avaient coutume de placer une obole dans la bouche des morts.

Cerbère était un chien monstrueux, à trois têtes, qui était chargé de garder l’entrée de l’Enfer et du palais de Pluton. Il accueillait avec joie les ombres qui entraient dans les Enfers, mais il dévorait celles qui tentaient d’en sortir, de même que les vivants qui voulaient y pénétrer. Cependant Orphée l’endormit au son de sa lyre, lorsqu’il alla chercher Eurydice dans le sombre empire de Pluton ; Énée le soumit de la même manière, au moyen d’un gâteau préparé par la Sibylle ; et Hercule l’enchaîna et s’en fit suivre quand il alla arracher Alceste des enfers.

Questions. §

Comment les poëtes représentent-ils les Enfers ? — Ne les divisait-on pas en plusieurs parties ? — Quels étaient les juges chargés de prononcer sur le sort des ombres ? — Quels étaient les fleuves qui entouraient de leurs eaux le royaume des morts ? — Qu’était-ce que Caron ? — Et Cerbère ?

Le Tartare. §

Le Tartare était un lieu d’horreur et de misère, situé au fond des Enfers, entouré des ondes enflammées du Phlégéthon et d’une triple enceinte de murailles, où les mânes des hommes coupables souffraient d’horribles tourments.

Les Furies ou Euménides, ministres de la vengeance divine, étaient chargées de tourmenter les malheureux habitants du Tartare, et leur cruel génie leur inspirait sans cesse de nouveaux supplices. On les nommait Alecton, Mégère et Tisiphone ; on les représentait coiffées de couleuvres et tenant en leurs mains des serpents et des torches ardentes. Tisiphone, armée d’un fouet, veillait sans cesse près des portes de diamant du Tartare, et empêchait les condamnés d’en sortir.

Tantale était un des plus célèbres habitants du Tartare. Ce prince, qui avait régné en Phrygie et en Lydie, ayant reçu dans son palais les Dieux qui voyageaient sur la terre, et voulant éprouver leur divinité, leur avait servi dans un repas les membres de son fils Pélops qu’il avait fait couper par morceaux. Pour le punir de cette horrible cruauté, Jupiter le condamna à souffrir éternellement de la faim et de la soif, au milieu de tout ce qui peut exciter et satisfaire ces deux besoins. Mercure le plongea jusqu’au menton dans un lac dont les eaux transparentes fuyaient sans cesse ses lèvres avides ; au-dessus de sa tête des arbres pliaient sous le poids de fruits délicieux qui semblaient être à sa portée ; mais les branches se redressaient dès qu’il en approchait la main, et échappaient constamment aux efforts qu’il faisait pour les saisir.

Sisyphe, fils d’Éole, qui avait désolé l’Attique par ses brigandages, et qui avait succombé sous les coups de Thésée, était obligé de rouler sans cesse jusqu’au sommet d’une montagne une grosse pierre ronde qui retombait toujours pour qu’il la remontât encore.

Salmonée, roi d’Élide, était si orgueilleux de sa puissance, qu’il voulut usurper les honneurs divins ; pour se rendre, autant que possible, égal à Jupiter, il avait fait construire au milieu de sa capitale un pont de métal, sur lequel il faisait rouler des chars dont le bruit ressemblait à celui du tonnerre. Le maître de la foudre, irrité d’une telle témérité, précipita cet audacieux dans le Tartare.

Phlégyas, roi des Lapithes, ayant mis le feu à un temple d’Apollon, était enchaîné, dans les Enfers, sous un énorme rocher suspendu sur sa tête, et qui menaçait de l’écraser.

Les Danaïdes étaient cinquante sœurs, filles d’un roi d’Argos, qui épousèrent le même jour leurs cinquante cousins, fils d’Egyptus. Danaüs, père des cinquante princesses, ayant appris par l’oracle que l’un de ses gendres le détrônerait, ordonna à ses filles d’égorger leurs maris dès le jour des noces. Une seule, Hypermnestre, conserva les jours de son époux, Lyncée. Les quarante-neuf autres furent condamnées à verser continuellement de l’eau dans un tonneau percé, et leur travail ne devait cesser que lorsque le tonneau serait rempli.

Le Tartare contenait un nombre immense de condamnés moins connus, parmi lesquels on peut encore citer les Titans, qui étaient accablés sous le poids d’énormes montagnes au milieu de brasiers ardents ; le géant Tithyus, qui couvrait neuf arpents de son corps et dont un vautour rongeait sans cesse le foie toujours renaissant, et Ixion, que les Furies avaient attaché avec des serpents sur une roue qui tournait continuellement, etc.

Questions. §

Qu’était-ce que le Tartare ? — Quel rôle y remplissaient les Furies ? — Qu’était Tantale ? — Et Sisyphe ? — Et Salmonée ? — Et Phlégyas ? — Qu’étaient les Danaïdes ? — Le Tartare ne renfermait-il pas encore d’autres condamnés ?

Divinités infernales. §

Les Parques. §

Les Parques étaient trois sœurs nommées Clotho, Lachésis et Atropos, qui formaient à elles trois le fil auquel était attachée la destinée de chaque mortel. Elles se servaient de laine blanche pour filer une vie longue et heureuse, de laine noire pour celle qui devait être courte et orageuse. Clotho, la plus jeune, tenait la quenouille ; Lachésis tournait le fuseau ; et Atropos, la plus âgée, mettait fin à la carrière des hommes en coupant le fil avec ses ciseaux.

La Nuit. §

La Nuit, Déesse des ténèbres, et fille du Chaos, épousa l’Achéron et donna le jour aux Furies et à d’autres divinités infernales. On la représente couronnée de pavots, couverte de longs habits de deuil parsemés d’étoiles, et portée sur un char traîné par des chauves-souris.

Le Sommeil. §

Le Sommeil, fils de l’Érèbe et de la Nuit, et frère de la Mort, a son palais dans un antre profond où n’a jamais pénétré un rayon de lumière ; on n’y entend que le doux murmure du fleuve d’oubli qui roule tout autour ses eaux assoupies. Le seuil en est couvert de pavots ; dans l’appartement le plus retiré, sur un lit d’ébène caché par des rideaux noirs, le Dieu repose doucement, entouré des Songes, qui agitent sans bruit autour de lui leurs ailes de chauves-souris.

Morphée, son principal ministre, veille à ce qu’aucun bruit ne trouble le silence qui règne dans ces lieux ; il est en outre chargé d’endormir les hommes en les touchant avec une fleur de pavot. C’est lui encore qui envoie les Songes visiter les mortels ; ceux qui apportent des visions véritables sortent par une porte de corne ; ceux qui ne sont chargés que de vaines illusions passent par une porte d’ivoire.

La Mort. §

La Mort, fille du Sommeil et de la Nuit, et la plus implacable des divinités infernales, se tenait à la porte du Tartare. On lui sacrifiait un coq ; l’if et le cyprès lui étaient consacrés.

On la représente sous la forme d’un squelette ailé et drapé d’une robe noire parsemée d’étoiles, et tenant une faux et un sablier.

Les Mânes. §

Les anciens nommaient ainsi les âmes des hommes qui étaient morts, et les divinités qui présidaient aux tombeaux. On leur portait un profond respect, et on les redoutait beaucoup ; c’est pourquoi on cherchait à les apaiser par des libations et en leur sacrifiant des brebis noires. Les anciens croyaient que le feu était très-agréable aux Dieux mânes ; c’est pourquoi ils avaient l’habitude de placer des lampes sur les tombeaux.

Questions. §

Qu’étaient les Parques ?- Comment les poëtes considéraient-ils la Nuit ? Le Sommeil ? — Morphée ? — La Mort ? — Qu’étaient les Mânes ?

Chapitre sixième.
Divinités allégoriques. §

Le Destin. §

Le Destin, fils du Chaos et de la Nuit, était aveugle. Bien qu’il ne figurât pas parmi les principaux Dieux, et que son culte fût peu honoré, son pouvoir était regardé comme supérieur même à celui de Jupiter. Les arrêts qu’il avait une fois inscrits sur son livre étaient sans appel. On le représente tenant sous ses pieds le globe de la terre, et dans ses mains l’urne qui contient le sort des hommes.

Questions. §

Qu’est-ce que le Destin ? — Comment le représente-t-on ?

La Fortune. §

La Fortune, fille de Jupiter, avait le pouvoir de dispenser aux hommes le bien et le mal, l’opulence et la misère, les souffrances et la santé.

Cette Déesse avait de nombreux et fervents adorateurs ; on comptait à Rome quatre temples élevés en son honneur. Elle en avait aussi dans plusieurs autres villes de l’Italie et de la Grèce ; un des plus célèbres se trouvait à Antium, où elle rendait des oracles.

On représente la Fortune aveugle ou avec un bandeau sur les yeux ; elle est debout ; un de ses pieds est en l’air, et l’autre pose sur une roue qui tourne avec rapidité ; on lui attache quelquefois des ailes aux épaules ou aux jambes.

Questions. §

Qu’est-ce que la Fortune ? — Était-elle l’objet d’un culte empressé ? — Comment la représente-t-on ?

La Renommée. §

La Renommée, fille de Titan et de la Terre, avait mission de parcourir l’univers en proclamant en tous lieux les bruits qui circulent, sans distinction des bonnes ou des mauvaises nouvelles, de la vérité ou du mensonge. Elle avait cent yeux et cent bouches, ne devait jamais s’arrêter ni jour ni nuit, et ne pouvait garder le silence.

On représente la Renommée sous les traits d’une femme ailée qui parcourt l’espace une trompette à la main.

Questions. §

Qu’était-ce que la Renommée ? — Comment la représente-t-on ?

La Paix. §

La paix est fille de Jupiter et de Thémis, et on la confond souvent avec Astrée, qui résida sur la terre sous l’âge d’or, et qui, chassée enfin par les crimes des hommes, alla habiter dans le ciel cette partie du Zodiaque que l’on appelle le signe de la Vierge.

On lui avait dédié à Rome un temple magnifique, où Vespasien déposa les dépouilles du temple de Jérusalem.

On la représente sous les traits d’une femme couronnée de laurier, tenant d’une main une petite statue de Plutus, une gerbe d’épis mêlée de roses et de branches d’olivier.

Questions. §

Qu’est-ce que la Paix ? — Où était-elle honorée particulièrement ? — Comment la représente-t-on ?

La Discorde. §

La Discorde, ou Éris, fut chassée du ciel par Jupiter, à cause des différends qu’elle ne cessait de soulever entre les Dieux. Ce fut alors qu’elle descendit sur la terre, où elle préside aux querelles entre les particuliers et entre les nations, qu’elle excite constamment aux discussions et aux combats.

Furieuse de n’avoir pas été conviée avec les autres Dieux aux noces de Thétis et de Pélée, elle s’en vengea en jetant sur la table une pomme d’or sur laquelle elle avait écrit : A la plus belle. Junon, Pallas et Vénus élevèrent des prétentions égales sur cette pomme, et le berger Pâris, chargé par Jupiter de prononcer entre les trois Déesses, termina la querelle en faveur de Vénus, ce qui rendit Junon l’ennemie acharnée des Troyens.

On représente la Discorde avec des serpents au lieu de cheveux, un teint livide, des yeux égarés, la bouche écumante, les mains ensanglantées et les vêtements déchirés ; d’une main elle agite une torche ardente, dans l’autre elle tient une couleuvre et un poignard,

Questions. §

Comment la Discorde est-elle venue habiter la terre ? — Par quel artifice troubla-t-elle les noces de Thétis et de Pélée ? — Comment la représente-t-on ?

L’Envie. §

L’Envie, fille de la Nuit, est représentée sous les traits les plus hideux, avec un teint livide, des yeux hagards et enfoncés, un front ridé, des joues creuses et une coiffure de couleuvres ; d’une main elle porte trois vipères, de l’autre une hydre à sept têtes ; un serpent monstrueux lui ronge le sein.

Question. §

Comment représente-t-on l’Envie ?

La Vengeance. §

La Vengeance, que l’on nommait Némésis et quelquefois Adrastée, était regardée comme fille de Jupiter et de la Nécessité. Elle était chargée de punir les crimes que les lois humaines ne pouvaient atteindre : la cruauté, l’orgueil, l’ingratitude, le parjure, l’abus des richesses, etc.

On la représente avec des ailes, pour indiquer que la punition suit de près le crime ; elle est armée de flambeaux et de serpents ; sa tête porte une couronne surmontée d’un bois de cerf.

Questions. §

Quels noms et quelles attributions donnait-on à la Vengeance ? — Comment la représente-t-on ?

La Nécessité. §

La Nécessité, fille de la Fortune, était considérée comme la plus puissante des divinités ; Jupiter lui-même obéissait à son pouvoir suprême.

Elle avait à Corinthe un temple dans lequel ses prêtresses seules avaient le droit de pénétrer.

On la représentait avec des mains de bronze, dans lesquelles elle tenait de longues chevilles et de grands coins.

Questions. §

Comment la Fable considérait-elle la Nécessité ? — En quoi était remarquable le culte qu’on lui rendait ? — Quels sont les attributs auxquels on peut la reconnaître ?

Le Travail et la Paresse. §

Le Travail et la Paresse avaient aussi leurs divinités allégoriques.

Le premier était représenté sous les traits d’un jeune homme robuste et actif entouré des instruments de diverses professions.

La seconde, fille du Sommeil et de la Nuit, avait été métamorphosée en tortue ; le limaçon lui était consacré.

Questions. §

Comment représentait-on le Travail ? — Que disait-on sur la Paresse ?

Le Silence. §

Le Silence, nommé Harpocrate par les Égyptiens et Sigalion par les Grecs, était représenté sous les traits d’un jeune homme ou d’une jeune femme tenant d’une main une corne, et posant l’index de l’autre main sur ses lèvres. On plaçait ordinairement sa statue à l’entrée des temples, pour signifier qu’il fallait garder le silence en signe de respect.

Questions. §

Quels traits distinctifs donnait-on au Silence ? — Où plaçait-on ordinairement sa statue ?

La Victoire. §

La Victoire, ou Nicée, était la fille de la Déesse Styx et du géant Pallas. On la peint sous les traits d’une jeune fille enjouée, avec des ailes, tenant d’une main une couronne d’olivier et de laurier, et de l’autre une branche de palmier. On la représentait sur une proue de vaisseau quand on voulait désigner une victoire navale. Les Athéniens ne lui donnaient pas d’ailes, de crainte qu’elle ne s’en servît pour s’éloigner d’eux.

Question. §

Comment représentait-on la Victoire ou Nicée ?

La Liberté. §

Les Romains étaient les plus fervents adorateurs de cette divinité ; le père des Gracques fut le premier qui lui éleva un temple sur le mont Aventin ; depuis on lui en consacra d’autres, et on lui érigea un grand nombre de statues.

On représentait la Liberté sous la figure d’une femme vêtue de blanc, tenant un sceptre et coiffée du bonnet phrygien (celui que l’on donnait aux esclaves en les affranchissant). Près d’elle on voit un char avec un joug rompu. Le chat lui était consacré.

Questions. §

Quel peuple se montra particulièrement dévoué au culte de la Liberté ? — Comment les anciens représentaient-ils cette divinité ?

L’Occasion. §

L’Occasion présidait au moment le plus favorable pour réussir dans une entreprise.

On la représentait sous la figure d’un jeune homme ou d’une jeune femme n’ayant de cheveux que sur le devant de la tête et chauve par derrière, un pied en l’air et l’autre sur une roue, tenant un rasoir d’une main et un voile de l’autre ; quelquefois on la montrait courant sans se blesser sur le tranchant d’un rasoir.

Tous ces attributs avaient pour but d’exprimer que, si l’on ne saisit l’occasion au moment propice et si l’on ne tranche aussitôt les difficultés, elle se cache, et ne se laisse plus rattraper.

Questions. §

Quels sont les attributs de l’Occasion ? — Comment la représentait-on ? — Quel est le sens des emblèmes dont on l’entoure ?

Troisième partie.
Les demi-dieux et les héros. §

[Introduction.] §

Les Demi-Dieux étaient des héros issus d’un Dieu et d’une mortelle, ou des hommes célèbres à qui leurs exploits ou leurs vertus avaient acquis l’honneur d’être mis au rang des Dieux.

On doit regarder les récits qui les concernent comme l’histoire de quelques guerriers que leur valeur avait illustrés, ou de quelques princes qui se sont distingués par leurs talents au milieu de la barbarie générale. Ces traditions sont d’ailleurs mêlées de beaucoup de fictions, et l’on a souvent attribué à un seul homme des faits qui appartenaient à plusieurs.

Questions. §

Qu’étaient-ce que les Demi-Dieux ? -Comment doit-on considérer leur histoire ?

I. — Persée. §

Persée occupe le premier rang parmi les Demi-Dieux de la Fable. Acrisius, roi d’Argos41, avait appris de l’oracle qu’il serait tué de la main de son petit-fils. Pour échapper à cette funeste destinée, il fit enfermer Danaé, sa fille unique, dans une tour d’airain ; mais Jupiter s’y introduisit sous la forme d’une pluie d’or. Danaé donna naissance à Persée. Informé de cet événement, Acrisius fit jeter sur une frêle barque sa fille et son petit-fils, qu’il exposa à la fureur des flots pendant une tempête : les vents les portèrent sur l’île de Séripho42, où ils furent recueillis par Polydecte, roi de ce pays.

Devenu grand, le jeune héros signala sa valeur par de brillants exploits ; sa réputation ne tarda même pas à donner de l’ombrage à Polydecte, qui, pour se défaire de ce jeune ambitieux, l’engagea à aller combattre les Gorgones, qui désolaient au loin les campagnes. C’étaient trois sœurs, filles de Phorcus, nommées Méduse, Euryale et Sthéno. Ces monstres, coiffés de couleuvres et portés sur de grandes ailes, armés de griffes de lion et de défenses de sanglier, n’avaient qu’un œil, dont ils se servaient tour à tour pour pétrifier tous ceux qu’ils regardaient. Persée n’hésita pas à aller se mesurer contre ces ennemis redoutables, et les Dieux voulurent l’aider dans sa courageuse entreprise. Minerve lui donna son bouclier, Pluton lui fit don d’un casque qui avait la vertu de rendre invisible, et Vulcain l’arma d’une épée au tranchant de laquelle rien ne pouvait résister. Ainsi préparé, Persée se rendit dans les îles Gorgades, où les Gorgones faisaient leur séjour, et, profitant du moment où Méduse était endormie, il lui trancha la tête d’un seul coup. Cette tête, fixée sur le bouclier du héros, conserva son pouvoir, et changeait en pierre tous ceux vers qui on la dirigeait.

En revenant de cette expédition, Persée s’arrêta dans la Mauritanie ; ayant été mal accueilli par Atlas, géant formidable qui régnait dans ce pays, il lui présenta la tête de Méduse, et le prince inhospitalier fut changé en une montagne élevée dont le sommet se perd dans les nuages, ce qui fit dire aux poëtes qu’Atlas43 supportait le ciel sur ses épaules.

Un autre exploit vint mettre le comble à sa renommée. Cassiope, épouse de Céphée, roi d’Éthiopie, ayant eu la témérité de se dire plus belle que Junon et que les Néréides, avait vu un monstre marin désoler les rivages de son royaume. L’oracle consulté avait répondu qu’il n’y avait qu’un moyen de calmer le courroux des Dieux : c’était de livrer au monstre Andromède, fille de Cassiope ; cette jeune fille fut en conséquence enchaînée à un rocher qui s’élevait au milieu de la mer ; mais Persée résolut de la sauver. Monté sur Pégase, cheval ailé né du sang de Méduse, il fondit sur le monstre au moment où celui-ci allait saisir sa proie, et lui donna la mort. Pour prix de son courage il épousa celle qu’il avait délivrée ; cependant Phinée, qui avait été fiancé à Andromède, vint avec ses compagnons troubler la fête du mariage et réclamer les armes à la main celle qui lui avait été promise. Persée allait succomber sous le nombre, lorsque, découvrant tout à coup la tête de la Gorgone, il pétrifia tous ses adversaires.

Il alla ensuite rendre la liberté à sa mère, que Polydecte retenait captive. Enfin il rentrait triomphant dans sa patrie, où Acrisius l’avait rappelé, quand, en s’exerçant au jeu du palet, il donna involontairement la mort à son aïeul, qu’il ne connaissait pas, et qui venait à sa rencontre. Ainsi s’accomplit l’arrêt du destin. Persée fut tellement désolé de cet accident, qu’il se condamna de nouveau à l’exil ; Jupiter, touché de sa douleur, le plaça dans le ciel avec son épouse Andromède au nombre des constellations.

Questions. §

Quels incidents signalèrent la naissance de Persée ? — De quels monstres délivra-t-il la terre ? — Que raconte-t-on de son séjour en Mauritanie ? — Comment délivra-t-il Andromède ? — Que lui arriva-t-il à son retour dans sa patrie ?

II. — Bellérophon. §

Bellérophon, fils de Glaucus, roi d’Épire44, ayant tué par accident son frère Pirène à la chasse, fut obligé de s’expatrier, et se réfugia chez Prœtus, roi d’Argos. La femme de ce dernier, nommée Sthénobée, accusa Bellérophon de crimes imaginaires, et demanda sa mort à son mari ; celui-ci, ne voulant pas violer les lois de l’hospitalité, envoya Bellérophon en Lycie avec des lettres adressées à Iobates, père de Sthénobée ; ces lettres, qui étaient censées contenir des recommandations en faveur de Bellérophon, devaient au contraire déterminer Iobates à le faire périr45.

Iobates, qui d’abord avait accueilli généreusement Bellérophon, ne voulut pas, lorsqu’il eut pris connaissance de la lettre de son gendre, faire périr son hôte violemment ; il se contenta de l’exposer aux plus grands dangers. Mais le jeune héros revint triomphant des expéditions les plus périlleuses ; c’est ainsi qu’il soumit successivement les Solymes et les Amazones.

N’ayant plus d’ennemis à lui opposer, le roi de Lycie envoya Bellérophon combattre la Chimère, qui désolait le pays. Ce monstre passait pour invincible ; il avait la tête d’un lion, le corps d’une chèvre et la queue d’un dragon ; sa bouche et ses narines vomissaient des torrents de flammes et de fumée. Bellérophon, secondé par Minerve et monté sur le cheval Pégase, que lui envoyèrent les Dieux, n’hésita pas à attaquer la Chimère et la tua.

Désarmé par tant de hauts faits, Iobates montra à Bellérophon les lettres que Prœtus lui avaitécrites ; le héros démontra son innocence, et le roi, après lui avoir donné sa fille en mariage, le retint dans ses États, le combla d’honneurs, et le désigna pour lui succéder au trône.

Questions. §

Quel était Bellérophon, et que lui arriva-t-il à la cour du roi d’Argos ? — Comment fut-il accueilli chez Iobates ? — De quel monstre fut-il vainqueur ? — Comment se terminèrent ses aventures ?

III. — Hercule. §

Hercule, fils de Jupiter et d’Alcmène, naquit à Thèbes. Junon, jalouse de sa mère, épuisa sur lui tous les traits de sa vengeance. Comme il était encore au berceau, elle envoya deux serpents pour le dévorer ; mais Hercule les saisit et les étouffa de ses mains enfantines.

L’intrépidité précoce du jeune Demi-Dieu sembla toucher Junon, qui s’adoucit envers Hercule jusqu’au point de le nourrir de son lait ; quelques gouttes de ce lait divin, tombées de la bouche de l’enfant, formèrent cette longue traînée blanche que l’on remarque dans le ciel, et que l’on a nommée la voie lactée.

Cependant Junon revint bientôt à ses premiers sentiments de haine à l’égard d’Hercule ; elle l’obligea à se soumettre aux ordres de son frère Eurysthée, qui régnait à Mycènes46, et qui lui imposa un grand nombre d’entreprises aussi difficiles que dangereuses, dans lesquelles il espérait le voir périr. Ce sont ces exploits que l’on a nommés les Travaux d’Hercule ; on en compte douze principaux.

1° Il y avait dans la forêt de Némée, en Achaïe47, un lion d’une grandeur énorme, tombé, disait-on, de la lune, et que l’on avait vainement tenté de détruire par le fer et par le feu. Hercule, après avoir épuisé ses flèches sur sa peau impénétrable, après avoir brisé sa massue sur sa tête, l’étouffa dans ses bras. Depuis il porta toujours la peau de ce lion comme un monument de sa première victoire.

2° Une hydre épouvantable infestait les marais de Lerne48 ; ce serpent monstrueux avait sept têtes, et à mesure que l’on en coupait une, il en renaissait deux autres à la place. Le héros n’en put venir à bout qu’en portant un feu ardent dans la plaie que laissait chaque tête qu’il abattait.

3° Il poursuivit à la course pendant une année entière une biche à pieds d’airain et à cornes d’or qui habitait le mont Ménale en Arcadie, et, après l’avoir prise au piége, il l’amena vivante à Mycènes.

4° Eurysthée lui ayant commandé d’aller combattre le sanglier d’Érymanthe, qui désolait l’Arcadie, Hercule l’amena vivant et garrotté à son frère, qui fut si fort effrayé à cette vue, qu’il courut se cacher.

6° Augias, roi de l’Élide, dans le Péloponnèse, avait un troupeau de trois milles vaches, et ses étables n’avaient pas été nettoyées depuis trente ans. Hercule, s’étant chargé de détruire ce foyer d’infection, détourna les eaux du fleuve Alphée49 et les fit passer dans les étables, qui furent ainsi promptement purifiées. Une fois le travail achevé, Augias voulut frustrer le héros du salaire convenu ; mais celui-ci le tua et fit régner à sa place Philée, son fils, qui s’était montré indigné de l’injustice de son père.

6° Le lac Stymphale en Arcadie était infecté de harpies ou d’oiseaux monstrueux, qui déchiraient les hommes de leurs ongles crochus et de leurs bras de fer, et dont les ailes immenses interceptaient la lumière du soleil. Hercule, en les effrayant du bruit d’un tambour d’airain, les fit sortir des forêts où ils cherchaient un refuge, et les perça de ses flèches.

7° Neptune, irrité contre Minos, avait envoyé dans l’île de Crète un taureau furieux qui jetait des flammes par les narines, et qui désolait le pays. Le fils d’Alcmène le dompta et l’amena enchaîné aux pieds d’Eurysthée.

8° Diomède, roi de Thrace50, avait des cavales qu’il nourrissait de chair humaine ; attaqué par Hercule, il fut vaincu et devint à son tour la pâture de ses propres cavales.

9° Hercule reçut de son frère la mission d’aller combattre les Amazones, qui habitaient les bords du fleuve de Thermodon en Cappadoce. Accompagné de son ami Thésée, il tailla en pièces cette tribu de femmes guerrières, et emmena captive leur reine Hippolyte.

10° Géryon, géant à trois corps qui régnait sur les îles Baléares51, nourrissait ses troupeaux de bœufs de la chair des étrangers qui abordaient sur ses domaines. Il fut vaincu par le héros, qui s’empara de ses riches troupeaux, bien qu’ils fussent défendus par un chien à sept têtes.

11° Passant ensuite en Afrique, il alla dépouiller de ses pommes d’or le jardin des Hespérides, après avoir tué de ses flèches le redoutable dragon chargé de le garder. Il eut Atlas pour compagnon dans cette entreprise, et pendant que celui-ci cueillait les pommes, Hercule, ayant pris sa place, soutenait le ciel sur ses épaules.

12° Enfin il descendit au Tartare, parvint à enchaîner Cerbère, le terrible gardien de ces sombres demeures, et l’entraîna hors des enfers.

Après être heureusement sorti de ces terribles épreuves, Hercule se mit à parcourir la terre pour exterminer les monstres et les tyrans qui la désolaient. C’est ainsi qu’en Égypte il poignarda Busiris, roi de ce pays, qui immolait à ses Dieux tous ceux qui abordaient dans ses États. Il délivra l’Italie de Cacus, brigand fameux qui habitait les bords du Tibre, aux lieux mêmes où Rome fut fondée depuis. Ce voleur avait dérobé les génisses qui appartenaient à Hercule, et les avait fait entrer à reculons dans sa caverne, pour que leurs traces ne le trahissent pas ; mais Hercule, les ayant entendues mugir, brisa le rocher sous lequel Cacus se cachait, et l’étrangla, malgré les flammes que ce monstre vomissait. En Libye il rencontra Antée, fils de la Terre, géant énorme, qui étouffait sous le poids de son corps tous les étrangers qu’il forçait à lutter avec lui : Hercule le renversa plusieurs fois ; mais, s’apercevant que son adversaire recouvrait de nouvelles forces à chaque fois qu’il touchait la terre, il l’enleva dans ses bras vigoureux, et l’étouffa en le tenant élevé en l’air.

Ce fut encore Hercule qui, parvenu aux extrémités de l’Espagne, réunit l’Océan à la Méditerranée en ouvrant le détroit de Gibraltar. Se croyant arrivé aux bornes du monde, il éleva ses célèbres colonnes, l’une située en Europe sur le mont Calpé52, et l’autre en Afrique sur le mont Abyla, et y inscrivit ces mots : Non plus ultrà (on ne peut aller plus loin) ; ce double monument était destiné à perpétuer la mémoire de ses voyages et de ses hauts faits.

Ce héros invincible paya pourtant son tribut aux faiblesses humaines : Omphale, reine de Lydie, sut tellement amollir son courage, que l’on vit à ses pieds le vainqueur de l’univers, armé d’une quenouille, filer parmi ses suivantes tandis que cette femme artificieuse se couvrait de la peau du lion de Némée et s’appuyait sur l’énorme massue du fils d’Alcmène. Cependant il se dégagea de cette humiliante servitude, et épousa Déjanire, fille du roi de Calydon, après avoir vaincu le fleuve Achéloüs53, qui voulait la lui disputer.

Comme il se rendait dans sa patrie, emmenant avec lui sa jeune épouse, il fut arrêté par le fleuve Evène, dont les eaux étaient débordées ; le centaure Nessus s’offrit à faire passer le fleuve à Déjanire en la prenant sur sa croupe, mais il avait le projet de l’enlever. Hercule, s’en étant aperçu, décocha contre le traître une flèche plongée dans le sang de l’hydre de Lerne, dont la blessure était mortelle. Nessus, en expirant, songea à la vengeance : il fit don à Déjanire de sa robe ensanglantée, en lui assurant que ce vêtement aurait le don de lui conserver à jamais l’affection de son mari, si celui-ci s’en couvrait. Peu de temps après, Déjanire, craignant que son mari ne l’oubliât, lui envoya ce don fatal, tandis qu’il était occupé à célébrer un sacrifice sur le mont Œta. A peine Hercule eut-il revêtu cette tunique empoisonnée, qu’il fut embrasé d’un feu intérieur qui le rendit furieux ; sentant qu’il ne pouvait se soustraire à la mort qu’il portait dans son sein, Hercule se précipita sur le bûcher qu’il avait élevé de ses mains, et ordonna à son ami Philoctète d’y mettre le feu. Jupiter le reçut dans le ciel au nombre des Dieux, et lui donna pour épouse Hébé, Déesse de la jeunesse.

Questions. §

Qu’était Hercule, et quels ennemis eut-il à combattre dès sa naissance ? — Quelle circonstance fut l’origine de la voie lactée ? — Comment Hercule se trouva-t-il obligé de tenter les entreprises difficiles que l’on a nommées ses douze travaux ? — Pouvez-vous citer ces différents exploits ? — Hercule ne rendit-il pas encore d’autres services à l’humanité ? — Où Hercule borna-t-il ses voyages ? — Quels actes de faiblesse lui reproche-t-on ? — Comment mourut-il ?

IV. — Thésée. §

Thésée, fils d’Égée, roi d’Athènes, marcha sur les traces d’Hercule, dont il fut le compagnon et l’ami.

Son premier exploit fut sa lutte contre Périphètes, géant d’Epidaure qui se nourrissait de chair humaine ; Thésée porta toujours comme un trophée de sa première victoire la massue de fer avec laquelle ce brigand assommait les passants. Le héros tua ensuite le taureau qu’Hercule avait dompté dans l’île de Crète, et qu’Eurysthée avait relâché dans l’Attique ; il purgea l’Etolie d’un sanglier terrible que la vengeance de Diane avait envoyé dans ce pays, et qui faisait sa demeure aux environs de Calydon ; enfin il accompagna Hercule dans sa campagne contre les Amazones, et épousa leur reine, nommée Hippolyte, qui lui donna un fils.

Ce qui mit le comble à la gloire de Thésée, ce fut la destruction du Minotaure de Crète, monstre moitié homme et moitié taureau. Minos, vainqueur des Athéniens, voulant venger sur eux la mort de son fils Androgée54, leur avait imposé l’obligation de lui livrer chaque année sept jeunes garçons et autant de jeunes filles qui devenaient la proie du Minotaure. Thésée, voulant affranchir sa patrie de ce honteux tribut, résolut de combattre le monstre. Sa bravoure et sa jeunesse touchèrent les filles de Minos, Phèdre et Ariane ; cette dernière lui donna des conseils sur la manière d’attaquer son redoutable ennemi, et lui remit un peloton de fil qui devait l’empêcher de s’égarer dans le labyrinthe où le Minotaure était renfermé. Ce labyrinthe, construit par Dédale55, était un immense enclos rempli de bouquets de bois, de bâtiments et de chemins inextricables qui se croisaient tellement dans tous les sens, qu’il était impossible de retrouver le chemin pour en sortir, quand une fois on y était entré. Grâce aux instructions d’Ariane, Thésée sortit vainqueur de sa lutte avec le monstre, et ramena en triomphe ses compagnons dans leur patrie.

En quittant la Crète il enleva les deux filles du roi, et, après avoir cruellement abandonné sur l’île de Naxos Ariane, qui s’était endormie sur le rivage, il épousa Phèdre.

Lorsqu’il était parti d’Athènes, Thésée montait un vaisseau dont les voiles étaient noires, en signe de deuil ; son père lui avait fait promettre que, s’il revenait vainqueur, il arborerait des voiles blanches pour annoncer de loin l’heureux succès de ses entreprises. Dans l’ivresse de son triomphe, le jeune héros oublia les recommandations paternelles, et le roi, voyant du haut d’un rocher le vaisseau qui revenait avec ses voiles sinistres, se précipita de désespoir dans la mer, à laquelle cet événement a fait donner le nom de mer Egée56.

Bien qu’il fût devenu roi par la mort de son père, Thésée accomplit encore plus d’un exploit glorieux. Il fit une guerre heureuse à Créon, roi de Thèbes ; il extermina successivement plusieurs brigands célèbres par leurs crimes : Sciron, qui pillait les voyageurs et les précipitait dans la mer ; Procuste, qui étendait ses hôtes sur un lit de fer, coupant de leurs jambes tout ce qui dépassait la longueur du lit, et les tiraillant au contraire avec des cordes et des poulies jusqu’à ce qu’ils eussent atteint précisément sa longueur ; Phalaris, qui enfermait les hommes dans un taureau d’airain qu’il faisait rougir sur un feu ardent. Thésée défit encore les Centaures57 ; il accompagna aux enfers son ami Pirithoüs, qui voulait enlever Proserpine ; mais ce dernier fut dévoré par Cerbère, et Thésée resta enchaîné à un rocher jusqu’à ce qu’Hercule vînt le délivrer.

Thésée vit la fin de sa carrière affligée par les événements les plus douloureux. Phèdre se plaignit à lui d’avoir été insultée par Hippolyte, fils de la reine des Amazones, sa première épouse ; trompé par cette accusation calomnieuse, le malheureux père invoqua contre son fils la colère de Neptune, qui ne se rendit que trop promptement à ses vœux. Au moment où le jeune prince se disposait à quitter l’Attique, un monstre épouvantable, vomi par les flots, effraya tellement les chevaux d’Hippolyte, qu’ils entraînèrent le malheureux prince sur des roches, où son corps fut déchiré. Phèdre rendit trop tard témoignage à l’innocence du fils de Thésée en se donnant elle-même la mort.

Cruellement éprouvé par ces chagrins domestiques, Thésée se vit encore en butte aux révoltes de ses sujets ; chassé de son trône et de son pays, il se vit réduit à aller demander un asile à Lycomède, roi de Scyros, qui l’assassina. Cependant les Athéniens rendirent justice à sa mémoire ; ils lui élevèrent des statues et le mirent au nombre des Demi-Dieux.

Questions. §

Qu’était Thésée ? — Par quels exploits se distingua-t-il d’abord ? — Quelle action d’éclat mit le comble à sa gloire ? — Comment agit-il à l’égard des filles de Minos ? — Comment causa-t-il involontairement la mort de son père Égée ? — Devenu roi, se livra-t-il encore à des entreprises dangereuses ? — Quels chagrins vinrent attrister la fin de sa carrière ? — Comment mourut-il ?

V. — Jason. §

Jason, fils d’Eson, roi d’Iolchos, fut laissé par son père mourant sous la tutelle de Pélias, son oncle. Elevé par le centaure Chiron, il se montra bientôt digne d’un tel maître, et ses qualités brillantes le rendirent l’idole des peuples.

Son oncle, voyant le jeune héros sur le point de réclamer le trône de ses pères, résolut de profiter de son amour passionné pour la gloire en l’engageant dans quelque entreprise périlleuse où il devait trouver la mort. Il lui persuada donc que le plus sûr moyen de signaler sa valeur était d’aller tenter la conquête de la Toison d’or.

La Toison d’or, dépouille d’un bélier merveilleux, était un gage de bonheur et de richesses pour le pays qui la possédait. Voici quelle en était l’origine : Phrixus et Hellé, sa sœur, enfants d’Athamas, roi de Thèbes, voulant échapper aux mauvais traitements de leur belle-mère Ino, s’enfuirent sur un bélier à toison d’or qu’ils avaient reçu en héritage de leur mère. Pendant la traversée d’Europe en Asie, Hellé, effrayée, se laissa tomber et se noya dans le détroit que l’on a nommé depuis l’Hellespont58. Arrivé en Colchide59, Phrixus y consacra la Toison d’or au dieu Mars, la suspendit à un arbre, et la renferma dans une enceinte qui était gardée par un horrible dragon. Phrixus ayant été tué plus tard par Æètes, roi de Colchos, les Grecs désiraient vivement venger sa mort et conquérir la précieuse toison.

A peine la résolution de Jason fut-elle connue, qu’une foule de jeunes princes et de capitaines vint se ranger sous ses ordres et partager les hasards de cette brillante entreprise. Parmi ces héros, qui étaient au nombre de cinquante-quatre, on cite surtout Admète, Castor et Pollux, Augias, Esculape, Thésée, Orphée, Pirithoüs, Pélée, Télamon, Méléagre, Typhis le célèbre pilote, Lyncée, dont la vue était si perçante, qu’il découvrait sous les eaux les écueils et les bancs de sable ; enfin Hercule, qui, ayant perdu son ami Hylas, que les nymphes avaient entraîné au fond des eaux, ne voulut pas pousser plus loin une entreprise qui commençait si malheureusement pour lui ; ses compagnons ne le regrettèrent pas, car le poids de son corps chargeait le bâtiment outre mesure, et son appétit insatiable menaçait l’équipage de la disette.

Jason et ses compagnons furent nommés les Argonautes, et ce nom leur venait du navire Argo, sur lequel ils s’embarquèrent au cap de Magnésie, en Macédoine, et qui les conduisit en Colchide, en traversant le Pont-Euxin. Ce bâtiment avait été construit, par un célèbre architecte nommé Argus, d’arbres de la forêt de Dodone ; il portait cinquante rames, et ce fut, dit-on, le premier vaisseau qui eût paru sur les flots.

Parvenu après mille dangers au but de son voyage, Jason avait encore de grandes difficultés à vaincre. Avant de s’emparer de la Toison d’or, il fallait franchir une barrière gardée par des taureaux qui vomissaient des flammes par les naseaux ; il fallait ensuite semer les dents du serpent que Cadmus avait autrefois tué, et vaincre les guerriers qui devaient naître sur-le-champ de cette semence. Tous ces obstacles surmontés, il restait encore à combattre un dragon d’une forme hideuse et d’une immense grandeur, à qui était confiée la garde du trésor.

Le héros grec n’aurait pu triompher de si grands dangers, s’il n’avait trouvé un appui inattendu à la cour du roi Æètes : Médée, fille de ce prince, fort habile magicienne, résolut de le faire réussir dans son entreprise s’il promettait de l’épouser.

Jason, s’y étant engagé par un serment solennel, fut rendu invulnérable par les enchantements de sa fiancée ; il dompta les taureaux sans résistance, les soldats nés des dents du serpent se tuèrent entre eux, et le dragon endormi laissa enlever la toison qu’il devait défendre. Le héros, maître du trésor qu’il ambitionnait, prit la fuite, enlevant les trésors et la fille d’Æètes. Poursuivie par son père, Médée mit en pièces son jeune frère Absyrte et dispersa ses membres le long des chemins, afin que le roi, s’arrêtant pour les recueillir, ne pût atteindre les fugitifs.

De retour à Iolchos, Jason y fut reçu en triomphe, et épousa Médée. Eson, son père, que l’on avait cru mort, avait reparu, mais il était accablé de vieillesse, et hors d’état de prendre part aux fêtes par lesquelles on célébrait le retour de son fils ; Médée, touchée de ses souffrances, renouvela son sang épuisé, et lui rendit, par la force de ses enchantements, la force et la vigueur de la jeunesse.

Les filles de Pélias, l’ancien tuteur de Jason, ayant vu le prodige opéré en faveur d’Eson, supplièrent Médée de rappeler également leur père à ses jeunes années. La cruelle magicienne feignit de se rendre à leurs vœux et leur persuada de couper leur père par morceaux pour les faire bouillir dans une chaudière ; mais les malheureuses princesses, après avoir fidèlement suivi ses instructions, attendirent vainement l’effet des promesses perfides qui les avaient rendues parricides. Le peuple de Thessalie fut tellement irrité de cette infâme cruauté, que Médée et son époux furent forcés d’aller chercher un refuge près de Créon, roi de Corinthe60.

Jason lui-même, épouvanté de l’odieux caractère de sa femme, la répudia pour épouser Créuse, fille du prince qui lui avait donné l’hospitalité. Médée cacha d’abord sa fureur, mais c’était pour mieux préparer sa vengeance ; en effet, elle envoya à sa rivale, pour les fêtes de ses noces, une robe ornée de pierreries brillantes ; ces diamants cachaient un feu terrible qui fit périr Créuse au milieu du palais incendié. Jason courut vers Médée l’épée à la main pour punir cette nouvelle trahison ; mais en ce moment Médée s’enleva dans les airs sur un char traîné par des dragons ailés, et pour dernier adieu elle jeta à son époux les cadavres des deux enfants qu’elle avait eus de lui, et qu’elle venait d’égorger61. Elle se rendit à Athènes, où elle devint l’épouse du roi Égée.

Jason traîna quelque temps encore une vie misérable et désolée, et fut mis après sa mort au rang des Demi-Dieux.

Questions. §

Que raconte-t-on de la jeunesse de Jason ? — Quel projet lui suggéra son tuteur ? — Pouvez-vous dire ce qu’était la Toison d’or ? — Jason trouva-t-il des compagnons pour aller tenter la conquête de ce trésor ? — Pourquoi les nomma-t-on les Argonautes ? — Quels obstacles s’opposaient à l’enlèvement de la Toison d’or ? — Comment Jason triompha-t-il de toutes ces difficultés ? — A son arrivée à Iolchos, comment Médée signala-t-elle son habileté dans la magie ? — Quel acte de cruauté commit-elle ensuite, et quelles en furent les conséquences ? — Jason n’abandonna-t-il pas sa première épouse, et Médée n’en tira-t-elle pas une terrible vengeance ? — Que devint ensuite Jason ?

VI. — Orphée. §

Orphée, fils d’Apollon et de Clio, ou, suivant d’autres, fils d’Œagre, roi de Thrace, et de Calliope, fut un poëte, créateur de la plupart des fables du paganisme, et le plus célèbre musicien de l’antiquité.

Aux sons de la lyre qu’il avait inventée ou au moins perfectionnée, aux accents de sa voix qu’il unissait à ces accords mélodieux, les arbres et les rochers se mettaient en mouvement, les fleuves suspendaient leur cours, les animaux les plus sauvages se réunissaient autour de lui, et oubliaient en l’entendant leur férocité naturelle.

Il avait épousé la nymphe Eurydice, mais peu de jours après son mariage elle succomba à la morsure d’un serpent. Orphée, désespéré, voulut aller l’arracher du séjour des morts ; arrivé sur les bords des fleuves infernaux, il fit entendre des chants si plaintifs et si touchants, qu’il arracha des larmes aux ombres elles-mêmes, et qu’il adoucit pour un moment les douleurs qu’endurent les grands coupables. Pluton lui-même, le farouche Dieu du sombre empire, se sentit tellement ému, qu’il lui permit d’enlever son Eurydice, à condition cependant qu’il ne se détournerait pas pour la regarder jusqu’à ce qu’il fût sorti de son royaume. Les deux époux, se soumettant à cette condition, avaient déjà surmonté les plus grands obstacles, déjà ils apercevaient la lumière du jour, lorsque Orphée, ne pouvant contenir son impatience, tourna un instant la tête pour s’assurer si son épouse le suivait. Ce regard suffit pour lui faire perdre à jamais le bonheur qui allait lui être rendu : Eurydice, entraînée par une force surnaturelle, disparaît en lui tendant les bras, et son malheureux époux, qui se précipite sur ses pas, n’embrasse plus qu’une ombre vaine. L’enfer se montra inflexible aux nouveaux efforts qu’il tenta, et l’implacable Pluton ne se laissa pas une seconde fois arracher sa proie.

Orphée, livré au plus violent désespoir, se retira dans les solitudes du mont Rhodope62, où il fuyait la vue de toutes les femmes. Les prêtresses de Bacchus, irritées de cette sombre douleur, qu’elles prenaient pour du dédain, s’emparèrent de lui dans les accès de fureur que leur inspirait le Dieu du vin, et mirent son corps en pièces.

Questions. §

Qu’était Orphée ? — Les accents de sa voix et le son de sa lyre ne produisaient-ils pas des miracles ? — Qui épousa-t-il, et quels événements suivirent cette union ? — Comment mourut Orphée ?

VII. — Castor et Pollux. §

Castor et Pollux, frères jumeaux et modèles de l’amour fraternel, étaient fils de Léda, épouse de Tyndare, roi de Lacédémone, laquelle donna en même temps le jour à Clytemnestre et à Hélène.

Ces deux jeunes héros donnèrent de bonne heure des preuves de leur courage et de leur adresse ; Castor excellait dans l’art de dompter les chevaux, et Pollux brillait surtout aux luttes du ceste. Leur premier exploit fut la destruction des pirates qui désolaient les mers de la Grèce. Ils se joignirent ensuite à l’expédition des Argonautes, et prirent une part importante à leurs travaux. On raconte que pendant la traversée on vit, au milieu d’une affreuse tempête, deux flammes voltiger sur leurs têtes, et qu’aussitôt l’orage s’apaisa.

A leur retour, ils portèrent la guerre chez les Athéniens et s’emparèrent d’une ville où Thésée avait renfermé leur sœur Hélène, après l’avoir enlevée.

Castor ayant été tué dans un combat singulier, au pied du mont Taygète, Pollux, qui avait seul reçu de Jupiter le don de l’immortalité, alla supplier ce Dieu de faire participer son frère à ce privilége. Le maître de l’Olympe ne put lui accorder cette grâce complète, mais il consentit à. ce que chacun des deux frères alternativement pût jouir de la vie pendant six mois, tandis que l’autre habiterait le séjour des morts. Ils partagèrent ainsi une seule existence, jusqu’à ce qu’ils fussent transportés tous deux au ciel, où ils sont l’un des signes du Zodiaque, sous le nom des Gémeaux. Maintenant encore les deux constellations qui portent leurs noms ne se montrent jamais en même temps sur l’horizon, et l’une d’elles disparaît toujours au moment où l’autre se lève. Castor et Pollux obtinrent les honneurs divins, et on les regardait comme des divinités favorables aux navigateurs. On leur sacrifiait des agneaux blancs, comme on immolait des brebis noires aux tempêtes. Les habitants de Céphallénie, île de la mer Ionienne, les honoraient d’un culte particulier ; chez les Romains il était d’usage que les hommes jurassent par le temple de Pollux, œdepol, et les femmes par celui de Castor, œcastor.

Questions. §

Quelle était l’origine de Castor et de Pollux ? — Comment signalèrent-ils leur jeunesse ? — Pollux ne donna-t-il pas une preuve frappante d’amour fraternel ? — Comment les honorait-on ?

VIII. — Cadmus. §

Cadmus était fils d’Agénor, roi de Phénicie. Son père, désolé de la disparition de sa fille Europe, que Jupiter, sous la forme d’un taureau, avait enlevée et transportée en Crète, donna ordre aux trois frères de cette princesse de courir sur les traces du ravisseur, leur défendant de paraître jamais en sa présence s’ils n’étaient parvenus à retrouver leur sœur.

Après beaucoup de recherches inutiles, Cadmus alla consulter l’oracle de Delphes, qui lui conseilla de s’arrêter là où le conduirait un bœuf qu’il devait rencontrer à la porte du temple, et de fonder une ville en cet endroit. Cadmus trouva en effet un bœuf qui se mit à marcher devant lui, et il le suivit jusque dans une contrée à laquelle il donna le nom de Béotie.

Avant de s’occuper de la ville qu’il devait construire, il voulut offrir un sacrifice aux Dieux et envoya ses compagnons puiser de l’eau à une fontaine consacrée au dieu Mars ; mais ils furent tous dévorés par un énorme dragon ; Cadmus les vengea, et, après avoir tué le monstre, il s’empara de ses dents, suivant le conseil de Minerve, et les sema sur la terre. Ces dents donnèrent aussitôt naissance à des hommes armés qui combattirent les uns contre les autres, et s’entre-tuèrent, à l’exception de cinq qui aidèrent à Cadmus à jeter les fondements d’une ville qu’il nomma Thèbes63. Plus tard, Amphion éleva les murailles de cette ville, et il savait tirer de sa lyre des sons si ravissants, que les pierres, sensibles à cette harmonie, venaient d’elles-mêmes se ranger à leur place64.

Cadmus s’occupa ensuite de polir les mœurs des sauvages habitants des campagnes qu’il avait réunis dans sa cité. Il les assujettit à des lois pleines de sagesse, et leur enseigna des arts utiles. On lui attribue l’honneur d’avoir le premier fait connaître à la Grèce les lettres de l’alphabet. Il épousa Hermione ou Harmonie, dont il eut Sémélé et trois autres filles. Sur la fin de sa vie il fut chassé par le peuple révolté de la ville qu’il avait créée, et se vit réduit à aller, avec son épouse, chercher un asile en Illyrie. Accablés de vieillesse et de chagrin, les deux exilés supplièrent les Dieux de mettre un terme à leurs souffrances, et ils furent l’un et l’autre métamorphosés en serpents.

Questions. §

Quelle fut la naissance de Cadmus, et pourquoi quitta-t-il sa patrie ? — En quels lieux s’arrêta-t-il ? — Quel fut le sort de ses compagnons, et quelle ville fonda-t-il ? — A quels soins se livra-t-il ensuite ? — Quelle fut son épouse, et comment termina-t-il ses jours ?

IX. — Œdipe. §

Œdipe était fils de Laïus, roi de Thèbes ; ce dernier, ayant appris de l’oracle qu’il devait un jour recevoir la mort de la main du fils que Jocaste, sa femme, allait lui donner, saisit cet enfant aussitôt après sa naissance, et ordonna à un de ses serviteurs de lui arracher la vie. Cet homme, ému de pitié, se contenta d’exposer l’enfant sur le mont Cythéron, en l’attachant à un arbre par une courroie passée au travers de ses pieds qu’il avait percés. Le hasard amena dans ces lieux Phorbas, berger des troupeaux de Polybe, roi de Corinthe ; l’enfant était encore vivant, et Phorbas, l’ayant emporté dans ses bras, l’offrit à la reine sa maîtresse, qui adopta le pauvre orphelin, l’éleva comme s’il eût été son fils, et lui donna le nom d’Œdipe, composé de deux mots grecs qui font allusion à l’enflure que ses pieds avaient conservée par suite des blessures qu’il y avait reçues.

En avançant en âge, Œdipe apprit que le roi de Corinthe n’était pas son père, et l’oracle qu’il alla consulter lui répondit qu’il trouverait ses parents en Phocide65 ; il se hâta donc de se rendre dans ce royaume. En y arrivant, il rencontra dans un passage étroit un homme qui lui ordonna fièrement de lui céder le pas ; le jeune voyageur répondit à cette injonction en mettant l’épée à la main, et son adversaire eut bientôt succombé. Cet inconnu n’était autre que Laïus, et la prédiction suivant laquelle il devait mourir de la main de son fils se trouva ainsi accomplie.

Parvenu à Thèbes, Œdipe trouva cette ville dans un grand trouble causé par le Sphinx. Ce monstre, né d’Echidne et de Typhon, avait la tête et les mains d’une jeune fille, le corps d’un chien, la queue d’un serpent, les ailes d’un oiseau et les griffes d’un lion ; il avait fixé son séjour sur un rocher escarpé nommé le mont Phinée, et de là il s’élancait sur les voyageurs, leur proposait une énigme à résoudre, et dévorait tous ceux qui ne pouvaient l’expliquer. La question posée par le monstre était celle-ci : « Quel est l’animal qui marche le matin à quatre pieds, à deux sur le milieu du jour, et le soir à trois ? » Œdipe, s’étant présenté pour résoudre cette difficulté, répondit : « Cet animal est l’homme, qui, dans son enfance, se traîne sur les pieds et sur les mains, qui marche sur deux pieds au milieu de son âge, et qui, sur le déclin de sa vie, est obligé de s’appuyer sur un bâton. » Le Sphinx, désolé de voir son énigme ainsi dévoilée, se précipita du sommet de la montagne, et fut déchiré sur les rochers. Œdipe, libérateur de Thèbes, entra en triomphe dans la ville, et reçut la récompense que le peuple avait promise au vainqueur du monstre, c’est-à-dire qu’il fut proclamé roi du pays, et obtint la main de Jocaste, la veuve de Laïus. Ainsi Œdipe, poursuivi par un impitoyable destin, après avoir tué son père sans le connaître, devint, sans le savoir, l’époux de sa propre mère.

Œdipe jouissait depuis longtemps du pouvoir souverain, lorsqu’une peste terrible vint ravager la ville de Thèbes et ses environs. Après avoir vainement épuisé tous les moyens pour arrêter la marche du fléau, on recourut à l’oracle, qui répondit que les maux qui désolaient les Thébains ne cesseraient que lorsqu’on aurait découvert et puni le meurtrier de Laïus. Le roi lui-même se livra aussitôt aux plus actives recherches pour découvrir l’auteur de cet homicide : ses efforts eurent pour résultat de lui révéler toute l’horreur de sa destinée ; il apprit en même temps qu’il était fils de Laïus, et que c’était son père qu’il avait combattu et tué en traversant la Phocide.

En proie au plus violent désespoir, Œdipe s’arracha les yeux et se bannit de la Béotie. Guidé par sa fille Antigone, qui lui prodiguait les soins les plus constants et les plus dévoués, il se mit en route, à pied, dénué de tout secours, et ne soutenant sa vie que par les aumônes qu’il demandait. Ce fut ainsi qu’il gagna le bourg de Colone, dans l’Attique, où il se fixa, et où il fut englouti dans un tremblement de terre.

Ses deux fils, Étéocle et Polynice, qui s’étaient emparés du pouvoir après le départ de leur père, étaient convenus entre eux de régner alternativement, chacun pendant une année. Mais Étéocle, qui, en sa qualité d’aîné, avait le premier occupé le trône, refusa de le céder à son frère à l’expiration de l’année ; Polynice, indigné, alla demander du secours à son beau-père, Adraste, roi d’Argos, et vint assiéger Thèbes avec une armée commandée par sept chefs, qui y périrent tous, à l’exception d’Adraste. Enfin, pour mettre un terme aux maux de la guerre, les deux frères convinrent de vider leur querelle dans un combat singulier qu’ils se livrèrent en vue des deux armées. Ils se précipitèrent l’un contre l’autre avec tant de fureur, qu’ils en furent tous deux victimes : ils se percèrent réciproquement de leurs épées, et tombèrent morts en même temps.

Antigone, leur sœur, étant revenue à Thèbes, après la mort de son père, pour rendre les derniers devoirs à ses deux frères, fut mise à mort par Créon, qui s’était emparé du pouvoir. Ainsi s’éteignit toute cette famille frappée de fatalité ; Jocaste s’était étranglée.

Questions. §

Comment Œdipe passa-t-il son enfance ? — Pourquoi se rendit-il en Phocide, et quelle rencontre y fit-il ? — Quelle circonstance remarquable signala son arrivée à Thèbes ? — Quel malheur vint le frapper dans sa vieillesse ? — Quelle fut la fin de sa vie ? — Ses deux fils ne lui succédèrent-ils pas ? — Comment mourut Antigone ?

X. — Pélops. §

Pélops était fils de Tantale, roi de Phrygie66 ; ce dernier, ayant reçu chez lui les Dieux qui voyageaient sur la terre, et voulant éprouver leur divinité, leur offrit à manger son propre fils Pélops, qu’il avait coupé par morceaux et accommodé avec art. Cérès seule goûta de ce mets, et déjà elle avait mangé une épaule du jeune enfant, lorsque Jupiter découvrit le crime. Ce Dieu, plein d’une profonde horreur pour cet épouvantable forfait, précipita Tantale dans les enfers, et rendit la vie à Pélops, en réunissant tous les morceaux de son corps ; l’épaule que Cérès avait mangée fut remplacée par une épaule d’ivoire.

Devenu grand, il vint à la cour d’Œnomaüs, roi d’Élide et de Pise. Ce roi avait une fille nommée Hippodamie, et comme il ne voulait pas s’en séparer, il avait déclaré qu’il ne la donnerait en mariage qu’à celui qui l’aurait vaincu à la course des chars ; cette condition n’était pas facile à remplir, car Œnomaüs déployait une grande habileté dans ces jeux, et il avait des chevaux si rapides, qu’on les disait fils du Vent. En outre, les prétendants qui succombaient dans la lutte devaient être immédiatement mis à mort. Déjà treize malheureux avaient payé de leur vie leur imprudente poursuite, lorsque Pélops se présenta. Bien qu’il eût des chevaux qui étaient un présent de Pluton, il eut recours à la ruse, et gagna à prix d’argent Myrtile, cocher d’Œnomaüs, qui s’engagea à scier les roues du char de son maître ; par suite de cette trahison, le roi fut renversé au milieu de la carrière. Il mourut des suites de cette chute, mais il eut encore le temps de reconnaître Pélops pour son vainqueur et de lui accorder la main d’Hippodamie.

Pélops, dès lors roi d’Élide, étendit rapidement ses conquêtes ; il soumit à son pouvoir presque toute la presqu’île méridionale de la Grèce, qui fut appelée, du nom de son conquérant, le Péloponèse.

Ce prince laissa deux enfants, Atrée et Thyeste, sur lesquels les poëtes se sont plu à accumuler toutes les horreurs imaginables. Après de longues querelles, pendant lesquelles l’un et l’autre s’étaient souillés de tous les crimes, Atrée feignit de vouloir se réconcilier avec son frère et l’invita à un festin ; Thyeste s’y étant rendu, on lui fit manger la chair de ses propres enfants qu’Atrée avait égorgés. La fable ajouta que le soleil rétrograda, pour ne pas éclairer une scène aussi atroce.

Questions. §

Quel événement extraordinaire marqua la jeunesse de Pélops ? — Comment devint-il roi d’Élide et époux d’Hippodamie ? — De quelle contrée se rendit-il maître par la victoire ? — Quels furent ses enfants ?

XI. — Précis de la guerre de Troie. §

La ville de Troie67, située en Phrygie au pied du mont Ida, vis-à-vis du Bosphore de Thrace, avait été fondée par Dardanus. Erichthonius, fils de ce prince, eut pour successeur son fils Tros, qui donna son nom à la ville de Troie, et celui de Troade à toute la contrée. Ilus, un de ses fils, donna à une citadelle qu’il avait bâtie le nom d’Ilion, qui s’étendit bientôt à la ville elle-même. Laomédon, fils d’Ilus, construisit les murailles de la place, que l’on attribua à Apollon, de même que l’on croyait que Neptune seul avait pu élever les digues qui devaient protéger Troie contre la fureur des flots. Laomédon, pour apaiser la colère du Dieu des mers, avait été obligé d’exposer sa propre fille sur le bord de la mer, où elle devait être la proie d’un monstre marin. Hercule, se rendant à la conquête de la Toison d’or, tua le monstre, et délivra la fille du roi. Mais Laomédon l’ayant frustré de la récompense qu’il lui avait promise, Hercule saccagea la ville, tua le roi et emmena en esclavage son fils Priam. Ce jeune prince avait été depuis racheté par les Troyens, et c’était lui qui régnait à Troie lorsque cette ville célèbre tomba sous les efforts de la Grèce conjurée.

Les cruelles vengeances qu’Hercule avait exercées sur les Troyens avaient déposé dans le cœur de ce peuple un germe de haine contre les Grecs. De leur côté, ces derniers étaient jaloux de cette ville, qui s’élevait comme une rivale sur la côte de l’Asie, et qui égalait leurs plus riches cités en réputation et en prospérité. Il ne fallait qu’une occasion pour faire éclater ces sentiments d’inimitié et pour changer cette jalousie secrète en une guerre ouverte. Elle ne tarda pas à se présenter. Pâris, fils de Priam, était venu en Grèce pour réclamer sa tante Hésione, enlevée par Hercule, et qui était encore retenue prisonnière ; le jeune prince fut accueilli avec hospitalité par Ménélas, roi de Sparte ; mais, voyant qu’on ne voulait pas lui rendre Hésione, il profita d’une absence de Ménélas pour enlever son épouse Hélène, déclarant qu’il la garderait tant qu’on n’aurait pas rendu la liberté à la princesse troyenne. Les plaintes du roi de Sparte retentirent dans toute la Grèce ; tous les princes se rassemblèrent en courroux, et jurèrent de ne pas déposer les armes qu’ils n’eussent renversé la ville de Troie ; une armée considérable fut bientôt réunie, et les nombreux capitaines qui avaient joint leurs forces se soumirent au commandement d’Agamemnon, roi d’Argos et de Mycène, qui fut nommé généralissime.

Cependant la flotte des confédérés, composée de deux cent quatre-vingt-dix vaisseaux, fut longtemps retenue par les vents contraires dans le port d’Aulide, en Béotie. L’oracle, consulté sur les moyens de surmonter cet obstacle, répondit que les vents ne deviendraient favorables que lorsqu’Agamemnon aurait immolé sa fille Iphigénie à Diane, dont il avait encouru la disgrâce en tuant une biche qui lui était consacrée. Après une longue hésitation, Agamemnon se résigna à satisfaire à la cruelle exigence de la Déesse ; mais, au moment où le prêtre tenait le couteau levé sur la princesse qu’il allait frapper, Diane substitua une biche à Iphigénie, qu’elle transporta dans la Chersonèse-Taurique, où elle la fit la grande-prêtresse de son temple. Les vents devinrent immédiatement favorables, et la flotte grecque cingla vers les rivages de Troie, où elle arriva bientôt et heureusement.

Toutes les forces de l’Asie s’étaient réunies pour défendre Troie contre les capitaines grecs. Ces troupes étaient commandées par des chefs pleins de bravoure, au premier rang desquels il faut placer cinquante fils que Priam avait eus de différentes femmes, et dont l’aîné, qui se nommait Hector, eût seul repoussé les efforts des ennemis, si les destins ne lui eussent été contraires. Les yeux du monde entier étaient fixés sur cette guerre, à laquelle les Dieux eux-mêmes prirent part, s’intéressant les uns pour les Grecs, et les autres pour les Troyens. Junon surtout signala dans cette occasion la haine qu’elle portait aux derniers par suite du jugement de Pâris, qui avait accordé à Vénus le prix de la beauté, qu’elle lui disputait.

D’innombrables combats se livrèrent avec des fortunes diverses sur le terrain qui séparait la ville assiégée du rivage de la mer où les Grecs avaient établi leur campement. Le courage d’Achille et l’adresse d’Ulysse furent surtout redoutables aux Troyens. De nombreuses dissensions s’élevèrent dans l’armée des Grecs ; d’illustres chefs périrent dans les deux armées ; et huit cent mille soldats furent tués, dit-on, de chaque côté. Cependant la lutte se prolongeait depuis dix années entières, et, quoique toutes les conditions exigées par le destin pour la chute de Troie eussent été remplies, les murailles de cette capitale de l’Asie s’élevaient toujours avec le même orgueil, et le courage de ses défenseurs ne semblait pas affaibli, malgré toutes les pertes qu’ils avaient faites.

Alors les Grecs eurent recours à une ruse qui leur réussit : feignant de renoncer à leur entreprise, ils levèrent leur camp, et, après avoir embarqué leurs tentes, leurs machines de guerre et leurs soldats, ils remirent à la voile, et allèrent cacher leur flotte derrière l’île de Ténédos68, qui se trouve en face de la ville. Les Troyens, se croyant enfin délivrés des dangers et des souffrances de la guerre, se précipitèrent en foule hors des murailles. Leur attention fut frappée par une énorme figure de bois représentant un cheval, que les Grecs avaient laissée sur l’emplacement de leur camp. Ils délibéraient sur ce qu’ils devaient faire de cette immense machine, lorsque Sinon, espion des Grecs et se disant leur victime, dit que ce cheval était une statue offerte à Minerve, et à laquelle on avait donné d’immenses proportions, pour que les Troyens ne pussent se rendre la Déesse favorable en introduisant cette offrande dans leurs murs. Les sujets de Priam, victimes de ce piége, et voulant posséder dans leur ville ce précieux garant de la protection de Minerve, s’empressent de pratiquer dans leurs murailles une large brèche par laquelle ils font entrer en triomphe le cheval mystérieux.

Pendant la nuit, Sinon ouvre les flancs de la machine, et une foule de guerriers armés qui y étaient enfermés se répandent dans l’intérieur de la ville ; en même temps les Grecs, avertis par un signal, débarquent de nouveau sur le rivage et pénètrent dans la place par la brèche que ses propres défenseurs ont ouverte. Les Troyens, surpris au milieu du sommeil et dans le repos qui succédait à une journée de réjouissance, sont égorgés presque sans défense ; les palais et les temples sont pillés, et la flamme d’un incendie général détruit tout ce que le fer a épargné. Ainsi finit, trois cents ans après sa fondation, la magnifique ville de Troie, l’orgueil de l’Asie ; ainsi se termina une guerre qui, malgré sa longue durée, doit son immense renommée moins à son importance réelle qu’aux vers d’Homère et de Virgile qui l’ont chantée69.

Questions. §

Quelle fut l’origine de Troie et quels princes y régnèrent successivement ? — Quels furent les motifs qui portèrent les princes grecs à se confédérer contre Troie ? — Par quels obstacles la flotte grecque fut-elle retenue en Aulide ? — Quels étaient les défenseurs de Troie ? — Cette guerre fut-elle promptement terminée ? — A quelle ruse les Grecs durent-ils leur victoire ?

XII. Héros grecs. §

Agamemnon. §

Agamemnon, roi d’Argos et de Mycène, descendant de Tantale et d’Atrée, épousa Clytemnestre, fille de Léda, dont il eut Oreste, Electre et Iphigénie.

Élu généralissime de l’armée grecque, il prit le titre de roi des rois, et mit une grande activité dans les préparatifs de la guerre. Ayant appris de la bouche de Calchas70 que Diane ne rendrait les vents favorables qu’après qu’il lui aurait immolé sa fille Iphigénie, il fit céder ses sentiments paternels à ses devoirs de général, et appela sa fille à son camp sous prétexte de la donner pour épouse à Achille ; mais la Déesse ne voulut pas laisser achever cet odieux sacrifice. Pendant le siége il eut une querelle avec Achille, au sujet d’une captive qu’il lui avait ravie, et cette querelle faillit entraîner la perte des Grecs, en déterminant Achille à leur refuser le secours de son bras.

Après la chute de Troie, il retourna chez lui, emmenant prisonnière Cassandre, qui lui était échue en partage ; celle-ci lui avait prédit qu’il serait assassiné en rentrant dans son palais. Il n’ajouta pas foi à cette prédiction, et cependant Clytemnestre, sa femme, le fit poignarder par Égisthe, avec lequel elle partagea ensuite le trône d’Argos.

Questions. §

Qu’était Agamemnon ? — Quel rôle joua-t-il dans la guerre de Troie ? — Comment mourut-il ?

Achille. §

Achille était fils de Pélée, roi de la Phthiotide, en Thessalie ; pour le rendre invulnérable, Thétis, sa mère, alla le plonger dans les eaux du Styx, mais elle négligea d’y tremper le talon par lequel elle le tenait, et c’est pourquoi son fils pouvait être blessé dans cette partie du corps. L’éducation d’Achille fut confiée aux soins du centaure Chiron, qui nourrit le jeune héros de la mœlle des lions et des tigres, et qui le rendit habile dans le maniement des armes. Le courage qu’il devait montrer plus tard se révéla dès ses plus jeunes années, car sa mère lui ayant proposé le choix de vivre longtemps ignoré, ou d’avoir une existence courte mais glorieuse, il préféra sans hésiter cette dernière destinée.

Thétis, instruite par le destin que son fils périrait devant Troie, voulut l’empêcher de se joindre à l’expédition qui se préparait contre cette ville ; elle l’envoya donc, déguisé en fille, à la cour de Lycomède, roi de Scyros71. Mais comme l’oracle avait déclaré que les Grecs ne triompheraient qu’avec l’aide d’Achille, Ulysse se chargea de le découvrir dans sa retraite. Dans ce but, il se rendit à Scyros caché sous le déguisement d’un marchand, et alla offrir aux filles du roi des bijoux et des parures, au milieu desquelles il avait mis à dessein un casque et une épée. Achille ne put résister au plaisir de saisir ces armes et de montrer son adresse à les manier. Ulysse, l’ayant reconnu à ces penchants guerriers, n’eut pas de peine à déterminer le jeune héros à le suivre vers les lieux où l’attendaient la gloire et les combats. Sa mère, désolée de le voir échapper à sa tendresse, obtint pour lui de Vulcain un bouclier merveilleux qui le mettait à l’abri de tous les coups ; elle lui donna des chevaux immortels.

Achille ne tarda pas à signaler sa valeur sous les murs de Troie, et il devint bientôt la terreur des assiégés. Agamemnon lui ayant enlevé, par un abus de sa puissance, la jeune Briséis, qu’il avait faite prisonnière dans la prise d’une petite ville de la Troade, Achille ne voulut plus seconder les efforts des Grecs, et, se renfermant dans sa tente, il resta une année entière sans prendre les armes. Grâce à son inaction, les Troyens reprenaient l’avantage ; mais Achille ayant appris que Patrocle avait été tué par Hector, le désir de venger son ami le plus cher lui fit reprendre les armes. Il se précipite au milieu de la mêlée, cherche Hector, et un combat terrible s’engage entre ces deux adversaires dignes l’un de l’autre. Cependant le héros troyen succombe, et le vainqueur, ayant attaché par les pieds le cadavre de son ennemi derrière son char, le promène trois fois autour de la ville qu’il a privée de son plus vaillant champion. Plus tard il se laissa toucher par les prières et les larmes du vieux Priam, et lui rendit le corps défiguré de son fils.

Dans la dernière année du siége de Troie, Achille demanda à Priam sa fille Polyxène en mariage, lui promettant de devenir son allié contre les Grecs. Sa demande ayant été accueillie favorablement, il se rendit dans le temple d’Apollon pour célébrer ce mariage ; mais Pâris, voulant venger la mort d’Hector, lui décocha une flèche qui l’atteignit au talon, et lui donna la mort. Les Grecs lui firent de magnifiques funérailles et lui élevèrent un tombeau sur le promontoire de Sigée. On célébra des jeux en son honneur, et il fut rangé au nombre des Demi-Dieux.

Questions. §

Quelles furent la naissance et l’éducation d’Achille ? — Comment fut-il entraîné au siége de Troie malgré les efforts de sa mère ? — Quels furent ses exploits pendant le siége ? — Comment mourut-il ?

Ulysse. §

Ulysse, roi d’Ithaque72 et de Dulichium, était fils de Laerte et d’Anticlée.

Au moment où commença la guerre de Troie, il venait d’épouser Pénélope, fille d’Icare. Désirant rester dans son pays et auprès de sa jeune épouse, il contrefit l’insensé ; on le voyait atteler à sa charrue les animaux les moins propres au labourage, et tracer sur le bord de la mer des sillons dans lesquels il semait du sel au lieu de blé. Cependant Palamède, qui soupçonnait la feinte, prit le jeune Télémaque qui venait de naître, et le plaça devant la charrue de son père ; Ulysse se trahit par le soin qu’il mit à épargner son fils, et, voyant ainsi sa ruse dévoilée, il fut obligé de suivre les autres capitaines grecs devant Troie.

Une fois arrivé au rendez-vous général, il rendit les plus grands services à l’armée confédérée, par sa rare prudence, par son courage et par son adresse. Ce fut lui qui alla chercher Achille chez Lycomède, lui qui enleva avec Diomède73 le Palladium ou simulacre de Minerve qui protégeait Troie ; ce fut encore lui qui empêcha Rhésus74, roi de Thrace, de secourir Priam ; lui qui amena au camp des Grecs Philoctète, dépositaire des flèches d’Hercule ; enfin ce fut lui qui eut l’idée du fameux cheval de bois auquel les Grecs durent la victoire. Après la mort d’Achille, il disputa les armes de ce héros au bouillant Ajax, et sut, par son éloquence, déterminer les autres chefs à lui adjuger le précieux héritage du fils de Thétis.

Après l’issue de la guerre de Troie, il lutta pendant dix ans contre les tempêtes et contre la vengeance des dieux, qui l’éloignaient sans cesse de sa patrie. Il fut jeté successivement sur les côtes des Ciconiens, en Thrace, où il eut une guerre cruelle à soutenir ; chez les Lotophages75, qui firent goûter à ses compagnons des fruits si délicieux, qu’ils ne voulaient plus se rembarquer ; sur les rivages de la Sicile, où il n’échappa à la férocité de Polyphème qu’en enivrant ce monstre et en lui crevant son œil unique. Il visita ensuite le séjour d’Eole, et ce Dieu, charmé de ses discours, lui remit, renfermés dans des outres, tous les vents qui pouvaient nuire à sa navigation ; mais les matelots d’Ulysse ayant imprudemment ouvert les outres, les vents déchaînés causèrent une tempête qui le jeta sur les terres des Lestrigons, anthropophages qui dévorèrent plusieurs de ses compagnons. Il resta ensuite un an dans l’île d’Æa, où régnait la magicienne Circé, qui changea ses soldats en pourceaux et en autres animaux. Délivré de ce nouveau danger, il échappa par sa prudence aux séductions des Sirènes ; mais un naufrage le jeta dans l’île d’Ogygie, demeure de Calypso, où il séjourna sept ans. Enfin, après d’innombrables périls et de longues souffrances, auxquels il échappa seul de tous ses compagnons, il dut à la générosité du roi des Phéaciens de revoir enfin son île d’Ithaque.

Pendant les vingt années qu’avait duré son absence, Pénélope n’avait cessé de l’attendre et de lui garder sa foi. Vainement les nombreux prétendants dont elle était entourée cherchaient à lui persuader qu’Ulysse était mort, et qu’il était de son devoir et de l’intérêt de ses peuples de choisir un nouvel époux ; elle employait mille ruses pour gagner du temps, et évitait toujours de se prononcer. Pendant longtemps elle avait trompé l’impatience de ses persécuteurs, en leur promettant de former de nouveaux nœuds quand elle aurait achevé une broderie à laquelle elle travaillait : mais elle défaisait chaque nuit l’ouvrage de la journée, de sorte que son travail n’avançait pas. Enfin, poussée à bout, elle dit qu’elle épouserait celui qui pourrait faire plier l’arc d’Ulysse.

Tandis que ces princes efféminés s’épuisaient en efforts superflus pour tendre cet arc, un homme inconnu et de peu d’apparence se présente au concours : repoussé d’abord par les concurrents, il saisit l’arc, le courbe de son premier effort, et cet acte de vigueur et d’adresse a déjà fait reconnaître Ulysse par ses fidèles sujets. Prenant aussitôt les armes, il met en fuite ou massacre tous ceux qui aspiraient à sa succession, et se voit enfin tranquille possesseur du trône de ses aïeux.

Questions. §

Qu’était Ulysse ? — Se réunit-il avec empressement à l’expédition des Grecs contre Troie ? — Quels services rendit-il aux confédérés ? — Que lui arriva-t-il à son retour de Troie ? — Pendant ce temps, quelle était la conduite de Pénélope ? — Comment Ulysse remonta-t-il sur le trône d’Ithaque ?

Ajax. §

Ajax, que l’on regardait comme le plus vaillant des Grecs après Achille, commandait au siége de Troie les Mégariens et les habitants de Salamine. Il était tellement bouillant, que son courage dégénérait souvent en une espèce de démence furieuse.

Il se battit pendant une journée entière contre Hector, et les deux héros furent si charmés l’un de l’autre, qu’ils cessèrent le combat, et échangèrent des présents qui devaient leur être funestes. En effet, Hector reçut d’Ajax un baudrier qui servit plus tard à attacher son cadavre au char d’Achille, et le fils de Priam donna au guerrier grec une épée avec laquelle il se donna la mort de sa propre main.

Après la mort d’Achille, Ajax et Ulysse se disputèrent ses armes ; le dernier l’ayant emporté par son éloquence dans le conseil des chefs de l’armée, Ajax tomba dans un tel accès de rage, que pendant la nuit il se jeta l’épée à la main sur les troupeaux du camp et en fit un carnage terrible, croyant frapper Ulysse, Agamemnon et les autres rois. Revenu à lui et voyant les actes de folie auxquels il s’était livré, il se tua pour éviter les moqueries dont il allait être l’objet. La jacinthe naquit, dit-on, de son sang.

Il y eut un autre Ajax, fils d’Oïlée, célèbre par son adresse dans les exercices du corps et encore plus par son impiété.

Lors de l’embrasement de Troie, il pénétra les armes à la main dans le temple de Minerve et en arracha la prêtresse Cassandre76. La Déesse, irritée de cette violation de son sanctuaire, souleva une tempête qui détruisit les vaisseaux d’Ajax, comme il retournait en Grèce. Lui-même, échappé au naufrage, se réfugia sur un rocher en s’écriant : Je me sauverai malgré les Dieux. Neptune, irrité de cette impiété, l’engloutit sous les eaux d’un coup de son trident qui fendit le rocher en deux.

Questions. §

Qu’était Ajax ? — Ne lutta-t-il pas contre Hector ? — A quelle occasion se trouva-t-il en rivalité avec Ulysse ? — N’y eut-il pas un autre Ajax ? — Comment mourut-il ? — Qu’était Cassandre ? (Voyez la note.)

Nestor. §

Nestor, fils de Nélée et de Chloris, avait seul échappé au massacre qu’Hercule avait fait de la famille de Nélée, roi de Pylos, qui lui refusait le passage dans ses États.

Quoique d’un âge déjà très-avancé, il accompagna les Grecs au siége de Troie, où il acquit une grande réputation de sagesse et de prudence. La protection d’Apollon le fit vivre trois cents ans.

Questions. §

Qu’était Nestor ? — Sous quel rapport se distingua-t-il au siége de Troie ?

Philoctète. §

Philoctète, fils de Pœan, fut le compagnon d’Hercule ; au moment de mourir, ce héros lui fit jurer de ne jamais découvrir le lieu de sa sépulture, ni l’endroit où il enterrerait ses flèches trempées dans le sang de l’hydre.

Lorsque les Grecs partirent pour Troie, l’oracle leur déclara qu’ils ne pourraient être vainqueurs s’ils n’avaient les flèches d’Hercule ; Ulysse alla donc demander à Philoctète de lui révéler le lieu où il trouverait ces armes. Philoctète résista longtemps à ses sollicitations ; mais enfin, sans trahir son secret par la parole, il frappa du pied la terre à l’endroit où elles étaient enterrées, et Ulysse comprit aussitôt ce signe.

Philoctète fut puni de son parjure ; pendant la traversée, une des flèches lui tomba sur le pied, et la plaie qui en résulta causait une telle infection dans la flotte, que les Grecs abandonnèrent le malheureux blessé sur un rocher de l’île de Lemnos77. Il y resta neuf ans seul et sans secours, en proie aux plus horribles souffrances, et n’ayant pour subsister que les animaux qu’il perçait de ses flèches.

Cependant le siége de Troie ne se terminait pas ; les Grecs avaient perdu l’élite de leurs guerriers et désespéraient déjà du succès de leur entreprise. Ils se souvinrent alors de Philoctète et de l’oracle qui le concernait. Ulysse retourna le chercher, et le détermina non sans peine à aller rejoindre l’armée grecque. Arrivé sous les murs de Troie, il fut guéri par Machaon78 et se distingua par plusieurs actions d’éclat, et entre autres par la mort de Pâris. Après l’issue du siége, il alla fonder dans la Calabre, avec une colonie de Thessaliens, la ville de Pétilie.

Questions. §

Qu’était Philoctète, et quel serment fit-il à Hercule mourant ? — Comment tint-il ce serment ? — Fut-il puni de son parjure ? — Comment parvint-il devant Troie, et quels y furent ses exploits ?

XIII. — Héros troyens. §

Priam. §

Lors de la prise de Troie par Hercule, Priam, fils du roi Laomédon, fut emmené captif en Grèce avec sa sœur Hésione.

Rendu à la liberté, il monta sur le trône après la mort de son père, donna une nouvelle splendeur à sa capitale, et étendit au loin ses conquêtes. Il avait épousé Hécube, fille de Cissée, roi de Thrace, dont il eut un grand nombre d’enfants.

Le cours de ces prospérités fut interrompu par la guerre que suscita l’enlèvement d’Hélène. Priam eut à soutenir pendant dix ans une guerre cruelle, dans laquelle il vit la plupart de ses enfants tomber à ses côtés. Enfin, lors de la prise de sa capitale, il fut égorgé par Pyrrhus79 au pied de l’autel de Jupiter, qu’il tenait embrassé.

Questions. §

Quel événement principal marqua la jeunesse de Priam ? — Monta-t-il sur le trône de ses aïeux ? — Par quels malheurs fut-il frappé pendant ses dernières années ?

Hector. §

Hector, fils aîné de Priam et d’Hécube, épousa Andromaque, dont il eut Astyanax. C’était le plus courageux des Troyens, et il eût sauvé sa patrie si elle avait pu être sauvée.

Pendant les dix années que dura le siége, il se signala par mille actes de valeur : il incendia la flotte ennemie ; il combattit Ajax sans le vaincre, mais sans en être vaincu, et, pendant l’inaction d’Achille, il porta souvent la terreur dans le camp des Grecs.

Patrocle, l’ami et le frère d’armes d’Achille, voyant les avantages continuels qu’obtenaient les Troyens, eut l’idée de paraître à la tête des troupes couvert des armes et des habits du fils de Pélée ; cette ruse réussit, et à la vue de ces armes qu’ils avaient appris à redouter, les soldats de Priam reculèrent ; mais Hector vint attaquer Patrocle, et le fit succomber sous ses coups. A cette nouvelle, Achille, animé par le désir de la vengeance, se précipite sur le champ de bataille et atteint Hector comme il rentrait triomphant dans la ville. Une lutte terrible s’engage entre les deux héros à la vue des armées ennemies. La lutte semblait égale ; mais Achille ayant plongé sa lance au défaut de la cuirasse d’Hector, celui-ci tomba baigné dans son sang. Achille traîna son cadavre autour des murs de Troie, et le destinait à être la proie des bêtes féroces et des vautours ; il ne put cependant résister aux larmes et aux prières de Priam, et lui rendit le corps de son fils.

Questions. §

Qu’était Hector ? — Par quels exploits signala-t-il sa valeur pendant le siége de Troie ? — Comment mourut-il ?

Pâris. §

Pâris était l’un des fils de Priam. Avant sa naissance, sa mère Hécube alla consulter l’oracle, qui lui répondit que l’enfant qu’elle portait dans son sein devait causer la perte de sa patrie. Pour éviter ces malheurs, son père le remit, dès qu’il eut vu le jour, à un esclave qui devait le faire mourir ; mais la pitié de sa mère lui sauva la vie, et il fut élevé parmi les bergers du mont Ida.

Sa beauté et sa grâce le distinguèrent, dès sa première jeunesse, de ses grossiers compagnons ; il épousa Œnone, nymphe des forêts, et fut choisi par l’Olympe pour adjuger le prix de la beauté à l’une des trois Déesses qui se le disputaient. En prononçant en faveur de Vénus, il attira sur lui et sur tout son peuple le courroux de la vindicative Junon.

Il vint à Troie à l’occasion des jeux publics que l’on y célébrait, et, en entrant dans la lice, il remporta par son adresse et sa vigueur sur tous ses concurrents et même sur les fils du roi. Hector, furieux de se voir vaincu par un simple berger, voulut le percer de sa lance ; mais en ce moment critique Pâris se fit reconnaître par des signes certains pour le fils de Priam. Reconnu par sa famille et admis aux honneurs dus à sa naissance, il fut envoyé en Grèce pour réclamer sa tante Hésione ; ne pouvant réussir dans ses négociations, il enleva Hélène, et détermina ainsi la confédération des princes grecs contre Troie.

Pendant la durée du siége, Pâris ne montra pas toujours la bravoure que semblaient promettre ses succès dans les jeux de la lice ; il combattit cependant Ménélas, et il allait succomber sous ses coups, lorsque Vénus vint l’arracher à son ennemi victorieux. Il blessa Diomède, et tua par trahison le vaillant Achille. Blessé lui-même par une flèche empoisonnée que lui avait décochée Philoctète, il alla mourir auprès d’Œnone, sur le mont Ida.

Questions. §

Qu’était Pâris, et quelles circonstances accompagnèrent sa naissance ? — Sous quels rapports sa jeunesse fut-elle remarquable ? — Comment reprit-il la position à laquelle sa naissance lui donnait droit ? — Quelle fut sa conduite durant le siége de Troie ?

Enée. §

Enée, prince troyen, fils d’Anchise et gendre de Priam, est surtout célèbre par sa piété envers les Dieux et par son émigration en Italie après la ruine de sa patrie.

Après s’être vaillamment défendu contre les Grecs qui envahissaient Troie dans la nuit qui fut fatale à l’empire de Priam, Enée sortit de la ville que dévoraient les flammes, emportant sur ses épaules son père et ses Dieux Pénates, tenant par la main son fils Ascagne, et suivi de sa femme Créuse, qu’il perdit dans l’obscurité. Il se retira sur le mont Ida, où il réunit un grand nombre de ses compatriotes, qui s’embarquèrent sous sa direction.

Enée fit voile d’abord pour la Thrace, puis aborda en l’île de Thrace, d’où il fut chassé par la peste ; de là il se rendit en Epire, ensuite prit terre à Drépane, en Sicile, où il vit mourir son père Anchise. Après lui avoir rendu les derniers devoirs, il se mit en mer, et une tempête furieuse, suscitée par Junon, le jeta sur les côtes d’Afrique, où, suivant Virgile, il rencontra Didon, qui venait de fonder Carthage80 ; enfin il atteignit les côtes d’Italie, où les destins avaient décidé qu’il devait se fixer.

En remontant le Tibre81, les Troyens fugitifs parvinrent dans les États de Latinus ; Enée fit alliance avec ce prince, qui lui promit en mariage sa fille Lavinie. Mais cette princesse était déjà fiancée à Turnus, roi des Rutules, qui prit les armes pour faire valoir ses droits. Pour éviter les malheurs de la guerre, les deux rivaux convinrent de vider leur querelle dans un combat singulier ; Enée, sorti vainqueur de cette lutte, épousa Lavinie et prit possession du trône des Latins. Ce mélange de Troyens et des sujets de Latinus donna naissance à la nation romaine, qui regarda toujours Enée comme un des ancêtres de Romulus, et qui le vénérait sons le nom de Jupiter Indigète.

Questions. §

Qu’était Enée ? — Comment quitta-t-il l’Asie ? — Sur quels rivages fut-il successivement porté ? — Quel établissement fonda-t-il en Italie ?

Quatrième partie.
Culte rendu aux Dieux du paganisme. §

I. — Les Temples, les Prêtres et les Sacrifices. §

On croit généralement que le culte des faux Dieux est originaire de l’Orient. Il fut apporté en Europe par les nombreuses colonies que les Égyptiens et les Phéniciens y établirent. Ces croyances semblent surtout avoir été accueillies avec faveur par les Grecs, qui se les approprièrent en mettant leurs rois et leurs héros au nombre des Dieux, en leur élevant des monuments magnifiques dont la mémoire sera éternelle, et en attachant une fiction poétique à chaque montagne, à chaque île, à chaque rocher de leur pays.

Les premiers temples semblent aussi avoir été construits en Egypte, et l’on en trouve encore qui furent taillés dans des rochers à des époques qui se perdent dans l’antiquité. Hérodote parle d’un temple de dix mètres cinquante centimètres sur sept mètres, et de quatre mètres de haut, construit d’une seule pierre, et que dix mille ouvriers ne purent transporter qu’en trois années d’Eléphantis à Saïs.

Le plus ancien temple dont parle l’histoire du paganisme est le temple de Bélus ou Nemrod ; mais si ce temple n’est autre chose que la tour de Babel, comme on l’a pensé, ce fut moins un temple qu’un monument gigantesque au moyen duquel l’orgueil des hommes pensait rendre un nouveau déluge impossible. Un regard du seul vrai Dieu interrompit la construction de ce monument d’orgueil et d’impuissance. Il était composé de huit tours superposées qui allaient toujours en diminuant, et au sommet desquelles on parvenait par un escalier tournant et extérieur. On croit que cet édifice avait cent trente-quatre mètres de hauteur.

Le monument religieux le plus célèbre de la Grèce était le temple de Diane à Éphèse82 ; on le mettait au nombre des sept merveilles du monde. Ce magnifique édifice, commencé par l’architecte Chersiphron et terminé après deux cent vingt ans de travaux continuels, avait 140 mètres de longueur sur 75 de largeur. Il était soutenu par cent vingt-sept colonnes, hautes de 20 mètres, dont un grand nombre étaient sculptées, et qui avaient été données au temple par cent vingt-sept rois différents. Selon Xénophon, la statue de la Déesse était en or. Pendant cinq siècles, ce temple attira un concours immense de voyageurs, et il ne cessa de s’enrichir des dons qu’y envoyaient tous les peuples. Un instant suffit pour anéantir toutes ces magnificences ; un insensé nommé Erostrate, voulant à tout prix rendre son nom célèbre, incendia le temple, qui fut entièrement détruit. Pour punir le sacrilége d’Erostrate, les Ephésiens défendirent, sous peine de mort, de prononcer son nom, qui n’en est pas moins venu jusqu’à nous83.

Le temple d’Apollon à Delphes était aussi célèbre, tant par sa beauté que par les immenses richesses qu’y avait accumulées la piété des peuples. Celui de Jupiter à Olympie84 passait pour le plus grand de toute la Grèce. Il était tout environné au dehors de colonnes d’ordre dorique ; le sol était pavé de mosaïques, et l’intérieur était plein de statues magnifiques, parmi lesquelles il faut citer surtout celle de Jupiter. (Voyez plus loin la description des sept merveilles du monde.)

Parmi les temples innombrables que Rome éleva aux faux Dieux, on distingue surtout le Panthéon, consacré à tous les Dieux, bâti ou terminé par Agrippa. On admire sa vaste coupole, qui a servi de modèle à toutes les constructions de ce genre qu’on a élevées depuis, et son majestueux portique soutenu par seize colonnes de granit, d’ordre corinthien, de douze mètres de hauteur, et formées chacune d’un seul bloc85.

Chaque divinité avait ses prêtres propres, qui étaient chargés de veiller à son culte et qui vivaient des offrandes faites aux idoles dont ils étaient les ministres. Ils formaient un corps nombreux et qui jouissait de grands priviléges.

Les plus célèbres de ces prêtres étaient les Flamines, prêtres de Jupiter, de Mars et de plusieurs autres Dieux, ainsi nommés de ce qu’ils se ceignaient le front d’une bandelette de lin nommée flamen ; les Saliens, prêtres de Mars, commis à la garde des boucliers sacrés ; les Curètes ou Corybantes, prêtres de Cybèle ; les Vestales, chargées d’entretenir le feu perpétuel consacré à Vesta par Numa-Pompilius ; les Féciaux, chargés de déclarer la guerre ou de négocier la paix ; les Aruspices, qui devaient lire les arrêts du destin dans les entrailles des victimes ; les Augures, qui prédisaient les événements à venir d’après le vol des oiseaux.

Les sacrifices que l’on faisait aux Dieux étaient de différentes espèces, suivant les circonstances et le but dans lequel ils étaient faits. Il y avait certaines divinités auxquelles on offrait des fruits, des fleurs, des gâteaux, du blé, et d’autres objets dont profitaient les ministres du temple ; à d’autres on immolait certains animaux qui devaient être choisis d’un âge désigné ou d’une couleur particulière. Dans les grandes occasions on égorgeait cent animaux de la même espèce, et cette sorte d’offrande s’appelait une hécatombe ; on nommait holocauste le sacrifice dans lequel la victime était entièrement consumée par le feu, sans qu’il en restât rien. Les faux Dieux furent quelquefois honorés d’une manière plus cruelle, et, dans certaines contrées sauvages, on avait la coutume barbare de rougir leurs autels de sang humain.

Questions. §

De quelle contrée le culte des faux Dieux tira-t-il son origine ? — Où furent construits les premiers temples ? — Qu’était le temple de Bélus ? — Quel était le monument religieux le plus célèbre de la Grèce ? — N’y eut-il pas en Grèce d’autres temples dignes d’être cités ? — Quel fut le principal temple élevé par les Romains ? — Le culte des faux Dieux n’était-il pas desservi par des prêtres ? — Quels sont les plus connus ? — Par quels sacrifices honorait-on les divinités du paganisme ?

II. — Les Oracles et les Sibylles. §

Les Oracles étaient les réponses que les Dieux faisaient à ceux qui venaient les consulter. Il est à peine besoin d’ajouter que ces réponses émanaient des ministres des idoles, qui, au moyen de quelques artifices grossiers, persuadaient aux peuples que les Dieux eux-mêmes consentaient à leur dévoiler l’avenir et à les éclairer sur ce qu’ils devaient faire. Presque toujours ces réponses étaient conçues en paroles ambiguës et susceptibles de plusieurs interprétations, de manière à ce que l’événement ne pût compromettre le crédit de l’oracle. Ces impostures étaient une source constante de richesses pour les prêtres, qui recevaient des présents considérables de tous ceux qui venaient interroger les Dieux.

L’oracle de Dodone86 est regardé comme le plus ancien de la Grèce. Il fut fondé par une femme égyptienne nommée Péléia, qui avait été prêtresse de Jupiter à Thèbes, et qui, après avoir été enlevée, fut conduite en Grèce. Elle se fixa dans la forêt de Dodone, où elle éleva au pied d’un chêne un petit autel en l’honneur de Jupiter. Pendant longtemps les gens du pays ne purent comprendre son langage, et lorsqu’elle parvint à se faire entendre, elle prétendit que le murmure d’un ruisseau qui coulait près de sa demeure était la voix de Jupiter, et qu’elle avait reçu le don d’interpréter ces sons confus. Plus tard, on suspendit au chêne qu’elle avait consacré une statue d’airain qui tenait un fouet dans sa main et qui, lorsqu’elle était agitée par le vent, allait frapper des chaudrons dont elle était entourée. Ce choc produisait un bruit, que des interprètes cachés dans le creux des arbres du voisinage se chargeaient d’expliquer. C’est ce qui a fait dire que les chênes de la forêt de Dodone avaient le pouvoir de rendre des oracles.

L’oracle de Jupiter Ammon87 a la même origine que celui de la forêt de Dodone ; une prêtresse égyptienne transportée en Libye par les Phéniciens se retira dans une oasis au milieu des sables du désert. Bientôt on la crut inspirée, et l’on vint en foule la consulter des pays les plus éloignés. Les prêtres qui lui succédèrent construisirent un temple, et élevèrent une statue ornée de pierreries qui représentait le Dieu avec une tête de bélier ; quelquefois quatre-vingts prêtres, portant cette statue sur leurs épaules, parcouraient au hasard les pays environnants, feignant d’être dirigés par leur divinité. A l’approche d’Alexandre le Grand, ils s’empressèrent de proclamer que ce conquérant était un descendant de Jupiter.

L’oracle de Delphes fut le plus célèbre de tous ceux de la Grèce. Voici l’histoire de sa découverte : un berger s’aperçut que ses chèvres, en s’approchant d’une caverne qu’il avait remarquée, étaient saisies tout à coup d’une espèce de vertige et de mouvements convulsifs ; lui-même, en se baissant à l’ouverture de cette caverne mystérieuse, éprouva les mêmes accidents, accompagnés d’un délire qui lui faisait prononcer des mots sans suite et sans liaison, que l’on regarda comme des inspirations. La superstition ne tarda pas à s’emparer de ce phénomène : on entoura la caverne d’un temple : on plaça sur son orifice un siége à trois pieds que l’on nomma trépied, et l’on y fit monter une prêtresse que l’on nomma Pythie, à cause du serpent nommé Python dont Apollon avait délivré ce pays. A cette occasion l’oracle, qui d’abord avait été regardé comme appartenant à la Terre, puis à Thémis, fut dévolu au Dieu des vers, qui en resta maître jusqu’à la fin. Les prêtres recueillaient les mots sans ordre que la Pythie laissait échapper pendant ses instants de délire, et ils en composaient de mauvais vers, que le vulgaire recueillait comme l’expression de la sagesse divine.

L’oracle de Trophonius88 fut aussi en grande célébrité. Ce Trophonius n’était qu’un brigand fameux ; mais cela n’empêcha pas ses oracles d’obtenir un grand crédit, dû probablement aux sombres mystères dont ils étaient entourés. Pour consulter le Dieu, il fallait se soumettre à de longues épreuves et à de nombreuses purifications ; puis le consultant se couchait à terre, et il se sentait entraîné, les pieds en avant, dans de profondes et obscures excavations, au fond desquelles il descendait avec une grande rapidité. A son retour, il rapportait ce qu’il avait vu ou cru voir pendant son séjour dans ces lieux souterrains, et les prêtres lui en donnaient l’explication.

Il y avait un nombre infini d’oracles moins célèbres. Ce nombre s’augmentait tous les jours, et la seule Béotie en comptait plus de vingt-cinq. L’établissement du christianisme fit tomber les derniers de ces oracles menteurs, et en pénétrant dans ces temples on découvrit les ruses au moyen desquelles les ministres imposteurs des faux Dieux avaient longtemps abusé les peuples.

Les Sibylles étaient des femmes que l’on regardait comme tenant le milieu entre les mortels et les divinités, et auxquelles on croyait que le ciel avait donné connaissance de l’avenir.

Varron en désigne dix principales, dont les plus célèbres sont les suivantes :

La Delphique, fille du divin Tirésias ; Diodore rapporte qu’après la prise de Thèbes elle éprouva souvent des accès d’une fureur divine, en raison desquels elle porta la première le nom de Sibylle.

La sibylle de Cumes, ou la Cumée, qui faisait sa résidence ordinaire à Cumes89, et qui fut la plus célèbre de toutes ; elle se nommait Déiphobe ; elle était fille de Glaucus, et prêtresse d’Apollon et d’Hécate. On croyait qu’elle avait vécu mille ans, et qu’au temps d’Enée elle était déjà âgée de sept cents ans. Cette Sibylle, que l’on prétendait être inspirée par Apollon, rendait ses oracles dans un antre qui se trouvait dans le temple de ce Dieu. On y pénétrait par cent portes, et de chacune de ces ouvertures sortait une voix tonnante qui faisait entendre les réponses de la prophétesse. Les Romains élevèrent un temple à la Sibylle dans les lieux mêmes où elle avait rendu ses oracles, et il y avait quinze prêtres chargés de conserver le dépôt de ces vers, que l’on consultait dans toutes les circonstances importantes.

La Cumane, née à Cumes dans l’Elide, et qui se nommait Démophile, ou Hérophile, ou encore Amalthée ; elle vint proposer à Tarquin l’Ancien de lui vendre les recueils des vers sibyllins, qui formaient neuf livres ; le roi ne lui ayant pas accordé la somme qu’elle demandait, elle en jeta trois dans les flammes, et demanda le même prix des six qui restaient. Comme Tarquin hésitait, elle en détruisit trois autres, et le roi s’empressa de sauver le reste en donnant les trois cents pièces d’or qu’elle exigeait. Ces recueils étaient conservés par deux prêtres commis à ce soin, et il fallait un ordre du sénat pour qu’ils fussent ouverts et consultés, ce qui n’arrivait que dans les circonstances les plus graves.

On peut citer encore la Libyenne, fille de Jupiter, que l’on vit successivement à Samos, à Delphes et à Claros ; l’Hellespontique, née à Marpèze, dans la Troade ; la Tiburne, qu’on appelait Albunée, et qui prophétisait à Tibur, aujourd’hui Tivoli en Italie.

Questions. §

Qu’étaient les Oracles ? — Dites ce que vous savez sur l’oracle de Dodone ; — Sur celui de Jupiter Ammon ; Sur l’oracle de Delphes ; — Sur celui de Trophonius. — Y avait-il d’autres Oracles ? — Qu’étaient les Sibylles ? — Pouvez-vous nommer les plus célèbres ?

III. — Les Jeux. §

Les jeux étaient, chez les Grecs et les Romains, une espèce de spectacle que la religion avait consacré. Leur institution eut toujours pour motif, au moins apparent, la religion ou quelque pieux devoir. Aussi en marquait-on ordinairement le commencement et la fin par des sacrifices.

A Rome, les jeux solennels se célébraient dans les cirques ; ils consistaient en courses de char, que l’on nommait jeux équestres ou curules ; en combats de diverses espèces dans lesquels figuraient des hommes et des animaux, et en jeux scéniques, ou représentations de tragédies et de comédies.

En Grèce, on distinguait, outre les luttes de chant et de musique, cinq espèces de jeux différents, savoir : la course, qui se fit d’abord à pied, puis sur des chariots ; le saut, qui consistait à franchir des fossés ou des barrières ; le disque, qui consistait en une masse de pierre ou de métal qu’il fallait lancer le plus loin possible ; la lutte, dans laquelle deux athlètes nus et le corps frotté d’huile cherchaient à se terrasser ; enfin le ceste ou pugilat, qui n’était autre chose qu’un combat à coups de poing ; ceux qui se livraient à ce dernier exercice s’armaient les mains de grosses courroies et d’une espèce de brassard.

La Grèce eut un grand nombre de ces solennités, qui devinrent fameuses. Les plus remarquables avaient lieu près de la ville d’Olympie, et prirent de là le nom de jeux olympiques ; comme elles se célébraient tous les cinq ans, on prit de là l’habitude de compter les mesures de temps par olympiades. On prétend qu’Hercule, après avoir défait Augias, roi d’Élide, institua ces jeux en l’honneur de Jupiter ; suivant une autre opinion, ils furent fondés par cinq frères nommés Dactyles, qui excellaient chacun dans l’un des genres d’exercices auxquels on s’y livrait, et qui parurent dans l’arène chacun pendant un jour entier ; c’est pourquoi ces fêtes étaient solennisées pendant cinq journées consécutives. Pour être admis parmi les prétendants à la victoire, il fallait avoir reçu une éducation spéciale et remplir des conditions particulières ; les personnes d’une naissance illustre pouvaient seules prendre part à la course en char. Les vainqueurs recevaient une palme et une couronne d’olivier ; les poëtes les plus illustres célébraient leur nom, et ils recevaient dans le stade les applaudissements universels. A leur retour dans leur patrie, on les recevait en triomphe, on les introduisait dans la ville par une brèche pratiquée exprès aux murailles ; ils avaient des places d’honneur marquées dans toutes les réunions publiques, et le trésor public pourvoyait à leurs besoins pendant le reste de leurs jours.

Les jeux pythiens avaient d’abord été institués à Delphes en l’honneur d’Apollon, après sa victoire sur le serpent Python. Ils se célébraient aussi tous les cinq ans en des lieux différents, et l’on s’y livrait aux mêmes exercices que dans les jeux olympiques. Le vainqueur obtenait pour prix de son adresse ou de sa vigueur une couronne d’or.

Les jeux néméens furent institués en l’honneur d’Hercule, qui avait débarrassé l’Achaïe du lion de Némée. D’autres en attribuent l’origine à des fêtes funéraires fondées par les sept chefs argiens qui se rendaient au siége de Thèbes, en faveur d’un enfant nommé Archémore, qui fut étouffé par un serpent tandis que sa mère était occupée à les guider vers une fontaine. Les juges et les combattants portaient les signes du deuil, et le vainqueur recevait une couronne d’ache.

Les jeux isthmiens prirent leur nom de l’isthme de Corinthe, qui sépare la Morée du reste de la Grèce. On croit généralement qu’ils furent créés par Thésée en l’honneur de Neptune ; on les célébrait tous les trois ans dans un bois consacré. La foule que ces jeux attiraient était si grande, que les personnes privilégiées par leur naissance pouvaient seules y assister. Une couronne de pin était la récompense des vainqueurs. Lorsqu’ils rentraient dans leur patrie, il était d’usage que l’on construisît un pont pour les faire passer par-dessus les murailles, et leurs noms étaient gravés sur des colonnes dans les places publiques.

On a conservé jusqu’à nos jours les noms des athlètes qui se distinguèrent le plus dans les jeux publics. Polydamas, de Scétuse, en Thessalie, arrêtait d’une seule main un char attelé de plusieurs chevaux. Il mourut parce que, se trouvant dans une grotte qui s’éboulait, il s’obstina à en soutenir la voûte à force de bras ; tous ses compagnons s’échappèrent, lui seul fut écrasé. Milon de Crotone portait un taureau sur ses épaules, le tuait d’un coup de poing, et le mangeait en un jour. On cite de lui une foule d’autres traits qui prouvent une force prodigieuse. Un jour, son bras se trouva serré dans un tronc d’arbre qu’il voulait fendre en deux, et comme il ne pouvait le dégager, il fut dévoré par les animaux sauvages.

Questions. §

Qu’étaient-ce que les Jeux ? — En quels exercices consistaient ceux qu’on célébrait à Rome ? — Quels étaient les exercices pratiqués en Grèce ? — Que rapporte-t-on des jeux olympiques ? — Qu’étaient les jeux pythiens ? — Les jeux néméens ? — Les jeux isthmiens ? — A-t-on conservé la mémoire de quelques athlètes célèbres ?

Chapitres supplémentaires. §

Les sept merveilles du monde. §

On appelait ainsi sept monuments de l’antiquité qui semblaient, par leurs proportions ou par leur beauté, les plus étonnants qui fussent sortis de la main des hommes. Ces monuments étaient : les murs et les jardins de Babylone, les pyramides d’Égypte, le labyrinthe d’Égypte, le colosse de Rhodes, le tombeau de Mausole, le temple de Diane à Éphèse, et la statue de Jupiter Olympien.

Les murailles de Babylone90 étaient d’une grandeur prodigieuse ; les anciens auteurs prétendent qu’elles avaient soixante-sept mètres de hauteur et dix d’épaisseur, de telle sorte que plusieurs chars pouvaient y courir de front. Elles formaient un carré parfait, dont chaque côté avait vingt-quatre kilomètres ; elles étaient bâties de briques cimentées avec du bitume, et entourées d’un large fossé revêtu de briques et de bitume. Chaque côté de ce grand carré avait vingt-cinq portes d’airain massif, et entre ces portes, de même qu’aux angles des murailles, il y avait des tours qui étaient de trois mètres plus élevées que les murailles.

Les jardins suspendus formaient un carré dont chaque côté avait cent trente-trois mètres. Ils étaient élevés, et formaient plusieurs larges terrasses posées en forme d’amphithéâtre, et dont la plus haute égalait en hauteur les murailles de la ville. La masse entière était soutenue par de grandes voûtes bâties l’une sur l’autre, et fortifiée d’une muraille de sept mètres trente-trois centimètres d’épaisseur qui l’entourait de toutes parts. C’était sur le sommet de ces voûtes que se trouvait la terre des jardins, et elle formait une couche assez épaisse pour que les plus grands arbres y pussent prendre racine.

Les pyramides d’Égypte91 étaient d’immenses monuments ayant une base large, ordinairement carrée, construits en dehors en forme de degrés qui vont toujours en diminuant jusqu’au sommet. La plus grande, dite de Chéops, est bâtie sur le roc, qui lui sert de fondement ; sa base carrée a trois cent vingt mètres sur chaque face ; sa hauteur est de cent soixante mètres ; le sommet de la pyramide, qui d’en bas semble se terminer en une pointe aiguë, présente une plate-forme carrée, dont chaque côté a six à sept mètres. Les pierres qui forment les pyramides sont toutes énormes ; la moindre a dix mètres de long. Ces monuments étaient destinés à servir de tombeaux aux rois d’Égypte.

Le labyrinthe d’Égypte92, construit à l’extrémité méridionale du lac Mœris, était formé de la réunion de douze palais disposés régulièrement et qui communiquaient ensemble. Trois mille chambres entremêlées de terrasses se groupaient autour de douze salles principales, et ne laissaient point de sortie à ceux qui s’engageaient dans leur inextricable réseau. Il y avait autant de bâtiments sous terre ; ces constructions étaient destinées à la sépulture des rois, et servaient encore d’habitation aux crocodiles sacrés.

Nous avons parlé ailleurs (voyez page 103) du labyrinthe de Crète, construit à l’imitation du labyrinthe égyptien.

Le colosse de Rhodes93 était une immense statue de bronze élevée en l’honneur d’Apollon par le sculpteur Charès. Les pieds de cette statue reposaient sur deux roches situées des deux côtés de l’entrée du port de Rhodes ; les plus grands vaisseaux passaient, toutes voiles déployées, entre ses jambes. Elle avait soixante mètres d’élévation, et des escaliers intérieurs conduisaient jusqu’au sommet du monument, d’où l’on découvrait les côtes de Syrie. Cette statue merveilleuse, construite 300 ans avant notre ère, fut renversée quatre-vingts ans après par un tremblement de terre ; en 672, un Juif en acheta les débris, qui avaient été enfouis pendant près de neuf siècles, et le bronze qu’il y trouva forma la charge de neuf cents chameaux, c’est-à-dire sept mille deux cents quintaux.

Le tombeau de Mausole, roi de Carie, avait été élevé par son épouse Artémise dans la ville d’Halicarnasse94. Ce magnifique monument, orné de belles sculptures des plus habiles artistes du temps, avait plus de onze mètres de tour et onze de hauteur ; il était entouré de trente-six colonnes.

Le temple de Diane à Ephèse a été décrit plus haut, page 144.

La statue de Jupiter Olympien, qui se trouvait à Olympie (voir page 145), était le chef-d’œuvre de Phidias, le plus célèbre sculpteur de l’antiquité. Le trône et la statue étaient formés uniquement en or et en ivoire, et le Dieu était représenté dans des proportions telles, que, bien qu’il fût assis, sa tête s’élevait jusqu’à la voûte au temple, qui avait vingt mètres d’élévation. On comptait encore quelquefois parmi les merveilles du monde le temple de Salomon, le Capitole de Rome et le Phare d’Alexandrie95, tour de marbre blanc construite par l’architecte Sostrate, haute de cent cinquante mètres, et qui portait un fanal pour indiquer la route aux bâtiments qui arrivaient pendant la nuit dans ces parages.

Questions. §

Qu’étaient-ce que les merveilles du monde ? — Décrivez-les successivement. — N’y avait-il pas d’autres monuments que l’on mettait quelquefois au nombre des merveilles ?

Les sept sages de la Grèce. §

En même temps que le goût des arts se développait dans la Grèce, l’amour de la sagesse s’emparait aussi de quelques grands esprits ; des écoles s’ouvrirent où l’on ne s’occupait qu’à traiter de hautes questions de morale, de politique et de philosophie. — On nomma les sept sages de la Grèce sept hommes qui vécurent dans le même temps et qui se distinguèrent particulièrement dans ces graves spéculations de l’esprit. C’étaient Thalès de Milet, Bias, Pittacus, Solon, Périandre, Cléobule et Chilon.

 

Thalès, né à Milet, en Ionie, tient la première place parmi les sages de la Grèce. En même temps qu’il traitait des questions purement morales, il s’appliquait aussi à l’étude de l’astronomie, dont il avait appris les éléments dans ses voyages en Égypte ; il fut le premier à prédire les éclipses, et divisa l’année en douze mois, de trente jours chacun.

Voici quelques-unes de ses maximes : La première des sciences est de se connaître soi-même. — Voulez-vous bien vivre ? ne faites rien de ce que vous reprenez chez les autres. — Aimez vos amis en leur absence comme en leur présence ; vivez avec eux comme s’ils devaient être un jour vos ennemis. — Pour être heureux, il faut avoir une bonne santé, une fortune médiocre et un esprit cultivé.

 

Bias était né à Priène, en Ionie : cette ville ayant été prise d’assaut, tous les habitants se sauvaient, avec ce qu’ils possédaient de plus précieux ; Bias seul n’emportait rien, il disait : Je porte tout avec moi ; il voulait parler de sa sagesse, qui ne pouvait lui être ravie. On dit qu’il mourut pour avoir plaidé avec trop de chaleur la cause d’un de ses amis, qu’il croyait injustement accusé.

On rapporte de lui les maximes suivantes : Le malheureux est celui qui ne sait pas supporter le malheur. — Délibérez lentement, mais exécutez avec ardeur ce que vous avez résolu. — Ne vous hâtez jamais de parler. — Rapportez aux Dieux ce que vous faites de bien.

 

Pittacus, de Mitylène, ayant été nommé au commandement des troupes de sa patrie, termina la guerre par un combat singulier qu’il proposa au général ennemi, et dans lequel il fut vainqueur. Il gouverna ensuite Mitylène avec sagesse pendant dix ans, et abdiqua par sa propre volonté.

Il disait : Qu’il est difficile d’être homme de bien ! — Ne dites pas à tout le monde ce que vous voulez faire, car, si vous échouez, on se moquera de vous. — Ne dites pas de mal de vos amis ; n’en dites pas davantage de vos ennemis. — C’est une grande science que de connaître et de saisir l’occasion.

 

Solon avait une telle réputation de sagesse, que les Athéniens, ses compatriotes, le chargèrent de leur donner des lois et promirent de les observer. Après avoir accompli cette œuvre importante, Solon alla perfectionner ses connaissances par de longs voyages dans les pays étrangers. Quand il revint au bout de dix années, il trouva ses lois tombées en désuétude, et en mourut de chagrin.

 

Périandre était roi de Corinthe ; c’est sans doute la flatterie qui le plaça au nombre des principaux sages de la Grèce, car l’histoire le présente comme un prince cruel et soupçonneux. Il redoutait et persécutait surtout les gens oisifs, qu’il regardait comme les plus dangereux ennemis de l’État.

 

Cléobule, né à Lindes, en Carie, était le fils de l’historien Evagoras. Il était considéré comme l’homme le plus fort et le plus beau de sou temps ; il passa une grande partie de sa vie à étudier la science des Égyptiens. Il disait que le meilleur gouvernement populaire était celui où les citoyens craignaient plus le blâme que la loi.

 

Chilon fut éphore à Lacédémone, sa patrie. On rapporte qu’il mourut de joie en couronnant son fils, vainqueur aux jeux olympiques.

Ses maximes favorites étaient : Maîtrisez votre langue, surtout dans les festins. — Courez à vos amis, plutôt encore lorsqu’ils sont dans la misère que lorsqu’ils sont heureux. — Ne parlez jamais mal d’un mort. — Honorez la vieillesse. — Domptez votre colère. — Ne désirez pas l’impossible.

 

Socrate ne figure pas au nombré des sept sages de la Grèce, quoiqu’il soit le plus justement célèbre de tous les philosophes de l’antiquité. Né 469 ans avant J.-C., d’un pauvre sculpteur nommé Sophronisque, Socrate s’était distingué aux combats comme un brave guerrier, dans les tribunaux comme un juge intègre, dans la ville comme un excellent citoyen, dans son intérieur comme un bon mari avec une femme acariâtre. Il était au milieu de ses élèves comme un père entre ses enfants, leur prêchant une morale très-pure et les instruisant plus encore par sa conversation et ses exemples que par ses préceptes.

Il enseignait la croyance en un seul Dieu, seul maître de l’univers, exempt de passions et de vices, et doué de toutes les perfections imaginables. Socrate semble s’être approché de la vérité autant qu’il était possible à l’esprit humain dans l’ignorance de la vraie religion.

Des ennemis, des envieux l’accusèrent de nier les Dieux reconnus dans la république, et le firent condamner à mort. Cette sentence n’altéra pas un seul instant la fermeté que Socrate avait déployée dans tous les événements de sa vie. Il but la ciguë avec une admirable sérénité, entouré de ses disciples, et mourut en les consolant.

Questions. §

Qu’étaient les sept sages de la Grèce ? — Dites ce qu’était Thalès. — Rapportez quelques-unes de ses maximes. — Qu’était Bias ? — A-t-on conservé quelques-unes de ses sentences ? — Comment vécut Pittacus ? — Pouvez-vous rapporter ses maximes favorites ? — Que fut Solon ? — Et Périandre ? — Et Cléobule ? — Que savez-vous de Chilon et de ses maximes ? — Qu’était Socrate ? — En quoi consistait son enseignement ? — Comment mourut-il ?

Explication de la mythologie par l’histoire. §

Bien que la mythologie ne soit qu’un composé d’erreurs, d’absurdités et d’infamies, presque toutes ses fables ont leur origine dans quelque fait historique vrai au fond, mais dénaturé par la tradition et par les fictions des poëtes.

Presque tous les traits principaux de l’histoire de la religion s’y retrouvent plus ou moins altérés ; il est évident, par exemple, que la description de l’âge d’or des païens se rapporte au bonheur dont jouissaient nos premiers parents dans le paradis terrestre. Le déluge se retrouve dans la fable presque avec les mêmes traits que dans l’histoire sacrée, et Deucalion nous rappelle exactement Noé. La tentative des fils de la terre pour escalader le ciel ne rappelle-t-elle pas exactement la téméraire entreprise de la tour de Babel ?

Le partage de l’empire du monde entre Jupiter et ses frères est un souvenir du partage de la terre que Noé fit entre ses trois enfants. Cham, qui eut l’Afrique, est le même que Jupiter, qui fut d’abord honoré en Égypte sous le nom de Jupiter Ammon, et l’on sait que l’Écriture appelle terre d’Ammon l’Égypte, où Cham alla fixer sa résidence. Plusieurs auteurs confondent Mercure avec Chanaan, fils de Cham, qui fut le serviteur de ses frères. Dans Bacchus on croit reconnaître Moïse : et en effet l’on voit dans l’histoire du dieu des coïncidences frappantes avec ce que nous savons de la vie du législateur des Hébreux. Le lieu de la naissance de Moïse, son éducation, ses voyages, ses combats se retrouvent dans ce qu’on raconte du conquérant des Indes. Apollon, c’est évidemment Horus, fils d’Osiris, que les Égyptiens confondaient avec le Soleil ; comme Diane rappelle Isis, qu’ils avaient coutume de représenter sous les traits de la Lune. La fable du dieu Mars est composée de l’histoire de plusieurs rois conquérants, dont le plus célèbre est Nemrod. Vulcain ne peut être un autre que Tubalcaïn, que Moïse place dans la dixième génération du côté de Caïn, et qui fut le premier inventeur de l’art de forger les métaux.

Diodore rapporte que Neptune fut le nom du premier qui commanda une armée navale. On donna aussi ce nom à tous les princes qui tentèrent, dans l’origine de la navigation, des expéditions maritimes. Les enlèvements qu’on lui attribue s’expliquent par ce fait, que les premiers navigateurs ne furent souvent que des pirates ; enfin les métamorphoses qu’on lui prête doivent être entendues des différentes figures de monstres et d’animaux dont on avait coutume de décorer la proue des vaisseaux. En disant que Neptune avait aidé Laomédon à bâtir les murailles de Troie, on faisait allusion aux digues et aux jetées qui, défendaient cette ville contre la fureur des flots, et qui semblaient n’avoir pu être construites qu’avec le secours du Dieu de la mer. Le nombre et la diversité des Dieux marins d’un ordre inférieur s’expliquent par l’immense variété des habitants naturels de la mer, et par le penchant naturel des Grecs à poétiser tout ce qui frappait leurs yeux. On comprend également la peur que les vents inspiraient à ceux qui s’aventuraient sur les flots, et le culte qu’on leur rendait pour calmer leur fureur.

L’histoire des divinités de la terre nous offre, comme celle des Dieux du ciel, des traits d’histoire perdus et confondus an milieu d’une foule de fables ridicules. Cérès était une reine de Sicile qui vint dans l’Attique enseigner à Triptolème les moyens de rendre la terre fertile. Suivant d’autres auteurs, il faut la confondre avec Isis et admettre que les Grecs, étant allés, dans une année de famine, chercher des grains en Égypte, en rapportèrent le culte de la Bonne Déesse. Le Dieu Terme dut sa création à la sagesse de Numa Pompilius ; ce roi législateur, qui feignait d’écrire ses lois sous l’inspiration des Dieux, afin de les rendre plus respectables, imagina, pour assurer le respect dû aux propriétés, un Dieu protecteur des limites et vengeur des usurpations. Flore, Pomone, les Faunes, les Sylvains furent d’abord des personnages qui se firent remarquer par leur talent à cultiver les fleurs, les fruits, les arbres, etc., et dont les Grecs firent des Dieux d’un ordre inférieur.

Au milieu de leurs plus grandes erreurs, les nations païennes ont toujours eu le sentiment de l’immortalité de l’âme et d’une vie à venir, dans laquelle les méchants doivent trouver la punition de leurs crimes, comme les bons y trouveront la récompense de leurs belles actions. Les idolâtres avaient donc conservé cette croyance, tout en l’entourant de leurs poétiques inventions. Diodore de Sicile nous apprend que tout ce que la mythologie enseignait sur les Enfers n’était que la reproduction des cérémonies que les Égyptiens observaient dans l’enterrement de leurs morts. Un prêtre allait prendre le mort, c’est la fonction que les Grecs ont attribuée à Mercure ; ce premier prêtre conduisait le corps à un second, qui avait un masque à trois têtes, d’où l’on a fait Cerbère : on lui faisait traverser le Nil dans une barque, dont le pilote donna naissance au personnage de Caron, et on le conduisait dans les belles plaines des environs de Memphis, qui ont donné l’idée des Champs-Élysées.

Suivant l’opinion de plusieurs auteurs, Pluton doit être regardé comme le même que Sem, fils de Noé, comme Jupiter et Neptune représentent Cham et Japhet. Dans tous les cas, il paraît certain qu’il régnait sur les Gaules et sur l’Espagne, et comme il fut le premier à exploiter des mines dans les entrailles de la terre, on en fit le souverain de l’empire des ténèbres.

Dans l’histoire des Demi-Dieux et des Héros, comme dans celle des principaux Dieux, on trouve un fond de faits historiques modifiés et défigurés par l’imagination des mythologues. Nous ne pouvons ici rappeler tous les actes propres à chaque héros pour en donner l’explication ; nous nous arrêterons seulement sur les principaux.

On a réuni, en les exagérant, les exploits d’un grand nombre de héros célèbres, et l’on a attribué tous ces faits héroïques à Hercule. Il paraît même qu’il a existé plusieurs guerriers de ce nom, dont on a confondu les histoires en une seule. Nous allons rapporter les explications de quelques-uns des travaux les plus extraordinaires qui l’ont rendu si célèbre. Le marais de Lerne était infesté de serpents que l’on ne pouvait détruire ; Hercule mit le feu aux roseaux et fit dessécher le marais ; à cela se réduisit l’hydre aux têtes renaissantes. Les oiseaux du lac Stymphale étaient des brigands qu’Hercule poursuivit et défit, peut-être après les avoir effrayés par le bruit des timbales. Les cavales de Diomède, que l’on a représentées comme se nourrissant de chair humaine, avaient seulement ruiné leur maître, qui, pour les nourrir, avait vendu ses esclaves ; Hercule s’en empara et réduisit Diomède à soigner les chevaux dont il avait été le propriétaire. Géryon, le géant à trois têtes et à trois corps, était un prince qui régnait sur les trois îles Baléares. Passant en Afrique, Hercule trouva Atlas, qui régnait sur des montagnes tellement élevées, que l’on a pu dire qu’elles soutenaient le ciel, et il cueillit des fruits d’or, qui n’étaient autre chose que des oranges. Ainsi peuvent s’expliquer toutes les fables relatives au fils d’Alcmène ; certaines parties de sa vie peuvent faire penser aussi que ses aventures sont une altération de celles que l’Écriture raconte de Samson.

La victoire que Thésée remporta sur le Minotaure fait sans doute allusion à une expédition hardie et heureuse par laquelle Thésée affranchit sa patrie du tribut honteux qu’elle payait à la Crète.

Les ailes au moyen desquelles Dédale échappa à la colère de Minos sont probablement des voiles, dont on ne connaissait pas encore l’usage, et que cet habile artiste adapta aux barques qui l’emportaient sur la mer à laquelle la mort d’Icare donna son nom.

L’expédition des Argonautes, entreprise par les principaux capitaines de la Grèce pour recouvrer les trésors que Phrixus avait emportés dans la Colchide, et pour établir des relations de commerce maritime avec des nations éloignées, doit être considérée comme le premier voyage de long cours qui ait été exécuté, et comme une entreprise remarquable par sa hardiesse, si l’on songe à l’insuffisance des moyens dont on pouvait disposer à cette époque pour se diriger sur les mers. Ce voyage, que les compagnons de Jason accomplirent en partie par terre en traînant leur bâtiment après eux, eut pour principal résultat géographique la découverte du passage des Dardanelles, par où les Grecs établirent leurs relations avec le Pont-Euxin.

Orphée, fils d’un roi de Thrace, fut élevé en Égypte, et ce fut lui qui rapporta en Grèce la plupart des fables qui formèrent la religion de ce pays. Le talent avec lequel il exposait ses principes nouveaux, ses explications inconnues de la création et du système du monde, et l’art avec lequel il accompagnait ses chants des doux sons de la lyre, attiraient autour de lui la foule des habitants grossiers des forêts, et firent dire que ses chants avaient le don d’apprivoiser les animaux sauvages. Le récit de son voyage aux Enfers s’explique de plusieurs manières : les uns prétendent qu’il faut l’entendre d’un voyage qu’il fit en Thesprotie, où il crut un instant avoir retrouvé l’épouse qu’il pleurait ; suivant d’autres, Eurydice, piquée par un serpent, aurait d’abord été guérie par ses soins, mais une aggravation subite de la maladie ou un second accident la lui aurait enlevée au moment où il croyait la voir revenir à la vie.

Beaucoup d’autres traits de la fable doivent être compris seulement comme des allégories, des apologues sous lesquels se cache une moralité. Ainsi la fable de Phaéton a été inventée pour prémunir les jeunes gens contre l’imprudence et la présomption ordinaires à leur âge ; l’histoire du roi Midas doit apprendre aux ignorants à ne pas se prononcer sur ce qu’ils ne connaissent pas, et avertir les grands que leurs défauts sont toujours connus de tous, quelque soin qu’ils mettent à les cacher.

Nous ne pousserons pas plus loin ces explications des principaux faits de la mythologie ; ce que nous avons dit suffira pour faire comprendre aux jeunes gens à quelles altérations successives de la vérité, à quelles inventions poétiques sont dus tous ces contes qui, pendant des siècles, ont formé la croyance religieuse des peuples les plus policés de l’univers. Toute cette théogonie est tombée devant la vraie religion, qui seule est éternelle, parce que seule elle est fondée sur la vérité et sur la révélation divine.

Questions. §

Comment doit-on considérer les fables de la Mythologie ? — A quels passages de l’histoire sacrée ont été empruntés l’âge d’or des poëtes, le déluge, la tentative des Titans contre le ciel ? — De quels personnages historiques a-t-on fait Jupiter, Mercure, Bacchus, Apollon, Diane, Mars et Vulcain ? — Comment Diodore explique-t-il la fable de Neptune ? — Qu’y a-t-il de vrai dans ce que l’on dit des divinités de la terre ? — Comment explique-t-on les croyances des anciens sur les Enfers ? — Qu’était Pluton ? — Comment a-t-on formé l’histoire d’Hercule ? — A quoi se réduit la victoire de Thésée sur le Minotaure ? — Qu’étaient en réalité les ailes inventées par Dédale ? — Que doit-on penser du voyage des Argonautes ? — Quelle est la vérité sur Orphée ? — Faut-il voir dans quelques récits de la Mythologie autre chose que des traits d’histoire défigurés ?

FIN.