Mythologie pittoresque ou méthodique universelle des faux dieux de tous les peuples anciens et modernes (5e éd.)
INTRODUCTION. §
Les fondateurs et les continuateurs de la plupart des religions anciennes ont été forcés, pour mieux obtenir une profonde croyance de la part du vulgaire, d’entourer de fables les personnages dont ils firent des dieux. Plus il leur a été possible de rendre obscures ces fables, plus ils ont pris soin de le faire, et cela chez tous les peuples, afin que le merveilleux incompréhensible dont ils les ont ornées, forçât à s’humilier, aux pieds de leurs autels, les esprits ambitieux qui auraient voulu se permettre de venir chercher à y démêler la vérité. Il ne faudra donc point s’étonner si, par la suite, on n’est pas entièrement satisfait des explications que nous avancerons, d’autant plus que les Mythes ou fables religieuses de toutes les nations, qui se rattachent souvent même à un seul personnage, ne sont pas le résultat d’une volonté unitaire, et n’offrent en réalité qu’un groupement incohérent d’idées amoncelées avec les années, pour personnifier, d’une manière plus merveilleuse, les pensées inintelligibles qui régissent l’univers, ou les vices et les vertus qui commandent à l’espèce humaine.
Ces personnifications pouvant s’étendre à l’infini, sont en effet des plus nombreuses ; mais c’est au mélange des religions grecque et romaine que nous sommes redevables de la plus grande quantité de noms fabuleux : leur nombre s’élevait, suivant Varron, à plus de trente mille chez les Romains. Viennent ensuite les religions égyptienne, hindoue, persane, scandinave, slave, irlandaise et celtique. Nous tâcherons de faire suivre cette foule de divinités fabuleuses le plus méthodiquement qu’il nous sera possible, et de manière à présenter le développement d’une série d’idées, rapprochées avec le plus grand soin, par suite d’un travail long et difficile. En effet, tout en adoptant le fond des articles des principaux dictionnaires, il a fallu comparer ces articles, les analyser, et se reporter aux historiens de l’antiquité, chez lesquels leurs auteurs ont été puiser leurs faits ; lier ensemble le résultat de ces recherches, et en obtenir un faisceau pour ainsi dire historique.
Cependant qu’on ne se persuade pas que dans cet ouvrage on trouvera une suite non interrompue de faits chronologiques, une histoire, enfin, régulière des hommes et des événemens dont la mythologie s’est graduellement enrichie : ce serait trop exiger de la critique historique, qui déjà souvent éprouve de la peine à savoir ce qu’elle doit conserver ou élaguer. Ce Dieu fut-il un homme, un héros, une pensée physique, métaphysique ou morale ? les {p. 2}faits qui l’entourent, les détails qui embellissent le corps de sa fable, l’image sensible qui le représente, ne sont-ils que des fictions ou des traditions historiques, de plus en plus dénaturées, ou ayant passé d’âge en âge d’un peuple chez un autre ? Nous l’indiquerons autant qu’il nous sera possible, mais nous n’attacherons pas un prix aussi élevé qu’on pourrait le croire, à cette marche tortueuse de la mythologie purement historique. Nous ne la suivrons qu’autant qu’elle voudra bien s’y prêter ; seulement nous fixerons avec un soin minutieux le sens moral, et du nom de chaque personnage, et des faits merveilleux dont il fut le héros ou la victime.
Afin de nous restreindre dans un cercle qui ne puisse blesser aucune idée religieuse européenne de notre époque, nous n’avons parlé que des religions vulgairement appelées païennes, et nous avons respectueusement laissé de côté toutes les religions historiques, c’est-à-dire les religions s’appuyant sur des personnages reconnus généralement comme historiques. Ainsi, nous n’avons jamais rappelé les contes judaïques, mahométans ou chrétiens ; car ces contes, quoique reposant souvent sur des légendes avouées, il est vrai, comme tout-à-fait absurdes par les sectaires les plus éclairés de ces diverses religions historiques, ne laissent pourtant pas d’être encore un objet de vénération pour les esprits vulgaires : nous avons donc cru devoir les respecter.
Quant à notre point de départ, il a été pour nous le sujet de graves méditations ; en effet, sachant que les religions égyptienne et indienne doivent être regardées comme primordiales parmi les religions païennes, nous avons un instant voulu les faire passer les premières. Cependant, réflechissant combien les fables grecques sont répandues, nous avons fini par adopter la religion gréco-romaine, sinon comme religion primordiale, ce qui eût été une erreur historique, du moins comme la religion type, à laquelle nous ramènerons toutes les autres, dès qu’une comparaison sera utile pour expliquer tel dieu ou tel culte.
Mythologie §
Grecque-Romaine. §
Plus que tout autre peuple, la nation grecque fut propre à être le berceau d’une religion riche de personnages et d’événemens : le génie de ses prêtres et de ses chefs, toujours en harmonie avec le génie national, fut, pour ainsi dire, comme tacitement chargé d’enfanter une foule de divinités et de contes merveilleux. En effet, vains, légers, voluptueux et crédules, les Grecs adoptèrent aveuglément, aux dépens de la raison et des mœurs, tout ce qui put autoriser leur licence, flatter leur orgueil, ou donner carrière à leurs songes métaphysiques ; peuple sans liaison politique et tolérant par essence, l’homme d’Athènes ou de Sparte reçut facilement les cultes étrangers, et vit sans opposition se confondre ensemble les rites, les dogmes et les usages d’origines les plus éloignées. Toujours guerroyant, entre eux ou contre les autres ; toujours commerçant et trafiquant avec l’étranger ; toujours ignorans et humblement soumis au fanatisme feint ou véritable de leurs prêtres, ou aux chants mélodieux de leurs poètes, comment les Grecs n’auraient-ils pas laissé se fonder chez eux une religion qui s’harmonisait si bien avec leur nature et leurs goûts. Aussi l’on vit les Phéniciens, les Egyptiens et les Syriens leur apporter {p. 3}leurs dieux, leurs héros et leurs fables. De là vint cette théogonie confuse, qui pourtant fut le berceau des arts et de la poésie. Tâchons maintenant de débrouiller un peu cette confusion, ou du moins, en mettant de l’ordre dans le désordre, essayons d’arriver à dégager en partie l’obscurité qui la couvre aux yeux des gens du monde, et ne laissons pas aux savans seuls l’honneur de la comprendre ; car la mythologie, ainsi que nous l’avons déjà dit, est devenue d’un usage si fréquent dans nos conversations, qu’il n’est plus permis de ne pas la connaître.
formation des mondes. — Comme dans toutes les religions, la théogonie grecque reconnaissait une matière primordiale ; elle lui donna d’abord le nom d’Ophion, puis celui de Chaos. Elle supposait qu’un être supérieur appelé Démogorgon ou Génie de la terre avait tiré les élémens des Ténèbres, lesquels portaient les noms d’Achlys en Grèce, de Caligo à Rome : alors les Ténèbres enfantèrent le Chaos leur fils, masse confuse et informe d’où le monde, qui lui succéda, fut extrait par Démogorgon. D’autres historiens ont supposé trois principes contemporains du Chaos, savoir : l’Erèbe, le Tartare et la Nuit ; ou l’Erèbe, le Tartare et la Terre ; et chez Hésiode, le grand historien de la théogonie grecque : l’Erèbe, le Tartare et l’Amour.
généalogie des dieux. — D’après ces diverses manières de voir sur les principes qui firent prendre à l’univers un aspect régulier, nous dirons que les Grecs ensuite donnèrent pour enfans à Démogorgon, le Soleil, la Discorde, Pan, les Parques et Pitho ou la Persuasion ; au Chaos, l’Erèbe et la Nuit ; à la Nuit seule, Némésis et la Fortune, mère de la Nécessité, les Hespérides, les Songes, la Discorde, le Destin, la Mort, Momus, la Fraude et encore les Parques ; à la Nuit unie à l’Erèbe : le Jour ou la Lumière, l’Ether, Charon, Epaphus, Epiphron, l’Emulation et la Complainte ; à l’Ether avec le Jour : Thalassa ou Thétys, femme de Pontos ou l’Océan, d’où naquirent Phorcys, Thaumas, Eurybie, Céto et la Terre ; puis après avoir établi cette espèce de généalogie primordiale, les Grecs supposèrent encore que la Nuit unie au Chaos, enfanta l’aveugle et tout-puissant Destin ou Eimarmenê des Grecs, et le Fatum des Romains, à côté duquel ils placèrent Eviterne ou l’Eternité, sans indiquer son origine ; ensuite, supposant que Callirhoé, fille de l’Océan, après s’être mariée à Phanès, premier roi de Phrygie ou à Manès, usurpateur de l’Arménie, eut pour fils Acmon, Cotys et Car, ils ajoutèrent qu’Acmon devint père d’Uranus et de Titée, que Cotys eut de l’Océnide Asia, Atys et Asiès, et que Car eut de sa mère Callirhoé ou de tout autre personne du même nom, Criase, Alabande et Hydê.
Alors les Grecs tournèrent leurs premières adorations positives vers Ouranos ou Uranus, ou le Ciel, et le marièrent à sa sœur Titée ou la Terre, appelée aussi Gê, Géa, Géris et Apia. Cette alliance ne tarda pas à donner naissance à une foule d’individus mâles et femelles, qui tous héritèrent d’une partie de leur divinité.
Cette nombreuse famille présente, en première ligne l’Océan et Chrone, et les quatre grands Titans : Cœos, Crîos, Hypérion et Japet, avec leurs six sœurs : Thîa et Rhia ou Cybèle, Thémis et Mnémosyne, Phébé et Thétys.
En seconde ligne viennent les Cyclopes : Brontès, Stérope et Argès, ou Harpès ; ainsi que les Centimanes ou Hécatonchires : Cottus, Briarée et Gygès.
Ces derniers enfans, nouveaux Titans, épouvantables par la laideur de leurs {p. 4}formes, effrayèrent tellement leur père Uranus, qu’il voulut les précipiter, enchaînés dans le Tartare, entre les mains de ce dieu ténébreux, que l’on supposait devoir se trouver au fond des entrailles de la terre.
Cette exécution des centimanes ayant fort déplu à la Terre, celle-ci voulut, pour se venger de son vieil époux, profiter de la présence de ses autres enfans, les premiers Titans. Un jour donc qu’Uranus allait la rendre mère de nouveau, elle appelle Chrone, autrement dit Saturne, lui met dans les mains la harpé, ou faulx à lame dentelée, et lui recommande, pour n’être pas victime de la cruauté de son père, de lui enlever les moyens de la féconder. Aussitôt ce fils, déjà irrité de la disparition de ses frères, frappe le ciel, et annihile ainsi d’un seul coup pour toujours sa puissance.
Aussitôt après cette mutilation, le sang d’Uranus ayant rejailli sur la terre, il put encore cependant la féconder, et la rendre mère d’Erimys, des Géans et des Mélies ; puis, la matière prolifique qu’elle avait également reçue lui fit mettre au jour Aphrodite.
Enfin, dégoûtée de son vieux mari, la Terre fit alliance avec la Mer, qui alors portait le nom de Pontos, et dont l’origine fut long-temps attribuée à la seule puissance de la Terre ; il en résulta trois fils, Nérée, Thaumas, Phorcys ; plus, deux filles : Céto et Eurybie que nous avons déjà tous vu supposés enfans de Thalassa. Ici s’arrête toute la famille des Titans, dont plusieurs, s’étant révoltés contre Jupiter, l’un de leurs neveux, possesseur plus tard du sceptre du monde, furent punis, rejetés dans le Tartare, et personnifiés dans leur ensemble par un seul individu, que l’on connaît sous le simple nom de Titan.
Mais pour peupler l’espace occupé par le Ciel, ainsi que la surface et l’intérieur de la Terre, qui ne tarda pas à ne plus être qu’une personnification, les enfans de Gê et d’Uranus s’allièrent ensemble, et produisirent, comme on va voir, la grande famille des Titanides. Ainsi, de l’union de Chrone ou Saturne avec Rhîa ou Rhéa, on vit naître trois filles, appelées Hestia ou Vesta, Damater ou Cérès, Héra ou Junon ; et trois fils : Hadès ou Pluton, Posidon ou Neptune, et Zews ou Jupiter.
De l’union de l’Océan avec Thétys arrivèrent les Fleuves et trois mille Océanides, dont Doris et Styx, auxquelles certains généalogistes ajoutent Vénus, mère de l’Amour.
De l’union de Coeos avec Phébé : Lato ou Latone, ou la Lune, et Astérie, unie à Persès. On lui donne aussi pour fille Astarté, probablement la même qu’Astérie, considérées l’une et l’autre comme les astres.
De l’union de Crios avec Eurybie, vinrent : Astrée uni à Eos, que l’on trouvera plus loin, Pallas uni à Styx, d’où leurs enfans : Zélos, Bîa, Cratos et Nicée ; puis, Persès uni à Astérie, qu’il rendit mère d’Hécate.
De l’union d’Hypérion avec Thîa, parurent : Hélios ou le Soleil, Séléné ou la Lune, Eos ou l’Aurore, qui de son alliance avec Astrée eut les Vents et Phosphoros, ou étoile du matin, et les Astres, aussi fils d’Astrée et d’Héribée.
De l’union de Japet avec Climène, l’une des trois mille filles de l’Océan, surgirent Atlas, Ménèce, Prométhée ou à tort Hespéros ; puis Hyas, suivant Diodore, et Epiméthée, qui par la suite épousa Pandore, et donna le jour à Pyrrha.
Comme on l’a vu, les enfans de Gê et de {p. 5}Pontos forment une branche à part ; cependant deux d’entre eux s’allièrent avec deux de leurs cousines maternelles, comme Eurybie l’avait fait déjà avec Crios son frère, également maternel. Ce fut Nérée qui épousa Doris, et en eut les cinquante Néréïdes, et Thaumas, qui se maria à Électre, une des trois mille Océanides, et la rendit mère d’Iris et des Harpyes.
Quant à Phorcys et Céto, sa sœur, ils s’unirent ensemble, et donnèrent le jour aux Gorgones, dont Méduse, la principale, fut mère de Chrysaor, qui eut de Callirhoé : Pégase, Géryon, Typhon, Orthe et Echidna ; puis, les autres enfans de Phorcys et de Céto, furent : les Grées, le Dragon, gardien des Hespérides, Scylla et Thoossa.
Ici se termine la généalogie classique des grands générateurs de la théogonie grecque ; cependant on reconnaissait encore pour fils d’Uranus et de la Terre Andès, Anitus, Anax, Ostase, de Syrie, Inceste, Etna, Evonyme, le monstre Campé, Encelade, Mimas, Phaéton, Porphirion, Rhœtus.
On attribua aussi au Ciel seulement la naissance de Basilée, dans l’ancienne Asie, de Bethyle, de Hora et de Vénus, attribuée déjà et plus généralement à l’Océan. En même temps, on supposa que s’étant allié à Hestia, l’une de ses filles, il en avait eu Abérid. On disait en outre qu’il reconnut par la suite, pour épouse, Héméra ou le Jour.
Enfin, les excursions des Grecs vers les pays du Nord, finirent par en importer la tradition ci-dessus fort accréditée, surtout dans l’île de Crète, donnant pour père à Uranus et à la Terre, un roi scythe appelé Acmon, fils lui-même de Manès. Mais ce roi, qui enfanta des immortels, mourut pour s’être simplement trop échauffé à la chasse. Cependant il obtint de ses sujets l’honneur d’être mis au rang des dieux, avec le titre de Très-Haut.
La Terre, de son côté, fut, comme on le sait déjà, fort infidèle au Ciel ; mais elle ne s’en tint pas là, et, donnant libre carrière à son goût pour la procréation, elle enfanta seule les Montagnes, Cécrops, le civilisateur d’Athènes, et Chthonius, individu que nous retrouverons lors de la fondation de Thèbes ; puis elle eut Bisalpis avec le Soleil, Corybas avec Josion, Dolos ou la Douleur avec l’Éther ou dieu cosmogonique, représentant l’espace atmosphérique où se meuvent les astres, et Midas, roi de Phrygie, avec Gorgias, et Zagrée ou Bacchus, de Crète, appelé Iacchos à Eleusis, avec Jupiter, dont elle eut encore, suivant quelques-uns, Proserpine. Enfin l’on y ajoute Briton, Diophore et les monstres Alcida et Egide.
Maintenant que nous connaissons une partie des résultats des inconstances de la terre, il est utile de bien nous fixer sur ses diverses désignations, car elles avaient rapport aux divers points de vue sous lesquels elle était envisagée. Ainsi la vieille Terre, l’antique épouse d’Uranus, c’est-à-dire la matière brute sortie du Chaos, s’appelait Gê ou Titée chez les Grecs, Apie chez les Lydiens, et Eurysternos, ou à large poitrine, puis Tellus ou Terra, chez les Latins.
Plus tard, quand on connut la déesse suprême des Crétois, on la considéra comme mère des Dieux, et on l’appela Rhéa ou Silvia, en lui donnant le surnom synonyme d’Archigénetle.
Cybèle. — Mais, lorsqu’on la prit dans son large sens, à la manière des Phrygiens, pour Calligénie, ou la grande génératrice et la mère nourricière des hommes, elle devint Cybèle, ou Cybébée, et alors elle fut Andirine à Andiris, Adporine ou Asporine, {p. 6}près Pergame ; Apie, chez les Lydiens ; Bérécynthe et Dindymène, sur les montagnes comme fille de Dindyme, Celena à Célène, Cimméris chez les Cimmériens ; Coddine, sous la forme de simple roc, sur le mont Sipyle ; Idée ou Mygdonia, en Phrygie, Magna mater à Rome, et Ops chez les Latins. Mais le peuple d’Athènes plus vulgairement l’appelait encore Damia ou bonne déesse, ou Gynécie, puis Placiana en Mysie, Sipylène en Méonie, Antœa ou la Favorable, Consiva ou la protectrice rurale, Criophage ou la Mangeuse de béliers, Fauna ou la Favorisante, Pasithée ou la Mère des Dieux.
Sous cette forme de grande génératrice, la Terre, alors connue sous le nom de Cybèle, n’était plus d’origine crétoise : elle était toute phrygienne, car elle était aussi la divinité par excellence de la Phrygie, dont la théogonie plaçait la matière féminisée ou une déesse à la tête de la création.
Si nous voulons savoir l’histoire de cette féconde déité, nous la trouvons dans Diodore. Il nous apprend que Cybèle, étant princesse humaine, était fille de Méon, ou Ménos ou Manès, roi de Phrygie, et de Dindyme. Elle était née sur le mont Cybèle, au moins l’an 1495 ou 1580 av. J.-C., et son éducation avait été confiée à Marsyas qu’elle ne tarda pas à dépasser. Aussi, de maître qu’il était, il devint élève, et par la suite véritable apôtre et même prêtre de celle qu’il fit monter au premier rang des puissances créatrices.
Livrée à son génie elle inventa les flûtes, les tambours, la médecine et l’art vétérinaire.
Bientôt on vit Cybèle, jeune suivant les uns, et vieille suivant la plupart des historiens, devenir amoureuse du jeune Atys, et s’enfoncer avec lui dans l’épaisseur des forêts, pour goûter le bonheur d’être aimée.
Quel était ce jeune Atys ? Il faudrait des volumes pour l’expliquer, et encore n’y parviendrait-on que d’une manière confuse ; cependant il paraît qu’il était considéré comme un dieu-soleil de la Phrygie.
Si l’on retombe dans les légendes qui n’aperçoivent qu’un homme dans Atys, on le voit vers l’an 1657 avant J.-C., roi vivement épris, et chez les autres simple berger, faisant à la reine ou déesse serment de fidélité ; quelques-uns lui font dédaigner ses offres en lui supposant le cœur épris d’une autre beauté, et d’autres en font son domestique intime. Quoi qu’il en soit, on livre sa naissance à tout autant d’incertitudes. Cependant son origine, son existence et sa fin présentent toujours un seul caractère : c’est celui de l’effémination et de l’impuissance causée par une mutilation résultant de sa propre main, ou venue d’une main étrangère, divine ou humaine. Voici comme il vint au monde : Jupiter, que nous venons de voir fils de Chrone et de Rhéa, quelque temps après sa naissance, étant un jour endormi dans l’Empyrée, fut agité pendant son sommeil par un songe impur, et du haut du ciel laissa tomber sur la terre une écume divine qui donna lieu à un génie hermaphrodite, ou réunissant les deux sexes, appelé Adagoüs ou Agdistis. Les Dieux effrayés à l’aspect de ce fait imprévu retranchèrent à ce génie son caractère d’homme ; mais aussitôt après cette mutilation on vit sortir de terre un amandier dont les fruits mûrs éveillèrent tellement l’envie d’une nymphe, fille de Sangare, et vulgairement appelée Sangaride, qu’elle en cueillit un et le mit dans son sein. Alors un fait plus merveilleux suivit cette imprudence, car le fruit disparut, la jeune {p. 7}fille fut enceinte et donna le jour au bel Atys, que, suivant Pausanias, elle avait eu en réalité d’un prêtre nommé Calaüs.
N’importe d’où lui vint cet enfant, la mère d’Atys, plus généralement connue sous le nom d’Agdistis, l’exposa de suite dans l’immensité des forêts ou du désert, et là, le pauvre Atys fut soigné ou par une chèvre, ou, suivant d’autres, par des bergers qui le recueillirent.
En grandissant, il devint d’une beauté si remarquable, qu’ayant gagné le cœur de la fille du roi de Périnonte, il allait se marier avec elle, lorsque tout à coup Agdistis, également éprise de son propre fils, arrive furieuse dans le palais du roi, et se jette au col d’Atys en lui faisant connaître en même temps et son amour et sa qualité de mère. A cette nouvelle, Atys tombe en démence et se mutile pour se soustraire aux embrassemens incestueux d’Agdistis en même temps que sa fiancée se tue de désespoir. Alors, désolée, la mère d’Atys monte vers l’Empyrée, et dans son repentir demande à Jupiter pour toutes les parties du corps de son fils le privilége de l’incorruptibilité.
Suivant d’autres légendes, ces mutilations sont exercées ou par un roi de Phrygie, ou par Cybèle elle-même, qu’il avait dédaignée. Quelquefois le fait se passe à l’opposé, car alors Sangaride, qui n’est plus la mère, mais la maîtresse d’Atys, meurt par suite des incisions que Cybèle fait sur un pin auquel la vie de cette jeune fille était attachée, et sous lequel Atys allait souvent se reposer ou se cacher. A cette vue Atys furieux s’empare d’un caillou et se mutile encore lui-même. Plus tard on supposa que l’infidélité d’Atys avait été consommée avec cette nymphe dans une grotte, malgré les représentations d’un prêtre de Cybèle placé par elle auprès du jeune homme pour le surveiller. Ce gardien n’ayant point osé le dénoncer, avait eu l’habileté d’amener un lion roux à dévoiler ce mystère à cette grande déesse de la Phrygie.
Enfin, en admettant Cybèle fille de Méon et de Dindymène, nous la retrouvons jeune et éperdument amoureuse d’Atys. Mais cet amour ne plaisant pas au roi, il finit par tuer ce tendre amant et força la princesse à prendre la fuite. Sans changer le résultat de cette légende, on voit autre part qu’Atys est fils d’un phrygien appelé Calaüs, qu’il est né impuissant, que, devenu grand, il passa en Lydie, y porta les fêtes de Cybèle, et s’attira une si grande vénération de la part des peuples de cette contrée, que Jupiter en eut de la jalousie, et le fit périr sous la dent d’un sanglier, ou, suivant d’autres, sous celle d’un ours qu’il envoya contre lui. Les habitans de Perinonte conservèrent un souvenir si respectueux pour cette fable, qu’ils s’abstiennent encore, dit-on, de manger de la viande de ce dernier animal.
Nous pourrions ajouter ici une foule de variantes ; mais, comme on l’a fort judicieusement fait remarquer, les traits fondamentaux présentent toujours un même thême symbolique brodé de cent manières différentes, thême offrant pour sujet une vieille femme qui sollicite de l’amour, un jeune homme qui la repousse ou qui ne la tolère que pour se faciliter les moyens d’être infidèle, et pour dénouement de ce drame, effémination et souvent mort de l’individu.
Que le jeune Atys ait reçu après sa mort le privilége de l’incorruptibilité ou qu’il ait vécu depuis comme l’ombre de lui-même, il est censé avoir parcouru ensuite l’univers caché sous des habits de femme, avoir conté partout sa malheureuse aventure, et partout aussi avoir institué les fêtes de {p. 8}la Cybèle phrygienne alors confondue avec Rhée crétoise, fêtes d’après lesquelles fut organisée celle d’Atys.
Une autre tradition prétend que Cybèle, après la mort de son amant, fut saisie d’un accès de démence, parcourut les montagnes de la Phrygie et s’enfonça jusque dans le pays des Hyperboréens placé au nord de la Scythie ou Tartarie actuelle. Par suite de cette fuite, la Phrygie fut frappee d’une famine qui ne céda que lorsque les habitans de cette contrée, ayant sculpté une statue d’Atys, furent amenés par Midas à instituer un culte en l’honneur de ce jeune amant de leur grande divinité.
Ces fêtes nommees Dendrophories ou fêtes des Pins, rappelaient la plupart des aventures de l’amant de Cybèle, dont le nom était prononcé à chaque instant dans le cours de cette cérémonie. Elle commençait dans toute la Grèce le 21 mars ou premier jour de l’équinoxe de printemps et durait trois jours. Le pin ayant été l’arbre sous lequel Atys avait continuellement cherché à se réfugier, c’était lui que l’on plantait le premier jour dans le vestibule ou même dans le temple de Cybèle ; les prêtres faisaient sur cet arbre des incisions allégoriques rappelant les mutilations du jeune dieu, ou celles qui avaient fait mourir sa maîtresse. Le second jour, pouvant être regardé comme fête de transition, était destiné à faire entendre une musique de douleur et d’espérance, puis, au troisième jour, Atys était censé avoir été retrouvé : alors commençaient les hilaries, où la joie s’exprimait par les actes les plus extravagans ; car les prêtres ayant un couteau d’une main et une torche allumée de l’autre, couraient çà et là comme des fous, les cheveux épars, au son d’une musique bruyante, et se faisaient, en se battant, des blessures et des mutilations plus ou moins sérieuses, qu’ils se contentaient de se porter aux bras et aux jambes.
Atys, comme on vient de le voir, n’est qu’un personnage symbolique représentant le soleil, et se rapprochant en cela d’Apollon, de Bacchus et d’Adonis, divinités que nous retrouverons par la suite. Seulement Atys est l’image du soleil à l’instant où il est le moins éclatant, et lorsqu’il quitte l’hémisphère supérieur en présentant alors un aspect pour ainsi dire moribond et impuissant. C’est donc l’eunuque Atys, privé de force immédiatement après qu’il devient infidèle à la Terre, cette vieille planète son amante, si bien caractérisée dans Cybèle.
Par suite de ces détails symboliques, on a l’habitude de représenter Atys sous les traits d’un jeune homme coiffé d’un bonnet phrygien semé d’étoiles, vêtu d’un pantalon étroit, dont l’étoffe est bizarrement variée par des nœuds, des crevés et des rouleaux. Dans sa main gauche est une espèce de houlette de berger ou de sceptre royal, tandis qu’il tient dans la droite une flûte à sept tuyaux. Son cou souvent est orné d’un collier de perles, et ses vêtemens entr’ouverts, laissent voir son effémination.
Puisque nous venons de parler de la fête d’Atys, parlons de suite des fêtes de Cybèle. Elles s’appelaient Cybélées ou Cybébées, et les prêtres qui les présidaient se nommaient des Corybantes. Les Mégalésies et les Lavations à Rome étaient également des fêtes en l’honneur de Cybèle. La cérémonie la plus remarquable de cette fête était de tremper la statue de la déesse dans les eaux de l’Almo.
Beaucoup plus tard, vers le 3e siècle, on ajouta les Tauroboles et les Crioboles ou sacrifices de taureaux et de béliers aux autres cérémonies.
{p. 9}Pour exécuter ces sacrifices dans l’ordre voulu, les Corybantes, après avoir creusé une fosse, se plaçaient au fond de cette fosse au bord de laquelle on immolait un taureau ou un bélier, puis ces prêtres recevaient sur toutes les parties du corps ces douches ou aspersions de sang.
Long-temps une simple pierre conique et quadrangulaire, ou béthyle, fut la grossière image de la Cybèle de Phrygie, telle fut encore celle qui l’an 297 av. J.-C. fut envoyée par Attale de Pessinonte à Rome, et que les Phrygiens regardaient comme la plus antique effigie de la mère des Dieux et la plus sainte, parce qu’elle était tombée du ciel. Pierre sacrée météorite ou d’aimant, elle n’arriva point à Rome sans difficulté. D’abord les Romains, dont la piété alors était excitée par les malheurs de plusieurs défaites, furent obligés d’envoyer à Pessinonte une députation auprès d’Attale pour le faire consentir à livrer cette pierre à la piété romaine. Le navire qui la portait fit bonne voile jusque dans le Tibre ; mais au confluent de la petite rivière l’Almo avec ce fleuve, le navire s’arrêta, et tous les efforts ne purent lui faire reprendre sa marche momentanément suspendue. Cependant il ne fallait pas une grande force pour le tirer de ce mauvais pas ; car la vestale Claudia Quinta, qui avait été soupçonnée d’infidélité à ses vœux de continence, ayant attaché la ceinture de sa robe au màt du vaisseau, fit quelques essais pour l’attirer après elle, et l’entraîna en effet ainsi à la remorque jusque dans le port, ce qui prouva, dit la foule pieusement ébahie, que la prêtresse de Vesta était innocente.
Mais les statues de Cybèle n’avaient pas toutes cette simplicité de la pierre de Pessinonte, et la plupart représentaient Cybèle enceinte, assise ou portée sur un chartraîné par des lions, emblême de la vigueur et de l’activité. Cybèle avait une couronne de chêne sur la tête avec un entourage de petites tours pour indiquer que les villes étaient sous sa protection, et qu’elle nourrissait les hommes avec les fruits de l’arbre dont elle portait une couronne. Elle avait une clé dans une main, un sceptre dans l’autre et un tambour ou disque, et quelquefois le bel Atys à ses côtés. Son habillement était d’une couleur verte.
On en voit des tableaux de l’Albane, au Musée, sous les nos 772, 776, et un de Le Brun, n° 566.
On lui consacrait le buis, avec lequel on faisait les flûtes qui servaient à ses fêtes, ainsi que le pin, le chêne, le cube et les dés. On lui offrait en sacrifice la truie, le taureau, la chèvre, l’anguille et le serpent. Cybèle, qui fut inconnue à Rome jusqu’au temps d’Alcibiade, jouait en Phrygie dès l’an 1580 av. J.-C., le véritable rôle d’une Cérès grecque, déesse des moissons, que nous rencontrerons avec le titre de sa propre fille.
Plus tard Cybèle eut à Rome un temple nommé Opertum, où l’on offrait des sacrifices mystérieux, et où les hommes n’étaient point admis.
Les prêtres de Cybèle étaient les Galles, les Corybantes et les Curètes, avec lesquels on confondit les Cabires, les Dactyles idéens, les Sémivires et les Telchines, tous en général devaient être eunuques, et formaient son collége sacerdotal complet.
Ces Corybantes ou prêtres de Cybèle furent extrêmement puissans, au moins dans les temps primitifs ; peut-être alors n’était-ce qu’une caste dérivant du phrygien Coribas qui importa le culte de Cybèle en Crète ; mais plus tard cette caste fut séquestrée du reste de la société : et profitant de son isolement, elle se fit de son {p. 10}propre mouvement corporation sacerdotale, que des lois intérieures peu connues dirigeaient, tant sous le rapport du rang et des fonctions, que sous celui de l’instruction. Le nom générique de Galles, venu de Gallus, un de leur chefs, était donné aux membres de cette corporation, et leur chef suprême, appelé Archi-Galle, était tenu de pratiquer sur lui-même la castration, pratique qui ne paraît point avoir été obligatoire pour les subordonnés.
Dès le commencement des guerres médiques, ces Galles se répandirent dans la Grèce, puis de là en Italie. Ils erraient de village en village, faisant porter leurs provisions par des ânes ; vêtus d’un costume bizarre, ils chantaient et dansaient au son du tambour de basque, et en faisant des tours et des grimaces qui ne manquaient pas d’attirer à leur suite un grand nombre de curieux dont ils mettaient à contribution la charité. Mendians et vagabonds, ils ne se piquaient pas de mœurs sévères ; et malgré leur vœu de chasteté, ils avaient fini par devenir tellement dépravés, qu’ils étaient partout méprisés. Aussi remplacèrent-ils par la suite leur nom sacré de Corybantes, par ceux d’Agidies, Agyrtes, Métragyrte ou nomades de la mère ; dont le premier fut tué en initiant les Athéniens aux mystères de Cybèle ; ils étaient donc, dans l’origine, de simples prêtres, qui peut-être civilisèrent la Phrygie. Peut-être aussi ils se confondirent avec une autre caste appelée Dactyles, que nous retrouverons plus loin en parlant des Curètes, prêtres de Rhéa, qui enseignèrent ainsi que les Dactyles à fondre les métaux, comme on en vit une preuve dans l’incendie qu’ils allumèrent l’an 1400 avant J.-C., dans les bois du mont Ida, en se livrant à leurs travaux métallurgiques. Enfin les Corybantes, de prêtres se firent Dieux, puis terminèrent par se faire de méprisables jongleurs. Ce fut alors que pour honorer la mère des Dieux, ils pratiquèrent leurs danses dévergondées, dans lesquelles ils se permettaient toutes les folies et les pauses les plus indécentes qu’ils pouvaient imaginer.
Maintenant que nous connaissons bien en détail l’antique Cybèle de Phrygie et ses amours avec le bel Atys, passons à la Cybèle de Crète, que l’on désigne particulièrement sous le nom de Rhéa.
Rhéa. — Sous le point de vue que ce nouveau nom entraîne après lui, cette déesse est la seule qui doivent être véritablement considérée comme femme de Saturne et mère des grands Dieux de la Grèce. Car la Cybèle de Phrygie est bien un personnage analogue, mais il représente l’essence suprême femelle, passive, inerte, brute, lapidiforme, se trouvant toujours ainsi en opposition avec le principe actif organique et lumineux de la nature.
Rhéa, ou Rheîa, ou Rhée, était la grande déesse de la Crète ; elle offrait l’idée d’une femme fort âgée, et d’une origine fort ancienne : était-elle antérieure ou postérieure à Cybèle ? C’est un point qu’il serait très-difficile d’éclaircir, car ces deux figures symboliques, ayant été divinisées dans deux contrées assez éloignées l’une de l’autre, elles conservèrent toutes deux, en entrant dans la théogonie grecque, l’aspect de jeunesse ou de vieillesse que les Crétois et les Phrygiens leur avaient imposé.
Seulement on peut affirmer que le culte de Cybèle phrygienne passa d’abord à Samothrace, puis dans les Cyclades, les Sporades et dans quelques îles placées à l’ouest de l’Asie. Alors les peuples de ces pays divers introduisirent peu à peu le nom de Cybèle et le mêlèrent à celui de Rhéa dans leurs poésies et leurs narrations. Ensuite, l’an 207 av. J.-C., les {p. 11}Romains enrichirent, comme on l’a vu, leur capitale de la statue de la déesse protectrice des peuplades grecques qu’ils venaient de soumettre.
En reconnaissant ainsi à Cybèle et à Rhéa deux origines différentes, on ne sera plus étonné de ne pouvoir décider à laquelle des deux appartient le droit d’aînesse ; car assurément il est à Cybèle en Phrygie, et à Rhée dans l’île de Crète. Ne nous arrêtons donc pas davantage sur ce point, et suivons leur histoire.
Rhée, dans la Mythologie composite des Grecs, n’a point de jeunesse : on la trouve tout de suite femme de Chrone ou Saturne, déjà connu pour être fils de la Terre, laquelle n’est qu’un synonyme de Rhéa. Mais qu’on ne se blesse point de cette union, car ces divinités, venues de contrées éloignées les unes des autres, ne furent mariées ensemble que par les prêtres grecs seulement, qui cependant leur conservèrent leur origine.
On a vu quel fut le résultat de ce mariage, et l’on peut encore se rappeler avoir aperçu dans la généalogie des Titanides que Rhée et Chrone mirent au jour Pluton, Neptune, Jupiter, Junon, Vesta et Cérès. Le difficile pour Rhée était de s’y prendre de manière à faire vivre ses enfans mâles, car Chrone, autrement dit Saturne, après avoir mutilé Uranus, à la demande de Gê ou la Terre sa mère, et après avoir épousé Rhée sa sœur, se fit céder l’empire du monde par les Titans, ses aînés, personnifiés dans Titan seul, à condition qu’il détruirait ses fils à mesure qu’il en naîtrait, afin d’assurer ainsi à ses neveux l’héritage de son trône. Saturne tint ponctuellement sa promesse. Rhée accouchait-elle, aussitôt il dévorait le nouveau-né mâle ou femelle. Il n’y regardait pas, et pour se conformer à son traité il avalait tout. Ainsi non-seulement Neptune et Pluton furent engloutis par son estomac, mais ses trois filles Junon, Vesta et Cérès furent également dévorées. Cependant lors de sa dernière grossesse, Rhée voulut enfin sauver son dernier enfant, et pour duper l’omnivore, elle lui donna une grosse pierre emmaillotée de manière à imiter, un enfant. Trompé à cette vue, Saturne avala ce marmot simulé. Ensuite, soit dans l’intention d’accélérer cette pénible digestion, soit pour céder aux trompeuses prières de sa femme, il but un breuvage fourni par une appelée Métis. C’était un violent vomitif qui lui fit rendre les filles et les fils qu’il avait précédemment dévorés.
D’autres traditions supposent que les filles n’avaient eu rien à craindre, que Pluton et Neptune avaient été sauvés avant Jupiter, au moyen d’une substitution tout-à-fait semblable, et que tous trois immédiatement après leur naissance, avaient été cachés dans une grotte.
Une dernière tradition egyptiaco-hellénique due aux relations que les Grecs avaient continuellement avec l’Egypte, considérait Rhéa comme une épouse du soleil cédant aux sollicitations de Saturne qui la rend enceinte, en lui déclarant qu’elle n’accouchera dans aucun mois de l’année. Cette position de Rhéa n’eût certainement point été agréable, si en effet elle eût dû ne jamais changer ; mais heureusement qu’elle rencontra un personnage fort adroit, nommé Mercure, qui aussitôt lui trouva un expédient. Pour cela, il engage une partie de dés avec la Lune, en exigeant pour enjeu de cet astre la soixante-douzième partie de chaque jour de l’année. Comme de raison, il la gagne par bonheur, adresse ou supercherie, peu importe : puis avec son gain il forme cinq jours complets qu’il ajoute aux douze mois de l’année {p. 12}primitive, et alors pendant ces cinq jours complémentaires, Rhéa se délivre de cinq enfans qui tous portent des noms égyptiens, car ce sont : Isis, Osiris, Haroéri, Nefté et Typhon, que nous retrouverons en développant le système religieux de l’ancienne Égypte.
Le mythe grec véritable est donc la substitution des enfans mâles, que leur père avale sous forme de pierre, fable dont le sens moral nous montre toujours que l’inorganisme brut, ici représenté par des pierres, a dû précéder l’organisme ou ordre régulier de la nature.
A cet enfantement se borne la vie active de la divinité crétoise connue sous le nom de Rhée. Son culte, semblable à peu près à celui de Cybèle, en différait cependant. Il était desservi par des prêtres appelés Curètes qu’il ne faut pas confondre avec les Corybantes. Ces derniers célébraient les fêtes de leur divinité par des danses convulsives et délirantes, dans lesquelles les coups de couteau jouaient un rôle tellement actif qu’ils entraînaient quelquefois l’eunuchisme à leur suite, tandis que les Curètes, d’origine crétoise, et voués plus particulièrement au culte de Rhée, se caractérisaient par une danse armée, grave et pourtant bruyante. Les cimbales, les épées, les boucliers, les casques et tous les autres instrumens en fer et en cuivre, avec lesquels les uns et les autres faisaient leur vacarme avaient fait supposer qu’ils avaient peut-être pour supérieurs une caste plus rapprochée des hautes divinités : c’étaient les Dactyles de Crète ou de la Troade. Quant aux Cabires, aux Telchines, divinités métallurgiques que l’on confondait avec les Dactyles, nous les ferons connaître en détail, en parlant d’un fils unique de Junon avec Jupiter, portant le nom de Vulcain. En effet, par leurs travaux, leurs inventions, les secours qu’ils rendaient au peuple comme médecins et ceux qu’ils lui promettaient comme sorciers, sans s’abaisser à danser en l’honneur de quelque divinité, les Dactyles semblaient avoir laissé dans les souvenirs une idée de supériorité divine à laquelle ne ressemblait pas celle inspirée par la conduite toute de prêtres des Curètes et des Corybantes, ne cherchant à s’élever qu’au rang de simples Génies hommes. On a supposé que de cent Dactyles idéens étaient nés neuf Curètes qui à leur tour avaient donné naissance à quatre-vingt-dix autres Dactyles. Peut-être ces neuf Curètes forment-ils autant de personnages fabuleux séparés ? Mais un voile obscur règne toujours sur cette caste. Aussi l’on ne peut dire sur les Curètes que quelques mots : leurs ancêtres en réalité sont inconnus, quoiqu’on leur donne pour mère la reine Mélissa dont le nom grec signifie abeille, et que d’autres les fassent enfans ou de la Terre ou des Pluies. Leur patrie est aussi incertaine, quoiqu’on les fasse venir, conduits par Deucalion, de l’Eolide dans la Phocide, d’où ils se répandirent dans l’Eubée, le Péloponèse et la Crète.
La tradition disait qu’après la substitution d’une pierre en la place de Jupiter, Rhée avait confié à ces Curètes la garde de cet enfant et qu’ils formaient continuellement autour de lui des danses armées et bruyantes, soit pour égayer son enfance, soit, comme on le croyait vulgairement, pour mieux le cacher et empêcher ses cris d’arriver jusqu’aux oreilles de Chrone. Ils furent donc métallurgistes moins exclusifs que les Dactyles, et peut-être agricoles et cultivateurs ; mais par dessus tout prêtres surhumains, propagandistes de la religion de Jupiter, et voués au culte particulier de Rhée, sa mère, {p. 13}qui au fond n’est que la Terre, comme le seront pour nous par la suite toutes ses filles.
Les noms de quelques-uns de ces prêtres sont venus jusqu’à nous ; ainsi on remarque Bienne, Cyllène, fils d’Anchiale et frère du dactyle Titye, et Eleuthère.
Rhée, appelée aussi par Orphée Protogone, ou fille du premier homme, nous le répétons, ainsi que Cybèle et ainsi que ses trois filles Hestia ou Vesta, Cérès et Junon, doit être considérée comme la Terre. Son nom dérivant du grec veut dire couler, parce que de la terre découlent toutes les choses. Quelques savans faisant remonter la mythologie grecque à des personnifications physiques, voient dans Chrone des gouffres profonds engloutissant les eaux, font des Dactyles des promontoires hérissés de montagnes et de forêts sur lesquelles Jupiter est caché comme pluie pour s’élever ensuite sous la forme éthérée de nuages au-dessus du monde terrestre.
Les Curètes avaient des temples dans beaucoup de contrées ; le plus connu était celui de la Messénie où l’on sacrifiait des animaux de diverses espèces, et à Gnosse on célébrait les Corybantiques en l’honneur des Corybantes.
Quant aux statues de Rhée, elles différaient peu ou même pas du tout en Grèce, et à Rome dans les temps historiques, de celles de Cybèle ; car ces deux divinités, quoique fort différentes l’une de l’autre, furent de très-bonne heure confondues ensemble chez ces peuples.
Vesta. — Avant de terminer entièrement ce qui regarde Cybèle et Rhée, jetons un coup-d’œil sur une déesse que trop souvent on confond avec elles, sur cette Hestia des Grecs ou Vesta des Romains, laquelle n’était pas plus Cybèle que Titée, Gê, Ops ou Rhée. En effet, déesse du feu et spécialement du feu central de la terre, elle devait le jour à Saturne et à Rhée, ou, suivant d’autres, à Junon ou à Cérès. On veut à tort qu’il y ait eu deux et même trois Vesta : une vieille, mère de Saturne, ou Vesta Prisca, représentée tenant un tambour à la main pour montrer que la Terre renferme les vents dans son sein, et une seconde qui n’est autre que Cybèle et la jeune ou troisième fille de Saturne et de Rhée ; mais toutes doivent se confondre ensemble, et chez les anciens, le vulgaire seul ne comprenant pas l’essence de cette déesse symbolique, la scindait en deux individus. Son habituelle sagesse n’a point permis de faire courir sur elle quelques aventures érotiques. Ovide seul en raconte une attribuée encore à plusieurs autres déesses, et dont en outre elle sortit sans que son honneur en ait souffert. Voici le fait : tous les Dieux étaient réunis, et ils étaient nombreux, comme on le verra dans la suite ; ils avaient célébré les noces de Cybèle qui alors aurait eu cette fille avant son mariage. Le repas avait été animé, et le nectar ayant coulé à pleine coupe, avait, il le paraît, porté à la tête de tous les convives qui, pour se reposer, dormaient tous pêle-mêle couchés dans les ténèbres sous les feuillages les plus épais. Un seul d’entre eux ne dormait pas : c’était Priape, dieu des voluptés brutales : toute la soirée, il avait lorgné Vesta ; alors poussé par son caractère lascif et par la liqueur qu’il n’avait cessé de boire, il se lève à petit bruit et se glisse à pas furtifs vers l’endroit où il avait vu s’endormir l’objet de ses desirs ; déjà il le touche de ses mains impures, lorsque tout à coup un âne son ami, le croyant victorieux, se met à braire de joie ; aussitôt Vesta se réveille et appelle à son secours tous les autres Dieux qui rient beaucoup de l’aventure, et forcent par leurs sarcasmes à fuir bien vite le {p. 14}séducteur, honteux d’avoir été surpris dans le désordre le plus complet.
Les Romains reçurent de bonne heure Vesta dans leur théogonie, car c’est à Numa qu’on attribue l’institution du culte de cette déesse. Tout le monde connaît ce culte. On sait que dans le Penus ou sanctuaire d’un temple, comme les Grecs dans tous leurs Pyrées ou temples découverts, on faisait brûler sur un autel un feu sacré qu’on ne devait jamais laisser éteindre, il s’y trouvait entretenu par de jeunes vierges appelées Vestales, dont une des premières est connue sous le nom de Tarpéia. Elles étaient d’abord au nombre de quatre, et furent portées à six sous Servius Tullius. La conservation de leur virginité était obligatoire, et celle qui la perdait était enterrée toute vive dans un lieu nommé Campus sceleratus, voisin de la porte Colline. Leur vœu avait force de loi durant trente ans ; ensuite elles étaient libres de quitter le temple et de se marier ou de rester dans leur cloître qui portait le nom d’Atrium Vestœ. A la vacance d’une vestale le sort désignait celle qui devait la remplacer, et sur vingt jeunes filles de seize ans nommées arbitrairement par le grand pontife, une seule était choisie. Dès que le sort avait parlé, le prêtre l’enlevait à ses parens ; mais par compensation ces vestales étaient entourées d’honneurs et jouissaient de beaucoup de priviléges : elles sortaient en char, avaient la première place au spectacle, témoignaient sans prêter serment et même avant l’âge exigé par la loi, n’étaient point sous puissance de parens ou de tuteurs, et pouvaient remettre la peine aux criminels qu’elles rencontraient par hasard sur leur chemin.
Vesta était donc la déesse du feu, de l’intérieur, de la terre, et la patrone de la virginité. On appelait Estiées les sacrifices qu’on lui offrait. Le 9 juin on célébrait les Vestalies, fêtes pendant lesquelles on donnait des festins dans les rues. Les boulangers et les meûniers y prenaient la plus grande part ; pour se rendre la déesse favorable, on priait les vestales de lui offrir les mets qu’on leur portait. Les vestales elles-mêmes, aux ides de mai, célébraient les Argées en jetant dans le Tibre des figures d’hommes faites en jonc, pour expier la coutume barbare que l’on avait dans les temps anciens de précipiter dans ces parages les étrangers dans ce fleuve.
Les anciens représentaient Vesta avec un figure sévère, belle, noble et enveloppée d’un voile à la manière espagnole, portant un sceptre ou une hasté d’une main, et ayant une sphère dorée ou tour sur la tête. Les modernes souvent lui donnent une taille légère avec une lampe ou une petite statue de Minerve ou Palladium à la main.
Saturne. — Passons maintenant à l’histoire de Saturne, ce Dieu du temps, parricide et infanticide, et pourtant objet de l’adoration de quelques peuples anciens.
Chrone ou Saturne, également appelé Archigenetle, ou auteur de naissances, Ancyclomète, ou à esprit retord, l’Ancien, Canus et Leucanthès ou Falcifer ou Falciger ou le Porte-faulx, Vitisator ou le vignicole, était fils d’Uranus et de la Terre, et frère des Titans. Après avoir obtenu de Titan, l’aîné de ses frères, l’empire du monde à la condition qu’il détruirait tous les fils que sa femme mettrait au jour, il tint sa promesse, parce qu’il savait, dit-on, en outre, qu’un de ces fils devait lui enlever l’empire du monde. Il fut fort embarrassé lorsqu’ayant avalé le vomitif de Métis, il vit sortir vivant de ses entrailles Jupiter, Neptune et Pluton. Cet embarras redoubla promptement, car aussitôt attaqué par ses frères les Titans, il fut dépouillé du pouvoir souverain et jeté dans {p. 15}un cachot où il resta près d’une année. Alors Jupiter, Neptune et Pluton ses fils le délivrèrent et le remirent sur son trône. Mais à peine fut-il réinstallé, qu’il tendit des piéges à Jupiter. Celui-ci, dont la force avait long-temps respecté son père dans ce vieillard jaloux et cruel, finit pourtant par perdre patience, et, dans un accès de colère, il l’arracha de dessus son trône et le précipita vers la terre.
Ainsi chassé des cieux vers l’an 2,000, suivant les uns, ou 1,325 av. J.-C., suivant les autres, il tomba sur cette langue de terre que les Grecs appelaient Hespérie, et que nous nommons Italie. Alors il fut sur les bords de la mer, monta un vaisseau qu’il fabriqua ou trouva tout construit, et fit voile vers le Tibre, à l’embouchure duquel il reçut l’accueil le plus favorable de la part de Janus, roi du Latium qui bientôt l’associa à la direction de son empire.
Ayant ainsi retrouvé une position honorable, Saturne introduisit dans son nouvel empire l’agriculture et les lois, fit fleurir la paix, l’abondance, la santé, l’égalité et le bonheur parmi les farouches Latins, jeta les fondemens de Saturnie sur le mont Tarpéien, rendit son règne l’Age d’or de l’Italie, puis enfin laissa le trône à Faune, disait la tradition romaine. Il y a donc, comme on le voit, dans toute cette histoire, un amalgame de faits grecs et italiotes.
Ce fut en récompense de ce bienveillant accueil, que Saturne accorda à son hôte la connaissance du passé et de l’avenir. Grâce à ce don, Janus, que nous retrouverons beaucoup plus tard en parlant d’Énée, fut par la suite divinisé, et représenté avec deux ou quatre visages opposés, tenant une clef dans la main droite, pour marquer qu’il ouvrait l’avenir, et une baguette dans la gauche, comme présidant aux augures, ou souvent le nombre 300 dans l’une et 65 dans l’autre, pour signifier l’année à laquelle il présidait ; mais on lui consacrait particulièrement le mois de janvier, premier mois de l’année. Romulus et Tatius, après leur traité de paix, lui firent bâtir un temple ayant douze autels, dont chacun était réservé pour l’un des mois de l’année. Ce temple avait cela de remarquable qu’il était toujours ouvert durant la guerre, et fermé pendant la paix.
Peu d’amourettes ou historiettes légères se rattachent à Saturne ; ainsi il serait difficile de deviner pourquoi la mythologie composite des Romains lui a donné pour femme, probablement après sa chute du ciel, Entorie, fille d’Icarius et mère de Janus, qu’il avait trouvé sur le trône, et avec lequel il régnait. C’est une de ces absurdités dont l’origine est incompréhensible. Parmi ces difficultés fabuleuses, nous rangerons encore sa passion pour Evonyme, de laquelle, suivant le seul poète crétois, Epiménide, il eut les Parques et les Furies.
Il n’en est pas de même de ses amours avec Hora. C’est une allégorie bien dessinée et tout-à-fait en harmonie avec les personnages. Peu de temps après avoir été blessé par son fils, Uranus, pour se venger à son tour, lui envoya pour le séduire et le tuer ensuite, Hora et ses trois sœurs ; car cette Hora ou heure, pleine de jeunesse, de bel âge et de beauté, était bien faite, comme on devait le croire, pour subjuguer Saturne ; mais, au contraire, elle-même s’amouracha si follement de son frère, qu’elle ne voulut plus par la suite, ainsi que ses sœurs, s’en séparer. Allégorie dont le sens est facile à trouver, en réfléchissant que Chrone ou Saturne signifie le temps, et que Hora et ses sœurs sont les heures qui, toujours liées à la marche du temps, en mesurent les {p. 16}mouvemens par le secours du Ciel leur père.
Ces trois sœurs de Hora, et comme elle filles du Ciel, s’appelaient primitivement dans la Béotie et dans l’Attique, Auxo ou la croissance, Thallo ou la floraison, et Carpo ou la fructification, et devinrent bientôt dans ces contrées autant de saisons qui furent représentées par Auxo pour l’hiver-printemps ; par Thallo, pour le printemps-été ; et par Carpo, pour l’été-automne : mais chez les Romains, on éleva les saisons au nombre de quatre, en figurant le printemps par Mercure, l’été par Apollon ; l’automne par Bacchus, et l’hiver par Hercule ; divinités que nous retrouverons plus tard, et dont l’historique nous apprendra qu’ils représentent fort bien chacune des saisons auxquelles ils présidaient.
Les noms des Heures n’étaient pas les mêmes en Crète, elles y étaient appelées Dicé, ou la justice ; Irène, ou la paix envisagée comme harmonie, et Eunomie ou Eurynomie ou les belles lois. Les Crétois les faisaient naître en outre de Jupiter et de Thémis ou Gâthémis.
Bientôt dans toute la Grèce, la journée fut subdivisée en dix fractions, appelées : Augê ou Ͱl’aube du jour, Anatolê ou le lever du soleil, Mousiâ ou Mousea ou l’heure des études, Gymnasiâ ou celle des exercices, Nymphœ ou celle du bain, Mesembriâ ou midi, Spondê ou heure des libations, Litê ou celle des prières, Actê ou celle de la table, Dysis ou coucher du soleil ; l’on exprimait les quatre dernières, par les chiffres grecs ζ ou 7, η ou 8, θ ou 9, et ‘ ou 10, dont le mot ζηθƅ, formé par leur réunion, signifiait livre-toi au plaisir.
Du reste, il existait un grand nombre de statues et d’images des Heures, toujours représentées planant dans l’espace, devant le char des Saisons, en jetant des fleurs sur leur passage, ou bien occupées à ouvrir et à fermer les portes de l’Olympe, habitation céleste des Dieux, dont nous verrons bientôt la description.
Sans avoir un culte spécial, ces déesses avaient pourtant dans Argos une chapelle, et dans Athènes on célébrait en leur honneur, une fête qui portait le nom d’Horée.
Mais revenons aux amours de Saturne, et à la seule aventure un peu sérieusement galante, qui lui donna du tourment. Un jour il aperçoit Philyre ou Naïs, océanide à taille svelte et gracieuse ; aussitôt il en est épris, et ne sachant comment s’en approcher, il prend la forme d’un cheval, poursuit la pauvre nymphe jusqu’au milieu des roseaux, et en obtient, moitié de force moitié de gré, les faveurs qu’il recherchait. Sur ces entrefaites, Rhée, avertie probablement par quelque indiscret, arrive à l’improviste, et surprend les deux amans ; alors Saturne s’enfuit au galop, dans la crainte de sa jalouse épouse ; et ce ne fut qu’à cet instant, disent certaines traditions, qu’il se métamorphosa en cheval. Quant à Philyre, honteuse de sa faute, elle se perdit sur les pentes escarpées des montagnes les plus boisées de la Thessalie, et fut ensevelir son opprobre dans les grottes des monts Pélasgiques, où elle mit au monde un fils que l’on trouve quelquefois appelé Dolops, et que l’on connaît plus généralement sous le nom du centaure Chiron, monstre à buste d’homme, porté sur un corps et des jambes de cheval. En voyant ce fruit de ses criminelles amours, la douleur de Philyre redoubla, et pour grâce, elle demanda aux Dieux de la changer en tilleul, prière qu’ils exaucèrent, lassés enfin de ses plaintes continuelles.
Ce fils de Saturne, appelé le sage par Plutarque, se retira dès qu’il fut grand {p. 17}sur les montagnes et dans les forêts, où en chassant avec Diane, que nous rencontrerons plus tard, il apprit la connaissance des simples et des étoiles. Sa grotte, placée au pied du mont Pélion, devint la plus célèbre école de toute la Grèce. Là il eut pour disciples : Achille, Amphiaraüs, Antiloque, Bacchus, Castor et Pollux, Céphale, Diomède, Énée, Esculape, Hercule, Hippolyte, Machaon, Mélénion, Méléagre, Ménesthée, Nestor, Palamède, Pelée, Podalyre, Télamon, Thésée et Ulysse.
Ce sage, qui de son alliance avec la nymphe Chariclo, eut la devineresse Ocyroé pour fille, faisait donc partie de la population des Centaures, détruite par Hercule, lors des noces de Pirithoüs et d’Hippodamie. Un accident le rangea parmi les victimes de son élève. Les Centaures voulant se mettre à couvert, s’étaient réfugiés à Malée, où Chiron vivait dans la retraite. Hercule les y poursuivit, les y attaqua, et sans le vouloir, frappa au genou son maître avec une flèche empoisonnée du sang de l’hydre de Lerne. Aussitôt Hercule voulut appliquer un remède à cette blessure ; mais elle était incurable. Le malheureux Chiron, accablé par les douleurs, pria Jupiter de terminer ses jours. Celui-ci, touché de cette prière, fit passer à Prométhée l’immortalité du fils de Saturne, et plaça Chiron dans le zodiaque, où il forma la constellation du sagittaire, renfermant quatre-vingt quatorze étoiles ; ou selon d’autres, dans la constellation australe appelée centaure, contenant quarante-huit étoiles ; car en astronomie, Chiron et le centaure sont les mêmes.
D’après cette fable, on peut supposer que Chiron fut le plus grand médecin ou mieux le plus grand chirurgien de la Grèce primitive ; mais revenons à son père, fils d’Uranus.
On gratifie encore Saturne de plusieurs enfans : ainsi on lui attribue Picus, roi des Latins, mari ou de Canente, fille de Janus ou de Circé, et père de Famie et de Faune, mort très jeune à la chasse. Il fut métamorphosé en pivert, comme l’indique son nom latin, soit par les Dieux, soit par Circé sa femme, pour laquelle il n’avait eu que de la froideur. Ses peuples le mirent au rang de leurs Dieux. Les autres enfans de Saturne étaient : Phtonia, que Sipyle rendit mère d’Olympe et de Tmole, Athénée, à tort Hymnus, Felix et Faustus, enfans d’Eutoria, fille d’Icarius et mère de Janus, et allégoriquement le Sort, sa fille ainée, suivant les Latins, la Vérité, mère de la Justice et de la Vertu, et la Fièvre, parce qu’ils considéraient sa planète comme brûlante et maligne, et Pandée, fille qu’il eut avec la Lune. On assure, en outre, que Rhée avait également eu de lui Glauca, sœur jumelle de Pluton. Saturne recueilli par Janus, dans le Latium, trouva le bonheur, et le prodigua aux peuples qu’il dirigeait, en leur montrant à vivre de peu, à cultiver la terre et à la rendre fertile. Dès-lors aussi, il institua le commerce, inventa les monnaies, et fit frapper, dit-on, un vaisseau sur la première. Par suite de ces services, il fut aimé : la simplicité, la franchise et la prudence avec lesquelles il gouverna, lui gagnèrent tous les cœurs, et firent appeler son règne l’âge d’or. Cet âge porte aussi le nom de Règne d’Astrée, parce que l’on suppose qu’à cette époque Astrée, déess de la justice, fille de l’Aurore et d’Astérus, roi d’Arcadie, descendit du ciel sur la terre pour ajouter au bonheur des hommes. Plus tard, à la fin du règne de Saturne, arriva l’Age d’argent. Pour mieux comprendre ces divers âges, il est bon de se rappeler que tous les peuples gouvernés par des prêtres divisèrent les temps primitifs qui {p. 18}suivirent la création de l’univers en grandes époques savamment basées sur des observations astronomiques. Tout en imitant cette division, les Grecs s’en rapportèrent aux calculs des autres peuples, ils adoptèrent leurs résultats ; seulement ils divisèrent l’existence du monde en quatre périodes, ou âges désignés par les noms d’âge d’or, d’âge d’argent, d’âge d’airain et d’âge de fer, afin d’exprimer que la dégénérescence des hommes a été en proportion de la diminution de valeur des métaux, ce qui ne s’accorde pas avec les idées philosophiques de la civilisation moderne, qui considère l’espèce humaine capable de se perfectionner, et se perfectionnant tous les jours. Saturne, après un assez long exil sur la terre, remonta vers le ciel, où il fut spécialement chargé de la marche de la planète qui porte son nom, et de la direction du Temps et des Heures.
Saturne, le bienfaiteur de l’humanité, le semeur de céréales, le producteur des alimens, est donc la personnalisation de la vie et de l’art agricole inspiré aux hommes par le Ciel, inspiration représentée par un être céleste exilé qui remplit sa mission, puis se réabsorbe dans l’essence divine, retourne aux cieux, redevient invisible, et se continue seulement par ses successeurs humains, ses disciples, ses apôtres et leurs successeurs. L’un, appelé Picus, est un volatile aérien destiné à porter aux hommes les paroles des Dieux ; l’autre, sous le nom de Faune, est en réalité l’air pur et tiède qui active la fertilisation et développe la germination ; puis un troisième est Evandre : c’est l’homme bienfaiteur des hommes, dont nous retrouverons plus loin des synonymes dans les personnages appelés Cécrops et Cadmus.
Saturne est, par conséquent, d’abord Titan puissant, astucieux, producteur et destructeur ; puis il est Chrone, père des Siècles, rejetons du ciel ; l’époux de Rhée, le générateur primordial ; ensuite il est Saturne, planète ou feu divin, éclairant, échauffant les hommes dont il a été le bienfaiteur, et leur annonçant ruine et malheur quand ils naîtront sous l’influence funeste de son astre ; car s’il a dévoré ses fils dans les cieux, s’il y a mutilé son père, il veut qu’on sache en outre que le Temps aussi, descendu sur la terre, peut dévorer le monde ; enfin, en laissant pour fils Jupiter, dieu suprême, Jupiter planète, Jupiter l’engendreur et le conservateur du monde, il console les hommes en leur promettant le bonheur. Saturne, par conséquent, est un personnage fabuleux très-remarquable, quoique n’étant pas entouré et orné d’aventures amusantes.
Il reçut beaucoup de surnoms, et fut appelé Ancylômètès, ou à esprit recourbé, Acmonide ou petit-fils d’Acmon, Protogone ou premier-né. Mais dans les derniers temps de la Grèce, à l’époque de l’incrédulité grecque, ce nom de Saturne devint un sobriquet, et ne signifia plus que vieux radoteur.
Ce père des Dieux ayant de bonne heure été exclu de l’Olympe, il ne faut pas s’étonner s’il n’eut pas un culte bien célèbre dans la Grèce. Cependant il avait un temple à Ellis, à Drépanne, en Sicile, où l’on se vantait d’avoir sa harpé, appelée aussi faulx ou drépanon.
On le représentait sous les traits d’un vieillard barbu, pâle, sévère, nu, maigre, robuste, ayant un visage exprimant un air majestueux, prudent et dissimulé, avec des yeux creux et étincelans d’un feu sombre, ayant habituellement la tête couverte d’un voile, et souvent même surmontée d’un globe, portant dans la main droite sa harpé ou faulx dentelée, et dans {p. 19}la gauche, un sablier, emblème du Temps, ou un enfant qu’il s’apprête à dévorer. Il a quelquefois sous les pieds, quand il vient de la période Greco-Alexandrine, un crocodile, indiquant la voracité du Temps. Souvent il est assis sur un trône, ou bien il vole isolé ou dans un char à travers l’espace.
Il ne fut pas grandement vénéré en Grèce, la Thessalie seule lui rendait les honneurs divins en célébrant les Pétories, fêtes semblables aux saturnales ; on lui sacrifia long-temps, et surtout à Carthage, des victimes humaines. Si l’exil de Saturne en Italie fut préjudiciable à son culte dans la Grèce, il lui fut au contraire fort utile à Rome. Ce fut en mémoire de cet exil, et du bonheur dont jouissait le peuple du Latium à cette époque, qu’on institua dans la ville de Romulus les Saturnales. Pour les célébrer, on y déployait, chaque année, une magnificence et même une licence sans bornes. Elles commençaient le 17 décembre, ne duraient d’abord qu’un jour, puis s’étendirent à trois jours ; ensuite, sous Caligula et Claude, à cinq ; et enfin, on y ajouta encore plus tard deux jours complémentaires, appelés sigillaria, à cause de petites statues que l’on s’envoyait mutuellement en présent, et que les parens donnaient surtout aux enfans pendant ces deux jours.
Afin de faire allusion à l’âge d’or, durant lequel toutes les vertus, le bonheur, le plaisir, l’équité et la liberté étaient censés avoir existé, on renversait, durant les cinq jours des Saturnales, proprement dites, l’ordre ordinaire de la vie domestique. Alors toutes les classes du peuple se livraient aux festins, aux plaisirs ; les maîtres servaient à table les esclaves, qui, pendant ce temps, avaient leur franc parler, et étaient amnistiés de toutes leurs fautes ; par la suite, la licence la plus désordonnée terminait ces orgies, que les femmes répétaient le premier mars sous le nom de Matronales. Les prêtres de Saturne, appelés Basiles, lui sacrifiaient la tête découverte, pour indiquer que le temps découvre tout.
Saturne est, en astronomie, une planète éloignée du soleil de 329,232,000 lieues ; elle a sept satellites, et un anneau qui l’entoure à la distance de 11,777 lieues.
Les Persans adoraient Saturne sous la forme bizarre d’une pierre noire sculptée de manière à représenter une masse, ayant une tête de singe, un torse d’homme et une queue de cochon. Ces pierres, connues aussi en Grèce, et faisant allégorie aux enfants qu’il avait avalés, s’appelaient Abadir, Abdir ou Bœtyles.
Jupiter. — Maintenant passons à la longue histoire de Jupiter, son fils ; voyons-le vaincre ses ennemis, s’emparer de l’empire du monde, puis se livrer à ses femmes et à ses maîtresses, et devenir le père d’une nombreuse et illustre famille.
Dès que Jupiter eut chassé du ciel son propre père, il fit courber tous les Dieux sous sa loi. Mais cherchons comment il arriva graduellement à se rendre ainsi le maître de l’empire du monde. Ce Jupiter, ainsi connu chez les Romains, et appelé Zévs chez les Grecs, et Dén ou Dan chez les Crétois, fut, dans les temps vulgairement historiques, le Dieu suprême des Grecs et des Romains. C’est le plus puissant de tous les Dieux de leur religion ; il résume à lui seul l’ensemble des autres divinités de l’Olympe ; ses faits de puissance et d’amour sont tous allégoriques, même lorsqu’ils semblent le plus éloignés de présenter un sens caché. Déjà l’on pourra prendre une idée de ses attributs et de son pouvoir en parcourant la plupart de ses noms et {p. 20}surnoms. Ainsi, on l’appelait Zevs ou Jupiter, Abresse ou d’Abretam, en Nysie ; Acrée, ou des hauts lieux, en Arcadie ; Adulte, ou hors de l’enfance ; Ædificialis, ou l’architecte ; Ægieus, ou le nourrisson des chèvres ; Æthios, ou au temps serein ; Agamemnon à Lacédémone ; Agetor, ou conducteur ; Agorée et Forensis, ou le sage, et présidant aux forum ; Alastor, ou vengeur ; Alise, ou qui délie ; Almus, ou fécondant ; Altios, ou de l’Altis ; Alumne, ou nourricier ; Ambule ou Ambulius, ou le marcheur ; Amicus, ou l’ami ; Ammon, ou d’Ammon ; Anax, ou le modèle des législateurs ; Anchesmius du mont Anchesme en Attique, Antiate, ou d’Antium, chez les Volsques, Anxur ou Axur ou le malfaisant des Volsques ; Apesantios, ou d’Apesas en Arcadie ; Apâténor, ou le rusé ; Aphictor, ou le protecteur des arrivans ; Apomios, ou chasseur de mouches ; Aphesios, ou des arênes ; Arbius, ou d’Arbia en Crête ; Arbitrator, arbitre ; Arboreus, ou à forme d’arbres ; Arée, ou de Pise ; Argiceraunus, ou aux foudres brûlantes ; Aristarchos, ou le législateur ; Aratrios, ou l’agriculteur père des oracles ; Asbamée, ou de Cappadoce ; Asius ou d’Asos, ou le Thabor des Rhodiens ; Astrapeos, ou qui darde l’éclair ; Atabyrios, ou d’Atabyre ; Athous, ou d’Athos ; Auxète, ou qui fait grandir ; Bagée, ou de Phrygie ; Basileus, ou le roi des législateurs ; Bénélicius, Biennos, ou de Crète ; Bosios, Bronteos et Bronton, ou le fulminateur, ou tonnant ; Bulée, ou le donneur de conseils ; Cœneus, ou de Cénéo, Capitolin, ou du Capitole à Rome ; Callimaque, ou le grand justicier ; Capporitas, Carée, ou de Béotie, ou l’Elevé ; Carius, ou de Mylase ; Cassius, ou du Mont-Cassius en Syrie ; Catébate, ou qui lance la foudre ; Charisius, ou le conciliant ; Charthasius, ou l’expiateur ; Charmon, ou des Arcadiens, Chthonius, Chrysaoré, ou de Carie ; Cithéronius, en Béotie ; Conios, ou le poudreux de Mégare ; Coryphée, ou du Mont-Lycée ; Criophage, ou dévorant les béliers ; Ctesios, qui favorise l’acquisition des propriétés ; Cuculus, ou coucou ; Custos, ou le gardien, à Rome ; Cynéthée, ou le chasseur ; Dan, ou de Crète ; Dapalis, ou aux festins ; Desultor, ou l’inconstant ; Dêmios, protecteur de la fondation des Dêmes ; Depulsor, Dictœus, ou le Crétois ; Diespiter, ou le Dieu père ; Dikaspolos, ou le grand justicier ; Dijouvis, le dieu de lumière ; Dodoneen, ou de Dodone ; Drymnius, ou au chêne ; Dolichée, ou de Doliche ; Dolios, ou le rusé ; Egyocus à la peau de chèvre ; Egyptius, ou l’Egyptien ; Eilapinaste, ou aux grands festins ; Eléen, ou d’Elis ; Eleutherios, ou le libérateur ; Elecius, ou du Mont-Aventin ; Elicius, ou des lieux bas ; Elymeen, ou d’Elymaïs ; Enfant, ou d’Eginus ; Ephestios, ou le protecteur des foyers domestiques ; Enesius, ou d’Enus ; Epacrius, ou des hauteurs ; Epicœnius, ou commun à tout ; Epicarpius, ou le producteur de fruits ; Epidote, ou qui donne tout ; Epiphanès, ou présent partout ; Epistatérius, ou présidant au monde ; Epistius, ou dieu des foyers ; Erygdoupos, ou au vaste fracas, ou lançant la foudre ; Etérius et Ethrius, ou le céleste ; Etnée, ou de l’Etna ; Eveneos, ou aux vents favorables ; Exsuperantissimus, ou au-dessus de tout ; Feretrius, ou le secourable, fulgens, fulgur, fulgurator, fulminans, fulminator, ou le dieu du tonnerre et des éclairs ; Gamelius, ou le dieu des noces ; Généthlios, ou aux horoscopes astrologiques à Sparte ; Hecatèse, ou d’Hécate ; Hecatombé, ou aux hécatombes ; Héiconius, ou d’Hélicon ; Héliopolite, ou d’Héliopolis ; Hélios, ou soleil {p. 21}Hephetous, ou des foyers ; Hercios, ou le gardeur des villes et maisons ; Hétérius, ou des compagnons d’écurie ; Hikésius, ou des supplians ; Homagirios, ou qui réunit ensemble d’Egium ; Horcios, ou le conservateur des sermens et traités ; Hyétios, ou des pluies ; Hospès et Hospitalis, ou de l’hospitalité ; Hymétius, ou du mont Hymète ; Hypatus, ou souverain ; Hyperdexias, ou le triomphant et le redoutable ; Hypermenes, ou le tout-puissant ; Hypsicéraunos, ou à foudre élevée ; Hypsibrémétas, ou qui frémit dans les hauts ; Hellénios, ou protecteur de la fédération des villes ; Hepios, ou le bienfaisant ; Homogyne, ou d’Egium ; Homorios, ou des limites ; Icésios, ou le dieu des supplians ; Idœen ou du mont Ida, en Crète ; Inventor, ou qui fit retrouver les bœufs à Hercule ; Ion, ou l’amant d’Io ; Iov, Jov ou Jou, Ithomate, ou d’Ithome en Messénie ; Labradeus et Labraudeus, ou le dieu à la hache de Labraude en Carie ; Laphiste, ou d’Orchomène ; Lapis, ou bloc ; Larismus ; de Lariste ; Latialis et Latius, ou du Latium ; Lécheate, ou le père de Minerve des Aliphériens ; Liberalis, ou le libérateur ; Lycios, ou lumineux ; Lyctios, ou des hauts lieux, en Arcadie ; Lucetius et Lucetius, ou père de la lumière ; Lycéos, ou tueur de loups, ou libérateur ; Mæmactès, ou le furieux ; Mærgetès, le conducteur des Parques ; Maius, ou le supérieur à tout ; Maleus, ou de Malée en Laconie ; Marinus, ou le roi des eaux ; Martius, ou le guerrier ; Méchanéen, ou le favorable d’Argos ; Melichios ou Milichius, ou le roi législateur doux comme le miel ; Mélissœos, ou qui force les abeilles à donner du miel ; Moiragetès, ou le directeur du sort en Arcadie et en Elide ; Molossus, ou des Molosses en Epire ; Morius, ou du mûrier ; Néméen ou Némétès, de Némée en Argolide ; Némétor et Némester, ou le vengeur ; Néphélêgéléta, ou des nues ; Nicéphore, ou le victorieux ; Nomios et Nomos, ou la loi ; Olympien, ou du mont Olympe ; Ombrios, ou le pluvieux ; Opiter, Opitulator et Opitulatus, ou qui donne secours ; Optimus maximus, ou le très-bons et très-grand ; Périphas, de l’Attique ; Panhellenios ou Paniomos et Pandios, ou protecteur des fédérations des villes ; Parnetius, ou du mont Parnasse en Attique ; Panerius, ou au pain ; Panomphê, adoré de tous ; Panoptès, qui voit tout ; Pater et Propatôs, Patroos, ou père des hommes ; Pélorien, ou de pelorius qui institua les pelories ; Philaletès, ou ami de la vérité ; Physicus, ou l’Ærien pris physiquement ; Piseus, ou de Pise ; Pistius, ou de la bonne foi ; Pistor, ou des boulangers ; Plusios, ou le dispensateur des richesses ; Philios, ou le protecteur de l’amitié ; Phixios ou Phixélios, ou protecteur des fuyards ; Pluvius, ou le pluvieux ; Prostropœos, ou dieu des suppliantes ; Phratrios, protecteur de la fondation de Phratries ; Polieus ou Polionchos, ou le conservateur des villes ; Poudreux, à la statue poudreuse de Mégare ; Prœdator, ou le dieu des dépouilles ennemies ; Prodigialis, ou détournant les prodiges malheureux ; Ruminus, ou le nourricier ; Salaminius, ou de Salamine ; Saotès, ou le conservateur ; Sardessus, ou de Syrie ; Saturnius ou Saturnigena, ou fils de Saturne ; Scotius, ou le ténébreux à Sparte ; Scillius, ou de Crète ; Sébasius, ou le respectable ; Sécrétus, ou l’isolé ; Semaleus, ou qui envoie des présages de l’avenir ; Sérénator et Sérénus, ou l’Ærien Serein ; Servator, ou le sauveur ; Sosipolis, ou le défenseur des villes ; Sôter, ou le sauveur ; Sponsor, ou le garant ; Stabilitor, ou qui affermit les empires ; Stator, ou le donneur de courage ; Steroppegérète, {p. 22}ou le fulminateur ; Sthenios, ou le donneur de force à Argos ; Stratios, ou le donneur de belles armées chez les Cariens ; Supinalis, ou qui peut tout renverser ; Tarenteus, ou de Tarente en Bithyme ; Tarpeïus, ou du mont Tarpeïen, depuis le Capitole ; Tartius ou Tarsus, de Tarse en Cilicie ; Terminalis, ou le protecteur des bornes ; Titanocrator, ou le vainqueur des titans ; Tmarius, en Epire ; Tonnens, ou le tonnant ; Tropœophorus, ou le donneur de trophées ; Trophonius, ou l’alimentateur ; Ultor, ou le vengeur ; Urius, ou le donneur de vents favorables ; Vejow, ou le jeune ; Vicilinus, ou de Compsa en Italie ; Xenios, ou l’hospitalier ; Zenogonos ou Zoogonos, ou le conservateur de la vie ; Zan ou Zeuv, signifie également Jupiter. Du reste, il paraît que dans toutes les religions le mot générique, Dieu, est exprimé par un nom dérivé, ou du Jovis latin ; ou du Zév et Sdeus crétois, ou du Deus éolique, qui eux-mêmes dérivent peut-être du thoth, égyptien, tant la différence est faible dans le passage du T au D, du D au Z, et du Z au J. Dès-lors, Jupiter est donc le Dieu des Dieux, le Dieu par excellence, dans lequel tous les autres, quel que soit leur sexe, se résument, n’étant chacun qu’une portion de lui-même, ou, si l’on veut les personnifier, un ministre divin chargé d’une fonction spéciale. On pourrait écrire des volumes pour expliquer les noms symboliques que nous venons de donner fort en détail ; mais leur traduction, que nous avons placée à la suite de la plupart, suffira pour faire comprendre toutes les faces sous lesquelles les anciens considéraient Jupiter.
Cependant ce Dieu, dont nous venons de donner les principaux surnoms, avait un nom qui lui-même est formé du mot jou ou le jeune, comme étant le dernier enfant de Saturne ; et du mot pater ou père, comme le générateur du monde entier, dont il était et le souverain tout puissant, et le génie actif qui l’animait. Plusieurs de ses surnoms remontent à des causes fort naturelles. Ainsi on l’appelait Jupiter Olympien, Idéen, Cénéen, Capitolin, Cassius, parce qu’il était adoré sur diverses montagnes qui portaient ces noms.
D'autres fois, c’était aux Dieux des pays les plus éloignés qu’il empruntait ses surnoms ; cependant il est à observer que le nom du dieu importé d’une contrée éloignée dans la Grèce, devenait toujours un surnom, pour montrer son origine ; ainsi, l’on connaissait Jupiter-Ammon des Libyens, c’était peut-être le plus ancien de tous ; puis Jupiter-Sérapis des Égyptiens ; Jupiter-Belus des Assyriens ; J.-Uranus des Perses ; J.-Thébain d’Égypte ; J.-Pappée des Scythes ; J.-Assabinus des Éthiopiens ; J.-Chronos des Arabes ; J.-Taranis des Gaulois. Pourtant tous ces Dieux dans leur patrie, avaient un culte fort différent de celui qu’on rendait au personnage que représentait l’ensemble de leur nom. Sous ce nom de Jupiter, on réunissait en un seul plusieurs individus qui s’étaient rendus célèbres. Varron et Eusèbe avancent que ce nombre pourraît être porté à trois cents ; chose facile à concevoir, en admettant que la plupart des rois des temps primitifs de la Grèce prenaient ce titre. Ainsi, outre les précédens, on désignait encore d’une manière spéciale les suivans : Jupiter Apis, roi d’Argos, petit-fils d’Inachus, qui enleva Io, prêtresse de Junon ; Jupiter-Astérius, roi de Crète ; il se fit remarquer par l’enlèvement d’Europe, et fut père de Minos Ier ; Jupiter-Prœtus, fut oncle de Danaë ; Jupiter-Tantale, qui enleva {p. 23}Ganymède ; Jupiter, père d’Hercule et des Dioscures Castor et Pollux, qui vivait soixante ou quatre-vingts ans avant le siége de Troie. De tous ces Jupiter, Cicéron, écrivain habile des Romains, n’en reconnaît que trois bien distincts : l’un père de Proserpine et de Bacchus, auquel les Arcadiens attribuaient leur civilisation ; l’autre, fils du Ciel et père de Minerve, également d’Arcadie ; et le troisième, né de Saturne dans l’île de Crète. Enfin un autre historien, Diodore, les ramène tous seulement à deux : le plus ancien, prince des Atlantes ; et l’autre, son neveu, roi de Crète, plus célèbre que son oncle, et qui étendit son empire jusqu’en Europe et en Afrique.
Alors, on semble devoir arriver à de l’histoire positive ; mais nous le répétons, cela tient à l’application que l’on fit en Crète du mot Jupiter, que l’on donna aux rois de Crète, comme on donna celui de Pharaon et de Ptolémée à ceux d’Égypte, ou de César aux empereurs romains. Cependant, si l’on tient à en trouver un tant soit peu historique, c’est au Jupiter fils de Saturne qu’il faut accorder cet honneur, et admettre que ce grand homme divinisé arriva à la célébrité plutôt par ses crimes que par ses belles actions, puisqu’il alla jusqu’à tuer son père. Il vécut, dit-on, cent vingt ans, et après avoir régné soixante-deux ans en Crète, il fut enfermé à Gnosse dans un tombeau, sur lequel on avait mis cette inscription : « Ci-gît Zan, que l’on nommait Jupiter. »
Ensuite, on lui donne pour successeur Crès son fils. Cependant, les siècles historiques n’ont laissé de connus comme rois de Crète, que ceux appelés Astérius, Minos 1er, Lycaste, Minos II et Androgée. Il est donc plus probable que les poètes réunirent les hauts faits de plusieurs rois, par eux-mêmes fort anciens, les groupèrent sur un seul individu, auquel les prêtres s’empressèrent d’accorder la divinisation ; et de là vint Jupiter, qu’en style burlesque les premiers appelaient aussi Jupin.
Si maintenant nous l’admettons comme Dieu, son histoire se complique, et donne lieu surtout à deux légendes bien distinctes. La première, celle de Diodore de Sicile, a une couleur plus historique ; la voici : Les Titans, dit-il, jaloux de la puissance de Saturne, se révoltèrent contre lui, et s’en étant saisis, le renfermèrent dans une étroite prison. Alors Jupiter son fils, jeune, mais plein de courage, oubliant que son père avait voulu le tenir dans une dure captivité, sort de l’île de Crète, où sa mère Rhéa l’avait tenu caché, et où elle l’avait fait élever en secret par les Curètes, se met à la tête d’une armée, bat les Titans, délivre son père, le replace sur son trône, puis retourne dans sa retraite. Saturne, devenu méfiant et soupçonneux, voulut se défaire de son fils ; mais celui-ci, ayant évité les piéges tendus par son père, le força à sortir de l’île de Crète, le suivit dans le Péloponèse, le battit une seconde fois, et le força d’aller chercher un dernier refuge en Italie. A cette guerre, succéda celle de ses oncles les Titans, qui dura dix ans, et que Jupiter termina par leur entière défaite près de Tartesse en Espagne. C'est après cette victoire que commença le règne de Jupiter. Devenu le maître alors d’un vaste empire, il épousa Junon, sa sœur, à l’exemple de son père, qui déjà avait épousé Rhéa, et de son grand-père Uranus, qui avait pris pour femme Titea ou Titia. Ses États étant trop étendus pour pouvoir seul les gouverner, il établit Pluton son frère, gouverneur de la partie occidentale, composée de l’Espagne et des Gaules. Après la mort de Pluton, ce {p. 24}gouvernement fut donné à Mercure, qui s’y rendit tellement célèbre, qu’il devint la grande divinité des Celtes.
Quant à Jupiter, il s’était réservé l’Orient, c’est-à-dire la Grèce, les îles, les environs et toute la partie orientale appelée Arménie, d’où venaient ses ancêtres. Alors il se reposa de ses conquêtes, devint législateur, et fit des lois justes qu’il fit exécuter avec rigueur. Il extermina et fit disparaître tous les brigands de la Thessalie et de la Grèce ; puis son goût pour la débauche le jeta au milieu de tant d’intrigues amoureuses, qu’il irrita sa femme Junon, qui finit par conspirer contre lui ; mais il dissipa facilement cet orage, et ce fut son dernier exploit. Ensuite il mourut de vieillesse en Crète.
Les Grecs avaient remplacé cette légende par une autre beaucoup plus fabuleuse, et que nous allons maintenant suivre en détail. Un oracle, que le ciel et la terre avaient rendu, ayant prédit à Saturne qu’un de ses enfans lui ravirait la vie et la couronne, ou suivant d’autres, ce Saturne étant convenu, après avoir reçu l’empire des mains de Titan, son frère aîné, qu’il ne laisserait vivre aucun des enfans mâles que sa femme pourrait mettre au jour, afin que la succession pût retourner à ses neveux de la branche aînée, il les dévorait, comme on l’a vu, à mesure qu’ils venaient au monde. Quant à Jupiter, il est né sans que nous sachions trop dans quelle contrée, puisque la plupart des villes de la Grèce réclament sa naissance. Rhéa se sentant grosse et voulant sauver son enfant, alla faire un voyage en Crète, où, cachée dans un autre appelé Dictée, elle accoucha de Jupiter qu’elle laissa sous bonne garde ; puis elle revint et trompa son mari en lui faisant avaler une grosse pierre emmaillotée.
Jupiter resta caché dans cette retraite éloignée, et confié à la garde de nymphes et de ministres fidèles. Comme le seul des fils sauvés par la femme de Saturne, il fut élevé avec le plus grand soin, au fond de la fameuse grotte située au milieu d’une vallée entourée de forêts des plus épaisses. Ces arbres, ces rochers, ne rassurant pas encore suffisamment sa mère, elle voulut qu’il fût toujours entouré de Curètes, et même, ajoute-t-on, de Corybantes, dont le soin journalier fut de faire autour de lui, avec leur musique infernale et leurs danses, un bruit capable de couvrir les cris du divin marmot, et d’empêcher Saturne de les entendre.
On lui donne pour père nourricier, Télémène, fils de Pélasgue, le premier habitant de l’Arcadie ; on attribue aussi à ce Télémène la même place auprès de Junon. Jupiter eut, en outre, pour nourrices, les nymphes Mélissides, auxquelles on donnait pour père Mélisse, roi de Crète, et quelquefois Astérion, dieu-fleuve d’Eubée ou d’Argolide. On a conservé les noms des suivantes : Adrastée ; Cynosure, Agnite ou Hagno, l’Arcadienne, représentée tenant une cruche d’une main et une bouteille de l’autre ; Hélice, et sa sœur Ega ; Ida, qui donna son nom à une montagne de l’Asie-Mineure ; Ithôme et sa sœur Néda qui soignait Jupiter, surtout près de la fontaine Clepsydra ; ŒnŒ, Phrixa et Thisoa, toutes trois Arcadiennes.
Au nombre de ces nymphes-nourrices, on en voit prédominer une d’une manière toute particulière, et également fille de Mélisse, roi de Crète, ou du roi Hémone, ou même du Soleil, c’est Amalthée, nymphe-chèvre, qui fut spécialement chargée de nourrir le divin enfant. Etait-ce une femme lui faisant sucer le lait d’une chèvre favorite, appelée Ega, qu’elle avait sauvée de {p. 25}la main des Titans, ses frères, ou cette chèvre elle-même était-elle seule véritablement Amalthée, et la femme était-elle Ega et fille du Soleil ou d’Olène ; ce sont des difficultés peu faciles à éclaircir. Quoi qu’il en soit, la légende ordinaire, sans faire mention d’Ega, nous montre Amalthée tantôt femme et chèvre, ou tantôt chèvre et femme, suivant qu’elle a besoin de faire dominer la femme ou la chèvre. Un jour, cette chèvre sacrée, s’étant cassé une corne contre les arbres, en bondissant dans les bois, la nymphe prit cette corne, la remplit de feuilles et de fruits, et fut la présenter à Jupiter, qui, l’acceptant, la plaça dans les cieux. Ici, encore division d’opinions, car les uns assurent que ce fut la femme, les autres, que ce fut la chèvre qui fut ainsi transportée à la voûte céleste, où, depuis ce temps, a-t-on dit, elle brille, étoile radieuse et vénérée, sur l’épaule gauche du cocher.
Une autre légende assure que la femme et la chèvre ayant eu leurs os, après leur mort, renfermés dans la peau de celle-ci, à la suite de la victoire de Jupiter sur les Titans, ces os s’animèrent et ne formèrent plus qu’un seul et même individu qui fut placé parmi les astres.
Cependant une dernière tradition prétend qu’ayant eu besoin de combattre ses oncles les Titans, comme on ne tardera pas à le voir, Jupiter fut obligé, pour se conformer aux avis du destin, de couvrir son bouclier de la peau de sa bonne chèvre-nourrice ; ce qui donna au porteur de ce bouclier, l’avantage immense de l’invincibilité. En mémoire de ce service, il accorda à ce précieux bouclier le nom d’Egide ; ainsi, pour faire concorder cette légende avec la précédente, il faudrait supposer qu’après la victoire, le bouclier, découvert de la peau de la chèvre, conserva toujours la propriété d’invincibilité dont elle l’avait doué lorsqu’elle le couvrait. Par la suite, la corne cassée, supposée remplie de feuilles, de fruits, de fleurs, de monnaies, de grains, devint la corne d’abondance et symbole heureux de la fécondité générale et de la puissance nutritive de la terre. Alors une partie fut prise pour le tout : sous les noms de Mélisse, Mélissa et Amalthée, il ne faut plus voir qu’un seul personnage, emblème de la nourriture, se dédoublant, suivant le caprice des poètes et des historiens, en père, fille et sœur ; puis, dans Amalthée, il ne faut plus trouver qu’une nymphe-chèvre, emblème de la nourrice par excellence.
Quelques statues représentent cette enfance de Jupiter, et montrent ou le Dieu assis sur une chèvre dont il tient une corne, ou une nymphe lui donnant à boire dans une corne avec la chèvre à ses côtés, ou de plusieurs autres manières, faisant toujours dominer la chèvre.
Une année après cet allaitement, Jupiter se trouva sevré et grand garçon. Déjà il était si vigoureux, qu’il put prendre la défense de son père Saturne, que les Titans, ses frères, avaient, comme on se le rappelle, détrôné et mis en prison pour avoir, volontairement ou sans le vouloir, laissé vivre ses enfans mâles. Depuis huit ou dix mois Saturne languissait ainsi dans les fers, lorsque son fils aîné parut tout à coup dans l’empire céleste, non pas armé de la seule puissance de son bras, mais accompagné de ses frères Neptune et Pluton, et surtout des Cyclopes et des Centimanes, qu’Uranus avait renfermés dans le Tartare, et que Jupiter, par le conseil de Gê ou la Terre, venait de délivrer en tuant Campée, qui était préposé à leur garde à la porte du noir séjour.
Bientôt un combat des plus meurtriers {p. 26}s’engagea, et l’acharnement des partis fut tel qu’il eût été difficile en le voyant de supposer qu’il y avait entre eux une parenté des plus proches. L'armée des Titans, quoique peu nombreuse, était fort redoutable. Elle comptait dans ses rangs Cœos, Crios, Hypérion, Japet, Atlas, son fils, Pallas, Astré et Persès, tous trois fils de Crios, Thaumas et Phorcis. On y place aussi Phaëton. Quant à Anyte, titan précepteur de Junon, il est fort douteux qu’il y fût. Il en est de même de célèbre TyphŒ, il n’était pas de cette partie, et se réserva pour plus tard la gloire de combattre seul le chef de tous les Dieux.
Le corps des assiégés n’était pas moins bien composé. Il avait Jupiter pour général en chef, et celui-ci comptait sous ses ordres ses deux frères Neptune et Pluton, la titanide Thémis, le titan Prométhée, les trois hécatonchires ou centimanes Cottus, Briarée appelé aussi Egéon, et Gigès, les trois cyclopes primitifs Brontès, Stérope et Argès, et peut-être encore les cent autres cyclopes dont les noms de quelques-uns sont arrivés jusqu’à nous, tels que Acamas, Pyracmion, Polyphème, Céraste, Géreste, Cédalion et Acmonide, car nous ne mentionnons pas ici un cyclope du nom de Briarée qui dans cette guerre pourrait fort bien n’avoir été que le centimane.
Soutenus quelque temps par leur force puissante, les Titans luttèrent contre les efforts de leurs ennemis avec le plus grand avantage ; mais à la fin les Cyclopes, dirigés par Vulcain, étant parvenus à forger trois armes terribles pour chacun des trois frères leurs chefs, savoir : la foudre pour Jupiter, le trident pour Neptune et le casque pour Pluton, le bataillon de Jupiter resserra ses rangs autour de lui, et le combat devint plus décisif, car le chef des assiégés faisant alors usage de son arme meurtrière, foudroya les Titans et les plongea pour toujours dans le Tartare à la place des Cyclopes et des Centimanes.
Ces foudres produisaient l’effet rapide et instantané que nous trouvons encore aujourd’hui dans le tonnerre. Seulement, par suite des phénomènes physiques qu’elles produisaient, elles recevaient des Grecs divers surnoms : aussi les appelait-on claires, fumeuses, sèches, dans les livres fulguraux rédigés, dit-on, par la nymphe Bygoïs ou Amalthée, sibylle sacrée ou prophétesse Etrusque. On donnait encore une foule d’interprétations aux signes donnés par la foudre, que du reste Jupiter lançait ou par son bon plaisir, ce qui rarement faisait beaucoup de mal, ou par l’avis du Conseil des douze Dieux, appelés à cause de cela fulminateurs ; c’était pour punir les grandes existences et les masses, ou par le Conseil des vingt grands Dieux ; alors c’était pour bouleverser les empires, dissoudre les sociétés, anéantir les mondes. Les lieux frappés de la foudre étaient sacrés ; on les entourait, et franchir leur clôture était la profanation la plus téméraire. Les prêtres en créant la sanctification de la foudre avaient-ils quelques idées de l’électricité qui, nous le savons aujourd’hui, la fait agir ? C'est probable ; seulement ils n’en avaient qu’une idée fort imparfaite ; car comment, sans ces grossiers élémens de la science, le roi Tullus Hostilius aurait-il été foudroyé en voulant attirer la foudre. Tout ne porte-t-il pas à croire qu’il précéda Francklin dans ses essais.
Afin de ne plus revenir sur cette race des Titans complètement détruite, nous allons, avant de les abandonner à leurs éternelles tortures, donner quelques détails sur chacun d’eux.
Cœos, Crios et Hypérion laissèrent les {p. 27}enfans qu’on leur connaît ; seulement faisons remarquer qu’une assez grande confusion règne sur Hypérion. Ainsi Homère, sans avoir eu égard à Thia, lui a donné pour femme Euryphæsse, c’est-à-dire, la déesse à ample lumière, ou la nymphe Néere, et pour filles PhÆtuse, ou la flamboyante, et Lampétie, ou l’illuminante. D'un autre côté, Diodore a voulu ne reconnaître qu’un homme et savant astronome dans Hypérion. Cependant il paraît bien plus vraisemblable que les noms d’Hypérion, d’Hélios et de Sélené, voulant dire marchant haut dans les airs ; soleil et lune ne sont que des mots symboliques employés pour exprimer le père de la lumière avec ses enfans le soleil et la lune.
[n.p.]Japet offre aussi des variantes utiles à connaître pour comprendre certains historiens ; ainsi tout le monde ne lui donne pas Climène, c’est-à-dire, une océanide ou fille de l’Océan, pour femme ; car c’est tantôt à tort Asope, et mieux Asie, emblème terrestre, représentée sous les traits d’une matrone debout, tenant de la main droite un serpent, et dans la gauche le gouvernail d’un vaisseau sur la proue duquel elle appuie son pied droit ; tantôt c’est Thémis, déesse de la justice, qui passe plus souvent pour avoir été la femme de Jupiter. On donne pour fils à Japet Atlas, Epiméthée, Ménœtius et Prométhée. Enfin l’origine de Japet paraissait tellement ancienne aux Grecs et aux Romains, qu’il n’était plus pour eux qu’un vieillard radoteur. En réalité que signifie-t-il ? Peut-être un premier homme, peut-être un Adam, peut-être même ce Japhet de la Genèse qui s’en fut pour peupler l’Europe.
Atlas, ce titan célèbre, toujours reconnu pour fils de Japet, est pourtant regardé comme fils de Jupiter, par une tradition. Entraîné dans la guerre du ciel par ce mouvement courageux qui nous empêche de reculer devant le danger, ou par la force du Destin, il s’arma contre Jupiter, dont le triomphe prochain lui avait cependant été révélé par Prométhée. Comme tous ceux de son parti, il fut vaincu, mais il n’eut pas leur sort : il fut métamorphosé en une immense montagne, et condamné à supporter éternellement la voûte céleste. A tort on place sa pétrification au retour de Persée, venant de combattre les Gorgones, ou bien il faudrait qu’il fût permis d’admettre qu’il n’était encore alors qu’à moitié pétrifié.
Nous retrouverons ce colossal titan, en parlant plus loin d’Hercule et de Persée ; quoi qu’il en soit, il peut être considéré comme une montagne primordiale, ou comme un souverain divinisé ; car, disent quelques historiens, c’était un prince de Numidie, de Mauritanie et d’Espagne, habile en astronomie. Chaque nuit il montait sur le sommet d’une montagne où était construit son observatoire, afin d’y suivre la marche des astres. Ce fut lui qui découvrit les Hyades et les Pleïades, et naturellement par la suite elles devinrent ses filles. Atlas fut donc un souverain, un puissant, qui probablement éprouva une défaite désastreuse, et enfin un savant. La fable lui donne de nombreux troupeaux et des jardins remplis d’arbres, dont les branches et les fruits étaient d’or ; ils étaient confiés à la garde d’un dragon. Atlas épousa Pleione ou Ethra ; il en eut un fils appelé Byas, et douze filles, savoir : Maia, Electre, Taygète, Astérope, Alcyone et Céléno, formant la constellation nommée les Pleïades, à cause du mois ou saison propre à la navigation qu’elles annoncent. Elles étaient appelées aussi Atlantides du nom de leur père, et Vergilies ou printanières. L'une d’elles, Mérope, épouse de Sisyphon, ou {p. 28}peut-être Electre, femme de Dardanus, disparut du ciel vers le temps de la guerre de Troie ; les cinq autres filles d’Atlas, formant les Hyades, étaient Phaole, Ambrosie, Eudora, Coronis et Polixo, auxquelles on ajoute Pradice, Thyène et Dioné, fille d’Hyas et de l’Océanide Ethra ; on donne encore aux Hyades les noms de Phœsile, Phœo, Cisséis, Nysa, Erato, Eriphie, Bromia et Polyhimno. On dit que leur frère Hyas étant mort à la chasse, par suite de la piqûre d’un serpent, elles en furent si affligées, qu’épuisées de larmes, elles furent changées en la constellation qui, dans le signe du taureau, préside à la pluie, parce que l’on croyait avoir observé autrefois qu’un brouillard pluvieux accompagnait toujours leur lever et leur coucher ; aussi les qualifiait-on en outre de pluvieuses et de tristes.
Atlas eut encore de son mariage avec Hespéris, fille d’Hespérus, son frère, trois filles désignées sous le nom de famille d’Hespérides, savoir : Eglée, Erythie et Aréthuse, auxquelles on ajoute une autre fille appelée Vesta ; quelquefois on les nomme aussi Hypéréthuse, Hespéra, Clète et Pleia. — On assure qu’Atlas vécut vers l’année 4600 avant J.-C., du moins si l’on en croit le comte Carli. Quant aux statues de ce fameux titan, elles ont toutes un même type et représentent un homme portant un globe sur ses épaules.
Passant maintenant aux autres Titans, nous trouverons Pallas, génie funeste, confondu ou peut-être ne faisant qu’un seul individu avec un géant du même nom, qui fut tué par Minerve, fin malheureuse attribuée également au titan Pallas, d’où l’on peut supposer qu’il ne resta pas continuellement plongé dans le Tartare comme son père et ses oncles. Du reste, époux de Styx, il en eut plusieurs enfans, tous Dieux purement allégoriques ; savoir : deux fils, Zélos ou le zèle, signifiant aussi l’enthousiasme, le courroux et la jalousie, et Cratos ou la force, ainsi que deux filles, Biâ ou la violence, et Nicé ou la victoire, qui les uns et les autres après avoir combattu quelque temps auprès de leur père, désertèrent la cause des Titans, portèrent secours à Jupiter, et firent, par leur coopération, tourner de son côté le succès de la bataille.
Astré succomba, comme tous les Titans, sous les coups de Jupiter, et fut, selon les uns, précipité dans le Tartare, ou, selon les autres, attaché au ciel comme astre. Aussi, quelques historiens en font-ils encore un prince astronome fort habile, élevé au ciel par les Dieux, grace à la vive douleur que lui inspiraient les crimes des hommes. Mythe symbolique facile à expliquer, en ne voyant, dans Astré, qu’une personnification de la masse de toutes les étoiles qui, en descendant sous l’horizon, ont pu le faire supposer plongé dans le Tartare, tandis, au contraire, qu’on a pu le croire fixé auprès des Dieux, lorsqu’on a vu ces étoiles s’élancer dans les airs, et décrire brillamment leur course autour de la voûte céleste.
Astré, uni à Eos ou Aurore, ou à Héribée, en eut une fille appelée également Astrée, attribuée aussi à son mariage avec Hemera ou le Jour. Aurore le rendit père, en outre, d’Hesper, des Astres et des trois vents Zéphire, Notos et Borée.
Persès, fils de Créius et d’Euribie, titan qui ne semble pas devoir différer de Persée, fils de Jupiter, que nous rencontrerons plus tard. Comme lui, c’est un Dieu-Soleil, dont les rayons furent éteints par la force de Jupiter. Il est facile, d’après l’explication précédente, à propos d’Astré, de concevoir qu’on le supposa jeté dans le {p. 29}Tartare, lorsque, passant l’horizon, il disparut. On sait déjà qu’il épousa Astérie et en eut Hécate, dont nous parlerons en faisant la revue des habitans du royaume de Pluton.
Quant au Titan Thaumas, ou personnification des merveilles contenues dans la mer, il ne présente rien de particulier. On a vu que de son alliance avec Electre, fille de l’Océan, il en avait eu Iris et les Harpyes, divinités qui se présenteront plus loin sous notre plume.
Phorcys, ou Phorcus frère de Thaumas, et tenant comme lui à la plaine liquide, est la personnification de l’immense lit des mers ; il offre l’ensemble des promontoires, des bancs de sable et des écueils. Sa défaite particulière ne présente rien de remarquable. Ils étaient l’un et l’autre fils de Pontus, et Phorcys, après avoir épousé Céto, sa sœur, eut pour enfans les Grées, les Gorgones, le Dragon des Hespérides, Scylla, Thoos, Bathylle et Chrysaor, que nous retrouverons plus tard.
Eurymédon, qui paraît comme Titan, semble devoir être celui que nous verrons combattre encore Jupiter dans une autre guerre, de compagnie avec des individus à force prodigieuse, appelés géants. En ne le considérant ici qu’en sa qualité de simple Titan, nous apprenons qu’il fut, avant Jupiter, l’amant heureux de Junon, encore vierge, et qu’il en eut pour fils Prométhée, qui, pourtant, ne se rangea pas auprès de lui dans ses guerres contre fils de Saturne.
Pour Phaton le titan, il n’offre aucune particularité, sinon d’avoir mis au jour, on ne sait avec qui, Érétriée, patrone de la ville d’Erètrie, en Béotie.
Si nous passons à Sycée, regardé à tort comme géant par quelques mythologues, nous le voyons, pour fuir les traits foudroyans, se plonger dans la terre qui lui ouvrait son sein, et se trouver immédiatement métamorphosé en figuier. Métamorphose tout allégorique, car les anciens considérant le figuier comme inaccessible à la foudre, l’avaient naturellement choisi pour désigner le Titan qu’ils supposaient n’avoir pu être atteint par cette arme divine.
Enfin, arrivant au dernier des rivaux de Jupiter, nous trouvons TyphŒ, monstre particulier, dont l’histoire fut à tort confondue avec celle des Titans. Sa révolte contre le fils de Saturne, est de beaucoup postérieure à la délivrance de celui-ci, puisque, lors de cette révolte de TyphŒ, l’Olympe était formé ; et tous les Dieux étaient déjà classés suivant leur degré et leur qualité de puissance. Nous ne nous y arrêterons donc pas pour l’instant, et nous expliquerons seulement ce qui tient à quelques autres personnages alliés au parti de Jupiter.
Le premier de ces personnages que nous rencontrons est une femme ; c’est la Titanide Thémis, qui fut la déesse de la justice. Son alliance avec Jupiter lui fit mettre au monde les Heures, que nous avons vues déjà filles du Temps et les Parques, ou suivant d’autres, une fille du nom d’Astrée en place des Heures. Le bon droit paraissant avoir appartenu au fils de Saturne, ne nous étonnons pas de voir Thémis se ranger sous ses drapeaux ; car, considérée comme la Terre-Loi des Grecs, comme le piédestal des faits et des lois, elle est la personnification femelle de la sagesse et de la science ; et toujours on l’a représentée sous la figure d’une femme, tenant une épée nue d’une main et une balance de l’autre.
Quant à Astrée qu’on lui donne pour {p. 30}fille, quoique déjà attribuée à l’alliance du Titan Astré avec Héméra, elle ne voulut point prendre part à la guerre de ses oncles ; et pendant ce démêlé, elle descendit des cieux sur la terre, et resta auprès des hommes pendant tout le siècle d’argent ; alors elle les abandonna et le siècle d’airain commença. Elle présidait aussi à la justice, de même que Thémis et Dicé ; mais entre ces trois divinités, chargées pour ainsi dire de fonctions pareilles, voici la différence : Thémis est la haute et majestueuse justice prise dans le sens pur de la règle et de la loi ; Astrée est la justice paternelle, celle qui, chez nous par exemple, semblerait devoir présider aux décisions des juges-de-paix et des juges consulaires ; enfin, Dicé est la justice terrible, la vengeance par le talion. Aussi, cette dernière justice, fille allégorique des temps barbares et sans lois, était représentée sous les traits d’une belle femme, étranglant une femme hideuse et la frappant à coups de bâton.
On donnait encore pour filles à Thémis Irène ou la Paix, qui n’est autre chose que la Concorde, en l’honneur de laquelle on célébrait à Rome les fêtes appelées Charitès, durant lesquelles on s’envoyait des présens comme aux saturnales, et on la priait de maintenir l’union des familles. Quant à la Paix qui, chez les Athéniens, tenait Plutus, dieu des richesses, sur ses genoux, elle était représentée à Rome avec une branche d’olivier dans une main et une corne d’abondance dans l’autre, ou quelquefois avec un caducée, un flambeau renversé et des épis de blé ; c’était dans son temple que les savans se rassemblaient et déposaient leur ouvrages.
Thémis eut aussi de Jupiter la Force et la Tempérance ; cependant on attribue plus généralement la naissance de la Force à Styx.
Après Thémis, Astrée et Dicé, les dépositaires de la justice, parlons de ces Hécatonchires ou Centimanes, monstres effroyablement contrefaits, ayant chacun cinquante têtes et cent mains ; leur père, épouvanté à leur naissance de l’immensité de leur force, les jeta, enchaînés, ainsi que les Cyclopes, au fond du Tartare, sous la garde de Campée, monstre femelle, née de la Terre et probablement d’Uranus, et dont le nom grec signifiait chenille. A l’instant où Jupiter voulut retirer les Hécatonchires et les Cyclopes des enfers, Campée s’y opposa, et fut tuée par le petit fils de celui qui lui en avait donné la garde. Selon d’autres, elle périt beaucoup plus tard sous les coups d’un dieu appelé Bacchus, courroucé de lui voir ravager les vignobles de Zaberne, en Libye. Cette dernière version harmonisant les goûts de ce monstre avec les formes de l’insecte qui porte son nom, semble en avoir fait un être allégorique.
Quoi qu’il en soit, ayant cédé sous le pouvoir de Jupiter, elle laissa sortir de l’enfer Briaré ou Egéon, avec Gygès et Cottus ses frères. Une fois la bataille terminée, le vainqueur confia la garde des vaincus à ces mêmes Centimanes. Cependant, par suite d’un mariage qu’Egéon fit avec Cymodocée, fille de Neptune, il paraît que cet Egéon, au moins, avait pris l’empire des eaux pour son séjour habituel. En effet, un jour Neptune, Junon et un autre dieu portant le nom d’Apollon, fatigués du despotisme de Jupiter, ayant comploté contre lui, allaient le charger de chaînes, lorsqu’une nymphe, appelée Thétis, voulant le secourir, plonge, non pas vers le Tartare, mais au fond de l’onde, et va promptement chercher, dans cet {p. 31}empire humide, Egéon qui vient avec ses frères. Aussitôt ils se placent auprès du Dieu menacé, et intimident, par leur présence, les conspirateurs qui n’osent plus porter la main sur le protégé des Centimanes. Depuis ce jour, assis à ses côtés, ils l’accompagnèrent partout ainsi que la foudre, dont il avait éprouvé le pouvoir redoutable. Un seul d’entre eux ne mérita pas toujours, dit-on, cet honneur ; ce fut Gygès. On assure qu’il s’oublia une fois jusqu’à vouloir se révolter contre son maître, qui, pour le punir, l’emprisonna, au moins momentanément, dans le Tartare.
Rien de curieux ne se rattache plus à ces monstres que nous ferions suivre des Cyclopes, si, plus tard, nous ne devions pas les retrouver en parlant de Vulcain.
Après ce combat contre les Titans, Jupiter resta maître de l’empire du monde. Cependant, en fils dévoué, il en abandonna pourtant encore les rênes du gouvernement à son père Saturne, qu’il replaça sur son trône. Malheureusement ce vieillard, d’un caractère jaloux et soupçonneux, suspectant bientôt les intentions de son fils, lui tendit des embûches, et chercha au moins à le charger de fers, ne pouvant le faire mourir vu sa qualité d’immortel. Jupiter ne tarda pas à découvrir cette trame perfide ; alors il ne connut plus les liens qui l’unissaient à son père. Aussitôt, profitant des armes qu’il a dans les mains, il le frappe, le soumet, puis le mutile avec cette même harpé dont lui, Saturne, s’était servi pour mutiler Uranus, et il fait descendre au ban de l’empire des cieux, ce vieillard impuissant.
Pendant les jours de repos qui suivirent la guerre des Titans, la peuplade de l’empyrée s’augmenta considérablement. Junon, sœur et femme de Jupiter, en eut Vulcain, leur fils unique, qu’ils firent Dieu du feu ; elle lui donna pour sœur, la belle Hébé. Une autre fois, le maître des dieux ayant avalé Métis ou la méditation, la pensée, la conception, eut bientôt des maux de tête horribles, tant son cerveau se trouvait gonflé, alors, pour se guérir, il ordonne à Vulcain, son fils, selon la plupart, ou à Prométhée, selon d’autres, de lui ouvrir la tête ; ce qui n’était pas un grand danger puisqu’il était immortel. L'ordre est exécuté : un coup de marteau bien acéré sur le crâne l’ouvre en deux, et aussitôt on en voit sortir, armée de pied en cap, la brillante Minerve, qui sera la déesse de la sagesse, de l’intelligence et du courage dans le sens le plus étendu. Junon, d’un naturel des plus jaloux, en voyant cet enfantement sans y avoir été pour quelque chose, se pique d’honneur, touche une fleur, et fait naître tout a coup, également armé jusqu’aux dents, Mars, le redoutable dieu de la guerre, qui doit présider à la destruction. Bientôt Jupiter délaissa un peu son auguste épouse ; puis il donna naissance à Mercure avec Maïa, fille d’Atlas ; à Apollon et Diane, avec Latone, fille de Cœos ; à Egipan, fille d’Ega, femme de Pan ; à Hercule, avec Alcmène, femme d’Amphitrion, et à plusieurs autres enfans que nous trouverons plus loin.
formation de l’olympe. — Libre ainsi de tout embarras, Jupiter prit pour lui seul le sceptre de l’univers ; se réserva, pour résidence spéciale, l’Empyrée ou Ether, dans lequel il plaça l’Olympe, ou séjour habituel de son conseil divin ; et comme on supposait en Grèce que cet aréopage sacré se réunissait dans le ciel, au-dessus d’une montagne fort élevée de la Thessalie, on appela en conséquence le séjour des dieux Olympe ou Ciel, qui, peut-être dans l’origine, n’était qu’une des {p. 32}citadelles construites par Jupiter pour se défendre contre les Titans. Cet olympe thessalien se nomme Lacha aujourd’hui. Après avoir ainsi organisé sa demeure, Jupiter accorda l’empire des eaux à Neptune, et celui des enfers à Pluton.
Alors, assis sur son trône, soutenu par Aidos ou la Pudeur, Dicé ou la Justice, au milieu des nombreux courtisans qui, probablement, sollicitaient un poste auprès de son auguste personne, il forma le personnel de cet Olympe, plus habituellement considéré comme assemblée des Dieux que comme simple localité de leur séjour.
D'abord il laissa même au-dessus de lui le Destin ou Eimarmenê des Grecs, et le fatum des Latins, puissance souveraine à laquelle les dieux même furent soumis ; il fut convenu que ses décrets seraient écrits dans un livre placé sur un autel de fer, que personne ne pourrait ni les changer ni en éviter l’effet, mais que les dieux auraient la faculté d’y puiser la connaissance de l’avenir, trop au-dessus de l’intelligence humaine. Le Destin n’eut point de culte particulier, aussi l’on respectait sa statue sans l’adorer. Cette statue représentait une figure aveugle formant une roue attachée par une chaîne ; au sommet de la roue on voyait une grosse pierre, et vers le bas, deux cornes d’abondance avec deux pointes de javelot. Jupiter lui laissa les Parques pour ministres inflexibles, et lui donna pour compagne Eviterne ou l’Eternité. Il s’entoura, pour son conseil privé, de douze dieux consentes, ou fulmigateurs, ou délibérans, qui, peut-être, étaient les mêmes que les Divipotes ou Dieux-Puissans, savoir : six dieux et six déesses. On leur donnait les noms grecs suivans, à la suite desquels nous placerons la traduction romaine francisée ; ces noms étaient : Zevs ou Jupiter, Arès ou Mars, Hermès ou Mercure, Posidon ou Neptune, Hépheste ou Vulcain et Apollon ou le Soleil ; Héra ou Junon, Hesta ou Vesta, Damater ou Cérès, Aphrodite ou Vénus et Arthémis ou Diane. Ensuite il plaça au second rang les Grands-Dieux ou Selecti, c’est-à-dire les Dieux d’élite, qui n’avaient pas le droit de prendre part aux délibérations ; ils s’appelaient : Pluton, Bacchus, Cupidon ou l’Amour, Saturne, le Destin ou la Fortune, Cybèle, Proserpine et Amphitrite ; ce qui faisait en totalité vingt Dieux supérieurs. Peut-être était-ce parmi ces Dieux. Puissans et ces Grands-Dieux qu’on rencontrait les involuti Dii ou Dieux enveloppés de la Grèce primitive et même de tout l’Orient. L'art, encore incapable de détacher les bras et les jambes des statues, les laissa serrés contre le corps. Il en résulta des monumens historiques qui nous ont appris que l’art, à sa naissance, supposa l’Être divin aussi dans les langes. La Diane d’Éphèse est le type de ces figures si communes en Égypte, et dont on aperçoit une forme adoucie dans les Dieux liés, représentant Junon, Héraclès et Diane. Enfin, on voit encore groupés, comme tout à coup, autour de l’aréopage divin, une foule d’autres Dieux, parmi lesquels on remarquait les Médionimes ou Dieux Æriens, mitoyens ou Demi-Dieux. Cette masse sacrée était composée d’enfans des précédens ; beaucoup même d’entre eux étaient issus de Jupiter, et n’auraient pu lui avoir dû le jour, s’il n’eût eu à cette époque que la force d’un enfant d’un an ; mais souvenons-nous qu’il était censé Dieu suprême, et par conséquent capable de tout ; puis il est probable qu’il se passa de longues années pendant la lutte des Titans. Cet âge si enfantin du maître des Dieux n’est donc qu’une grande époque {p. 33}allégorique à laquelle on ne doit pas attacher plus d’importance qu’elle ne mérite ; il en est de même de la généalogie de ces diverses divinités : la volonté seule du Dieu souverain les a fait surgir autour de lui, prenons-les donc comme ils viennent, lors même qu’en arrivant, ils troublent la filiation de nos idées chronologiques.
Cependant puisque l’habitude a formé diverses classes de ces Dieux, nous allons en présenter le tableau ; ces classes sont au nombre de cinq.
La première renferme cinq espèces différentes de Dieux, savoir les Grands Dieux, les Dieux subalternes, les Dieux naturels, les Demi-Dieux et les Dieux allégoriques.
Nous connaissons les douze Grands Dieux ou Du Majores, ou Dieux Olympiens. C'étaient Jupiter, Neptune, Mars, Mercure, Vulcain, Apollon, Vesta, Junon, Cérès, Diane, Vénus et Minerve. Ils présidaient aux douze mois de l’année, et à Rome on célébrait en leur honneur des fêtes appelées Consenties.
Puis vinrent les huit grands Dieux auxiliaires appelés Patrices ou Dieux choisis, et nommés Uranus, Saturne, Genius, Bacchus, Pluton, la Terre, le Soleil et la Lune, auxquels on joignit et l’on donna pour remplaçans Janus, Cybèle, Proserpine et l’Amour. Ensuite on connaissait les Dieux subalternes ou Dii minores, tels que Pan, Pomone, Flore et autres Dieux champêtres.
Après eux on rangeait les Dieux naturels qui étaient le Soleil, la Lune, les Étoiles et les autres êtres naturels.
On avait placé au nombre des demi-Dieux ou Semones, ou Divi, les hommes que l’on croyait avoir mérité la déification, soit à cause de leur père ou de leur mère, soit à cause de leurs propres actions ; ainsi Esculape, Castor et Pollux, Hercule et autres.
Enfin les Dieux allégoriques n’étaient que des positions sociales, des vertus ou des vices divinisés, par exemple, l’Envie, la Pauvreté, la Pudeur.
La seconde classe des Dieux possédait les Dieux supérieurs ou du Ciel, Dii superi, tels que Uranus, Saturne, Jupiter, Mars, Vulcain, Mercure, Apollon, Junon, Minerve, Diane, etc. ; les Dieux de la Terre, Cybèle, Vesta, Pan, les Faunes, les Nymphes, les Muses, etc. ; les Dieux de la mer, l’Océan, Thétys, Neptune, Amphitrite, Nérée, Doris, les Néréides, les Tritons, les Nayades, les Sirènes, Éole et les Vents ; les Dieux de l’Enfer, ou Dii inferi, Pluton, Proserpine, Eaque, Minos, Rhadamante, les Parques, les Furies, les Manes et Charon.
La troisième classe comprenait les Dieux publics dont le culte était ordonné par les lois, et les Dieux indigètes ou particuliers, que chacun adorait à sa volonté, comme les Manes, les Lares, les Pénates.
La quatrième classe était composée des Dieux nuptiaux, domestiques et tutélaires.
La cinquième classe renfermait les Dieux connus et les Dieux inconnus, ou dont l’histoire était ignorée, mais que l’on voulait pourtant honorer d’autels ou de sacrifices.
Les Dieux dans cet Olympe organisé par Jupiter étaient censés manger et boire comme les hommes ; seulement ils avaient pour nourriture l’ambrosie, mets céleste, d’un goût délicieux et parfumé, donnant l’immortalité à ceux qui la goûtaient, guérissant les blessures et préservant de la corruption ; et pour boisson le nectar, breuvage exquis qui, si l’on en croit Homère, devait être d’une couleur rouge. {p. 34}Enfin pour caractériser les Dieux, on supposait toujours leur tête brillante d’un nimbe ou auréole, cercle lumineux pareil à celui dont la tête de nos saints est entourée.
L'ordre ainsi établi dans l’Olympe, l’âge d’airain commença pour les mortels, et Jupiter crut pouvoir jouir en paix de sa haute puissance ; mais, à l’instant de sa plus grande gloire, une guerre aussi sérieuse que celle des Titans, habilement soulevée par Saturne, vint le troubler dans son repos et lui donner de vives inquiétudes sur le sort futur de sa couronne.
Cette guerre fut celle des Géans, colosses à figure humaine, dont les forces pouvaient remuer les rochers et les montagnes. Nés de la Terre fécondée du sang qui coula de la plaie d’Uranus mutilé, ils avaient des formes colossales, des pieds de serpens, d’où leur venait le surnom d’anguipèdes, des bras nombreux, mais beaucoup moins multipliés que ceux des Centimanes, avec lesquels il ne faut pas les confondre. Si, dans la Titanomachie, les Titans attaquèrent Chrone, délivré par son fils, les géans, dans cette seconde guerre, appelée la Gigantomachie, attaquèrent Jupiter, qui ne dut sa délivrance qu’au secours apporté par un simple mortel nommé Hercule.
L'étendard de la révolte étant levé, les armées se mirent, pour ainsi dire, en bataille. Jupiter se reposa sur sa troupe olympique, et les Géans comptèrent dans leurs rangs : Absée, Alcyonée, Agrios ou Agrius, Alémon, Almops, Anonyme, Astérius ou Anax, Athos, Cébrione, Clytius, Colophôme, Corydon, Crès, Damastor, Damyse, Dicane, Diophore, Echion, Egius, Encelade, Eurymédon, Euryte, Gration, Hippolyte, Hyllus, Ménéphiras, Mérops, Mimas, Ophion, Orion, Oromédon, Orus, Pallas, Pélore, Phéomis, Polybote, Porphyrion, Purpuréus, Pyripnoüs, Rhœcus, Théodamas, Titye, Thaon, Thurios, Typhée et Typhon.
D'autres Géans sont encore connus ; mais rien ne prouve qu’ils prirent part à la Cigantomachie. Ce sont : Albion ou Bergion, les Alloïdes, Antée, Antiphate, Aschus, Cercyon, Cacus, Castalius, Crios, Itymonée, Periphète et Télégone.
A l’aspect du véritable danger qui le menaçait, Jupiter appelle à son secours tous les Dieux et toutes les Déesses. A sa voix on les vit arriver ; mais Styx, fille de l’Océan, accourut la première, suivie de ses enfans la Valeur, la Force, l’Emulation et la Victoire.
La bataille commencée, les Géans entassèrent les monts sur les monts, les rochers sur les rochers, pour se former une échelle qui leur permît de monter jusqu’aux cieux. Ainsi, le mont Athos, l’Ossa, le Pélion et quantité d’autres montagnes aussi considérables, furent arrachés et posés les uns sur les autres. Bientôt ils furent assez élevés pour en venir aux mains avec les Dieux. Alors le combat devint des plus acharnés ; tout succomba sous les masses qu’ils lançaient. Effrayés du danger qu’ils couraient, presque tous les habitans de l’Olympe prirent honteusement la fuite, et se réfugièrent en Égypte. Trois ou quatre Dieux ou Déesses seulement restèrent et résistaient à peine, lorsqu’à la prière de Jupiter, se soumettant au conseil de Minerve, un simple mortel vint au secours des divinités aux abois. Cela pressait d’autant, qu’un ancien oracle avait annoncé que les Géans seraient invincibles, à moins que les Dieux n’appelassent un mortel à leur secours. Alors Jupiter défendit à l’Aurore, à la Lune et au Soleil {p. 35}de paraître, de peur de découvrir ses desseins à la Terre, mère des Géans, qui cherchait à les secourir ; puis il fit arriver Hercule, son fils, simple mortel, que nous verrons plus tard se distinguer par quantité de hauts faits, plus remarquables les uns que les autres. A peine est-il en présence des Géans, qu’il attaque l’épouvantable Thurios, et l’abat d’un coup de massue ; écrase Euryte, perce de ses flèches en même temps que Jupiter frappe de sa foudre Porphyrion, qui, s’oubliant auprès de Junon, cherchait à lui faire violence. A la vue de ces exploits, le petit nombre des Dieux restés auprès de Jupiter reprend courage, imite ce héros, que la crainte de la mort n’arrête pas, et, se souvenant du vieil oracle, ils redoublent d’efforts. Vulcain fait rougir une massue de fer, et tue Clytius ; Cybèle, change en rocher Diophore, qui, méconnaissant sa mère, avait osé la défier au combat ; Minerve, après avoir percé Pallas de sa lance, après en avoir arraché la peau pour en couvrir son bouclier, finit par prendre son nom et le pétrifie ainsi qu’Echion, en leur montrant une tête hideuse, qu’on appelait tête de Méduse ; puis elle enlève Alcyonée au-delà du cercle de la lune où il expire privé du secours de la terre, et fait rouler son char sur Encelade, qui veut alors fuir, mais qu’elle arrête en jetant la Sicile au-devant de ses pas, et qu’elle écrase sous l’Etna. Jupiter semble lui avoir aidé à faire tomber cette masse sur le géant. Déjà il l’avait affaibli en le stupéfiant par des coups de tonnerre répétés, et à plusieurs fois lancés contre lui. D'un autre côté, Mercure armé du casque de Pluton, réduit Hippolyte ; Oromédon se trouve écrasé sous le poids de l’île de Cos, de même que Polybote sous l’île de Nisyre, que lui lança Neptune à l’instant où il fuyait à travers la mer Égée, dont les flots, dit-on, ne lui allaient pas à la ceinture ; Agrius et Thaon sont tués par les Parques, qui les assomment de leur massue de fer. Vénus également se distingue, en faisant succomber Cébrione. Cependant les Géans ne cèdent pas encore aux immortels ; ils semblent redoubler de force en diminuant de nombre. Ainsi, Damastor n’ayant plus d’arme à lancer contre les Dieux, soulève Pallas, que Minerve venait de pétrifier, et le jette à la tête de ses antagonistes. Mais ses efforts sont inutiles. Jupiter s’arme de nouvelles foudres, les essaye contre Mimas, qu’il foudroie, et s’en sert ensuite avec succès contre tous les autres Géans, qu’il frappe sans interruption, et les précipite l’un après l’autre dans le Tartare, qui les engloutit, y compris Absée et Théodamas, fils et père de ce même Tartare. Ils furent donc tous plongés dans les profondeurs de cet abyme.
Cette guerre ne paraît qu’une allégorie présentant le bien attaqué et momentanément battu par le mal, sur lequel le bien finit toujours par reprendre le dessus ; c’est l’image de la race quasi-humaine, anté-diluvienne, cruelle, impie, insolente, qu’il a fallu noyer, foudroyer, détruire, et qui fut remplacée par la race humaine actuelle, plus douce, plus docile aux Dieux, et figurée dans la gigantomachie par Hercule.
Peu de choses nous reste à dire sur la race des Géans ; seulement nous ferons observer que ceux dont la présence ou la mort ne furent point constatées dans ce combat, ne sont cependant pas les moins remarquables. Ainsi nous verrons Albion ou Bergion s’opposer au passage d’Hercule, dans un voyage qu’il fit dans les Gaules ; Alcyonée combattre contre ce même Hercule ; {p. 36}Anonyme et Pyripnoüs, être tués par ce héros, ainsi que le colossal Antée, et Cacus le terrible brigand. Nous verrons Antiphate manger toute une armée de héros ; Ascus, faire une guerre sérieuse à Bacchus ; Damyse, être encore utile après sa mort ; Gration, s’exposer à la colère de Diane ; Itymonée, commander un parti redoutable contre une troupe de valeureux guerriers appelés les Argonautes ; Périphète et Cercyon, succomber sous les coups de Thésée, roi aussi brave que le fameux Hercule, et Télégone, soutenir Tmole, son ami, dans tous ses dangers. Quant à Saturne, craignant le courroux de Jupiter à la fin de cette guerre, dans laquelle pourtant il n’avait pas pris part ouvertement, il se réfugia sur les monts Colchoarméniens. Le berger Caucase, de la race scythe, s’étant offert à lui, dans sa frayeur il le poursuivit et le tua sur le mont Niphate, auquel Jupiter donna depuis le nom du berger. Enfin, nous ne dirons rien de Castalius et d’Anax ; ils ne sont pas assez connus pour que nous en fassions le sujet de la moindre observation.
La famille des Géans fut peu nombreuse. En effet, on connaît une sœur à Cacus, portant le nom de Caca ; et, parmi les enfans de cette race gigantesque, l’histoire a conservé les noms de Thyas, fille de Castalius ; d’Asterius, fils d’Anax ; d’Alope, fille de Cercyon, et de cinq filles d’Alcyonée, appelées : Alcipe, Anthé, Astérie, Drimo et Méthone.
Nous n’avons point parlé, en citant les Géans, d’un monstre, fils de la Terre, auquel on attribue sa naissance. Il s’appelait Égiéis, lançait le feu par la bouche, et ravageait tout l’Orient. Minerve à la fin, d’après un ordre de Jupiter, le tua, l’écorcha, et de sa peau couvrit son bouclier : d’où le nom d’Égide fut depuis donné à cette arme défensive. Déjà, comme on le voit, cette égide a été le résultat de la peau de trois individus, savoir : de celle de la chèvre, ou de la nymphe-chèvre Amalthée ; de celle du géant Pallas ; puis de celle d’Égiéis. Ce monstre est tout symbolique, et représente la personnification du monde primitif en fusion ; c’est la personnalisation de cette masse, à peine sortie du chaos, simple pâte bouillonnante et encore tout en feu.
Après la guerre des Géans, Jupiter en soutint une autre, qui le mit bien plus en danger : ce fut celle contre TyphŒ, que l’on mêle souvent avec les Titans, et que l’on fait combattre, à tort, avec les Géans. Considéré par les uns comme enfant de la Terre et de l’Érèbe, c’est à Junon, selon d’autres, qu’il dut sa naissance, quoique vulgairement on ne reconnaisse que Mars pour fils de cette déesse. Les détails de la naissance de Typhoé sont curieux par leur bizarrerie, et méritent de prendre place ici. Cette belle et fière Junon, épouse de Jupiter, ayant éprouvé un accès assez vif de jalousie, en ayant vu son auguste mari faire sortir de son cerveau la brillante Minerve, armée de pied en cap, fut conter ses douleurs à son père et beau-père Saturne, et lui demanda vengeance. Celui-ci, enchanté de l’occasion, lui remit deux œufs, et lui dit qu’en les déposant soigneusement sur la terre, il en naîtra bientôt un être assez formidable pour expulser Jupiter du trône céleste. L'irascible épouse remercie son père, et exécute ponctuellement ses ordres. Mais elle oubliait alors que sur le traversin des Dieux de l’Olympe, ainsi que sur celui des hommes, la vengeance, presque toujours, disparaissait devant l’amour. Étant donc retournée auprès de Jupiter, elle se {p. 37}réconcilie avec lui, se repent de son imprudence, et lui en fait confidence. Malheureusement on ne pouvait plus empêcher la naissance du monstre ; il venait de paraître au jour dans la Cilicie, et de s’établir dans une caverne immense appelée Typhonium. C'était une réunion des formes de l’homme à celles des bêtes sauvages les plus ignobles ; cent têtes de serpens se dressaient sur son corps gigantesque, qui dépassait, dit-on, les pics les plus élevés, elles lançaient au loin des torrens de feu et de flamme ; ses mains, toujours agitées, touchaient l’extrémité des deux horizons, et leurs doigts étaient terminés par cent têtes de serpens. De ses cuisses sortaient également une quantité innombrable de ces reptiles, qui formaient autour de lui des replis multipliés et l’enveloppaient de toutes parts. Le reste de son corps était couvert de plumes ; sa voix épouvantable portait la terreur à cent lieues à la ronde, et faisait entendre, ou les sifflemens les plus aigus, ou les mugissemens du taureau, ou les hurlemens du chien, ou bien enfin les rugissemens du lion en colère.
Sa croissance ne fut pas de longue durée. A peine Jupiter eut-il le temps de préparer ses armes. Presque aussitôt sa naissance, il attaque l’Olympe, l’abyme sous une pluie ascendante de pierres énormes, que lancent ses nombreuses mains. Bientôt il escalade le Ciel, et force à s’enfuir encore les Dieux, qui se réfugient à l’envi l’un de l’autre, en Égypte, sous la forme d’un chat, d’un chien ou de tout animal quelconque. Ainsi l’on vit se sauver Apollon en corbeau, Junon en vache, Bachus en bouc, Mercure en cigogne, Diane en chatte, Vénus en poisson, attributs vivans d’Osiris, d’Isis et de leurs enfans, comme nous le verrons en parlant de la religion égyptienne. Mars seul ne voulut pas prendre part à ce déguisement ; pourtant le danger était tellement pressant, que Vénus sa mère, pour qui TyphŒ s’était épris tout-à-coup d’une belle passion, n’arriva sur les bords de l’Euphrate qu’à l’instant où le monstre allait la saisir, et ne lui échappa qu’en se laissant porter de l’autre côté du fleuve, elle et l’amour, par deux poissons qu’ils trouvèrent sur la rive. Jupiter resta donc seul à lutter contre le monstre, sur lequel il lança inutilement sa foudre fatiguée. Alors il change d’arme, et, reprenant la vieille hasté de Saturne, il lui met une lame de diamant, et avec cette faulx redoutable, il poursuit son antagoniste épouvanté, jusque sur le mont Casius, en Syrie. Mais tout-à-coup le monstre se retourne, arrive d’un bond aux pieds du maître des Dieux, l’embarrasse de ses plis mille fois contournés, le fait tomber, s’empare aussitôt de sa terrible faulx, et s’en sert lui-même pour couper en morceaux le pauvre Jupiter, dont il renferme les nerfs des pieds et des mains à part dans une peau d’ours ; puis il emporte le tout ainsi haché, au fond de son antre, et le confie à la garde d’un autre monstre appelé Delphyne, à tête de femme et à corps de dragon.
Après cette défaite, deux enfans de Jupiter, Mercure et Egipan ou Cadmus, suivant d’autres, après avoir vu disparaître leur père, se mirent à sa recherche, parvinrent à tromper la surveillance de Delphyne, s’introduisirent dans une caverne de la Cilicie, et y découvrirent les nerfs et les chairs du Dieu, qui, tout immortel qu’il était, ne pouvait plus remuer. Une fois cette trouvaille faite, ils replacent les muscles, les vertèbres, et toutes les parties nerveuses dans les chairs ; opération assez difficile : car celles-ci avaient été si bien hachées par la faulx, que ce corps n’était {p. 38}plus qu’un composé de tranches de même grosseur, coupées parallèlement, et tellement fines, que chacune n’avait pas un millionième de milligramme d’épaisseur, et cela sans qu’une de ces tranches eût été déplacée, ce qui avait laissé à cette masse inanimée l’apparence d’un être vivant. Tout étant rajusté, ils ressoudent ensemble ces débris, leur rendent le mouvement au moyen d’une étincelle vitale, et placent le Dieu sur un char attelé de deux chevaux ailés. Alors Jupiter s’élance de nouveau après Typhoé, le poursuit à coups de tonnerre, jusqu’au mont Nysa, où, trompé par les Parques, ce monstre dont les forces diminuaient, est encore affaibli en mangeant les éphémères, ou fruits particuliers, qu’elles lui présentent sous prétexte de ranimer sa vigueur.
Malgré cet affaiblissement, il continue pourtant à lancer, en fuyant, des rocs et des montagnes entières à Jupiter, qui ne cesse de son côté de le foudroyer jusqu’au pied du mont Hémus ; là, commençant à perdre du sang, Typhoé veut fuir à travers la mer de Sicile ; déjà il touchait le sol de cette île, lorsque le roi des Dieux l’écrase sous le mont Pithécune, ou, d’après la version la plus suivie, sous le mont Etna. Sa force gigantesque ne put le sauver ; en vain chercha-t-il à se relever. Il fut pour toujours englouti sous cette masse, quoique plusieurs mythologues le fassent succomber sous les coups de la foudre, ou sous les traits d’Apollon, ou même sous les coups de tous les Dieux réunis, et le plongent ensuite au fond du Tartare. Cette tombe immense, dont les caractères des volcans semblent autant de bouches monstrueuses vomissant journellement les flammes qui sont censées s’échapper encore de l’estomac de cet anguipède écrasé, a beaucoup été agrandie par les poètes. Pindare place le corps de ce monstre sous l’Etna, sa poitrine sous les eaux de la mer et des îles Vulcaniennes, et sa tête sous la plaine des environs du Vésuve. D'après Ovide, c’est la tête qui se trouve sous l’Etna, tandis que le cap Pélore maintient le bras droit, le Pachyne le bras gauche, et le Lilybée ses deux jambes.
Ce monstre, personnification sensible des volcans, et que l’on confond le plus souvent, et à tort, avec le Typhon égyptien, principe du mal, passait comme lui pour amant ou mari d’Echidna, autre monstre anguipède à tête et à torse de femme, fille de Chrysaor et de Callirhoé ; elle dévorait tous les passans, et commit les plus grands ravages, jusqu’à l’instant où les Dieux, justement irrités, l’enfermèrent dans un antre de la Cilicie, autrement anciennement appelée Syrie : quelques auteurs pourtant placent sa prison en Campanie.
Cette Echidna, véritable personnification des monstruosités physiques, enfanta de son commerce avec Typhoé ou Typhon tous les désordres et les désastres connus sous divers noms allégoriques ; ainsi elle eut pour enfans : Le chien à trois têtes, Cerbère, gardien des enfers ; Orthe, également chien, mais à deux têtes seulement ; Orcus, l’Hydre de Lerne, la Chimère, le Sphinx, le Lion de Némée, le monstre Scylla, le Dragon des Hespérides, celui de Colchos, le vautour de Prométhée, les vents orageux et funestes appelés Notus et Borée, et même Zéphyre. Cependant nous avons déjà vu Scylla et le Dragon passer pour enfans de Phorcys et de Céto.
Peut-être la chronologie olympique se refuse-t-elle à placer après celle des Géans, la guerre des Aloïdes contre le Ciel ; cependant nous allons en dire quelques mots, pour en finir avec ces efforts symboliques du mal contre le bien.
{p. 39}Aloé était un assez brave homme, quoique issu des Titans et de la Terre ; il avait épousé Iphimédie, fille de Triops ou Triopas, souverain de Thessalie assez inconnu, et passant pour fils de Neptune. Malgré cette parenté, la chronique scandaleuse de l’époque rapporte traditionnellement qu’Iphimédie, en allant chaque jour se baigner dans la mer, et en faisant couler sur son sein les flots salés, devint amoureuse de son grand-père Neptune, et en eut deux fils : Otus ou le hibou, et Éphialte ou le cauchemar, enfans que le bon Aloé eut la complaisance d’élever comme les siens. Leur caractère ne tint en rien de la douceur de celui de leur père putatif. Il fut en harmonie avec leur taille gigantesque, d’où leur vient le nom d’Aloïdes. Cette taille avait été le résultat de la volonté de Neptune, qui, pour donner à leur origine une teinte plus étonnante, leur prédit que chaque année, ils grandiraient de vingt-sept coudées de hauteur, ou suivant d’autres, d’un doigt par mois. Cette prédiction ayant en partie été réalisée, ils avaient, à neuf ans, atteint une hauteur de vingt-sept coudées ou de vingt-sept aunes d’après quelques-uns, ou même de huit cents aunes, d’après Diodore, qui leur donnait en outre une grosseur de vingt-sept coudées.
S'ils n’avaient bâti que la ville d’Ascra en Béotie, dans laquelle ils établirent le culte des Muses, nous n’aurions point encore à parler d’eux ; mais on pense facilement qu’avec des formes gigantesques et un caractère facilement irritable, ils durent commettre de grands crimes. En effet, à peine sortis des bras de leur nourrice, qu’ils aspirent à la possession des déesses : Éphialte veut avoir Junon, et son frère a des prétentions sur Diane. A ces demandes, Jupiter ne répondant que par un refus, aussitôt ils lui déclarent la guerre ; transportent aussi l’Ossa sur le mont Olympe, le Pélion sur l’Ossa, et ne tardent pas à arriver jusqu’au Ciel. Alors le plus brave de la troupe éthérée, Mars, que l’on apprendra plus tard à connaître pour dieu de la guerre, s’élance contre ces audacieux ; mais il ne peut résister : ils le saisissent et l’enchaînent ; puis le jettent en prison dans un château d’airain, où il resta près de treize mois, jusqu’à ce que Mercure soit venu l’en tirer, par un stratagème dont le secret n’a point été dévoilé. Dès la délivrance de Mars, les Aloïdes perdirent chaque jour de leur influence. Apollon les tua avant même que la barbe se fût montrée sur leurs figures. D'autres veulent qu’ils aient été frappés par Apollon et Diane sa sœur ; une troisième version dit que Diane s’étant métamorphosée en biche de sa propre volonté, ou, d’après quelques-uns, à la demande d’Apollon, elle se précipita entre les deux frères, qui, ayant voulu la percer de flèches à l’instant qu’elle fuyait, les dards revinrent sur eux-mêmes, et blessèrent mortellement les terribles chasseurs, dont la révolte fut punie par un séjour éternel au fond des Enfers.
On les représente dans le Tartare, tous deux liés à une énorme colonne, continuellement menacés des cris funestes d’un duc à envergure immense ; ils ont en outre le cœur dévoré par un énorme vautour.
Quant au sens allégorique de ce mythe, il est obscur dans ce qui se rapporte aux Muses ; mais tout le reste représente assez bien dans ces fils de Neptune, les fléaux destructeurs dont les côtes sont victimes et qui font la guerre aux espérances des agriculteurs ; d’autres écrivains pensent que l’histoire des Aloïdes est celle de deux brigands, vivant 1400 ans avant {p. 40}J.-C. ; et qui, après avoir tenté les entreprises les plus hardies, périrent malheureusement à la chasse. On donne aux Aloïdes une sœur appelée Pancratin, qui fut enlevée par Butès, fils de Borée, roi des vents, que nous retrouverons en parlant de Neptune.
Les guerres des Géans, y compris celle de Typhoé, une fois terminées, la cour de Jupiter remonta dans les cieux, et reprit son ancien séjour au-dessus du mont Olympe. Alors les jours de colère et de punition étaient arrivés aussi : la race impure, insolente et impie qui se trouvait habiter la terre, et qui, plus d’une fois, avait pris part aux diverses révoltes dont les Titans et les Géans avaient menacé les Dieux, fut complètement détruite par un déluge universel, d’autant plus remarquable, que non-seulement il est généralement admis par la plupart des historiens de la Mythologie grecque, mais qu’il se rencontre dans toutes les religions vraies ou fausses.
Jupiter fait donc entièrement disparaître cette horde d’habitans sous les flots, se débarrasse complètement des turbulens qui l’inquiétaient, et rend ainsi la paix au séjour des Dieux.
Cependant les eaux s’étant retirées et la terre suffisamment desséchée, Jupiter voulut la repeupler en tirant du sein des arbres une nouvelle espèce humaine que Prométhée pourrait bien avoir animée.
Pourtant, la légende la plus suivie prétend que ce Prométhée, dont le nom signifie prévoyance de l’avenir, après avoir déplu par sa supériorité intellectuelle au maître des Dieux, qui ne songeait plus aux services nombreux rendus et reçus pendant les diverses guerres que nous avons vues, fut chassé du ciel et jeté sur la terre. Ce qui nous prouve que chez les Dieux d’autrefois comme chez les hommes de tous les siècles, l’ingratitude exerça toujours une bien grande influence. Alors, tout-à-fait isolé sur ce globe dépeuplé, Prométhée semble n’avoir pas voulu y rester long-temps seul. Il prend donc une boule d’argile, la pétrit, lui donne la forme d’un homme, consulte Minerve, dont il possède toute la protection, et par son secours va ravir au char du soleil une étincelle éthérée, la place dans un tube de férule, rempli d’une mœlle pareille à l’amadou, et revient sur la terre animer sa statue, et communiquer ainsi aux mortels qui en naîtront le génie de l’industrie, afin de les rapprocher aussi près que possible de la Divinité.
Cette habitude de Prométhée fut regardée comme un nouveau crime par le maître du ciel, qui fut une autre fois bien plus justement irrité contre ce savant des temps fabuleux. Il venait, lui Prométhée, d’immoler deux bœufs, d’en arracher la peau, d’en disséquer avec adresse la chair et les os, de mettre ces derniers sous l’une des peaux, et de placer les chairs, la graisse et la moëlle sous l’autre.
A peine a-t-il fini ce travail, qu’il ose avoir la témérité de dire à Jupiter de choisir et d’accepter celle qui contenait les chairs. Celui-ci porte son choix sur l’une des deux, mais c’était celle que les os remplissaient. A cette vue, le dépit du Dieu va en croissant, et pour se venger, il veut, à son tour, duper et punir cet audacieux. Il commande à Vulcain, Dieu du feu et des forgerons, de lui fabriquer une femme. Celui-ci, en artiste habile, obéit, et orne sa statue de toutes les beautés matérielles ; ensuite il la présente à l’assemblée des Dieux. Minerve ensuite la couvre d’une robe d’une blancheur éblouissante, lui met sur la tête un voile avec des guirlandes {p. 41}de fleurs et une couronne d’or, lui fait présent de l’intelligence et lui apprend tous les arts propres à son sexe. Vénus l’entoure de ce charme perfide qui fait naître les désirs inquiets et les soins pénibles, et lui donne l’amabilité et la coquetterie. Mercure lui accorde l’éloquence, et Pitho la persuasion. Les Graces l’ornent de colliers d’or. Jupiter enfin lui remet une petite boîte bien close, renfermant la récapitulation de tous les présens dont elle vient d’être comblée ; puis il nomme Pandore, c’est-à-dire tous les dons, celle qui la porte, et lui dit de descendre sur la terre et d’aller l’offrir à Prométhée. Ce qu’elle fait aussitôt ; mais l’adroit Titan, toujours en garde, n’accepta ni les faveurs, ni la boîte de la jeune fille ; celle-ci, alors, se réfugia auprès d’Epiméthée. Cet homme, résultat des travaux de Prométhée, trop jeune encore pour avoir le moindre soupçon, et moins sage que son auteur, accueillit la belle Pandore, en fit sa femme et ouvrit la boîte. Soudain, a écrit M. Parisot, un nuage de maux et de crimes s’élève et enveloppe de sa brume épaisse le globe, future habitation des enfans de Pandore. En vain Epiméthée, se repentant de cette imprudence, voulut refermer la boîte et faire rentrer dans la ténébreuse prison la horde fatale qui s’était envolée ; il ne resta que l’Espérance, toujours planant sur les bords de la boîte, toujours cherchant à cacher et couvrir de son ombre le mal sous ses ailes. L'âge de fer commença pour les humains.
[n.p.][n.p.]Cette Pandore, qui ne forme qu’un avec sa boîte, est une allégorie charmante : c’est la femme, douée de tous les agrémens les plus séduisans et en même temps des défauts les plus graves, donnée pour compagne à l’homme, afin de modérer ses qualités et rabattre son orgueil en lui faisant commettre des fautes ; c’est l’Eve des Hébreux, importée dans la religion des Grecs et des Romains.
Jupiter ayant ainsi diminué la valeur du chef-d’œuvre de Prométhée, ne se trouva point encore suffisamment vengé, car il n’avait pu tromper l’artiste. Alors il ordonna à Cratos, à Biâ et à Vulcain, son fils, d’aller attacher ce Titan sur le Caucase. Cependant ayant appris que ce sage des sages possédait le pouvoir de lire dans l’avenir, il veut, avant de l’abandonner entièrement, obtenir qu’il lui révèle s’il doit être détrôné un jour. Prométhée lui répond, d’une manière évasive, qu’il le sera par un fils puissant, lequel naîtra de son union avec Thétis. Mais Jupiter n’est pas satisfait ; et pour mieux se venger, il fait abattre, du haut des nues, Ethion ou Aigle colossal, fils de Typhoé et d’Echidna, sur le condamné ; d’autres disent un vautour, chargé, chaque jour et sans discontinuer, de lui ouvrir la poitrine à coups de bec et de lui dévorer le foie, tourment qui dura trente mille ans. Pourtant, selon quelques écrivains il fut délivré par Hercule, ou par Jupiter même, lorsqu’il lui fit passer l’avis ci-dessus du danger qu’il courait en se mariant avec Thétis ; seulement il lui imposa l’obligation de toujours porter au doigt un anneau de fer supportant un petit fragment du Caucase, d’où nous vint, dit-on, l’origine des bagues.
Prométhée, représenté quelquefois animant sa statue, l’est beaucoup plus habituellement attaché sur le Caucase, et dévoré par le vautour ou délivré par Hercule. C'est un personnage allégorique, complexe, offrant l’emblème du premier homme ; c’est en même temps la haute intelligence personnifiée ; c’est le feu principe de la vie ; c’est le génie inventif de tous les arts ; c’est le premier devin ou sorcier ; c’est enfin, {p. 42}l’humanité orgueilleuse et imprudente luttant contre la divinité, qui, pour la punir, l’accable de maux, en ne lui laissant que l’espérance.
Si l’on veut une explication plus détaillée de la fable de Prométhée, on peut le regarder comme une allégorie représentant d’abord un Adam, un premier homme, un homme de génie, faisant le premier l’application du feu aux forges et aux arts dans la Scythie, devenant le premier statuaire, et probablement ainsi de beaucoup antérieur au premier sculpteur Grec Dibutade, qui vivait dans le neuvième siècle avant Jésus-Christ. On peut croire par la fable des bœufs immolés, qu’il était un prêtre titanide qui voulut éprouver l’habileté de son cousin Jupiter, que l’on adorait déjà comme Dieu quoique vivant. Quant à sa punition sur le mont Caucase, elle indique un exil en Scythie, d’où il n’osa sortir pendant le règne de Jupiter.
Le reste de la vie de Prométhée est fort obscur ; et celui que nous allons retrouver à l’instant même n’est assurément plus Prométhée le Titan.
On varie beaucoup aussi sur ses descendans ; ainsi l’on suppose qu’il eut Thébée et même Isis et Etnœus, enfans très-douteux d’une nymphe inconnue ; Lycus et Chimérœus, de Céléno l’Atlantide ; Pyrrha et Deucalion, de son union avec Asie ou Hésione ou Axiôthée. Cependant plusieurs mythologues ne lui attribuent que Deucalion pour fils, et font naître Pyrrha de l’alliance d’Épiméthée avec Pandore.
Ce repeuplement de la terre, par la seule habileté de Prométhée, n’est pourtant pas le seul généralement admis ; on en reconnaissait encore un autre : c’est celui de Deucalion et de Pyrrha, mais qui se rattache par plus d’un point à un Prométhée, puisqu’ils étaient les enfans ou petits-enfans d’un individu mythologique de ce nom.
Voilà comme le savant M. Parisot, auteur des trois derniers volumes de la Biographie universelle raconte le fait : Deucalion, fils d’un Prométhée, épousa Pyrrha, sa cousine, dont il eut Hellen, Amphiction et Protogène. Ce Deucalion, confondu assurément avec un autre fils d’un Abas et d’une Asopide, ou avec un troisième fils d’Hercule et d’une Thespiade, ou avec un quatrième fils d’Haliphron et de la nymphe Iophossa, vint du sud de la Scythie s’établir dans la Thessalie, aux environs du Parnasse, étendit son empire sur la Phocide, l’Attique et la Béotie, et institua les Hydrophories dans un temple qu’il bâtit à Athènes, en l’honneur de Zevs Phyxios ou Jupiter de la Fuite. Cette cérémonie des Hydrophories lui fut inspirée en mémoire de ceux péris dans le déluge qui eut lieu sous son règne. Seul, d’entre les hommes, il échappa, dans une barque ou arche appelée Larnasse, avec Pyrrha, son épouse. Après neuf jours de danger, ce léger esquif les porta sur la pointe du Parnasse, ou de l’Atlas, ou de l’Etna. Ayant une fois mis le pied sur le sol, ils se dirigèrent vers le temple de Delphes, et consultèrent l’oracle sur les moyens de repeupler le monde. Thémis, alors souveraine du temple et de l’oracle, répondit en ordonnant aux deux époux de détacher leurs ceintures, de se voiler et de jeter derrière eux les os de leur mère. Cette réponse obscure, à la manière de toutes celles des oracles, eut besoin d’être interprétée, et le fut par Deucalion et Pyrrha, qui décidèrent que leur mère était la Terre, et que ses os étaient les pierres. Dès-lors ils se mirent à se promener dans une grande plaine de la Phocide, et à lancer derrière eux, sans se détourner, toutes les pierres {p. 43}qu’ils purent ramasser. De cette semaille, il arriva que les pierres jetées par Deucalion devinrent des hommes, et celles de Pyrrha des femmes. Ces deux personnages allégoriques représentent donc l’époque d’un des déluges qui, probablement, dépeuplèrent autrefois quelques-unes des contrées de la terre. On en rapporte un arrivé, en effet, vers l’époque du règne d’un Deucalion, en Thessalie, l’an 1520 ou 1503 avant J.-C. Lucien, en racontant l’aventure absolument comme celle de Noé, semble vouloir, dans cette histoire greco-hébraïque, faire entendre que le soleil étant dans le lion solsticial du zodiaque, le navire et le corbeau se levaient avec lui, et que le soir, le verseau paraissait à l’horizon et le Nil commençait à s’enfler. D'autres supposent que Deucalion et Pyrrha étant deux petites îles ou rochers du golfe de Maguéna, en Macédoine, il est probable que des personnes du même nom, après avoir fait naufrage, se sauvèrent sur ces deux éminences. Nous ajouterons qu’on retrouve, dans la plupart des religions au moins, un déluge et deux êtres humains sauvés. On retrouve même, dit M. de Humbolt, la fable de Deucalion et de Pyrrha sur les bords de l’Orénoque, dans l’Amérique méridionale ; seulement la légende du pays dit qu’après l’inondation, il ne s’échappa qu’un seul homme et une femme, qui repeuplèrent la terre en jetant derrière eux, non des pierres, mais les fruits d’un palmier.
Sans parler des enfans nés des pierres, on reconnaît pour fils de Deucalion et de Pyrrha, Amphiction, qui régna sur Athènes, après Cranaüs, 1498 ans avant Jésus-Christ, et auquel on attribue la première interprétation des songes pour en tirer des pronostics ; Hellen, roi de la Phtiotide, vers 1461 ans avant Jésus-Christ, qui donna le nom d’Helléniens à ses sujets, nom que les autres Grecs n’adoptèrent qu’au commencement des Olympiades ; Candibe, qui donna son nom à une ville de la Lycie ; Itone, qui inventa l’art de façonner les métaux ; Locre, qui fonda le royaume des Locriens, en Italie ; Molos, père de Mérion, que nous verrons conduire le char d’Idoménée devant le siége de Troie. Deucalion et Pyrrha avaient aussi pour filles : Créta, Hémonie et Mélanthie, ou Protogénie et Thia. C'est ici la place de rapporter toute la descendance de Deucalion et de Pyrrha, car elle fut nombreuse, et plusieurs de ces descendans se feront remarquer par la suite.
Amphiction passe aussi pour père d’Itone, père de Phromia.
Hellen eut de son alliance avec Orseis trois fils : Eole, Dorus, fondateurs des Eoliens et des Doriens, et Xuthus, père d’Ion, qui imposa son nom aux Ioniens.
Eole épousa Enarète, laquelle lui donna six fils : Athamas, Créthée, Sisyphe, Macaré, Cercaphe, Salmonée, Deion ou Déionée, Magnès et Perierès ; et six filles, Arnée, Canacée, Alcyone, Pisidice, Périmèle et Calycé.
Dorus devint père de Xantippe qui épousa Pleuron ; d’où vint Agénor, lequel de son alliance avec Epicaste, fille d’Egée, en eut Parthaon, Molus, Thespius ou Thestius, Pylus et Demonice.
Parthaon eut pour enfans Œnée, Alcathoüs, Agria, Leodatus et Mélas, ou Mélanée, père d’Euryte.
Xuthus, marié à Creuse, fut père d’Achéus dont étaient fils Phthius, Pélasgue et Achœus. Xuthus eut encore Ion et Diomède, que Déion rendit mère d’Astérope, de Céphale et de Dia.
Magnès eut pour fils Alector, Dictys, Piérus et Polydecte.
{p. 44}Salmonée eut pour fille Tyro, qui de son alliance avec Créthée eut Amythaon, Eson et Phérès.
Phérès fut père d’Admète, de Lycurgue et d’Idomène, qu’Amythaon, son oncle, rendit mère de Bias, d’Eolie et de Mélampe.
Bias eut de Péro, fille de Nélée, Anaxibie, Antiphale, Arésus, Laodocus et Talaüs.
Talaus, de son alliance avec Lysimaque, fille d’Abas, eut Adraste, Aristomaque, Astynomée, Eriphile, Mécistée, Parthénopée et Pronacte.
Astynomée eut de sa femme Hipponoris ou Hipponoüs, Capanée et Péribée. Ce Capanée eut d’Evadné, sœur d’Etéocle et fille d’Iphis et de Thébé : Hyamus, père de Céléno, plus Sthénélus, père de Cyllabare et de Déiphile.
Adraste fut père d’Argie, de Cyanippe, d’Egialée, et encore d’une Déiphile.
Œnée de son alliance avec Péribée, eut Tydée, dont sa femme Déiphile le rendit père de Diomède. Plus tard il épousa aussi Althée et en eut Déjanire, Clymène, Méléagre et Gorgée, père de Thoas.
Dès que la terre fut ainsi repeuplée, Jupiter, du haut de son trône céleste, vécut en despote sybarite, tout en prenant une part assez active aux affaires humaines. Nous allons citer quelques exemples propres à prouver combien il tenait à ne point laisser les mortels usurper les prérogatives divines.
Celui qui porta le plus d’ombrage à Jupiter, fut, sans contredit, Esculape ou Asclépias, dieu de la médecine et fils d’Apollon ; car il se permettait de ressusciter les hommes ; aussi le foudroya-t-il, comme nous le verrons en parlant d’Apollon.
Jupiter ne borna pas à Esculape sa rigoureuse et vindicative jalousie : il chassa du ciel Apollon, pour avoir percé de ses flèches les Cyclopes, qui avaient fabriqué la foudre dont son fils avait été frappé. Puis Jupiter punit Lycaon et écrasa ses cinquante enfans, qui, tout en l’adorant, lui sacrifiaient des victimes humaines. Le fait, on le présume, est allégorique ; mais il est mêlé d’embellissemens obscurs, ajoutés par les traditions successives.
Quelques historiens, et M. Noël entre autres, vont jusqu’à supposer qu’il dut exister quatre Lycaons, dont le premier est fils de Phoroné, roi d’Argolide et fils d’Inachus ; le second, également Inachide, fondateur de Lycosure ; le troisième, son fils ; et le quatrième, un individu qui, tous les dix ans, était métamorphosé en loup. Mais d’autres savans, au nombre desquels se trouve M. Parisot, admettent seulement deux Lycaons, savoir : Lycaon I, fils d’Azan, ou Ezée, ou Phégée, né d’Inachus, civilisateur et introducteur du culte de Jupiter ; et Lycaon II, fils de Pélasgue et de Déjanire, fille de Lycaon I. C'était un impie, il fut métamorphosé en loup. Maintenant, suivons les légendes vulgaires.
Lycaon, rejeton des Titans et de la Terre, est probablement le roi primordial de l’Arcadie, passant, suivant les uns, pour fils de Pélasgue et d’une nymphe appelée Cyllène, ou d’une Océanide portant le nom de Mélibée ; et suivant d’autres, pour fils de Déjanire et d’Azan, fils de Pélasgue, ce qui ne lui donne plus Cyllène que pour femme. Roi d’Arcadie, il bâtit Lycosure, et il y fit connaître, vers l’an 1753 avant Jésus-Christ, les premiers élémens d’une civilisation encore bien grossière, de lois fort incomplètes et du culte, car il institua la religion de Jupiter, qu’il entoura d’idées grossières et de sang, en lui offrant, pour mieux l’honorer, des sacrifices humains. Plus tard les Grecs {p. 45}civilisés supposèrent que Jupiter étant venu chez ce roi pour y recevoir l’hospitalité, Lycaon, qui probablement l’avait reconnu, voulut lui donner une preuve de sa vénération, ou, suivant Ovide, éprouver sa divinité en lui offrant les membres bouillis ou rôtis d’un jeune enfant, otage des Molosses. Le Dieu, voyant cet épouvantable repas, s’irrite, foudroie ce barbare, et le fait aussitôt périr dans son palais, ainsi que ses cinquante fils, à l’exception de Nyctime. Une autre légende assure que les fils seuls, ayant immolé l’enfant, furent seuls foudroyés ; que Lycaon continua de régner, et qu’il laissa l’empire à Nyctime, 1679 ans avant Jésus-Christ. D'autres veulent avec Ovide qu’il ait été changé en loup pour toujours, ou que cette métamorphose fût une punition périodique de dix ans, au bout desquels il reprenait sa forme naturelle, si, pendant ce temps, il s’était abstenu de chair humaine.
Lycaon eut de Célène ou de Méra plusieurs enfans, au nombre desquels il compta cinquante fils appelés Ancior, Aliphère, Acacus, tuteur de Mercure ou d’Hermès-Hercule, et fondateur de la ville d’Acacésium, en Arcadie, Archebatès, Aséate, Aconte, Bucolion, Clétor ou Clitor, Coréthon, Cynœthe, Cétée ou Engonasis, c’est-à-dire qui est à genoux, père de Mégiste, qui fut changé en ours et placé dans le ciel avec lui, Caucon, Carèthe, Cartéron, Cromus, Décéarte, Emon, Elissaon, Eumon, Evémon, Génétor, Hélicos, Hypérète, Hypsus, Linos, Lycée, Lycius, Lyctos, Ménios, Ménalcès, Mécistée, Mantinée, Macarée, Macedne, Nyctime, Orichamène, Œnotre, le plus jeune des Lycaonides, fut s’établir en Italie, qui, d’abord, porta son nom, Prothoos, Phtios, Pallas, Parrhase, Phigale, Themisto, Thesprote, Thocne, Thycée, Trapèze, Tricolone, Tégéate, Téléboas, Acchide, fils de Tégéate, Orope, fils de Macédo ou de Macedne, et pour filles, Callistho et Thié ou Dia. Aucun de ces personnages ne mérite d’observation. Œnotre seul a disputé avec Nyctime l’honneur d’avoir été épargné par Jupiter, comme le plus jeune. Nous ajouterons qu’il y a cela de remarquable dans ces noms, que chacun d’entre eux est celui d’une des villes d’Arcadie. Dès-lors, ces cinquante individus, y compris le chef de leur famille, représentent donc toute la race grossière, sanguinaire et primordiale de l’Arcadie ; race féroce, impie et comprenant mal la Divinité ; race enfin, punie de son ignorance par Jupiter et remplacée par une plus douce dans les descendans de Nyctime ou d’Œnotre, ou peut-être dans ceux de Callistho, c’est-à-dire la Très-Belle, dont le fils Arcas passe pour le fondateur, ou mieux alors, pour le régénérateur de l’Arcadie. Mais plus loin, en parlant des amours de Jupiter, nous retrouverons cette jeune nymphe chasseresse, s’identifiant pour ainsi dire avec Diane et les forêts de l’Arcadie, d’où lui est venu le surnom de Diane-Pélasgique qu’on lui donne souvent.
Le nom du chef des Lycaonides voulant dire loup, ayant servi à désigner diverses constellations, le vulgaire a appelé Lycaon la constellation du loup ; mais les astronomes ont réservé cette désignation pour celle du bouvier.
Il paraît que les Curètes, aux soins desquels Jupiter devait la vie, ne furent point exempts d’encourir sa vengeance ; voici à quel sujet : ce roi des Cieux, dont les amours furent très-nombreuses, avait eu, d’un commerce peu légitime avec lo, un fils nommé Epaphe.
Junon, toujours jalouse de ces infidélités {p. 46}multipliées, avait ordonné aux Curètes d’enlever d’Egypte, où il était, ce fruit adultérin. Cet ordre, malheureusement pour eux, fut exécuté. Aussitôt Jupiter l’apprenant se met dans une divine colère et lance la foudre sur les imprudens qui ont osé contrarier ses désirs. Mais il ne détruisit point, il est probable, toute la caste, et se borna à quelques prêtres dont l’ignorance n’avait pas su prévoir l’effet de son courroux.
A peine a-t-il achevé cet acte de rigueur, qu’il est forcé d’en faire un autre en précipitant Ixion aux enfers : c’était un roi des Lapithes, peuple de la Thessalie ; il était, dit-on, fils d’Anthion, lui-même enfant du Lapithe Périphas et d’Astiagée, fille d’Hypsée. Cet Ixion avait pour mère Perimèle, fille d’Amythaon ; on lui donnait aussi pour père Mars lui-même, ou Phlégyas, fils de Mars, ou Léontée, et pour mère, ou Pisidice, maîtresse de Mars, ou Pisione, femme d’Éton. Il épousa Dia, fille de Déionée ; mais son beau-père, auquel il ne voulut pas donner les présens qu’il lui avait promis en échange de sa fille, se paya en lui prenant ses chevaux. Ixion, pour se venger, l’ayant attiré chez lui à Larisse, en feignant une fausse réconciliation, le fit tomber ou le jeta dans une fosse remplie de charbons ardens. Après ce crime, il fut obligé de fuir. Personne ne voulut lui donner asyle, personne ne se crut capable de le purifier d’un si grand forfait ; ne sachant plus où se réfugier, il fut implorer Jupiter aux pieds de ses autels. Ce Dieu fut assez généreux pour lui pardonner et l’admettre à sa table. Ixion, arrivé dans le céleste séjour, est ébloui des charmes de Junon. Aussitôt, oubliant la reconnaissance, il cherche à la séduire. Celle-ci fait part au maître des Dieux de l’audace du téméraire. A peine Jupiter peut-il le croire ; aussi il engage Junon à tout promettre, et, à l’instant du rendez-vous, il remplace sa divine épouse par une nuée qui lui ressemble tellement, qu’Ixion s’y laisse prendre. Il ose tout auprès de ce simulacre, et dans son erreur il rend la nuée mère des Centaures, race sur laquelle nous reviendrons fort en détail. Jupiter, dans cet acte audacieux, voulut bien n’apercevoir qu’une folie, et se contenta d’en bannir l’auteur ; mais la punition ne fut pas assez forte ; elle ne corrigea point Ixion, qui fut jusqu’à se vanter d’avoir possédé Junon en réalité, et soutenir que cette faveur était la seule raison pour laquelle on l’avait éloigné de l’Olympe. Fatigué d’une telle jactance, le maître des Dieux se fâche sérieusement, précipite l’impudent au fond du Tartare, et l’y fait attacher par Mercure sur une roue environnée de serpens et tournant sans relâche. Cependant deux événemens par la suite lui donnèrent accidentellement du répit : il fut délié un instant lorsque Pluton, le dieu des Enfers, introduisit sa femme au sein de son empire, et plus tard sa roue s’arrêta aux accords harmonieux d’un musicien célèbre appelé Orphée, serviteur d’Apollon et que nous verrons descendre hardiment jusque dans le noir séjour. Cet Ixion est le type allégorique du fanfaron vaniteux et impudent, ainsi que de l’ingratitude des hommes envers la divinité ; on le représente toujours attaché sur sa roue. On lui donnait pour fils Phlégrée et Pnocus, issus, disait-on, de son alliance avec la nuée.
Si l’on cherche le fond de cette fable, on est porté à supposer qu’un prince appelé Jupiter ayant accordé l’hospitalité à un roi des Lapithes, probablement l’an 1061 av. J.-C., puisque vers cette époque on sait qu’il y avait à Corinthe un souverain de ce nom, l’ingrat qui avait été {p. 47}chassé par tous ses voisins devint amoureux de la reine. Jupiter, pour mieux éprouver les intentions criminelles de son hôte, envoya à la place de sa femme une esclave appelée Néphélée ou la nuée. Mais par la suite Ixion s’étant vanté d’avoir rendu la reine sensible à ses vœux, fut chassé de la cour hospitalière, et mena depuis une vie triste, misérable, étant haï et méprisé de tout le monde. L'astronomie explique ce mythe de la naissance des Centaures provenant de l’alliance d’Ixion avec une nuée, en disant que dans la saison des pluies le sagittaire et le centaure se lèvent à la suite d’Hercule. Mais, nous le répétons, les tourmens d’Ixion, tels que les poètes nous les ont représentés, sont les punitions que méritent et trouvent toujours l’ambitieux, l’ingrat et le fanfaron qui se vante de ses amours illicites ou même des faveurs qu’il n’a jamais obtenues.
Une autre fois ce fut Tantale qui attira la colère de Jupiter. Ce Tantale pourtant passait pour son fils ou pour celui de Tmole, fils de Mars. On lui donnait pour mère la nymphe Pluto ou Plote. Il régnait dans la ville de Sipyleen en Phrygie, ou dans la Paphlagonie. Un voile assez obscur règne encore sur le crime qu’il est censé avoir commis. On lui en attribue six ou sept variétés. Fut-il puni pour l’un de ces crimes ou pour leur ensemble ? C'est une question insoluble. Il est donc accusé 1° d’avoir enlevé Ganymède, fils de Tros, échanson de Jupiter ; 2° d’avoir été le recéleur des vols continuels de Pandaré, et surtout d’un beau chien d’or qui appartenait à Jupiter, et d’avoir affirmé sous le serment qu’il ne l’avait pas volé ; 3° d’avoir irrité Jupiter en le dénonçant à Asope comme le ravisseur de sa fille Europe ; 4° d’avoir, étant à la table des Dieux, dérobé du nectar et de l’ambrosie dans le dessein de les faire goûter aux simples mortels ; 5° d’avoir dévoilé au grand jour le secret des Dieux qu’il desservait ; 6° enfin, et voilà le crime qu’on lui reproche le plus communément, d’avoir servi pour plat aux Dieux qu’il avait conviés les membres de son fils Pélops, frère de Niobé, qui fut accusé d’avoir aidé son père. Jupiter le premier s’en étant aperçu ressuscita le malheureux, dont une des épaules ayant été mangée par Minerve ou Cérès, eut besoin d’être remplacée par une autre en ivoire. Indignés d’une pareille cruauté, tous les Dieux prièrent Jupiter de faire peser sur cet audacieux une punition qui fût en harmonie avec la gravité de son crime. Alors le maître des Dieux ordonne qu’il sera dorénavant en proie à une soif brûlante au milieu d’un étang dont l’eau s’élèvera jusqu’à sa lèvre inférieure et baissera toutes les fois qu’il voudra s’en approcher, et qu’une faim dévorante le tourmentera, quoique destiné à se trouver continuellement sous un arbre chargé de fruits ; car ses branches, qui s’inclineront sans cesse vers ses mains, se redresseront toutes les fois qu’il cherchera à les saisir. Quelques mythologues disent que pour sa punition il fut condamné à rester au-dessous d’un rocher dont la chute menaçait à chaque instant sa tête.
Cette fable repose, dit-on, sur un fait historique : alors on suppose que Tantale après avoir eu à se plaindre de Tros, qui ne l’avait pas invité à la première fête par lui donnée à Troie, lui fit une guerre assez vive et lui enleva Ganymède. Mais s’il fut victorieux en combattant contre le père, il n’en fut plus ainsi quand il eut à soutenir la guerre contre Ilus, fils de Tros ; car l’an 1315 av. J.-C., il perdit son royaume, fut fait prisonnier, chargé de chaines, et son fils Pélops fut obligé de se réfugier en {p. 48}Elide qui depuis fut appelée Péloponèse.
Habituellement on considère le supplice de Tantale comme celui qui dans l’autre monde doit être la punition éternelle de l’avare. On a cru aussi y voir la figure d’un esclave cherchant à s’affranchir, et les astronomes, sans trop de raison, rangent Tantale dans la constellation du serpentaire.
Jupiter fut encore blessé de l’orgueil d’un roi de Thessalie et du Péloponèse : il se nommait Salmonée. Il était petit-fils d’Hellen, ou fils d’Éole II et d’Enarète, et il avait pour frère Sisyphe. Son crime, s’il n’eût pas commis de cruautés, pourrait passer pour une véritable folie ; car il voulait être Dieu et ne pas permettre que l’on en doutât ; il supprima dans ses États le nom de Jupiter, et dans les hymnes, les temples et sur les autels, il fit mettre le sien à la place de celui du fils de Saturne. Il voulait être adoré, et force était en effet de l’adorer. Pour mieux faire sentir sa puissance qu’il voulait faire croire divine, il fit construire au-dessus d’une partie de sa capitale un pont couvert de plaques métalliques sur lesquelles il faisait rouler un char où il se tenait majestueusement, en lançant sur les malheureux placés au-dessous par ses ordres, des torches enflammées ; le tout pour imiter le bruit et la flamme du tonnerre. Si la crainte de recevoir sur la tête cette résine brûlante faisait éloigner quelques individus, aussitôt ils étaient tués en secret par des hommes cachés, afin de faire croire qu’ils avaient été frappés par la main invisible du Dieu puissant. Cette farce cruelle dura quelque temps ; mais pourtant, irrité de sa trop longue durée, Jupiter la fit enfin cesser en frappant l’orgueilleux et barbare Salmonée avec de véritables foudres, et en le précipitant pour toujours au fond du Tartare. Cette allégorie renferme une forte leçon pour les insolens et les orgueilleux qui souvent ne craignent pas de se placer aussi haut que la divinité.
Sisyphe, frère de Salmonée ne fut pas non plus épargné par Jupiter. Il épousa Mérope, fille d’Atlas, et en eut Glaucus. On suppose que lui, ou un autre individu portant le même nom, mais toujours fils d’Eole et frère de Salmonée, fonda le royaume de Corinthe après le départ de cette ville d’une grande magicienne appelée Médée, vers l’an 1326 av. J.-C. Cependant on croit qu’il n’arriva que le troisième à régner sur cette contrée ; seulement il fut le premier à lui faire un nom et à la rendre illustre. Homère le représente comme le plus grand des brigands de toute l’Attique, écrasant sous des monceaux de pierres tout étranger qui tombait dans ses mains ; il fut tué dans un combat par Thésée, roi d’Athènes. Après sa mort, dit-on, il fut plongé dans les enfers, non pas seulement à cause de ses brigandages, ni pour avoir débauché Tyro, sa nièce, fille de Salmonée, mais surtout pour avoir révélé le secret des Dieux, c’est-à-dire, peut-être pour avoir indiqué à Asope le maître des Dieux comme le ravisseur de sa fille. Cependant il est probable qu’il fut puni aussi pour avoir enchaîné la Mort et l’avoir retenue jusqu’à ce que Mars fût venu la délivrer, à la prière de Pluton, dont l’empire était désert faute de recevoir des visiteurs, fable que l’on raconte encore autrement en disant que Sisyphe, à l’instant de mourir, ordonna à sa femme, pour éprouver son amour, de jeter son corps sans sépulture, ce qu’elle fit ponctuellement. Une fois descendu aux Enfers, Sisyphe s’indigna d’une pareille obéissance, obtint de Pluton la permission de retourner sur la terre pour punir sa femme, puis en {p. 49}suite ne voulut plus redescendre au sombre Empire. Il fallut même, bien des années après, que Mercure, sur un ordre positif des Dieux vînt le saisir et le ramener de force auprès de Pluton. Quoi qu’il en soit, Jupiter ne l’épargna pas : il le condamna à rouler continuellement au fond des enfers une grosse roche jusqu’au haut d’une montagne d’où elle retombait aussitôt par son propre poids, et alors il était forcé de la remonter de nouveau, et cela sans avoir un instant de relâche. Dans cette fable on peut voir une agglomération de faits allégoriques. En effet, sage et prudent il devait aimer la paix et éloigner ainsi la Mort qu’il tenait par conséquent enchaînée dans ses états. Mais d’un autre côté, sa punition du rocher qu’il roule incessamment, est l’emblème d’un prince ambitieux, d’un caractère remuant et inquiet, et roulant toujours dans sa tête des desseins sans les mettre à exécution.
Capanée, l’un des sept chefs d’une armée que nous verrons assiéger Thèbes, capitale de la Béotie, fut également foudroyé par Jupiter. Il était fils d’Hipponoris ou d’Hipponoüs, descendant de Deucalion, et femme d’Astynomé. On dit qu’il avait osé défier les Dieux de l’empêcher d’entrer dans cette ville, et qu’il fut aussitôt frappé par la foudre. Cependant si quelques écrivains voient dans cet audacieux et incrédule soldat un impie forcené, Euripide au contraire, en fait un homme riche, sans faste, sans orgueil, sobre et modéré, ce qui ne s’accorderait pas avec la légende dans laquelle on le fait punir par la foudre, et dans laquelle aussi Thésée, après la victoire, le prive pour cette raison des honneurs du bûcher.
Plusieurs individus furent encore punis par Jupiter pour divers crimes ; ainsi :
Adimante, prince des Phlasiens, peuple du Péloponèse, fut un jour frappé d’un coup de foudre pour avoir refusé d’offrir des sacrifices aux Dieux, au-dessus desquels il s’estimait : impiété que les légendes sacerdotales avaient eu soin de faire sévèrement punir, afin de contenir le peuple dans la croyance du pouvoir des Dieux du Paganisme.
Les Arimes, peuple astucieux qui n’avait pas voulu secourir Jupiter contre les Titans, furent, après sa victoire, changés en singes par ce Dieu.
Célée était un Crétois qui voulut, avec trois de ses compagnons parmi lesquels était probablement Egalios, voler le miel de la caverne Jovienne, ou grotte dans laquelle Jupiter avait été élevé. Ce dieu aussitôt les changea tous les quatre en oiseaux, ou, pour parler sans figure, probablement que ces voleurs ayant été découverts furent obligés de prendre la fuite.
Choricus, roi d’Arcadie, avait deux fils, Plexipus et Enetus et une fille Palœstra. Celle-ci était amante de Mercure, auquel elle découvrit que ses frères, en jouant ensemble, venaient d’inventer l’art de la lutte. Le Dieu s’étant bientôt distingué dans le même art, les fils de Choricus en furent irrites, et s’en plaignirent à leur père qui, loin de les calmer, les engagea au contraire à s’en venger. Aussitôt Plexipus et Enétus guettent Mercure, le surprennent endormi sur le mont Cylleunis, et lui coupent les deux mains. Jupiter alors, touche du malheur de son messager intime, arrache les entrailles de Choricus et le transforme en un soufflet, fable assez obscure, à laquelle il est difficile de trouver un sens allégorique.
Mylius ou Mylinus roi de Crète, fut aussi tué par Jupiter on ne sait trop pour quel méfait.
{p. 50}Néophron, fils de Timandra, fut changé en vautour par ce même dieu.
Ophionée était un des génies qui, après avoir fait révolter ses camarades contre Jupiter, fut par lui plongé pour toujours au fond du noir Tartare.
Pandarée, fils de Mérops le géant, prenait plaisir à aider Tantale dans la plupart de ses vols ; ce fut même lui qui vola seul le chien d’or du temple de Jupiter, chien que Tantale avait recélé. A la fin Pandarée fut puni de ses crimes et frappé un jour violemment de la foudre.
Cependant si Jupiter punissait quelquefois avec justice, il faut avouer qu’il n’était pas toujours exempt des vices de notre faible humanité. La jalousie du pouvoir le tourmentait comme un grand de la terre ; un seul exemple le prouvera suffisamment : Périphas, l’un des deux premiers rois d’Athènes, même avant Cécrops, son civilisateur, avait par sa bonté gagné le cœur de ses sujets. Chaque jour il les comblait tellement de nouveaux bienfaits, que, dans l’effusion de leur reconnaissance, ils lui décernèrent des honneurs presque divins. Ces marques d’affection ne plurent point à la jalousie chatouilleuse du maître des Dieux, qui d’abord voulut jeter au fond des enfers ce mortel, pour avoir commis le crime d’avoir été trop parfait ; mais Apollon, heureusement pour la justice et pour la réputation de Jupiter, s’interposa tout à coup le défenseur de l’opprimé, et, par l’effet de son éloquence, il obtint du dieu courroucé que le bon, que l’homme par excellence, serait simplement métamorphosé en aigle. Depuis ce jour on le voit à ses côtés pour indiquer que la puissance et la bonté ne doivent jamais se quitter. Cet aigle est donc la personnification d’un véritable Jupiter, d’un Dieu puissant, toujours chéri et respecté sur la terre.
Si Jupiter eut souvent à punir, il eut aussi quelquefois à récompenser. Qui ne connaît l’aventure de Philémon et Baucis, couple exemplaire dont la fidélité fut digne de fixer ses regards divins. Ils vivaient en Phrygie. Unis dès leur enfance par les liens sacrés du mariage, ils avaient l’un et l’autre scrupuleusement tenu leur serment, et ils avaient ainsi vécu depuis longues années dans une assez grande pauvreté ; mais ils avaient été soutenus par le bonheur que donne toujours la tranquillité d’un cœur sans reproches. Jupiter, curieux de les apprécier par lui-même, voulut les visiter. Il se fait donc suivre par Mercure, descend sur la terre et entre avec lui dans la cabane des époux. A leur aspect toutes les portes s’ouvrirent ; cependant ils ne furent pas reconnus, et le bon cœur seul des vieillards les dirigea dans leurs offres. Elles étaient bien minimes pour de célestes voyageurs : du lait, du miel et des fruits, tel était le repas frugal qu’ils leur servirent après avoir fait chauffer de l’eau pour leur laver les pieds. Un très-petit flacon de vin, l’unique qu’il y eût dans la maison, leur fut présenté ; mais s’en étant servis de manière à y boire largement et souvent, comme s’il eût été d’une bien plus grande taille, et sans qu’on le vît tarir, l’incognito fut trahi. Aussitôt, comme on le pense, grande rumeur au ménage. Comment faire pour réconforter des Dieux ? Rien ne doit pouvoir leur suffire ; rien ne doit être épargné ; voilà donc Baucis courant après une oie qui formait seule leur basse-cour ; Philémon de son côté cherche à lui aider ; mais le volatile se réfugie entre les jambes de Jupiter. Alors celui-ci étend sur le faible animal sa protection, lui fait accorder grâce et dit à ces bons vieillards de le suivre jusque sur une montagne voisine ; une fois au sommet, il leur montre tout le pays qu’ils {p. 51}habitaient submergé, sauf leur cabane, et leur demande ce qu’ils desirent pour récompense de leur hospitalité charitable ? Habiter dans un temple qui vous soit consacré, répond Philémon, et mourir ensemble, ajoute sa femme. Tout à coup le temple surgit du sol et fut, pendant le reste de leurs jours, la demeure de ces vieillards qui, après être parvenus à un âge fort avancé, furent, dès qu’ils désirèrent, métamorphosés au même instant, l’un en chêne, et l’épouse en tilleul.
Cette aventure, sur laquelle nous ne nous appesantirons pas tant elle est connue, est un mythe complexe, faisant encore allusion à un déluge, comme dans l’histoire de Deucalion et de Pyrrha. Elle nous montre la théocratie grecque agglomérant dans la même idée la végétation des plantes et l’animalisation humaine. Quant au voyage des Dieux, quoique de fabrique Phrygienne, il semble moderne et avoir été enté sur les fables importées de l’Inde ou de la Perse, et par conséquent assez tard. Cette allégorie est simple dans son sens moral ; elle prouve par le nom de Baucis ou Tilleul, que l’amour conjugal d’un côté, et par celui de Philémon ou chêne, que l’hospitalité d’un autre côté, ne sont jamais oubliés de la divinité qui toujours les récompense. Du reste, les statues de ce couple représentent habituellement le corps de chacun des deux vieillards à moitié enveloppé dans l’écorce des arbres que nous avons indiqués.
Ici l’hospitalité est donc représentée ; mais elle fut dans les temps postérieurs beaucoup plus personnifiée, soit par le Jupiter hospitalier, soit, sous son nom d’hospitalité, par la figure d’une femme faisant accueil à un pèlerin, et tenant une corne d’abondance d’où s’échappent des fruits qu’un enfant s’empresse de ramasser. On lui consacrait le chêne, tant pour son abri que pour son fruit qui passait pour avoir été la nourriture des premiers hommes.
Jupiter récompensa encore Capricorne, fils d’Egipan, qui peut-être était fils lui-même de Pan et de la nymphe Ega. Quoi qu’il en soit, Capricorne fut élevé aux cieux par Jupiter et reconnu comme le 10e signe du zodiaque, et comme renfermant 64 étoiles, soit parce qu’il avait aidé Jupiter dans la guerre contre les Titans, soit parce que Pan lui-même, craignant le géant Typhon, se métamorphosa en bouc et fut sous cette forme se cacher dans le zodiaque ; soit que ce signe ne fût que la représentation d’Amalthée. Il n’en est pas moins une des 48 constellations qui passèrent de l’Egypte dans la Grèce.
Récompenser ou punir les mortels n’était pas le plus grand travail de Jupiter. Les Dieux eux-mêmes lui donnaient beaucoup de tracas, et chaque jour il fallait qu’il fût l’arbitre de quelque nouveau différent : c’est Pluton, enlevant la fille de Cérès, c’est Proserpine disputant à Vénus la conquête du bel Adonis ; c’est Mars se disputant avec Hercule. Mais il serait trop long d’indiquer toutes ces querelles ; nous les retrouverons assez souvent, et il est inutile de nous en inquiéter pour l’instant.
D'après l’idée de puissance qui entourait Jupiter, il est facile de croire qu’il était adoré presque partout ; mais son titre le plus illustre était celui d’Olympien, non pas seulement parce que l’on supposait que l’espace éthéré, placé au-dessus des monts Olympe, était son séjour habituel, mais parce que les jeux olympiques, célébrés en son honneur, jouissaient d’une réputation universelle. Ces jeux olympiques, si renommés autrefois, avaient été institués par le plus ancien Hercule, qui lui-même était un Dactyle idéen sorti {p. 52}de l’île de Crète. Ils se tenaient à Olympie, ville du Péloponèse, en Élide, près de l’Alphée aujourd’hui Longanico ; les hommes seuls y combattaient, et pour la gloire seulement ; les femmes en étaient sévèrement exclues, sous peine de mort quand elles enfreignaient le règlement. Cependant quelques-unes y ayant remporté des prix sous des habits d’hommes, les barrières leur furent ensuite également ouvertes. L'ordre de ces jeux exigeait qu’on les commençât par un sacrifice en l’honneur de tous les Dieux, mais surtout de Jupiter et d’Apollon en particulier ; puis, on levait les lices, et la carrière était libre pour la course, la lutte, le ceste, le disque, et les différens tours de force et de souplesse.
Dans l’origine ou l’année 884 avant J.-C. l’espace à parcourir n’était que d’un stade ou environ 600 pieds, les concurrens étaient à pieds et armés de toutes pièces ; mais l’an 776 avant J.-C., c’est-à-dire à la neuvième olympiade, ils furent réorganisés par Iphitus, l’un des descendans d’Hercule, de manière à les célébrer tous les quatre ans ; alors on doubla la carrière qui fut depuis de deux stades ou de 1,222 pieds, et l’on établit la course à cheval ; puis, à la vingt-cinquième, on y joignit la course en chars. Ce fut à cette première course en char, qu’une femme nommée Cynisca, fille d’Archidamas, prince de Macédoine, remporta le prix ; après elle, plusieurs à son exemple, se mirent sur les rangs, et furent souvent couronnées de myrthe, de chêne ou d’olivier.
La lutte succédait à la course. Les lutteurs combattaient tout nus, et avant de commencer, ils se faisaient frotter d’huile les membres et le corps, pour obtenir plus de souplesse, et donner moins de prise à leurs adversaires. Alors ils entraient en lice, se saisissaient étroitement, et cherchaient par force ou par adresse à se renverser jusqu’au moment où l’un des deux pliait et tombait sur les reins.
Le ceste était de tous les exercices, le plus pénible et même le plus dangereux. C'était un combat à coups de poings armés ou couverts de gantelets composés de lannières de cuir, entrelacées avec des la mes de plomb ; un seul coup de ces gants, porté sur la tête, suffisait pour tuer un homme ; aussi souvent c’était un combat à mort ; ainsi Arrachion, après avoir vaincu tous ses adversaires, fut jeté à terre et étranglé par le dernier qui lui restait à combattre ; alors, par un effort de désespoir et de rage, Arrachion, expirant, mordit l’orteil de son vainqueur, et telle fut la force de la contraction nerveuse de la mort, qu’il le coupa. Cette blessure inattendue fut si vive, que le vainqueur demanda grace, et que la couronne fut décernée à Arrachion, qui n’était plus.
Après le ceste, venait le disque, jeu consistant à se tenir d’un pied en équilibre sur la pointe d’un cône, et à jeter le plus loin possible, un disque ou palet de pierre ou de métal, dont la forme et la pesanteur variait au gré des concurrens.
Puis venaient les jeux d’adresse et de légèreté.
Les juges ou hellanodices étaient au nombre d’abord de deux, de neuf, puis de dix. Ils faisaient un noviciat de dix mois, avant de monter sur le tribunal, et juraient solennellement d’observer les lois de l’équité la plus rigoureuse. Les athlètes qui se firent le plus remarquer aux jeux olympiques, furent Théagène, Milon de Crotone, Polydamas et Euthyme.
Voici le conte inventé sur le premier : Théagène, né à Thase, petite ville voisine de Lacédémone, ayant remporté douze fois le prix aux jeux olympiques, fut {p. 53}honoré d’une statue, que lui élevèrent ses compatriotes. Un envieux de cet honneur, allant toutes les nuits fustiger cette statue, celle-ci finit par tomber sur lui et l’écrasa. Les enfans du mort citèrent devant le juge la statue homicide ; elle fut condamnée, suivant la loi de Lycurgue, à être jetée dans la mer. Mais aussitôt après l’exécution de ce ridicule arrêt, la famine se déclara dans le pays ; alors les Thasiens consultèrent l’oracle, qui leur ordonna de repêcher et de rétablir le monument perdu ; ils suivirent ce conseil ; et depuis Théagène fut mis au rang des demi-dieux.
Milon surpassait tous les athlètes de son temps ; il chargea un jour sur ses épaules, aux jeux olympiques, un taureau de deux ans, le porta au bout de la carrière sans reprendre haleine, l’assomma d’un coup de poing et le mangea le même jour ; malheureusement comme tous les hommes, il finit par vieillir, et pourtant à peine croyait-il avoir perdu ses forces ; aussi, étant à se promener seul au milieu d’un bois écarté, il vit un arbre que le vent avait fendu en l’agitant ; l’envie à cette vue lui prend d’en séparer les éclats, mais l’arbre qui s’était ouvert à la première secousse, se referma aussitôt, et retint fortement serrés les deux bras du vieil athlète ; en vain celui-ci voulut-il se dégager de cette fatale étreinte : le vainqueur des jeux olympiques resta prisonnier dans un désert, et vit la plus horrible des morts arriver ; car, sans pouvoir se défendre, il devint bientôt la proie des bêtes féroces.
Polydamas, son rival et son ami, n’est pas une fin moins tragique. Un jour, tandis qu’il buvait dans une caverne avec plusieurs autres personnes, la voûte s’ébranla et les convives prirent la fuite. Polydamas, seul, resta, comptant sur ses forces, et voulut soutenir la masse ébranlée ; mais le rocher écrasa dans sa chute celui qui dans son enfance, avait étouffé un lion monstrueux sur le mont Olympe ; celui qui d’un seul coup assommait un homme, et auquel une seule main suffisait pour arrêter un char attelé de six coursiers.
Quant à Euthyme, nous le ferons connaître en parlant des voyages d’Ulysse, lors de son retour du siége de Troie.
Partout, au reste, on rendait honneur à Jupiter, et par des jeux analogues, et surtout par des sacrifices.
Voici un aperçu de ceux que l’on connaissait : les Aquilies étaient pour réclamer de lui un temps pluvieux ; les Buphonies étaient des fêtes athéniennes, dans lesquelles un sacrificateur appelé Buphone immolait un grand nombre de bœufs en l’honneur de Jupiter-Polieus ; les Daulies rappelaient chez les Argiens la métamorphose de Jupiter en pluie d’or pour séduire Danaé, comme nous le verrons par la suite ; les Dedalies étaient en mémoire d’une réconciliation de Jupiter avec Junon ; les Diasies avaient lieu à Athènes en l’honneur de Jupiter-Milichius ; les Diipolies s’adressaient dans les villes de la Grèce à Jupiter-Polieus ; les Dios Bœs, se célébraient à Milet en immolant pendant ces fêtes un bœuf à Jupiter ; les Eleustéries avaient été instituées à Platée en l’honneur de Jupiter-Libérateur : c’étaient de vraies fêtes de la liberté, qui se célébraient tous les cinq ans, par souvenir de la victoire de Pausanias sur Mardonius, général des Perses ; les Hécalésies ou Homolies étaient des fêtes joviennes à Hécale en Attique et sur le MontHomole en Thessalie ; les Jovialis à Rome étaient les mêmes fêtes que les Daulies des Argiens ; les Laurentales se célébraient à Rome, le 22 décembre, en l’honneur de Jupiter et d’Acca Laurentia, nourrice de Romulus ; le Latiar était une fête annuelle {p. 54}que tous les peuples du Latium venaient célébrer à Rome en l’honneur de Jupiter-Latiaris, pour cimenter davantage leur union. Elle avait été instituée par Tarquinle-Superbe ; les Lycées étaient des fêtes barbares instituées par Lycaon en Arcadie, et dans lesquelles, trois siècles avant J.-C., l’on immolait encore des victimes humaines en l’honneur de Jupiter ; elles devinrent les Lupercales à Rome, mais à Argos, les fêtes du même nom se célébraient en l’honneur d’Apollon-Lycoctone ; les Mémactéries étaient des sacrifices que les Athéniens faisaient dans le mois de memacterion pour réclamer un hiver doux de Jupiter ; les Pandies, instituées par Pandiôn, se célébraient à Athènes en l’honneur de Jupiter ; les Panhellenies étaient des fêtes offertes au même dieu ; tous les peuples de la Grèce y prenaient part ; on en attribuait l’institution à Eacus ; enfin, les jeux Capitolins et Tarpéiens se célébraient à Rome tous les cinq ans, en l’honneur de Jupiter sauveur du Capitole.
Jupiter avait donc des fêtes chez la plupart des peuples de l’antiquité ; son culte, partout respecté, exigeait qu’on lui consacrât des chèvres, des brebis, des taureaux blancs à cornes dorées, de la farine, du sel, de l’encens, l’olivier, arbre de la paix, et le chêne, dont les fruits dans la Grèce et en Italie, avaient servi à nourrir les hommes. Les prêtres de ce dieu étaient de puissans fonctionnaires ; le Flamine Diale, ou chef des flamines institués par Numa, était surtout entouré à Rome du plus grand éclat ; à lui la chaise d’ivoire, la robe royale, l’anneau d’or, les licteurs, le droit de grâce sur les condamnés aux verges qu’il rencontrait ; à lui de bénir les armées, de fournir le feu sacré propre aux sacrifices, ou de conjurer les dieux contre les ennemis de l’empire ; son pouvoir était immense. Tous les autres flamines étaient coiffés d’un flammeum ou voile couleur de feu, d’où leur venait leur nom, mais lui se couvrait la tête de l’Albogalerus, espèce de bonnet fait de la dépouille d’une victime blanche, et surmonté d’une branche d’olivier, afin de montrer que sa présence portait partout la paix. Les prêtres de Jupiter exerçaient leurs fonctions sacerdotales dans des temples riches et nombreux ; plusieurs de ces temples possédaient même des oracles célèbres, tels que ceux de Dodone, d’Ammon et de Trophonius ; mais nous nous réservons de les faire connaître plus en détail en parlant d’Apollon, le dieu spécial de la Divination.
Ce maître des Dieux est le plus habituellement assis sur un aigle ou sur un trône d’or, au pied duquel sont deux coupes versant le bien et le mal ; son front est soucieux, et ses yeux menaçans brillent sous de noirs sourcils ; son menton est couvert d’une barbe majestueuse. Il tient un sceptre d’une main, et lance la foudre de l’autre ; les vertus ou la victoire sont à sa gauche ; un aigle est à ses pieds, tenant un faisceau de foudres dans ses serres ou enlevant Ganymède ; on couvre la partie inférieure de son torse, d’un manteau d’or. Ce fut un manteau pareil, que Denys le Tyran fit enlever à l’une de ses statues, en disant qu’il était trop chaud pour l’été, et trop froid pour l’hiver. Si l’on veut expliquer ces emblèmes, on peut supposer que le trône et le sceptre marquent la grandeur et la puissance de son empire ; la nudité supérieure de son corps indique qu’il se rendait visible aux intelligences supérieures de l’univers, mais qu’il restait invisible à ce bas monde comme la partie inférieure de son torse. Les Crétois ne donnaient pas d’oreilles à ses statues, pour marquer son omniscience et son impartialité. Au contraire, {p. 55}les Lacédémoniens lui en donnaient quatre, pour qu’il pût mieux entendre les prières.
Les anciens supposaient que Jupiter ne marchait jamais sans être entouré d’un nombreux cortége, dans lequel on remarquait la Renommée, que la terre, disait Virgile, avait enfantée pour publier les crimes des dieux qui avaient exterminé les Géans ses enfans. Depuis, Jupiter lui ordonna de ne parler que des hommes. On la représentait comme une déesse énorme, ayant cent bouches, cent oreilles et de longues ailes garnies d’yeux en dessous. Elle avait un culte chez les Athéniens et un temple à Rome. Après celle venait Nicée en Grèce, ou la Victoire des Romains. Elle avait des ailes à Rome, mais au contraire les Grecs l’appelaient Aptère, et la figuraient sans ailes, croyant ainsi mieux la fixer auprès d’eux ; du reste, elle était toujours couronnée de laurier, et tenait une branche de palmier à la main ; elle avait à Rome un temple bâti par Sylla, et l’on voyait une de ses statues dans la main de la déesse Rome, au sénat et au Capitole ; elle fut même la dernière que le christianisme fit disparaître l’an 382. Jupiter avait encore autour de son trône les trois Dires ou Deorum irœ, filles de l’Achéron et de la Nuit, elles ne portaient pas d’autre nom dans le ciel, où elles étaient destinées à recevoir les ordres du maître des Dieux pour ronger de remords et tourmenter l’ame des méchans sous le nom d’Euménides ou de Furies sur la terre, et sous celui de chiennes du Styx dans les enfers ; après ces divinités malfaisantes, on en voyait une autre non moins terrible, elle était appelée Até chez les Grecs, et la Discorde ou l’Injure chez les Romains ; sa fâcheuse présence sur la terre, disaient ces peuples, venait de ce qu’elle avait un jour voulu s’amuser à jeter du trouble parmi les divinités. Alors Jupiter son père la prit aux cheveux, et, dans sa colère, la précipita au milieu de nous. Depuis, elle n’est occupée qu’à semer parmi les hommes la dissension et la haine. D'un autre côté, pour adoucir autant que possible la triste influence de toutes ces divinités, le maître des Dieux conservait continuellement autour de son trône les Œtœ ou déesses des supplians, et les Lites ou déesses des prières, afin de pouvoir toujours être instruit de la douleur des mortels. On les représentait boiteuses, avec un air timide et même consterné.
Comme épouse légitime il eut pour femme sa propre sœur Héra ou Junon. Il en eut une fille appelée Hébée, et un seul fils déjà connu sous le nom de Vulcain, quoique Mars et quelques dieux ou déesses à noms allégoriques soient encore regardés par un petit nombre de mythologues pour issus de cette alliance.
Les maîtresses et les enfans de Jupiter sont tellement nombreux qu’il est indispensable de les mettre en ordre.
Ainsi, sans compter Junon qui passe généralement pour sa seule femme légitime, les légendes lui reconnaissent en outre six autres épouses : Métis, Thémis, Eurynome, Cérès, Mnémosyne et Latone. Souvent même on remplace quelques unes d’entre elles par Vénus, Proserpine, Styx, la Nature ou Physis, Dioné et Protogénie.
Ses principales maîtresses sont au nombre d’environ quarante-cinq, et portent les noms suivans : Alcmène, Anaxithée, Antiope, Astérie, Astérope, Calisto, Cassiopée, Charmé, Chaldéna, Climène, Coriphe, Cyrno, Danaé ou Acrisioneis, Ega, Egine, Elara, Electre, Europe, Euryméduse, Garamantide, Hésione, Hélice, Himalie, Hybris, Idée, Io, Iodamé, Lamia, Laodamie, Lardane, Léda, Ménalippe, Mœra, {p. 56}Néère, Niobée, OEnéis, Ora, Othréis, Phthia, Plota ou Pluto, Sémélée, Sithnides, Taygète, Théalie, Thébée, Torrébie, Thya, Tmole, Thracé. Quant à Ganymède que Jupiter chérissait comme un véritable amant, il était son menin, son page divin.
De ces nombreux mariages et de toutes ces maîtresses, il résulta pour Jupiter une assez grande quantité d’enfans. Nous allons rappeler les principaux. Ainsi il eut pour fils :
Achille de Lamia, Acragas d’Astérope, Amphion d’Antiope, Apis de Niobée, Arcas, de Calisto, Arcésius d’Europe, Arcésilas de Torrébie, Argus de Niobée, et un autre de Lardane, Alymnius de Cassiopée, Bythinus ou Bythis de Thracé, Britomarte de Charmé ou Charmis, Calathus d’Antiope, Colaxes d’Ora, Caris ou Carius de Torrébie, Carnus ou Carnée d’Europe, les Dioscures ou Ethlétires Castor et Pollux, de Léda, Colaxès d’Ora, Corinthe, Crès d’Idée, Crinaque, Cronius et Clytus d’Hymalie, Cyrnus, Dardanus d’Electre, Eaque d’Égine, Eliops, Epaphe d’Io, Etalion de Protogénie, Ethlios de Protogénie, Ethlios de Protogénie, Ethon de Tmole, Gargare, Genius, Géreste, d’Electre, Hercule d’Alcmène, Iarbas de Garamantide, Jasion ou Jasius d’Électre, Lacédémon de Taygète, Locre de Mœra, Mégare de Sithnides, Méliteus d’Othtréis, Minos d’Europe, Myrmidon d’Euryméduse, Olène d’Anaxithée, Opuns, Orchomène d’Hésione, Palices ou Paliques de Thalie, Pélasgue, Persée de Danaé, Pilumne ou Picumne de Garamantide, Priape de Vénus, Radamanthe d’Europe, Sarpédon de Lardane, un de Léodamie et un d’Europe, Spartœ d’Himalie, Tantale de Plota, Taygète de Taygète, Tenarus, Titias, Titye, Tritopatré de Proserpine, Vulcain de Junon, Zéthus d’Antiope.
Il eut pour filles :
Alagonée ou Alalgénie d’Europe, Angélo de Junon, Argé, Bura d’Hélice, Corie de Coriphe, Dodone d’Europe, Egipan d’Ega, Eternité, Hébée de Junon, Harmonie ou Hermione d’Électre, Hélène de Léda, Hydarnis d’Europe, la Liberté de Junon, Lydie, Macédoine de Thyia, Mélinoé de Proserpine, Memphis de Protogénie, Minerve, les Nayades, Némésis, la Paix de Thémis, Thébée d’Iodame, la Vérité, Até, etc.
Quelques-unes des femmes ou maîtresses de Jupiter et plusieurs de ses enfans sont très-remarquables dans la mythologie grecque et romaine.
Junon, la première et la seule légitime de toutes les épouses de Jupiter, était connue en Grèce sous la désignation de Héra ou la maîtresse, et à Rome sous celle de Juno ou la secourable. Elle reçut dans ses translations un grand nombre de surnoms. Ainsi on l’appelait Junon, Acrœa ou de la citadelle de Corinthe, Adulta ou adulte, Aérienne ou de l’air, Albana ou d’Albe, Alée ou des exilés à Sicyone, Alcyonie, Alexandros ou donnant secours aux hommes, Ammonia ou femme de Jupiter Ammon à Elis, Anétistos ou de Corinthe, Antophoros ou couverte de fleurs, Anthie et Anthéa ou belle à Argos, Ardéa ou d’Ardée, Argiva et Argienne ou d’Argos, Arthénia ou protectrice des plaisirs légitimes, Bunée ou de Bunus à Corinthe, Boopis ou aux yeux de bœufs, Calendaria ou des Calendes à Rome, Candarena ou de Candara en Paphlagonie, Caprotine ou au figuier sauvage à Rome ou à la peau de chèvre, Chera ou la veuve, Chrysosthronos ou au trône d’or, Cineta et Cingula, et Cinxia ou détacheuse de ceinture nuptiale, Citheronia ou de Cithéron, Curis et Caritis ou Junon fétiche {p. 57}à forme de lance des Sabins, Cupra ou Cypra ou de cuivre dans le Picenum, ou la bonne chez les Etrusques, Domi Duca ou maîtresse de maison, Dirphya ou du mont Dirphys en Eubée, Eginétide ou d’Egine, Egophage et Egophore ou la mangeuse de chèvres à Sparte, Elicius ou d’Etrurie, Enfant, Eribée, Évêmôn ou aux beaux habits, Fébrua ou Fébralis ou la purifiante, présidant au mois de Février, Femme, Florida ou la fleurie, Gamélia, protectrice des noces, Gabia et Gabina ou de Gabie chez les Volsques, Héra ou la maîtresse, ou la dame, ou la terre prise dans son sens le plus large, Henniocha ou qui tient les rènes, Hippie ou la cavalière, Hyperchirias ou qui prend en main et bénit sur les bords de l’Eurotas en Laconie, Imbrasia ou des bords du fleuve Imbrasus à Samos, Ilithye ou l’accoucheuse, Inferna ou des enfers, Interduca, ou directrice des alliances légitimes, Juga ou déesse des mariages, d’où à Rome, Jugatin dieu également des mariages, Jugalis et Junxia ou protectrice des mariages, Lacedemonia ou de Lacédémone, Lacinie ou du temple que Lacinius lui avait fait construire sur le Cap Lacinium, Lanuvinie ou de Lanuvinium, Leucôlenos ou aux bras blancs, Lucifera, Lucine ou l’accoucheuse, et Lucétie ou de la lumière, Lyzizonos protectrice de la dissolution légitime de l’Etat de Vierge, Maceutria et Mogostokos ou l’accoucheuse, Martia ou la mère de Mars, Matrone ou la protectrice des femmes mariées, Matuta, et Mégale ou la maîtresse, Mensalis ou mensuelle, Mephitio ou du mauvais air, Moneta ou Junon monnaie, Natalis ou des naissances, Novella ou des calendes nuptiales, Mychia et Nychiâ ou protectrice de l’alliance nuptiale, Nymphiâ et Nymphémonée, ou Nympheuomène ou protectrice du mariage, Opis ou Opigenia ou portant secours aux femmes en couche, Pharigée ou de Pharigas en Phocide, Phéronia ou qui porte avantages, Philostephanos ou qui aime les fleurs, Populonia ou qui favorise la population, Pronuba et Natalis ou protectrice du mariage, Puella ou enfant, Quiris et Quirina ou la protectrice des femmes mariées, Regina ou reine, Rheionia ou de Rheion, Romana ou de Rome, Samia ou de Samos, Saturnia ou fille de Saturne, Socigena ou qui préside aux unions, Sororia ou la sœur, Sospes et Sospita ou la libératrice, Salvizona ou la protectrice de l’alliance nuptiale, Tœditera à Egium, Tebennis et Togata ou à la toge, Télia et Télessigamos ou déesse du mariage, Ténée ou la captive, ou aux roseaux, Tropœa ou la triomphante, Unxia ou qui oint, Veientana ou des Véies, Vidua ou la veuve, Zigiâ ou la directrice des solennités nuptiales, Zeuxidia ou qui attelle.
Junon, d’après la théogonie vulgaire, était fille de Saturne et de Rhée, ayant pour sœurs Cérès et Vesta, et pour frères Jupiter, Neptune et Pluton. Après avoir été avalée, puis rendue à la lumière par Saturne, elle fut élevée à Argos ou à Samos ou même en Arcadie, car ces diverses contrées se disputent l’honneur de l’avoir vu naître. Argos, pour le prouver, disait que les Argiennes Acrée, Eubée et Porsymne, filles du fleuve Astérion, lui avaient servi de nourrices, et que Témenus, fils de Pelasgue avait pris soin de son enfance ; Samos soutenait que la déesse avait ouvert les yeux sur le fleuve Imbrasus ; mais tout cela est fort obscur puisqu’il existe en outre d’autres légendes qui la font élever ou par les Heures, ou par Téthis et par l’Océan. La sagesse sévère don elle se fit toujours gloire empêcha de faire {p. 58}courir sur son compte quelque aventure scandaleuse. Jupiter seul osa chercher à la séduire sans que son titre de sœur l’en détournât ; car chez les Grecs des anciens temps comme chez plusieurs peuples sauvages de notre époque, la civilisation n’avait point encore mis obstacle aux unions paternelles et filiales ou fraternelles. Ne pouvant arriver à son but, le maître suprême fit naître un orage violent et se métamorphosa en un coucou, lequel transi et tout humide se réfugia dans le sein de la belle Junon qui céda bientôt charitablement à tous les désirs du pauvre oiseau. Mais une fois revenue de son erreur, elle se fâcha et voulut impérieusement que cette jonction furtive fût consacrée à la face de tous les Dieux par une cérémonie solennelle connue actuellement sous le nom de mariage, ou en grec Teleios Gamos, signifiant union légale de l’homme et de la femme. Ce mariage se célébra, suivant Diodore, sur le territoire des Gnossiens, près du fleuve Thérène. Jupiter ordonna à Mercure de faire ses invitations. Tous les Dieux et Déesses se rendirent à cette noce brillante. Une nymphe cependant y manqua ou n’arriva qu’à la fin ; ce fut Chélonée, que le maître des Dieux punit de sa lenteur, en la transformant en tortue. Junon seule obtint pour elle ce caractère indélébile du mariage qui rend cette union publique, légitime et indissoluble. Toutes les autres femmes de Jupiter ne furent donc unies à ce Dieu que par des mariages prétendus ou par de simples cohabitations.
Junon dut aux premiers jours de son mariage avec Jupiter la naissance, comme en le sait déjà, de la belle Hébée, de Vulcain et même de Lucine, selon quelques savans ; mais cette déesse, présidant particulièrement aux accouchemens, est toujours prise pour une véritable Junon. Orgueilleuse, jalouse, et continuellement d’une conversation aigre et mordante, Junon ne fixa pas long-temps auprès d’elle le maître des Dieux qui, pour se distraire des gentillesses aigres-douces de sa digne épouse, fut alors de temps en temps conter fleurettes aux diverses belles de l’Olympe et de la terre. Ces nombreuses infidélités étaient loin de plaire à Junon ; elles l’aigrirent de plus en plus, et lui donnèrent le caractère boudeur, complément très-propre à rendre tout-à-fait insupportable une femme acariâtre. Un jour qu’elle boudait sérieusement, Jupiter voulut s’en amuser, et publia qu’il allait épouser Platée, fille du fleuve Asope. A cette nouvelle, Junon, hors d’elle-même, accourt, se jette sur la nouvelle fiancée et lui arrache ses vêtemens ; mais quel fut son dépit en ne trouvant sous cette robe nuptiale qu’un tronc d’arbre surmonté d’une figure de poupée ; alors honteuse, elle se cacha dans le sein de son auguste époux, et la paix fut conclue pour cette fois.
Cependant elle n’avait fait que dévorer secrètement la honte et le dépit que cette aventure et la naissance de Minerve lui avaient causés. Elle voulut s’en venger ; mais ne sachant comment faire sans se compromettre, elle fut secrètement trouver la belle Flore et lui demanda le moyen d’avoir aussi un fils qui ne dût rien à Jupiter. Celle-ci lui montre une fleur des Champs d’Olène, lui recommande de la sentir et de la toucher de ses doigts caressans, ce que Junon fit aussitôt ; alors elle devint mère de Mars, le dieu de la guerre. On dit encore que sa vengeance ne s’en tint pas là et qu’en absorbant une autre fois dans son sein des vapeurs terrestres elle enfanta Typhon ou Thyphoé. Mais nous avons déjà vu comment il est né, et nous savons que ce n’est pas dans le sein de cette déesse, mais seulement {p. 59}par sa volonté et sur la terre qu’il vint au jour. Plusieurs mythologues, peu soucieux de sa réputation de sagesse, vont même jusqu’à lui donner pour amans le géant Eurymédon et quelques autres. C'est une calomnie de pure invention ; au contraire, elle repoussait orgueilleusement toutes les propositions de ce genre et les dénonçait à son mari. Ainsi les imprudens Ixion et Tantale furent victimes de leur amour et de ses dénonciations. La jalousie seule surpassait chez elle la sagesse ; elle lui donnait un désir de vengeance que le temps n’éteignait pas. Ainsi Io, Latone, Calisto, Sémélée, que nous retrouverons parmi les amantes de Jupiter, excitèrent particulièrement cette jalousie, et cruellement subirent les effets de sa vengeance ; jamais elle ne cessait de poursuivre ceux qui avaient commis l’imprudence de blesser son orgueil. A cette rancune, Sémélée, amante de Jupiter et mère de Bacchus, dut ses malheurs. Les Thébains, compatriotes d’Hercule, fils d’Alcmène, amante de Jupiter, furent livrés aux désastres du Sphinx, par suite également de ce goût de vengeance, Junon changea en belette Galanthis, suivante de cette même Alcmène, pour s’être moquée de sa colère lors de l’accouchement de sa maîtresse ; elle aveugla Tirésias ; punit tristement Sidée, Cassiopée, Antigone, Anaxibie, femme de Pélias, les Phœtides, Pygas et les Priamides, descendans de Pâris.
[n.p.]L'accident de Tirésias, que nous rencontrerons plus tard en parlant de la guerre de Thébes, fut dû à une singulière discussion survenue entre Jupiter et Junon : il s’agissait de savoir lequel des deux époux éprouvait le plaisir le plus vif quand ils échangeaient ensemble de doux baisers. Aucun Dieu ne pouvait expliquer ce mystère : il fallait un homme, un devin pour prononcer : ils convinrent d’appeler Tirésias, qui vint, et se rangea du côté de Jupiter. Alors, dans sa colère, Junon lui jeta aux yeux quelques gouttes d’eau et l’aveugla. Mais l’époux céleste dédommagea le pauvre Tirésias, en lui accordant de vivre six, sept ou onze âges d’hommes, que l’on a quelquefois pris pour autant de siècles, et en lui donnant le privilége de devenir fort habile dans l’art des augures, au moyen d’un bâton qu’il avait à la main, et qui lui servait de baguette magique en suppléant à ses yeux. Il était fils d’Evère et de la nymphe Chariclo, et contemporain de Samuel.
On attribue encore à d’autres causes sa cécité accidentelle : les uns disent que ce fut pour avoir vu Minerve sortant du bain avec Chariclo, nymphe et favorite de la déesse ; les autres, que ce fut pour l’empêcher de voir dans l’avenir, et de révéler aux mortels ce que les Dieux désiraient leur cacher. Cependant quoiqu’il fût privé de la vue, il comprenait les oiseaux par leur chant, les animaux divers par leurs cris. Tirésias était donc un savant pour lequel les yeux du corps étaient censés ne pas être indispensables pour se conduire avec sagesse au milieu des ignorans de son époque.
Quant à Sidée, femme d’Orion, son extrême beauté avait naturellement excité la jalousie de Junon : elle la précipita simplement aux enfers. La punition de Cassiopée, femme de Céphée, roi d’Ethiopie, et mère d’Andromède, ne fut pas la même. Cette reine, trop fière de sa beauté ou de celle de sa fille, ayant osé la préférer à celle de Junon, disent les uns, et à celle des Néréides, disent les autres, eut son orgueil puni par une inondation qui ravagea tout son empire ; elle-même ne put la faire cesser qu’en exposant {p. 60}Andromède, sa fille, à la fureur d’un monstre marin, tué, comme nous le verrons plus tard, par le courageux Persée, qui, après s’être marié à la belle qu’il venait de délivrer, obtint de Jupiter, son père, que Cassiopée serait placée dans le ciel, et mise au rang des astres : c’est la constellation boréale composée de soixante étoiles, et appelée aussi le Trône ou la Chaise, parce que les poètes, pour se moquer de son orgueilleuse prétention à la beauté, lui avaient, tout en la plaçant dans le ciel, donné par dérision, pour trône, une simple chaise.
Les Proetides, appelées Lysippe, Iphinoé, ou Iphione, ou Hippodoé et Iphianasse ou Lysianasse, ou Idotée et Euryale étaient filles du roi d’Argos Prœtus, frère d’Acrisius, époux de Sténobée, et père d’un fils appelé Mégapenthe. On dit qu’ayant méprisé le culte de Bacchus, dieu du vin, ou, qu’ayant osé se trouver plus belles que Junon, dont elles dépouillèrent la statue de ses riches vêtemens, elles furent tout à coup saisies d’un accès de démence, se crurent métamorphosées en vaches, et pensant qu’on voulait les atteler à la charrue, elles se mirent à courir l’Argolide en poursuivant tous les passants comme pour les percer de leurs cornes. Leur frère Mégapenthe, désolé de ce dévergondage, dont le vrai sens, d’après quelques auteurs, doit être considéré comme une prostitution délirante, pria le devin Mélampe de les guérir ; mais celui-ci ayant exigé le tiers du royaume, et Mégapenthe ayant refusé, une des Prœtides vint à mourir ; alors celui-ci doubla sa demande, et l’obtint, avec la main d’Iphianasse, qu’il guérit ainsi que sa sœur en leur donnant, dit-on, de l’ellébore.
Anaxibie était fille de Bias, roi d’Argos, fils d’Amithaon et d’Idoménée, frère de Mélampe, et cousin germain de Jason. Ce Bias ayant épousé Péro, fille de Nélée, en eut d’abord Thalaüs. Anaxibie eut aussi l’imprudence de se croire plus belle que Junon. Celle-ci, pour se venger, lui fit épouser Pélias, fils de la nymphe Tyro et de Neptune, ou du moins de l’un de ses prêtres. Ce Pélias, après avoir usurpé le royame d’Olchos sur Eson, son frère utérin, rendit sa propre femme très-malheureuse, la fit même périr, ainsi qu’Eson, et laissa le trône, après un très-long règne, à son fils Acaste, et, par suite de cette haine de Junon, toute la race des Péliades, ou descendans de Pélias, eut à souffrir une assez longue série de malheurs.
Antigone fille de Laomédon, descendant de Tros, fut changée en cigogne par Junon.
Pygas, reine des Pigmées, nation fabuleuse de nains de la Thrace ou d’Éthiopie, fut changée en grue pour avoir osé comparer sa beauté à celle de Junon.
Quant aux Priamides, l’origine de leur affliction, pour ainsi dire perpétuelle, venait de ce qu’un berger appelé Pâris, fils de Priam, roi de Troie, n’avait pas voulu trouver Junon plus belle que Vénus et Minerve. Mais en parlant de la guerre et de la destruction de cette malheureuse ville de Troie, accablée par le ressentiment de l’épouse de Jupiter, nous donnerons de longs détails sur cette aventure.
Junon luttait souvent contre Jupiter même. Elle fut un jour, comme on l’a vu, jusqu’à conspirer contre lui avec Neptune, Minerve ou Apollon, conspiration que la vue seule de Briarée aux côtés du maître des Dieux fit de suite évanouir. A la fin, Jupiter, irrité de ce caractère acariâtre de son auguste épouse, ne se contente plus de faire échouer ses projets, il veut la punir, et {p. 61}pour cela il la fait attacher par le pied à une chaîne de cuivre ou d’or, et la suspend avec une enclume entre le ciel et la terre ; il était même si furieux, que Vulcain ayant voulu délivrer sa mère, fut culbuté d’un coup de pied. Cependant Jupiter finit par la détacher quelque temps après, sur la demande générale des Dieux.
Junon se faisait toujours suivre de quatorze nymphes, connues sous le nom générique d’Hérésides, dont la plus belle d’après Virgile était Déiopée : elles étaient chargées spécialement de préparer le bain et la toilette de la déesse.
Junon, la grande déesse de Carthage, fut successivement adorée chez les Grecs et les Romains. Ces derniers étaient persuadés qu’elle poursuivait en eux les descendans du berger Pâris, que nous verrons préférer la beauté de Vénus à la sienne, et les sacrifices les plus grands ne leur coûtaient pas afin de l’adoucir.
Junon fut considérée, sous la plupart des divers noms que l’on connaît, comme la grande divinité matrimoniale, présidant à la solennité nuptiale, et sanctifiant surtout l’acte du mariage. Mais elle se fit encore remarquer comme divinité accoucheuse. Elle exerçait donc plusieurs degrés de puissance. Aussi les femmes de toutes les classes avaient leur Junon spéciale, présidant à leurs joyaux, à leur toilette, à leur coiffure ; cependant la grande Junon, le type de toutes les autres, présidait à la conservation des richesses et des royaumes de l’État. Les courtisanes seules n’avaient pas leur Junon, car elles étaient pour cette déesse un objet de haine si implacable que, pour éviter d’encourir sa colère, Numa avait défendu à ce genre de femmes de paraître jamais dans les temples de l’auguste épouse de Jupiter.
Junon, en passant chez les modernes, est devenue simplement la sixième planète du système de Copernic, et n’a plus rien conservé de divin. On sait que cette planète de second ordre, appelée souvent aussi Hercule, fut découverte en 1804 par Harding. Elle fait son mouvement de révolution annuelle en 1,591 jours, et sa distance du soleil est d’environ 92,051,500 lieues. Chez les anciens, elle tenait déjà au système astronomique ; car, faisant partie des douze grands Dieux, elle présidait au signe du Verseau, d’où l’on a conclu que la Junon égyptienne pouvait fort bien avoir été la même que l’Astarté des Syriens.
On présume, et tout porte à le croire, que ce fut en Arcadie que le culte de Junon prit naissance ; car chez les peuples de cette contrée, l’idée du mariage fut de bonne heure unie à celle de stabilité, d’agriculture et de ménage. On dit qu’une jeune fille de Piras ou Piranthe, appelée Callithéa ou vulgairement Io-Callithye, fut la première prêtresse de Héra, dans un temple entre Argos et Mycène, d’où vint le nom de Junon Argiva. A cette prêtresse à laquelle on attribue l’invention des chars, on en vit succéder plusieurs autres, parmi lesquelles on trouve le nom de Calybé. Ces prêtresses, appelées encore Hérésides à Argos, étaient au nombre de deux, une mère et une sœur. Le temps de leur sacerdoce avait cela d’important, à Argos, qu’il servait à y compter les années. Mais ce culte ne resta pas seulement dans l’Europe, il pénétra promptement en Asie, dans la Syrie et jusqu’en Égypte. Les fêtes de Junon ou Hérées se faisaient remarquer par la lutte de cuivre, dans laquelle il fallait que l’athlète combattant défit un bouclier couvert de lames d’airain.
Mais Junon jouissait, à Rome surtout, d’un culte très-sérieux : on y célébrait, {p. 62}sous un figuier sauvage, le 7 juillet, les Nones Caprotines, ou fêtes annuelles dans lesquelles étaient admises les servantes, et voici pourquoi : les Romains, après le départ des Gaulois, pressés par les peuples voisins, ayant à leur tête le dictateur fidenate Lucius, et forcés de leur livrer leurs filles et leurs femmes, profitèrent de l’offre des esclaves qui proposèrent par l’une d’elles, appelée Philotis, de se rendre au camp ennemi en place de leurs maîtresses, ce qu’elles firent ; et là, elles enivrèrent les confédérés de vin et d’amour, puis, du haut d’un figuier sauvage, donnèrent le signal de l’instant du combat aux Romains, qui, aussitôt, taillèrent l’ennemi en pièces.
Dans plusieurs autres villes où l’on célébrait des fêtes en l’honneur de Junon, comme, par exemple, à Argos, on faisait des sacrifices d’hécatombes, c’est-à-dire de cent taureaux ; mais habituellement on lui immolait des brebis et une truie le premier jour de chaque mois. Jamais on ne lui sacrifiait de vaches, parce que lors de la guerre des Géans ou de Typhoé contre les Dieux, elle s’était enfuie en Égypte sous la figure d’une génisse.
Les autres fêtes les plus remarquables consacrées à Junon se nommaient les Callistées, dans lesquelles les femmes de Lesbos, des Parrhasiens, et les hommes chez les Éléens, se disputaient le prix de la beauté ; les Épidémies chez les Milésiens avaient pour but de rendre la déesse favorable au peuple ; les Fébruales instituées par Numa avaient lieu en février, afin de purifier la ville et ses habitans ; les Gamelies à Athènes, se célébraient dans le mois de janvier, qui de là reçut le nom de Gamélion ; elles revenaient aux anniversaires des naissances, du mariage, de la mort ; les Hératélées étaient le sacrifice des cheveux de la mariée le jour des noces ; les Junonies étaient à Rome les Hérées des Grecs ; les Lysandries étaient les anciennes fêtes de Junon auxquelles les Samiens donnèrent le nom de Lysandre après la victoire d’Ægo-Potamos.
Junon paraît avoir été la déesse primordiale de l’Argolide ; puis les Crétois, les Phrygiens, les Égyptiens et les Carthaginois, y ajoutèrent quelques traits caractéristiques. Aussi, lors de l’importation de Jupiter, de Saturne, de Cybèle et de Rhée dans la Grèce, où déjà se trouvait Junon, les prêtres se mirent à les unir ensemble, et à en faire des pères, des mères, des enfans, des frères et des sœurs ; plus tard, les poètes en adoucirent les légendes, en firent disparaître les plus grossières absurdités, et les soumirent, pour ainsi dire, à un lien chronologique. Junon était habituellement représentée sur un trône, ayant un fuseau ou une grenade dans une main, et dans l’autre un sceptre surmonté d’un coucou, ayant sur la tête une couronne radiale ou un diadême dit Sphendonê, et le reste de la tête couvert d’un voile ; de plus, on voyait un paon, son oiseau favori, faisant la roue à ses pieds, et les Graces ainsi que les Heures devant elle. Quelquefois aussi elle était assise sur un char traîné par deux paons, avait la tête couronnée de lys et de roses, et avait toujours le sceptre à la main.
On consacrait à Junon une brebis ou une truie pleine, l’épervier, l’oison, le paon, le vautour, le dictame, le pavot, la grenade et le lys dont la blancheur est due à une goutte de lait, tombée du sein de cette déesse, sur la terre. Quoique pour mieux l’honorer, les Romains donnassent le nom de Reine ou Matrone à Junon, quoique la ville de Carthage fût censée posséder le char de cette déesse, la plus célèbre était {p. 63}celle d’Argos dont la statue colossale était d’or et d’ivoire, et assise sur un trône. Les fleurs qui la couronnaient venaient des bords du fleuve Artarion, et l’eau servant dans les sacrifices qu’on lui offrait, était toujours puisée à la fontaine voisine d’Éleuthérie. Un jour, Cléobis et Biton, fils de Cydippe, prêtresse de cette Junon d’Argos, n’ayant pas trouvé de bœufs pour conduire le char de leur mère au temple, les remplacèrent ; ils furent récompensés de leur piété par la déesse, à la demande de Cydippe, en étant pris dans le temple même, d’un sommeil éternel.
Une foule d’allégories se groupent autour du nom de l’épouse de Jupiter. Emblème de l’orgueil habituel des prudes, il indique qu’elles ne savent jamais pardonner les faiblesses des autres pour mieux cacher les leurs. La croyance où l’on était à Argos que le mariage de Jupiter et de Junon avait été célébré sur le mont Tornax, en Argolide, semble indiquer avec certitude que la monogamie, à l’époque où Junon y était en honneur, n’était point encore admise chez les Grecs. Quant aux brouilleries de Jupiter et de sa femme, elles représentent le tableau de tous les mauvais ménages.
Voulant éviter de renvoyer à la fin de l’histoire de Jupiter pour trouver les enfans que Junon eut de son auguste époux ou de sa propre volonté, seule ou sans mari connu, nous dirons de suite ici, quels furent ceux qui lui durent le jour. D'abord on le sait, son imprudente confiance en Saturne, lui fit produire Typhoé, et son jaloux orgueil fit surgir de la terre le dieu Mars. Cependant quelques mythologues font honneur à Vulcain de cette merveilleuse apparition ; néanmoins habituellement on donne ce Vulcain et sa sœur aînée, la belle Hébé, comme les seuls enfans nés de l’alliance de Junon avec Jupiter ; d’un autre côté, on y ajoute souvent Argé et la jeune Angelo ; quant à Ilithye et Lucine, que l’on veut faire naître de Junon, c’est une erreur : car c’est bien comme Junon elle-même qu’il faut les considérer, et nullement comme ses enfans.
Argé, n’offrant rien d’intéressant, Typhoé étant connu, Angelo ne s’étant fait remarquer que par son amitié pour Europe, en faveur de laquelle elle déroba le fard de Junon, nous ne nous arrêterons pas sur ce qui les concerne.
Hebé, au moins à cause de sa beauté proverbiale, mérite de notre part un peu plus d’égards. Cette déesse n’était autre chose que la personnification de la jeunesse. Elle était chargée du soin de verser aux Dieux le nectar et l’ambrosie. Mais un jour, ayant dans l’exercice de ses fonctions fait une chute qui dérida jusqu’au maître des dieux, celui-ci la laissa au service de Junon seulement et la remplaça par Ganymède qu’il enleva aux cieux. C'était elle qui était chargée alors de préparer le char de Junon. Elle épousa Hercule quand il fut divinisé, elle en eut deux enfans Alexiarès et Anicète. On la représente brillante de jeunesse, couronnée de fleurs, ravissante de graces et de finesse, caressant l’aigle de Jupiter, ou tenant une coupe d’or à la main et versant le nectar aux Dieux. Elle avait un temple à Sicyone, sous le nom de Dia ; à Rome, sous celui de Juventus. On avait institué en son honneur des fêtes où les jeunes gens ne portaient que des couronnes de lierrre.
Vulcain, appelé aussi Opas, Aphatas ou Aphthas en Egypte, Hephestos en Grèce, et Vulcanus à Rome, portait les surnoms suivans : Amphigyeis ou boitant des deux jambes ; Chalcipus, ou au pied d’airain, Clytotechnès, ou l’habile artiste, {p. 64}Cyllopode ou au pied boiteux, Etnœus, ou du mont Etna, Flammipotens, ou maître des flammes, Hepheste ou prêt à brûler, Ignigena, ou né du feu, Ignipotens, ou maître du feu, Junonigena, ou fils de Junon, Lemnicola et Lemnius, ou de Lemnos, Liparœus, ou de Lipari, Opifex trisuli fulminis deus, ou le dieu forgeron des foudres, Pamphanès, ou tout resplendissant, Pandanator, ou domptant tout, Tardipes, ou le tardif boiteux.
Vulcain, frère de la jeune Hébé, était le Dieu du feu, Cicéron en compte quatre ; savoir : l’un fils d’Uranus et père d’Apollon, qu’il eut de la sage Minerve ; l’autre, fils du Nil, était le Phthias des Egyptiens, un troisième était le fils de Jupiter et de Junon, et s’était fixé dans l’île de Lemnos ; le quatrième, fils de Ménalius, avait ses forges à Lipari. Les Grecs les confondirent probablement tous sous un même nom, et leur rendirent honneur en adorant le troisième.
Il était si laid que Junon, honteuse de lui avoir donné le jour, le précipita, d’un coup de pied, du ciel dans la mer ; cependant on attribue ce coup de pied brutal à Jupiter, qui, voyant Vulcain chercher à délivrer Junon de la punition qu’il lui avait imposée, fit sentir ainsi son courroux à son fils. Celui-ci, après avoir roulé pendant neuf jours dans l’espace, tomba dans l’île de Lemnos, près celles appelées Lipari, Eoliennes, Ephestiades ou Vulcaniennes. Sa chute lui fracassa une jambe dont il resta toujours boiteux. Il se retira à Lemnos où il s’occupa à fabriquer des colliers, des bagues, des bracelets, des armes, des ouvrages en fonte. C'est lui qui forgeait les foudres de Jupiter, il lui fit aussi un trône d’or, ainsi qu’à son épouse ; il avait pratiqué dans ce trône des ressorts secrets pour se venger de sa mère, qui s’y laissa prendre ; elle ne put même être délivrée que par Vulcain enivré par Bacchus : alors il oublia sa haine pour Junon, et vint rompre ses chaînes. Il fabriqua aussi les armes d’Achille, d’Énée et le sceptre d’Agamemnon ; il bâtit dans l’Olympe un palais d’acier, de cuivre et de vermeil, dont les voûtes étaient resplendissantes et les murs polis comme une glace ; chacun des Dieux y avait son appartement. Il construisit encore le palais du Soleil, fabriqua la couronne d’Ariane et le collier d’Hermione, si fatals à ceux qui les portaient. Il épousa Vénus, mais elle ne tarda pas à le trahir pour Mars. Apollon l’en avertit, aussitôt Vulcain fabrique un réseau imperceptible, y prend les deux amans, et fait la sottise d’appeler tous les dieux pour les rendre témoins des infidélités de son épouse. Il vainquit Clytius à l’aide d’une barre de fer rouge, lui ou Mercure cloua Prométhée sur le Causase, il fit sortir Minerve armée, du cerveau de Jupiter en lui fendant la tête. Après avoir été précipité du ciel, il resta long-temps au fond de ses foyers, sans vouloir remonter vers les Dieux. Cependant un jour Bacchus lui fit boire quelques coupes de vin, et lui fit oublier le serment qu’il avait fait de ne plus remettre les pieds dans l’Olympe. On dit qu’il chercha inutilement à devenir l’époux ou l’amant de Minerve.
Vulcain était particulièrement honoré en Grèce et à Memphis, ses fêtes s’appelaient Céramicies à Athènes, ou Héphestiennes ; pendant ces fêtes, trois jeunes garçons disputaient le prix à qui courrait le plus fort en conservant une torche allumée ; à Rome on célébrait en son honneur au mois d’août, les Vulcanales. Cette fête durait huit jours, durant lesquels on allumait des feux où l’on jetait les animaux que l’on trouvait ; on célébrait aussi à Rome des Céramices. Romulus lui avait bâti un {p. 65}temple hors la ville de Rome, il lui dédia ensuite un char attelé de quatre chevaux, et fit célébrer en son honneur les Lustria dont le feu servait à la cérémonie des Lustrations, plus tard on lui éleva un temple dans la ville même, à la demande des Augures.
Le lion était consacré à Vulcain, qui présidait en outre au mois de septembre, et les chiens gardaient ses temples, dont l’un des prêtres les plus connus fut Darès, qui desservait aussi, disait-on, le culte de Neptune. On représentait Vulcain entouré de fourneaux, les bras nus et nerveux, le menton barbu, les cheveux négligés, portant un bonnet rond et pointu, forgeant les foudres et ayant un aigle à ses côtés, ou tenant un marteau de la main droite, et des tenailles de la gauche. On le représentait aussi brûlant le géant Clytius, ouvrant la tête de Jupiter d’un coup de marteau, enchaînant Prométhée sur le Causase, surprenant Vénus et Mars, forgeant les armes soit d’Achille, soit d’Énée, assistant aux noces de Pélée et de Thétis.
Quoique les aventures amoureuses de Vulcain soient peu nombreuses, on dit cependant qu’il eut pour femme, d’abord Vénus, la déesse de la beauté, et pour maîtresses, Aglaé ou Charis, l’une des Graces, Pienesta, Cabira, la mère des Cabires, et même on dit qu’il obtint les faveurs de la sévère Minerve ; puis il eut pour enfans, sans compter Pandore, son chef-d’œuvre : Acus, Ardulus, Brothé, Ethiops et Morgion, Olenus de la belle Aglaé, l’une des Graces ; Cacaüs ou Cacus, mari et frère de la titanide Phébé, et Caca, d’une belle inconnue ; Cœculus de Préneste, devenue enceinte par suite d’une étincelle qui vola de la forge dans son sein : ce Cæculus était un brigand dont les yeux brûlés par les flammes avaient été considérablement rapetissés ; Camilus, Eurymédon, Alcon et les Cabirides, de la nymphe Cabira ; Cercyon et Corynète, de mère inconnue ; Cupidon, de la belle et brillante Vénus sa femme ; Erichthonius de la sage Minerve, ou d’Attis fille de Cranaüs ; Palémon que l’on croit aussi fils d’Etolus, ou Palemonius dont le père, disait-on encore, était Pernus ; Ceriphele, d’Auticlé ; Philoctus, Phlégyas ; Servius-Tullius, d’Ocrisia ; Thélie et tous les habiles métallurgistes, tels qu’Albion, Stérope et autres.
Généralement, ses enfans avaient des mœurs un peu rudes, et plusieurs étaient même de véritables brigands de premier ordre. Cependant Ardalus passe pour avoir inventé la flûte, d’où vient aux muses le surnom d’Ardalides. Brothée que l’on donne aussi pour fils de Vulcain et de Minerve, était d’une si grande difformité que se voyant la fable de tout le monde, il se jeta de désespoir dans le cratère de l’Etna. Ethiops, donna son nom à l’Ethiopie dont les habitans de couleur noire sont caractérisés par cette désignation. Morgion n’offre rien de remarquable ; Cœculus semble une personnification de la salamandre, qu’on croyait pouvoir rester dans le feu sans se consumer. Nous n’avons rien à dire sur Palémon, et Palémonius, sur Philoctus, Phlégyas et Servius-Tullius ; quant à Cacus, Cercyon, Periclète, Cupidon, Erichthonius, on les retrouvera quand nous parlerons d’Hercule, de Thésée, de Vénus et de Minerve. Mais il nous reste à parler des Cabires, ce qui sera très-court, car il règne la plus profonde obscurité sur leur histoire. C'étaient de grandes et mystérieuses divinités, dont le nom signifiait Puissance, et que l’on adorant dans les îles de Samothrace, d’Imbros, de Lemnos et de Tharcos. A ces {p. 66}Cabires on rattachait Anax, fils du Ciel et de la Terre, et Actyle, fils de Zethès et de Philomèle, tué au retour de la chasse par celle-ci, pour avoir aidé Eon. Les uns font des Cabires les trois puissances de l’Enfer, Pluton, Proserpine et Mercure ; les autres les donnent comme les représentans de Jupiter et de Bacchus ; quelques uns les croyant plus nombreux, leur font représenter une plus grande quantité de personnages : alors, ils donnent pour Cabires, Axieros de Samothrace ou Pluton, Axiocersa ou Proserpine, ou Vénus, Axiocersus ou Cérès, Carmibus ou Hécate. Ces Cabires généralement étaient surtout rapprochés des Dactyles Idéens dont nous avons déjà dit quelques mots en parlant des Curètes et des Corybantes ; ces Dactyles Idéens, nés du Soleil et de Minerve, ou de Saturne et d’Alciope, et habitans du mont Ida, étaient au nombre de cinq ou de dix, comme semblent le signifier leurs noms ; ils passaient pour inventeurs du feu, et pour des espèces de magiciens métallurgiques, voués au culte d’Uranus et de la Terre. Les noms de ces dieux métallurgiques de la Crète et de la Troade sont arrivés en petit nombre jusqu’à nous. Ainsi l’on connaît particulièrement : Acmon, originaire de la Scythie, Acécidas ou Idas, Celme ou Celmis, passant aussi pour un Curète, nourricier de Jupiter, que ce dieu transforma en diamant, pour le punir d’avoir eu l’indiscrétion de publier qu’il était mortel. Les autres Dactyles idéens remarquables sont : Cyllène, fils d’Anchalie, Damnaménée, Epimède, Salamine, et Tithie, fils aussi d’Anchalie ; parmi leurs descendans, on citait Climène, fils de Cerdis.
Quant aux Telchines, autres divinités métallurgiques dont Telchin, l’un d’entre eux, fut roi de Sicyone, ils passaient pour enfans du Soleil ; aussi les retrouvera-t-on parmi les fils d’Apollon. Les Cabires, au contraire, semblaient de vrais dieux pénates que l’on invoquait dans les infortunes domestiques, ou pendant les tempêtes et les cérémonies funèbres. Leur culte mystérieux dont l’origine est égyptienne, et date de l’an 1850 avant J.-C., passa successivement dans le Péloponèse, chez les Athéniens, les Thébains, les Samothraces, puis fut importé en Italie par Énée. Les fêtes de ces dieux particuliers se célébraient la nuit et s’appelaient Cabiries ; l’initié, ceint d’une écharpe pourpre, et couronné d’olivier, était assis sur un trône resplendissant de lumière, autour duquel des prêtres et les autres initiés faisaient des danses symboliques afin de compléter le Tronismos ou intronisation.
Maintenant, arrivons enfin aux compagnons de Vulcain, aux ouvriers habiles qu’il faisait travailler dans ses forges, aux Cyclopes, dont le nombre s’élevait à plus de cent. Nous connaissons déjà Argès, Brontès, Harpès, Stéropes ou l’Eclair, Acamas, Briarée, Cédalion, Céraste, Géreste, Polyphême et Pyracmon ; nous y ajouterons surtout Télème, fils d’Euryme, l’un des compagnons habituels de Vulcain ; parmi leurs descendans, on trouve Atreneste, fils d’Argès et de Phrygie. Nous les verrons fabriquer avec les métaux les plus beaux ouvrages, pour remercier Jupiter de la liberté qu’il leur avait rendue : ainsi dirigés par Vulcain, ils forgèrent les foudres, le trident et le casque d’invisibilité. Leurs fourneaux étaient dans l’île de Lemnos ; mais en outre, ils en avaient aussi dans la Sicile sous les ordres du même dieu. Les Cyclopes tombèrent percés par Apollon qui vengea sur eux la mort de son fils Esculape que le maître des dieux avait foudroyé. On représente les {p. 67}Cyclopes comme des géans ayant un œil tout rond au milieu du front. Les poètes les ont peints comme des hommes féroces et antropophages, aussi, en parlant d’Ulysse nous rapporterons l’accident que cette férocité attira à Polyphème l’un de leurs chefs. On rattache à Vulcain Glaucos de Chio, inventeur de l’art de souder le fer, et Pyrodos, fils de Clias, qui le premier fit sortir du feu des caillous.
[n.p.][n.p.]Arès ou Mars, le dieu de la guerre des Grecs et des Romains, portait les différens noms et surnoms suivans : Adamus ou l’invincible, Aimocharès ou aimant le sang, Agomius ou président aux spectacles, Alloprosados ou le favori volage, Areus ou Areius, ou le receveur de prières, Anergen, tauride, Aphné ou le subit, Aziz à Edesse, Bellator et Bellipotens ou le maître de la guerre, Bicrota, Birême, Bisultor ou le deux fois vengeur, Britovius, Camule chez les Sabins, Cœcus ou l’aveugle, Comminus ou combattant de près, Corythaix ou agitant son casque, Curinus et Curis ou Mars à la lance des Sabins, Enyalos ou Bellone, Equestine et Hippius ou le cavalier, Gravidius ou marchant à grands pas ; Gynécothoüs chez les Tégénates, Haziz en Syrie, Hoplophore ou portant des armes, Mamens ou Mamertus des Volsques et des Sabins, Mavors ou le producteur de grands changemens, Necys ou le dieu de la mort en Ibérie, et en Grèce le guerrier à bouclier, lance et égide, Pylotis ou des portes, ou des portes des faubourgs, parce que l’image de Minerve était au contraire, au-dessus des portes des villes, Quirinus ou du mont Quirinin, chez les Sabins, Munotor ou le perceur de bouclier, Salis ubsolus à cause des danses guerrières des Saliens, Silvanus ou Sylvestris ou le conservateur des biens ruraux, Théritas, et Thourios, ou Thurius, ou l’impétueux au combat, en Colchide, Turax chez les Etrusques, Ultor, Vengeur, Victor ou le Victorieux, comme on en voit des tableaux au musée, n° 131 et 134, Villicus ou l’étranger à Jupiter.
Mars ou Arès, est un dieu cosmopolite, réunissant dans un seul personnage les faits de plusieurs. Le premier est le même que Bélus ancien roi de Babylone, auquel on attribue l’invention des armes et l’art de ranger les troupes en bataille ; le second était Nemrod, roi d’Egypte, le troisième, Odin roi des Thraces ou le Mars hyperboréen, le quatrième est le Mars Grec, le cinquième est le Mars des Latins, ou Amulius roi d’Albe, frère de Numitor, et père de Romulus et de Rémus, enfin, Mars répond à l’Esus des gaulois, à l’Épée des Scythes, à l’Orion des Perses et à l’Azizus des habitans d’Edesse. Mais le Mars le plus célèbre est toujours Arès ou celui des Grecs, c’était le Dieu de la guerre, il, était suivant les historiens grecs, fils de Jupiter et de Junon, mais les poètes latins, nous le savons, disent que Junon voulant comme Jupiter avoir la gloire de mettre au monde un enfant sans la participation d’un amant ni de son époux, alla toucher une fleur des champs d’Olène, et que cet acte suffit pour donner le jour à ce dieu terrible. Junon confia à Priape l’un des Titans ou des Dactyles-Idéens le soin d’élever son fils. Ce fut lui qui lui apprit l’art de la guerre, en lui enseignant les danses furieuses et sanguinaires des Corybantes. Cependant on lui donne aussi Théro pour mère ou nourrice. Dans la guerre des Géans Mars se distingua et aida Jupiter à tuer Pélor et Mimas. Plus tard, il combattit contre les deux Aloïdes, mais ceux-ci le vainquirent et le chargèrent de chaînes dont il ne fut délivré que par l’adresse de Mercure. Il tua Halirothius, {p. 68}fils de Neptune, pour avoir violé Alcipe sa fille, qu’il avait eue d’Aglaure, fille de Cécrops ; mais Neptune, l’an 1532 avant J.-C., fit citer Mars devant le conseil des dieux, et l’assemblée tenue à Athènes sous Cranaüs l’acquitta. D'où vint depuis l’établissement de l’Aréopage ; du reste, Mars, dans la plupart de ses expéditions, fut assez malheureux ; ainsi à Troie, après avoir tué sous la figure du troyen Acamaïs un grand nombre de héros grecs pour venger la mort d’Ascaphale, immolé par Déiphobe, il fut grièvement blessé en combattant contre le vaillant Diomède, dont Minerve dirigeait les coups. Mars ne fut guéri que par les soins d’Hébé et de Péon. Au ciel il se trouva pris avec Vénus dans les réseaux invisibles tendus par Vulcain son époux.
On lui donne pour femme ou maîtresses : Aglaure, fille de Cécrops, Athès, Androcide ou Androndice, ou Démonice, fille d’Agénor, Astiochée, Atalante, Bistonis, Callirhoé, Céléno, Chrysé, Critobule, Cyrène, Datis, Erope, Fabidius, ou Fidius, Harpinne, fille d’Asope, Nérine ou Nérienne, ou la douceur, Otrère, Parnassa, Pélopie, fille de Thyeste, Péribée, fille d’Hipponoos, Philonomé, fille de Nyctime et d’Arcadie, Pisidice, Pronoé la Néréide, Protogénie, fille de Calydon et d’Etolie, Pyrène, fille d’Achilaüs ou d’Æbalus et d’Asope, Réa-Silvia, Séta, sœur du Thrace Rhésus, Stérope ou Astérope, fille d’Atlas, Tébée, fille d’Asope, Telphusse, Térène, fille de Strymon, Théogène, Thrace, Thrittia, fille de Triton et nourrice ou prêtresse de Minerve et Vénus.
On sait peu de choses sur ces diverses maîtresses de Mars : il surprit Astyochée, fille d’Actor, dans le palais de son père ; Erope, fille de Céphé, s’étant éprise de Mars, et étant morte dans l’enfantement, eut encore assez de lait pour nourrir son fils, qui fut d’après ce phénomène appelé Aphénus ; Nérienne était particulièrement femme du Mamers des Sabins ; Philonomé était une fille de Nyctime et d’Arcadie, elle suivait Diane à la chasse, et se laissa aimer de Mars dont elle eut deux enfans. Quant à Vénus, nous la retrouverons dans quelques pages.
Mars eut de ses diverses maîtresse : Achiroé sa petite fille, mère de Pallénée et de Rhétée ; Alcipe, d’Aglaure, elle devint une des maîtresses de Neptune, elle fut enlevée par Halyrothius, fils de Neptune ; mais le dieu de la guerre ayant puni de mort ce jeune audacieux, fut alors seulement traduit devant le grand conseil des douze Dieux qui, dit-on, se tint près d’Athènes, dans une localité à laquelle on donna ensuite le nom d’Aréopage ou champ de Mars. Aphneusou Eropus, fils d’Érope, reçut le premier nom parce que sa mère étant morte dans les douleurs de l’enfantement, lui fournit encore, comme on l’a vu, assez de lait pour le nourrir ; il fut père d’Ephème. Alcon ; Almeus fit partie des Argonautes ; Ascalaphe fut un des deux chefs qui conduisirent au siège de Troie les Béotiens d’Orchomème sur trente vaisseaux, et qui succomba sous les coups de Déiphobe. Bisthon ou Bithyne, ou Bisthis, fils de Callirhoé, bâtit une ville de son nom dans la Thrace. Calydon, fils d’OEtole et de Pronoé, et mieux de Mars et de cette Néreïde ; Chalibe donna son nom aux Chalibes. Cycnus, fils de Pyrène, combattit contre Hercule, monté sur le cheval Arion, il fut vaincu, et sa mort courrouça tellement son père, qu’il voulut se battre avec le vainqueur ; mais Jupiter s’y opposa. — Cycnus ou Cygnus, fils de la nymphe Eléobuline ou Pélopie, fut un autre enfant de Mars, {p. 69}auquel il avait fait le vœu d’élever un temple avec les crânes des étrangers qu’il tuerait ; Hercule y mit obstacle et le tua comme le précédent. Diomède, fils de Cyrène et roi de Thrace, avait des chevaux furieux qui vomissaient le feu par la bouche. Il les nourrissait de chair humaine et leur donnait à dévorer les étrangers qui avaient eu le malheur d’être faits prisonniers. Nous verrons Hercule encore en débarrasser le pays : nous ignorons si Abdèra sa sœur avait également Mars pour père. Erope et mieux OErope, était fils de Mars et d’Erope, et père d’Ephème. Évanné passe aussi pour fille d’Iphis et de Thébée ; elle fut insensible aux efforts d’Apollon, et épousa Capané dont la mort lui fut si pénible qu’elle se retira d’Argos à Eleusine. Évannès, fils de mère inconnue ; Évènus, fils de Stérope, fut roi d’Étolie, Harmonia ou Hermione, fille de Vénus, était plutôt, suivant Diodore de Sicile, une des Atlantides fille de Jupiter et d’Electre et femme de Cadmus. On prétend que tous les dieux, excepté Junon, lui firent des présens lors de ses noces ; malheureusement Vulcain voulut également faire son cadeau, et pour se venger de l’infidélité de Vénus, il donna à sa fille Harmonia un habit teint de tous les crimes : aussi tous ses enfans furent-ils des scélérats, comme on le verra en parlant de Cadmus. Pourtant elle n’avait que Polydore pour fils, et pour filles, Ino, Agavé, Autonoé et Sémélé, Hipérios, Hyperbios, fut le premier, dit-on, qui tua des animaux.
Hippolyte, fille d’Othréra, fut reine des Amazones, et nous la verrons vaincue par Hercule, ainsi que ses sœurs Lampéto et Marthésie. Ialmène, fils d’Astyoché, et frère d’Ascalaphe, commandait avec lui les Béotiens d’Orchomène au siége de Troie ; Ismarus, fils de Thracé, donna son nom au mont Ismarus, renommé du temps d’Ulysse pour son bon vin ; Ixion, fils de Pisidice ; une Léodicé ; Lycaste, fils de Philonomé ; Lycus ; Médius, ou Modius, ou Fabidius, ou Fidius, fils d’une jeune fille de Réate, chez les Sabins, fonda la ville de Cures. OEnomaus, fils d’Harpine ou de Stérope : il fut roi de Pise, et père de la fameuse Hippodamie, femme de Pélops. Cet OEnomaüs était encore père d’un Alcippe. Ménalippe ou Mélanippe, fils de Thritta ; les Moles, déesses des meuniers, que l’on croyait filles de Mars, parce que l’on supposait qu’elles écrasaient le blé comme il écrasait les hommes ; Molos, fils de Démonice, fille d’Agenor, célébre par sa beauté et par la manière dont nous verrons s’y prendre Pélops pour obtenir sa main. Oxilus, fils de Protogénie ; Pangeus, fils de Critobule ; Parrhasius, fils de Philonomé ; la Peur, fille symbolique de Mars et de Vénus ; Phlégyas, fils de Chrysé ou de Datis, fut père d’Ixion et de Coronis. Il mit le feu au temple de Delphes, et pour le punir d’avoir ainsi osé braver les Dieux, il fut précipité dans le Tartare pour y voir un rocher suspendu sur sa tête, et le menacer continuellement de sa chute. Un autre Phlégyas était fils également de Mars et de la béotienne Chrysé, fille d’Halme, roi des Scythes. Rémus et Romulus, fils de Rhéa Silvia sont des personnages historiques dont il ne nous appartient pas de parler ici ; Sinope, fils de Parnassa ; Pylos, fils Démonice, fut à la chasse du fameux sanglier de Calydon, que nous rencontrerons plus tard ; Romé, ou la Force, fille symbolique de Mars ; Strymon ; Thérée, fils de Bistonis, et roi de Thrace, vivait vers l’année 1437 avant J.-C. : on supposa qu’il fut changé en épervier, et voici à quel propos : ce Thérée ayant épousé Prognée, fille de Pandion, roi d’Athènes {p. 70}laissa Philomèle sœur de sa femme, venir avec elle, malgré les répugnances que Pandion montrait à se séparer de cette seconde fille. Bientôt Thérée devint amoureux de sa belle-sœur. Aussi, à peine fut-il sur ses états, qu’il congédia les gardes de la princesse, s’arrangea de manière à se trouver seul avec elle, la conduisit alors dans un vieux château et la déshonora. Mais les reproches de sa victime l’ayant irrité, il lui coupa la langue et l’abandonna sous bonne garde prisonnière dans ce même château, puis il revint auprès de Prognée lui dire que sa sœur était morte pendant le trajet. Cependant Philomèle ayant tracé avec une aiguille sur une toile l’attentat de Thérée, fit passer à sa sœur cette tapissier. Aussitôt Prognée dans son désespoir tue son propre fils Itys et profite de la liberté que les femmes avaient pendant une fête de Bacchus pour courir délivrer sa sœur ; alors elles revient avec elle, sert à son mari les membres de son fils, et Philomèle, pour qu’il ne pût douter de cette vengeance, se montre, et jette sur la table à la fin du repas la tête du jeune Itys. Thérée, à cette vue, ne se connaît plus de colère, il demande des armes et veut immoler les deux sœurs ; mais déjà elles avaient monté sur un vaisseau qui était préparé, et rapidement elles arrivèrent à Athènes avant d’avoir pu être rejointes par le roi des Thraces. Pour donner plus de charme à ce fait, Ovide a supposé que Prognée fut métamorphosée en hirondelle, Philomèle en rossignol, Thérée en huppe ou épervier, et Itys en chardonneret, pour montrer que la belle voix de Philomèle ne put fléchir le cruel Thérée, qui ne fut pas assez prompt pour pouvoir rejoindre les deux sœurs une fois échappées. Thespius ou Thestius, fils de Mars ou d’Agénor et d’Andronice, ou Androcide, ou Démonice ; on le disait aussi fils d’Erechthée ; il était roi d’Ætolie ; il se maria à Laophonte, ou Leucippe, ou Deidamia, et fut père de cinquante filles, que nous verrons toutes séduites par Hercule. Thracie, et Thrax, enfans de Nérienne, furent ceux que l’on fait passer pour avoir donné leur nom à la Thrace ; Triballe, fils de Térène ; Tmole, fils de Théogène.
Le culte de Mars fut très-peu honoré en Grèce, puisqu’il n’y avait aucun temple, mais seulement deux ou trois statues, dont une assez renommée à Sparte. C'était à Rome que ce culte brillait de tout son lustre ; à Rome, dont il était le père et le sauveur, il portait le nom de Quirinus, parce que, dans l’origine, le dieu de la guerre n’y était représenté que par un fer de lance. Aussi le grand serment de Romulus était e quirine ! c’est-à-dire, par ma lance !
On sacrifiait à Mars le taureau, le veau, le bélier et le cheval : les chiens lui étaient sacrifiés par les Lariens, les boucs par les Husitaniens, et les ânes par les Scythes et les Saracores. Quelquefois on immolait sur ses autels les prisonniers de guerre.
Les Romains et les Grecs l’honoraient sous le nom de Ares et de Mars.
Numa institua un culte et son honneur ; ses prêtres, tous patriciens, et au nombre de douze, se nommaient Saliens. Voici à quelle occasion eut lieu cette institution : lors d’une peste, un bouclier tombé du ciel ayant fait cesser le fléau, la nymphe Egérie prédit à Numa que l’empire du monde appartiendrait à la ville qui conserverait ce bouclier. Alors il en fit fabriquer, par Veturinus Mamurrius, onze pareils, et il en donna la garde à ces prêtres, dont le chef, appelé Prœsul, marchait toujours à leur tête. Ils faisaient {p. 71}tous les ans une procession autour de Rome, et portaient en sautant et chantant ces boucliers sacrés, puis finissaient la fête par un repas si bien somptueux et délicat, que de là était venu le proverbe : Saliares dapes, ou repas saliens. Ces prêtres étaient habillés d’une tunique de pourpre, brodée d’or, d’une trabée, ou robe, serrée par une ceinture de cuivre, d’un baudrier et d’un bonnet appelé Galerus ; ils étaient armés d’une épée ou d’une pique dans la main droite, et tenaient le bouclier avec la gauche. Pour les aider, ces prêtres avaient les Saliennes, jeunes filles portant l’habit de guerre appelé paludamentum. Plus tard, Tullus Hostilius doubla le nombre des Saliens en leur donnant les noms d’Agonales et de Collini, puis Tarquin institua les Albani à cause de leur chapelle sur le mont Albani, Antonius Caracalla établit les Antoniani. Après, on vit les Eani, qui tiraient leur nom d’Eanus ou Janus ; les Palatini, qui sacrifiaient sur le mont Palatin, et les Quirinales, sur le mont Quirinal. Aussi Mars avait, comme Jupiter, un Flamine quirinal ou Patricien et de plus les Martiales lacini pour ministres.
Les fêtes de Mars se nommaient les Ancilies ; elles commençaient aux calendes de mars, et duraient trois jours ; elles étaient supposées porter malheur, de sorte que, pendant toute leur durée, l’on ne faisait rien d’important. On connaissait encore les jeux Arréiens, chez les Scythes, les Arréins, chez les Scythes, les Equiries ou courses de chevaux instituées par Romulus, le 26 février ; les Géronthres à Géronthres, en Laconie, qui se célébraient chaque année dans un temple dont l’entrée était interdite aux femmes ; ainsi que les jeux Martiaux, du 1er août, à Rome, où Germanicus, assure-t-on, tua deux cents lions, et les Trictiries ou Trictyes, consacrés à Mars Enyalius, et pendant lesquelles on sacrifiait trois animaux : un cochon, une brebis et un taureau.
Mars partageait avec la déesse de la paix les fêtes que l’on célébrait dans le temple de Janus. Après la bataille de Philippe, Auguste, vainqueur, fit bâtir un temple à Mars Altor. Presque tous les temples élevés au dieu de la guerre étaient hors des villes.
On représente Mars comme un vieillard très-fort, avec ou sans barbe, ayant un corps robuste, une large poitrine, les bras vigoureux, l’air sombre, sévère et menaçant ; il est couvert d’une cuirasse et d’un casque, son bras est chargé d’un large bouclier, et sa main tient, ou une lance, ou une pesante épée : il est vêtu, ou d’un habit militaire ou d’un manteau. Sur les champs de bataille, il est porté sur un char traîné par des chevaux fougueux appelés la Fuite et la Terreur, enfans de Mars et de Vénus, ou d’Erynnis et de Borée. Bellone, sa sœur les conduit, Palior le précède, et Phygale le suit. On voit de beaux tableaux de Mars au musée sous les numéros 88 et 157.
Mais généralement Mars est porté sur un char traîné par ses chevaux fougueux appelés Deimos ou la Terreur et Fuga ou la Fuite, et conduits par Bellone ; il avait en outre pour cortége Pallor ou la Pâleur, et la Peur, auxquelles le roi de Rome Tullus Hostilius, édifia un temple desservi par des prêtres Saliens appelés Palloriens et Pavoriens, qui leur sacrifiaient un chien ou une brebis. Ensuite venaient la Fureur, le Tumulte, ou la Consternation, l’Effroi, ou Formido, Dieux allégoriques, que l’on regardait comme enfans de Mars, de même que la Peur, Timor, ou la Crainte.
{p. 72}Cette Bellone, dont nous venons de parler, portait les noms d’Enyo, chez les Grecs, et de Duellona, primitivement chez les Romains. Souvent on la confond avec Minerve ou Pallas, et on la considère comme sœur ou femme de Mars. C'était elle qui préparait son char quand il partait pour la guerre. Habituellement elle avait les cheveux épars, et tenait un flambeau d’une main et un fouet de l’autre. Quelquefois pourtant elle portait une lance et un bouclier. C'était à Comane, en Cappadoce, et à Rome, qu’on lui rendait le plus d’hommages. Dans cette dernière ville surtout elle avait un temple qui servait à recevoir les ambassadeurs, et qui était desservi par une multitude de prêtres, appelés Bellonaires, dont le chef ou pontife appartenait toujours aux premières familles, et était nommé à vie. Ces prêtres, pour célébrer les fêtes de cette déesse, se faisaient d’abord sérieusement des incisions aux bras ou aux cuisses pour lui offrir leur sang en sacrifice ; mais plus tard ces blessures ne furent plus que simulées. On assure que ce culte, emprunté à celui de la Diane taurique, fut importé de la Scythie dans la Grèce par Oreste et Iphigénie sa sœur.
Maintenant revenons aux nymphes appelées Bérésides, qui marchaient à la suite de Junon ; elles étaient au nombre de quatorze, et la plus belle d’entre elles était Déiopée, que la déesse donna un jour à Eole pour l’engager à faire naître une tempête contre Enée, descendant du berger Pâris, pour lequel elle conservait son ancienne rancune. C'était encore auprès de Junon que se tenait la brillante Iris, sa messagère, afin d’exécuter ses moindres caprices.
Cette belle Iris, sœur d’Arcé, était fille de Thaumas le Titan et de l’Océanide ; Electre portait les surnoms d’Aellopus ou au pied rapide, de Clara dea ou déesse brillante, et de Thaumantia ou fille de Thaumas ; elle était la personnification de l’arc-en-ciel sous la forme duquel Junon l’avait placée, disait-on, pour la récompenser. Elle avait, chez les anciens, une couleur particulière, que les temps postérieurs ont adoucie : elle était spécialement messagère de mort. Elle seule, disait Virgile, devait aller couper le cheveu fatal des femmes à l’agonie. Plus tard, on lui donna les missions de guerre, en laissant à Mercure, messager de Jupiter, celles de paix. Enfin, les poètes modernes la montrent habillant, parfumant Junon revenant des Enfers, faisant son lit, et glissant sur l’arc-en-ciel pour descendre sur la terre, aidée du battement de ses ailes : c’était enfin la favorite de Junon, parce qu’elle ne lui apportait jamais que de bonnes nouvelles.
Cette figure, dont nous retrouverons des analogues dans la mythologie scandinave, est tout allégorique : c’est l’air placé entre le ciel et l’enfer, de bon augure quand il est beau, et triste d’avenir lorsqu’il est brumeux.
On la représentait volant sur l’arc-en-ciel ayant sur la tête une corbeille de fleurs et de fruits avec une baguette à la main ; quelquefois les modernes la placent avec ses ailes brillantes déployées, sur un quadrige ou char à quatre chevaux, entourée d’une auréole en arc-en-ciel et precédée par Mercure.
Junon, d’après ce que l’on vient de dire, était la haute déesse, la génératrice femelle et passive de la Grèce, pourtant elle était moins reine, moins déesse que Cybèle, car elle partageait de sa puissance avec Lucine, Ilithye, Maia et Latone, qui toutes ensemble avec elle ne sont qu’une seule et {p. 73}même déesse, soit qu’on les considère comme ses rivales, soit qu’on les adopte pour ses filles. Observons cependant que, prise sous l’un de ces quatre noms, elle devient alors la déesse par excellence des maisons et des mariages. C'est la divinité matrimoniale opposée à Vénus, personnification lascive et libre de l’amour. Junon est donc la personnification grave qui épure, sanctifie cet amour et en fait le lien sacré des générations ; honneur qu’elle partage du reste avec divers dieux et déesses appelés Gamenœ Deœ ou Gamèles, et non Camiles.
Avant de terminer ce qui regarde cette déesse, montrons quels sont les caractères spéciaux qui s’adaptent aux quatre noms précédens, et qui se rapportent tous à quelques unes des positions dans lesquelles se trouve exposée durant sa vie la mère de famille. Sous le nom d’Ilithye ou Eleutho, elle indique une divinité babylonienne ou arabe, importée dans la Grèce, et sous celui de Maïa : elle offre la même divinité, mais empruntée aux Indes, elles président l’une et l’autre aux accouchemens, et offrent dans leur sens caché la nuit primitive, la grande fécondatrice, soit la matière, soit la nature passive et mère universelle. Comme l’acte de la maternité renferme trois scènes principales fort distinctes : la conception ou gestation, l’accouchement et l’allaitement ; on attribua d’abord particulièrement à Ilithye la personnification de la conception, premier résultat du mariage. Par suite de l’obscurité qui règne toujours dans ce premier acte des unions légitimes, Pausanias avait surnommé Ilithye la Grande fileuse, la fileuse à la quenouille d’or, il supposait que le Chaos était cette quenouille couverte d’un écheveau embrouillé qu’Ilithye débrouillait, dévidait, et tirait en un fil immense, éternel, de soie ou d’or ; allégorie qui n’est autre chose que la succession des générations. Alors c’était une parque. Mais le bonheur ne s’étendant pas également sur toutes les générations, il ne faut pas s’étonner si le nom d’Ilithye, après avoir retenti mille ans avant l’ère chrétienne dans le temple de Délos, comme celui de la déesse salutaire présidant à la délivrance, revint ensuite à une déesse funeste dont la colère était redoutée des femmes enceintes ; on peut même dire que nos Ilithyes modernes, ou sages-femmes, jouissent encore de cette influence d’imprimer la crainte ou l’espérance à la mère qui vient de recevoir leurs secours. Plus tard, Ilithye devint la grande accoucheuse, attribution qu’elle partagea avec Maia. Elle personnifia en même temps la fécondation et l’accouchement ; aussi, arrivée à Rome, elle prit le nom de Lucine, et confondit toujours alors en elle-même ces deux actes de la maternité.
Cette Lucine, divinité toute romaine, est donc une Junon, mais une Junon-Ilithye ou accoucheuse, et, comme une autre déesse appelée Diane ou Lune, possède aussi cette propriété de présider aux accouchemens, il en résulte que Lucine est une Junon ou une Diane Ilithye, présidant à la délivrance des mères et à la naissance des enfans. Cependant on la faisait fille de Jupiter et de Junon, et on lui donnait pour fils Cupidon. Catule, poète de l’antiquité, l’appelait Hera-Phosphoros, ou Junon lumineuse ; aussi dérivait-on son nom du mot latin lux, qui signifiait lumière, parce qu’en effet elle présidait à l’instant où les enfans voient le jour pour la première fois. Quant au nom de Lucine, également appliqué à Diane considérée alors comme Lune, cela tient à ce que chez les anciens, comme chez nous encore, on attribuait à la lune une influence positive sur la santé {p. 74}des femmes en général, et particulièrement sur celle des femmes enceintes.
On représentait Lucine en costume matronal, ayant une coupe dans la main droite, et une lance dans la gauche, ou assise, avec une fleur dans la main droite et un enfant emmailloté sur le bras gauche, et ayant quelquefois la tête couronnée de dictame, plante supposée favorable aux accouchemens. Elle avait un temple à Rome, dans lequel, à la naissance de chaque enfant, les parens payaient un droit pour grossir les trésors de la déesse.
On célébrait en son honneur, tous les ans, des fêtes durant lesquelles des hommes, privés de tous vêtemens, couraient chez les femmes romaines et leur frappaient le ventre et les mains avec une peau de chèvre qu’ils disaient avoir servi d’habillement à Junon. Cependant malgré cette indecente cérémonie, il ne faut pas confondre les fêtes de Lucine avec les Lupercales ou orgies consacrées au dieu Pan, que nous rencontrerons plus tard.
Si à Rome Ilithye était considérée comme une accoucheuse appelée Lucine, elle était en Crète considérée sous cette même attribution ; seulement dans cette contrée elle prenait alors le nom de Latone, ou le plus souvent celui de Diane sa fille, parce qu’après avoir été mise au jour elle avait aussitôt délivré sa mère d’un second enfant, que nous connaîtrons sous le nom d’Apollon.
Ainsi dans cet embrouillement causé par la translation des divinités d’un pays dans un autre, il en résulte que Zeus ou Jupiter est époux d’Ilithye Héra ou Junon, amant d’Ilithye-Latone et père d’Ilithye-Lucine, malgré l’unité véritable de ces trois personnages qui positivement n’en faisaient qu’un. La légende vulgaire pourtant séparait toujours Latone très-distinctement des deux autres : nous nous conformerons à cet usage, et nous en parlerons tout-à-fait à part.
Mais auparavant indiquons rapidement les divinités qui se rattachaient plus ou moins directement à l’une de ces grandes figures allégoriques. Dans le nombre de ces divinités, on trouve : Alémone déesse de l’allaitement, Cuba qui présidait, à Rome, au coucher des enfans, Cuna ou Cunina déesse romaine des enfans au berceau, Egerie ou Lucine, Eugérie que les dames romaines invoquaient pendant la gestation, Geneta ou Mama-Geneta, déesse latine qui présidait à la génération de tous les animaux, Ingénicole, c’était Ilithye à Tégée, Intercidua était un dieu protecteur des enfantemens, Jugatin était un autre dieu latin du mariage, Lalle était le dieu du balbutiement enfantin, Levana déesse latine, protégeait les nouveaux nés, Maturne était à Rome la déesse de la maternité, Nixi Dii étaient trois dieux protecteurs des femmes en couche, à Rome, Nundina présidait comme déesse romaine à la purification des enfans, Orbona protectrice romaine des enfans, Orthésie était une Diane-Lucine protégeant les accouchées, Orthia était à Sparte une espèce d’Artémise ou d’Opis, et présidait à la flagellation annuelle des enfans, Ossilégo ou Ossipaga, déesse latine qui présidait à la formation des os, Partes étaient deux déesses latines que les femmes enceintes de neuf à dix mois, invoquaient pour leur délivrance, Portuta était une espèce de Lucine Latine, présidant au temps de la grossesse, Pota ou Potica ou Pontina était une déesse qui présidait à Rome au boire des enfans, Prorsa ou Porrima, ou Anteverta et Postverta, elles étaient deux sœurs souveraines des accouchemens à Rome, Rumanées espèce de Lucine des Teriboci et {p. 75}des Vangiones, Rumia, ou Rumisca, ou Rumina protectrice romaine des enfans à la mamelle, Sentia et Sentine déesse qui protégeait les nouveaux nés chez les Latins, Statinus et Statina affermissait les pieds des enfans en bas âge à Rome ; Utérina était une déesse latine qui présidait à la gestation et aux accouchemens ; Vagilan était un dieu latin protecteur de l’enfant qui crie ; Vitumne était la déesse, à Rome, protectrice de l’enfant après sa conception.
Latone passe pour femme ayant cohabité avec Jupiter, et pour fille du Titan Cœos et de la titanide Phebée sa sœur. Homère l’indique comme fille de Saturne. Elle fut séduite par Jupiter déjà marié à Junon et devint enceinte. Alors l’irascible et jalouse épouse de Jupiter la poursuivit d’une haine implacable. Ici grande obscurité dans le Mythe, car Apollon le Dieu du soleil n’est pas né, et pourtant, Hélios ou le Soleil est déjà divinisé et même Junon lui fait jurer de ne pas éclairer l’accouchement de Latone ; elle fait également promettre à sa grand’-mère la Terre, de ne pas fournir la plus petite place où cette maîtresse du Dieu des Dieux puisse faire ses couches ; puis enfin, elle détache à sa poursuite le serpent Python, dragon monstrueux qui la chasse d’un endroit dans un autre, sans lui laisser de repos. Latone fut donc forcée d’errer de contrée en contrée, fatiguée de faim et de soif ; un jour, même, arrivée près d’un étang, elle veut s’y désaltérer, mais des paysans l’en empêchent ; alors, se souvenant de sa nature et de sa puissance divine, elle les métamorphose en grenouilles. Elle parcourt ensuite l’Asie sous forme de louve. Cependant Neptune à la fin ayant pitié de cette cruelle position, et peut-être gracieusement sollicité par son frère Jupiter, amant de cette pauvre Latone, fixe Astérie, appelée depuis l’île de Délos, errante également sur les flots de la mer Égée ; aussitôt, Latone y aborde sous sa forme naturelle suivant les uns, ou transformée en caille par Jupiter, suivant les autres ; et, appuyée contre un palmier sauvage, ou, dit-on, contre un laurier, elle y accouche d’abord de Diane, qui bientôt remplit auprès de sa mère les fonctions d’Ilithye, et la délivre d’Apollon. Quelques auteurs n’admettent pas cette légende, et font de Délos une nymphe vagabonde, qui avant de se fixer voulut obtenir de Jupiter la promesse que la portion de terre dont elle était souveraine, deviendrait par la suite le centre d’un culte généralement honoré si elle parvenait à cacher sa maîtresse. D'autres disent que ce fut Mercure qui conduisit Latone dans l’île nouvelle. Plusieurs la font débarquer dans cette île, lorsqu’elle est encore flottante ; sa présence lui donne de la fixité, car des flèches s’élèvent du fond de la mer, et lui servent de piliers. Enfin, les derniers veulent que ses douleurs puerpérales aient duré sept ou neuf jours, parce qu’Ilithye l’accoucheuse ne voulait pas venir la secourir ; en effet, disent-ils, ni Dioné, ni Thémis, ni Amphitrite, ni Téa, réunies autour de la malade, ne pouvaient la délivrer ; alors, pour terminer cet enfantement difficile, les poètes dédoublent Junon, et font d’Ilithye un personnage particulier seulement influencé par Junon ; puis ils ajoutent que ces déesses adressèrent à Ilithye, Iris, la messagère, et que celle-ci leur obéit ; mais voyant combien l’influence de Junon empêchait Iris de la déterminer, elles lui firent offrir un ruban de neuf aunes, broché en or ; Ilithye gagnée par ce présent, se dédoublant alors de Junon, vint à l’insu de celle-ci délivrer Latone, et lui aider à mettre au monde Diane dans l’île sicilienne {p. 76}d’Ortygie, et Apollon, dans celle de Délos ; conte absurde, ne reposant sur rien. Comme tous les Dieux, Diane et Apollon grandirent promptement ; celui-ci devint le Soleil personnifié ou Dieu du jour et des arts, et sa sœur fut la déesse de la chasse, ainsi que la personnification de la Lune. Nous allons donner dans un instant leur histoire détaillée, mais pour le moment, nous nous en tiendrons à dire que le serpent Python ayant voulu attaquer ces deux enfans encore au berceau, Apollon se leva, prit un arc, et le tua aussitôt à coups de flèches. Dès ce jour, cette arme devint terrible entre ses mains, et dans celles de Diane sa sœur. Ainsi, le géant Titye, roi de Panope, en Phocide, supposé par quelques savans fils de Jupiter et de la nymphe Orchoménienne ou Orchoménide Elare, morte en le mettant au jour, ayant cherché à porter atteinte à l’honneur de Latone dans un voyage qu’elle faisait de Panope à Pitto ou Delphes, à travers les brillantes campagnes qui séparent ces deux villes, les Latonides ou enfans de Latone, accoururent à son secours, et Titye mourut percé de leurs flèches ; d’autres soutiennent qu’elle était encore enceinte lorsque Titye la poursuivait de ses importunités, et qu’il fut foudroyé par Jupiter. Enfin, pour n’avoir plus à revenir sur ce Géant, nous ajouterons qu’on explique sa mort comme ayant été causée par les remords de sa conscience, ou par une mort violente ou prématurée, vu que l’on attribuait à Latone et à son fils toutes les morts accidentelles. Après sa mort, Titye fut précipité dans le Tartare, où un vautour lui dévore les entrailles comme à Prométhée, à mesure qu’elles renaissent. Ce géant avait une taille de neuf plethres, ou cent trente-cinq toises, grandeur de la longueur du temple de Delphes ; cependant, quoique dévoré par les flammes du Tartare, il avait des autels dans l’île d’Eubée. C'est un être allégorique, antédiluvien, symbolisant les forces brutes de la nature, combattant pour soutenir le vieux culte de la terre, contre Apollon, menaçant de lui faire succéder le culte du Soleil ; on pourrait aussi à la rigueur, le prendre pour l’homme qui, après avoir satisfait ses passions, a le cœur continuellement tourmenté des vices et des inquiétudes de l’amour, sous la puissance duquel il est alors en esclavage. Peut-être ce Titye ou Tityus, dont le nom signifiait terre ou boue, était-il un Tyran de Panope, ville de Phocide, peu éloignée de Delphes, lequel par ses violences s’attira la haine de ses sujets et celle des dieux.
Latone après avoir été poursuivie par Junon, semble avoir emprunté quelque chose de son caractère rancuneux ; car, une fois soutenue par ses enfans, elle ne pardonna plus, et leur fit punir instantanément de mort la plus petite offense qu’elle reçut ; ainsi, Niobée ayant osé se préférer à elle, à cause de sa nombreuse postérité, elle s’en vengea par l’horrible massacre de tous les enfans de cette imprudente.
Cette Niobée était sœur de Pélops et fille de Tantale, fils de Jupiter, et de Dioné d’Antémusie ou Euryanasse qui toutes passent pour avoir été femmes de Tantale. Quelle que soit sa mère, Niobée épousa Amphion de Thèbes, à son retour de l’expédition des Argonautes dont nous aurons occasion de parler dans la suite ; elle en eut quatorze enfans que l’on porte quelquefois jusqu’à vingt, et qu’Homère réduit à douze : leurs noms le plus vulgairement reçus, sont : Agénor ou Alphénor, ou Archée, ou Archenor, Damasichton, Ismène, Ilionée, le plus jeune, Ninyte ou Eupinyte, Phédime, Sypyle, {p. 77}Tantale, fils d’Amphion et de Niobée, Ethodée et sept filles : Amycle, Astycratie, ou Astymne, Callirhoé, Chias, Chloris, Cléodoz, Hilaire, Mélibée, Ogygie Néère, ou Asthyochée, Théra ou Ethodie Phtie, et Pelopie. Fière d’une si nombreuse famille, ainsi que de ses propres charmes, Niobée eut l’imprudence de rabaisser le mérite de Latone en lui opposant sa fécondité, elle s’opposa même au culte qu’on lui rendait, en disant qu’elle en était indigne, et voulut recevoir pour elle l’adoration des peuples. Latone, offensée de cet orgueil, se plaignit à ses deux enfans, qui soudain, descendirent sur la terre pour la venger. L'occasion ne tarda pas, car quelques jours après, Apollon et Diane, ayant vu dans les plaines voisines, les fils de Niobée s’y amuser à divers exercices, ils les tuèrent à coups de flèches, ou du moins, suivant Ovide, Apollon seul fit ce massacre. Au bruit de leurs cris douloureux, les sœurs de ces malheureux princes se montrèrent sur les remparts, et aussitôt, elles tombèrent également sous les traits invisibles de Diane. Enfin leur mère étant accourue, outrée de douleur et de désespoir, demeura assise et pour toujours immobile, auprès des corps de ses enfans qu’elle venait d’arroser de ses larmes. La vie lui échappa donc spontanément, et elle fut changée en un rocher, que le vent, dit-on, emporta sur le sommet d’une montagne de la Lydie. Cependant, on assure qu’une fille s’échappa, ce fut Chloris, depuis épouse de Nélée, et mère de Nestor, dont nous parlerons en faisant connaître le siège de Troie ; d’autres écrivains veulent l’appeler Amycle ou Mélibée, et font périr avec les autres enfans leur oncle Zéthus et Amphion leur père. Les victimes de cet affreux massacre restèrent sans sépulture pendant neuf jours sous les yeux de leur mère. Mais une autre légende n’approuvant pas la métamorphose subite de Niobée en rocher, fait ensevelir les quatorze enfans par les dieux, et laisse Niobée en proie à ses chagrins, erre de contrée en contrée jusqu’en Lydie. Alors, elle y répandit tant de larmes que les dieux, touchés de ses douleurs, la métamorphosèrent en pierre ; d’autres assurent qu’elle disparut au milieu d’un tourbillon, soit sur le mont Cithéron, soit sur le mont Sipyle.
Quelques mythologues modernes, racontent cette triste fable d’une autre manière, ils disent que Niobée, fille d’Assaon et femme de Philote, trouva la beauté de ses enfans supérieure à celle des Latoïdes, ou enfans de Latone, et que celle-ci, irritée, fit alors prier Philote à la chasse, et inspira un amour incestueux à Assaon, qui, ne pouvant séduire sa fille, fit périr tous ses enfans dans les flammes ; de sorte que la malheureuse Niobée leur mère, désolée, se précipita du haut d’un rocher. Plusieurs variantes existent sur ce massacre : c’est une propre mère, poursuivie par l’amour criminel de son père, qui pour y échapper tue ses enfans et se donne ensuite la mort ; c’est une peste qui fait disparaître toute cette famille ; ce sont enfin les seuls prêtres d’Apollon qui s’en débarrassent à coups de flèches, comme ennemie de leur caste.
Le fond de cette fable semble appartenir à un fait historique, à une peste dont la ville de Thèbes était ravagée, et à laquelle Niobée dut la mort de tous ses enfans ; ensuite comme on attribuait les maladies contagieuses à la chaleur excessive du Soleil, on mit sur le compte d’Apollon le massacre des Niobides, et l’on supposa que les flèches de ce dieu étaient les rayons brûlans de l’astre qui nous éclaire. Quant aux enfans restés pendant neuf jours {p. 78}]sans sépulture, on les considère comme les habitans de Thébes morts de la peste, auxquels personne n’osa touche jusqu’à ce que les prêtres desservans des temples se fussent enfin décidés à leur rendre les devoirs funèbres. Du reste, on comprend aisément que Niobée ne pouvant plus supporter le séjour de Thébes, après la perte de ses enfans de son mari, fut terminer ses jours au fond de la Lydie, sur le mont Sipyle, où l’on vit pendant long-temps une roche ressemblant de loin, d’après Pausanias, à une femme en larmes et accablée de douleur, roche qui avait fait supposer que Niobée daqns le profond silence de son affliction et dans son immobilité douloureuse, avait été transformée en rocher ; mais nous ne pouvons donner à cette fable le sens allégorique, qui prend Niobée pour une fontaine et ses enfans pour des ruisseaux tous desséchés par de grandes chaleurs.
Nous sommes beaucoup plus portés à voir avec M. Parisot dans Amphion, la personnification d’un Soleil, dans Niobée, cele d’une Lune, adorés et abondonnés en Grèce, à l’introduction du culte des Latonides ; quant aux sept fils et aux sept fille de Niobée, nous les croyons la symbolisation des sept jours et des sept nuits de la semaine.
Latone, après ce massacre, devint une puissance crainte et redoutée, une déesse de mort, une Diane Lucifer, adorée par la peur. On la représente tenant entre ses bras les deux Latoïdes, ou Latonides, ou Latonigènes, ses enfans, qui tendent leurs mains vers le serpent Python à l’instant qu’il vient pour les étouffer.
Diane, fille de Latone et de Jupiter et sœur d’Apolon, portant diveres noms et surmons : ainsi on l’appelait AErera en Argolile, Apogéa du temple qu’elle avait à Olympie, Agroliter et Agrotère ou la coureuse des campagnes, Amarenthia ou Amarysia d’Amarynthe, bourg de l’Eybée ou de la Thessalie, Amphipyros ou qui porte une torche dans chaque main, Angitas de la rivière de ce nom en Thrace, Amphipyre ou qui porte flamme, et alors prise pour la Lune, Angitas en Thrace, Anysidore ou qui achève les présens, Aorse en Argolide, Anachorienne ou l’étranglée à Candyle, Aphée, Arsiteneus, Ardoine ou Arduenne des Sabins, Argia ou d’Argos, Aricinia ou d’Aricie dans le Latium, Aristobula ou la donneuse de conseils, Aritée ou l’excellente, en attique Arthenus ou la douceur, en Grèce, Astratée ou anti-militaire, Astyrène et Astyris ou d’Astyrie, en Mysie, Angèle en Sicile, Auxomène ou qui croit, considérée comme Lune, Aventine du mont Aventin, Biscornis ou le croissant, en considérant Diane comme la Lune ou Phébée, Brauronie à Brauron, Brito ou la douce vierge, ou l’Artémise Crétoise, Cariatide ou de Carie en Laconie, Calliste ou la très-bele, Cédreatis ou pareille au cèdre, chez les Orchoméniens, Chésiade, ou Chizias, ou du mont Chésias, près Samos, ou de Chésia, en Ionie, Chia ou de Chio, Chitonia ou de Chitone en Attique, ou parce qu’on lui consacrait les premiers habits des enfans, Cindiade, Cnagie ou de Cnagée, le ravisseur de l’une de ses statues, Condiléatis ou de Condylée en Arcadie, Colénide ou de Colène, roi de Myrrhinonte en Attique, où il lui avait bâti un temple, Compernès ou l’emmaillotée d’Éphèse, Cordace à Elice, Coryphée, d’une montagne de ce nom, près d’Epidaure, Corythalienne ou celle à qui l’on sacrifiait de jeunes pourceaux, à Sparte, Cynthia ou de Cynthe, montagne dans l’île de Délos, Daphnis et Delphinica ou de Delphes, Deviana ou qui égare les {p. 79}hausseurs, Dictynna ou de la nymphe Dictynne qui inventa les filets de chasse, Didyma ou sœur jumelle d’Apollon, Discincta ou qui porte l’habit longt et flottant, sans ceinture, Elaphébolie ou qui tue les cerfs, Elapheia ou fille d’Elaphéion chez les Eléens, Eucléa ou la glorieuse, Elée ou Elos, Epione, Episcopos à Elios, vierge, en Béotie, Fascelis et Fascelina à Aricée, ou au faisceau de bois dans lequel Oreste et sa sœur avaient caché sa statue pour l’emporter de la Chersonnèse-Tauride, Gazoria à Gazore, Hécate aux enfers, Hecatebolia et Hecatébélia ou qui darde au loin ses rayons, Hegémaque ou qui mène au combat, à Sparte, alors elle portait des flambeaux, Heurippe à Phénéos ou qui fit se retrouve les cavales d’ulysse à Phénée, en Arcadie, Hierra ou la chaste et sacrée chez les Oresthasiens, Hymnie en Arcadie, Icaria ou d’Icarium dans le Golfe Persique, Iochera ou qui lance des traits, Iphigénie c hez les Hermionniens, Isoras à Sparte, Laphria ou aux dépouilles sanglantes, à Patras et chez les Calydoniens, Leycippe ou aux chevaux blancs, Leucophryne ou de Leucophryse en Magnésie, et dont le temple jouissait du droit d’asyle, Limenatis et Limnatis ou présidant aux ports et aux marais, Lucifera ou présidant aux accuchemens, couverte alors d’un voile parsemé d’étoiles, et tenant un flambeau à la main, Lune ou la Diane du Ciel, Lyda en Sicile, Lycoatis de Lycoa en Arcadie, Lycea à Trézène, ou qui débarrasse des loups, Lygodesma ou au faisceau de bois, Lyzizone ou qui présidait aux premières heures du mariage, Milta ou Militia en Cappadoce, en Phénicie et en Arabie, Montano ou des montagnes, Munychia ou de Munychie à Athènes, Mysie en Laconie, Nélée ou la divinité de Nélée, fondateur des Nélédies, Némorensis ou déesse des bois, OEnoatis ou d’Oenée en Argolide, Omnivaga ou l’Errante, Oresta ou la Diane d’Oreste, Orthia ou qui ne peut être penchée, à Sparte, Orthione ou l’inflexible, Ortygia ou de Délos si fertile en cailles, Panagée ou qui dirige tout, Pellène et Pellénis ou de Pellène en Archaïe. Dans ce pays, quand la prêtresse portait sa statue en procession, personne n’osait lever les yeux sur elle, de peur d’encourir sa vengeance, Phrarnace et Pharnak ou incarnations mâles de la Lune dans l’Ibérie, Phébée ou Diane Lune, Phérée à Phérès e nThessalie, Pyronia ou du mont Cratis, sur lequel les Argiens allaient cherche le feu sacré, pour le Fêtes de Lerna, Pharetra Dea et Podogra ou l’artente à la chase, Paronia ou du temple bâti par le roi Saron à Trézène, Sarpédonia ou de Sarpédon en Cicile, Sciatis de Scias près Lacédomone, Sœva Dea ou la déesse cruelle de Tauride, Sotira ou la conservatrice, chez les Mégariens, qui, par sa protection, avaient, l’an 497 avant J.-C. remporté une victoire sur Mardonius général des Perses, Sospes ou l’hospitalière, Stymhalie ou de Stymphale en Arcadie, Succincta ou au Vêtement retroussé par la ceinture, Tanacé ou incarnation mâle de Diane dans le Pont, Taurione ou honorée en Tauride, Taurique ou de la Chersonnèse-Taurique, Thoantea ou de Thoas, roi de Tauride, Titania ou la descendante des Titans, Triclaria ou au temple des trois villes Aroé, Anthée et Messatis, Trivia ou des chemises, et Upis ou fille d’Upis.
Diane, fille de Latone et de Jupiter, sœur aînée d’Apollon, reçut de son père l’honneur d’être déesse de la chasse et des forêts. Après avoir secours sas mère pour l’aider à mettre au jour Apollon, elle fut tellement effrayée des douleurs {p. 80}maternelles, qu’elle résolut de garder une virginité éternelle. Ce vœu de chasteté forçait les jeunes filles d’Athènes qui restèrent toujours sous sa protection, à la prier de fermer les yeux sur leurs folies, en allant lui porter des offrandes et apprendre dans son temple leurs ceintures.
Il est probable que plusieurs femme célèbres des t emps primitifs ont porté le nom de Diane ; Cicéron en compte particulièrement trois, la première, fille de Jupiter et de Prosperpine, et mère de Cupidon ; la deuxième, fille de Jupiter et de Latone ; et la troisième avait Glauca ou Glaucé pour mère et Upis ou Oupis pour père ; mais la plus honorée des peuples et des poètes était la fille de Latone, celle qui passait en même temps pour sœur d’Apollon. On donnait à Diane Elaphion, c’est-à-dire le petit faon, femme d’Elide, pour nourrice, chez les Éléens. Cette déesse, malgré tous ces noms, était adorées sous trois désignations spéciales et particulières, suivant l’attribut qu’on lui prêtait, ainsi elle se nommait Diane ou Artémise sur la terre, et alos elle présidait à la chasse, aux chasseurs, à leurs chiens et aux forêts, et par suite, en Grèce, aux ports. Quand on la considérait dans le ciel éclairant le monde pendant la nuit, on l’appelait la Lune, ou Phébée ou Séléné ; puis on lui donnait le nom d’Hécate ou quelquefois de Proserpine, lorsqu’elle exerçait son pouvoir aux Enfers. Par suite de ces trois fonctions, on l’avait surnommé Trifomis ou aux trois formes. Nous allons faire connaître les différentes fables dont on l’a entouré dans ces diveres fonctions : parlons d’abord de la déesse de la chasse.
Jupiter, après avoir accordé à Diane la permission de rester vierge, la créa déesse de la chasse et reine des bois ; il l’arma de flèches et d’arcs et lui donna pour cortège quatre-vingts nymphes, dont soixante nommées Océanies, et vingt nommées Osies. Elle était si jalouse de sa pudeur et de celle de ses suivantes, que si l’une d’elles se fût tant soit peu compromise, elle l’eût puni sur le champ, et d’une manière effrayante. Témoin la jeune Calisto qu’elle changea en ourse ; Buphage qu’elle perça de ses flèches sur le mont Philoé, et le timide Actéon dont les yeux seuls furent coupables.
Cette jeune nympe Calisto était l’une de ses favorites ; elle était fille de Lycaon. Malheureusement sa beauté fixa les regards du maître des Dieux qui, prenant l’apparence de Diane, la rendit mère d’Arcas. Alors la paubre nymphe encourut la haine de deux déesses, car ayant refusé de sa baigner avec ses compagnes, sa maîtresse s’aperçut de sa faute, la chassa d’auprès d’elle, et la jalouse Junon, poussant plus loin la vengeance, la changea ou la fit métamorphoser par Diane en ourse, Jupiter pour la consoler de cet accident l’enleva avec Arcas son fils, à l’instant que celui-ci en chassant alalit percer sa mère à coups de flèches, les plaça au ciel pour y former les constellations de la Grande-Ourse, ou Hélice, ou le Charriot, composé de sept étoiles suivies d’une hutième, ou Arétophyle ; c’est Bootès, ou le bouvier ou le gardien ; près de la queue de la grande ourse, on voit Arcture, étoile qui, suivant les anciens, annonçait toujours ou de l’orage, ou de la pluie ; quant à la Petite-Ourse, et Cynosure, elle est près du pôle artique, et sert de guide aux nautonniers. On prétendait que les étoiles dont est composée cette constellation étaient nourrices de Jupiter. A cette nouvelle, Junon, encore plus furieuse, ne voulut jamais permettre à ces astres de se coucher dans {p. 81}l’Océan, et, en effet, depuis ces temps reculés, ils ne quittent jamais l’horizon grec et italien.
Quant au jeune Actéon, il fut victime involontaire du crime que Diane lui reprochait.
Il était fils d’Autonoée, fille de Cadmus et femme d’Aristée, fils de Cyrène et d’Apollon. Il aimait passionnément la chasse. Son seul plaisir était de parcourir les forêts et les montagnes pour surprendre les animaux et les percer de ses flèches. L'aurore à peine levée le voyait dans les plaines, et le soleil et son coucher l’y trouvait encore. Cette passion était si forte, qu’elle morit et absorba chez lui toutes les autres. Aussi jamais il ne ressentit les feux de l’amour. Un jour qu’il poursuivait un sanglier avec une rapidité incroyable, et que l’habitant des forêts s’en fut allé se réfugier dans la vallée de Gargaphie en Béotie, Actéon y arrive et apeçoit par mégarde Diane qui était au bain. La déese, irritée de l’imprudence du jeune chasseur, lu jeta aussitôt de l’eau au visage, ou le revêtit elle-même d’une peau de cerf, ou le métamorphosa en cerf. Alors ses chiens, ne reconnaissant plus leur maître, se lancent sur ses traces, le découvrent au fond de l’épaisseur des bois et le déchirent, impitoyablement. Ces chiens fidèles, et cruels malgré eux, s’appelaient : Aello, Agriode, Alcé, Amarinthe, Asbole, Canace, Cyprio, Dictée, Dorcé, Dromas, Hylée, Hylactor, Harpale, Harpye, Ichnobate, Lachné, Lacon, Labros, Leucon, Lycisce, Mélané, Mélampe, Napé, Nebrophon, Oribaze, Pamphague, Pœmenis, Stictèque, Théron, Thous et Tigis. Suivant une autre tradition, ce fut par les chiens de Diane qu’il fut dévoré, soit pour impiété, en ayant voulu manger des viandes offertes à la déesse en sacrifice, soit pour avoir eu la vanité de se dire plus habile chasseur qu’elle. L'histoire du malheureux Actéon, dont le nom signifie lumineux, à probablement en effeet rapport à quelque crime ou imprudence envers la divinité de son pays. Cependant, après sa mort, les Orchoméniens l’ayant mis au rang des héros, ils lui élevèrent, ainsi que dans toute la Béotie, des statues en bronze, et l’honorèrent même d’un culte particulier. Mélanippe fut aussi puni par la déesse pour avoir aimé Comito, l’une de ses prêtresses, et l’avoir surprise dans son temple. Diane, comme on le voit, était facilement irritable ; aussi Chioné, fille de Dédalion, ayant eu la témérité de préférer sa beauté à celle de cette déesse, Diane la tua d’une flèche et laiss son père se précipiter de douleur du haut d’un rocher ; mais nous verrons Apollon l’arrêter dans sa chute et le changer en épervier. Cette Chionée eut Antolycus de ses amours avec Mercure, et Philammon avec Apollon. La froideur de Diane l’empêcha d’être fort utile aux chasseurs placés sous sa protection. Aussi rererment ils eurent à s’en louer. Parmi ces nombreux amateurs des forêts, on connaît Amarynthe qui donna son nom à une ville de l’Eubée, Apis d’Etolie, Eryme de Cyzique, Gration que la déesse tua parce qu’il avait percé accidentellement sa biche favorite, Hyas, fils d’Atlas et de Pléione qui fut dévoré à la chasse par un lion, Perdicca qui devint amoureux de sa mère et mourut de consomption, Saron, ancien roi de Trézène qui se noya en se jetant à la mer à la poursouite d’un cerf. Après cet accident, les Mégariens en firent le dieu de la mer et des mariniers. Il avait à kéfélikioj sur la côte européenne du Bosphore une statue dans un temple où l’on trouvait aussi cell de Diane.
Nous venons de dire que cette déesse {p. 82}passa toujours pour vierge ; cependant on l’accuse d’avoir fait plus d’une infraction à son vœu. Celle qui fit le plus de bruit fut son intrigue avec le bel Endymion, berger du mont Latmos en Carie, où se trouvait la ville d’Héraclée. Il était né d’Æthlius, fils d’Eole et de Calycée, également fille d’Eole et d’Enarète. Diane eut, dit-on, avec ce berger cinquante filles et un fils nommé Etolus, ou selon d’autres seulement trois fils et une fille. Quelques mythologues se basant sur ce que le mot Endymion signifiait dormeur, d’où lui vint le surnom du Dormeur de Latma, ont prétendu qu’après avoir été admis dans le ciel comme petit-fils de Jupiter, et ayant manqué de respect à Junon, il fut condamné à un sommeil perpétuel ou seulement de trente années. Cependant on dit aussi que Jupiter lui ayant accordé le choix de demander ce qu’il aimait le mieux, il le pria de le laisser dormir toujours sans être sujet ni aux atteintes de la vieillesse, ni à la mort. C'était pendant ce sommeil que la lune, éprise de sa beauté, allait lui rendre visite toutes les nuits au fond de sa grotte de Latmos. A la fin il fut rappelé dans l’Olympe. On croit que ce fut le douzième roi d’Élide qui, après avoir été chassé, se retira dans une grotte du mont Latmos où il se livrait toutes les nuits à l’étude de la marche de la lune et de tous les corps célestes. Peut-être aussi cette fable n’est-elle qu’une allégorie de la paresse des bergers dormant souvent lorsque la lune vient dissiper l’obscurité de la nuit. On donne encore à Endymion plusieurs fils appelés Poson, Péon, Epée et Etolus, père de Pleuron, et une fille nommée Eurydice ou Euripyle, qu’il eut d’Astérodie, ou d’Hypéripna, fille d’Arcas, femme dont peut-être on changea le nom en celui de Diane. On le marie aussi à Chromia, fille d’Itome, et à Iphianasse. Ces amours de Diane ont donné naissance à deux charmans tableaux, l’un de Girodet, et l’autre de Langlois. Quant à la lune, on ne lui attribuait guère qu’un fils, du reste peu connu, et qui, dit-on, portait le nom de Phlionte. Cependant les légendes anciennes assurent qu’un fils d’Apollon appelé Amphithémis, la rendit mère de Caphaurus et de Nasamon.
Après Endymion, Diane prit, dit-on, le brillant Orion pour amant. C'était le fils ou de Neptune et d’Euryale, fille de Minos, ou d’un homme fort pauvre appelé Œnopeus, ou Œnopium, ou Hyrié, chez lequel Jupiter, Neptune et Minerve furent loger un jour en faisant un voyage sur la terre. Ces Dieux voyant qu’il les recevait aussi bien qu’il pouvait, et qu’il leur immola même le seul bœuf qu’il possédait, aussitôt qu’il eut entendu Neptune appeler par mégarde Jupiter par son nom, lui laissèrent le choix de demander ce qu’il voudrait ; alors il répondit qu’il désirerait bien avoir un fils, mais sans prendre de femme avec lui. Aussitôt les Dieux, après avoir détrempé de la terre avec de l’eau, en avoir rempli la peau du bœuf qu’ils venaient de manger, firent naître dans cette peau le bel Orion, chasseur célèbre, à la taille svelte, que Diane chérit et tua ensuite par jalousie. Cependant, suivant quelques écrivains, il mourut de la piqûre d’un taon, et fut après sa mort placé par sa maîtresse dans la constellation du scorpion, appelée aussi Orion. On donnait encore Clonie, mère de Nyctée, pour femme à Hyriée, et l’on marie Orion à Sidé, de qui il eut Ménippe, tuée par Diane ; puis on fait devenir Orion amoureux de Mérope, fille d’OEnopion et d’Erope. Diane, pour se consoler, fixa ses désirs sur un fils de Mercure, le berger sicilien Daphnis, auquel Pan avait appris à chanter et à jouer de la flûte, et {p. 83}auquel les Muses avaient inspiré l’amour de la poésie. Il était si bon chasseur que ses chiens, après l’avoir perdu, on ne sait trop comment, moururent de douleur. On dit encore que la chaste déesse se prit de passion pour Hippolyte, fils de Thésée, qu’elle ressuscita pour lui donner une place auprès d’elle dans l’Olympe, et qu’elle ne dédaigna pas les complimens que Pan lui-même lui adressa dans un bocage de l’Arcadie sous la forme d’un bouc de la plus belle blancheur. Cependant ces diverses infractions à son vœu n’empêchèrent pas Apollon de la nommer ainsi que Minerve la Vierge blanche.
Diane sur la terre, à part ses amours secrets qui ne comptent pas puisqu’elles étaient inconnues au vulgaire, s’exerçait particulièrement à la chasse, suivie de soixante nymphes ou Océanies, filles de l’Océan, et de vingt autres jeunes filles appelées Asies qui avaient soin de son équipage de chasse.
Parmi ces nymphes on remarquait : Aréthuse, fille de Nérée et de la nymphe Doris. Elle fut métamorphosée en fontaine par Diane pour la sauver des poursuites du fleuve Alphée dont les eaux depuis se confondent avec les siennes. Argé ou Hécaerge, fille de Borée et d’Orithye et sœur de la déesse Opis, était une divinité favorable aux chasseurs, et devait être plutôt une incarnation de Diane elle-même, que l’une de ses suivantes, quoiqu’elle fût censée compagne d’Artémise. Arriphe était d’une si grande beauté que Tmole, roi de Lydie, s’en étant épris, la poursuivit et lui fit violence jusque dans le temple de Diane, affront qui fut plus tard puni par les Dieux. Aura et non Auta, fille de Lélas et de Péribée, devint enceinte de Bacchus, et accoucha de deux jumeaux ; mais Diane l’ayant punie en la rendant furieuse, elle dévora l’un de ces enfans et se noya. Alors Jupiter la changea en fontaine. Cenchrée ou Cencrias, fille de Pyrène, fut par accident percée d’une flèche que Diane lançait contre une bête sauvage. Sa mère fut si affligée de sa perte, que la déesse la changea en une fontaine qui porta son nom. Calisto n’est pas la moins connue des nymphes de la suite de Diane ; nous savons comment elle fut tour à tour punie et récompensée de ses faiblesses avec Jupiter. Crocale était une fille du fleuve Isménus. Phyalé était une simple nymphe. Hyale était celle qui puisait de l’eau pour la répandre sur Diane lorsqu’ Actéon les surprit au bain. Opis enfin était une nymphe qui tua le guerrier Aruns, au dire de Virgile.
Diane-Lune était un tout autre personnage que Diane chasseresse. En effet, la Lune est la grande déesse céleste de la plupart des peuples. Elle répond à Isis des Égyptiens, à Baaltis ou Astarté des Phéniciens, à la Méni des Hébreux idolâtres, à la Militi des Perses, à l’ Atilat des Arabes, à la Belisama des Gaulois ; puis elle se confond avec la Sélénée, l’Artémise et l’Hécate des Grecs. Considérée sous son nom de Sélénée, c’est la sœur d’Hélios ou soleil ; c’est elle qui ayant appris que celui-ci avait été noyé dans l’Eridan par les Titans, s’y précipita elle-même du haut de son palais ; mais les Dieux en eurent pitié et les changèrent en astres, de sorte qu’Hélios eut sous sa domination la conduite du soleil, et Sélénée celle de la lune. Depuis ce temps, on lui donna encore le nom de Men, ou Mêné, ou l’astre qui mesure les mois. Ses amours furent peu nombreuses ; elles se bornèrent à Jupiter, à Saturne et à l’air. Elle eut du premier Némée, du second Pandée, et du troisième Ros ou la Rosée que les poètes regardèrent comme les larmes versées par l’aurore sur {p. 84}Tithon, son époux, ou sur Memnon, son fils. Plus tard, on donna le nom masculin de Lunus à l’astre dirigé par Sélénée.
Chez les Grecs la Lune fut promptement divinisée dans la personne de Diane, sœur d’Apollon ; alors on l’appela Diane céleste ou Phébée, ou plus communément simplement la Lune. Diane, disait-on, avait reçu de son père le soin d’éclairer le monde pendant la nuit pour que ses amours avec Endymion ne fussent point divulguées sur la terre. Pour la mettre en possession de sa nouvelle charge, le maître des Dieux lui plaça un croissant sur la tête. Aussitôt elle monta sur le char de la Lune, saisit les rènes de ses coursiers dont l’un était noir et l’autre blanc, et parcourut ainsi chaque nuit l’univers ; mais elle ralentissait cette course rapide en arrivant vers le sommet du mont Latmos où, nous le savons, était son bel Endymion. Alors elle descendait de son char, et un nuage épais dérobait son absence aux yeux des mortels.
Les Grecs ayant confondu le culte de cet astre avec celui de Diane, nous renvoyons à l’explication que nous donnons de celui de cette déesse ; Lunus cependant, considéré comme astre masculin, jouissait d’un culte particulier, surtout à Carrhe en Mésopotamie. Dans cette ville, les hommes lui sacrifiaient en habits de femmes, et les femmes vêtues en hommes. Les Grecs et les Romains représentaient la Lune en plaçant seulement un croissant sur la tête de leur Artémise ou de leur Diane ; mais les Phrygiens, les Pisidiens et les Cariens figuraient Lunus sous les traits d’un jeune homme coiffé d’un bonnet sur la tête, avec le croissant sur le front, et tenant une bride dans la main droite, un flambeau dans la gauche, et un coq sous ses pieds.
Quant à Hécate, que les Grecs confondaient aussi avec Diane ou Proserpine, elle avait différens noms et surnoms, tels que Angelus ou l’ange, Athir ou la ténébreuse en Egypte, Brimo ou l’inspiratrice des terreurs nocturnes, Canicida ou celle à qui l’on sacrifiait beaucoup de chiens, à Samothrace, Enhodia ou l’indicatrice des chemins, parce que des pierres carrées surmontées de son buste, servaient de bornes portant le nom des routes ; Feralis ou des enfers, Philax ou gardienne des Enfers, Scotia ou la ténébreuse, Tricephale et Trisocephale, et Triformis, et Trigemina, ou aux trois formes, Trioditis et Trivia ou veillant aux carrefours et aux chemins, Zéa ou présidant à la vie. Hécate était une déesse multiple, comme l’indiquent ses noms de Tricéphale et de Triformis, ou aux trois têtes et aux trois corps, elle passait chez les Grecs pour fille de Jupiter et de Latone, mais leur mythologie ancienne la faisait également fille du Soleil, ou du Tartare et de Cérès, ou de la Nuit, ou d’Aristée, ou du titan Persès et d’Astérie, aussi, tantôt elle était déesse bienfaisante distribuant les biens et la victoire à ses protégés, guidant les navigateurs et les conseils des rois, et présidant à l’accouchement, à la conservation et à la croissance des enfans ; c’était donc alors une Junon Lucine, tantôt magicienne et chasseresse habile ; alors ce n’est qu’une femme ordinaire, frappant de ses flèches les hommes et les animaux, empoisonnant les voyageurs et faisant sacrifier les naufragés dans un temple qu’elle avait élevé à Diane, sur les côtes de la Chersonèse – Taurique, puis épousant Eètès dont elle eut les deux autres célèbres magiciennes Médée et Circée. Mais si l’on en fait une véritable déesse, elle se confond entièrement avec Diane, et présidait aux enchantemens, aux songes et aux spectres ; aussi, c’était elle que l’on invoquait {p. 85}avant de commencer les opérations magiques ; enfin, c’était aussi une vraie Proserpine, présidant à la mort et aux enfers ; ne donnant entrée de suite dans cet empire qu’aux ames pour lesquelles on avait offert sur la terre une Hécatombe ou sacrifice de cent victimes, et laissant au contraire errer impitoyablement pendant cent ans sur les bords du Styx, fleuve coulant à l’entrée des Enfers, celles de ces ames qui avaient été privées de sépulture. Son culte, importé par Orphée d’Egypte dans la Grèce, se mêla presque partout avec celui de Diane, et les Spartiates honorèrent long-temps ses autels de sang humain. On lui consacrait particulièrement le chêne, le chien et le nombre trois. Ses autels et ses statues avaient trois faces. Les Athéniens regardaient cette déesse comme protectrice des familles et des enfans, plaçaient une de ses statues devant leurs maisons, et célébraient en son honneur, tous les mois le soir de la nouvelle lune, des fêtes appelées Hécatésies, pendant lesquelles les gens riches donnaient, dans les carrefours, un repas public présidé par la déesse et destiné aux pauvres.
On la représentait, soit avec trois têtes assez jolies couronnées de roses et de feuilles, soit avec trois têtes d’animaux différentes, savoir : une de cheval, une de chien et une de sanglier. On la coiffait aussi de serpens, armée d’une torche ardente et d’un fouet, ou d’un glaive, et faisant entendre d’horribles aboiemens. Comme Phylax ou gardienne des enfers, on lui mettait une clé et des cordes dans une main et un poignard dans l’autre pour frapper et enchaîner les criminels. Assez souvent, enfin, c’était une patère, symbole des libations, qu’elle portait. On a supposé que par ce nom de triformis et de triple Hécate, les poètes avaient voulu faire allusion ou aux trois phases de la lune, ou aux trois grandes époques de l’homme, savoir la naissance ; la vie et la mort.
De Délos, où Diane prit le nom de Délia, comme elle emprunta celui de Cyncthia du mont Cyncthus, le culte de cette déesse ne tarda pas à se répandre dans toute la Grèce. Ses temples les plus fameux étaient ceux d’Éphèse et de la Chersonèse-Taurique. Celui d’Éphèse, le premier élevé à Diane par Crésus, était une des sept merveilles du monde. On avait mis 220 ans à le bâtir, d’après les dessins du grand architecte Chersiphron. Ce fut ce temple magnifique qui fut brûlé le 6 juin, jour de la naissance d’Alexandre-le-Grand, par le roi éphésien Erostrate, dans le dessein d’immortaliser sa mémoire. Le temple de Diane, qui se trouvait placé dans la Tauride, actuellement la Crimée, avait cela de particulier que son autel ne fumait que du sang de victimes humaines. C'étaient les étrangers naufragés sur ces côtes inhospitalières qui fournissaient ces victimes. Oreste et Pylade, que nous retrouverons plus tard, mirent fin à ces cruautés en cachant la statue de Diane dans un fagot de bois, d’où lui vint le nom de Phaselis, et en l’emportant en Italie, après avoir tué le pontife Thoas. Parmi ceux qui élevèrent des temples à Diane, on remarque Preugène qui, après avoir enlevé de Sparte la statue de la déesse, lui éleva un temple à Maphore en Achaïe ; puis Chronius qui lui en bâtit un autre à Orchomène. Des prêtresses desservaient ces temples, et à part Iphigénie, dont nous aurons occasion de parler, le nom de Cométho est le plus connu parmi ceux de toutes ces prêtresses.
Elles célébraient en son honneur plusieurs fêtes ; telles étaient : les Amarynthies ou Amarysies se célébrant à Amarynthe ; les Artémistes, pendant lesquelles on sacrifiait {p. 86}un mulet, elles avaient lieu en l’honneur de Diane-Artémise à Delphes et à Syracuse ; les Bendidies étaient des fêtes licencieuses qui, après avoir été importées de Thrace, se célébraient à Athènes le 19 ou le 20 du mois Thargelion ou mois des Thargélies, fêtes d’Apollon ; les Brauronies qu’on célébrait tous les cinq ans à Brauron, ville où Oreste avait déposé la statue de Diane qu’il avait enlevée de la Chersonèse-Taurique. Pendant ces fêtes on sacrifiait un bouc ou une chèvre ; de jeunes filles, appelées Arctoi, âgées de cinq à dix ans, et vêtues en robes jaunes, venaient se consacrer à la déesse, et l’on appliquait un léger coup d’épée sur la tête d’une victime humaine, de manière à en faire couler quelques gouttes de sang. Les Canephories étaient des fêtes de Diane en Sicile. Les Caryes étaient des fêtes célébrées par des danses en son honneur, chez les habitans de Caryes. Les Calaoïdies étaient d’autres fêtes où les chants remplaçaient les danses en Laconie. Les Chitonies et les Dictynnies se célébraient en l’honneur de Diane Chitonia et Dictynna. Les Diamartigoses étaient les fêtes spartiates de Diane Orthia instituées par Lycurgue, et pendant lesquelles on fouettait de jeunes enfans sur l’autel de cette déesse pour leur apprendre à supporter la fatigue et la douleur. Les Etaphébolies étaient célébrées à Athènes dans le mois d’Elaphébolion ou de mars, on y sacrifiait un cerf ; les Platéens ayant d’abord été vaincus par les Thessaliens, instituèrent aussi des Elaphébolies, et offrirent à Diane un cerf de pâte en mémoire de la victoire qu’ils remportèrent dans un second combat contre ce peuple. Les Ephésies étaient des fêtes en l’honneur de Diane pendant lesquelles les Ephésiens s enivraient. Les Hégémonies avaient lieu en Arcadie pour Diane Hégémone. Les Laphries se célébraient à Patras, et duraient deux jours, le premier se passait en processions, et le second on brûlait des animaux féroces dont par fanatisme les assistans ne fuyaient pas les dangereuses attaques quand ils venaient à se détacher du bûcher. Les Limnatidies étaient les fêtes des pêcheurs. Les Munychies, celles pendant lesquelles on offrait dans le temple de Diane, le 26 du mois munychion dans la pleine lune et à la lueur des torches, de petits gâteaux appelés Aphiphantes ou resplandissans de lumière. Les Néléides avaient été instituées par Nélée, fils de Codrus. Les Némorales avaient lieu à Aricie, les Saronies à Trezènes en l’honneur de Diane Saronia, et les Thurgélies à Athènes étaient consacrées au soleil et à la lune, ou à Diane et à son frère.
D'après ce que nous venons de dire sur Diane, il est facile de croire que les peintres et les sculpteurs l’aient représentée de différentes manières ; habituellement la Diane chasseresse est la Bendis des Thraces et l’Arduenne des Sabins et des Gaulois, elle est représentée jeune, bien faite, armée d’un arc et d’un carquois, et les pieds couverts de brodequins ; quelquefois elle est suivie d’une meute de chiens, ou tenant un lion d’une main et de l’autre une panthère, ou bien assise sur un char attelé de cerfs blancs ou de deux génisses ; mais quand on veut lui faire représenter la Lune, elle a un croissant sur le front, et son char est traîné par deux coursiers de couleur différente, il en existe beaucoup de statues au Musée, aux Tuileries et à Versailles.
Apollon, dieu du jour et des beaux arts, portait les différens noms et surnoms qui suivent : ainsi on l’appelait Abœus d’Aba en Phocide, Acersecomes ou à longue chevelure et sans barbe, Acesios, et Acestor, {p. 87}et Alexicacus ou le guérisseur, Acritas ou des hauteurs à Sparte, Actiacus, et Actios et Acteus ou d’Actium, où sa statue colossale servait de phare aux navigateurs, Ægénétès ou le renaissant des Camariniens, Agriate et Agrié ou d’Argos, Agyeus auquel les Athéniens sacrifiaient dans les rues, Aleuromantis ou Alivromantis ou le devin par la farine, Amazonius ou qui termina la guerre des Grecs et des Amazones, Amphysius ou du fleuve Amphyse, Amyclœus ou d’Amiclé en Laconie, Anaphé ou qui rend clair, Apharée et Aphœé ou l’invisible, Apertus ou aux oracles du trépied découvert, Aphetor ou l’invisible qui dictait ses oracles à Delphes, Archegenctès, Archegetès, et Aigenetès ou le principe de tout, Arcitenens ou à l’arc, Argoos ou l’Argien, chez les Coronéens, Argyrotoxos ou à l’arc d’argent, Astypaleus ou d’Astypalée l’une des Cyclades, Bassès ou de Bassa en Arcadie, Bela et Belis ou de Crète et d’Aquilée Belesicharès ou qui lance des flèches, Bellator ou le guerrier Benevolus ou le bienveillant, Bœdromios ou le patron du mois bœdromion, qui répondait à la fin d’août et au commencement de septembre, à Athènes et à Thèbes, Branchide de Branchus son fils, Carnéen de Carnus son favori, Carpog, Carpogenetle ou la génération des fruits, Cataon ou de la Cataonie en Cappadoce, Cerdous ou qui vend ses oracles, Céréate à Epityde et à Mantinée en Arcadie, Cilleus ou de Cilla en Béotie, Cirrheus ou de Cirrha en Phocide, près de cette ville, on voyait une caverne d’où sortaient, dit-on, des exhalaisons inspiratrices, Chryso belemnos ou aux flèches d’or, le Chasseur, Chrysocomos ou à la chevelure d’or, Chryseocyclos ou au cercle d’or, Citharide ou le joueur de cithare, Clarios et Clarius, et Clarien ou de Claros en Ionie, cette ville possédait un temple d’Apollon, bâti par Manto l’une de ses maîtresses, il s’y trouvait une source dont l’eau abrégeait les jours et dont buvait le prêtre chargé de rendre les oracles du dieu Cœlispex ou la statue regardant le ciel, lesur mont Cœlius à Rome, Comeus ou à la belle chevelure, à Naucrate et à Séleucie, Cortinipotens ou le maître du trépied, Cumœüs et Cumée ou de Cumes, dans la Campanie, Custos ou le gardien à Athènes, Cynthias ou de la montagne de Cynthie, dans l’île de Délos, Dammameneos ou le dompteur, Daphneus et Daphnitès ou au laurier, Daphnogétès ou dont le laurier fait la joie, Décatéphore ou le décimateur de dépouilles à Mégare, Dalios et Delios ou qui éclaire tout, à Délos, Delphinios et Delphinien ou de Delphes, ou, parceque, disait-on, ce dieu avait, sous la forme d’un dauphin, guidé Castalius en Crète ; Delphusius ou de Delphuse, Deradiote et Deradioteos ou d’Argos parce que son temple était bâti sur une hauteur, la prêtresse chargée de rendre les oracles ne devait jamais avoir de communications avec les hommes ; Didymœus ou le jumeau de Diane, ou le dispensateur de la lumière, Discens, Dicœus ou de la fontaine Dicée, en Béotie, Dionysiodote ou des Phrygiens, en Attique, Dracontoltès ou le meurtrier du serpent Python, Drymnius ou qui a erré dans les bois, Ecbasius ou des heureux navigateurs, Eglète ou l’éclatant à Anaphe, l’une des Sporades, Elector ou le brillant, Elée ou le compâtissant, Eléléen ou le tournant autour de la terre, Elios et Elion, et Hélios ou le Soleil, Enholmos ou au trépied d’Enholmis l’une de ses prêtresses à Delphes, Epibaterius ou qui préserva Diomède du naufrage, à Trézène, Epactius ou du promontoire à Actium, où se trouvait un oracle célèbre, Erythios ou le {p. 88}guérisseur de Vénus, à Cypre, Eryctibios ou le meilleur, à Rhodes, Eutrésitès ou d’Eutrésie en Béotie, Euryale ou qui éclaire tout, Fatidicus ou le devin, Galaxios ou aux gâteaux d’orge, Gergythius ou de Gergie en Troade, Gigantoletès ou le tueur des géants, Gonnapée ou de Lesbos, Gryneus ou de Grynée en Eolide, Habrogétès ou à la molle chevelure, Hebdomagène ou né le septième jour, parce qu’il avait dû naître, selon les Delphiens, le sept du premier mois du printemps, ou mois Busion ou Pusion, Hecatebole et Hecatos ou qui lance ses rayons au loin, Hécatombé ou qui reçoit des Hécatombes, Horios ou qui préside aux heures, Hylate ou d’Hyélée en Chypre, Hymmagore ou qu’on célèbre sur les places publiques, Hyperboréen ou des peuples du nord, Hyperion ou le plus brillant, ou le Soleil, Hysios ou d’Hysie en Béotie, les oracles s’y rendaient comme à Claros. Ieus ou le guérisseur, Ileus ou d’Ilium, ou de Troie, Isménien ou des bords du fleuve Isménus à Thèbes, ou le dieu des savans, Ixios ou d’Ixius dans l’île de Rhodes, Latogénès, et Latoïdès, et Latoius ou fils de Latone, Leschenor ou le dieu des philosophes et orateurs, Lexios ou qui parle bien, Libyssinus ou du promontoire de Pachinium en Sicile, d’où il avait forcé les Libyens à se retirer en jetant la peste parmi eux, Loïnius ou le guérissant, à Lindos dans l’île de Rhodes, Loxios ou l’oblique, à cause de l’ambiguité de ses oracles, ou de sa course oblique dans le zodiaque, Lycios ou le lumineux, à Sparte en Lycie, Lycoctone ou le gardien des troupeaux contre les loups, Lycogène ou le fils de la Louve, parce que Latone, disait-on, s’était changée en louve pour accoucher, Lycéos, et Lycégénès, et Lycégétès ou l’instructeur, à Athènes, Lyriste ou le joueur de lyre, Marmarinus ou de Marmarium en Eubée, Medicus ou le médecin, Megaletor ou au grand cœur, Melpomenos ou le chanteur, à Athènes et en Acarnanie, Metagitnios ou celui auquel le sixième jour du mois Métagitnion, ou second mois de l’année, était consacré à Athènes, Milesius ou de Milet en Crète ou en Ionie, Musagétès ou le guide des Muses, Myrinus ou de Myrine en Eolide, Navalis ou du promontoire d’Actium, à cause du temple qu’Auguste y fit bâtir en son honneur après la défaite d’Antoine, Néoménius ou de la nouvelle lune, Nepenthès ou qui dissipe la tristesse, Nomios ou qui fait paître, Onceatès ou d’Oncus en Arcadie, Opsophage ou le friand de bonne chère, à Elée, Orchestès ou le danseur, comme Mars dans Lycophron, Pagaseus et Pagasitis ou de Pégase en Thessalie, Palatinus ou du mont Palatin à Rome, où Auguste fit bâtir un temple pour y déposer les livres sibyllins, Parrhasius ou de Pharrasie en Arcadie, près le mont Lycée, Parnopios ou le délivreur de sauterelles, Patareus ou de Patare en Lycie, Patroos ou le Patron, c’est-à-dire ou le protecteur d’Athènes, Pœonius ou le guérisseur, Phanée et Phanès ou le brillant, à Chio et chez les Scythes, Phébus, ou le lumineux, Philios et Philesius ou l’aimable, Phileus ou de Philos en Thessalie, Philalexandros ou l’ami d’Alexandre, à Tyr, Phorbas à Rhodes, Pœan ou le tueur du serpent Python, Polius ou aux cheveux gris, chez les Thébains, Priapœus ou de Priape, en Mysie, Prooptius ou qui prophétise, Prostaterius ou prêt à secourir, chez les Mégariens, Ptoüs ou de Ptoüse en Béotie, Pyctès ou le vainqueur à la lutte, du brigand Phorbas, Pythius et Pythoctone, ou le vainqueur du serpent Python, Salganeus ou de Salganeum en Béotie, Saltator ou le danseur, Saurotochnos ou le tueur de {p. 89}lézards, Selinuntius ou de Selinonte en Cilicie, Smintheus le tueur de rats, chez les Phrygiens, qui lui attribuèrent d’avoir été délivrés de ces animaux, dont ils étaient infestés, Sosianus ou l’Apollon à statue en bois de cèdre, transporté de Séleucie à Come par C. Socius, Spodius ou à l’autel fait des cendres des victimes, à Thèbes, Spondius ou le protecteur des alliances, Styracitis de Styracium en Crète, Tégyreus ou de Tegyra, en Béotie, ville où selon quelques auteurs il était né, Telchinius ou le père des Telchines, à Rhodes, Telmessien ou de Telmèse en Lycie, ou de son fils Telmessus, Tembrius ou de Tembrus en Chypre, Temenitès ou de Téménos près Syracuse, Teneatès ou de Tenéæ près Corinthe, Thargelios ou qui échauffe la terre, Thelxinoé, Thorius qui voit tout, à Thésène, Theoxenius ou l’hospitalier, chez les Pelléniens, en Achaïe, Therminus ou le donneur de chaleur, à Olympie, Thymbreus à Thymbra en Troade, Thyrœus ou qui présidait aux portes comme Janus, Titan comme fils d’Hypérion, ou Hypérion lui-même, Tortor ou le punisseur des criminels, à Rome : dans ce temple, il était représenté écorchant Marsyas ; Toxophore ou le porteur d’arc, Triops et Triopius ou de Triopie en Carie, Tragius ou de Trage dans l’île de Naxos, Ulius ou le salubre, Vulturius ou aux vautours, Zatheus ou le très-divin, Zosterius ou de Zoster, en Attique, à cause des poissons que les pêcheurs lui offraient dans cet endroit, Zoteatès et Zotelistès ou le principe de la vie, à Argos et à Corinthe.
[n.p.]Apollon est donc la personnification du soleil, de l’astre qui produit la lumière. Cet astre avait été l’objet de l’adoration des peuples, long-temps avant la création du fils de Latone. Tous l’avaient aussi personnifié : il était Abelios en Crète, Abellion dans les Gaules, Baul-Semen ou Semel en Phénicie, Bel ou Baal chez les Chaldéens, Moloch chez les Chananéens, Beelphégor chez les Moabites, Adonis chez les Phéniciens et les Arabes, Orus, fils d’ Osiris, chez les Egyptiens, Mithra chez les Perses, Dionysius chez les Indiens, Saturne chez les Carthaginois, Horus, fils d’Osiris et d’Iris chez les Egyptiens, lequel devint Apollon ou Phébus, chez les Grecs et les Romains. Cicéron compte cinq personnifications du soleil : le premier de ces soleils, c’est Apollon, fils de Jupiter et de Latone ; c’est le plus connu et le seul dont nous nous occuperons. Le second, d’après Hésiode, est fils d’Hypérion que l’on croit le Ciel des anciens, et qui lui-même était frère de Neptune, et devait le jour à Uranus. Il avait, dit-on, épousé la titanide Thya ou la Mer, et en avait eu le Soleil, la Lune et tous les astres. Mais un autre écrivain, Diodore, lui fait épouser sa sœur Basilée, dont il eut un fils et une fille, Helion ou Helius, ou Helios, et Séléné. Ils eurent Abie pour nourrice, et tous deux furent tellement célèbres par leur vertu et leur beauté, que cette réputation attira sur Hypérion leur père, la jalousie des autres Titans ses frères. Ceux-ci voulurent l’égorger et noyèrent dans l’Eridan son fils Hélius encore enfant. Etait-ce parce que le soleil sortait de la mer Egée et se couchait dans la mer Ionienne, ou parce que ce prince, l’un des Titans, par suite de ses observations, avait découvert la marche du soleil et des autres corps célestes, que les Grecs avaient inventé ces fables ? C'est ce qu’il nous serait impossible aujourd’hui de décider d’une manière positive. Ce Soleil passait pour avoir eu de Naupidamne, fille d’Amphidamas, le roi d’Elide Augeas ou Augias, que nous rencontrerons plus tard en parlant des Argonautes et d’Hercule. {p. 90}Le troisième soleil était fils d’un Vulcain des Egyptiens appelé par eux Opas, Aphtas ou Phtas. Ils considéraient ce dieu des forgerons comme fils du Nil. Le quatrième soleil était fils d’Acantho, et le cinquième était père d’Eéta et de Circée qu’il avait eus de Persa. Cet Eéta ou Eetès était roi de Colchide, père d’Absirthe et de Médée, vivait lors de l’expédition de Jason, et fut tué dans un combat qui eut lieu sur le Pont-Euxin, entre la flotte de la Colchide et celle des Argonautes, comme nous le verrons plus tard.
Apollon, ainsi que Diane, doit nécessairement être dédoublé pour mieux être compris. Ainsi dans l’origine des temps les plus anciens de la Grèce, il est Hélios ou soleil, souvent confondu avec divers personnages du même nom. Alors on lui attribue spécialement les surnoms suivans : Argirotoxos, Chryseocyclos, Damnameneos, Elector, Eléléen, Hecatos, Hyperion, Phanès et Phanetas, Targelios et Titan.
Les Grecs et les Romains n’ayant jamais séparé l’histoire du soleil de celle d’Apollon, nous suivrons leur exemple ; seulement nous ferons remarquer avec soin les points de séparation qui souvent les distinguent. La naissance d’Apollon remontant à l’époque de la personnification du soleil, date par conséquent de fort loin. Aussi on en compte autant que de cet astre. Ainsi, d’après Cicéron, le premier Apollon était fils de Vulcain, et c’était le protecteur d’Athènes ; le second, né en Crète, avait Corybas pour père ; le troisième, appelé Nomios, venait d’Arcadie ; le quatrième était le fils de Jupiter et de Latone, et le cinquième, que l’on adorait à Delphes, était l’Hyperboréen.
Apollon était regardé par les Grecs comme le fils de Jupiter et de Latone. Nous l’avons vu naître dans l’île de Délos, où sa mère fut obligée de se retirer pour se soustraire à la vengeance de Junon. Arrivée dans cette île flottante que Neptune fixa exprès pour elle, elle y mit au monde d’abord Diane, déesse de la chasse, ensuite Apollon, que Jupiter fit bientôt dieu du jour, de la poésie, de la musique, des lettres, des arts, de l’éloquence, de la médecine et des augures. A peine Apollon fut-il au monde, que les nymphes s’emparèrent de lui et le lavèrent dans leurs ondes où lui-même chanta son immortelle naissance. Elle fut aussi célébrée par le plus ancien des poètes de l’antiquité, le vieux Olen, attaché à Latone. Thémis, déesse de la justice, se chargea de l’enfance d’Apollon. Elle le nourrit de nectar et d’ambrosie, aidée dans ces fonctions par trois nymphes nommées les Thries. Aussitôt que ce Dieu, eut goûté cette divine nourriture, il s’élança de son berceau, et, armé d’une des flèches que Vulcain venait de lui donner, il parcourut la plaine, portant en même temps une lyre mélodieuse. Quelques instans avant de partir, et n’étant âgé que de cinq jours, il fit tomber sous ses traits, pour les essayer, le serpent Python que la jalouse Junon avait envoyé à la poursuite de Latone, et qui cherchait à étouffer les deux Latonides dans leur berceau. Ce fut encore à peu près vers ce temps qu’il choisit pour son séjour spécial le plateau de Delphes. Là il fit élever un temple pour y rendre ses oracles, là aussi il institua les Jeux Pythiques afin de perpétuer la victoire qu’il avait remportée sur le serpent Python. Ce colossal reptile dont le nom signifiait qui sent mauvais, et dont Junon se servit au profit de sa haine, était né, dit-on, de la Terre après le déluge de Deucalion. Appollodore raconte sa mort d’une manière particulière : il prétend que ce monstre gardait l’antre où Thémis rendait ses {p. 91}oracles, et qu’il fut tué à coups de flèches par Apollon pour avoir voulu en défendre l’entrée à ce dieu redoutable. On a expliqué la fable de ce serpent ou dragon en supposant qu’étant formé de limon, il était la personnification des exhalaisons pestilentielles qui s’élevèrent pendant le desséchement de cette terre fétide et qui furent dissipées par la chaleur bienfaisante des rayons solaires. Cependant on pense aussi qu’au lieu d’Apollon cela put fort bien être un prêtre ou un héros qui tua à coups de flèches un brigand du nom de Dracio dont les déprédations continuelles empêchaient les fidèles de venir sacrifier au temple de Delphes. Son corps, laissé sans sépulture, ne tarda pas à infecter tous les environs, d’où lui vint probablement le nom de Python, nom que les astronomes ont conservé afin d’indiquer la constellation du dragon.
Lorsque les Dieux furent rétablis dans l’Olympe, Apollon se distingua par une foule de hauts faits plus brillans les uns que les autres. Ainsi tour à tour on le vit disputer à Mercure le prix de la course, à Mars celui de la lutte, et les vaincre l’un et l’autre. Malheureusement sa glorieuse carrière fut momentanément interrompue par un cruel événement. Ce fut à propos d’un fils appelé Esculape qu’il eut de la nymphe Coronie ou de toute autre : pour être certain que l’éducation de ce fils bien aimé ne serait pas négligée, il l’avait confié à l’illustre centaure Chiron, époux de Chariclo et père d’ Ocyroé. Bientôt Esculape mit si bien à profit les conseils de son maître, qu’il devint tellement habile dans l’art de la médecine que non seulement il guérissait les malades et prolongeait les jours des fragiles humains, mais qu’il ressuscitait encore ceux dont l’ame s’était échappée. Pluton, jaloux de cette puissance, nuisible à la population de son empire, le traduisit au tribunal de Jupiter. Alors celui-ci, pour arrêter les effets de sa trop grande habileté, le foudroie et lui fait subir le pouvoir invincible de la Mort. Apollon, à cet acte d’injustice, ne peut contenir sa fureur, et malgré tout le respect qu’il doit à son propre père, il tend son arc d’or et de ses traits qui ne manquent jamais leur but, il frappe les Cyclopes dont Vulcain se faisait aider pour forger les foudres terribles du maître des Dieux. Jupiter à son tour s’irrite de l’audace de son fils, et, voulant venger ses indispensables forgerons, il le punit en l’exilant des cieux pour une année.
Apollon, pendant cet exil, se réduisit à la condition de simple mortel, visita la Thessalie et se fixa chez Admète, roi des Phèses, peuple de cette contrée. Il prit soin de ses troupeaux et enseigna aux bergers de ces belles campagnes la vie pastorale. Il fut de la plus grande utilité à ce prince qui plus tard devint un des Argonautes, et l’un des chasseurs d’un sanglier terrible auquel on donna le nom de Sanglier de Calydon. Mais nous verrons plus loin ces expéditions guerrières auxquelles prirent part les héros les plus célèbres de la Grèce antique. Apollon fut reçu chez ce roi comme un propre fils ; aussi il lui rendit les plus éminens services, et devint bientôt la divinité tutélaire de toute sa maison. Admète ayant été attaqué d’une maladie mortelle ou du moins s’étant trouvé dans la position de subir la mort, Apollon trompa les Parques et le déroba de leurs mains envieuses. Voici comme le fait est rapporté : Admète alors n’était pas marié ; il devint amoureux de la belle Alceste, fille d’Anaxibie et de Pélias, roi d’Iolchos que nous savons fils de la nymphe Tyro et de Neptune. Malheureusement le père d’Alceste voyant sa fille recherchée par un grand {p. 92}nombre de prétendans, déclara qu’il ne l’accorderait qu’à celui qui pourrait atteler à son char des bêtes féroces de différentes espèces. Le roi de Thessalie, désolé de cette nouvelle, allait mourir de chagrin, quand il eut recours à Apollon. Aussitôt le dieu lui donne un lion et un sanglier apprivoisés qui traînent et emportent le char de la princesse.
Apollon ne fut pas le seul à rendre de brillans services au roi de Thessalie. Ainsi Pélias étant mort on ne sait trop comment, Alceste fut accusé par son frère Acaste d’avoir pris part avec toutes ses autres sœurs au meurtre de leur père. Ce fait jamais ne fut éclairci, et tout porte à croire que ce meurtre n’avait pas eu lieu. Néanmoins Acaste, pour le venger, déclara la guerre à Admète, époux de sa sœur, le fit prisonnier et allait le faire périr, lorsqu’Alceste vint s’offrir volontairement aux vainqueurs pour sauver son époux. Acaste emmenait déjà sa sœur à Iolchos dans le dessein de l’immoler aux mânes de son père, quand Hercule, à la prière d’Admète, son ami, ayant poursuivi Acaste, l’atteignit au-delà du fleuve Achéron et lui enleva Alceste pour la rendre à son mari. Mais ce fait, trop historique pour les Grecs, fut bientôt brillamment embelli ; on en fit une fable, et l’on dit qu’Alceste ayant eu en effet la générosité de mourir pour son mari, son dévouement affligea tellement Admète, que Proserpine, touchée de sa douleur, voulut lui rendre son épouse. Pluton, moins sensible, s’y refusa. Alors Hercule, inspiré par Apollon, se décida à la retirer des mains du dieu des enfers ; à peine avait-il passé le fleuve Achéron, qu’il rencontra la Mort conduisant la princesse, l’attaqua, la vainquit, l’enchaîna avec une chaîne de diamant, et ne rendit la liberté à cette sombre divinité qu’après avoir reconduit Alceste à son mari. Quant au sens moral de cette fable, il montre que l’amour conjugal est toujours récompensé des Dieux.
Après avoir mené la vie pastorale pendant une année, Apollon retourna aux cieux ; mais il en fut exilé une seconde fois par le maître des Dieux pour avoir, d’accord avec Neptune, conspiré contre lui. Neptune ayant subi le même sort qu’Apollon, suivit celui-ci en Troade. Là ils offrirent tous deux leurs services à Laomédon qui les accepta. Apollon environna sa ville de murailles inexpugnables, et Neptune de digues indestructibles. Quand les travaux furent terminés, Laomédon leur refusa le salaire qu’il leur avait promis. Aussitôt ils s’en vengèrent, Neptune en faisant sortir de la mer un monstre marin qui ravageait toutes les campagnes et enlevait à la fois de grandes quantités d’habitans du rivage, et Apollon en livrant Troie à une épidémie épouvantable. On eut recours à l’oracle, qui répondit que les deux fléaux ne cesseraient qu’en exposant au monstre, suivant Diodore, celui des enfans troyens que le sort aurait désigné. Les noms de tous ayant été écrits, celui d’Hésione, la fille du roi, sortit de l’urne. Laomédon fut obligé de livrer sa fille ; déjà elle était enchaînée au bord de la mer, quand Hercule descendit à terre avec une foule de ses compagnons appelés Argonautes. Dès qu’il eut appris l’infortune de cette jeune princesse, il rompit ses liens et la ramena au roi son père en lui promettant de tuer le monstre. A cette offre généreuse, Laomédon promit de son côté pour sa récompense de donner au héros des chevaux invincibles si légers qu’ils couraient sur l’eau. Hercule ayant rempli la promesse, on laissa la liberté à Hésione de suivre son libérateur suivant qu’elle en avait le désir. Hercule ne pouvant alors {p. 93}surcharger les vaisseaux de l’expédition de nouveaux embarras, laissa en garde à Laomédon Hésione et les chevaux, à condition qu’il les lui rendrait à son retour de la Colchide ; mais il n’en fut pas ainsi : Hercule, après l’expédition des Argonautes, lui ayant envoyé Télamon en ambassade pour les réclamer, le roi refusa de tenir sa parole et fit mettre l’ambassadeur en prison. Dès qu’il apprit ce manque de foi, Hercule vint assiéger la ville de Troie, la saccagea, tua Laomédon, enleva Hésione et la fit épouser à son ami Télamon. Quant au conte de l’historien Lycophron, qui fait dévorer Hercule par le monstre auquel Hésione était exposée, et fait demeurer ce héros trois jours dans son ventre, c’est une plaisanterie faisant allusion à Jonas qui mourut en 761 av. J.-C., tandis que la prise et le sac d’Ilion par un Hercule arriva 1260 ans av. notre ère. Maintenant à ces fables dans lesquelles Apollon, Neptune et Hercule se trouvent mêlés, faisons succéder les faits tels qu’ils semblent avoir dû historiquement se passer. Ce Laomédon, fils d’Ilus et père de Priam et d’Hésione, régna sur la ville de Troie 29 années. Il en bâtit la citadelle 1261 ans av. J.-C. avec l’argent du temple de Neptune et d’Apollon, et l’on ne doit pas le confondre avec Laomédon qui régnait à Sicyone à dater de l’an 1328 av. J.-C. Après cette profanation des trésors des temples, une violente irruption de la mer détruisit les digues et laissa en se retirant les terres couvertes de cadavres et de limon. Bientôt la chaleur du soleil excitant la fermentation et la putréfaction de toutes ces matières, il en survint une peste qui ravagea de nouveau la population du pays. Ces deux fléaux firent naturellement croire qu’ils étaient les suites de la vengeance d’Apollon et de Neptune. Un prince du nom d’Hercule étant venu à bout d’arrêter l’inondation et de réparer les digues, ne reçut pas la récompense promise. Alors, vers le même temps il assiégea Troie, saccagea cette ville, enleva Hésione, et donna ainsi prétexte à un Troyen d’enlever par la suite Hélène, épouse de l’un des souverains grecs les plus puissans, vengeance qui, nous le verrons, causa la destruction complète de la ville de Troie. Du reste, le sens moral des aventures de Laomédon avec les Dieux nous enseigne qu’il ne faut jamais balancer à tenir ses promesses.
[n.p.] [n.p.]Après les deux années d’exil, Apollon retourna dans l’Olympe où son père lui confia le char du soleil. C'est alors qu’il prit le nom de Phébus ou le lumineux. Il conduisait son char attelé de quatre chevaux blancs éclatans de lumière et nommés Eôos ou Eoüs, ou l’oriental, Ethon ou le lumineux, Pyroûs ou le brûlant, et Phlegon ou l’embrasé, noms qui sont assez souvent remplacés par ceux de Erythrée, d’Atéon, de Lampos et de Philogée. Le so[ILLISIBLE] il les dételait et allait se plonger dans la mer, c’est-à-dire, que le soleil disparaissait de l’horizon grec borné au couchant par la mer.
Pendant son exil sur la terre, Apollon inventa les accords mélodieux de la lyre et fit connaître à tous les peuples des campagnes qu’il parcourait, la puissance de la musique, de la poésie, de l’éloquence, de la médecine, des augures et des beaux-arts. Ce fut à cette époque qu’il présida au concert des Muses, tantôt sur le mont Parnasse, appelé anciennement Parnassus et actuellement Japera, montagne près de laquelle Parnassus, fils de la nymphe Cléodore et de Neptune, avait fait construire une ville, tantôt sur l’Hélicon ou sur le mont Piérius, et tantôt aux bords de l’Hippocrène et du Permesse.
{p. 94}Ces Muses passaient pour filles de Jupiter et de Mnémosyne ou la mémoire, fille elle-même du Ciel et de la Terre, et sœur par conséquent de Saturne et de Rhée. Jupiter, sous la forme d’un berger, la rendit mère des neuf Muses. Ces filles de Mnémosyne portaient dans leur ensemble divers noms ; ainsi, au lieu de toujours les appeler Muses, on les nommait indifféremment Aganipes et Aganipides, ou des bords de la fontaine Aganipe, fille du Permesse, dont les eaux coulaient au pied de l’Hélicon et inspiraient les poètes ; Aonides ou des monts aoniens en Béotie ; Archesimolpès ou qui entonnent les chants ; Ardalides, ou de la grotte d’Ardalus, fils de Vulcain et inventeur de la flûte ; Boetia numina, ou de la Béotie ; Castalides, ou des bords de la fontaine Castalie en Phrygie, dont les eaux inspiraient le génie ; Cithériades et Cithérides, ou du mont Cithéron en Béotie ; Coricides, ou de l’antre de Coryce, au pied du mont Parnasse ou en Cilicie ; Cumenès, ou de Cumes ; Héliconiades, ou du mont Hélicon ; Hippocrènès, ou de la fontaine Hippocrène que nous verrons naître sur l’Hélicon sous les pieds du cheval Pégase ; Hyantides, ou d’Hyantis, premier nom de la Béotie ; Illissiades et Illicides, ou des bords du fleuve Illissus où elles avaient un temple ; Liberthrides, ou des bords de la fontaine Liberthra, sur les frontières de la Macédoine et de la Magnésie ; Mnémonides et Mnémosynides, ou filles de mémoire ou de Mnémosyne ; Olympiades, ou du mont Olympe, leur plus ancien séjour ; Parnassides, ou du mont Parnasse ; Pégasides, ou à cause de Pégase ; Permessides, ou du mont Permesse et de ses sources ; Pempléennes et Pempléides, ou du mont Pemplée en Macédoine ; Sicelides, ou de Sicile, d’après Virgile ; Thespiades ou de la ville Thespie en Béotie.
On était autrefois peu d’accord sur la quantité des Muses primitives ; car il paraît que leur nombre s’augmenta. Dans l’origine, suivant Pausanias et Varron, on en connaissait trois ; Aœdé, Mélété et Mnémée. Cicéron a pensé qu’il fallait ajouter à ces trois Muses primitives une quatrième qu’il appelait Thelxiope et qui pourrait bien en réalité n’avoir été que le nom d’une syrène, comme celui d’Acheloïs ; car plusieurs écrivains ayant élevé ce nombre de trois à quatre et de quatre à sept, il s’ensuivit que l’on mêla encore au nombre des Muses primitives les nymphes Chelxionée et Pactola. Cette dernière pourtant n’était qu’une muse sicilienne ; mais on pourrait également y rattacher Cumène ou la déesse du chant de l’ancienne Italie où l’on portait à neuf, du moins chez les Sabins, les Novenciles ou dieux qui avaient les plus grands rapports avec les Muses de la Grèce.
Hémeros, ou Dies, ou le Jour, ayant en outre été réparti entre les heures, on confondit souvent celles-ci avec les Muses. Ainsi Anathole, Auxo, Zarie, Carpo, Dy sie ou Dircé, Elète, Eunomie, Euporie, Irène, Musia, Orthésie et Thallo furent tour à tour regardées comme autant de Muses particulières. Il en fut de même des Graces ; mais nous connaissons les premières, et nous retrouverons celles-ci en parlant de Vénus qu’elles élevèrent encore plus spécialement qu’elles n’avaient fait de Junon.
Quoi qu’il en soit, dès que la nymphe Euphémie ou l’éloquence, eut mis au monde Crotos ou Crocas, ou la cadence qu’elle avait eue avec le dieu Pan, elle prit les Muses en nourrice avec son fils, lequel, après avoir rendu les plus grands services à ses sœurs de lait, fut élevé au ciel par Jupiter et rangé parmi les étoiles dans la {p. 95}constellation zodiacale toujours placée proche l’horizon et appelée Croton. Jupiter même, pour mieux le récompenser, lui donna des pieds de cheval afin d’indiquer sa célérité, une flèche dans la main pour indiquer sa capacité, une queue de satyre pour montrer la gaieté de son caractère, et une couronne à ses pieds. Les Muses, une fois sorties de nourrice, furent amenées par les Alloïdes et les Pyrrhiques, ou espèce de Corybantes primitifs, en Grèce où ils fondèrent le culte de ces déesses. Chacune d’elles portait un nom significatif :
Calliope, ou la belle voix, fixait l’esprit des auditeurs par son éloquence et présidait à la poésie épique ; elle avait le front couronné de lauriers, tenait une trompette d’une main et un poème de l’autre. Calliope ayant été juge arbitre dans un différent entre Proserpine et Vénus au sujet d’Adonis qu’elles se disputaient, et l’ayant adjugé à la première, Vénus s’en vengea, car cette muse, de ses amours avec Jupiter, étant devenue mère d’Orphée, la déesse de la beauté inspira aux femmes de la Thrace une fureur amoureuse qui les porta à déchirer en morceaux le malheureux fils de Calliope. Elle eut encore, dit-on, avec Jupiter les Corybantes, Achéloüs, les Syrènes, et surtout Ialème, le dieu des chants lugubres, qui présidait aux funérailles ainsi qu’à tous les devoirs funèbres que les vivans rendent aux morts. Clio ou la gloire présidait à l’histoire si propre à conserver le souvenir des héros et des grands hommes ; elle avait également une couronne de laurier, tenait une trompette dans une main et un livre dans l’autre ; mais, pour mieux la dessiner, on lui faisait tenir un plectre ou un luth en place de la trompette. On lui attribuait l’invention de la guitare. On rapporte qu’un jour ayant voulu faire des remontrances à Vénus sur une intrigue qu’elle avait avec Adonis, elle fut également punie par cette déesse qui lui inspira aussitôt une passion amoureuse, à la suite de laquelle elle devint mère du poète Linus. Érato, ou la muse des amours, présidait à la poésie érotique et légère, aux chants d’amour et aux élégies ; elle était couronnée de myrtes et de roses avec une lyre en main. Auprès d’elle l’amour ailé tenait une torche allumée, et elle avait à ses pieds des tourterelles se becquetant. Euterpe, ou la muse qui charme, était celle de la musique ; on lui attribuait l’invention de la flûte et des instrumens à vent ; elle était couronnée de fleurs, avait une flûte à la main, et l’on voyait à ses pieds des papiers et instrumens de musique. Melpomène, ou celle qui chante les vers héroïques, présidait à la tragédie. On lui donnait la figure d’une jeune femme à l’air sérieux, majestueusement vêtue, chaussée de cothurnes, tenant d’une main des sceptres et des couronnes, et de l’autre un poignard. Elle était habituellement suivie ou de la Terreur, fille de Mars et de Vénus, toujours furieuse, marchant à grands pas, sonnant de la trompette, vêtue d’une peau de lion, et tenant au bras un bouclier sur lequel était une tête de Méduse. On voyait encore à la suite de Melpomène la Pitié ou Miséricorde, couronnée d’olivier, tenant une branche de cèdre à la main droite, ayant le bras gauche déployé et une corneille à ses pieds. Polymnie, ou la muse aux hymnes nombreux, présidait à la poésie lyrique, aux dithyrambes et aux chansons. Elle avait, dit-on, inventé l’harmonie, et on la représentait couronnée de pierreries, vêtue de blanc, la main droite étendue afin de commander le silence, et la gauche portant un sceptre ou un rouleau sur lequel les Romains plaçaient le mot suadere, pour {p. 96}indiquer que la rhétorique doit persuader, ou qu’elle présidait en outre à la musique vocale. Terpsichore, ou qui charme les Chœurs, était la muse de la danse ; elle avait la figure d’une jeune fille vive, enjouée, entourée de guirlandes et dansant en cadence ou aux sons, d’une harpe qu’elle tenait sur le bras gauche, ou au bruit d’un tambour de basque. Elle passait aussi pour mère de Linus et des Syrènes. On ajoutait qu’elle avait eu de Strymon, le roi de Thrace, Rhésus qui fut secourir Troie lors de sa destruction, et de Mars un appelé Biston, habitant également de la Thrace, mais dont on attribue aussi la naissance à Callirhoé. Thalie, ou l’amie des festins, présidait à la comédie, à l’épigramme et à la joie. C'était une jeune fille brillante de gaité, couronnée de lierre, chaussée de brodequins, tenant d’une main un masque, et ayant quelquefois un singe à ses côtés, comme symbole de l’imitation. Uranie, ou la céleste, présidait à l’astronomie, aux mathématiques, aux sciences exactes, et par suite, d’après Homère, à la divination ou science du bien et du mal. On la représentait sous la figure d’une jeune fille couronnée d’étoiles, vêtue d’une robe de couleur azur, portant en ses mains un globe qu’elle semble mesurer avec le [ILLISIBLE], et ayant à ses pieds des équerres, [ILLISIBLE]tans et autres instrumens de mathématiques. On lui donnait aussi le célèbre poète Linus pour fils, comme à Calliope et à Terpsichore. De tous ces enfans, les plus célèbres furent assurément Linus, Orphée et Arion, que nous ferons connaître plus loin en parlant des poètes qui précédèrent Homère.
Cependant il ne faut pas voir dans les enfans des vierges du Parnasse une filiation toute matérielle ; ce serait leur faire une injure qu’elles ne méritent pas. En effet l’on n’attribua jamais à cette filiation qu’un sens purement moral ; ainsi tout grand artiste fut rangé dans cette illustre famille, et passa par la suite pour fils des Muses, afin de donner à la postérité une plus juste idée de son immense talent. Tel était Linus, tel était le divin Orphée.
Voici comme les muses arrivèrent à fixer leur séjour sur le Parnasse : Apollon les ayant rencontrées sur le sommet de cette montagne, leur donna le baiser fraternel, et de suite on convint de former un cercle académique, dont on remit la présidence à ce dieu. Pendant une délibération sur les moyens les plus prompts pour voyager, on aperçut au milieu des airs un cheval ailé, qui en s’abattant sur un rocher, fit sous ses pieds jaillir l’Hippocrène : c’était Pégase, que la vue d’Apollon venait de faire arrêter.
Mais nous-mêmes, avant d’aller plus loin, arrêtons-nous un instant pour faire connaître l’histoire de ce cheval merveilleux. Il était né, dit-on, du sang de Méduse, reine des Gorgones, qui fut tuée par Persée, fils de Jupiter, comme nous le verrons plus tard en parlant en détail des enfans de ce dieu. Déjà Pégase avait été à moitié dompté par Neptune et Minerve, quand il parut devant Apollon, et cela par suite d’une protection toute spéciale de la déesse pour Bellérophon, fils de Glaucus, roi d’Epire ou de Corinthe, et d’Epimède ou Eurimède, fille de Sisyphe, que nous trouverons avec les enfans d’Eole, dont il faisait partie. Ce protégé de Minerve, également appelé Hipponoos, parce qu’on le considérait comme le premier qui enseigna l’art de conduire un cheval avec la bride, ayant eu le malheur de tuer, à la chasse, son frère Déliade ou Alcimène ou Bellerus, d’où lui était venu le surnom de Bellérophon ou meurtrier de Bellérus, se {p. 97}réfugia à la cour de Prœtus ou Proclus, roi d’Argos, vers l’an 1270 avant J.-C. Bientôt Antée ou Sténobée, femme de ce roi, s’étant éprise d’un coupable amour pour le jeune héros, et l’ayant trouvé insensible, imita la femme de Putiphar à l’égard de Joseph, et l’accusa, devant son mari, d’avoir voulu la séduire. Alors le roi, pour ne pas violer les lois de l’hospitalité, garda le silence, mais envoya Bellérophon en Lycie, avec des lettres closes pour Iobate, roi de cette contrée, et son beau-père, lettres dans lesquelles il l’informait du crime supposé de Bellérophon, et le priait d’en tirer vengeance. Pendant neuf jours, Iobate accueillit le jeune envoyé par des fêtes et des festins, mais le dixième, ayant enfin décacheté les lettres de son gendre, il ordonna à son hôte d’aller combattre un monstre appelé la Chimère, né d’un autre monstre, que nous avons vu paraître au jour, à la suite d’un accès de jalousie de Junon, de Typhon, mari d’une fille de l’Océanide Callirhoé et de Chrisaor, frère de Pégase, d’Echidna enfin, qui ne ressemblait ni aux dieux ni aux hommes, qui avait la moitié du corps d’une belle nymphe et l’autre d’un serpent, affreux monstre auquel on attribue pour enfans Orcus, Cerbère, l’Hydre de Lerne, le Sphinx, le Lion de Némée et la Chimère, et auquel la Crainte éleva un culte en Asie vers l’an 1900 av. J.-C. On supposait à la Chimère la tête d’un lion, la queue d’un dragon et le corps d’une chèvre. On disait qu’elle avait été élevée par Amisodar, roi d’une partie de la Lycie, pour avoir une défense formidable contre ses ennemis. Cependant, malgré la frayeur que la présence de la Chimère répandait dans le pays, Bellérophon ne recula point devant l’ordre d’Iobate, et montant sur le cheval Pégase, que Minerve lui donna, il s’avança hardiment contre le monstre, le combattit et le tua. Dans ce combat, Bargyte, son compagnon, fut tué par ce cheval qui lui servit à dompter encore les Solymes, les Amazones et les Lyciens. Alors Iobate reconnaissant l’innocence du héros et la protection spéciale qui le couvrait, lui accorda en mariage sa fille Achémone ou Philonoé, et le déclara son successeur. Mais Bellérophon n’étant pas satisfait de cette récompense, pria Neptune de le venger, et aussitôt le pays fut inondé. En vain les Lyciens le supplièrent, il ne les écouta point, et il ne fléchit qu’après avoir obtenu de leurs femmes les plus douces prières. Ensuite, il se tourna vers la mer et fit retirer les flots. Il eut deux fils, Isandre ou Pisandre, tué dans la guerre contre les Solymes, Hippoloque qui lui succéda au trône, et une fille, Deidamire, femme d’Evandre, ou Hippodamie dont Jupiter eut Sarpédon. Il eut encore avec Astérie un fils, appelé Hydissus. Malheureusement Bellérophon, enivré de ses victoires, voulut conduire Pégase jusqu’au ciel. Cette audace ne plaisant point à Jupiter, ce maître des Dieux envoya un taon qui piqua si fortement le cheval que celui-ci se cabra, culbuta son cavalier et le tua. Les historiens, pour expliquer le sens allégorique de cette fable, ont prétendu que la chimère était une montagne devenue le repaire de bêtes féroces, et que Pégase indique la rapidité avec laquelle Bellérophon opéra toutes ses conquêtes, ou le vaisseau dont il se servit.
Mais revenons à Apollon : aussitôt qu’il eut aperçu Pégase arrêté, il monta sur son dos, plaça en croupe les Muses derrière lui et donna l’ordre au coursier de les transporter tous à la cour de Bacchus, où les protégées d’Apollon eurent une célèbre dispute avec les Piérides. C'étaient les filles de Piérus, roi de Macédoine et d’Evippe. {p. 98}Elles étaient également au nombre de neuf. Chacune à sa naissance avait mis la vie de sa mère en danger. On remarquait surtout parmi elles Acalanthis, Colymba, Chloris et Cissa. Elles excellaient toutes dans la musique et la poésie. Éblouies de leurs talens, elles défièrent les Muses. Aussitôt le combat fut accepté et eut lieu sur le mont Pieros. Les nymphes de la contrée adjugèrent le prix aux Muses. Mais ce jugement irrita tellement les Piérides qu’elles voulurent même frapper leurs rivales. Alors Apollon interposa son autorité, changea en pies ces imprudentes, et, pour mieux les punir, il leur laissa le désir de toujours bavarder ; fable dans laquelle on voulut probablement faire allusion à l’audace que l’émulation excite, et à l’orgueilleuse envie que les vaincus éprouvent après leur défaite.
Tamyris, fils de Philammon, eut la même audace que les filles de Piérus, il osa aussi se mesurer avec les Muses et voir à qui chanterait le mieux. Il fut battu, et comme le vaincu devait être à la discrétion du vainqueur, elles le privèrent de la vue et de la voix, et brisèrent la lyre dont il venait de se servir si malheureusement.
Après cette victoire, les Muses continuèrent à voyager et à se montrer de temps en temps dans chacune des contrées du monde. Ce fut dans le cours d’un de ces voyages que Pyrénée, roi de Phocide, ayant un jour rencontré les Muses, leur fit beaucoup d’accueil et leur offrit de venir se reposer dans son palais. A peine eurent-elles profité de cette hospitalité, qu’il fit fermer les portes et voulut faire violence aux vierges du Parnasse. Alors celles-ci, avec le secours d’Apollon, prirent aussitôt des ailes et s’enfuirent à travers les airs. Pyrénée, à cette vue, monta sur le haut d’une tour et crut pouvoir les suivre en essayant de voler après elles ; il se lance donc ; mais plus lourd que les jeunes protégées d’Apollon, il tombe au bas de la tour et se tue. Fable qui fait allusion peut-être à quelque prince ennemi des belles-lettres.
Adonis ne fut pas plus heureux ; car sa mort, disait-on, fut la punition de quelque audacieuse insolence contre les vierges du Permesse.
Les Muses, après chacun de leurs voyages, revenaient toujours au Parnasse, leur séjour habituel. Là elles retrouvaient les nymphes Corycides qui habitaient la grotte Coryque, Cassotie qui donna son nom à la fontaine Cassotide, Castalie, fille de Castalius, géant, et roi des environs du Parnasse. Cette Castalie fut, comme nous allons le voir, aimée d’Apollon. Quelquefois pourtant elles étaient effrayées par Sybaris, monstre qui habitait dans une caverne du Parnasse.
Les Muses dans plusieurs parties de la Grèce et de la Macédoine avaient un culte particulier. Leur autel à Athènes était magnifique. Leurs trois temples à Rome étaient en grande faveur, surtout celui qui portait le nom de Camènes. Toujours on les adorait et on les invoquait en les confondant souvent avec les Bacchantes ou avec des déesses guerrières ; mais le plus souvent avec les Graces. Aussi, dans les festins, spécialement à Rome, on ne devait pas admettre plus de trois à neuf convives, et rarement dans les salles à manger voyait-on plus de trois lits. C'était au commencement et à la fin de ces repas qu’on les invoquait. Leurs fêtes, appelées Musées, avaient lieu en Grèce avec plus ou moins d’apparat. Les Thespiens, tous les cinq ans, les célébraient même par des jeux publics.
Quand on représentait l’ensemble des Muses, on les montrait avec ou sans ailes {p. 99}et avec leurs divers attributs, ou groupées en ayant Apollon à leur tête, ou dansant en rond, pour prouver que tous les arts et les sciences se tiennent. C'est ainsi qu’on les voit sur le Parnasse dans le tableau allégorique de Montègue, n° 1039, ou dans celui de la danse des Muses de Jules Romain à Florence.
Apollon, tout en étant de retour au ciel, revenait donc sur la terre où ses talens lui suscitèrent plusieurs jaloux, dont il fut même obligé de punir d’une manière exemplaire quelques-uns, parmi lesquels on place surtout Midas. C'était un fils de Gordius ou de Gorgias et de Cybèle. Il régnait vers l’an 1247 av. J-C. dans cette partie de la grande Phrygie où coule le Pactole. Il s’enrichit par la découverte de nombreuses mines d’or et d’argent. Il fut élu roi par suite d’une prédiction faite à son père, pauvre laboureur, un jour qu’un aigle était venu se poser sur le joug de ses bœufs. En mémoire de cette protection de la part de Jupiter, Midas lui consacra le charriot sur lequel il était venu en Phrygie. Ce roi avait pour ami le dieu Pan. Celui-ci, s’applaudissant une fois de la beauté de sa propre voix et des doux sons de sa flûte, finit par avoir la témérité de les préférer à ceux de la lyre et de la voix d’Apollon ; il poussa la vanité jusqu’à lui porter un défi en choisissant pour juge Midas, lequel prit pour auxiliaire Tmole, ami du géant Télégone, brigand de profession ; ce Tmole fut pour Apollon, mais Midas adjugea la victoire au dieu Pan. Apollon, afin de se venger de cette petite mésaventure, fit croître aussitôt des oreilles d’âne au juge ignorant ou injuste. Midas, bien honteux de cette difformité, la cachait comme il pouvait avec sa couronne. Long-temps personne ne s’en aperçut ; son coiffeur seul en avait le secret. Le pauvre barbier le conserva autant qu’il lui fut possible. Malheureusement un secret pèse souvent beaucoup ; aussi, fatigué à la fin de son poids, il fut dans un lieu écarté, y creusa un trou, y glissa à voix basse que sa majesté avait des oreilles d’âne, puis il combla le trou et se retira. Quelque temps après des roseaux ayant poussé sur la terre et s’étant desséchés, répétaient les paroles indiscrètes du barbier chaque fois que le vent les agitait. Du reste toute cette fable est une allégorie montrant dans Midas l’ignorance grossière, préférant la médiocrité d’un ami au talent véritable d’un inconnu ; dans le barbier, le silence des courtisans qui entourent les princes, et dans les roseaux parlans, la plume indiscrète de quelque poète de l’époque, publiant de dures vérités toutes les fois qu’il avait à se plaindre du monarque.
Midas avait eu deux enfans ; d’abord Ia, fiancée d’Atys, puis Canchurus qui se dévoua pour le bien public en se précipitant avec son cheval dans un goufre instantanément ouvert à Célène, ville de Phrygie. Cet acte de dévouement fit aussitôt refermer le goufre. Son père, pour en conserver la mémoire, éleva au même endroit un autel à Jupiter.
Dans l’aventure de Midas la vengeance d’Apollon fut simplement plaisante, mais il ne fut pas si doux avec le satyre Marsyas, fils d’Olympe, ou d’Hyagnis, ou d’OEagrus, et né à Célène en Phrygie. Il joignait, suivant Diodore de Sicile, à beaucoup d’esprit une sagesse et une continence à toute épreuve. Il suivait Cybèle dans tous ses voyages. Le hasard leur fit rencontrer à Nisa, Apollon qui venait d’être exilé du ciel, le hasard voulut aussi que Marsyas, d’une force très-remarquable sur la flûte, ait eu l’audacieuse idée de porter un défi au dieu de l’harmonie, défi qui fut accepté {p. 100}à la condition que le vaincu serait à la discrétion du vainqueur ; les Nyséens et les Muses furent choisis pour juges. Marsyas commença, et tira avec une flûte dont Minerve s’était servie, des sons si mélodieux qu’il parut devoir l’emporter sur son concurrent ; mais Apollon unissant sa voix aux doux accens de sa lyre, fit entendre des chants que la flûte de Marsyas avait été loin d’égaler, aussi Apollon fut-il déclaré vainqueur. Indigné de l’audacieuse résistance de Marsyas, ce dieu s’apprête à le punir : en vain le malheureux satyre maudit son art et son chant, en vain il demande grace au dieu des vers, celui-ci reste inflexible, l’attache à un arbre et l’écorche tout vif, ou, comme le dit Hygin, le fait écorcher par un Scythe ; ses cris retentissent dans toute la contrée, son supplice porte partout un effroi général, les nymphes, les faunes, les bergers et surtout les satyres pleurent l’infortuné, et ces larmes, dit-on, ou, suivant d’autres, le sang de Marsyas, donne aussitôt naissance au fleuve de Phrygie qui portait son nom. Dans sa colère, Apollon voulut également punir Babys, frère de Marsyas ; mais il lui fit grace, à la prière de Minerve. Audace et vanité punie, voilà le sens moral de cette fable. Marsyas, quant à l’acte cruel d’Apollon, nous prouve que les plus grands talens ne sont point exempts d’une haine jalouse contre quiconque veut lutter de gloire avec eux, et qu’ils se laissent même quelquefois entraîner à des vengeances qui ternissent leur mémoire. Long-temps on conserva la peau de Marsyas, à Cylène ; elle était suspendue, s’agitait au son de la flûte et restait au contraire impassible à ceux de la lyre. Cet infortuné était adoré comme symbole de la liberté sur les places publiques des villes libres, et, comme intime ami de Bacchus-Liber, il avait aussi à Rome dans le forum, où l’on rendait la justice, des statues que les avocats invoquaient avant de plaider, et qu’ils couronnaient dès qu’ils obtenaient quelques succès.
Si nous avions dessein de passer en revue tous ceux qu’Apollon punit ou récompensa avec plus ou moins de justice, nous pourrions en trouver un très grand nombre ; mais nous nous contenterons de rappeler les suivans : Arlémicha, fille d’Alinis et d’Harpa, fut changée par ce Dieu pour un fait inconnu, en un oiseau appelé Aiphius en Grèce ; le pasteur Cragalée d’Ambracie, qu’Apollon prit pour avoir servi d’arbitre dans un différent qu’il avait avec Diane et Hercule ; ce pauvre vieillard s’étant prononcé pour ces derniers, fut transformé en rocher par celui qui lui avait fait le triste honneur de s’en rapporter à son jugement ; Mégalitor fut aussi changé en ichneumon sans qu’on sache trop pourquoi ; Pompile, pêcheur de l’île d’Icarie, n’ayant pas voulu servir les amours d’Apollon avec Ocyrhé, fille de la nymphe Chésias et du fleuve Imbrasus la transporta à Milet, alors le dieu pour le punir le changea en coquille ; le jeune Leucatée ayant également refusé de céder à quelques fantaisies peu honorables du dieu, s’élança du haut du mont Leucate dans la mer, et se déroba ainsi aux poursuites d’Apollon, qui par souvenir donna le nom de cet enfant à ce promontoire de l’île de Leucade, si malheureusement célèbre plus tard par les suicides de divers personnages venus pour éteindre dans les eaux qui baignaient ce promontoire, de coupables passions, et en faisant ce que l’on nomma le saut de Leucade, lequel, par la suite, comme nous le verrons en parlant de Vénus, devint une expiation à la mode ; Phorbas, chef des Phlégyens, homme cruel et violent, fut tué aussi par Apollon : il avait {p. 101}spolié les environs du temple de Delphes. D'un autre côté, le dieu avait beaucoup de protégés ; ainsi nous citerons le crétois Carmanor qui le purifia après sa victoire sur le serpent Python ; Iapis, auquel le dieu du Parnasse voulu donner un arc, des flèches, et la science augurale, mais qui le supplia de lui permettre de se contenter de la simple connaissance de l’art de guérir, pour pouvoir prolonger les jours de son père Iasus, que les infirmités menaçaient de lui enlever ; exemple de piété filiale que le Dieu récompensa aussitôt ; Dédalion, fils de Lucifer, frère de Céyx et père de Chioné : il fut si affligé de la mort de cette fille chérie qu’il se précipita de désespoir du sommet du Parnasse ; mais Apollon, touché de ce dévouement, le soutint dans sa chute et le métamorphosa en épervier.
[n.p.] [n.p.]Parmi ces individus chéris particulièrement d’Apollon, on remarque le babylonien Clinis, puis Cyparisse, fils d’Amyclée de l’île de Céos ; ce Cyparisse était un jeune homme de la plus grande beauté, que le Dieu du jour tua sans le vouloir en chassant un cerf. Il en fut si désolé qu’il regretta d’être immortel. Aussi, pour en perpétuer la mémoire il le changea en cyprès, arbre qui dès-lors devint le symbole de la douleur et le compagnon pour ainsi dire de la tombe. On connaît encore Epyte, fils du roi arcadien Elate, tué à la chasse par un serpent appelé Seps, d’où vint à la contrée où il mourut le nom de Sepsa. Enfin Hyacinthe est l’un des favoris d’Apollon, dont la mort causa à ce dieu le plus de regrets. Il avait pour mère, ainsi que son frère Cynorthès, la belle Diomède, fille de Lapithès, et pour père Amyclas, né lui-même de Lacédémon et de Sparta. Cependant Apollodore fait naître Hyacinthe de Piérus, fils de Magnès et de la muse Clio, ou suivant Hygin, il descendait au moins d’OEbalus, fils de Cynortas, roi de Lacédémone et époux de Gorgophone dont il avait eu Tyndare. Quoi qu’il en soit de la naissance d’Hyacinthe, il fut cher non-seulement à Apollon, mais encore à Zéphyre, ou, suivant d’autres, à Borée. L'un de ces derniers, piqué de la préférence que le jeune homme accordait au dieu des Muses, profita, pour se venger, qu’un jour Apollon jouait au disque avec lui, de détourner de son souffle un palet lancé par ce dieu, et le dirigea sur Hyacinthe, qui fut tué sur le champ. En vain Apollon voulut-il le rappeler à la vie, tous ses efforts furent inutiles : alors, pour le conserver à la fois comme expression et monument de sa douleur, il transporta son corps parmi les astres, et fit naître du sang qu’il perdit une fleur qui porte son nom et au fond de laquelle on prétend voir encore ses initiales i et a ; de là, pour honorer Apollon dans la personne de son favori, les Lacédémoniens célébraient annuellement des fêtes qui duraient trois jours. Les deux premiers étaient consacrés à pleurer, et l’on mangeait sans couronnes ; mais le troisième était réservé à la joie : on faisait des sacrifices et l’on terminait la journée par des chants et des festins.
Botrès reçut aussi une marque de haute faveur de la part d’Apollon ; il venait de manger le cerveau d’une victime avant qu’elle eût été placée sur l’autel ; à cette vue, son père furieux prend sur ce même autel un tison enflammé, et fait mourir Botrès sous les coups de cette arme sacrée. Cependant il ressentit ensuite tant de chagrin de ce malheur, qu’Apollon, pour le consoler, changea son fils en un oiseau nommé Aropus.
Si maintenant nous considérons Apollon comme étant plus particulièrement une personnification du soleil, nous le voyons venir d’Égypte en Grèce, y perdre son {p. 102}nom d’Osiris et y recevoir comme astre l’adoration des Grecs et surtout des Rhodiens, qui lui rendaient un culte pompeux et solennel. Devant lui on jurait de tenir avec fidélité ses engagemens, et rarement on y manquait. Les Syriens adoraient également cet astre brillant ; l’empereur Héliogabale, ancien pontife de Syrie, transporta son culte à Rome où il fit élever en son honneur un temple magnifique. Partout le soleil présidait aux douze mois de l’année ; alors on crut avoir observé que pendant l’espace de chacun de ces mois il parcourait la portion d’un cercle que l’on supposa exister dans le ciel, et auquel on donna le nom de Zodiaque ; puis on divisa ce cercle en douze portions ou constellations répondant aux divers mois. Ces constellations, que les anciens appelaient les douze maisons du soleil ; portent les noms suivans et répondent chacun à un mois spécial ; ainsi dans le printemps le soleil commençait à passer dans le signe du Bélier ou mars : on le croyait le bélier à toison d’or sur lequel Phrixus et Héllé s’échappèrent de la cour d’Athamas, comme nous le verrons dans l’expédition des Argonautes, ou le bélier qui découvrit des sources à Bacchus au milieu des déserts de la Libye ; de là il allait dans celui du Taureau ou avril, c’était, disait-on, le taureau sous la forme duquel nous verrons Jupiter enlever Europe ou la génisse en laquelle Junon métamorphosa la belle Io ; puis il arrivait dans le signe des Gémeaux ou mai, on les regardait comme Castor et Pollux, enfans de Jupiter. Pendant l’été il passait dans le signe du Cancer ou juin, monstre que Junon enverra lutter contre Hercule quand il combattra l’hydre de Lerne ; de là dans celui du Lion ou juillet : c’était le Lion de Némée avec lequel nous ferons connaissance en parlant d’Hercule ; puis dans celui de la Vierge ou août que l’on disait être Thémis, ou Astrée, ou Erigone. Durant l’automne il entrait tour-à-tour : dans le signe de la Balance ou septembre : c’était, disait-on, la balance dont Astrée s’était servie sur la terre pour purger les hommes avant qu’elle retournât au ciel ; ensuite il venait dans celui du Scorpion ou octobre : c’était lui qui, par ordre de Diane, devait avoir piqué Orion au talon ; c’était lui qu’on appelait formidolosus, parce qu’il était regardé comme funeste aux naissances ; on le nommait aussi le major, parce qu’avant la création du signe de la balance il occupait les deux espaces du cercle ; de là le soleil entrait dans le Sagittaire ou novembre : c’est un centaure, c’est Chiron, suivant les uns, ou, suivant les autres, c’est Crocus, le fils d’Euphémée et le favori des Muses qui le firent placer au ciel après sa mort. Pendant l’hiver le soleil passait dans le signe du Capricorne ou décembre : c’est Amalthée, la nourrice chérie de Jupiter ; alors il arrivait dans le Verseau ou janvier : c’était Ganymède ou Aquarius, parce que ce mois est sujet aux pluies ; et enfin il entrait dans le signe des Poissons ou février ; on supposait qu’ils étaient ceux dont Vénus et l’Amour s’étaient servis pour traverser l’Euphrate et s’échapper des poursuites de Tiphoé.
Les Romains adoptèrent encore, l’année 687 de la fondation de leur ville, un autre dieu soleil qu’ils empruntèrent aux Perses : C'était Mithra dont on attribuait la naissance à une pierre. Il ne nous est pour ainsi dire rien resté de ce dieu. Cependant une inscription latine qui portait : « Au Dieu soleil, à l’invincible Mithra »
, ne laisse aucun doute sur la puissance qu’on lui prêtait. Ses fêtes, appelées Mithriaques, se célébraient à Rome comme en Perse le 25 décembre, jour de la naissance de ce {p. 103}dieu, avec beaucoup de solennité, dans des grottes où les mystères se terminaient par des sacrifices de victimes humaines, coutume épouvantable abolie par Adrien, et que l’empereur Commode osa rétablir. Après ces affreux sacrifices, les hyérophantes ou prêtres montraient aux initiés le dieu sous la figure d’un jeune homme et leur expliquaient, dit-on, comment les symboles de ce culte étaient une suite d’images représentant les différens passages de l’homme à travers les planètes avant d’arriver dans celle du soleil où il doit ensuite rester pour toujours. Ce culte dont le souverain pontife avait sous lui des ministres des deux sexes appelés patres et matres sacrorum, passa rapidement de Rome en Egypte, en Crète et même dans la Dorique et la Dacie, et partout on lui accorda la plus haute considération.
A peine Apollon fut-il retourné au ciel que son culte prit sur la terre le plus grand développement, tant en Grèce que plus tard dans toute l’Italie. On lui consacrait le palmier, l’olivier, le laurier, le lotos, le genévrier, le cyprès, le myrte, le tournesol, la jacinthe, l’héliotrope ; parmi les animaux, le coq, le cygne, l’épervier, la cigale, le griffon, le corbeau, la corneille, le flamant, le lion, le loup et le phénix. Son culte était répandu dans toute la Grèce, dans les îles de la mer Egée, dans la Crète ; dans l’Asie-Mineure et particulièrement en Lycie.
Quant aux fêtes spéciales d’Apollon, comme dieu de l’harmonie ou comme soleil, elles étaient fort nombreuses en Grèce et à Rome. Ainsi l’on connaissait : les Actiaques, jeux qui se célébraient tous les trois ans à Actium et tous les cinq ans à Rome où ils furent importés par Auguste après la défaite d’Antoine ; les Adrasties, jeux pythiens que le roi d’Argos, Adraste, avait institués à Sicyone ; les Apollinaires ; jeux que l’on célébrait à Rome tous les cinq ans en offrant à Latone une génisse aux cornes dorées, et à son fils un bœuf aux cornes pareilles et des chevreaux blancs ; les Apollonies, processions qui avaient lieu chaque année à Egialée en l’honneur des Latonides qui, pour punir les habitans de cette ville de n’avoir pas voulu un jour les recevoir, les accablèrent d’une peste que l’on ne put voir cesser qu’après avoir envoyé une ambassade de sept jeunes filles et de sept jeunes garçons au temple des deux divinités pour les supplier de revenir. Les Carnées étaient des fêtes militaires à Lacédémone instituées par le troyen Carnus, fils de Jupiter et d’Europe et favori d’Apollon, pour honorer ce dieu par des combats de musique et de poésie, lors de chaque pleine lune. Les ministres de ces fêtes appelés Carnéates ne pouvaient se marier pendant les quatre années qu’ils étaient appelés à les desservir. Les Carrousels étaient des courses de chars inventées, dit Tertulien, par Circé en l’honneur de son père le soleil. Les Daphnéphories étaient des fêtes béotiennes que tous les neuf ans on célébrait en l’honneur d’Apollon soleil. On allait processionnellement jusqu’au temple d’Apollon-Isménien ou Galaxius, lui offrir des rameaux de laurier. Le chef de la troupe, appelé Daphnéphore était un jeune homme qui portait une branche d’olivier ornée de fleurs et de lauriers, surmontée d’un globe d’airain imitant le soleil ; sous ce globe principal on en voyait plusieurs autres petits représentant la lune et les étoiles, et plus bas pendaient 365 couronnes faisant allusion aux jours nécessaires à la révolution annuelle du soleil. Les Délies célébrées par les Athéniens en l’honneur d’Apollon Delios. Les Delphinies étaient les fêtes d’ {p. 104}Apollon Delphien célébrées dans le mois de juin ou Delphinion. Chez les Eginètes, les Didymées avaient lieu à Milet. Les Épidémies se célébraient en public à Délos, à Delphes et à Milet pour obtenir la protection d’Apollon, et chez les particuliers pour le remercier de l’heureux retour d’un ami ou d’un parent. Les Galaxies étaient des fêtes pendant lesquelles on offrait à Apollon des gâteaux d’orge. Les Halies se célébraient à Rhodes pour honorer la naissance du soleil. Les Hécatombées étaient des fêtes à Athènes pendant lesquelles les premiers jours de l’année civile on offrait des hécatombes à Apollon ; les Argiens et les Eginètes célébraient également et de la même manière ces fêtes, mais en l’honneur de Jupiter. Les Héliaques avaient passé de Perse en Cappadoce, en Grèce et à Rome. Elles se célébraient en l’honneur du soleil. Les Hyacinthies étaient à Lacédémone un deuil de trois jours en mémoire de la douleur que le dieu du Parnasse avait éprouvée à la mort de son favori Hyacinthe. Les Lycées se célébraient à Argos pour fêter Apollon Lycoctone, ou le vainqueur des loups qui avaient dévoré les troupeaux d’Admète. Les Mélagitnies étaient des fêtes chez les Mélagitnies étaient des fêtes chez les Mélitéens pour remercier Apollon de les avoir protégés pendant leur changement de domicile, lorsqu’ils furent de Mélite s’établir dans un bourg voisin appelé Diomée. Les Mitylénies se célébraient en l’honneur d’Apollon chez les Mityléniens hors des murs de leur ville. Les Néoménies des Grecs ou Calendes romaines étaient, dans toute la Grèce et à Rome, comme en Egypte, les fêtes de la nouvelle Lune. On les célébrait avec la plus grande pompe et l’on offrait des sacrifices surtout à Apollon, dieu du jour, des mois et des saisons. Riches et pauvres, tous prenaient alors part aux jeux et repas publics. Les Poliées avaient lieu chez les Thébains en l’honneur d’Apollon Polius ou le Gris. Les Pyanepsies étaient des fêtes athéniennes qui arrivaient le septième jour du mois Pyanepsion ou octobre, et pendant lesquelles on offrait des fèves cuites à Apollon. On attribuait leur institution à Thésée. Les jeux Pythiques ou Pythiens étaient les fêtes les plus brillantes qui se célébraient en Grèce en l’honneur d’Apollon par souvenir de sa victoire sur le serpent Python. Ils revenaient d’abord tous les neuf ans, puis ensuite après quatre années révolues, c’est-à-dire, au commencement de la cinquième. La musique, dit-on, était le seul sujet du prix que l’on devait y décerner. L'on attribuait leur invention à Apollon lui-même ou bien à Diomède, ou à Amphiction, ou bien au conseil entier des Amphictions. On disait que les Dieux avaient pris part à la première de ces fêtes, dont la célébration avait eu lieu l’an 1263 av. J.-C. ; et pour le prouver, l’on assurait qu’Apollon avait bien voulu ce même jour décerner des palmes de laurier à Castor, Pollux, Hercule, Calaïs, Zethès, Télamon et Pelée pour avoir remporté les prix du pugilat, de la course de chevaux, du pancrace, de la course à pied, du combat armé, de la lutte et du disque. Les Septéries n’étaient à Delphes que les jeux pythiens revenant tous les sept ans. Ces fêtes avaient cela de particulier que l’on y faisait un simulacre d’assaut donné au temple d’Apollon. Les Thargélies étaient des fêtes athéniennes qui se célébraient dans le mois Thargelion, en l’honneur d’Apollon-soleil et de Diane-lune comme auteurs des biens de la terre dont on leur offrait les prémices cuits dans un vase appelé Thargélos. Elles se ressentaient de la barbarie des premiers siècles de la Grèce, car on y sacrifiait deux victimes humaines que l’on avait pris l’affreux {p. 105}soin d’engraisser long-temps auparavant. Les Théophanies se célébraient à Delphes en mémoire de la première apparition d’Apollon dans cette ville. Les Théoxénies instituées à Palène par les Dioscures, Castor et Pollux, en l’honneur spécialement d’Apollon Théoxénien ou l’hospitalier, ne permettaient qu’aux habitans de la contrée d’y prendre part, et l’on remettait une somme d’argent au vainqueur de ces jeux. On prétend aussi qu’à la fin de ces fêtes on offrait un sacrifice à l’ensemble de tous les Dieux. Enfin les Thrio se célébraient en Grèce en l’honneur d’Apollon le divin, parce que l’on appelait Thries, du nom de ses nourrices, les sorts ou bulletins que l’on jetait dans une urne pour interroger ce Dieu.
Apollon passant dans l’antiquité pour le plus jeune et le plus brillant des Dieux, on le représentait comme un homme de vingt-cinq à trente ans. Quelquefois on lui donnait plusieurs têtes ; mais presque toujours on le montrait avec toutes les perfections possibles. Les plus célèbres statues d’Apollon étaient nombreuses : Néron lui en avait fait élever une qui avait cent vingt pieds de haut ; celle de Rhodes en avait cent cinq ; celle-ci, commencée par Charès, trois cents ans avant Jésus-Christ, fut achevée par Lachès après douze années de travaux. Il y en avait une autre à Délos de vingt-quatre pieds, à Apollinie une de trente coudées, et à Mégare une de forme pyramidale. La plus belle qui soit parvenue jusqu’à nos jours est celle connue sous le nom d’Apollon du Belvéder : elle représente le dieu tuant de ses traits le monstre qui désolait le territoire de Delphes. Dans les bas-reliefs il est presque toujours tenant d’une main une lyre d’or et de l’autre un plectrum ou un archet. Tantôt il est appuyé contre un arbre ou un rocher dans l’attitude du repos ; tantôt, comme à Thessalonique, il se couronne lui-même après la défaite de Marsyas ; tantôt comme on le voyait à Lesbos, il tient une branche de myrte à la main ; tantôt comme on le voyait à Lesbos, il tient une branche de myrte à la main ; tantôt comme il était à Délos, il porte de la main droite un arc et de la gauche les trois Graces, ayant elles mêmes trois instrumens, la phorminx ou lyre, la syrinx et la flûte. Si l’on spécialise le dieu du jour ou le soleil, il est représenté sur un char brillant attelé de quatre chevaux lancés au galop ; il tient d’une main un fouet ou un sceptre, et dans l’autre un coq ou une corne d’abondance, ou quelquefois même une lyre ; alors il est le jeune et blond Phébus à la chevelure longue et flottante, ravissant d’éclat et de beauté et ne vieillissant jamais. Les Egyptiens, grands adorateurs du soleil, comme nous le verrons, représentaient ce dieu par un sceptre surmonté d’un œil, ou par un cercle radieux dont le disque était formé par un serpent d’or et ailé, contourné sur lui-même, et les Hiéropolitains donnaient à ses statues une barbe pointue et les couronnaient d’une corbeille d’or. D'autres fois il est sur le Parnasse au milieu des Muses, ou bien il est aux jeux pythiques tenant une pomme à la main, prix qu’il s’apprête à décerner. C'était toujours les cheveux épars et flottant au gré du vent, couronné de laurier, et comme Apollon Lyriste ou Vates ou dieu de la poésie et de la musique, qu’il paraissait aux festins de Jupiter. Quand on le prend pour dieu de la médecine, il est entouré de nuages et un serpent se voit à ses pieds. Nos musées sont remplis de statues et de tableaux représentant ce dieu à toutes les époques de sa vie.
Apollon avait un culte généralement répandu sur toute la terre ; en Perse, en Egypte, en Grèce, en Italie, le Dieu du jour avait des temples et des autels {p. 106}nombreux. Le plus fameux de ces temples était celui de Delphes, où le héros grec Philaque était religieusement honoré, probablement comme un des plus célèbres desservans des autels de ce dieu. On connaît encore parmi les noms de ses grands prêtres ceux de Chrysès, d’Evanthe, puis d’Abaris, d’Aanius, de Crinis et de Mélanippe. Il y eut deux Chrysès, l’un père de la belle Astynomé ou Chryséis que nous verrons devenir la prisonnière d’Achille et la maîtresse d’Agamemnon ; l’autre était le petit-fils du premier, et par conséquent le fils de Chriséis et d’Apollon ou mieux d’Agamemnon. On lui cacha sa naissance jusqu’à ce qu’Iphigénie et Oreste s’étant sauvés de la Chersonèse-Taurique, avec la statue de Diane, se fussent réfugiés dans l’île de Smynthe où Chrysès avait succédé comme grand prêtre à son aïeul maternel. Alors en causant ils se reconnurent tous les trois, et retournèrent à Mycènes prendre possession de l’héritage de leur père. Evanthe, grand prêtre d’Apollon à Ismare, était père de Maron que nous verrons recevoir Ulysse dans cette ville et lui verser d’excellent vin. Abaris, suivant Hérodote, Strabon et Pausanias, était un scythe qui, pour avoir chanté un voyage d’Apollon au pays des Hyperboréens, fut fait grand prêtre de ce dieu, et reçut de lui, outre l’esprit de la divination, une flèche d’or sur laquelle il traversait les airs. Il prédisait les tremblemens de terre, chassait la peste, apaisait les tempêtes et fit à Lacédémone des sacrifices tellement heureux, que depuis, jamais les environs de cette ville ne furent livrés à aucune épidémie. On disait même qu’il vivait sans prendre de nourriture. Mais ce qu’il fit de plus remarquable, ce fut, avec les os de Pelops, une statue de Minerve, autrement dit de Pallas, tenant une pique levée dans sa main droite et une grenouille dans l’autre, espèce d’automate qui se mouvait de lui-même, et que les Troyens achetèrent croyant sur parole qu’il l’avait fait descendre du ciel. Cette statue devint ensuite le fameux Palladium à la présence duquel la conservation de Troie fut attachée. Abaris était donc simplement un savant sachant fort habilement profiter de ses connaissances. Anius passe pour avoir été roi et grand prêtre d’Apollon. Ils furent peut-être deux du même nom ; cependant nous n’en admettrons qu’un seul : il avait eu de la nymphe Dorippe trois filles qui reçurent de Bacchus le don de pouvoir changer tout ce qu’elles touchaient, l’une en vin, c’était OEno, l’autre en blé, c’était Spermo, et la troisième en huile, c’était Elaïa. Ayant imploré Bacchus pour ne pas être obligées de suivre Agamemnon au siège de Troie, ce dieu les métamorphosa en colombes, c’est-à-dire, qu’elles s’échappèrent. Quant à leur père, il chercha à éviter ensuite la colère des Grecs en se réfugiant dans la ville de Troie. Crinis était un prêtre d’abord très-négligé dans ses fonctions ; bientôt il en fut puni, car ses champs furent dévorés par une multitude de rats et de souris ; mais un redoublement de zèle lui valut enfin son pardon, et lui mérita de voir Apollon se donner la peine de détruire lui-même à coups de flèches tous ces animaux, d’où vient à ce dieu le surnom de Sminthé, lequel aussi, par suite probablement de cet événement, fut donné à l’île où ce champ était placé. Melanippe était prêtre d’Apollon à Cyrène, et fut mis à mort par le tyran Niocrate. On connaît aussi quelques prêtresses d’Apollon, et entre autres Déliade et Panothée. La première, dont le nom passa à toutes celles qui lui succédèrent, desservait le temple de Délos et la {p. 107}seconde, vivant du temps d’Abas ou d’Acrise entre les années 1324 et 1284 av. J.-C., passait pour avoir inventé les vers héroïques.
Ces prêtres et prêtresses desservaient des temples dont plusieurs étaient célèbres par les oracles que ce dieu y rendait, et que ses prêtres ou prêtresses transmettaient aux fidèles. Il avait cela de commun avec Jupiter, qui voulait bien aussi quelquefois et dans quelques localités spéciales faire connaître l’avenir à ses croyans. Les oracles les plus fameux d’Apollon étaient ceux de Delphes, de Délos, de Ténédos, de Claros, de Didyme, près Milet, et de Patare ; ceux de Jupiter étaient les oracles de Dodone, d’Ammon et de Trophonius. Le plus superbe temple du dieu du jour était celui de Delphes. Ses oracles étant les plus chers à obtenir, on comblait le dieu de riches présens ; aussi son trésor fut-il souvent pillé par les divers conquérans de ce territoire. On comptait en outre beaucoup de temples fort beaux destinés à ce dieu dans toute la Grèce et l’Italie. Les prêtres de ces temples ne portaient pas partout les mêmes noms. Ainsi, à Didyme, ils s’appelaient Branchides ; chez les Romains, Phœbades ; dans quelques localités Engastrymanthes, et les prêtresses étaient Déliades à Délos, et Engastrymithes dans plusieurs autres temples.
L'art de dire la bonne aventure fut par conséquent fondé par Jupiter ou Apollon, du moins en Grèce, et passa ensuite en Italie et dans toute l’Europe, honneur dont ne se doutent assurément pas nos vieilles pythonisses modernes.
En effet, cette orgueilleuse prétention de lire dans l’avenir doit remonter à une époque fort éloignée. Le désir toujours inutile de connaître cet avenir, mais d’autant plus vif que l’on est plus ignorant, dut naître dans les temps où les peuples, encore à l’état sauvage, étaient plus crédules. L'imposture, on le conçoit, ne tarda pas à donner à ces charlatans un certain relief religieux. On distinguait plusieurs sortes de méthodes de connaître l’avenir : d’abord les oracles et la divination, les augures et les aruspices.
Les Oracles étaient des phrases ambiguës, toujours à double sens : les prêtres qui transmettaient ces phrases aux dévots que la crédulité attirait aux pieds de leurs autels portaient le même nom. Le préjugé où l’on était alors que la nature était soumise à diverses intelligences célestes faisant connaître aux peuples de la terre leurs volontés par l’entremise de certains individus spécialement favorisés, entretint le culte des oracles, c’est-à-dire l’art d’exprimer aux oreilles du vulgaire les phrases ou l’expression des volontés supposées de la divinité interrogée. Quant à la divination, c’était la science d’interpréter ces phrases ou de lire cette volonté aux astres ou sur la terre, et de la transmettre toujours d’une manière ambiguë aux populations superstitieuses qui couraient consulter les autels des Dieux. Toutes les religions païennes ont eu leur genre de divination : les Chinois, les Slaves, en avaient. Les Egyptiens semblent avoir donné naissance à la divination, et de l’Egypte cette pratique superstitieuse se répandit chez les Grecs et les Romains. Nous-mêmes, au dix-neuvième siècle, nous n’en sommes pas entièrement exempts, car nous avons encore des espèces de systèmes divinatoires dont les oracles jouissent toujours d’une certaine influence sur quelques esprits.
Dans l’origine, les Grecs empruntèrent aux Chaldéens l’art des augures, sorte de divination qui consistait à trouver les secrets {p. 108}de l’avenir par l’inspection du vol, du chant et de l’appétit des oiseaux, par la manière dont les météores et les phénomènes paraissaient dans le ciel. Cette inspection terminée, les faits étant recueillis, les prêtres ou augures consultaient ensuite les livres auguraux dans lesquels ils trouvaient l’explication des signes qu’ils avaient remarqués. Ces signes se bornaient à douze chefs et ils étaient en rapport avec les douze signes du zodiaque. A la fin, cet art des augures inventé par Carès, dans la Carie, tomba tellement en discrédit à Rome que l’on disait, du temps de César, que deux augures, lorsqu’ils se rencontraient, ne pouvaient pas se regarder sans rire.
Les augures avaient été personnifiés : ils étaient bons ou mauvais. Le bon augure était représenté par un jeune homme agile et dispos, vêtu d’une tunique verte, symbole d’espérance, ayant sur la tête un voile blanc, surmonté d’une étoile ; le mauvais augure était un homme à l’aspect sévère et au regard sinistre, sa tunique était de couleur feuille morte, il tenait dans la main droite un bâton augural entièrement analogue à la baguette de nos escamoteurs, une belette était devant lui, et il observait une corneille volant dans l’air à sa gauche.
Romulus avait en outre institué à part des augures les aruspices, ministres divinateurs qui étaient chargés particulièrement d’examiner les entrailles des victimes pour en tirer des présages spéciaux.
Les présages généralement admis chez les anciens comme des indices de l’avenir, étaient fort nombreux. Ainsi, les événemens les plus simples et les plus naturels même de la vie humaine, offraient autant de présages à leur superstition : s’étaient les paroles fortuites appelées Phêmen et Klédona par les Grecs, ou Omen pour Orimen par les Romains ; c’étaient les tiraillemens de quelque partie du corps, particulièrement du cœur et des sourcils ; les tintemens d’oreille et du bruit que l’on croyait entendre ; les éternumens, les chutes imprévues, la rencontre et les noms de certaines personnes et de certains animaux, l’oscillation particulière des lumières. Ces présages anciens avaient la plus grande analogie avec les superstitieuses croyances de quelques personnes de nos jours qui ne veulent pas, par exemple, se trouver treize à table.
Les oracles d’Apollon, les plus fameux que nous connaissions, se faisaient entendre dans les villes d’Aba, Aphytis, Apollonie, Millet, Délos, Delphes et Patare ; ceux de Jupiter se prononçaient dans les temples de la forêt de Dodone, du désert d’Ammon, et au-dessus de l’antre de Trophonius. Le plus célèbre de tous les oracles était celui de Delphes. Le dieu faisait entendre ses volontés par la bouche d’une prêtresse appelée Pythie, Pythonisse ou Phœbas, dont la plus célèbre fut Phémonoé qui vivait du temps d’Acrisius, vers l’an 1284 avant J.-C. D'abord on élevait à cet usage de jeunes filles. Dans les premiers temps, il n’y avait qu’une seule Pythie ; plus tard ce nombre fut élevé à deux, puis il retomba à une seule. On nommait aussi cette prêtresse Euholnie, c’est-à-dire, placée sur un trépied, parce que sur le penchant du mont Parnasse où s’élevait la ville de Delphes, on voyait l’entrée d’une caverne d’où sortait une exhalaison prophétique, disait-on, et au bord de laquelle la Pythie venait s’inspirer en respirant ce gaz délirant. Quelques-unes de ces prêtresses ayant été asphyxiées par ces vapeurs, et étant tombées dans l’abyme de ce précipice, on en ferma {p. 109}l’entrée par trois barres de fer auxquelles on donna la forme et le nom d’un trépied. Mais on ne venait pas s’inspirer au hasard sur ce trépied divin. D'abord la Pythie ne rendait ses oracles que dans les premiers jours du printemps et après diverses préparations. Ainsi elle jeûnait trois jours, se baignait dans la fontaine de Castalie, buvait de son eau prophétique et mâchait ensuite sur ses bords des feuilles de laurier. Peu de jours après, Apollon donnait le signal de son arrivée en faisant trembler le temple jusque dans ses fondemens ; aussitôt les prêtres conduisaient la Pythie sur le fameux trépied, et bientôt cette malheureuse, exaspérée par une cause jusqu’à présent restée inconnue, était prise de mouvemens nerveux, ses cheveux se dressaient, sa bouche écumait, son regard devenait hagard, elle poussait des cris effrayans, et laissait échapper par intervalles des paroles inarticulées ou sans suite que les prêtres recueillaient avec soin. Puis ils la reconduisaient dans sa cellule, afin qu’elle pût s’y reposer ou y mourir des fatigues qu’elle venait d’éprouver, chose du reste fort indifférente au public qui attendait avec impatience les réponses aux questions qu’il avait adressées au Dieu. Alors les ministres d’Apollon dont le premier fut Corétas, donnaient une liaison aux paroles de la Pythonisse, et les faisaient connaître aux fidèles. D'abord ils rendirent ces interprétations en mauvais vers fort obscurs et présentant toujours un double sens ; mais plus d’un incrédule s’étant moqué de la détestable poésie du dieu de l’harmonie, ses prêtres s’abaissèrent à le faire parler en prose. Là se terminait le rôle de ces fourbes qui se jouaient avec tant de cruauté et d’impudence de la crédulité.
On est toujours fort étonné de l’espèce d’analogie que l’on aperçoit entre les oracles des anciennes Pythonisses et les extases prophétiques des prêtresses somnambules des nos plus célèbres magnétiseurs. On est également surpris des rapports qui font harmoniser les découvertes phrénologiques avec la forme des crânes des plus belles têtes antiques : ainsi nous voyons Jupiter doué de la bosse de la plus haute intelligence, Apollon de celle des beaux arts, Homère de celle de la poésie, et tous les autres dieux importans portent les divers renflemens auguraux propres aux différens caractères qui leur sont assignés par la fable. Il serait très-curieux que les sciences posées nouvellement par Mesmer et par Gall, en les admettant déjà pour sciences positives, ne fussent, comme tant d’autres découvertes perdues, que renouvelées des Grecs, et n’aient été retrouvées que dix-huit siècles après J.-C. Cependant il est plus probable de supposer que les sculpteurs grecs ont été de simples imitateurs de la nature, et que nos phrénologistes, par suite de leurs recherches, sont arrivés à la deviner.
L'oracle de Didyme, près Milet en Ionie, appartenait également à Apollon. Il était desservi par des Branchides ainsi appelés parce que Branchus, le premier de ces prêtres, avait construit le temple de cet oracle. Il eut pour successeur Evangèle, d’où vint aussi le nom d’évangiles que l’on donna souvent aux paroles de ces prêtres.
Quelques oracles de Jupiter n’étaient pas moins célèbres que ceux d’Apollon ; les plus connus étaient ceux d’Ammon, de Dodone et de Trophonius.
Sachant que le nom de Jupiter, introduit dans la Grèce, était originaire des environs de Thèbes, ne nous étonnons pas qu’il fût connu dans la Haute-Egypte, où il était représenté avec des cornes de bélier, en voici la cause : Bacchus {p. 110}étant sur le point de mourir de soif dans les deserts de l’Arabie, implora Jupiter ; aussitôt il lui apparut sous la forme d’un bélier, frappa la terre du pied et en fit jaillir une source. Alors on lui dressa dans cet endroit un autel que l’on appela Ammé, mot signifiant sable. Plus tard les Lybiens lui élevèrent dans les déserts à l’occident de l’Égypte un temple magnifique dans lequel le Dieu faisait entendre ses oracles, d’abord par la bouche d’une prêtresse égyptienne qui, après avoir été enlevée par les Phéniciens, avait cherché un asyle dans ce temple. Mais ensuite Jupiter employa un autre moyen, car il se mit à rendre ses ordres en faisant faire divers signes de tête à sa statue, signes que les prêtres interprétaient avec autant de facilité qu’ils en avaient à tirer les fils dont ils se servaient pour mettre en mouvement cette espèce de marionnette. Quoi qu’il en soit, ces grossières mystifications de l’oracle d’Ammon commencèrent dix-huit siècles avant Auguste, trompèrent Hercule et Persée, commencèrent à perdre de leur crédit en proclamant Alexandre fils de Jupiter, n’en conservèrent aucun après Plutarque et finirent par entièrement disparaître au règne de Théodose. Ce temple, situé à neuf journées d’Alexandrie, dans une oasis des plus agréables, était desservi par cent ministres dont les plus âgés avaient seuls le droit de transmettre aux fidèles les paroles d’avenir prononcées par le maître des Dieux.
Les Phéniciens qui avaient enlevé deux prêtresses égyptiennes dont l’une s’était réfugiée en Libye, conduisirent la seconde dans la forêt de Dodone en Epire, la logèrent dans une chapelle qu’ils élevèrent en l’honneur de Jupiter, et là le baragouinage de l’étrangère passa pour autant de paroles divines. Cependant on croyait aussi dans ces contrées qu’au lieu de ces prêtresses c’étaient deux colombes qui s’étaient un jour envolées deThèbes en Egypte et s’étaient abattues l’une en Libye et l’autre dans le bois sacré de Dodone pour y rendre les oracles de Jupiter. Cette double fable reposait sur l’équivoque du mot Peleiai qui signifiait en grec ou colombe, ou vieille femme. Pour donner un prestige plus merveilleux à la manière de faire entendre cet oracle, on avait suspendu en l’air, au milieu de la forêt, des vases d’airain ainsi qu’une statue de même métal armée d’un fouet, de sorte que le moindre vent agitant ces timbres mobiles, il en résultait des sons dont la force et la durée exprimaient les volontés du Dieu que les prêtres alors interprétaient. Mais cela ne se passait pas toujours ainsi : tantôt c’était le bruissement des feuilles du chêne le plus ancien de la forêt, ou tantôt la voix naturelle des prêtres cachés dans les arbres dont le temple était entouré, qui répondait aux consultations de la foule humblement prosternée à une certaine distance de l’endroit où l’oracle se faisait entendre. Le tintement des clochettes avait donné lieu au proverbe l’airain de Dodone, pour exprimer l’effet que produisent les paroles fatigantes d’un bavard. On donnait le nom de Dodonides ou Péléades à trois vieilles prêtresses ou vierges sacrées qui rendaient les oracles de ce temple, quelquefois en vers, et le plus souvent par des sorts ou bulletins écrits.
Mais, de tous les oracles, celui qui inspirait le plus de terreur était celui de Trophonius en Béotie. Il était composé d’un labyrinthe, et de cavernes dans lesquelles il fallait avoir le courage de descendre. Il devait son origine à la disparition de Trophonius, fils d’Epicaste, femme d’Erginus, roi des Orchoméniens. Ce {p. 111}Trophonius, ainsi que son frère Agamède, était un habile architecte ; mais ayant abusé d’un passage secret qu’ils avaient conservé dans un édifice par eux construit, ils volèrent une partie des trésors que le riche arcadien Hyriéus y conservait. Celui-ci tendit des piéges aux voleurs et y prit Agamède. Alors, pour que l’on ne pût reconnaître son frère, Trophonius lui trancha la tête, l’emporta au loin, et peu de temps après disparut. Plus tard une grande sécheresse ayant désolé les Béotiens, l’oracle d’Apollon déclara qu’il fallait aller consulter Trophonius qui faisait entendre les volontés de Jupiter au fond de l’antre de Lébadée. Cet antre en effet ayant été découvert et les paroles entendues, le fléau cessa. Bientôt on lui éleva un temple et des autels, et depuis l’oracle de Trophonius fut en grande célébrité ; il subsista même long-temps après que ceux de la Grèce eurent été réduits au silence. Passer quelques jours dans une chapelle dédiée au bon génie et à la Fortune, se baigner dans les eaux du fleuve Hercine, sacrifier à Jupiter et à la famille de Trophonius, ne vivre que de viandes sacrifiées, boire des eaux du Léthé pour perdre le souvenir du passé, puis de celles de Mnémosyne pour se rappeler ce que l’on devait entendre, puis s’incliner devant la statue de Trophonius : telles étaient les préparations auxquelles on était obligé de se soumettre pour pouvoir interroger l’oracle. Ensuite on prenait une tunique de lin, on montait sur une élévation couverte d’obélisques d’airain ; l’on entrait dans une caverne en forme de four, au milieu de laquelle on trouvait un trou dans lequel il fallait descendre par des échelles. Au bas de ce trou on voyait encore une autre ouverture au bord de laquelle on se couchait en tenant une composition de miel dans chaque main, et dans laquelle on était entraîné par une force inconnue. Alors on entendait l’oracle, puis on sortait de l’antre, et l’on était reconduit dans le temple, et placé sur la chaise de Mnémosyne, afin d’écrire sur un tableau ce que l’on avait vu et entendu ; ensuite les prêtres vous donnaient une interprétation et vous indiquaient les volontés sacrées.
Enfin l’on connaissait encore plusieurs oracles assez suivis. Tels étaient ceux de Vaticanus et d’Aius-Locutius qui se rendaient auprès de la ville de Rome.
Ces oracles furent primitivement supposés rendus par les Dieux et transmis au peuple par des prêtres portant également le nom d’oracles, ou par de simples devins, espèce de ministres religieux qui semblaient tenir le second rang. Voici le nom des devins les plus illustres : Alcander, fils de Munichus et de Lélas. Ce Munichus ou Munitus était petit-fils de Thésée par Acamas, son père, que nous verrons aller avec les Grecs au siége de Troie et épouser Laodice, fille de Priam. Amphiaraus ou Amphiaras, roi d’Argos, que nous trouverons devant Thèbes. Amphiloque, fils d’Amphiaras qu’il accompagna devant Thèbes, et mort devant Troie. Amphiloque, fils d’Alcméon et de Manto, et neveu du précédent, fut honoré comme dieu à Orope dans l’Attique. Andre, fils d’Anius, grand prêtre d’Apollon. Asbole ou Asbule, centaure et devin habile. Bacis, de Béotie, dont le nom passa à plusieurs de ceux qui, après lui, s’arrogèrent le droit de prédire l’avenir. Calchas, fils de Thestor ; nous le verrons dans l’armée des Grecs, devant Troie. Carnos ou Carnus, et non Arnus, arcanien instruit dans l’art de la divination par Apollon. Il prédit de grands malheurs aux Héraclides ou descendans d’Hercule, marchant dans l’Etolie contre les Athéniens du {p. 112}temps de Codrus, vers l’an 1095 av. J.-C. A cette menace, ils le prirent pour un magicien et le tuèrent à coups de flèches. On prétend même que ce fut Hippole, le petit-fils d’Hercule, qui le tua. Une peste ayant suivi cette mort, on la fit disparaître en élevant à Apollon un temple auquel on donna depuis le nom d’Apollon Carnéen, et on institua des fêtes. Cependant il paraît que ce Carnos différait du troyen du même nom qui passait pour fils de Jupiter et d’Europe, favori d’Apollon auquel on attribue l’institution des jeux et des combats de musique et de poésie, que l’on célébrait en l’honneur du fils de Latone, lorsque la lune était dans son plein, car les Carnées célébrées surtout à Lacédémone par des ministres appelés Carnéates obligés de servir dans ces fêtes durant quatre ans, sans pouvoir se marier, étaient une imitation de la vie militaire et de la discipline observée dans les camps. Chloré était bien un devin ; mais il était prêtre de Cybèle, il suivit Énée en Italie, et fut tué par Turnus. Echine ; Ennome de Mysie, célèbre augure des Grecs, tué devant Troie par Achille, Ethion, devin que nous verrons mourir aux noces de Persée et d’Andromède. Eurydamas, orinople fameux ou devin par les songes, père d’Abas et de Polyide qui furent secourir les Troyens et furent tués par Diomède. Eurypile, le thessalien, fils d’Evémon que nous verrons aller avec les Grecs au siége de Troie. Halytherse d’Itaque, fils de Mastor. Idmon, devin d’Argos, passant pour fils d’Apollon, suivit Jason et ses compatriotes en Colchide, quoiqu’il eût prévu par les secrets de son art qu’il périrait dans cette expédition. Il épousa une Laothoé fort peu connue et il en eut Thestor, jadis père de Calchas, de Théoné et de Leucippe. Liode d’Itaque, fils d’Ænops, fut tué par Ulysse lors de son retour dans sa patrie. Mops, fils d’Apollon et de Manto, appelée aussi Artémise ou Daphné, femme de Rhacios et fille de Tyrésias, fut prêtre d’Apollon à Claros, et se signala comme devin devant Thèbes. Les Romains supposaient que cette Manto avait épousé aussi Tiberinus, fille de Calpétus, roi d’Albe, et qu’elle en avait eu Ocnus ou Bianor. Ce Tiberinus est d’autant plus remarquable qu’il est un des ancêtres de la race royale de Rome, voici comme on le faisait descendre d’Énée et de Lavinie : Æneas Silvius, Latinus, Alba Silvius, Atys, Capys, Calpetus et Tiberinus. Il avait eu pour successeurs Agrippa, Romulus, Aventinus, Procas, Amulius et son frère Numitor qui fut père de Lausus et de Rhéa Silvia. Mops l’Argonaute, fils de la nymphe Chloris et d’un Amycus ou d’Ampix. Munyque, fils de Dryas, célèbre par son art et par sa piété. Nannac ou Nannap, un des plus anciens rois de la Grèce ou plutôt de la Thessalie, vers l’an 1595 av. J.-C. Il prédit le déluge de Deucalion. Péripolte conduisit, avant la guerre de Troie, de Thessalie en Béotie le roi Ophelte et ses peuples. Phrasios de Cypre fut sacrifié par un Busiris. Polyphidée, fils de Mantis, autrement dit Apollon le devin. Polyide Polide, devin d’Argos, contemporain de Minos ii, roi de Crète, vers l’an 1304 av. J.-C. Télème, fils d’Euryme ou de Protée, cyclope et devin. Ténère, fils d’Apollon et de la nymphe Mélie. Thestor, fils d’Idnon le devin et de Lathoé, passe aussi pour père du devin Calchas et de deux filles appelées Théonoé et Leucippe. La première de ses filles ayant été enlevée par des pirates qui la vendirent à Icarus, roi de Carie, Thestor poursuivit les ravisseurs, mais ne put les joindre et fit naufrage sur les côtes mêmes de Carie où il fut pris {p. 113}et conduit comme suspect en prison. Peu de temps après Leucippe vint chercher son père, déguisée sous les habits d’un prêtre d’Apollon. A sa vue, Théonoé en devint amoureuse. Cependant voyant qu’elle ne voulait pas répondre à sa tendresse, son amour se changea en haine ; elle la fit charger de chaînes, et ordonna au prisonnier Thestor de la faire mourir secrètement. Au moment où celui-ci allait exécuter cet ordre, il est reconnu par sa fille Leucippe, qui lui arrache son poignard et court à l’appartement de Théonoé pour lui ôter la vie, en appelant Thestor par son nom et en lui criant de la suivre. A ces mots, Théonoé se présente elle-même, se fait reconnaître, et Icare, étonné d’un événement si extraordinaire, leur rend à tous les trois la liberté, et les renvoie à Argos en les comblant de présens. Théoclymène, devin qui descendait du célèbre Mélampe de Pylos ; il abandonna Argos, sa patrie, et fut prédire l’avenir à Ithaque. Théodamas ou Tiodamas, fils du devin Mélampe, succéda à Amphiaras dans l’expédition contre Thèbes. Tiresias de Thèbes, fut le devin fameux qui servit de juge, on s’en souvient, dans une contestation entre Jupiter et Junon. Tisie d’Ithome, fils d’Alcis, de Messénie ; il était un très-habile devin, et fut assassiné par les Lacédémoniens en revenant de l’oracle de Delphes.
Une autre espèce de devins portait le nom de Prophètes. Les plus renommés de ce genre étaient Euclos de Cypre ; il prédit la renommée d’Homère ; Ismène ; Scyros, de Phalère ou de Dodone. A côté des prophètes, on voit les prophétesses Bagoé ou Bigoé, ou Bygoïs de Toscane. Elle fut, dit-on, la première qui rendit des oracles ; elle apprit aux Toscans l’art de deviner par le tonnerre. On la croit la même que la sibylle Erythrée ou Hérophile. Manto, fille du devin Polyde ou de Tirésias. Ocyroé, ou Phillyre, océanide ou l’une des Ménalippes, fille du centaure Chiron et de la nymphe Chariclo. Phaennis, d’Épire, fille d’un roi de Chaonie qui vivait vers la 136e olympiade ; elle prédit l’irruption des Gaulois en Asie. Après les prophétesses, apparaissent les sibylles, femmes inspirées qui rendaient des oracles. Varron en comptait dix qu’il nommait : la Persique ou Sambète ; elle se donnait pour bru de Noé dans les vers sibyllins qu’elle était supposée avoir tracés ; la Libyenne, fille de Jupiter et de Lamia, s’était montrée à Claros, à Delphes et à Samos ; la Delphique était la fille du devin Tirésias ; la Cuméenne résidait à Cumes en Italie ; l’Erythréenne avait prédit le succès des Grecs lorsqu’ils partirent pour la guerre de Troie ; la Samienne avait laissé quelques prophéties dans les annales de Samos ; la Cumane était de Cumes en Eolide : l’Helespontine prophétisait du temps de Solon à Marpesse, en Troade ; la Phrygienne séjournait à Ancyre ; enfin la Tiburtine, ou Albanée, ou Lybyca, fille de la Libyenne, prophétisait dans les bois de Tibur, actuellement Tivoli : on la croyait Ino, femme d’Athamas, ou Leucothée, ou Matuta. Mais la plus célèbre de toutes ces sibylles était celle de Cumes en Italie ; peut-être est-elle la personnification de plusieurs de ces prêtresses ; aussi la confondait-on avec Amalthée, Daphné, Déiphobe, Démophile, Hérophile, Manto et Phémoné.
On dit qu’Apollon, pour rendre sensible la sibylle Déiphobe, fille de Glaucus, offrit de lui accorder tout ce qu’elle souhaiterait. Alors elle ramassa une poignée de grains de sable et demanda de vivre autant d’années qu’elle en tenait dans la main seulement elle oublia malheureusement d’ajouter qu’elle conserverait durant ce temps {p. 114}toute la fraîcheur de la jeunesse. Le Dieu pourtant lui proposa de réparer son oubli si elle voulait répondre à sa tendresse ; mais Déiphobe préféra rester sage au profit de jouir d’une éternelle jeunesse, de sorte qu’elle traîna une triste et languissante vieillesse. Elle avait déjà sept cents ans du temps d’Enée, et il lui restait encore des grains de sable pour vivre plus de trois cents, au bout desquels son corps devait être consumé et réduit à rien, tout en conservant, seulement pour la faire reconnaître, la voix que le destin lui laisserait éternellement, fable qui montre combien une conduite sage peut retarder la vieillesse.
Amalthée, sibylle de Cumes, fut celle qui présenta à Tarquin le superbe neuf livres de prédictions sur le destin de Rome. Le roi n’ayant pas voulu les acheter, elle en brûla trois, et demanda le même prix des six autres ; mais ayant éprouvé un second refus, elle en brûla encore trois ; alors Tarquin acheta les trois derniers, après avoir consulté les augures, il en confia la garde à deux prêtres praticiens nommés Duumvirs ; et, pour être plus assuré de leur conservation, il les fit enfermer dans un coffre de pierre et les fit placer sous une des voûtes du Capitole. Ces livres, dits Sibyllins, ne pouvaient être consultés, sous peine de mort, que lors des malheurs publics. Ils subsistèrent jusqu’au temps de Sylla qui les fit brûler dans l’incendie du Capitole ; mais le Sénat après en avoir fait recueillir plusieurs autres du même genre par des députés qu’il envoya à Troie, à Samos, à Erythre et dans toute la Grèce, il les mit à la place des anciens, et ils y restèrent jusqu’à Théodose le jeune ; alors ils furent brûlés par Stilicon. Erythrée, sibylle, née à Erythre, prédit aux Grecs que Troie périrait et qu’Homère écrirait des faussetés. Le Sénat romain envoya recueillir les vers dans lesquels elle avait placé toutes ses prédictions. C'est encore parmi les fameuses prophétesses qu’il faut placer Carmente d’Arcadie, ou Nicostrate, dont on fait une divinité romaine présidant aux compositions poétiques et à la naissance des enfans, parce qu’elle rendait ses oracles en vers et qu’elle chantait les destinées des nouveaux nés. Elle était même tellement révérée que les mères de famille célébraient tous les ans le 11 et le 15 janvier les Carmentales ou fêtes en son honneur, introduites en Italie six ans avant la guerre de Troie, en mémoire d’une réconciliation qui eut lieu entre les dames romaines et leurs maris, après une assez longue brouillerie, causée par un arrêt du Sénat dans lequel on avait défendu aux femmes l’usage des chars.
On peut aux sibylles ajouter les magiciennes dont fit partie la nymphe Cratéis, déesse des sorciers et des enchanteurs, mère de la fameuse Scylla que nous trouverons auprès de Carybde, lors du retour d’Ulysse dans sa patrie ; Circée qui, au moyen d’un poison, avait métamorphosé cette Scylla en un monstre épouvantable ; Médée, dont nous verrons l’histoire en parlant plus tard des Argonautes.
On se rappelle que les oracles se rendaient en vers et que la poésie servait à composer les hymnes chantés en l’honneur des Dieux ou des héros des temps anciens. Le vieux Olen, le lycien, compagnon de Latone, fut le premier pontife d’Apollon à Délos. Il fut aussi le premier poète qui composa des hymnes pour adorer les Dieux ; cependant Anthès d’Anthédon lui dispute cet honneur. Orobante, Philamon, fils d’Apollon et de Chioné et père de Tamiris, Pysandre et Syagre ou Sagaris, étaient encore des poètes antérieurs à Homère. Les deux derniers chantèrent {p. 115}même, dit-on, avant lui la guerre de Troie, et Syagre passe pour avoir lutté contre Orphée et Musée les deux plus grands poètes et chanteurs des temps anciens ; ensuite vint le fameux Homère, fils de Climène. Il vivait l’an 907 ans av. J.-C., quelque temps après le poète Hésiode. Homère fut l’auteur de chants héroïques auxquels toute la Grèce doit la plus grande partie de sa gloire. On a conservé encore quelques vieux noms des anciens bardes célèbres de la Grèce primitive : Démodocus, poète aveugle, chanta, suivant Homère, les amours de Mars et de Vénus, à la cour d’Alcinoüs en présence d’Ulysse. Melanope, de Cumes, composa un hymne en l’honneur d’Opis et d’Hécaërge dans laquelle il disait que cette déesse était venue du pays des Hyperboréens en Achaïe et à Délos. Pamphos, d’Athènes, composa la première pièce de vers en l’honneur des Graces. Phémios, poète musicien inspiré des Dieux, suivant Homère. On pense qu’il fut le maître et le beau-père de ce dernier qui, par reconnaissance, chercha à l’immortaliser en plaçant son nom dans ses poésies et en lui faisant suivre Pénélope à Ithaque. Scaphisias fut le premier qui chanta l’hymne où était célébrée la victoire d’Apollon sur le serpent Python.
[n.p.] [n.p.]Amphion, fils de Jupiter et d’Antiope et fondateur de Thèbes en Béotie, avait eu un si grand talent sur la lyre, qu’il avait, dit-on, bâti les murs de Thèbes au son de cet instrument, et qu’il forçait les pierres à aller d’elles-mêmes se ranger à leur place : métaphore employée pour dire que la puissance de son éloquence et de son art groupa quelque peuple sauvage sur un point, et lui fit construire une ville et l’entourer de murailles. Du reste, on sait comment lui, ses enfans et sa femme Niobée tombèrent sous les coups des Latonides. Arion, natif de Métymne, dans l’île de Lemnos, était un musicien aussi habile qu’Amphion. On dit qu’ayant amassé d’immenses richesses à la cour de Périandre, roi de Corinthe, il fit un voyage ; mais, qu’étant sur mer, les matelots voulurent l’assassiner pour prendre tout ce qu’il possédait. En vain essaya-t-il de les toucher par les sons de sa lyre, ses chants furent inutiles. Alors, de désespoir, il s’élança dans la mer où des Dauphins attirés par la douceur de ses accens, le reçurent et le transportèrent en triomphe sur leur dos jusqu’au cap de Tanare d’où il retourna à Corinthe instruire Périandre de cet événement. Aussitôt ce roi fit punir les matelots. C'est depuis ce service rendu à Arion que le dauphin prit place parmi les astres.
Linus que l’on supposait fils d’Apollon ou d’Amphimare et d’Uranie ou de Calliope, ou même de Terpsichore ou de Clio, était l’un des poètes les plus anciens de la Grèce. Il fut le maître d’Orphée, de Thamyris et d’Hercule. Il est probable que l’on confond sous ce nom plusieurs personnages ; car les Thébains, qui le regardaient comme fils d’Amphimare et d’Uranie, le faisaient tuer par Apollon pour avoir osé se vanter d’être plus habile que ce Dieu sur le chant, tandis que le maître d’Hercule passait pour fils d’Isménius et pour avoir été tué par son élève qui, de colère d’avoir été réprimandé, lui avait brisé la tête avec sa lyre.
Ce Tamyris ou Thamyras, dont nous venons de parler, était né à Odryse, dans la Thrace, de la belle Argiope ou Argriope et du célèbre musicien Philammon, fils lui-même d’Apollon et de la nymphe Chioné. Linus fit faire à Thamyris tant de progrès dans son art, que les Scythes en firent leur roi et qu’il osa défier les Muses au combat {p. 116}du chant, et mettre pour condition que le vaincu resterait à la discrétion du vainqueur. Le défi ayant été accepté, il eut la honte de succomber. Alors les Muses, pour punir son orgueilleuse vanité, lui firent perdre la raison et la vue, et le privèrent de sa voix. De désespoir, il brisa sa lyre impuissante contre les rochers d’une rivière, et renonça pour toujours à cultiver son talent.
Mais le plus brillant de tous les chantres et poètes de la Grèce antique, ce fut assurément Orphée, que l’on peut appeler en outre le civilisateur sacerdotal de la Thrace. Il florissait dès le temps de l’expédition des Argonautes, c’est-à-dire, avant la guerre de Troie. Peut-être l’a-t-on confondu avec un autre Orphée de Béotie, également poète et musicien qui vivait l’an 1248 avant J.-C. Mais l’époque exacte de ces points historiques est fort obscure. Aussi, pour cette raison, Cicéron soupçonne que le divin Orphée n’a jamais existé. Au contraire, quelques historiens, ne voyant dans ce mot qu’un nom générique, comptent jusqu’à cinq Orphées dont les hauts faits auront été réunis sur un seul.
Quoi qu’il en soit, Orphée, le célèbre, Orphée, le divinisé, passait pour petit-fils de Tharops et fils d’OEagre, roi de Thrace et de la muse Calliope, ou, selon d’autres, il était fils d’Apollon et de la muse Clio, père de Musée et disciple de Linus. Pour mieux exprimer l’habileté de ce musicien, et afin de montrer quelle était la perfection de ses talens et l’art merveilleux avec lequel il sut adoucir les mœurs farouches des Thraces qu’il gouvernait, les anciens Grecs se servaient d’une métaphore charmante : ils disaient qu’après avoir long-temps cultivé la cythare, présent d’Apollon ou de Mercure, il tirait des accords si mélodieux de cet instrument qu’ils avaient la puissance de charmer jusqu’aux rochers, de faire accourir à ses pieds les animaux les plus féroces et les oiseaux des environs ; pour l’écouter, les vents faisaient silence, et les fleuves arrêtaient leurs cours. Les voyages lui donnèrent une haute connaissance de la théologie égyptienne dans laquelle il avait eu l’influence de se faire initier. A son retour il établit en Grèce l’expiation des crimes, le culte d’Hécate Chthonia ou terrestre, de Cérès, de Bacchus et des mystères orphiques. Il s’abstenait de manger de la chair et des œufs, regardant l’œuf, à la manière des Egyptiens, comme le principe de tous les êtres. Orphée, théologien, musicien, poète et philosophe, ne tarda pas en fondant la théologie greco-égyptienne à réunir les pouvoirs influens de pontife et de roi. Aussi, comme dit Horace, c’était le ministre et l’interprète des Dieux. Il eut plusieurs aventures remarquables : un jour, et c’était le propre jour de ses noces, l’hamadryade Eurydice qu’il venait d’épouser, fuyant le long d’un fleuve les poursuites d’Aristée, son ancien amant, fut piquée au talon par un serpent caché sous l’herbe, et perdit la vie. Alors Orphée, inconsolable, prend sa lyre, et descend aux enfers : à ses accords, Cerbère ou le gardien du sombre empire, n’aboie plus et le laisse passer. Tous les habitans du noir séjour suspendent les tourmens qu’ils font endurer aux grands criminels : Tantale peut un instant calmer sa pénible soif ; la roue d’Ixion s’arrête ; les Danaïdes que nous verrons condamnées à remplir un tonneau sans fond, se reposent, et Sisyphe n’est plus forcé de monter péniblement son rocher ; Pluton lui-même, ainsi que Proserpine, l’écoutent émerveillés ; et, dans leur enthousiasme, lui rendent Eurydice à la condition qu’en l’emportant il ne {p. 117}regardera derrière lui qu’après être sorti des enfers. Malheureusement Orphée ne put commander à son impatience ; il détourna les yeux ; et aussitôt son épouse lui fut ravie pour toujours.
Cette fable, tout allégorique, indique jusqu’où peut aller le dévouement marital. On dit qu’après avoir revu sa femme Orphée s’ôta la vie ; d’autres le font périr d’un coup de foudre, en punition de ce qu’il avait révélé les mystères sacrés aux profanes ; Platon assure que les Dieux le punirent pour avoir voulu feindre à la mort d’Eurydice une douleur qu’il ne ressentait pas. On dit enfin qu’après la mort de sa femme il se retira sur le mont Rhodope où, dans son désespoir, il renonça au plaisir d’avoir les moindres relations avec le beau sexe ; alors les femmes de Thrace, que ses accords avaient charmées, voulurent le consoler, mais ne pouvant y parvenir, et prenant sa douleur pour du mépris, elles s’enivrèrent pendant la célébration d’une des fêtes de Bacchus, et mirent en pièces le pauvre Orphée, puis dispersèrent ses membres dans la campagne, et jetèrent sa tête dans l’Hèbre. Plus tard un pêcheur la retrouva vers l’embouchure du Mélas, où bientôt les peuples l’adorèrent comme Dieu, et lui bâtirent un temple dont l’entrée fut pour toujours interdite aux femmes. On disait même, pour prouver sa divinité, que les rossignols qui avaient leurs nids auprès de son tombeau chantaient avec plus de force et de mélodie que les autres rossignols. On ajoutait qu’il avait été changé en cygne, et que sa lyre avait été mise parmi les astres et ornée de neuf étoiles fournies par chacune des Muses. L'on attribuait à Orphée d’avoir ajouté deux cordes à la cythare qui, avant lui, n’en avait que deux, d’avoir inventé les vers hexamètres, et d’avoir le premier fourni les fondemens de plusieurs fables, en composant les hymnes sur la guerre des Géans, sur l’enlèvement de Proserpine, sur les danses des Corybantes, sur les travaux d’Hercule, sur le deuil égyptien d’Osiris, et sur les auspices et la divination. C'était la famille sacerdotale des Lycomèdes qui chantait ces hymnes à Athènes et célébrait les mystères orphiques. Ce culte, fondé par Orphée, exigeait une vie pure, religieuse, scientifique, et défendait de manger aucune viande d’animaux.
On représentait ordinairement Orphée avec une lyre, et entouré d’animaux féroces. Quelques personnes ont attribué les hymnes d’Orphée à l’athénien Onomacrite, qui vivait 600 ans av. J.-C. On a donné pour fils à Orphée Mithon et Musée. Mais ce dernier, père du poète Eumolpe, fondateur des mystères d’Eleusis, passe plus habituellement pour fils d’Antiphème, et pour un prophète et poète antérieur à Homère. Il vivait vers l’an 1180 av. J.-C. On le disait disciple et souvent concurrent d’Orphée, honneur que l’on fait aussi à Eleuthère qui, voyant une fois Orphée et Musée dédaigner de se mettre sur les rangs, fut déclaré vainqueur aux jeux pythiques, à cause de sa belle voix, et quoiqu’il eût chanté un hymne dont il n’était pas l’auteur.
La réputation divine d’Orphée fut transmise à sa lyre que l’on avait pieusement déposée dans le temple d’Apollon. Néanthe, fils de Pittacus, tyran de Lesbos, ayant entendu dire que cette lyre résonnait d’elle-même, l’acheta des prêtres et se retira à la campagne pour attirer les arbres et les rochers ; mais il n’attira qu’une foule de chiens qui le dévorèrent pour le punir de son ignorante et orgueilleuse imprudence.
Le culte d’Apollon fut, comme on le voit, le plus brillant, tant par le luxe et le fanatisme qui l’entourait que par les grands {p. 118}hommes qu’il rattachait. Ce Dieu fut encore honoré d’une manière toute spéciale par quelques autres personnes ; tels étaient : le général Palémète qui lui bâtit un temple en Béotie, le Telchine Lycus qui passait, comme tous ses frères, pour enfans du Soleil et de Minerve, et pour autant de magiciens et brigands ensevelis sous les eaux et métamorphosés en rochers par Jupiter.
On rattache toujours à Apollon, la blonde et brillante Aurore appelée aussi Eoos ou l’orientale chez les Grecs, Angeleia ou l’annonciatrice ; Troceopeplos ou au voile jaune ; Lampos ou la brillante ; Monopolos ou à un seul cheval ; Rosea dea et Rhododactylos ou aux doigts de rose ; Pallantias ou fille de Pallas ; Tithonia conjux ou femme de Tithon. Elle était chargée d’atteler les chevaux au char du soleil, et du haut du sien elle précédait celui-ci, en ouvrant chaque matin les portes du jour. On la disait fille de Titan, ou de Pallas, ou du Soleil et de la Terre, ou, suivant Hésiode, de Théa et d’Hypérion, et sœur du Soleil et de la Lune. Ayant épousé Persès, elle eut pour enfans les Vents et les Zéphirs, ainsi que les Astres et Lucifer, appelé aussi de même que sa mère Eoos. Aurore étant devenue amoureuse du jeune et charmant Tithon, fils de Laomédon et frère de Priam, roi de Troie, elle l’enleva, l’épousa et en eut deux fils dont la mort lui fut si pénible, que ses larmes abondantes se renouvelant sans cesse produisirent la rosée du matin ; l’un était Memnon, roi d’Ethiopie, que nous verrons périr au siége de Troie sous les coups d’Achille, et l’autre Emathion que l’on dit avoir été un brigand redoutable, et roi de Macédoine. La passion d’Aurore pour Tithon fut si vive, que celui-ci ayant eu l’imprudence de lui demander comme gage de tendresse l’immortalité ou du moins une longue vie, elle la lui accorda, ou la lui fit accorder par Jupiter. Malheureusement Tithon avait oublié de demander en même temps de ne pas vieillir ; aussi finit-il par devenir si caduc, qu’il fallut l’emmailloter comme un enfant. Puis, dégoûté des infirmités de la vieillesse, il fut, suivant ses souhaits, changé en cigale ; fable pareille à celle de Déiphobe, reposant sur ce que la cigale est le symbole d’une longue vie, et prouvant que si nos désirs indiscrets étaient toujours exaucés, nous verrions éterniser nos malheurs et nos regrets. Après Tithon, Aurore eut pour second époux Céphale, fils d’Eole, et, selon d’autres, de Déion ou Diomède. Il s’était marié à Procris, fille d’Erechtée, roi d’Athènes, et sœur d’Orithie. Aurore fut donc éprise de sa beauté ; mais elle ne put arriver à lui faire partager son amour. En vain essaya-t-elle de le rendre infidèle ; en vain lui fit-elle les plus belles promesses, toujours il resta insensible. A la fin elle l’enleva ; mais elle n’en fut pas plus heureuse, car il avait toujours à la bouche le nom de sa chère Procris, quoique, suivant quelques écrivains, Aurore fût parvenue à obtenir de lui qu’il la rendît mère de Phaéton. Que le fait soit vrai ou erroné, elle désespéra pourtant de sa constance, et le laissa enfin s’en aller ou s’échapper, et retourner auprès de Procris, en lui donnant la faculté de changer de forme à volonté, pour éprouver la fidélité de cette épouse chérie qu’il adorait, mais en le menaçant en même temps qu’un jour viendrait qu’il désirerait n’avoir jamais revu sa femme.
Malgré ses divers déguisemens, Céphale fut long-temps sans pouvoir s’introduire chez elle. Pourtant il parvint à être admis, et, à force d’offrir des présens plus riches les uns que les autres, il fut sur le point de voir Procris se rendre à ses sollicitations, {p. 119}quand, reprenant tout à coup ses traits naturels, il lui reprocha sa faiblesse. Alors Procris, honteuse, se mit à fuir et se retira dans les bois à la suite de Diane. Mais Céphale ne put vivre sans elle ; il fut bientôt la chercher, et tout fut oublié. Procris, dit-on généralement, pour gages de ce raccommodement conjugal, lui fit deux présens qui leur furent bien funestes. L'un était un chien appelé Lœlaps que Minos, Aurore ou Diane lui avait donné ; l’autre un javelot qui ne manquait jamais son coup et revenait à son maître après avoir touché son but. Ce javelot, dit-on aussi, avait été offert à Céphale par Aurore. Procris, jalouse de son amour, ayant épié son époux à la chasse et l’ayant entendu, pendant qu’il se reposait sous un arbre, invoquer, suivant son habitude, l’haleine rafraîchissante de Zéphire, elle crut qu’il parlait à une rivale, et son frémissement involontaire agita le feuillage au milieu duquel elle était cachée. Céphale, persuadé que ce bruit était causé par quelque bête fauve, lance le dard qu’il portait toujours avec lui et tue son épouse adorée. A son cri de douleur, il court à elle, reconnaît son erreur, et, de désespoir, il se perce avec le même javelot. Jupiter, touché de leur malheur, les changea en astres.
Quelques Mythologues, rapportant cette fable à l’histoire, disent que Céphale était fils de Mercure et d’Hersé, et qu’en punition du meurtre de Procris, l’aréopage le bannit de sa patrie, et qu’il se réfugia à Thèbes, d’où il accompagna Amphitryon dans son expédition contre les Téléboens. D'un autre côté, on dit qu’il se brouilla avec Procris parce qu’elle eut une intrigue avec Préléon, ce qui la força de se retirer en Crète à la cour de Minos, qui lui-même oublia pour elle Pasiphaé, sa femme, laquelle, pour se venger, se livra aux désirs de Taurus. Puis Céphale fut rechercher sa femme et se réconcilia avec elle ; mais étant ensuite devenu infidèle, Procris en mourut de regret.
Aurore, après avoir eu un fils de Céphale, et après l’avoir laissé retourner auprès de sa femme, enleva le bel Orion qui passait pour fils de Neptune et d’Euryale. C'était le plus joli garçon de son époque. Sa taille était celle d’un géant, dont la tête dépassait les flots des mers les plus profondes. Après avoir épousé Sidé, il la perdit parce que cette imprudente ayant osé vanter à outrance sa beauté et la mettre au-dessus de celle de Junon, la déesse la punit en la précipitant aux enfers. Alors Orion voulut épouser et même, dit-on, séduisit Mérope, fille d’OEnopéus, roi de l’île de Chio ; mais ce roi ne voulant pas de lui pour gendre, l’enivra et, profitant de son ivresse, lui creva les yeux et le laissa sur les bords de la mer. Orion s’étant levé après que la douleur fut apaisée, arriva près d’une forge où, rencontrant un jeune garçon, il le mit sur ses épaules et le pria de le guider vers les lieux où le soleil se levait. La chaleur des rayons de cet astre lui fit recouvrer la vue, et aussitôt il retourna se venger. Ensuite il devint célèbre dans l’art de Vulcain, et fit un palais souterrain pour Neptune, son père. Alors Aurore, que Vénus avait rendue amoureuse de lui, enleva ce jeune et beau forgeron et le porta dans l’île de Délos. Là il perdit la vie par la jalousie ou par la vengeance de Diane qui fit sortir de la terre un scorpion dont la piqûre le fit mourir, ou bien elle le fit périr à coups de flèches parce qu’il avait voulu faire violence à Opis, une de ses compagnes ou parce qu’il avait osé forcer la déesse à jouer au disque avec lui, ou pour avoir touché son voile d’un main impure. Cependant on dit aussi que Diane voyant sa tête au-dessus des flots sans trop savoir ce que {p. 120}c’était, voulut faire preuve de son adresse en présence d’Apollon qui l’en avait défiée, et tira si juste qu’Orion fut atteint d’une de ses flèches meurtrières, mort que l’on attribuait encore à Apollon. Diane, fâchée d’avoir ôté la vie au bel Orion qui mourut dans le temps que le soleil parcourt le signe du scorpion, obtint de Jupiter qu’il fût placé dans le ciel où il forme une constellation de quatre-vingt-dix étoiles de l’hémisphère méridional, et comme sa principale étoile se fait toujours remarquer malgré la lumière de la lune, on inventa la jalousie de Diane. On peut croire qu’Orion fut un disciple d’Atlas et par conséquent un savant astronome qui apporta dans la Grèce la connaissance du mouvement des cieux.
Aurore se consola de la perte d’Orion entre les bras de plusieurs autres amans.
Les Anciens la représentaient vêtue d’une robe couleur safran, ayant une verge ou torche à la main, sortant d’un palais de vermeil et montée sur un char pareil et de couleur de feu. Deux chevaux blancs traînaient ce char : c’étaient Lampus et Phaéton ; ou même un seul, Pégase, sur lequel on la voyait aussi quelquefois parcourir l’univers. Aurore avait en outre un grand voile sur la tête, reculé en arrière, des doigts de couleur de roses, des ailes, et une étoile sur la tête qui toujours est couronnée de fleurs. D'une main elle tient, nous le savons, un flambeau, et de l’autre elle répand des roses. Souvent elle chasse devant elle la Nuit et le Sommeil et précède le Soleil en ouvrant les portes de l’orient. Jamais aucune fable n’a servi les artistes aussi bien que celle de l’Aurore. Callet, Delorme, Guérin, Lebrun, Guerchin et le Guide ont tous exercé leurs pinceaux sur ce sujet, et tous avec un bonheur remarquable.
D'après tout ce que l’on vient de lire sur Apollon, il est facile de comprendre qu’il fut l’un des faux dieux les plus importans de l’antiquité. On pourrait démêler dans chacun de ses noms une allégorie. Si nous voulons l’interpréter seulement comme une création surgie de la marche des astres, nous le voyons faire partie du conseil des douze grands Dieux, présider alors aux Jumeaux, et se trouver enfant, vainqueur du serpent Python, quand au lever du soleil dans le lion, au matin du solstice d’été, le dragon se couche ; puis être chassé du ciel et devenir berger en Thessalie dans le pays des Centaures, aussitôt que le soleil arrive dans les signes inférieurs, et devient voisin du centaure et du sagittaire. Puis, comme les rayons du soleil donnent de la chaleur aux esprits vitaux des hommes et des plantes, on en avait fait le dieu des poètes et de la médecine.
Apollon, pendant ses séjours, tant au ciel que sur la terre, eut de nombreuses intrigues : beau, brillant, offrant enfin la perfection des formes et des talens, il fut souvent l’objet de désirs cachés, et souvent aussi le dépositaire de bien douces faveurs. Nous allons donc maintenant faire connaître ses diverses et nombreuses maîtresses. Bientôt nous verrons ses amours avec Vénus ; passons de suite à celles qui sont les plus célèbres après cette déesse : Achalide qui devint mère de Delphus que l’on donne aussi pour fils à Céléno ou à Thya ; Alcyonée qui fut probablement la prêtresse d’Argos du même nom. Elle eut Hypérénor avec Apollon ; Anathroppe fut mère de Chius ; Anchialée eut Oaxe d’Apollon ; Anaxibie a peu fait parler d’elle ; Antianire eut de ce Dieu, suivant quelques écrivains, le célèbre devin Idmon, l’un des Argonautes ; Arcée ou Acacallis, ou {p. 121}Acallis, ou Acasis, fille de Minos, eut d’Apollon Amphitémis ou Garamas, Naxus, Phylaxis et Phylandre, ainsi que Milet, père de Milétis ou Biblis et de Caunus, qu’il avait eu de la nymphe Cyanée. Ce couple fraternel est assez remarquable ; Biblis s’étant éprise d’un amour criminel pour Caunus, son frère, l’obligea par ses coupables importunités à fuir la maison paternelle ; alors elle-même, de désespoir, se mit à la chercher à travers les bois où, à force de pleurer, elle fut changée en une fontaine qu’on appelait les Pleurs de Biblis. Une autre version la fait se précipiter du sommet d’une montagne au bas de laquelle elle fut reçue par les nymphes qui en eurent pitié, lui donnèrent l’immortalité et l’admirent au milieu d’elles en qualité d’Hamadryades ; Aréa, quoique fille de Cléochus, ne paraît pas différer d’Arcé, car on lui attribue, comme à cette dernière, la naissance de Milet dont la mère était en outre appelée Acacallis qui, de ses amours avec Apollon, eut en outre Amphitémis, Garamas, Phylacis ou Phylandre, Cidon, Naxos. Arsinoé, fille de Leucippe qui elle-même eut quelques intrigues avec Apollon, était belle-sœur de Castor et de Pollux que nous retrouverons plus loin parmi les fils de Jupiter. Par suite de ses amours avec Apollon, Arsinoé devint mère d’Esculape, et, en cette qualité, elle reçut de même que son fils les honneurs divins à Sparte où elle avait un temple près de la place Hellénienne. Cependant, c’est plutôt sous le nom de Coronis que l’on connaît la mère d’Esculape ; nous en parlerons plus bas. Astérie passe aussi pour mère d’Idmon ; Astinomée, ou Astynomie, ou Astyonée, ou Chryséis, mère de Chrysès auquel on la donne quelquefois pour fille. Babylone eut d’Apollon Arabus que l’on a cru l’inventeur de la médecine chez les Arabes ; Boline, quoique rangée ici sur la ligne des maîtresses du Dieu du jour, fut une nymphe qui ne céda pourtant jamais à ses instances ; elle se jeta au contraire dans la mer pour éviter ses poursuites, sagesse que le dieu lui-même admira et récompensa en lui rendant la vie et en lui accordant l’immortalité ; Calliope passe pour avoir eu Orphée d’Apollon ; Canacé, fille d’Eole, épousa son propre frère Macarée. Elle ne s’en tint point à cet inceste ; elle eut encore plusieurs enfans de Neptune et son fils Branchus d’Apollon ; Castalie est encore une nymphe qui ne paraît point avoir succombé aux sollicitations d’Apollon. Elle fut métamorphosée par ce dieu ou par d’autres dieux en une fontaine dont les eaux coulant au pied du Parnasse avaient la vertu d’inspirer le génie de la poésie à ceux qui en buvaient ou qui seulement entendaient leur doux murmure ; aussi était-elle consacrée aux Muses, et la Pythie qui rendait les oracles de Delphes avait soin, on s’en souvient, d’en boire avant de s’asseoir sur le trépied sacré. Céléno était une fille d’Hyamus, fils lui-même de la nymphe Evadne. Apollon rendit Céléno mère de Delphus que l’on fait souvent aussi naître ou d’Achalide, ou de Thya, fille de Castalius ; Chionée, fille de Dédalion, partagea ses faveurs entre Apollon et Mercure. Elle eut de celui-ci le fameux filou Autolycus que l’on fait encore fils direct de Dédalion ; elle eut d’Apollon le grand joueur de luth Philammon père de Chamiris ; éprise de sa beauté, elle osa mettre sa fécondité au-dessus de la chasteté de Diane qui la punit en lui perçant la langue d’un coup de flèche, blessure dont elle mourut peu de temps après. Cette perte affligea tellement son père Dédalion, fils de Lucifer et frère de Céyx, qu’il se précipita de désespoir du sommet du Parnasse. Mais Apollon en eut {p. 122}compassion, le soutint dans sa chute et le changea en épervier ; Chryséis ou Astynomé, ou Astyonée, fille de Chrysès, prêtre d’Apollon, fut prise par Achille lors du sac de Lyrnesse, et tomba en partage au roi Agamemnon. Son père étant venu la réclamer, elle lui fut refusée. Cependant une peste ayant suivi ce refus, Ulysse fut chargé de la reconduire chez elle ; alors Chrysès offrit une hécatombe à Apollon en faveur des Grecs, et la peste cessa ; mais Chryséis étant devenue enceinte, on supposa qu’elle l’était d’Apollon, et elle mit au jour un enfant qui porta aussi le nom de Chrysès. Chrysorthe, fille d’Orthopolis, eut d’Apollon un des Coronus ; Chrysotémis qui eut du Dieu une fille du même nom et Parthénon ; Cia était une des filles de Lycaon ; elle eut de ses amours avec le Dieu du jour l’arcadien Dryops, père et chef des Doriens ; Circée, sœur de Pasiphaé et d’Eétès ou Ætes, était aussi fille du Soleil et de la nymphe Persa ou Perséis ; elle eut, il le paraîtrait, une intrigue avec son père, car on indique Aloé comme né de leur union, quoique souvent on le fasse passer aussi pour fils du Soleil et de la Terre, ou de Canacé ; Cléobule était une nymphe qu’Apollon rendit mère d’Eurypide, ou d’Eurypidice ; Climène était une fille de l’Océan ; elle devint la maîtresse du Dieu du Parnasse, après que celui-ci eut éprouvé une petite mésaventure auprès d’une autre beauté : il était amoureux de Cassandre, fille de Priam et d’Hécube ; dans le délire de sa passion il fut jusqu’à permettre à cette princesse de lui demander tout ce qu’elle voudrait pour prix de la plus faible faveur ; alors elle exigea avant tout le don précieux de prophétiser, ce qu’Apollon lui accorda aussitôt ; mais Cassandre ne voulut plus tenir sa promesse et força le Dieu à se venger en faisant tomber ses prédictions en discrédit, et en les faisant passer pour autant de folies. Honteux de ce désappointement, il porta ses désirs vers Climène, la séduisit, et la rendit mère de trois filles appelées Héliades : Phaétuse, Lampétie, Lampétuse ou Phébé, et d’un garçon nommé Phaélon qui passait aussi pour fils au moins adoptif de Mérops que Climène épousa à la suite de ses intrigues avec Phébus ; Clytie était comme sa sœur Leucothoée, fille de l’Océan et de Thétys ou d’Eurynome et d’Orchamus, roi de Perse ou plutôt de Babylone et de toute l’Assyrie. Cette jeune nymphe fut d’abord aimée d’Apollon qui la rendit mère de Dircée ; mais ce Dieu l’ayant quittée pour Leucothoée, sa sœur, elle découvrit l’intrigue, la dénonça à son père, ou même trouva moyen de tuer sa sœur. Cette cruelle et vindicative jalousie n’attira sur elle que les mépris d’Apollon : alors désespérée elle se laissa mourir de faim, couchée sur la terre, les cheveux épars et les yeux continuellement tournés vers le soleil. A la fin Apollon en eut pitié et la métamorphosa en héliotrope ou tournesol, parce que, disait-on, les fleurs de ces plantes se tournent sans cesse vers l’astre de la lumière. Quant à Leucothoée, elle subit un traitement épouvantable : son intrigue avec Apollon ayant été découverte à son père, ce prince la fit enterrer toute vive et jeter sur son corps un monceau de sable. Rien ne pouvant la faire revivre, par suite de la loi de l’inflexible destin, le Dieu du jour arrosa de nectar la terre qui renfermait ses dépouilles mortelles, et aussitôt on en vit sortir l’arbre d’où l’on extrait l’encens et auquel on donna plus tard le nom de Leucothoée, fable assez obscure que l’on explique en disant qu’Orchame fit planter à côté l’un de l’autre l’arbre à l’encens et le tournesol, et que le voisinage de celui-ci fit mourir le premier. Les Grecs donnèrent {p. 123}encore le nom de Leucothoée à une sœur de Sémélée, à Ino, qui prit soin du jeune Bacchus. Coronis que l’on désigne souvent sous le nom d’Arsinoé et que l’on confond avec elle parce qu’on les prend l’une et l’autre pour mères d’Esculape, paraît ce pendant, comme nous l’avons déjà vu avoir dû être une maîtresse d’Apollon toute particulière d’Arsinoé ; mais quelle est l’une des deux qui était mère d’Esculape, c’est là une obscurité que l’on ne peut éclaircir. Quoi qu’il en soit, Coronis était fille ou de Léonte, ou d’Antion, ou, suivant le plus grand nombre, de Phlégyas, fils de Mars et de Chrysa. Elle fut aimée d’Apollon, et devint enceinte d’Esculape. Pendant sa grossesse s’étant éprise d’un autre amour pour Ischys, fils d’Elatus, fondateur d’Élatée, et que nous verrons encore père d’Arcas, d’Erato, d’Egyptus, de Péréus, de Cyllen et de Stymphale, un corbeau ou, suivant d’autres, Lycius, fils de Cléonis, eut l’indiscrétion de venir informer Apollon que sa maîtresse était infidèle, alors, dans son dépit, il punit le corbeau en changeant son plumage de blanc qu’il était en noir, perça l’infidèle d’une flèche, tira de son sein l’enfant qu’elle portait, le confia au centaure Chiron, et métamorphosa ensuite Coronis en corneille. Cependant quelques auteurs la font périr sous les coups de Diane ; mais tous s’accordent à dire qu’elle avait une statue dans le temple d’Esculape à Sicyone, et qu’elle y partageait avec son fils les honneurs divins, de même qu’Arsinoé à Sparte. Cette Coronis qui mourut peut-être après avoir eu une intrigue avec quelque prêtre du temple d’Apollon, accoucha probablement à l’insu de son père auprès d’Epidaure, et fit exposer son enfant, ou peut-être même l’habile Chiron, immédiatement après sa mort, retira-t-il, au moyen de l’opération césarienne, l’enfant qui palpitait encore dans ses flancs. Quant au corbeau accusateur, on en fit depuis une constellation de dix étoiles. Corycie était une nymphe, fille de Pliste. Elle fut séduite par Apollon et mit au jour Léo ou Lycorée sur lequel on ne sait rien ; Creuse, fille d’Erechthée, roi d’Athènes, eut aussi une inclination secrète pour Apollon qui la rendit mère d’Ion et d’Anis ; Cydippe fut mère de Camire après avoir été aimée d’Apollon ; Cyrène : Apollon eut deux maîtresses de ce nom, l’une fille d’Hypsée, roi des Lapithes, ou, suivant d’autres, du fleuve Pénée et de la Terre, attira l’attention du dieu, qui la transporta en Libye où elle devint mère d’Aristée ; l’autre était une nymphe qui en eut pour fils le célèbre devin et Argonaute Idmon, dont la naissance fut, nous le savons, attribuée aussi à Astérie et à Antianire. Cette maîtresse d’Apollon en eut encore Agètes, Agrée ou Argée, Autoque et Nomius.
Apollon, à peine exilé du ciel, devint amoureux de la belle Daphné ou Pasiphaé, fille du fleuve Pénée, ce fut cette jeune nymphe qui attira ses premiers regards, d’abord il lui fit les aveux les plus tendres, les promesses les plus brillantes, mais elle ne voulut jamais l’écouter et fut toujours insensible à son amour, car elle lui préférait Leucippe, jeune homme de son âge. Alors Apollon voulut obtenir par la violence ce qu’elle refusait à ses prières, mais Daphné s’enfuit. Apollon la poursuivit et l’atteignit sur les bords du Pénée. Daphné, épuisée de fatigue et ne pouvant plus se défendre, implora le secours de son père, qui la métamorphosa en laurier ; de sorte qu’Apollon ne posséda plus qu’un tronc inanimé. Désolé de cette mésaventure, il en arrache une branche, s’en fait une couronne, et veut que désormais le laurier {p. 124}lui soit consacré, et qu’une branche de cet arbre soit le prix qu’on décernera aux jeux pythiens. C'était aussi pour attirer la commisération du Dieu que les Grecs, pendant la durée des maladies contagieuses, plaçaient devant la porte de leurs maisons des branches de cet arbre si cher à Apollon. Cette nymphe, dont le nom grec signifiait laurier, fut honorée à Sparte comme déesse, sous la désignation de Pasiphaé, et elle y rendait des oracles en grande réputation. L'histoire, pour expliquer cette fable, dit qu’un prince, du nombre de ceux auxquels l’amour des lettres fit donner le nom d’Apollon, étant devenu amoureux de Daphné, fille de Pénée, roi de Thessalie, et la poursuivant un jour, cette jeune princesse tomba, et périt sous les yeux de son amant, sur les bords d’un fleuve, dans une fondrière couverte de lauriers, d’où vient la fable, dont le sens moral semble rappeler la protection que les Dieux accordent toujours à la sagesse.
Déione passe encore chez les mythologues pour une des mères de Milet. Dryope, fille d’Euryte et d’Œchalie, était sœur d’Iole, l’une des femmes d’Hercule, elle fut d’abord aimée d’Apollon, puis elle épousa Andrémon ; elle eut d’Apollon Amphise et Ambrasce, mais ayant voulu, dit-on, porter une main sacrilège sur un arbre consacré aux Dieux, elle fut métamorphosée en Lotos, l’une des fleurs les plus brillantes de l’Orient ; Enope fut mère de Macarée, Ethuse ou Aréthuse, fille de Neptune, eut Eleuthère avec Apollon. Eurynome passe rarement pour une des maîtresses d’Apollon, car c’était une nymphe, fille d’Orchame et mère de Leucothoé, que nous avons déjà vue avoir été enterrée toute vive pour avoir eu une intrigue avec le Dieu du soleil ; Dryope, fille d’Euryte, donna Amphissus pour fils à Apollon ; Evippe, fille de Chiron, devint mère de Ptous, qu’elle eut d’Apollon ; Gryne était une amazone qui ne fut pas maîtresse d’Apollon, mais qui fut seulement la victime de sa violence, après avoir été surprise dans un bois auquel ensuite on donna son nom. Hypermnestre fille de Thestius, eut Amphiaraüs d’Apollon ou d’Oïdée qui avait pour père Antiphate. Hyrie ou mieux Thyrie, nymphe thessalienne, fille d’Amphinome et femme de Sténelé, roi de Ligurie, fut mère de Cycnus, père de Ténès, qu’elle eut d’Apollon. Issa ou Issé, fille de l’un des Macarée, fut séduite par Apollon, déguisé en berger. Lycie, fille du fleuve Xanthus, eut de ce dieu Patare et Icadius. Mélie, était une fille de l’Océan, elle fut aimée d’Apollon, dont elle eut deux fils, Térénus ou Ténérus et Isménus, ainsi que les nymphes Méliades. Minerve eut, dit-on, avec le soleil les Telchines, quoique beaucoup d’autres les fassent passer pour fils de la mer. Néère était une déesse aimée du soleil, qui la rendit mère de deux filles, Phaétuse et Lampétie, déjà indiquées comme filles de Clymène ; cependant plus communément on nommait les enfans de Néère : Dioxippe, Egialée, Egla, Etérie, Hélie, Myrope et Phœbé. Manto, la prophétesse grecque, appelée aussi Artémise ou Daphné, ne doit pourtant pas être confondue avec la nymphe qui fut changé en laurier. Cette Manto était fille du devin Tirésias, et vivait du temps de la seconde guerre de Thèbes ; elle eut Mopsus avec Apollon ; puis s’étant mariée avec Tiberinus elle devint mère de Bianor et d’OEnus : cependant on attribue ce dernier à une prophétesse d’Italie qui portait le même nom. Naupidame eut avec le soleil ou Phorbas, un fils appelé Augias. Othréis devint mère avec Apollon de Phagrus, puis cette nymphe eut un fils appelé Milet avec {p. 125}Jupiter. Ocyrhoé l’océanide fut maîtresse d’Apollon et mère de Phasis. Parthénopée, fille de Stymphale ou d’Ancée le neptunien, et de Samia, issue du fleuve Méandre, fut animée d’Apollon qui la rendit mère de Lycomède. Persa, fille de l’Océan et de Thétis, épousa le Soleil et en eut Eétes, Persès, Circé, Pasiphaé. Phtia, fille de Niobé, eut d’Apollon Laodocus ; Psamathé, fille de Crotope, roi d’Argos, céda aux instances d’Apollon et en eut Linus, que nous savons déjà fils de quatre ou cinq muses, Rhoéo ou Rhoio, fille de Staphyle, berger du roi OEné et de Chrysotémis, avait pour sœur Molpodia et Parthéno ; elle fut maîtresse du Dieu du jour, et de cette liaison elle devint mère d’Anius ; Rhodé ou Rhodès, fille de Neptune, était une nymphe qu’Apollon séduisit et qui en eut Macare et Orchime, on lui donnait aussi quelquefois Phaéton pour fils ainsi que Cercaphe et Electrion ; Sinope était une fille du fleuve Asope, on varie beaucoup sur sa conduite, les uns la font rester sage, mais la plupart des écrivains la font céder aux desirs d’Apollon et devenir mère de Seyros ; Stilbia ou Stilbée, sœur d’Iphénus et fille du fleuve Pénée, eut de ses amours avec Apollon deux fils : Centaure et Lapithèse ; Syllis était une nymphe qui accepta les offres amoureuses du même Dieu et en eut un fils appelé Zeuxippe ; Thalie ou Phytia, fille de Niobé, fut aimée d’Apollon, et devint, dit-on, la mère originaire au moins du premier Corybante, qu’Aristote indique même pour le père de l’Apollon-Crétois. Thémisto, nymphe, mère de Galée ; Thyrie ou Hyrie ; Théro, était fille de Phylas, petit-fils d’Hercule par Antiochus et de Déiphile, fille d’Adraste, roi d’Argos, à laquelle Déiphile on donne encore Tydée pour époux : Théro fut aimée d’Apollon, qui la rendit mère de Chœron. Uranie passait pour avoir eu aussi Linus de ses amours avec le dieu du Parnasse.
Si après avoir fait connaître les maîtresses d’Apollon, nous passons en revue les enfans qui résultèrent de ces diverses intrigues nous trouvons parmi ses fils : Acréphée dont la mère est restée inconnue, et qui donna son nom à une ville de Béotie ; Agète, Argée, Aristée et Authoque, Agréus et Nomius étaient enfans de Cyrène ; le troisième attribué aussi aux amours de Bacchus, et de cette nymphe, fut élevé par les compagnes de sa mère qui lui apprirent les travaux d’économie rurale, aussi devint-il célèbre dans l’art d’élever les abeilles. Amant d’Eurydice, Aristée fut, comme on l’a vu, cause de sa mort en la poursuivant le jour de ses noces avec Orphée. Les nymphes pour venger leur jeune compagne tuèrent toutes les mouches d’Aristée qui, inconsolable, fut avec sa mère consulter Protée, dont l’ordre fut d’offrir des sacrifices expiatoires aux mânes d’Eurydice. Aussitôt Aristée immola quatre jeunes taureaux et quatre génisses des entrailles desquels il vit, avec étonnement et plaisir, sortir une nuée d’abeilles. Il épousa ensuite Autonoé, fille de Cadmus, et en eut Actéon, dont nous connaissons les tristes aventures. Après la perte de ce fils chéri, Aristée se mit à voyager et finit par s’établir sur le mont Hémus, puis il disparut tout-à-coup et fut placé par les Dieux entre les étoiles sous le nom du verseau, constellation de 117 étoiles. Il vivait d’après l’histoire, l’an 1390 avant J.-C. et il était chef des Siconiens avant l’arrivée chez eux de Cérès. Il fut honoré comme une divinité champêtre, d’une manière toute particulière par les bergers grecs et siciliens. Sa statue se voyait à Syracuse, dans le temple de Bacchus. Aloé, fils du Soleil et de Circé ou de la terre ou de Canacé, {p. 126}reçut de son père pour héritage l’Asopie, et eut pour fils Epopéus, père lui-même de Marathon Amphissus, fils d’Apollon et de Dryope, bâtit Oéta et un temple aux Hamadryades, il y fonda des jeux en leur honneur et il y obtint le premier prix. Ambracia était une fille d’Apollon et de Dryope, elle donna son nom à une ville d’Epire. Cependant, suivant quelques auteurs, cette ville aurait dû son nom à Ambras, fils de Thesprotus, roi d’Epire, ou bien à Cragalé, vieillard qui, après avoir été choisi pour décider lequel d’Apollon, Diane ou Hercule présiderait à la fondation de cette ville, fut changé en rocher par le premier pour avoir prononcé en faveur d’Hercule ; Amphiaraus, né d’Hypermnestre ou d’Oïclée, épousa Eryphile et en eut Alcméon, Amphilocque et Démonasse, le premier époux de Callirhoé, fille du fleuve Acheloüs, fut père d’Amphotémus et d’Arcanas, et il eut Pamphiloque et Tisiphone avec Manto que nous avons déjà vue maîtresse d’Apollon ; Actis, fondateur d’Héliopolis en Egypte ; Amphiste était fils de Dryope ; Amphitémis ou Garamas avait pour mère Acacalis, de même que Phylacis et Phylandre qui, selon Diodore, furent allaités par une chèvre, dont l’image était consacrée dans le temple de Delphes. Garamas devint père de Céphalion, à la suite de son mariage avec Tritémis ; Anius était fils de Creuse ou Rhoéo, l’histoire ne dit pas s’il était l’un des deux grands prêtres d’Apollon ; cependant on lui donne un fils appelé Andros et trois filles OEno ou le vin, Spermo ou le grain, Elaïs ou l’huile ; Arabe était fils de Babylone, il avait reçu de son père l’art de la médecine qu’il enseigna aux Arabes auxquels il donna son nom ; Augias ou Augeas, dont la mère est restée inconnue, était un des Argonautes, nous ie retrouverons en parlant d’Hercule, il eut un fils appelé Philée ; Branchus était un devin, fils de Canacée et de Macarée, son frère, prêtre d’Apollon, mais que l’on supposait fils d’Apollon et de la sœur de son prêtre, il grandit en errant dans les bois, un jour Apollon l’ayant rencontré lui donna un sceptre et une couronne, puis aussitôt il prophétisa et disparut un moment après. Dès-lors il fut divinisé, on l’adora sous le nom d’Apollon-Philesius ; il rendait ses oracles à Didyme ; Camire passait pour fils de Cercaphe, fils lui-même d’Hélios, mais il est mieux de croire Camire fils d’Apollon et de la nymphe Cydippe, qui n’épousa que plus tard Cercaphe, son oncle, par suite de la trahison d’un hérault d’armes : celui-ci ayant eu l’ordre de la part d’Ochimus, père de Cydippe et frère de Cercaphe, de négocier le mariage de cette jeune fille avec Ocridion, roi de Rhodes, il eut la mauvaise foi de la marier à Cercaphe, son oncle ; Candale, fils d’Hélios ou le soleil et de mère inconnue, fut obligé de quitter l’île de Rhodes, sa patrie, et d’aller s’établir dans celle de Cos, après avoir eu la cruauté de prendre part au meurtre de Ténagès, son frère ; Castalius passait pour fils de la terre, mais habituellement on lui donne Apollon Delphique pour père sans dire quelle était sa mère, il était roi des environs du Parnasse et avait pour fille Castalie, que nous avons vue poursuivie par le Dieu du jour, et Thyas qui la première fut honorée du sacerdoce de Bacchus, d’où vient aux bacchantes le nom de Thyades. Centaure, fils de Stilbia, fut le père originaire de ces monstres fabuleux habitant près des monts Pélion ou Ossa en Thessalie, et qui avaient un buste d’homme et le corps et les jambes de chevaux ou de bœufs, d’où leur vint les surnoms d’Hippocentaures et de Bucentaures ; du reste on peut les {p. 127}considérer comme d’habiles cavaliers qui, sans mettre pied à terre, lançaient de loin leurs traits et fuyaient aussitôt ; nous les rencontrerons souvent dans le cours de cet ouvrage, et déjà nous connaissons le fameux Chiron, l’un des descendans du fils d’Apollon. Cercaphe était né de Rhodès ; Chariclo, fille d’Apollon ou de Persès, devint mère du Centaure Chiron et mère d’Ocyroé ; Chæron ou Charron, né de Théro et d’Apollon, donna son nom à la ville de Chéronée, en Béotie, qui s’appelait auparavant Arnée ; Chias, né d’Anathrippe, donna son nom à l’île de Chio ; Chrysotémis fut une des maîtresses et l’une des filles d’Apollon : étant morte encore enfant il la plaça dans le ciel sans qu’on sache trop quel rang elle y occupait ; Chrysès, fils d’Astinomé, fille elle-même de Chrysès, grand prêtre d’Apollon à Sminthe, avait pour père réel Agamemnon, mais pour cacher cette intrigue au public, on lui donna une naissance divine et il fut regardé comme fils d’Apollon ; Circé, fille du Soleil et de Persa ou Perséis ou Persé, fille de l’Océan, était une fameuse magicienne qui passait aussi pour fille du Jour et de la Nuit, nous la retrouverons après la guerre de Troie, en parlant d’Ulysse, avec lequel elle eut Cassiphone et un fils appelé Télégone et même, dit-on, Agrius ou Latinius ; Climène, fils du Soleil et de la mère inconnue, fut, suivant Hygin, l’amant de Mérope, qui devint mère de Phaélon, mais cette opinion n’est pas généralement admise ; Climenides, on donne aussi ce nom aux Héliades ; Coronus était fils de Chrysorte ; Corybante, fils de Thalie ou de Phtie, passait pour le père originaire des Corybantes ; Cycnus, fils de Thyrie ou de Hyrie, femme de Sténélé, roi de Ligurie, passe souvent pour enfant de ce roi, quoique généralement il soit attribué à Apollon ; il était tellement ami de Phaéton que la mort étant venue frapper celui-ci, Cycnus abandonna ses états pour aller le pleurer sur les bords de l’Eridan, où il resta à chanter ses douleurs jusqu’à un âge fort avancé : alors il fut changé en cygne et forma sous ce nom la constellation boréale de 85 étoiles que les anciens appelaient aussi la Croix ; Cydon, le premier roi de Cydonie, d’après les Crétois, était fils d’Acacalis et de Mercure, mais cette mère ayant été l’une des maîtresses bien connues d’Apollon, il est plus probable que c’était à ce Dieu qu’il devait le jour ; quant à son père putatif, c’était Tégéatès, roi de Tégée ; Delphus, fils d’Acalide, de Céléno ou de Thya, habitait les environs du mont Parnasse, et fonda la ville de Delphes, il eut Pythis pour fils ; Dorus, dont on a quelquefois attribué la naissance comme héros à Pythie et à Apollon est plus connu comme fondateur de la Doride et fils de Neptune ; Dryops, fils de Cia. Cet Arcadien passe aussi pour avoir été le père et le chef des Doriens qui furent s’établir dans le Péloponèse ; Eétès, fils de Persa et du Soleil, eut Absyrthe, Chalciope et Médée, de l’Océanide Idya : il régnait en Colchide du temps de l’expédition des Argonautes sous laquelle il succomba ; Electryone, fille du soleil et de Rhodès, mourut vierge et fut une des divinités des Rhodiens ; Eleuther était fils d’Ethuse ou d’Aréthuse, fille de Neptune, il donna son nom à une ville de Béotie ; Erymanthe, dont la mère est inconnue, eut le malheur de surprendre Vénus au bain, à l’instant qu’elle sortait d’avoir une entrevue avec Adonis, et fut privée de la vue par cette déesse : alors Apollon pour le venger, fit naître, de concert avec Mars, le sanglier qui tua l’amant de Venus.
Esculape ou l’Asclépios des Grecs, {p. 128}fut le type primordial des médecins dans la Grèce antique, on l’adorait sous différens noms, ainsi il était appelé : Apollinea Prolès ou enfant d’Apollon, Aulonias ou d’Aulon, Archagète ou le porteur de secours en Phocide, Alcter ou qui défend, Barbu à Elatée, Causius ou de Caus en Arcadie, Cotylée à Amyclas, Daron en Macédoine, Déménète ou loué par les Dieux aux environs du mont Saurus près de l’Alphée, Epidaurios à Epidaure, en Argolide, Hagnilas à Sparte, Latobius ou qui porte la vie chez les Doriques, le Nain en Arcadie, Paeonius Draco ou le serpent médecin, Paeon ou le médecin des Dieux, Phaebeius Anguis ou le serpent de Phébus ; Phaebeius juvenis ou l’enfant de Phébus ; Philolas ou l’ami des peuples dans Acrie et Atone ; Salutifer Puer ou l’enfant porteur de la santé ; Triccœus ou de Trica en Thessalie.
Les légendes donnent à ce médecin diverses origines : les Thessaliens le faisaient fils d’Apollon et de Coronis, fille elle-même de Phlégyas, héros que nous verrons mourir plus tard, et sœur d’Ixion. Ils donnaient à ce premier médecin Lacérie ou Dotion sur le lac Bébeïs pour le pays de sa naissance, laquelle, selon quelques auteurs, dut avoir lieu l’an 1321 av. J.-C. Coronis ayant été fiancée à Ischys ou la Force, un corbeau ou Lycius, ou elle-même, dit-on, en fit part à Apollon, son amant, qui la tua plutôt que de la voir passer dans les bras d’un rival ; puis, avant de la brûler, il tira adroitement de ses flancs Esculape, le fruit de leurs amours. D'autres accusent Diane de ce meurtre et font honneur à Mercure de l’opération chirurgicale. Quelques-uns font naître naturellement, mais en secret, ce précieux enfant sur le mont Tithée ou Tithion ou dans les champs de Telphus, le font allaiter par une chèvre et recueillir par un berger appelé Aresthana, ou Aristhène, ou Autolas, fils d’Arcas, lequel fut averti de l’origine de cet enfant par une auréole brillante dont il le vit entouré ; mais la légende la plus suivie, celle d’Epidaure, se contente de lui donner cette ville pour lieu de naissance, et pour père Ischis, fils d’Elatus, ou plus communément Arsippe, ou même aussi Apollon, et pour mère Arsinoé, fille de Leucippe, fils de Périérès. Alors, honteuse de sa faiblesse, Arsinoé fut porter son enfant dans une plaine où il fut retrouvé, comme nous venons de le voir, puis confié aux soins de Trigone que l’on dit avoir été sa nourrice. D'autres mythologues, non satisfaits de ces diverses naissances, réclament pour son berceau l’Arcadie ou la Messénie, et le font naître sous les traits d’un serpent, d’un œuf de corneille, ou autrement dit de Coronis.
Son éducation fut confiée au centaure Chiron. Il sut bientôt reconnaître la vertu des plantes, et détruire ou adoucir les maladies avec tant de succès, qu’il fut reconnu pour l’inventeur et le dieu de la médecine, surtout par suite des cures merveilleuses qu’il fit en accompagnant Hercule et un autre héros appelé Jason dans une expédition en Colchide. Il porta même la science si loin qu’il ressuscita Glaucus, Arétoüs, Capanée, et Hippolyte, que nous retrouverons par la suite ; Pluton, effrayé de se voir ainsi privé d’une partie de sa population, se plaignit à Jupiter que l’empire des morts ne tarderait pas à être considérablement diminué, et pourrait même devenir entièrement désert si la science continuait à se mettre au-dessus du destin ; alors le maître des Dieux, pour arrêter cette audacieuse habileté, foudroya le pauvre et innocent Esculape au grand {p. 129}regret d’Apollon qui, voulant venger la perte de son fils bien aimé, perça, comme nous le savons, les Cyclopes. Après sa mort arrivée, soit par un coup de foudre, soit autrement, vers l’an, dit-on, 1243 av. J.-C., Esculape fut bien vite divinisé, et tous ceux que l’on soupçonna avoir été les premiers médecins de tel ou tel pays, ne firent qu’un seul dieu de la médecine, quoique adoré sous plusieurs noms ; ainsi, toutes les variétés d’Asclepias, ou celui d’Arcadie, fils d’Apollon et de Coronis, ou celui frappé de la foudre, ou celui de Thessalie, fils d’Arsippe et d’Arsinoé qui le premier arracha les dents et inventa les purgatifs, ou l’Esmoun des Phéniciens, ou un appelé Tosorthos des Égyptiens, ne sont que des médecins primitifs qui rentrent tous en un seul nommé Esculape.
Ce savant guérisseur des maux physiques fut, dit-on, marié à une femme dont le nom est très-incertain ; car on l’appelle ou Epione, ou Hésione, ou Xanthione, ou Coronis, ou Arsinoé de laquelle il eut une fille appelée Eglée, ou l’éclatante, et deux fils Podalyre et Machaon, père de Palémocrate, qui devinrent la tige des Asclépiades ou médecins descendans d’Esculape, les uns par Palémocrate, et les autres par Podalyre dont l’alliance avec une fille de Damèthe, roi de Carie, fit naître Hippocoon, aïeul prétendu d’Hippocrate.
L'on entoure en outre Esculape d’une famille allégorique fort nombreuse composée d’une foule de dieux ou de déesses tenant à la médecine ; ainsi on lui donne encore pour enfans : Acésos ou le guérisseur, Acéso et Iaso ou la guérisseuse, fille de ce médecin, Alexânor ou qui secourt les hommes, son petit-fils et fils de Machaon, Evâmérion ou le génie du bon jour et de la convalescence, Télesphore ou le génie du dénouement favorable, Panacée ou qui guérit tout, Lampétie ou la brillante, et Ianiscon.
Mais celle de la famille d’Esculape la plus honorée, ce fut Hygie, que l’on dit la même que Minerve, surnommée Hygiea par Périclès. Elle était fille d’Esculape et d’Epione. Les dames grecques honoraient Hygie d’une manière spéciale en lui consacrant leurs cheveux. On la représentait sous les traits d’une jeune femme voilée ou sans voile, tenant d’une main un serpent, buvant dans une coupe qu’elle tient de l’autre main. Hygie à Rome s’appelait Salus, et on lui donnait le surnom d’Aréthuse de Sicile. On la représentait alors sous la figure d’une jeune fille assise sur un trône et couronnée d’herbe médicinale. Elle avait plusieurs temples à Rome desservis par un collége particulier de prêtres ayant seuls le droit de voir la statue de la déesse ; ils ne pouvaient l’interroger qu’en temps de paix et, pour sacrifices, ils jetaient à la mer des morceaux de pâte.
Souvent, comme fils d’Apollon, Esculape fut identifié au soleil et regardé comme prophète, mage, barde ou sorcier. L'usage qu’il fit des métaux dans ses remèdes et du feu pour les métamorphoser le fit adjoindre aux puissances cabiriques que nous trouverons commandées par Vulcain. Il fut aussi l’Hynodoter ou dieu apportant le sommeil, par allusion à la mort considérée comme repos bienfaisant. D'autres idées étrangères à la Grèce y vinrent encore ajouter à celles qui précèdent ; aussi, par la suite on y connaissait un Esculape enveloppé de la tête aux pieds, offrant le caractère de l’ancien des jours, du dieu mystérieux ou être à secrets, et de plus un Esculape serpent, faisant allusion à la mue annuelle de ces reptiles et à sa finesse, indiquant jeunesse {p. 130}éternelle, santé, guérison, longevité et même divination.
La conception d’un dieu de la médecine n’a rien de surprenaut ; elle se retrouve dans tous les pays ; mais celui qui paraît avoir été sinon le premier, du moins l’un des premiers berceaux de la religion asclépique fut la Phénicie.
On reporte à 53 ans avant le siége de Troie, guerre dont nous parlerons plus tard, l’importation du culte d’Esculape en Grèce, et vers 1900 ans av. J.-C., son origine en Afrique, où il était adoré sous le nom de Tosorthos. Ce culte montra d’abord, dans les sanctuaires antiques d’Epidaure et de la Grèce, le dieu guérisseur sous des formes âgées, avec un air sévère ; mais ensuite il ne fut plus qu’un jeune homme de trente-cinq ans, brillant de beauté, au front serein et au sourire bienfaisant, ayant d’un côté son fidèle serpent à ses pieds relevant vers lui sa tête d’une manière caressante, et de l’autre côté sa propre personnification représentée par un nain enveloppé ; puis, lorsque les fêtes de Bacchus et les jongleurs eurent habitué le peuple grec à considérer les serpens comme des êtres merveilleux, on ne vit dans ces serpens que des incarnations du dieu de la médecine. Adoré sous cette forme, il eut un si grand succès, que Rome, après avoir soumis l’Asie mineure, envoya chercher en grande pompe vers l’an 463 de sa fondation, ou 293 av. J.-C. le Dieu-Serpent de Pergame. Arrivé près de l’île du Tibre, ce merveilleux reptile, probablement de la race inoffensive des boas, et jouissant par conséquent de toute sa liberté, sortit alors du vaisseau et fut se cacher dans les roseaux ; aussitôt un temple s’élève dans cet endroit, un quai de marbre en orne les abords, et bientôt ce temple acquiert la plus grande célébrité : chaque jour on allait pieusement y acheter des figurines, des écharpes, des ceintures et autres amulettes consacrées, passant aux yeux du vulgaire pour autant de préservatifs puissans contre toutes les maladies.
En Grèce, ce culte importé à Pergame par Aristechme, était desservi par des prêtres dont le soin était d’offrir en sacrifice à Esculape des taureaux, des agneaux, des porcs, et surtout le coq, cet emblème du réveil et de la vigueur. Le temple d’Epidaure le plus riche et le plus remarquable de tous ceux consacrés à ce dieu, construit peut-être par Ascèle, roi du pays, était entouré d’un bois sacré dans l’enceinte duquel on ne pouvait laisser ni malade mourir, ni femme accoucher. Les environs étaient parsemés de colonnes couvertes d’ex-voto et d’inscription votives, et la statue d’Esculape était en or et en ivoire ; elle avait été sculptée par le fameux Trasymède qui lui avait donné la moitié de la grandeur de celle du Jupiter olympien qu’on voyait à Athènes. Les prêtres de ce culte à Titanès admettaient à côté de la statue d’Esculape celle d’Hygie, enlacée de tresses de cheveux et de bandelettes.
Quelques fêtes remarquables étaient célébrées en l’honneur du Dieu de la médecine ; les unes s’appelaient Epidauries à Athènes et Esculapies à Rome ; les autres étaient les Asclepies ou Asclépiades de la Grèce, ou Mégasclépiades d’Epidaure dans lesquelles on distribuait un prix de musique et de poésie.
Beaucoup d’obscurité règne donc sur la fable très-complexe d’Esculape ; cependant on peut croire avec quelques motifs de raison que le culte du premier médecin divinisé prit son origine en Phénicie, puisqu’il passa en Egypte d’où il vint en Grèce avec toutes les colonies grecques nomades, et {p. 131}qu’il prit ainsi rang au milieu des noms de tous les dieux que ces peuplades avaient rassemblés et qu’ils ornaient de fables plus ou moins extraordinaires. On adorait donc par suite de ces aglomérations sous le nom d’un seul et même dieu : Esculape, fils d’Apollon et dieu d’Arcadie, inventeur de la sonde et de l’art de bander les plaies ; Esculape, frère de Mercure II, c’est lui qui fut frappé de la foudre et enterré à Cynosure ; Esculape, fils d’Arsippe et d’une Arsinoé, inventeur des purgations et de l’art d’arracher les dents ; Esculape, roi de Memphis et frère de Mercure I ; il vivait 200 ans av. notre déluge, et Esculape Tosorthos des Egyptiens.
Quelques savans font de la fable d’Esculape une allégorie astronomique, et ils avancent qu’Esculape est la constellation appelée Ophieus par les poètes, Anguitenens par les Latins et le Serpentaire par les Français, quoique Ophieus et Jason soient souvent confondus et pris pour les mêmes ; néanmoins ils soutiennent que la naissance d’Esculape fait allusion au lever du serpentaire, le soir après le coucher du soleil dans le taureau, ce qui ferait supposer que cette naissance était l’emblème du retour de l’équinoxe ; et comme le Centaure se lève immédiatement avant l’arrivée d’Ophieus qui ne paraît qu’au coucher de la chèvre, on ajouta qu’Esculape avait été élevé par Chiron le centaure. Cependant on nomme encore Esculape le constellation du Dragon, soit à cause du serpent qui lui était consacré, soit pour toute autre raison tout-à-fait inconnue, et dont les recherches seraient fort peu interessantes.
Les Grecs et les Romains rattachaient au culte d’Esculape les dieux Apotropéeos et Averrunci, ou détournant les maux ; ils rendaient même un hommage particulier aux maladies spéciales ; ainsi ils offraient leurs prières à Apalexicacus, Alexicacus et Averruncès ou dieux chassant les maux, à Mana, déesse des maladies périodiques des femmes, à Thermora et à Valenti, déesses des bains. Les Apotropes étaient figurés un fouet ou une épée nue à la main. Dans leurs fêtes ou atropies, on chantait des hymnes en leur honneur, et on leur sacrifiait un jeune agneau. Quant aux fêtes d’Esculape, elles étaient appelées Epidauries.
Mais revenons aux autres enfans d’Apollon : Eurynome, fille de ce dieu, et femme de Talas, fut mère d’Adraste, roi d’Argos ; Euripide ou Euripidice avait Cléobule pour mère ; Galée ou Galéote était né de Thémisto. Les Hybléens, peuples de la Sicile, en avaient fait une grande divinité : ils le représentaient dans un char avec son père, et l’on appelait en Sicile Galéotès les devins qui se prétendaient descendans de ce fils d’Apollon. Garamas, fils d’Acacallis, était roi de Libye, il eut Céphalion de Tritémis et fut père de la nymphe Garamantis. Il donna son nom aux Garamantes. Heliades : quoique ce nom puisse s’appliquer à tous les enfans du Soleil, cependant on le réserve pour indiquer spécialement les filles et les sœurs de Phaéton que l’océanide Clymène avait eues d’Apollon. Elles se nommaient Phaétuse, Lampétie et Lampéthuse ou Phébée ; l’on y ajoutait encore très-souvent Églée, Étérie, Egialée, Dioxippe, Hélie et Myrope. Ce Phaéton qui passait aussi pour fils de la nymphe Rhodé ou d’Aurore, était si brillant de beauté, que Vénus en fut éprise et lui confia la garde de ses temples ; ébloui de cet honneur, il eut un jour une dispute avec Epaphus, qui lui reprochait de ne pas être fils du Soleil comme il s’en vantait. Phaéton fut tellement choqué de cette injure, qu’il fut s’en plaindre à {p. 132}Clymène, sa mère. Celle-ci le renvoya auprès d’Apollon. Ce dieu, pour lui prouver la vérité de sa naissance, jura par le Styx, dans un élan d’amour paternel, de ne lui rien refuser ; alors son fils exigea de lui l’imprudente permission de lui laisser conduire son char et d’éclairer le monde pendant un seul jour. En vain son père voulut-il le dissuader, il fallut céder. Aussitôt le jeune téméraire monte sur le char ; mais bientôt les chevaux du soleil s’apercevant de la faiblesse de leur conducteur et ne reconnaissant plus la main de leur maître, se détournent de leur route ordinaire : aussi, tantôt montant trop haut, ils menacent d’embrasser le ciel ; tantôt descendant trop bas, ils tarissent les rivières et brûlent les montagnes. A la fin, la terre desséchée jusqu’aux entrailles porte ses plaintes aux pieds de Jupiter qui, pour arrêter de plus grands malheurs, foudroie l’audacieux imprudent et le précipite dans l’Eridan, ce qui fit supposer que ce fleuve coulait dans le ciel. C'est, dit-on, depuis cette catastrophe, que le sang ou, pour plus de vérité, la peau des Ethiopiens, prit une couleur noire. Une foule d’interprétations ont été données à cette fable. On y a vu un grand incendie ou l’arrivée des jours brûlans de l’équinoxe d’été ; aussi l’on en fait la constellation que l’on nomme cocher, et comme le nom de Phaéton signifie briller, on le confondit avec Apollon, puis, on fut même jusqu’à le supposer avoir été enlevé encore jeune par Vénus pour le placer dans son temple, parce qu’elle aimait le brillant de la jeunesse. Il paraît qu’il exista peu de temps après le déluge un Phaéton, habile astronome, qui régna sur les Molosses, prédit les grandes chaleurs dont son royaume fut désolé, et se noya dans l’Eridan, ou mourut fort jeune, d’après Lucien, en laissant ses observations astronomiques imparfaites ; mais si l’on cherche le sens morale de cette fable, on y trouve l’emblème de la présomption et de la témérité, compagnes habituelles de la jeunesse.
Cette chute de Phaéton causa une si vive douleur à ses soeurs les Héliades qu’elles le pleurèrent quatre mois entiers, alors les Dieux les changèrent en peupliers et leurs larmes en grains d’ambre. Phaéton laissa pour fils Ligyste, fondateur des Ligyes ou Lygures, on a donné aussi le nom d’Héliades aux fils d’Hélius, roi de l’île de Rhodes.
Si nous continuons la liste des enfans d’Apollon, nous trouvons Hypérénor, fils d’Alcyonée ; Iamus, devin, premier ancêtre des Iamides ; Icadius ou Icarius, né de Lycie ; Idmon, fils d’Antianire ou d’Astérie ou de Cyrène, que nous avons vu parmi les devins et que nous retrouverons avec les Argonautes : Ion, né de Créuse, fille d’Erecthée, il donna son nom à l’Ionie, et avait Achéus pour père putatif ; Isménius, fils de Mélie, avait reçu de son père le don de rendre des oracles ; Lampétie ou Lampéthuse, a déjà été indiquée parmi les Héliades ; Laodoque ou Laoduc, connu seulement pour fils d’Apollon et de Phthia ; Lapithès était né de Stilbé et se trouvait frère de Centaure, époux d’Arsinomé et chef de la race des Lapithes, quoique suivant quelques auteurs ce soit Lapithe, fille d’Apollon qui soit devenue mère des Lapithes, par suite de ses amours avec Eole ; néanmoins si l’on adopte Lapithès pour souche de cette race, voici la filiation qui en dérive : il eut d’Arsinomé deux fils Périphas et Phorbas, le premier s’étant marié avec Astyagée, fille d’Iphéus, en eut Antion, dont l’alliance avec Périmèle donna naissance à Angelaüs, à Amycus, à Coronis et à Ixion, père de Pirithoüs, {p. 133}père des Lapithes. Quant à Phorbas, il eut pour fils Augias, père d’Agamède et d’Actor, lequel rendit Molione mère des Molionides ; Ctéatus et Euryte que nous verrons figurer parmi les Troyens ; Léo ou Lycorus, fils de Corycie, bâtit une ville de Lycorie, sur la Parnasse à l’endroit où la barque de Deucalion et de Pyrrha s’était arrêtée ; Linos ou Linus, ils étaient deux fils d’Apollon portant ce même nom ; l’un né de Psamathé, fille de Crotopus, roi d’Argos, fut dévoré dès son enfance par les chiens de son nourricier, cependant son aïeul ayant trouvé sa naissance équivoque et coupable, punit sa mère en la faisant mourir ; le second, Linus, était né de Terpsichore ou de Calliope, ou d’Eulerpe, ou même, dit-on, d’Uranie et de Mercure ; Apollon lui ayant donné la lyre à trois cordes en lin, et ce mortel ayant changé ces cordes contres d’autres en boyau plus harmoniques, le Dieu des muses lui ôta la vie par jalousie. L'histoire le fait vivre ainsi qu’Amphion, autre célèbre musicien, 1389 ans avant J.-C ; Lycomède n’est connu que pour fils de Parthénope, fille elle-même de Stymphale, qui devait le jour à Elatus et à Laodicée, il était roi d’Arcadie, et devint par trahison prisonnier de guerre de Pelops qui le fit hacher en morceaux ; Macar, fils du Soleil et de la nymphe de Rhodé, contribua au meurtre de son frère Ténagès, puis se réfugia dans l’île de Lesbos à laquelle il donna le nom de Macaria ; Macarée ou Mégaréus le Mégarien, était d’une naissance fort douteuse, car on ne sait trop s’il était fils d’Apollon ou de Neptune et d’Enope ; Mélanée était un grec si habile à tirer de l’arc qu’on le disait fils d’Apollon ; Milet, roi de Carie, était né ou d’Arcé ou d’Acacallis, fille de Minos : ayant été exposé dès son enfance dans une forêt, des loups prirent soin de le nourrir, jusqu’à ce qu’il eut été rencontré par des bergers qui l’élevèrent, ensuite il fut en Carie où il épousa Idothée, fille d’Eurytus, roi de cette contrée ; un autre Milet était fils de Déione ou d’Aréa ; Mopse se trouvant parmi les devins nous ne nous y arrêterons pas davantages ; Naxos ou Naxus était encore fils d’Acacallis ; Nomios devait le jour à Cyrène ; Oaxe avait eu pour mère Anchialée ou Acacallis ; Orchimus, fils du Soleil et de Rhodès, épousa la nymphe Hégétorie, dont il eut Cydippe pour fille ; Oncos ou Oncus, fils d’Apollon, donna son nom à l’Oncéatide, en Arcadie, et se faisait remarquer par les brillantes et nombreuses cavales qu’il possédait ; Pamphila avait, dit-on, inventé l’art de broder, sa mère est restée inconnue ; Parthenos était né de Chrysotémis, il mourut jeune et fut placé avec sa mère, par Apollon, dans la constellation de la vierge ; Patare était né d’Apollon et de Lycie ; Persès, fils du Soleil et de Persa, détrôna son frère Eétès, après la fuite de Médée, célèbre magicienne que nous retrouverons plus tard et qui l’empoisonna. Ce Persès ne semble pas être autre chose que la chaleur personnifiée ; Phaétuse est indiquée aux Héliades ; Phagrus, né d’Othréis ; Phase ou Phasis, fleuve de la Colchide qui se jette dans la mer Noire, il était fils, dit la fable, d’Apollon et d’Ocyroé, tous les efforts de Thétys pour s’en faire aimer furent inutiles, il resta toujours insensible à ses charmes ; Philammon, né de Chioné et père de Thamiris, fut un poète et un musicien antérieur à Homère il figurait au nombre des Argonautes : Phylandre et Phylacis étaient fils d’Acacallis, ils furent allaités par une chèvre dont on conservait l’image dans le temple de Delphes ; Ptous devait le jour aux liaisons d’Apollon et {p. 134}d’Evippe, fille de Chiron ; Pythée ou Pythius, fils ou plutôt incarnation d’Apollon, vainqueur du serpent Python ; Scyros fils de Sinope.
Telchines, enfans douteux du Soleil auquel on les attribua, parce qu’ils habitèrent quelque temps l’île de Rhodes, son séjour habituel, ils passaient quelques fois pour fils ou de l’Océan ou de Minerve, ils étaient habiles dans la métallurgie, avaient inventé l’art de travailler le fer et l’airain, et avaient, dit-on, fabriqué la faulx de Saturne et le trident de Neptune. Leur habileté les faisait passer pour des magiciens pouvant à leur gré commander la pluie, la grêle ou la neige. Aussi les Grecs les surnommaient destructeurs, ils devaient le plaisir qu’ils trouvaient à détruire, à une punition de Vénus qu’ils avaient outragée, mais à la fin Jupiter les changea en rochers et les précipita au fond des flots.
Telmesse n’a point de mère connue, il donna son nom à une ville maritime de la Lycie et fut l’amant de la fille d’Agénor ; Ténère ou Térenus, fils de la nymphe Mélie, avait reçu de son père le don de prédire l’avenir ; Ténès passe quelquefois pour enfant d’Apollon, mais c’était plutôt à Crenus, roi de Colonnes, en Troade, qu’il devait le jour ; Thersanon, fils du Soleil et de Leucothoé ; Triope, fils du Soleil, avait donné son nom à une ville de Carie ; Zeuxippe, fils de la nymphe Syllis, succéda à Phestus, roi de Sicyone.
Après avoir fait connaître Junon et ses enfans ainsi que Latone et tout ce qui se rattache aux Latonides, parlons des femmes ordinaires du maître des Dieux. L'on a vu comment Thémis eut de lui les Heures et les Parques, et l’on sait que Métis développa dans son cerveau la déesse de la sagesse. Cette Métis, mère de Minerve, est un être tout allégorique et insaisissable. C'est la pensée, la méditation, la conception. Pour la rendre sensible aux yeux du vulgaire, la Théogonie grecque la personnifia et en fit une femme qu’elle supposa avoir existé avant Jupiter. Ce fut elle qui donna le breuvage à Saturne pour lui faire rendre au jour ses enfans ; mais, ajoutèrent quelques autres savans, un oracle ayant fait connaître à Jupiter que Métis aurait un enfant plus sage et plus puissant que lui, il avala cette Métis avec son fruit. Néanmoins l’oracle eut raison : cette absorption gonfla le cerveau du Dieu suprême, qui fut obligé de le faire ouvrir et d’en laisser sortir, comme nous l’avons vu, la sage Minerve armée de pied en cap. Du reste, on attribuait encore à Métis quelques autres enfans, mais tous allégoriques.
La troisième femme de Jupiter appelée Eurynome est une océanide dont l’histoire est fort obscure. De vieilles légendes la faisaient épouse d’Ophion, souverain du monde avant Chrône et les Titans, par conséquent principe antédiluvien de la race géante, à formes de serpent, et détrôné par le principe organisateur, Jupiter. Cette Eurynome avait eu de ce dernier les trois Graces ou Charitès des Grecs, appelées : Aglaé ou Eglé, Euphrosyne et Thalie Elles portèrent aussi chez les Athéniens les noms de Pasithée pour la plus jeune, d’Hégémone et d’Auxo, puis de Cléta et de Phaenna chez les Lacédémoniens. Quelquefois on les réunit en une seule portant le nom de Charis, et d’autres fois on y adjoint Pitho ou la persuasion ; mais nous les retrouverons plus tard en parlant de Vénus qu’elles accompagnent partout. On attribue encore à Eurynome la bonne action d’avoir avec sa mère Téthys recueilli {p. 135}Bacchus fugitif. La statue d’Eurynome avait la forme d’un poisson jusqu’à la ceinture, mais cette divinité n’était l’objet d’aucun culte sérieux.
Mnémosyne, qui remplit aussi auprès de Jupiter les fonctions d’épouse, passe généralement pour une des filles du Ciel et de la Terre, comme nous l’avons indiqué, en parlant des Titans. Cependant quelques historiens la disent fille de Saturne et de Rhée. Jupiter la séduisit en prenant la forme d’un berger. Elle se rendit célèbre dans la mythologie grecque et romaine en mettant au jour les Muses, compagnes d’Apollon, avec lesquelles nous avons fait connaissance. Mnémosyne, nom grec, signifie mémoire. C'est la personnification, sous la forme de femme, de ce don précieux. Ce fut elle qui imposa des noms à tous les objets de la nature, et apprit aux hommes à raisonner. On la représentait plongée dans la méditation et un bras enveloppé dans un ample manteau.
Cérès. Maintenant parlons d’une autre déesse qui passa pour avoir vécu conjugalement avec Jupiter, de Cérès ou la Démeter, ou Damater des Grecs. Elle portait différens noms, suivant les pays où elle avait été importée. Ainsi on l’appelait Cérès Achœa, ou Achtheia, ou la gémissante à cause des plaintes qu’elle fit entendre lors de l’enlèvement de sa fille, Actœa et Actéenne à Athènes, Africana ou d’Afrique, Aletis et Alitaria, ou qui garantit des disettes, Alma ou la nourricière, Aloas, et Aloïs et Aloea, ou la batteuse de grains, Alumne ou la nourricière, Amphictionis ou du temple des Amphictions, Anesidora ou qui comble de dons à Mirchinonte, Auxithales, ou qui augmente la végétation, Biodora ou qui donne la vie, Caberia et Cabiria et Cabirique ou de Samothrace. Son temple était placé dans un bois duquel aucun profane ne pouvait approcher, Calligénie, Carpophore ou portant les fruits. Casquée ou portant un casque en Arcadie, Catanensis ou de Catane. Aucun homme, sous peine de mort, ne pouvait toucher ou regarder sa statue, Chamyne ou de Chaminus dont les biens furent employés par Pantaléon, tyran de Pise, à bâtir un temple à Cérès, Chloé ou la verte, comme déesse de la verdure à Athènes, Chrysaoros ou au glaive d’or, Chlonia ou la souterraine, ou à cause du temple que Chtonie, fille d’Erec hée, lui avait fait élever, Cydaris ou que les Phénéates conservaient sous un dôme ou Cydarie, Corylée ou casquée dans un temple près d’Argos, Cyra ou la maîtresse de la vie, Da, et Dea, et Dio ou la divine, chez les Pélasgues, Damater ou la mère, Damia ou la maîtresse à Egine, à Epidaure et à Trézenne, Despœna ou la souveraine en Arcadie, Eleusinne ou d’Eleusis à Athènes, Elvina en Sicile, Ennea ou d’Enna en Sicile. Elle y avait un temple au nord duquel était une caverne par où, disait-on, Pluton avait enlevé Proserpine, Erinnys ou la furieuse, pour faire allusion à sa colère après l’enlèvement de cette fille chérie, Erysibie ou la protectrice contre la nielle et la rouille des grains, Eububée ou le bon conseil, Euchloos ou la belle verdure, Euryanassa ou la puissante princesse, Florifera ou qui apporte les fleurs, Frugifera ou qui apporte les fruits, Géphyrrée ou à autel sur un pont, Gerys, c’est-à-dire le blé moulu à Achera, Hélégerys ou qui jaunit les épis, Helos ou de la ville de ce nom, dont le temple de Cérès que l’on y voyait était interdit aux hommes, Herbifera ou qui porte l’herbe, Lanigera ou lanagère quand elle était assise sur un bélier, Legifera ou législatrice, Libyssa {p. 136}chez les Argiens, parce qu’ils avaient tiré leurs premières semences de la Libye, Lusia ou la baigneuse, Melaphore et Malophore ou la porteuse de miel ou de troupeaux à Mégare, Mammosa ou la nourrice universelle et aux nombreuses mamelles, Materès ou la mère, Mélœna ou la noire, à cause du deuil qu’elle porta de sa fille en se retirant dans la grotte du mont Elaïus, près de Phigalie, Magalortos ou qui donne de grands pains, Milesia ou de Milet à Egée, Micalesienne ou de Micalesse en Béotie, Myrionyme ou aux dix mille noms, Mysia ou de Mysius qui lui avait construit un temple près de Pallène, Nigra, synonyme de Melœna, Olbodotira ou portant l’opulence, Ompnia ou la bienfaisante, ou aux gâteaux de miel, Orée ou la montagnarde, Panachéenne ou d’Egée en Achaïe, Panda ou donnant du pain, Pambotanos ou la nourricière de toutes les herbes, Patrensis ou de Patræ en Achaïe. Là était une fontaine qui rendait des oracles en montrant ses arrêts en images sur une glace que l’on tenait avec un fils suspendu à la surface de l’eau, Pédophile ou amie des enfans, Pédrotophe ou la nourrisseuse d’enfans, Pelasgis et Pelagique ou du temple que Pélasgus, fils de Triopas, lui avait consacré à Argos, Pharia ou l’égyptienne, aux statues en blocs informes de bois ou de pierre, Phlœa, et Ploutodotira ou la donatrice d’opulence considérée comme l’agriculture, Poteriophoros ou la porteuse de breuvages, Palybée ou nourrissant beaucoup, en Grèce, Prosymne près de Corinthe, Prostasis ou prête à secourir, Pylœa ou des environs des Thermopyles, Pylagore ou la deesse à laquelle, avant de se réunir, les Amphictions sacrifiaient aux portes de la ville, Rharia ou de Rharium en Attique, plaine dans laquelle Triptolème avait, par ordre de Cérès, semé les premiers grains récoltés dans la Grèce. Peut-être ce nom vient-il aussi de Rharos, père de Triptolème, Sito ou des vivres, Sotira ou qui sauve, Spicifera ou porte des épis, Stiritis et Stiritide ou de Stiris en Phocide, localité où sa statue avait en chaque main un flambeau, Tœdifera ou portant des torches de pin allumées à l’Etua, Thermesiu ou qui échauffe les eaux, Thesmia et Thesmophore ou qui porte avec elle la civilisation et les lois, Verdoyante à Athènes, Xiphephoros ou portant le glaive, Zeidora et Zidora ou donnant la vie.
Cérès, cette déesse toute puissante, puisqu’elle était censée disposer des biens de la terre, et que les Grecs supposaient l’intelligence qui apprit aux hommes à cultiver la terre, à semer et récolter les grains, à faire le pain, était, comme on le sait, fille de Saturne et de Rhée ; cependant Ops, Vesta ou Cybèle étant souvent confondues avec Rhée, on les lui donne aussi quelquefois pour mères.
Cérès était donc sœur de Junon et de Vesta, ainsi que de Jupiter, de Neptune et de Pluton, elle eut dans son enfance le sort de ses deux sœurs. On lui attribue pour nourrice Calligénie, dont elle-même prit le nom. L'honneur de sa naissance fut tour-à-tour réclamé par l’Egypte, la Crête, la Grèce et la Sicile. Elle fut, suivant quelques poètes grecs, aimée de Jupiter et de Neptune : le premier épris de sa beauté en eut une fille appelée d’abord Perephata et ensuite Proserpine ; Neptune, jaloux des succès de son frère, fatigua Cérès de ses prières et la rendit mère d’une fille nommée Hira. D'autres disent que voulant éviter ses poursuites elle se métamorphosa en jument, mais que Neptune prenant aussitôt la forme d’un cheval lui fit engendrer le {p. 137}fameux cheval Arion et Despoena, nom générique signifiant maîtresse. Cérès fut si affligée et tellement honteuse de ces aventures tant soit peu scandaleuses, qu’elle se mit en deuil, se métamorphosa en furie, s’esquiva de l’Olympe, et fut se cacher au fond d’une caverne inconnue à tous les Dieux. Elle y resta si long-temps que la terre, frappée de stérilité, par suite de cette absence, menaçait le monde d’une famine générale, mais un jour Pan étant à la chasse dans les bois de l’Arcadie, découvrit cette divine fugitive, aussitôt il en fit part à Jupiter qui lui députa les Parques, pour la décider à reparaître. Alors, quoique avec peine, elle revint et avec elle on vit renaître l’abondance et la fertilité sur la terre. Aussi depuis ce jour, elle fut pour la Grèce la grande déesse, la déesse par excellence des moissons et de l’agriculture. On dit qu’elle avait adopté la Sicile pour séjour, allusion relative à sa fertilité. Ce fut dans cette contrée qu’elle éprouva l’un des plus grands malheurs qui puissent arriver à une mère : elle perdit sa fille chérie, Proserpine, elle lui fut enlevée par Pluton, le dieu des enfers. Cette jeune déesse était alors occupée avec Minerve, Junon, Venus, les Syrènes et toutes les nymphes, ses compagnes, à cueillir des fleurs dans le vallon d’Enna, tout à coup Pluton l’aperçoit, la trouve de son goût, l’enlève dans ses bras et se plongeant dans un gouffre qu’il vient de faire ouvrir en terre sous ses pas d’un coup de son trident, il l’emporte au sein de son noir séjour pour en faire sa femme, faute d’avoir pu trouver parmi les déesses de l’Olympe quelque belle qui voulût accepter ses hommages.
Lorsque Cérès eut appris l’enlèvement de sa fille, elle se désespère, et dans sa désolation elle allume deux torches au cratère de l’Etna, s’élance rapidement sur un char traîné par deux dragons ailés, puis va courir tous les pays pour retrouver sa fille bien aimée. En Lycie la soif la surprend, elle veut l’étancher à une fontaine, mais des paysans l’en empêchent et se moquent de ses prières ; impatientée de ce retard, elle imite Latone et les change en grenouilles, boit et continue sa course. Un autre jour, elle se repose dans un désert de l’Attique, depuis appelé Eleusis, où, pour ne pas être reconnue, elle prend les traits d’une vieille femme, puis s’assied sur une pierre qui reçut le nom d’Agelaste ou contraire au rire, près de la fontaine Enneacrusie, connue également sous les noms de Parthénios, Anthion ou Calichoros. A peine venait-elle de s’asseoir, qu’elle voit arriver, pour puiser de l’eau, les quatre filles de Célée, roi d’Eleusis, fils de Pharos, lui-même fils de Cranaüs, nommées Callidice, Clisidice, Demo et Callithoé, d’autres disent trois seulement, appelées Diogénée, Pammérope et Sésara ; surprise de la douleur de cette vieille, elles l’interrogent, lui demandent son nom, elle répond se nommer Dos, avoir été jetée sur la plage par des corsaires crétois et désirs pour gagner son pain trouver des enfans à nourrir ; ils la ramènent au palais de leur père, la présentent à leur mère Métanire ou Méganire ou Néère, qui l’engage à s’asseoir, ce qu’elle refuse. Cette Méganire est donné aussi pour femme à Hippothoon, un des anciens rois de l’Attique, qui avant l’arrivée de Cécrops, gouvernait Eleusis et passait pour fils de Neptune et d’Alope, l’une des Harpyes, que l’on métamorphosa plus tard en une fille de Cercyon. Après ce refus de la part de la grande déesse, Iambé, suivante de Métanire, se présente, et soubrette joviale, vive et adroite, se dépêche d’arranger un siége de feuillage et le présente, en laissant {p. 138}échapper force lazzis, à Cérès affligée, qui finit par sourire et oublie momentanément son chagrin. Ce personnage et même tout ce passage épisodique de l’histoire fabuleuse de Cérès est resté fort obscur.
En effet, les uns adoptant Iambée à laquelle on attribue l’invention des iambes, vers grecs, souples et agiles, font naître cette jeune fille en Thrace, de l’union de Pan et d’Echo, et la placent lors du voyage de Cérès, soubrette chez Méganire, sans dire quel âge alors elle pouvait avoir. Les autres veulent que cette suivante fut Baubo, vieille femme, libre en gestes et en paroles, épouse de Dysaule ou le joueur de flûte. Quelques-uns même n’acceptant pas l’entrée de Cérès dans le palais de Métanire, lui font donner l’hospitalité par cette vieille Baubo, qui pour l’égayer lui conte de joyeux propos, et se met à sauter une danse indécente de l’époque, dans laquelle les grimaces et les postures les plus lascives se trouvaient mêlées ; on dit même que dans la précipitation de ses mouvements, ses robes laissèrent voir au moins jusqu’à ses genoux, et qu’elle fut aidée dans ces grossières et sales folies par Iacchos ou Bacchus, c’est-à-dire par le jus de la treille. Une autre version prétend que Baubo fit ce geste indécent pour se venger de la déesse qui, nourrie par le chagrin, n’avait pas voulu boire une espèce de bière épaisse qu’elle lui offrait, geste dont le résultat fut de porter Cérès à avaler d’un trait l’aliment liquide.
Quelques mythologues changeant les noms des personnages et le fond de l’aventure, soutiennent que l’hôtesse complaisante est Misma ou Hespere, ou étoile du soir, qu’elle présenta la déesse à son fils Ascalabe ou Stellio, qui s’étant mis à rire, en voyant l’avidité de Cérès à manger de la bouillie, fut aussitôt changé en lézard par quelques gouttes d’eau quelle lui jeta au visage. Tous ces personnages ne sont probablement qu’un seul être symbolique, dont le sens est encore caché, soit que l’on veuille les isoler ou ne confondre ensemble que la vive Iambée et la vieille Baubo, soit qu’on adopte la version, présentant cette vieille habitant Eleusis avec les quatre bergers Dysaule, Triptolème, Eumolpe et Eubule : cependant la métamorphose d’Ascalabe en lézard semble indiquer que la déesse, un peu moins désolée vers le coucher du soleil, saisit cet instant pour prendre quelques alimens.
Après cette scène, Métanire ou Hyone selon d’autres, mère de Triptolème et de Deiphon, confie à Cérès ou l’un de ces deux enfans encore au berceau ou en troisième que l’on indique sous le nom de Démophon. La déesse voulant laisser une marque de sa reconnaissance à Métanire se décide à conférer l’immortalité à son nourrisson : elle lui prodigue en conséquence les soins les plus minutieux, le jour elle le frotte d’ambrosie et l’échauffe dans son sein, la nuit, à l’insu de tout le monde, elle l’épure par le feu ; malheureusement Métanire, suspectant les pratiques mystérieuses et nocturnes de la fausse vieille, la guette et la surprend tenant son fils au milieu des flammes. Le danger où elle le voit lui arrache un cri, et sa perte certaine à ses yeux lui fait exhaler des plaintes de désespoir. Aussitôt Cérès en courroux reprend sa nature et sa splendeur divine et lui reproche d’avoir, par sa méfiance, enlevé à son fils l’immortalité qu’il était si près d’obtenir, d’autres disent la mort qu’elle lui a causée, la déesse n’ayant pu ensuite l’empêcher d’avoir été consumé par les flammes. Afin de réparer pieusement ce malheur, Cérès lui commande de {p. 139}célébrer en son honneur d’illustres mystères, hors des yeux du vulgaire, au fond du sanctuaire d’un temple où devra se trouver l’autel des sacrifices. Le lendemain de la réception de ces ordres divins, Célée assemble le peuple lui fait part des évènemens de la nuit, et des injonctions de la déesse : tout le monde aussitôt se prosterne, et se met en devoir de hâter l’édification du temple qui, par la suite, doit attirer fortune et richesse dans le pays.
L'on fait encore séjourner Cérès chez divers hôtes tels que chez Damichalès, chez Athéras et Myscius lors de son arrivée dans l’Argolide, et chez Phytale dans l’Attique où elle lui apprit à planter le figuier. Mais ce fut pendant son repos à Eleusis qu’elle montra l’agriculture à Triptolème dont on fit un dieu dans l’Attique où il semble, d’après les traditions, avoir été le premier à enseigner l’agriculture. On a vu déjà que les mythologues ne sont pas d’accord sur celui des enfans confiés par Métanire, comme nourrisson à Cérès. Si l’on suppose que ce fut Triptolème, on dit qu’elle le guérit d’abord d’une insomnie en lui donnant un simple baiser, et que, n’ayant pu lui conférer l’immortalité par suite de la malheureuse méfiance de Métanire, et même, ajoute-t-on, de son mari, elle voulut l’initier au moins aux secrets de l’agriculture : en conséquence, elle lui fit présent de la charrue, des semailles et de la herse.
Cependant on assure que Minerve donna la première charrue qui parut sur la terre à Myrmex, sa jeune favorite, laquelle, ayant ajouté le versoir à cet instrument, s’attribua l’invention du tout, et força Minerve à la punir et à la changer en une fourmi, insectes que Jupiter, à la prière d’Eaque, métamorphosa plus tard en hommes connus sous le nom de Myrmidons. Philomèle ou le laborieux, frère de Plutus, s’attribua aussi l’invention de la charrue. Triptolème, père de Dolique, une fois instruit dans l’agriculture, se mit à voyager seul ou avec Cérès : il parcourut l’une des contrées appelées Scythie. Arrivé dans la capitale de cet état, son roi, nommé Lyncus, jaloux des connaissances de Triptolème, voulut le tuer ; mais aussitôt Cérès sauva son protégé en métamorphosant en lynx son ennemi. Après avoir heureusement évite ce danger, Triptolème fut dans le pays des Gètes en Mésie, où le roi Carnobuta lui fit le meilleur accueil afin de l’engager à montrer l’agriculture à ses peuples. En voyant les travaux de Triptolème, il en apprécia de plus en plus la valeur, ne voulut plus lui laisser porter ailleurs ses secrets, et pour l’en empêcher d’une manière positive, résolut de le faire mourir. D'abord il tua l’un des dragons qui tiraient son char, mais immédiatement après Cérès envoya un autre dragon et arrêta Carnobuta dans ses actes de jalousie en le faisant se donner la mort, au milieu d’un accès de demence. Cependant les Dieux en eurent ensuite une espèce de pitié, car ils transportèrent son corps aux cieux pour y devenir la constellation du serpentaire, connue sous les noms de serpent, dragon ou anguille ; plus tard il fut même regardé comme le type original de cette constellation que l’on a souvent personnifiée en y plaçant tour-à-tour Cadmus, Esculape, Ixion, Jason, l’Hercule d’Athénagor, Phorbas, Prométhée, Sérapis, Tantale, Thésée, Triopas, Triptolème lui-même et Tybrès.
Sauvé encore de cette dangereuse embûche, Triptolème revint dans l’Attique et y popularisa l’agriculture ; la première céréale qu’ sema, dit-on, aux {p. 140}environs d’Athènes, dans le clos de Rharion, fut de l’orge. On assurait qu’il avait trois compagnons pour le seconder dans ses innovations industrielles et religieuses, peut-être était-ce Hémogyre, lequel passe pour avoir attelé le premier des bœufs à la charrue et avoir un jour été frappé de la foudre en traçant un sillon ; Mylès, l’inventeur des meules de moulins, fils de Lélex, roi des Lélégues, probablement la plus ancienne de toutes les nations qui habitèrent le sol grec ; Mégalarte et Mégalomaze, inventeurs de la planification dans la Béotie, adorés à Scolion et en l’honneur lesquels furent institués à Délos les Mégalorties, fêtes célèbres par leurs processions où l’on portait des pains.
Quelques légendes ne donnent pas à l’habileté de Triptolème une origine aussi divine, ils la font simplement remonter à Eumèle, roi de Patres, lequel lui apprit à cultiver la terre et à construire des maisons et même des villes. Cet Eumèle avait, ajoute-t-on, un fils appelé Anthée, qui devint jaloux de Triptolème. Un jour, il voulut profiter de son sommeil et courut le pays semant du blé ; mais il se laissa tomber du haut de son char attelé de dragons et se tua : l’amour paternel et l’amitié de Triptolème élevèrent en son honneur la ville d’Anthée.
Après ce repos à Eleusis, Cérès revint en Sicile où elle resta une ou deux années, puis enfin elle trouva un premier indice de l’objet de ses recherches, c’était le voile de sa fille resté sur les bords de la fontaine Cyané qui, de nymphe, avait été métamorphosée ainsi pour avoir voulu s’opposer à l’enlèvement de Proserpine ; alors Cérès court près d’Aréthuse ou d’un berger de Paros, appelé Cabarne, bientôt elle apprend que le ravisseur de sa fille est Pluton, et qu’elle ne pourra la retrouver qu’au fond des enfers. A ces mots, elle s’élance vers les cieux, vole à l’Olympe, porte sa plainte au conseil suprême, et en accusant son frère redemande sa fille au maître des Dieux ; celui-ci pesant le procès avec toute la sagesse qui doit le diriger dans une aussi importante affaire, écoute à son tour Pluton, feignant d’obtempérer aux réclamations de sa sœur, et décide qu’il consent à cette demande de Cérès, à condition pourtant que Proserpine n’aura rien mangé pendant son séjour aux enfers, car ainsi le veut le destin. Cérès était déjà rayonnante de joie et son espoir était de bientôt presser contre son cœur cette fille chérie qu’elle n’avait pas vue déjà depuis long-temps. Malheureusement arrive Ascalaphe, fils ou amant d’Orphné ou né des ténèbres et de l’Achéron lui-même ou fils de Gorgyre, l’une des Gorgones assimilée à la nuit ou à l’ombre ou bien fils enfin, de la nymphe-fleuve Styx, généalogie aussi obscure que les éléments d’où l’on veut la tirer ; quoi qu’il en soit, Ascalaphe par conséquent était habitant de l’empire de Pluton, il n’avait point quitté la jeune déesse depuis son arrivée, aussi dès qu’il est appelé à la barre céleste, il s’y rend et dépose qu’il a vu Proserpine rompre son jeune en suçant un pepin de grenade. Plus strict sur l’exécution de l’abstinence que tous les casuistes les plus sévères de notre époque, Jupiter déclare que Proserpine doit rester aux enfers, cependant par une grace toute spéciale, il accorde à sa sœur que sa fille viendra passer alternativement six mois auprès d’elle, puis s’en retournera passer les autres six mois auprès de Pluton, son mari. Cette sentence étant rendre, Cérès irritée change l’indiscret Ascalaphe en hibou, en lui jetant au visage quelques gouttes d’eau ainsi qu’elle l’avait déjà fait à {p. 141}Asclabe, lorsqu’elle le métamorphosa en lézard, mythes qui semblent avoir beaucoup d’analogie et qui pourraient fort bien n’être qu’une variante brodée sur le même individu. Cependant Apollodore se contente de faire écraser le dénonciateur sous une pierre dont il ne put soulever le poids, et de laquelle il ne fut débarassé par Hercule que des siècles plus tard.
[n.p.] [n.p.]Cérès après cet acte d’irascibilité indiquant que la dénonciation comme la raillerie sont des crimes impardonnables à ses yeux, résida tour-à-tour sans aventures remarquables soit à Eleusis ou sur les bords du Céphise en Attique, ou à Phénéos en Arcadie, ou à Nysa en Asie, ou dans l’Hermionide, la Crète, la Sicile, la Chaonie, la Libye, l’Egypte ou enfin dans tous les pays riches en céréales.
Ce fut peut-être pendant ce repos qu’elle eut son intrigue avec Jasion intrigue amoureuse dont le résultat fut la naissance de Plutus, ou la Richesse, et de Coryte ou Corybas, dont la mère pourtant passait pour être Cybèle. Ce Jasion était fils ou de Jupiter et de l’Atlantide Electre ou de Coryte, ou de Minos et de la nymphe Phronie, on le fait même ainsi que Cérès enfant de la Force unie à la Prudence, imbroglio né des mélanges des religions troyenne et crétoise avec celle des Samothraces. Quels que fussent ses parens, Jasion se trouvait avec Cérès aux noces de l’Harmonie et de Cadmus ; son extrême beauté enflamma la déesse des moissons qui lui accorda toutes les faveurs mystérieuses qu’il lui plut de solliciter. Jupiter, irrité et jaloux de l’audace et du bonheur même de ce simple mortel, le foudroya. Cette punition ne l’empêcha pas d’être admis auprès des Dieux et de recevoir des mains de Jupiter même le secret d’ensemencer les terres et de faire venir des moissons ; mais plus effrayés que lui de cet acte du Dieu du tonnerre, Dardanus, frère de Jasion ainsi que Corybas, guidés par Cybèle, s’enfuirent de l’Olympe où ils se trouvaient et se retirèrent en Phrygie pour y fonder le culte de Cérès ou de la grande mère, cependant la légende la plus ordinaire et paraissant la moins fabuleuse dit que Jasion fut tué par Dardanus qui, forcé de s’exiler ensuite, fut bâtir la ville de Troie sur le rivage occidental de l’Asie mineure. L'explication la plus simple de ce mythe présente Jasion comme l’homme de la santé uni à Cérès, ou le travail, et donnant naissance à l’opulence.
Cérès depuis ces évènemens n’offre plus rien de remarquable. C'est toujours la terre, si on la considère dans son ensemble de Cérès, mère, et de Proserpine, sa fille, c’est la terre éclairée, quand elle est Cérès seulement, et la terre interne et obscure lorsqu’elle est sous la forme de sa fille. Cette terre éclairée tout en se couvrant de moissons a besoin d’ouvriers pour la soigner, alors ces travailleurs sont personnifiés par Célée ou Triptolème. Cérès en propageant ainsi l’agriculture, fixe les hommes au sol, crée la famille, enfante les alliances, accumule les richesses, régularise les droits et les devoirs, et devient, par conséquent, la grande législatrice, le chef primordial de la civilisation, d’où il résulte que toute la fable de Cérès est une suite d’allégories relatives à l’agriculture, enchaînées ensemble avec plus ou moins d’habileté. S'unit-elle avec Jupiter, on voit que sans le maître du monde la terre ne peut rien ; est-ce avec Neptune qu’elle fait momentanément alliance, c’est pour nous dire que la terre a besoin du concours de l’eau pour engendrer ; la fille de Cérès est-elle enlevée, les moissons disparaissent ; {p. 142}revient-elle auprès de sa mère au bout de six mois, alors paraît une nouvelle récolte. Ce mythe, quoique fort obscur dans ses détails, est donc un des moins difficiles à comprendre dans son ensemble.
La Cérès la plus en faveur auprès des peuples était celle d’Eleusis, car c’était dans cette ville qu’elle avait fait le plus long séjour, et c’était là aussi que son culte avait pris naissance. Célée, nous l’avons dit, bâtit un temple à Eleusis d’après les ordres de la grande déesse, puis Dysaule, qui passe pour son père, institua avec lui les mystères qu’on célebra par la suite, dans ce temple où plusieurs pontifes furent admis dans le principe, à diriger ces mystères. On a conservé quelques-uns de leurs noms : tels sont ceux de Dioclès, l’un des quatre premiers élus, Eumolpe, Dolique et Plemnée, fils de Sicyon. Eumolpe est le plus célèbre d’entre les quatre, on le regarde généralement comme ayant institué ces cérémonies appelées ensuite Eleusinies, seulement on peut croire qu’il agissait peut-être sous les ordres de Dysaule et de Célée.
On connaît cinq personnages de ce nom d’Eumolpe, l’un de l’Attique, contemporain, successeur des secrets agriculturaux de Triptolème, l’autre encore de l’Attique, fils de Deïobe ou petit-fils de Triptolème, le troisième de Thrace, fils de Posidon ou Neptune et de Chioné, un quatrième d’Égypte, et un cinquième, fils de Musée. Tous doivent-ils se confondre ensemble ? c’est possible ; quoi qu’il en soit, l’on croit généralement que l’Eumolpe de Thrace ne vint qu’accidentellement à Eleusis, et qu’il fut tour-à-tour conspirateur, exilé, héritier présomptif, roi, guerrier, vainqueur et tué dans les combats ; voilà les traits les plus saillans de sa vie, tracés par M. Parisot : « Les rapports de la Cérès d’Eleusis, dit-il, avec le culte de Samothrace et avec celui de l’Isis égyptienne donnèrent lieu à des récits selon lesquels Eumolpe serait venu ou d’Egypte ou de Thrace. Bientôt on fondit toutes les traditions ensemble. D'abord la généalogie etablit un rapport entre les Erech heides d’Athènes et ceux de la Thrace ; voici comment : Orithye, une des filles d’Erechihée, avait été enlevée par Borée, le dieu de la Thrace. De cette union résulta Chioné ou la neige personnifiée, la blancheur de cette princesse inspira de l’amour à Posidon ou Neptune ; Chioné devint enceinte et bientôt donna le jour au jeune Eumolpe. Confuse de cette aventure elle envoya le fruit de sa faute à son père, le dieu des eaux, avec lequel elle l’avait commise, c’est-à-dire, qu’elle le jeta dans la mer. Neptune était aux aguets : il reçut l’enfant, le porta en Ethiopie, le confia aux soins de la nymphe Beuthésicyme, qu’il avait eue d’Amphitrite.
Arrivé à l’âge d’homme, Eumolpe s’unit à une fille de Beuthésicyme et en eut
Immarade
ou
Immare.
Mais comme en même temps il fatiguait de l’expression de ses amours les autres filles de Beuthesicyme, l’époux de cette dernière chassa de son palais ce gendre incestueux. Eumolpe se réfugia en Thrace auprès du roi
Tégyre.
La concorde fut bientôt troublée entre l’arrivant et le prince de la Thrace.
Tégyre
pensa qu’Eumolpe en voulait à sa vie et le contraignit à s’eloigner. C'est alors qu’Eumolpe pour la première fois parut dans l’Attique à Éleusis ; à peine y fut-il arrivé que Tegyre le fit prier de revenir, et le nomma l’héritier présomptif de sa couronne ; effectivement quelque temps après la mort du roi Thrace, Eumolpe fut investi de l’autorité. Il jouissait tranquillement du suprême pouvoir, lorsqu’une guerre
{p. 143}
terrible éclata entre Athènes et les Eleusiniens. Pressés par les forces supérieures d’Érechthée, le deuxième du nom probablement, ceux-ci appelèrent les Thraces à leur secours ; Eumolpe accourut à la tête d’une armée nombreuse, battit les troupes d’Athènes et réduisit Erechthée à une telle extrémité que ce successeur de
Cécrops
se crut obligé de sacrifier sa fille aînée sur les autels d’
Athânâ
ou
Minerve.
Aussitôt la scène change : le sang qui coule d’un cœur pur, le sang d’une vierge rachète tout un peuple. Ce dogme de la religion d’Athânâ se dessine ici pour la première fois dans toute sa puissance. Les Eleusiniens en livrant bataille le lendemain n’agissent plus qu’avec mollesse, avec découragement, ils ont entre eux une déesse retrempée par ce sang vermeil et pur qu’elle a goûté, et leur Dieu ou Déesse à eux ne les seconde plus avec une égale efficacité. Ils sont vaincus : Immarade le fils de leur auxillaire Thrace succombe dans la mêlée ; quelques traditions même y font périr Eumolpe. Mais en général on s’accorde à le montrer survivant à cette funeste rencontre, et consentant à une paix dont les bases, contraires à ses prétentions ambitieuses et aux exigences d’Eleusis, sont, selon la légende, qu’Athènes aura la suprématie politique sur Eleusis, ou suivant les véritables historiens, que la puissance spirituelle désormais sera distincte de la puissance temporelle et lui sera soumise. Dès-lors cette guerre, après avoir été une lutte de deux cultes rivaux, celui d’Athânâ ou Minerve et de Posidon ou Neptune, devient une guerre politique, et Erechthée, concentrant dans ses mains tout le pouvoir, force Eumolpe à ne plus être autre chose que le grand prêtre de Cérès. »
Le culte créé par Eumolpe, dont l’importation en Grèce est encore attribuée à Orphée et surtout à Erechthée qui l’aurait emprunté aux Égyptiens, était mêlé des cérémonies les plus mystérieuses : les initiés même ne pouvaient jamais n’en voir qu’une partie ; on fut donc fort long-temps à découvrir quelle était la durée, la spécialité et l’ordre de ces cérémonies, tant elles étaient couvertes d’un pieux et mystérieux silence, quoiqu’elles fussent célébrées tous les cinq ans par les Athéniens dans la ville d’Eleusis même, tous les quatre ans par les Céléens et les Phliasiens, et tous les ans par les Lacédémoniens, les Parrhasiens, les Phénéens et les Crétois ; cependant Meursius finit par réunir plusieurs documens épars, et il arriva à savoir que les fêtes de Cérès, appelées Eleusinies, dans lesquelles cette déesse était honorée sous le nom d’Echtheia ou l’affligée, étaient composées à peu près comme on va le voir.
Elles duraient neuf jours et se terminaient le dixième par des jeux gymniques, qui n’avaient de religieux que le nom de la déesse sous la protection de laquelle ils se donnaient. On sait que suivant les contrées ils étaient célébrés ou chaque année ou de quatre en quatre, ou de cinq en cinq ans ; cependant on assure que la portion de ces fêtes, connue sous le nom de petits mystères, ne se renouvelait que tous les deux ans et que les grands mystères seuls pouvaient être quinquennaux. Julien fixait l’époque des petits mystères à l’instant où le soleil entre dans le signe du belier, et les grands au moment où cet astre se trouve près du signe de la balance, c’est-à-dire, les uns et les autres vers le temps de l’équinoxe, ce qui n’est pas d’une vérité tout-à-fait absolue, car les petites Eleusinies ne coïncidaient pas entièrement avec le mois Elaphébolion ou février et mars, mais avec le précédent ou Anthestérion, ou {p. 144}l’espace de la fin de janvier et de février ; puis les grandes Eleusinies commençaient le 15 de Boédromion, ou espace octoédrique qui tombait successivement au 3 septembre, 22, 11, 30 et 19 août, 6 septembre et 26 et 15 août.
On dit que les petits mystères ou initiations des Eleusinies avaient Hercule pour cause indirecte. En effet, ayant traversé le territoire d’Eleusis pendant les fêtes, il demanda l’initiation ; mais comme sa qualité d’étranger était un obstacle, Eumolpe ne voulant pas le désobliger par un refus imagina de nouvelles cérémonies qu’il appela petits mystères et y admit le héros qui crut alors assister aux grands.
Ces petits mystères se célébraient près d’Agrée sur les bords de l’Ilyssus dont le temple à présent est remplacé par l’église de Panagia près d’Athènes. Au jour prescrit on commençait par se laver dans les eaux de cette rivière ; ensuite on mettait le Dios Kôdion ou toison de Jupiter, qui se composait des peaux saignantes des victimes que l’on venait d’immoler à Jupiter-Mîlichios ou Ctesios ; on jeûnait, on jurait de garder le silence sur ce que l’on allait voir ou apprendre, on prononçait des paroles symboliques telles que celles-ci : j’ai bu du cycéôn ou breuvage de Cérès ; j’ai pris de la ciste ; après avoir travaillé, j’ai mis dans le calathe ; ensuite du calathe dans la ciste. Lorsqu’on leur lisait les mystères sacrés, le grand prêtre leur adressait diverses questions, on les faisait souvent et rapidement passer alternativement de la lumière dans les ténèbres, et vice versâ ; on faisait trembler la terre sous leurs pieds ; on cherchait a les effrayer par la vue de spectres et de fantômes. Les adeptes étant une fois arrivés à un certain degré de connaissances on les élevait sur un trône et on les déclarait Mystes ou novices, et quoique ce terme s’applique abusivement à tous les degrés de l’initiation, il était spécialement réservé pour le premier degré, puis, un an après, ils immolaient un porc à Cérès et étaient admis à la révélation des grands mystères, et alors ces initiés prenaient le nom d’Epopte ou d’Ephore, c’est-à-dire, contemplateur. Ces grands mystères ou grandes Eleusinies étaient des fêtes qui duraient neuf jours. On appelait le premier Agyrme ou de rassemblement. C'était un appel aux initiés des petits mystères ou simples Mystes qui voulaient devenir Télètes ou parfaits. Le second jour se nommait Haladé mystœ, voulant dire : à la mer les initiés ; alors ces adeptes, rangés sur deux lignes, traversaient deux rites ou canaux d’eau salée séparant le territoire d’Athènes du sol sacré d’Eleusis. Ces rites possédant une vertu lustrale, les mystes s’y purifiaient par de larges ablutions. Le troisième jour on sacrifiait un mulet, l’on offrait à la déesse des gâteaux de millet et d’orge cueillis dans un champ d’Eleusis appelé Rharion, puis on rompait le jeûne en mangeant quelques sucreries et patisseries, mais en évitant surtout de goûter à des grenades, car cette journée était entièrement consacrée à rendre ce qui s’était passé lors de l’enlèvement de Proserpine ; tellement que les femmes et les hommes, pour mieux s’identifier avec les malheurs de la fille de la di inité qu’ils adoraient, profitaient des mystères de la nuit pour se livrer ensemble aux abus qu’elle permettait. Les pratiques du quatrième jour ou Thya sont restées inconnues. On a supposé qu’il était réservé à un sacrifice pendant lequel les initiés faisaient une procession solennelle portant sur un char la corbeille sacrée de la déesse. Ils étaient suivis par une troupe de femmes appelées {p. 145}Cistophores à cause des corbeilles remplies de gâteaux, de maïs, de laine et même de serpens et de grenades dont elles étaient chargées. Le peuple suivait cette procession en criant : salut, ô Cérès ! puis tout le monde se mettait à danser au milieu d’une prairie émaillée de fleurs autour du puits de Callichore. Le cinquième jour était celui des flambeaux ou Lampadephorie : pour exécuter les cérémonies de ce jour les initiés, sous la présidence du Dadouque, couraient dans les rues deux à deux, une torche à la main, et faisaient processionnellement, dans le plus grand silence, le tour de l’enceinte extérieure du temple ; puis, quand on y rentrait, les torches étaient passées de main en main au dadouque qui les secouait pour que l’ardeur de leur flamme purifiante pût s’étendre sur tous les assistans ; mais on ignore ce qu’elles devenaient ensuite. Ces courses étaient pour imiter celles de la déesse quand elle chercha sa fille. Le sixième jour ou Iacchos était le plus célèbre : il était réservé à prendre en grande pompe le jeune Iacchus ou Bacchus, passant alors comme compagnon et fils de Cérès et de Jupiter et non de Sémélée, à le couronner de myrte, à lui mettre un flambeau à la main et à le porter en procession depuis le Céramique jusqu’à Eleusis. D'autres personnes portaient à la suite de la statue sacrée le licne, le calathe, une branche de laurier, une espèce de roue, un phalle et plusieurs autres objets tous emblématiques. Pendant cette procession, on répétait souvent à haute voix le nom vénéré « Iacchos », et l’on chantait en dansant des hymnes pour le prier de servir d’intercesseur auprès de Cérès. Cette marche ressemblait beaucoup à une bacchanale ; on la commençait en quittant Athènes par la porte dite Hierâ pylè ou porte sacrée, puis on suivait la Hierâ hodos ou voie sacrée, et après avoir fait huit lieues, on arrivait le lendemain à Eleusis. On est tenté de croire que c’était pendant cette nuit processionnelle, ou du moins dans une station qui devait avoir lieu pendant cette nuit, que l’on élevait les initiés au degré d’Epoptes ; mais le mystère qui régnait dans cette initiation a toujours empêché de bien la connaître, seulement on est certain que les profanes en étaient exclus dès son ouverture par l’Hiérocerix ou chef des hérauts sacrés, que les initiés étaient ensuite interrogés, purifiés de nouveau, et couverts d’une peau de faon ou Nébride, négligemment jetée en bandoulière, que l’on remplaçait par un habillement de laine blanche en couronnant leur tête de bandelettes et de myrte. Alors les prêtres les saluaient du nom d’Eudémon, d’Olbios ou d’heureux, de fortuné ; ensuite les portes du sanctuaire du temple étaient ouvertes et les époptes, qui jusque là étaient restés sous le vestibule, faisaient leur entrée dans la nef au milieu d’un passage alternatif de lumière et d’obscurité, étourdis par un bruit effroyable, les yeux frappés de la vue de fantômes hideux ; puis enfin les portes du sanctum sanctorum s’ouvraient à deux battans, et alors ils voyaient une statue belle et parée des habits les plus resplendissans. Cette cérémonie, appelée Phôtagogie ou déduction lumineuse, ressemblait beaucoup à nos initiations de franc-maçonnerie ; elle avait cela de particulier qu’à l’instant de cette révélation sacrée de la présence des Dieux, le grand prêtre élevait solennellement le phalle et non le mylle ou ctis, comme l’a prétendu Meursius. Cette exaltation qu’on retrouve dans la célébration des fêtes de beaucoup de dieux et de déesses, indique combien les anciens vénéraient le passage continu de l’existence des pères aux enfans. Dès le {p. 146}commencement du septième jour on célébrait le Géphyrisme ou le retour : dans cette cérémonie, on s’arrêtait avant d’arriver à Eleusis sous un figuier, pour imiter Cérès, et l’on suppose que venait ensuite un échange rapide de saillies caustiques et obscènes entre les adorateurs privilégiés de Cérès et les fantassins bénévoles de la procession cérérique. Après cette farce bouffonne, l’épopte, toujours vainqueur dans cette lutte bizarre, était couronné de bandelettes et recevait une mesure d’orge, regardée comme le premier grain qui avait été semé à Eleusis. Le lendemain, huitième jour ou Epidaurie, servait à initier ceux qui n’avaient pu être élevés aux degrés mystérieux entre l’Iacchos et le Gephyrisme ; puis, en mémoire d’Esculape qui se fit initier aussitôt son arrivée sur le sol sacré d’Eleusis, mais seulement le lendemain du retour de la procession, alors on consacrait cette journée entière au dieu de la médecine. C'était donc l’instant de l’initiation des candidats tardifs. Le neuvième jour enfin, ou Plémochoé, c’est-à-dire le vaisseau de terre, nom qui lui venait de celui d’un vase à fond plat et à une anse, destiné à des aspersions sacrées, d’abord les prêtres remplissaient de vin deux de ces vases, puis les renversaient, l’un du côté du levant, l’autre vers le couchant. Ce renversement, qui se terminait toujours par le brisement des vases, se faisait lentement, en contemplant successivement le ciel et la terre et en prononçant un mot mystique mal expliqué jusqu’à présent. Cependant cette cérémonie des Plémochoés avait un aspect lugubre, et semblait l’expression symbolique de la vie qui coule sans cesse et se perd dans l’océan de l’éternité. Toute l’initiation terminée, l’Hierophante ou prêtre principal, ou le révélateur des choses sacrées, congédiait l’assemblée par ces mots : Konx Ompax dont le vrai sens est encore inconnu.
Malgré l’obscurité qui règne sur le sens caché des Eleusinies, quelques savans ont cru pouvoir y reconnaître l’enseignement d’un seul dieu gouverneur du monde, d’une autre vie, ainsi que des peines et des récompenses après la mort.
Plusieurs prêtres figuraient spécialement dans cette cérémonie, savoir : l’Hiérophante ou grand prêtre représentant le créateur de toutes choses, le Dadouque ou second prêtre, ou porte torche, symbole du soleil, l’Hierokeria ou troisième prêtre, emblème de Mercure, l’Epibome ou le quatrième prêtre chargé spécialement de l’autel, et figurant la lune ; puis venait en sous-ordre l’Archonte roi, chargé des prières et de l’ordre, quatre Épimelètes ou administrateurs, et dix Hieropoloi ou sacrificateurs.
Tout Ahénien libre, par suite d’un usage aussi fort que la loi écrite, devait se faire initier avant sa mort, et, s’il tardait trop à remplir ce devoir sacré, il était regardé comme irréligieux ou athée ; quant aux Mithiques ou habitans de la deuxième classe des villes grecques, ils se faisaient sans doute également initier pour se rapprocher des citoyens. On était très-difficile sur le choix des candidats aux mystères ; aussi l’on ne pouvait y admettre ni les impies, ni les condamnés, et encore moins les nothes ou illégitimes, les esclaves, les femmes publiques qui ne pouvaient en outre s’approcher du temple de Cérès ; il en était de même des barbares ou étrangers, suivant une loi d’Eumolpe que l’on ne violait probablement que par de hautes considérations particulières : ainsi, Hercule, Castor et Pollux furent obligés de se faire recevoir citoyens d’Athènes pour pouvoir assister aux mystères. Les Mèdes et {p. 147}les Partes ne pouvaient, sous aucun prétexte, faire oublier leur naissance, et le scythe Anacharsis fit seul exception. Plus tard cette réprobation du temple de Cérès s’étendit jusqu’aux Epicuriens et aux Chrétiens, et l’on raconte que deux Arcananiens furent punis de mort pour avoir pénétré jusque dans ce sanctuaire redoutable.
Les Eumolpides, les Céryces et les autres ministres d’Eleusis formaient un tribunal spécial ou sénat sacré, devant lequel les lois écrites permettaient de traduire tous ceux inculpés d’impiété ou de révélation des mystères ; il jugeait en première instance, puis les membres de ce tribunal se portaient accusateurs devant le Sénat, le peuple et les héliastes qui jugeaient en dernier ressort dans les affaires capitales. Eschyle risqua d’être condamné à mort, et Aristote fut obligé de se sauver de l’Attique, ayant tous les deux été accusés de révélation ; mais les petites fautes contre la déesse Eleusinine étaient beaucoup plus productives pour les ministres du temple que les sacriléges, car le lendemain de la Plémochoé l’on condamnait à des amendes diverses peccadilles commises pendant les cérémonies, soit qu’on se fût assis sur un puits, comme l’avait fait la déesse, soit que l’on eût mangé des fèves ou du millet, plantes qui lui étaient consacrées, soit que l’on eût arrêté ou cité un coupable en jugement pendant toute la durée des Eleusinies, soit que l’on y eût porté de trop riches costumes ; mais la faute taxée à l’amende la plus haute, à mille drachmes, était celle que commettaient les dames grecques quand elles n’allaient pas à pied à ces fêtes et qu’elles osaient y paraître en char.
On célébrait encore plusieurs différentes fêtes de Cérès : la plus après les Eleusimes, était celle des Thesmophories appelée aussi Télitée ou mystères, quoiqu’elle s’en distinguât, parce qu’elle était consacrée à Cérès législatrice et non, comme les Eleusinies, à Cérès ambulante ou cultivatrice, et parce que les femmes de haute naissance pouvaient seules y assister ; car être mis à mort ou privé des yeux, au moins, était la punition des hommes imprudens qui voulaient y prendre part. Elles avaient, dit-on, été fondées, ou par Cérès elle-même, ou par Triptolème ou par Orphée, ou plus probablement par les Danaïdes ; car ces fêtes semblaient devoir leur origine à l’Egypte où l’on adorait aussi une Isis-Thesmophore ou législatrice des initiés et des prêtres. Les Thesmophories se célébraient dans un lieu appelé Thesmophorien, sur le territoire d’Athènes, la nuit, dans le mois de Pyanepsion ou d’octobre à novembre, et duraient cinq jours. Les célébrantes faisaient d’abord les préparations par une continence de neuf jours, par des purifications et par des mortifications, en se couchant sur un lit d’agnus castus ou de camélée, de cnéore ou de sarriette et de cnyse ou conyse, ou d’herbe aux puces. Venaient ensuite les jours des processions. Ceux de ces jours appelés Diogme et Apodiogme sont restés mal fixés, et les cérémonies des deux premiers jours ne sont pas fort bien spécialisées ; mais la Nestis ou jeûne occupait le troisième : alors toute affaire politique cessait ; ainsi point de sénat, point de tribunaux, point d’assemblées ; alors on mettait en liberté les détenus pour fautes légères, et en Sicile des femmes précédaient la marche de la procession et couraient avec des flambeaux allumés et en criant à pleine voix pour imiter Cérès cherchant sa fille ; d’autres femmes suivaient en poussant également {p. 148}des hurlements affreux, la tête découverte et les pieds nus, jusqu’au prytanée. Dans ces processions, le calathe ou espèce de panier qui sert de coiffure à Proserpine, était traîné par quatre chevaux blancs et entouré de vierges chargées de riches étoffes d’or. Pendant cette marche, diverses hymnes étaient chantées, et cela durait encore probablement le quatrième jour ; mais le cinquième on faisait un sacrifice expiatoire appelé la Zémie ; puis les femmes faisaient la translation des lois en les portant sur leurs têtes à Eleusis. Ensuite on faisait l’autopsie ou vision des Dieux par soi-même, et l’exaltation du mylle ou ctys ; on dansait le cnisme ou l’oclasme, on faisait l’absorption des gâteaux de sésame, et, pour terminer, l’on jouait à éteindre et rallumer les torches.
En Béotie et dans l’île de Délos, on célébrait aussi, au mois de Damatrion ou juillet, des espèces de Tesmophories lugubres appelées Mégalasties, en l’honneur de Cérès Cabirique, dans lesquelles, au milieu du plus effrayant fracas, les initiés etaient rudement secoués. L'on a même lieu de supposer que la décence n’y était pas scrupuleusement observée.
L'Eubée avait également ses Thesmophories, pendant lesquelles on faisait cuire au soleil les viandes sacrifiées.
On sait encore que les Hermioniens, par suite d’un traité d’alliance avec les Asinéens, offraient à Cérès Chtonia des sacrifices annuels appelés Chthonies, pendant lesquels les prêtres, les magistrats, ainsi qu’une foule de personnes de tout sexe et de tout âge, marchaient en ayant sur la tête des couronnes de comosandale ou espèce d’hyacinthe. Cette procession était suivie d’une génisse n’ayant pas encore porté le joug, que quatre Géréres ou vieilles femmes ou matrones immolaient à Cérès.
Argos adorait Cérès d’une manière particulière. Les Argiens la supposaient être venue d’Égypte, après avoir été reçue dans le Péloponèse par Pélasgus leur roi, ou du moins avoir été introduite par Danaüs dans ce pays, avant que cette déesse eût pénétré dans l’Attique. C'était pour célébrer cette arrivée que l’on avait institué la fête Lernéenne, dans les Landes de Lerne à quarante stades ou deux lieues environ d’Argos. Pendant cette fête on jetait des torches ardentes au fond d’une fosse, et Cérès, appelée dans cette contrée Prosymna, recevait les adorations au milieu d’un bosquet de platane que l’on nommait plataniste ou platanôme. L'institution de ces mystères et de cette fête fut, peut-être à tort, attribuée à Philammon, car leur origine aurait précédé l’invasion des Héraclides dans le Pélononèse ; et pourtant leur description était en dialecte dorique, que l’on n’y connut qu’après l’arrivée de ces descendans d’Hercule.
Plus tard les Lacédémoniens importèrent d’Eleusis sur le mont Taygète en Laconie, et non pas à Sparte, le culte de Cérès Eleusine à quelques différences près.
En Arcadie, à Petrona, les mystères nocturnes de Cérès appelés aussi Phenéatiques ou de Phénéos, étaient célébrés par une distribution de coups de bâton que l’hiérophante faisait aux gens du pays, après leur avoir montré la figure de Cérès Cidaria ou à la besace. Enfin, à Thelpus, dans le même pays, afin de mieux imiter l’union de Neptune métamorphosé en cheval avec Cérès, une jeune prêtresse et le plus jeune des prêtres, déguisé par une tête de cheval, étaient renfermés ensemble et accomplissaient à huit-clos les mystères sacrés de la nature.
Dans l’Achaïe, à Sicyone et à Mysie, les femmes célébraient les Mysiennes ou fêtes {p. 149}de Cérès, qui duraient trois jours, en chassant, le troisième jour, les hommes et tous les animaux mâles du temple, et en s’y renfermant avec les chiennes seulement, puis quelque temps après elles leur ouvraient les portes en se moquant et en riant de leur sortie, le tout mêlé de propos et de gestes souvent fort obscènes. Enfin dans toute la Grèce, Cérès était adorée, et toujours dans ses fêtes elle était accompagnée de Proserpine, sa fille, et souvent de Bacchus, considéré alors comme son fils et ses véritables doublures.
Les Siciliens, qui les premiers offrirent des sacrifices à Cérès, avaient les mêmes fêtes que la Grèce, et célèbraient l’enlèvement de Proserpine pendant le temps de la moisson, et les recherches de sa mère à l’instant des semailles.
La plupart de ces fêtes étaient encore désignées par des noms particuliers, ainsi l’on connaissait les Airéennes ou Aloéennes, ou Aloées, dans lesquelles les Athéniens offraient à Cérès les prémices de leurs fruits pour en obtenir des belles moissons ; elles portaient le nom de Calamées, chez les habitans de Cyzique ; les Chloiennes étaient à Athènes des danses et des jeux en l’honneur de Cérès-Chloé ; les Démétries, consacrées à Cérès-Déméter, exigaient que les célébrans se fustigeassent avec des fouets en écorce d’arbres ; les Epachthes étaient pour rappeller les douleurs de Cérès-Achtheia ; l’Epichrenée, rappelait à Sparte l’aventure de Cérès à la fontaine ; les Episcires de Scira en Attique, se faisaient remarquer par une procession dans laquelle on portait les statues de Cérès et de sa fille, et se terminaient par des courses appelées Oscophories, que faisaient des jeunes gens tenant en main des ceps et des grappes de raisin. Ces fêtes étaient presque semblables aux scires athéniennes, seulement celles-ci qui se célébraient dans le mois de Scicorophion ou juin étaient consacrées à tous les Dieux, mais surtout à Cérès, Proserpine, Minerve, le Soleil et Neptune ; les Proacturies ou Proarosies, instituées, disait-on, par le devin Anthias, étaient des sacrifices que l’on offrait à Cérès avant les semailles ; enfin les Pylées étaient des fêtes en l’honneur de Cérès-Pyléa, qui se célébraient aux Thermopyles.
Vers le cinquième siècle de Rome, les Céréales ou Céréalies furent instituées par l’édile Memmius, et se célébraient en l’honneur de Cérès, du 7 au 22 avril, elles avaient de particulier que l’on y représentait l’enlèvement de Proserpine, en faisant disparaître subitement du milieu du temple la prêtresse qui jouait le rôle de la fille de Cérès, elles différaient encore des Termophories, en ce que les cris et les gémissements en étaient bannis.
Dans ces temples et cérémonies, on sacrifiait à Cérès une truie pleine ou comme animal destructeur des moissons ou bien au contraire, comme celui qui devait avoir montré aux hommes à fouir la terre, des béliers entourés de guirlandes de narcisses et de myrte après avoir été promenés trois fois autour des champs vers le mois de mars ; on lui consacrait le mois d’août, ainsi que le buis et le pavot, plantes funèbres ou dont les vertus soporifiques font oublier les douleurs.
Les victimes qu’on lui sacrifiait à Rome étaient la truie, les renards, et les offrandes se composaient de miel, lait, farine, grains, sel, encens et aromates. C'étaient les dames romaines, vêtues de blanc qui célébraient ces fêtes, et l’on ne pouvait y paraître sous peine de mort, sans être initié. Mais elles subsistèrent jusqu’au règne de Théodose, et les grands mystères ne furent jamais introduits à Rome malgré les efforts de Claude. {p. 150}Quant aux Ambarvalies que l’on y célébrait chaque année au mois d’avril et de juillet, c’étaient des processions que l’on faisait trois fois autour des champs pour prier Cérès de protéger les moissons.
Les noms de quelques pieux serviteurs ou desservans des temples de Cérès sont venus jusqu’à nous, ainsi tels sont ceux de la prêtresse Nicippe, de Polos, qui apporta les mystères de la grande déesse à Mégapolosis, d’Hiérax qui bâtit un temple à Cérès, et de Lycus, auquel Mycènes dut l’établissement des grands mystères.
On représentait Cérès avec une taille majestueuse, belle, haute en couleur, blonde ou brune, souriant et montrant des mamelles prêtes à s’épancher en ruisseaux de lait. Quand on veut représenter la Cérès égyptienne ou l’Artémise d’Éphèse, habituellement des épis ou des pavots couronnent sa tête et chargent une de ses mains en même temps que l’autre porte une torche ardente. Quelquefois comme reine elle n’a plus d’épis ni bouquets, c’est alors un sceptre qu’elle tient dans les mains et un diadème oriental qui la couronne ; d’autres fois, simple villageoise, elle est montée sur un taureau, porte une corbeille sous un bras et une houe dans la main droite ; souvent encore sa longue chevelure vole éparse sur ses épaules, ou bien on la voit avec une faucille à la main, ou deux enfans à la mamelle ou traînant à terre deux cornes d’abondance. Cérès est rarement nue, mais le plus généralement elle est couverte de vêtemens amples et nobles ; telles que les chlamydes à longs plis, les peplunes et les stoles traînantes, le tout en étoffes de couleur jaune. Elle est quelquefois portée sur un char attelé d’éléphans et entouré de jeunes amours, ou plus souvent seule ou en compagnie de Triptolème, sur un char attelé de dragons ; on connaît encore une Cérès-Thesmophore montrant à Bacchus le rouleau descriptif des mystères et des lois, et une autre tenant une corne d’abondance dans une main, un style dans l’autre, et assise sur un siége traîné par des serpens ailés.
Cérès, nous le répétons, en finissant cette longue description d’une seule déesse, est la personnification allégorique de la terre productive, mais n’accordant sa fertilité à l’homme que lorsqu’il la lui demande par le travail.
Différens Dieux ou Déesses se rattachant de loin aux choses qu’elle présidait, avaient fini par obtenir quelquefois un culte à part quoique fort au-dessous du sien ; ainsi l’on connaissait chez les Romains : Bonus Eventus ou le bon succès, c’était un Dieu présidant à la réussite des travaux de la campagne, on le représentait nu, près d’un autel avec une coupe dans une main et des épis dans l’autre ; Bubona, déesse de la conservation des bœufs et des vaches ; Conditor, Convector, déesse et dieu présidant au transport des gerbes ; Consevius, dieu de l’ensemencement ; Deverra et Devorona, déesse présidant au transport et au nettoyage des grains ; Consiva et Ops, la semence de la terre ; Falacer, dieu romain des arbres fruitiers ; Faustitas, déesse présidant à la fécondité des troupeaux ; Féronie, déesse des fruits naissans et de la liberté ; Flore, déesse des fleurs ; Fructesia ou Frugerie, déesse des abondantes moissons ; Hadrée, dieu de la maturité des grains ; Hippone présidait aux chevaux ; Hostilina, déesse des moissons ; Imporcitor, dieu du troisième labour après les semailles ; Insitor, dieu de la greffe et de l’horticulture ; Lactens et Lactucine et Lactunus et Lactucie, dieux et déesses de la conservation des blés en lait ; Lympha, {p. 151}déesse des irrigations ; Maturne, dieu des blés mûrs ; Mellone, déesse du miel et des abeilles ; Messor et Messies, dieu et déesse des moissons ; Napées, déesse des plaines ; Nodinus, Nodotis, Nodotus et Nodutus ou dieu des nœuds des chaumes ; Noduterus et Noduterensis, dieu italique du battage des grains ; il passait pour Pilumne, génie en outre des maris et frère de Picumne, inventeur de la mouture et génie des femmes mariées ; Nomios, (voyez Pan) Obarator, dieu italique du premier labour avant les semailles ; Occator, dieu italique du hersage ; Opora, déesse de la fécondité terrestre ; Oréades, déesses des montagnes ; Pales, déesse des prairies et de la multiplication des troupeaux ; Pan, dieu rural suprême des Pélasgues ; Panis, dieu sabin du pain ; Patelena, Patella et Patellana, dieu présidant aux épis prêts à s’ouvrir ; Pomone, déesse des fruits ; Porus, dieu de l’abondance ; Populonie protégeait les moissons contre les dégâts de la grêle, des mondations, des insectes ou de la guerre ; Puta, déesse de la taille des arbres ; Promitor, dieu de la dépense des cultivateurs ; Ruana présidait au maintien des grains dans leurs épis ; Redarator, dieu des seconds labours avant les semailles ; Robigo ou Rubigo, déesse protectrice des blés contre la rouille et la nielle. Les laboureurs l’honoraient beaucoup et lui immolaient, lors de fêtes particulières appelées Robigalies, une brebis et un chien avec de l’encens et du feu ; on en faisait aussi quelquefois un dieu appelé Robigus ; Ruana, déesse maintenant les grains de blé dans la balle de leurs épis ; Rumcina, déesse du sarclage ; Rupinie, déesse ombrienne, protégeant les blés contre la rouille et la nielle ; Rurine ou Rusine ou Rutine, déesse des exploitations agricoles : on avait un pareil dieu appelé Rusor ou Rutor ; Sarritor, dieu des sarclages ; Sator, dieu des semailles ; Ségétius, dieu italique des moissons : Seïa, dieu italique, présidant à la conservation des semences en terre ; Segetia, déesse des moissons ; Semina et Séra, déesse latine des semailles ; Sessies, déesses latines des ensemencemens ; Siton, dieu syracusain du blé ; Spinensis Deus, dieu latin des épines, protégeant les guérets contre les chardons ; Stercès, dieu ou inventeur des fumiers et père de Picumne ; Stercutius, Stercutus, Sterculinus ou Sterquilinus, dieu latin des engrais et de la végétation, confondu souvent avec Tellurus ou Picumne ; Subruncator ou Subruncinator, dieu latin des sarclages ; Tellurus ou dieu de la terre cultivable ; Terensis, dieu latin du battage des grains ; Thallo présidant à la germination et à l’accroissement des grains ; Tutela ou Tutelina, ou Tutilena, ou Tutulina, déesse conservatrice des moissons ; Vertumne, déesse latine des jardins, des vergers, des saisons et des moissons ; Vacuna présidait au repos qui suit les moissons ; on célébrait en son honneur, vers la fin de novembre, les Vacunales ; Vervactor, dieu latin du premier labour de printemps ; Volutine ou Volutrine, déesse de la balle qui enveloppe les grains, et Cyamite, dieu d’Athènes, inventeur ou amateur des fèves.
L'on pourrait encore, parmi ces divinités, placer Nemestinus ou le dieu des forêts chez les Romains ; les Intercidores, ou dieux de la coupe des bois et le dieu Terme : mais ainsi que les Silvains et les Dryades, ils se rattachent beaucoup plus à Pan, après lequel nous les retrouverons. Parmi ces dieux et déesses, plusieurs méritent une explication, sinon par l’importance de leur légende, du moins, par l’habitude que les Romains les modernes ont pris de les introduir[ILLISIBLE] {p. 152}leurs travaux littéraires ou classiques. A leur tête, nous citerons la Flore des Romains, dont l’analogue chez les Grecs s’appelait Chloris, mais n’y a jamais joui d’une aussi grande célébrité.
Flore, disait-on, avait épousé Zéphyre ; on fait remonter l’introduction de son culte à Rome, jusqu’à Tatius, roi des Sabins, du temps de Romulus. Cependant, pour plus de certitude, nous dirons que l’an 241 avant Jésus-Christ, on commença seulement dans cette ville à célébrer annuellement le 28 avril des fêtes appelées Florales, qui duraient six jours, et dont le Grand-Prêtre ou Flamine, s’appelait Floralis. Elles se faisaient remarquer par les fameux jeux floraux, qui se célébraient la nuit à la lueur des flambeaux dans la rue Patricienne, et dans lesquels la licence remplaçait souvent la piété. Ainsi, pour s’en faire une idée, on saura que des courtisanes descendaient sans vêtemens dans l’arène, pour y jouer le rôle d’athlètes, et y combattaient ou couraient au son des trompettes. Celles qui remportaient le prix de la course ou de la lutte, recevaient une couronne de fleurs ; puis elles portaient processionnellement la statue de la déesse leur patronne, couronnée de guirlandes de fleurs, drapée d’un manteau qu’elle tenait de la main droite, en même temps que de la gauche elle présentait une poignée de pois et de fèves, parce que pendant ces jeux les Ediles jetaient au [ILLISIBLE]uple des poignées de ces légumes.
Cette Flore, jeune, fraîche et vermeille, que l’on représentait au milieu pour ainsi dire d’une corbeille de roses et delys, était donc à Rome la déesse du printemps et des fleurs. A tort on a prétendu la confondre avec Acca Laurentia, courtisane que l’on croyait avoir été contemporaine d’Ancus Martius, et qui, disait-on, avait légué une immense fortune au peuple Romain ; mais ni Acca ni Flore n’ont existé. L'une et l’autre, dans leur ensemble, ne sont qu’une allégorie de la nature printannière, montrant de tous côtés ses bourgeons et ses fleurs ; enfans nés suivant les anciens, de divers générateurs, et de là venait l’idée de courtisane que toujours on rapprochait intimement de la déesse des fleurs.
Quelques écrivains placent après Flore une divinité qu’ils appellent Féronie, en lui donnant pour attribut de présider aux fruits naissans. Le feu, disent-ils, ayant consumé jadis un bois situé sur le mont Soracte, et consacré à cette déesse, les habitans voisins accoururent pour sauver sa statue ; mais tout-à-coup une verdure nouvelle vint à couvrir le bois. Ce conte une fois admis, les prêtres de cette déesse, voulant se donner un nouveau relief, se mirent à marcher sur des brasiers, et à tenir dans leurs mains des barres de fer rouges de feu, sans, disaient-ils, ressentir la plus légère impression. Charlatanisme du reste, qui pouvait être connu autrefois, puisque nous le voyons encore répété par tous les batteleurs de nos places publiques.
Cette Féronie, divinité tout italiote, honorée surtout chez les Sabins, semblait présider plus particulièrement à la liberté ; car sur le mont Soracte, ou près de Trébule on voyait deux bois qui lui étaient consacrés ; l’un près de Luna, dans la partie septentrionale de l’Etrurie ; l’autre dans les environs de Terracine. Celui-ci était d’autant plus remarquable qu’il contenait non-seulement une fontaine consacrée où les voyageurs ne manquaient pas de se laver les mains et le visage, mais qui entourait une chapelle, dans laquelle les Latins et les Sabins se rendaient en commun pour fêter la déesse ; et où les esclaves {p. 153}allaient recevoir la liberté. Pour cette cérémonie, on les faisait asseoir sur un banc, et aussitôt que le prêtre prononçait ces mots : que les esclaves libérés se lèvent, tous ceux destinés à l’affranchissement se levaient en effet, coupaient leur chevelure et la consacraient à cette déesse, à laquelle, du reste, on donnait pour époux Anxur, dieu sabin, dont les latins firent un Jupiter. Alors Féronie en réalité devait chez ces peuples se rapprocher de Junon.
[n.p.] [n.p.]Mais la véritable déesse des fruits était encore toute romaine : c’était Pomone, venue, dit-on d’abord, d’Etrurie. Elle présidait à la récolte des fruits, aux jardins ou vergers, ainsi qu’à tous les trésors de l’automne. A tort on la confondait avec Nortia, qui n’est autre que la Fortune. On assurait qu’elle avait voulu long-temps rester fille. En vain, ajoutait-on, mille amans avaient essayé de lui plaire, tous avaient été éconduits. Vertumne lui-même, le dieu des saisons et de toutes les récoltes, lui fit long-temps la cour avant d’arriver à lui plaire. Il avait heureusement, comme l’indique son nom, le pouvoir de changer de figure à son gré ; il en profita : et d’abord il se montra à la riche Pomone sous la forme d’un actif laboureur, puis sous celle d’un jeune moissonneur, et plus tard il s’offrit comme un vigneron ; mais rien ne put fléchir la sévère déesse qui, sans rien écouter, restait tranquillement à cultiver ou cueillir ses arbres. Cependant Vertumne, à la fin, se déguise sous les rides d’une vieille femme, et présente ses services à la jeune et jolie jardinière. Celle-ci, sans prévoir aucun artifice, les accepte volontiers. Un jour qu’ils se reposaient sous un ormeau entrelacé d’une vigne, la fausse vieille entame la conversation sur les inconvéniens du célibat, sur les avantages de la famille et les douceurs de la maternité ; elle compare l’homme et la femme aux deux arbres sous lesquels ils se trouvent ; elle lui rappelle l’amour de Vertumne, ses goûts analogues aux siens. Bientôt Pomone réfléchit, doute qu’un cœur aussi changeant que celui de Vertumne puisse se fixer. Celui-ci aussitôt tombe à ses genoux et lui jure fidélité. Alors ils se marièrent, vécurent de longs jours, et, après bien des siècles, ce dieu, profitant encore de son pouvoir, rajeunit Pomone et se rajeunit avec elle.
Le culte de cette déesse, sans être très-important, jouissait cependant de l’auguste honneur d’avoir à Rome un Flamine Pomonal ou prêtre spécial. Seulement il tenait le dernier rang dans la troupe sacerdotale. On représentait Pomone avec des pommes dans la main gauche et un rameau dans la droite, ou ayant dans ses mains une corbeille remplie de fruits, ou bien une corne d’abondance ; on la pose souvent debout, vêtue d’une longue robe dont elle replie le devant pour soutenir des pommes et des branches de pommier, et on la couronne de feuilles de vigne et de raisins. Quant à Vertumne, il avait des fêtes assez célèbres dites Vertumnales qui avaient lieu en octobre et dans lesquelles on sacrifiait à ce dieu les prémices des fleurs et des fruits. On le représentait jeune, couronné de fleurs, couvert d’un habit jusqu’à la ceinture, tenant des fruits de la main gauche et de la droite une corne d’abondance.
Le sens de ces deux divinités est une simple allégorie des saisons. Vertumne à lui seul les réunit toutes et les personnifie dans les figures qu’il prend pour faire sa cour à Pomone. Le laboureur est le printemps, le moissonneur l’été, le vigneron l’automne, et la vieille, le sombre et triste hiver ; mais comme les pensées humaines sont variables, on les avait encore rangées {p. 154}dans ses attributs. De là naissait la transition du dieu du changement au dieu des pensées, au dieu de l’année, puis à celui des saisons ; mais les Romains avaient spécialement personnifié l’année agricole par le nom d’Anna Perenna dont ils avaient fait une déesse. Pour ne pas revenir sur ces saisons qui, sans être divinisées, étaient du moins personnifiées par les anciens ; nous dirons que les Grecs n’en reconnaissant que trois, leur avaient donné les noms des Heures primordiales ; savoir : Auxo pour l’hiver-printemps ou saison de la croissance, Thallo ou Ear pour le printemps-été, ou saison des fleurs, et Carpo ou Opôra pour l’été-automne ou saison des fruits. Plus tard, quand le nombre des saisons fut fixé à quatre, on représenta le printemps par Mercure ou Flore, l’été par Apollon ou Cérès, l’automne par Bacchus avec un chien à ses pieds, et l’hiver par Hercule ou par un vieillard, homme ou femme couché dans une grotte, enveloppé dans des peaux de mouton, et tenant un réchaud à la main. Les Romains le représentaient encore par des génies ailés portant pour marques distinctives les productions des saisons dont ils étaient les emblèmes. Ainsi le printemps portait des Œufs, l’été un Vase et un Thyrse, l’automne des fruits et des filets, l’hiver un lièvre, pour signifier la saison de la chasse.
Une dernière déesse également originaire d’Italie et se rattachant à Cérès, portait le nom de Palès ou Parès ; elle présidait aux prairies ainsi qu’à l’augmentation des troupeaux. D'abord divinité suprême et grande génératrice de l’Italie, elle joua le rôle de Cybèle ; plus tard elle fut métamorphosée en simple déité champêtre dont les fêtes appelées Palilies ou Parilies se célébraient le 21 avril ou onzième jour des Calendes de Mars, répondant au jour même de la fondation de Rome. Ces fêtes n’étaient pas seulement des invocations, des hommages rendus à la divinité : c’étaient encore des demandes expiatoires pour obtenir le pardon d’avoir, ou laissé brouter un arbre, ou fait paître son troupeau sur un lieu consacré par l’incinération d’un cadavre, ou coupé les branches d’un bois sacré pour les faire servir à la guérison d’un mouton malade, ou de s’être réfugié par un temps d’orage dans quelque édifice sacré et isolé, ou d’avoir troublé la limpidité des eaux. Ces fautes, toutes plus ou moins graves de la vie pastorale, obtenaient leur pardon au moyen des cérémonies suivantes :
On allait demander à une vestale qui en distribuait à tout venant, des cendres de jeunes veaux brûlés à l’état de fœtus. Le jour des Fordicidies ou fêtes en l’honneur de Tellus, on semait alors ces cendres sur des charbons ardens que l’on arrosait de sang de cheval. Ensuite on mettait le feu à des gerbes de paille. Ces gerbes allumées, les bergers s’élançaient au milieu du brasier et les traversaient trois fois en sautant. Au retour des troupeaux du paturage, une fois le soir arrivé, on les laissait devant les étables, on les aspergeait d’eau lustrale avec une branche de laurier, puis on purifiait et bestiaux et leurs étables, par des fumigations sulfureuses dans lesquelles entraient le soufre, la sabine, l’olivier, le romarin, le pin et le laurier, des tiges de fèves et même du sang de cheval et des parfums. Après cette purification expiatoire, les bergers se mettaient en prières et offraient à la déesse un sacrifice composé de gâteaux de miel et de fèves et arrosé de lait et de vin cuit, mais qu’ils ne buvaient pas, comme on l’a dit quelquefois. Venait ensuite un festin dans lequel dominait la Burranica ou boisson composée de {p. 155}miel et de vin doux. Alors on prenait sa revanche de la continence qu’il avait fallu garder pendant le sacrifice. Le repas terminé, on recommençait les feux de joie et l’on sautait de nouveau, par trois fois, dans les flammes.
Ces Palilies, depuis l’an de Rome 708 ou 45 à 44 ans av. J.-C., furent célébrées aussi en l’honneur de César, et ne furent supprimées que l’an 692 de J.-C. par le concile de Constantinople, appelé Pseudosexte, qui supprima les feux des Néoménies.
Quant aux Parilies, c’étaient des fêtes analogues qui se célébraient dans l’intérieur des maisons par les maîtresses de l’habitation, en se couchant dans l’âtre du foyer, et demandant à Palès d’heureux et faciles accouchemens.
Cette déesse, comme on le voit, avait conservé une liaison de famille avec Cybèle et Vesta, puisque c’était toujours une vestale qui remettait aux bergers les cendres expiatoires. Il nous serait encore possible de donner des détails sur toutes les divinités que nous avons indiquées comme se rattachant de plus ou moins près à Cérès. Pan, surtout, pourrait prendre place ici ; mais nous en parlerons à la suite de Bacchus dont il était un des fidèles et joyeux compagnons. Nous pourrions aussi parler des Nappées et des Oréades qui présidaient aux plaines et aux montagnes. Mais elles faisaient partie de la grande famille des nymphes que nous avons rejetée dans un groupe soumis à la puissance de Neptune.
Tous les autres dieux rustiques sans importance, dont nous avons vu la liste, ont été suffisamment indiqués pour nous permettre de passer à Erysichton, le plus grand ennemi de Cérès et d’Athana. On connaît sur lui deux traditions : d’après l’une il était fils de Cécrops et frère des nymphes Cécropiennes ou Agrauliennes. Si l’on croit cette légende, il serait allé à Délos construire un temple à Apollon, et serait mort sans enfans ou pendant son retour au milieu des flots, ou à Athènes, par suite de la piqûre d’un serpent ; mais la première tradition était la plus adoptée : elle était d’origine thessalienne, et on la jouait même comme un drame sacré dans les mystères d’Eleusis. Il était, suivant cette légende, fils de Triopas, roi de Thessalie ou de Myrmidon. Un jour, dit-on, il eut envie d’abattre un bois consacré à Cérès ; à cet ordre sacrilége personne n’ayant voulu obéir, il prit une hache et se mit lui-même à l’abattre ; aussitôt, suivant les uns, le fer qu’il tenait se tourna contre lui et le tua, pour le punir de sa profanation. Cependant, ajoutent les autres, il accomplit son acte impie ; mais Cérès ne tarda point à l’en faire repentir et à faire peser sur lui son juste courroux en le rendant la proie d’une faim continuellement dévorante. Sans cesse tourmenté par cette ruineuse maladie, il vendit ses riches propriétés et jusqu’à sa maison et ses meubles pour satisfaire son appétit insatiable : rien ne put le rassasier. Enfin Erysichton se vit plongé dans la plus affreuse misère, n’ayant plus pour se soutenir, que sa fille Métra ou Mestra, ou Hypermestra. Ruiné complètement, et ne sachant plus comment faire de l’argent, il lui vint la pénible idée de vendre cette fille chérie, et comme elle était amante de Posîdon et qu’elle avait reçu des Dieux le don de pouvoir se métamorphoser à volonté, elle se soumit à cette triste obligation et se laissa vendre sans cesse ; mais sans cesse aussi elle prenait une nouvelle forme qui l’empêchait d’être reconnue par son acheteur. On dit qu’elle se transforma {p. 156}successivement en taureau, en cheval, en chien et en oiseau. Que finit-elle par devenir ? on l’ignore, et l’on ne sait pas davantage comment mourut Erysichton, que l’on avait surnommé à cause de sa faim dévorante Ethon, ou le brûlant, c’est-à-dire l’engouffrant, le consommant. On peut donc le considérer comme un personnage symbolique représentant ou la Nielle sèche, véritable ruine des grains, ou la rouille humide, qui consomme les plus belles récoltes ; personnage, par conséquent, ennemi bien déclaré de Cérès, la déesse par excellence des richesses agricoles. Plus tard en parlant de Minerve nous donnerons quelques détails sur ce Cécrops civilisateur d’Athènes, duquel on faisait descendre cet Erysichton, ou du moins un prince du même nom.
Nous avons dit que l’on donnait pour femme à Jupiter une fille de Céres appelée Proserpine, déesse cosmopolite adorée partout, et commandant sur toutes les choses qui se rattachent à la vie ; mais plus habituellement considérée comme épouse légitime de Pluton ; c’est après le dieu des Enfers que nous la placerons.
Quant à cette épouse de Jupiter portant le nom générique de Nature ou de Physis, appelée aussi Primigénie, chez les Orphiques, nous n’en parlerons pas ; car, divinisée chez tous les peuples sous différens noms, elle se rapporte aux unes et aux autres des déesses dont nous avons parlé. Seulement, nous ajouterons qu’elle était fille-épouse du Dieu suprême ; c’était donc Ilithye, Maïa et même Diane.
On ne peut donner aucune explication sur Protogénie, ou la première née ; car elle est fille de parens inconnus. Cependant une divinité de ce nom passa pour femme ou au moins amante de Jupiter, et en eut Epaphe ; mais on en connaît une autre et probablement c’était la même, elle était fille de Deucalion et de Pyrrha, ou de Japet et de Climène, et sœur d’une Pandore ; elle fut aussi maîtresse de Jupiter, et mère d’Ethlios.
L'on sait encore que Stix, l’aînée des Océanides, passait pour avoir été femme de Jupiter, c’est selon nous une erreur à laquelle il ne faut pas trop s’attacher. Ne serait-il pas possible que la chronique scandaleuse des temps anciens eût changé en amourettes, les services essentielles qu’elle rendit à Zévs, pendant la guerre des Géants ? nous serions tentés de le croire. Mais nous parlerons plus en détail de cette femme légitime du Titan Pallas, lorsque nous ferons connaître les fleuves de l’empire de Pluton.
Arrêtons-nous donc un instant sur Dionê, déesse qui passe également pour avoir été l’une des femmes de Jupiter. C'était une fille de l’Ether et de la Terre, ou suivant les Phéniciens d’Uranus qui, voulant se venger de Saturne son fils, la lui envoya avec Astartée et Rhée pour le séduire, et le tuer ensuite, comme nous l’avons déjà dit : mais on se souvient qu’il en fit ses concubines et même qu’il épousa Rhée ; Jupiter suivant les Crétois fit de cette Dioné l’une de ses épouses, et en eut Vénus que nous allons voir naître d’une tout autre manière. Néanmoins, Dioné peut passer pour un principe femelle, ou pour une génératrice ; et, soit avec Saturne, soit avec Jupiter, on peut indifféremment la considérer comme une Junor ou une Vénus. C'est une importation embrouillée, à moitié disparue, et à moitié existante.
Vénus. Nous voici maintenant arrivés à l’une des femmes les plus remarquables de Jupiter ; à la Vénus des Latins, ou Aphrodite des Grecs. C'est la déesse des {p. 157}Graces, de la beauté, de l’amour, du plaisir. C'est la haute déesse de la génération, entourée par les Grecs de tous les ornemens les plus délicieux, et les plus séduisans. Dans toutes les contrées, elle fut plus ou moins vénérée, et, suivant l’importance divine qu’on lui prêtait, elle portait une foule de noms et surnoms, ainsi on l’appelait : Vénus ou Aphrodite, Acidalis et Acibadie, ou de la fontaine Acidalie en Béotie ; Acrœa, ou des lieux élevés ; Adikos, ou l’injuste en Libye ; Alia, Aligenès, ou née de la mer ; Alma, ou la blanche ; Amathontès, Amathuse et Amathusie, ou d’Amathonte dans l’île de Chypre ; Ambologra, ou retardant la vieillesse en charmant la vie ; Anadyomène, ou Vénus marine, en sortant des eaux, et qui sauve des naufrages et des inondations. Anaxarète, ou aux aguets ; Androphone et Anosie, ou l’impitoyable ; des Corinthiens ; Anthea, ou la fleurie à Cnoss, en Crète ; Aphacitès, ou d’Aphaque, aujourd’hui Fackra, entre Héliopolis et Biblos. Apaturia, ou la trompeuse ; Apostrophia ou la préservatrice ; Arcéophon, ou à la fenêtre ; Architis, ou l’affligée du Liban ; Area, ou l’amante d’Arès ou Mars, chez les Spartiates ; Areuta ou des amants ; Arginase et Argempasa, et Aripasa, et Artimpasa, ou des Scythes ; Argynnis, ou d’Argynnis, favori d’Agamemnon, noyé dans le Céphise ; Armata, ou Vénus armée, chez les Lacédémoniens, dont les femmes avaient remporté une victoire sur les Messéniens, Babata, ou faisant croître les cheveux, chez les dames Romaines ; Basilis et Basilissa ou la reine à Tarente ; Brichia, ou qui sort des ondes frémissantes ; Butis, ou l’amante de Butès ; Byblia, ou de Biblos en Phénicie ; Callipige, ou la belle ; Calva, ou la Chauve, en mémoire du don fait par les dames Romaines, de leurs cheveux à l’arrivée des Gaulois ; Capitoline, ou la mère d’Enée, Catascopie, Choereas, ou des Troyens ; Cnidie, ou Cnidienne, ou de Cnide en Carie ; Cluacine, ou favorable aux vœux ; Coliade, ou présidant à la génération, à Colias en Attique ; Conjugalis, ou présidant aux mariages d’amour ; Corinthienne ou de Corinthe, Cornuta, ou aux cornes de bœufs, comme l’Athor Égyptien ; Cyprigena, et Cyprine, et Cypris, ou de Cypre. Ce fut cette divinité qui, après avoir inspiré le fameux sculpteur de cette île, Pygmalion, fit sortir de son ciseau une statue d’ivoire de Galathée si parfaite, qu’il en devint amoureux. Alors, la déesse, pour l’en récompenser, anima la statue, et Pygmalion en eut un fils, nommé Paphos, et fondateur de Paphos. Cythérée, ou de l’île de Cythère ; Despœna, ou la souveraine de la Grèce ; Dexicreontique, ou l’inspiratrice de Dexicreonte, qui, grace à elle n’avait emporté qu’une cargaison d’eau, qu’il vendit fort cher, pendant toute la traversée. Doritide, Egea, ou des îles Egées ; Eneas, ou la mère d’Enée ; Epipontia, ou née de la mer ; Epistrophia, ou la préservatrice ; Epitragie, ou au bouc ; Epilymbie, ou à la tombe, c’est-à-dire, présidant au commencement et à la fin de la vie ; Erycine ou du mont Erix ; Eupléa ou favorable à la navigation près de Naples ; Exopolis, ou dont le temple était hors d’Athènes ; Frugi et Frutes, ou femme de bien ; Genetrix et Genitrix, ou l’Engendrante, à Rome ; Gènetyllide ou la génératrice ; Golgia, ou de Golgos en Cypre ; Haligène, ou née de la mer ; Hecaerge, ou à l’effet lointain à Céos ; Hoplopheros, ou qui porte des armes à Lacédémone ; Hirtensis, ou présidant à la naissance des fleurs ; Hospita, ou la secourable à Memphis ; Idalia, du mont Idalien et de Cypre ; Licaste, ou femme de Butès, fils {p. 158}de Borée ; Lubentie et Libentine, ou présidant aux jouets et fantaisies ; Limnésia, ou née de la mer ; Lésyzone et Solvizone, ou présidant aux plaisirs de l’amour ; Marine, ou sortant des eaux ; Méchanites, ou la Rusée de Mégapolis ; Meminia, ou qui se souvient de tout ; Migonitide, ou de Migonium dans la Laconie méridionale ; Meretrix, ou des courtisanes à Cypre ; Morpho, ou la voilée et enchaînée à Lacédémone, parce que Tyndare pour mieux faire sentir le devoir des femmes d’être soumises et fidèles, avait mis des chaînes aux pieds de la statue de Vénus ; Myrtie et Murcie, ou du Myrte, ou de la nonchalance, et de la paresse, importée par les Celtes à Rome ; Paphia et Paphienne, ou de Paphos ; Pandémos, ou populaire, ou à tout le peuple, comme Vénus, lascive et courtisane ; Pélasgie ou maritime ; Phila, ou mère de l’amour ; Philomneis, ou reine du rire ; Placida, ou qui raccommode les ménages ; Pontia et Pontogénia, ou sortie des eaux de la mer ; Prœpotens, ou la plus puissante chez les Thébains, Psityros, ou qui parle beaucoup ; Ridens, ou née en riant ; Recticordia ou l’inspiratrice à Rome de sentimens réguliers ; Saligena, ou sortie des eaux salées ; Solvizone, voyez Lésyzone ; Spumigena, ou née de la mer ; Symmachie, ou qui combattit pour les Romains, à la bataille d’Actium ; Tanais et Tanaide, ou la divinité tutélaire des esclaves, chez les Arméniens, les Sardes, les Bactryens, les Perses, et surtout dans les villes de Babylone, de Suze et d’Ecbatane, où Artaxerce, roi de Perse, et fils de Darius, en avait le premier placé la statue ; Thalma, ou des Etrusques ; Thalassia, ou née de la mer, Thelessigania, ou qui accomplit les mariages ; Tritonia, ou qui fut portée par des Tritons ; Verticordia, ou la chaste à Rome, parce que Sulpicia, fille de Sulpicius Paterculus, la femme la plus sage de Rome, lui avait consacré une statue ; Uranie ou Vénus-Ciel ; Zephiritis, ou de Zéphirium dans le Brutium et la Cilicie, ou Paphlagonie.
Il paraît que cette déesse était encore une personnification multiple ; car Cicéron compte quatre Vénus, savoir : la Vénus Uranie, ou Néleste, fille d’Uranus ou du ciel et de Dies ou du jour ; la seconde Aphrodite, née de l’écume de la mer, qui eut Cupidon avec Mercure ; la troisième fille de Jupiter et de Dioné, qui épousa Vulcain, et eut Anteros de Mars son amant. La quatrième fille de Tyrus et de Syria, devait être Astarté ou Astoarché, femme d Adonis, et la même que l’Anaitis des Mèdes, l’Alittat, des Arabes, la Nephtys des Egyptiens, la Salambo des Babyloniens, la Milytta, l’Atergatis et la Derceto des Assyriens, et la Belisama des Gaulois ; mais en Grèce et à Rome, ce fut toujours la Vénus marine, qui domina et absorba en elle seule toutes les autres, aussi Vénus dont on connait la plupart des attributs, était généralement reconnue pour fille du ciel et de la mer ; on la disait née de l’écume marine, fécondée par la matière divine qui tomba de la blessure d’Uranus, lorsqu’il fut mutilé par Saturne, son fils. A nos yeux, elle sera donc une Titanide, nous la prendrons à sa naissance, à une époque indéterminée.
Maintenant, voyons l’écume blanchissante de la mer s’entr'ouvrir et laisser arriver cette gracieuse divinité à la surface des flots qui mollement la bercent de leurs replis ; voyons cette tendre et modeste fille des ondes, sortir du sein des eaux, riche de beauté, et honteuse de montrer les charmes séduisans qu’elle ne peut arriver à cacher de ses mains gracieuses et délicates. Pour elle, sa naissance est un réveil ; bientôt voluptueusement {p. 159}caressée du souffle de Zéphyre, elle veut parler, et déjà, c’est un soupir qu’elle laisse échapper, c’est l’accent du plaisir ; à son aspect tout l’univers est ébloui, c’est une reine qui paraît, c’est un triomphe qu’il lui faut ; aussi, les Tritons et tous les Dieux marins se groupent autour d’elle, la posent sur une conque marine, et la portent mollement avec l’aide de Zéphyre jusque sur le rivage de l’île de Cypre. Déjà elle a compris sa beauté ; déjà elle se propose d’exercer son pouvoir, elle se hâte donc d’essuyer sa peau blanche et moelleuse, de relever sa longue chevelure, de se parfumer des odeurs les plus suaves, de se couronner de roses ; puis elle monte rapidement vers les cieux.
A son arrivée, les Heures, filles de Jupiter et de Thémis l’entourent ; et, comme présidant aux plaisirs, aux peines, aux espérances, aux rendez-vous, à l’étude, aux arts et aux saisons, elles se chargent de son éducation. L'une devra chaque matin la rappeler au jour, l’autre lui apprendre l’art de plaire sans parure, la troisième lui offrir les fruits nouveaux, la quatrième lui montrer à parler aux cœurs, la cinquième voudrait lui enseigner la sagesse, la sixième la réclame pour l’amitié, les trois suivantes lui déroulent les devoirs de l’humanité, de la foi conjugale et de la maternité ; ensuite, viennent les heures des sacrifices, des repas, de la promenade, des danses, des concerts et la dernière préside à son coucher.
Après avoir écouté les leçons de ces filles de Jupiter, Vénus bientôt fut accomplie, cependant les heures ajoutèrent encore à sa beauté par le don d’une couronne et ornèrent sa taille d’une ceinture mystérieuse qui devait fasciner et les dieux et les hommes. On a supposé que sur cette ceinture on voyait l’amour conduit par l’espérance, et accompagné des timides aveux et des plaisirs, fuyant, agaçant, caressant les désirs de la pudeur enfantine ; après eux venaient les charmes, la volupté, les transports, la langueur, les soupirs, les sermens, les caprices, et les racommodemens ; sous le revers on apercevait tracés par la main des Euménides, les soupçons, la haine, la perfidie, les vengeances, les trahisons, la jalousie, et l’hypocrisie démasquée par l’amour. Vénus, revêtue de ce précieux talisman, fut donc présentée par les Heures au conseil des dieux, suivie, dit-on, à tort probablement d’Eros ou l’amour et de Pothos ou le désir, car nous pensons que ces dieux ne furent de son cortège, que quelque temps après son entrée dans l’Olympe, puisque le premier est fils de son alliance adultérine avec Mars.
A la vue de cette beauté si parfaite, ce ne fut dans l’Olympe qu’un cri d’admiration : sa taille divine, son maintien noble et décent, ses yeux bleus aux sourcils d’ébène, ses blonds cheveux flottant sur les contours d’albâtre que relevaient les roses de la pudeur, son embarras, ses charmes naïfs et son abandon voluptueux lui gagnèrent tous les dieux et imposèrent silence à la jalousie des déesses. Jupiter alors l’adopta pour fille et lui dit de venir occuper le trône de la beauté. Depuis ce jour elle fut toute-puissante dans l’Olympe, et si Junon y commandait, Vénus y obtenait l’exécution de ses moindres fantaisies.
Bientôt tous les dieux se mirent sur les rangs pour obtenir sa main, Jupiter ne pouvant y songer par suite de l’alliance indissoluble qui l’attachait à Junon, voulut du moins la rapprocher le plus possible de lui-même, et il en fit l’épouse de Vulcain, son fils, le plus difforme des dieux, {p. 160}mais le plus artiste de l’empire Ethérée. Cette union purement politique, eut dans le ciel les tristes résultats qui suivent souvent de pareils mariages sur la terre. Vénus accepta tout en boudant ; mais se promit en secret de compenser cette bizarre alliance, par un bon nombre d’infidélités. Elle se tint parole comme nous le verrons dans un instant, et n’épargna rien pour faire de sa beauté un pouvoir immense et despotique ; aussi afin de mieux rivaliser avec Junon, elle mit d’abord au jour l’ Harmonie ou l’Amour, les Graces et l’Hymen ; puis de ces enfans elle se forma un cortége nombreux, dont l’influence séduisante augmenta sa puissance. On y voyait en outre les Ris, après les ris venaient Pothios ou le désir, conduits par Gélos ou Gélasios ou Gélasinos, que Sparte honorait marchant après l’Amour, comme le plus aimable des dieux et dont les fêtes en Thessalie respiraient la gaité la plus vive ; puis arrivait une foule de nymphes plus séduisantes les unes que les autres, parmi elles on distinguait surtout : Péristère, qui fut changée en colombe pour avoir aidé un jour Vénus, à gagner un pari contre l’Amour son fils en ramassant plus de fleurs que lui ; Epidamnia la confidente de ses plaisirs et Acmênès. Les nymphes de la suite de Vénus étaient toutes célestes, mais la plus grande partie de ces jeunes filles virginales et quasi-mortelles entraînent en même temps avec elles une idée fluviatile : aussi nous ne parlerons des ces compagnes des hautes divinités qu’en décrivant l’empire de Neptune.
Vénus ne tarda point à fixer à son char et à courber sous sa loi tous les dieux de l’Olympe ; bientôt elle compta pour amant tant au ciel que sur la terre, Jupiter, Mars, Mercure, Apollon, Bacchus, Adonis, Anchise, Butès. Elle eut de Jupiter, les Graces ; de Mars, l’Harmonie ou l’Amour ; de Mercure, Hermaphrodite ; de Bacchus, Priape et l’Hymen ; d’Anchise, Enée, et de Butès, Erix. Sa puissance inspira même la passion la plus délirante aux Lemniennes, aux Proetides, aux Propétides, aux filles de Cinyre, à Pasiphaé, à Phèdre, à Hélène, à Atalante et à Médée.
La première infidélité de Vénus paraît avoir été en faveur de Jupiter avec lequel elle mit au jour les Graces, ses plus fidèles compagnes. Cependant Mars, fils de la seule Junon, ne recula pas devant le danger d’enlever au maître des dieux sa maîtresse, il se présenta donc bravement et en véritable guerrier aux yeux de Venus ; d’abord il l’effraya tant soit peu avec sa redoutable armure, puis déposant casque et javelots à ses pieds, il s’adoucit, déclara son amour et bientôt obtint de la reine de Cythère et pardon, et faveurs et sourire languissant, toutes choses assez rares pour le pauvre Vulcain. Celui-ci pourtant apprit les infidélités de sa belle épouse, car Apollon dont l’amour-propre avait été blessé de la préférence que Vénus avait accordé à Mars, s’étant caché dans un nuage, avait épié les amans, trompé la vigilance d’Alectryon ou Gallus, le gardien de leurs plaisirs, surpris leur secret, et en avait aussitôt fait part au dieu du feu.
L'époux de la belle Déesse, étourdi de cette nouvelle, ne put d’abord y croire ; mais inquiet de s’en assurer, il vole à sa forge, y fabrique un filet mystérieux à mailles métalliques que la finesse rendait imperceptible, arrive dans l’île de Lemnos à l’heure indiquée par Apollon comme celle du rendez-vous, trouve ensemble les deux amans et pour les empêcher de s’échapper, étend autour d’eux son filet et les surprend alors entrelacés dans les bras l’un de l’autre, goûtant un {p. 161}sommeil voluptueux. A peine a-t-il posé ses filets, qu’il convoque à grand bruit tous les dieux pour rendre l’Olympe assemblé témoin de leur réveil et de leur confusion. Il ne savait pas encore le pauvre Vulcain, que le sage en pareil cas doit simplement garder le silence ; aussi qu’arriva-t-il, les dieux sourirent, et dès qu’à leurs prières les filets furent levés, le terrible Mars entra pour toujours en fureur : et dans sa colère, il s’échappa vers les montagnes de la Thrace, et changea Gallus en un coq pour le punir de sa négligence. Depuis ce jour ce fier volatile est l’emblême du courage, et annonce chaque matin aux amans le lever du soleil.
Avec le caractère volage que déjà nous connaissons à Vénus, on se persuadera facilement qu’elle ne resta pas long-temps sans se consoler de l’absence du dieu de la guerre. En effet, depuis son mariage avec Vulcain, on voyait dans l’olympe un dieu brillant qui revenait de passer un long exil sur la terre, et dont Jupiter à la fin avait reconnu la puissance et le talent : c’était Apollon, le fils de Latone. Dieu du jour, des arts, et le plus beau de l’Olympe, il ne tarda point à gagner le cœur de Vénus, et à lui faire pardonner le mauvais tour qu’il venait de lui jouer ; la déesse fut même étonnée de ne l’avoir pas distingué plus tôt. Cependant quelques auteurs le lui font aimer avant Mars, mais il serait bien difficile de fixer en réalité une date chronologique à toutes ses infidélités ; ainsi prenons-les comme on les range le plus habituellement.
Un jour donc, et l’on dit même le jour du mariage de Vénus et de Vulcain ; Apollon chanta les erreurs de l’inconstance, et le bonheur de la fidélité ; sa voix suave et sonore, la tendresse de ses expressions et de ses regards, tout séduisit Vénus, et bientôt son cœur s’envola au devant de celui du Dieu du jour. Dès cet instant l’allégorie suppose qu’elle voulut diriger elle-même la course de la planète qui porte son nom, pour se rencontrer tous les jours avec son amant. En effet, dès qu’elle vit le char du soleil arriver à l’horizon, elle s’y présenta également portée sur l’étoile du berger, et cachée sous le voile radieux du crépuscule. Les deux amans descendirent dans l’île de Rhodes, et s’égarèrent ensemble au milieu des collines mystérieuses, couvertes de bosquets, de myrtes et de roses ; puis chaque jour, après avoir savouré à longs traits le nectar du bonheur et des voluptés, ils remontaient chacun sur le char de son astre, et s’éloignaient pour regagner en silence le séjour des dieux. Vénus, confiante en sa beauté, ne supposait pas que l’on pût devenir infidèle auprès d’elle, pourtant il arriva que, prévenue par la jalousie, elle vit, du mont Ida, les coursiers du soleil descendre vers le séjour liquide d’Amphitrite, épouse de Neptune, précipiter leur course étincelante jusque dans l’Océan, y faire entrer le char de Phébus et disparaître.
A cette vue, Cypris est attérée, sa bouche entr'ouverte ne peut articuler un son, ses beaux yeux contractés n’ont point de larmes à laisser échapper ; à la fin, elle prend sa résolution, appelle ses colombes, les fidèles conductrices de son char, et les dirige vers l’île de Chypre, où elle veut ensevelir et sa honte et ses chagrins. Mais les pleurs d’une femme jeune et jolie, tendre et facile, ne peuvent durer long-temps, la douleur fanerait sa beauté, et son cœur a toujours besoin d’aimer. Aussi, Vénus chercha vite à se distraire, et bientôt elle pensa au bel Adonis, qui fut pour elle un sujet de discussion avec Proserpine.
{p. 162}Cet Adonis ou Kiris, ou Gingris, était, suivant quelques légendes, le fruit d’un commerce incestueux de Cynire, roi de l’île de Cypre, ou de Phénix avec Smyrne, ou de Thoas avec Myrrha sa fille. On suppose que cette fille-épouse, éprise de son père et ne sachant comment satisfaire sa passion, voulut s’étrangler avec sa ceinture, et qu’elle ne put y réussir, car, sa nourrice étant survenue, coupa le nœud fatal, la rendit à la vie et favorisa sa passion en lui faisant prendre sa place auprès de son père, une nuit, pendant les mystères de Cérès. Cinyre, outré de l’audace de sa fille, voulut la punir ; mais elle s’échappa, et se mit à errer dans le pays des Sabéens en portant le fruit de son inceste. A la fin elle fut métamorphosée en l’arbre qui fournit la Myrrhe, et à l’époque où sa grossesse aurait dû naturellement se terminer, son écorce s’entr'ouvrit et laissa voir le jour à Adonis.
Par suite de cette version pour établir la généalogie de ce Dieu, il faudrait reconnaître Adonis pour fils de Smyrne avec Cynire, fils lui-même de Sandak, issu d’Astynoüs ou Astronoüs, qui devait le jour à Phaéton, fils de Tithon enfant de l’Aurore et de Céphale. Cette généalogie est toute solaire, car, tous ses membres se rattachent au soleil. Alors nous devons reconnaître Adonis pour une essence céleste, pour un demi-dieu solaire, froide et languissante victime de l’hiver, venu de la Phénicie et né probablement à Cypre. Il avait pour frère Oxipore, c’est-à-dire le marcheur vigoureux. Véritable contraste représentant la personnification du soleil roulant continuellement dans l’espace, en lançant sa lumière toujours éblouissante et fécondante, on leur reconnaissait trois sœurs Lagore, Orsédice et Brœsie, filles de Cynire et de Métharme, née de Pygmalion. Elles furent ennemies de Vénus qui, pour se venger, leur inspira une passion désordonnée pour tous les hommes qu’elles voyaient ; la dernière fut mourir en Egypte.
Les Phéniciens auxquels on a emprunté la généalogie d’Adonis, le faisaient naître aussi de l’alliance incestueuse de Thias, roi Babylonien avec sa fille ; mais le fait est trop contesté pour l’admettre ; cependant on peut le croire originaire de Syrie, ce qui n’empêche aucunement qu’il ait pu naître à Cypre. Quoi qu’il en soit, nous verrons ce bel Adonis passer alternativement du ciel aux enfers, des enfers au ciel, et presque toujours delà dans les jardins de Cypre et de Paphos, où Vénus l’enivrait de ses faveurs.
A peine Adonis fut-il sorti de son arbre, que les Naïades le reçurent et le nourrirent dans quelque grotte inconnue de l’Arabie. Puis débarrassé de ses langes, il se rendit à Biblos en Phénicie, et là, il fit la conquête de Vénus, que l’on regarde alors comme Astarté : d’abord, il semble avoir fait l’indifférent ; mais la déesse le fit adroitement circonvenir, et dut enfin sa conquête aux soins de la nymphe Epidamnia, fille d’Epidamnios, l’une de ses suivantes, qui plus tard fut adorée dans Epidaure, sous l’image de Vénus, par ceux qui voulaient des succès rapides. Cette soubrette continua toujours à servir les amours de sa maîtresse.
Nous ne ferons pas le tableau des douces émotions que partagèrent ces deux amans, au milieu même des sombres forêts du Liban. Adonis aimait pour la première fois avec la candeur du jeune âge, et Vénus profitant de l’occasion vidait à longs traits la coupe des plaisirs. Mais tout bonheur est fragile, et celui-ci naturellement devait l’être plus que tout autre, car Adonis se trouvait rival de Mars et d’Apollon, {p. 163}la lutte était donc difficile à soutenir sans en sortir victime. Ce fut la triste destinée du jeune amant de Vénus. Mars, après quelque temps de courses vagabondes, fit sa rentrée dans l’Olympe, et bientôt il y apprit la nouvelle inclination de Cypris ; alors le dépit le rend jaloux, il veut se venger, et pour y arriver aisément, il inspire à son faible rival, déjà ennuyé du repos et de la volupté, le désir des combats, la soif des dangers. Aussi l’on vit ensuite Adonis et Vénus courir à la chasse à travers les bois et les précipices, jurant de ne jamais s’éloigner l’un de l’autre.
[n.p.] [n.p.]Cependant un jour, malgré les sermens qu’il a faits à sa maîtresse de ne pas sortir sans être à ses côtés, Adonis profite de l’une de ses absences, prend un arc et des flèches, s’élance dans les forêts du Liban et poursuit toutes les bêtes féroces qui se présentent à ses coups. Bientôt malheureusement un sanglier, les crins hérissés et les yeux étincelans, s’élance et vient à lui ; le chasseur le voit, puis avec l’imprudence d’un novice, l’ajuste et le perce d’un trait ; tout-à-coup le monstre furieux se retourne, fond sur le téméraire qui vient de le blesser, le terrasse et d’un coup de boutoir il lui fait dans l’aine une blessure mortelle.
Zéphyre à cette vue se dépêche de porter à Vénus le cri du mourant ; aussitôt celle-ci se précipite éperdue vers la terre, court à travers les ronces et les rochers, se jette sur le corps de son bien-aimé, déchire son voile et veut arrêter le sang qui s’échappe de sa blessure, mais il était trop tard. En vain elle presse ce corps inanimé, en vain le souffle divin de sa bouche amoureuse, cherche à le réchauffer, peine inutile ! Adonis n’est plus ; c’est la froideur de la mort qui le glace pour toujours, et rien ne peut dorénavant le rappeler à la vie. Bien convaincue de ce malheur, Cypris veut au moins qu’un souvenir de son amant reste sur la terre ; elle recueille donc quelques gouttes du sang de sa blessure et en fait éclore la fleur que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’Anémone ; puis elle remonte vers Jupiter et exige de lui la résurrection et le retour de son amant ; ce qui donna lieu à une discussion assez vive entre elle et Proserpine.
Il existe deux légendes à propos de ce différent : d’après l’une on vit un jour la belle et séduisante Vénus, descendre jusque dans l’empire des morts et venir avec le plus gracieux sourire, confier à Proserpine la garde d’un coffre précieux. La reine des enfers, en bonne parente, accepte volontiers cette charge délicate ; malheureusement la curiosité exerçait ses malices dans le sombre empire comme au ciel et sur la terre, elle s’attache donc aussitôt à Proserpine, et la pousse après le départ de Vénus à visiter l’intérieur de ce coffre. Mais à peine a-t-elle soulevé le couvercle qu’elle est saisie d’étonnement et de joie à la vue de la beauté de l’enfant qu’il contenait : c’était Adonis mollement couché dans cette boîte mystérieuse. Se distraire momentanément avec lui, des ennuis du mariage fut sa première idée, mais bientôt, habituée à la présence de cet aimable compagnon, elle devint dépositaire infidèle et ne voulut plus s’en dessaisir. Grande alors fut la discussion, on le conçoit, entre les deux déesses. L'affaire est portée par Vénus aux pieds de Jupiter qui, tout habitué qu’il est de lui céder, arrête que le bel Adonis devra tour-à-tour passer quatre mois avec Proserpine, quatre avec Aphrodite, et qu’il restera libre de lui-même pendant les quatre autres mois. Décision qui fut ponctuellement suivie, à {p. 164}cela près que le bel adolescent, préférant l’amabilité de Vénus au caractère de Proserpine, et les douceurs du ciel aux ennuis des bords du Cocyte, consacra ses quatre mois de liberté à la déesse de la beauté, et les passa toujours avec elle.
Une autre légende fait mourir, comme nous le savons, ce beau jeune homme à la chasse. Cependant Vénus obtint qu’il pût revenir à la lumière. Mais Proserpine refusa, dit-on, seulement alors de le rendre ; de là le différent que l’on connaît ; de là aussi, par ordre de Jupiter une sentence en premier ressort, rendue par la muse Calliope, déclarant qu’Adonis passerait six mois de l’année, auprès de chacune des rivales. Après cet arrêt, Adonis ressuscité est reconduit aux enfers et remis à Proserpine par les Heures, mais au bout des six premiers mois, celle-ci refusa de rendre son amant : de là nouveaux débats, et de là vint l’intervention et la décision précédente de Jupiter. Maintenant quel était le terrible sanglier qui priva Vénus de son tendre amant ? Mars suivant les uns, ou suivant les autres Diane, que Mars ou Apollon avait d’autant plus facilement déterminée à le venger, que déjà elle-même avait du ressentiment contre Vénus, dont les caprices avaient causé la mort d’Hippolyte, l’un de ses protégés.
Vénus, après ce cruel accident, fit élever par ses adorateurs un temple à Adonis, et l’on institua en son honneur les fêtes les plus remarquables de l’antiquité, les Adonies que l’on célébrait avec la plus grande pompe, d’abord chez les Phéniciens, puis après chez les Egyptiens, les Assyriens, les Perses et dans Athènes. Ces fêtes, dit-on, duraient deux ou trois et même huit jours, dans quelques contrées. La première partie de ces fêtes s’appelait l’Aphanisme ou disparition, et n’était consacrée à Biblos qu’au deuil et aux larmes : on se couvrait de vêtemens lugubres, on s’arrachait les cheveux en se frappant la poitrine, et l’on pleurait enfin la mort d’Adonis.
Cet aphanisme était la portion de la fête la plus magnifique, mais le plus habituellement on ouvrait et quelquefois on terminait la cérémonie par une procession bien lugubre, composée du peuple et des prêtres, parmi lesquels on voyait force Canéphores, ou individus chargés de corbeilles remplies de gâteaux, de parfums et de fleurs. Dans cet ordre on se rendait près d’un immense catafalque sur lequel des femmes laïques de haut rang étendaient de riches tapis de pourpre. Ensuite on couchait sur ce lit la statue d’Adonis, pâle, mais toujours beau, et près de lui, ou sur un catafalque voisin, on apercevait une Vénus épitymbie, souvent représentée par une actrice, se livrant à toutes les démonstrations de la douleur ; de temps en temps la flûte gingrine laissait échapper quelques sons lamentables, et les voix des assistans faisaient retentir l’air des hymnes de deuil appelées adonidies. A la fin du jour on ensevelissait le dieu au milieu des parfums, et l’on terminait les funérailles par la cérémonie du Cathèdre ou siége, qui devait probablement consister à s’asseoir autour de la victime et à pleurer. Cependant on ne finissait point ainsi cette partie des Adonies à Alexandrie, car les femmes les plus distinguées de la ville y portaient la statue processionnellement jusqu’à la mer, supposée par les Egyptiens ennemie d’Adonis, puis on la précipitait dans les flots. Suivant d’autres écrivains de l’antiquité, les célébrans abandonnaient à la mer, dans un panier ou dans une nacelle, le corps du dieu, sous la tête duquel on plaçait des lettres annonçant {p. 165}son retour. Cette nacelle aussitôt était emportée par les vents favorables jusque sur les côtes de la Phénicie, où elle était attendue avec impatience. La plupart des femmes assistaient à cette cérémonie lugubre de l’ Aphanisme, elles y étaient en robe de deuil, sans ceinture et les cheveux épars ou même rasés ; leur démarche chancelante devait être molle et voluptueusement douloureuse. On dit même qu’à Biblos, celles qui refusaient de prendre part au deuil étaient obligées de se livrer gracieusement aux désirs des pieux visiteurs de la tombe d’Adonis.
Mais à cette triste cérémonie de l’Aphanisme, on voyait succéder aux larmes les réjouissances, appelées Hévrères ou découvertes. Alors on célébrait avec allégresse la résurrection et l’apothéose de celui qu’on venait de pleurer. Les Phéniciens et toute la Syrie, la célébraient dès qu’ils voyaient aborder sur leurs côtes, la pieuse nacelle dans laquelle se trouvaient et le corps du dieu et les lettres d’Egypte, qui les engageaient à se réjouir en Grèce. Suivant les localités, c’était ou quelques heures ou un jour, ou bien trois, quatre, ou huit jours après l’Aphanisme, pour faire allusion au temps qu’Adonis était resté auprès de Proserpine. Cette lugubre cérémonie de l’Aphanisme n’était même pas toujours célèbrée la première, mais quelquefois elle était précédée de l’Hévrère pour montrer que Vénus avait éprouvé la joie et le bonheur avec son amant, avant de le voir disparaître par la mort. Ici finit l’histoire fabuleuse d’Adonis, mais en la terminant nous ajouterons qu’une tradition populaire faisait remonter à l’instant où Vénus courait nu-pieds à travers les ronces et les épines, retrouver son Adonis mourant, la couleur vermeille de quelques roses, qui précédemment toujours blanches changèrent de nuance, en recevant le sang divin de la reine de Paphos.
Quelle était l’idée interprétative que les prêtres anciens attachaient à Adonis, elle n’est point arrivée jusqu’à nous. Cependant il est présumable que ce mythe fut compris différemment suivant les pays où il fut transporté. Il pouvait représenter où le faible soleil du printemps et de l’automne ; mais plus fort et moins impuissant que l’Atys phrygien, quoique disparaissant comme lui pendant l’hiver, ou les apparitions périodiques des fruits de la terre. Mais le positif, c’est qu’il y a dans le sens caché de cette fable d’Adonis, une allégorie de périodicité, quelle qu’elle soit, et qu’il serait fastidieux de chercher à démêler, puisque tous les raisonnemens ne seraient toujours que de simples hypothèses.
Si l’on voulait retrouver l’origine de cette fable et reconnaître dans Vénus la déesse Syrienne appelée Astarté, espèce de Cybèle ou de Vénus Uranie, il faudrait non-seulement reprendre les aïeux ou les descendans d’Adonis et par conséquent de Sandak, de Cinyre, de Pharnacé, et des Cinyrades, dynasties sacrees, mais encore suivre les Tamiras et les Tamirades, familles sacerdotales vouées au culte de Vénus, ainsi que les Céphale, les Tithon, les Phaéton, les Astinoüs, qui se rencontrent à la tête des annales de l’île de Cypre, et qui se sont montrés d’une manière plus spéciale, à côté des divinités solaires que nous avons vues à la suite d’Apollon.
Vénus, pour se consoler de la perte d’Adonis, se souvint du propos d’un dieu qui, voyant Mars pris dans les filets de Vulcain, avait dit qu’il ne se trouverait pas à plaindre d’être dans sa position, c’était Mercure le messager de Jupiter. Elle lui fit donc quelques avances, et en eut pour enfant {p. 166}Hermaphrodite, qui fut élevé par les Naïades de l’Ida. Il était d’une beauté si parfaite, que la Naïade Salmacis l’ayant aperçu se baignant en fut éprise ; mais ne pouvant toucher son cœur, elle l’embrassa étroitement et pria les dieux de maintenir à jamais les deux corps dans cet état d’union. Prière qui fut exaucée, et depuis ce jour, Hermaphrodite porta les marques de l’un et de l’autre sexe, c’est-à-dire au sens moral qu’il réunit sur un même corps humain, les beautés spéciales à chacun des deux sexes.
Cette passion de Vénus pour Mercure n’ayant pas durée fort long-temps, et ne sachant trop comment satisfaire ses désirs incertains, elle descendit sur la terre, prit la figure de la belle Lycaste, épouse de Butès le Bébryce, descendant du roi des Bébrices Amycus, que nous verrons combattre contre Hercule, séduisit alors Neptune et devint ainsi mère d’Eryx, prétendu fondateur de sa religion en Sicile.
Bientôt passant à d’autres amours, elle séduisit un paisible pasteur du mont Ida, Anchise, fils de Thémis et de Capys et par conséquent petit fils de Tros, premier roi et fondateur de la ville de Troie, et en eut Enée, qui épousa Creuse, fille du roi de Troie Priam, laquelle devint mère d’Ascagne ou d’Iule ; mais une autre légende ne reconnaît pour Vénus qu’une mère d’Enée et de Lyrus, qu’elle avait eu sous le nom de Callycopis, fille d’Otrée, roi de Phrygie, et femme de Thoas, roi de Lemnos ou d’Assyrie, lequel fut père en outre d’Hypsipyle, dont la beauté fixa auprès d’elle Bacchus qui montra à ce roi l’art de cultiver la vigne, et lui donna les royaumes de Byblos et de Cypre dans lesquels, après la mort de sa femme, il institua en son honneur des fêtes appelées Orgies, pareilles à celles que nous trouverons en parlant de Bacchus. Puis il fit élever à cette Vénus des temples à Paphos et à Amathonte. Néanmoins, quoi qu’il en soit de l’origine de cette Vénus callicopie, elle fit partager à Anchise sa passion ; puis un jour pressée de se rendre au conseil des Dieux, elle s’éleva dans les cieux, laissant le pauvre pasteur tremblant de peur sur les suites que pouvaient avoir pour lui de pareilles amourettes ; car on croyait que l’anéantissement des forces physiques devaient toujours être la suite de l’union d’un mortel avec une déesse ; mais Vénus le rassura en lui disant qu’elle deviendrait mère d’un fils qui, pendant cinq ans serait élevé parmi les nymphes et lui serait remis ensuite. Fier d’une telle bonne fortune, il osa la publier ; alors Jupiter, blessé de cette indiscrétion, lui fit sentir légèrement les effets de sa foudre en le frappant d’un affaissement prémature et incurable ; suivant d’autres Vénus en partant, et après lui avoir annoncé qu’il serait père d’un fils, lui avait fait jurer de répondre à tous questionneurs que la mère de ce fils était une nymphe du mont Ida, mais cinq ans après, en recevant ce fils que nous connaîtrons plus tard sous le célèbre nom d’Enée, il avait violé son secret, et avait été puni par Jupiter.
Nullement satisfaite de l’orgueilleuse indiscrétion des mortels, Vénus retourna dans l’Olympe offrir son cœur à quelque dieu, qui pût lui rendre par compensation et bonheur et plaisir. Ce fut à Bacchus, au plus jeune des dieux, qu’en arrivant elle sourit : bientôt ils se comprirent, et bientôt aussi ils s’enivrèrent de toutes les voluptés qu’ils purent recueillir sur la terre et dans les cieux. De ce rapprochement naquirent Priape et Hymen ; ce fut là, on peut le dire, que se terminèrent les infidélités bien connues de la volage déesse, {p. 167}car, nous n’appellerons pas ainsi l’influence que sa beauté ou son pouvoir exercèrent sur Pâris. Ce mortel, fils de Priam roi de Troie et d’ Hécube, ayant été confié par sa mère aux soins des bergers du mont Ida, se fit tellement remarquer par sa beauté, son esprit et son adresse, que Jupiter décida qu’il jugerait un différent que fit naître, lors des noces de Thétis et de Pélée, entre Junon, Minerve et Vénus, la perfide Discorde, en jetant au milieu du festin une pomme d’or portant l’inscription : à la plus belle ! Pour gagner leur juge chacune des déesses lui fit ses promesses ; Junon lui accordait puissance et fortune sans bornes, Minerve la vertu, quant à Vénus, on ne sait ce qu’elle lui promit ; mais il lui adjugea la pomme : aussi plus tard nous la verrons, pour récompenser ce jugement, protéger de tout son pouvoir l’armée des Troyens.
Vénus protégea aussi le mariage d’Hippomène, fils de Macarée, avec Atalante, fille de Schénée : cette belle avait déclaré qu’elle ne donnerait sa main qu’à son vainqueur à la course, mais qu’elle percerait de ses flèches le vaincu. Hippomène n’osant trop se hasarder après avoir vu succomber plusieurs prétendans, implora la protectrice des amours, et celle-ci lui remit trois pommes d’or qu’Hippomène jeta devant Atalante, pendant sa course. A cette vue, elle s’arrêta et s’amusa naturellement à les ramasser ; alors son amant prit de l’avance et obtint sa main en arrivant au but avant elle ; mais plus tard ayant osé profaner ensemble le temple de Cybèle, ils furent métamorphosés l’un en lion, et l’autre en lionne.
Cependant Vénus, malgré la douceur de son caractère, eut des mouvemens de vengeance assez terribles ; ainsi pour avoir méprisé son culte, Glaucus, fils de Sizyphe et père de Bellérophon, fut dévoré par ses cavales ; les Cérastes, habitans de Cypre, furent métamorphosés en taureaux pour avoir immolé à Jupiter hospitalier ; puis elle fit encore par vengeance peser l’influence du pouvoir de sa beauté sur les Lemniennes, les Prœtides, les Propétides, les filles de Cinyre, et sur Pasiphaé, Phèdre, Médée, Hélène, ainsi que sur toutes celles qui après avoir manqué à leurs devoirs d’épouse, sous le prétexte d’une passion invincible, en rejetèrent la faute sur la puissance de Vénus.
Quelques personnes rattachent la punition des Prœtides, filles de Prœtus, à Vénus, parce qu’elles considèrent leur course, après leur métamorphose en vaches, comme une vraie prostitution imposée par la reine de Paphos ; quoi qu’il en soit, nous les avons fait punir par Junon, parce que c’est la version le plus généralement adoptée.
Il n’en est pas de même des Propétides, il n’y a qu’une seule légende sur leur compte : c’étaient des nymphes, personnifiant l’impudicité féminine et la prostitution. Elles passaient pour avoir nié la divinité, et bravé la puissance de Vénus. Celle-ci se vengea en leur inspirant une passion désordonnée, qui les jetait dans les bras de tous les hommes qu’elles rencontraient. A la fin elles furent changées en rocher. Ces Propétides présentent la transition allégorique que suit toute femme qui se livre à ses penchans : d’abord ce sentiment, s’il n’est pas modéré, la conduit à la passion ; puis l’habitude sans frein de celle-ci, fait bientôt de la femme un être aussi insensible que les rochers.
Vénus, comme on le voit, était assez susceptible, et punissait sévèrement les femmes qui manquaient envers elle de dévotion ; les femmes de Lemnos, appelées Lemniades ou Lemniennes, en furent encore une preuve. Ayant oublié que Vénus {p. 168}conservait une aversion particulière contre l’île de Lemnos, dans laquelle Vulcain l’avait surprise avec Mars, elles eurent l’imprudence de négliger long-temps les fêtes de cette déesse, qui, pour se venger, leur donna, dit-on, une odeur si désagréable qu’elles devinrent odieuses à leurs maris. Ceux-ci les abandonnèrent donc, et furent chercher des concubines au fond de la Thrace. Les Lemniennes, irritées de cet affront, massacrèrent dans une même nuit tous ces maris adultères, ainsi que tous les autres hommes. Dès-lors, seules maîtresses de l’île, elles élurent pour reine Hypsipyle, fille de Thoas, époux de Callicopis, que nous verrons séduite par Bacchus. Mais cette nouvelle reine ayant sauvé du massacre son père, qui fut ensuite gouverner un autre royaume dans l’île de Chio, les Lemniennes ne lui pardonnèrent pas. Aussi, après avoir satisfait les plaisirs des Argonautes, guerriers que nous rencontrerons par la suite, et après s’être aperçues qu’avant de partir ils les avaient laissées presque toutes enceintes, elles vendirent Hypsipyle à des pirates, qui la cédèrent à Lycus, roi de Thèbes, ou plutôt à Lycurgue, roi de Némée. Alors cette reine devint nourrice du fils du roi, le jeune Ophelte, qu’elle laissa mourir de la morsure d’un serpent ; puis elle fut jetée en prison, et sauvée, ou par ses propres enfans, qu’elle avait eus de Jason, chef des Argonautes, ou par des guerriers argiens, que nous verrons nommer les sept chefs.
A côté des Lemniennes, il faut encore placer les filles de Cinyre, au nombre desquelles se trouvait Braesie, fille de ce prince et de Métharne ; elles encoururent la vengeance de Vénus, qui les changea en une espèce d’oiseaux, que l’on nommait Alcyons. Vénus punit aussi Cenchris ou Cenchréis, femme de ce même Cinyre, et Polyphonte. La première était la mère de Smyrne ou plus habituellement de Myrrha, à laquelle Adonis devait le jour. Cette Cenchris ayant osé proclamer sa fille plus belle que Vénus, cette déesse inspira à Myrrha la passion criminelle que nous lui avons vu avoir pour son père. Quant à Polyphonte, c’était une chasseresse descendante de Mars, comme fille d’un Hipponoos et de Thrassa, compagne de Diane. Elle crut pouvoir impunément braver Vénus, et devint amoureuse d’un ours. Elle eut de cette ignoble alliance deux fils, Agrios et Oriôs. Jupiter, à cette vue, ne put retenir sa colère, et déjà il avait ordonné à Mercure d’aller punir cette perversité, quand Mars les sauva en métamorphosant en oiseaux la mère et les enfans.
L'action influente de Vénus sur Pasiphaé, Phèdre, Médée, Hélène, fut également toute puissante ; mais elle se rattache davantage à de longues séries de faits, que nous trouverons plus tard, en parlant de Thésée et de la guerre de Troie.
Le culte de Vénus fut un des plus honorés, ou du moins domina tous les autres dans l’île de Cypre, et surtout à Paphos, sa métropole, ainsi que dans la ville d’Amathonte, sa succursale. Comme ce culte comprenait toutes les déesses qui pouvaient avoir quelques rapports avec Cypris, il fut très-répandu. On pense qu’il prit d’abord naissance dans la Phénicie, traversa toute la Syrie, et finit par arriver à l’île de Cypre, puis se répandit d’une manière toute spéciale dans les villes d’Amathonte, d’Aphrodisium, de Soles et de Salamine. On regarde Climène, fils de Phoronée et frère de Chthonie, comme le fondateur du culte de Vénus-Chthonienne, mais ce fut Hermocharès qui fit bâtir en l’honneur de la déesse de la beauté le premier temple à {p. 169}Athènes. Cependant, avant celui-ci, on vit Aérias élever à Paphos pour la première fois un temple consacré à Vénus ; il fut ensuite relevé de ses ruines par Cinyre ; puis l’art des Aruspices, par les entrailles des chevaux, y fut importé par Tamiras, chef de la tige des Tamirades, qui étaient à Cypre sans qu’on le sache positivement, ou de simples prêtres, ou des rois-pontifes. Parmi ces prêtres, le nom d’Agetor s’est conservé le plus long-temps. Cependant, ce genre de prédiction ne semble pas y avoir duré long-temps, car on ne tarda point à y supprimer les sacrifices, et dans la suite, les pronostics météorologiques et astronomiques y tinrent le premier rang.
Les fêtes de Vénus se composaient de rites mystérieux, et, sans parler des Pervilies, ou fêtes nocturnes des Romains, ni des Histeries, pendant lesquelles les Grecs sacrifiaient un porc, ni des Callistées, qui se célébraient pour Vénus comme pour Junon, nons dirons que les fêtes les plus remarquables en l’honneur de cette déesse de la beauté, se nommaient Aphrodisies, instituées par Cinyre dans l’île de Cypre ; les Anagogies célébraient tous les ans, à Erix en Sicile, le départ de Vénus pour la Libye, et les Catagogies, également à Erix, célébraient au contraire le retour annuel de Vénus en Sicile. Mais les premières de ces fêtes ou aphrodisies étaient les plus brillantes, et se célébraient en l’honneur de Vénus-Aphrodite. D'abord les prêtresses, le front couronné de myrte, s’avançaient vers le sanctuaire, et allaient offrir à la déesse du lait et du miel, en lui présentant deux colombes ; ensuite on faisait des libations de vin en l’honneur de Vénus-Populaire, puis ceux qui se faisaient initier offraient une pièce de monnaie à Vénus-Meretrix, et recevaient en revanche un phalle et du sel. Mais à Paphos, ce culte étant tombé en un impur libertinage, exigeait que les jeunes filles, après avoir sacrifié des oiseaux et surtout des colombes, fussent à certains jours fixes se prostituer au bord de la mer, et offrir contre argent leurs caresses à qui les priait d’amour ; chose, du reste, qui ne devait pas paraître bien pénible à Corinthe, où la fête de Vénus était particulièrement célébrée par les courtisanes. Dans les villes de Sida et d’Aspende en Pamphylie, on sacrifiait aussi à la porte des temples de Vénus, des porcs et peut-être des sangliers, en mémoire du malheur causé par l’un de ces animaux à l’amant de Cypris. Enfin, à Rome, suivant Lucien, après les libations de vin, on immolait pendant ces fêtes une chèvre blanche, et les cuisses des victimes étaient ensuite brûlées sur ses autels au milieu d’un feu de genièvre et d’acanthe. Après cette incinération, probablement expiatoire, plusieurs jeunes vierges et quelques femmes s’avançaient vers l’autel de Vénus-Nuptiale, et la priaient d’accorder à leurs vœux des époux et des enfans ; puis, afin de la rendre plus favorable, elles lui offraient leur chevelure, et aussitôt une prêtresse leur coupaient quelques mèches de cheveux, et les suspendait au-dessus de l’autel en forme d’ex-voto. On consacrait à cette déesse le myrte, la pomme, la rose, l’éperlan, la dorade, et parmi les oiseaux, les ynx ou torcols, les cygnes, les moineaux, la colombe, le mois d’avril et le vendredi. Déjà l’on sait que la pomme rappelait la victoire de Vénus sur ses compagnes, que la rose devait sa couleur au sang que les épines avaient fait couler de ses pieds ; quant au myrte, il lui avait servi à se cacher contre les poursuites des satyres ; mais voici pourquoi on lui sacrifiait la colombe : elle s’amusait un jour {p. 170}avec son fils Cupidon à voir lequel des deux remplirait le plus vite de fleurs une corbeille, et comme elle allait perdre, elle se fit aider par une nymphe de sa suite, appelée Peristère ou Colombe ; alors elle gagna la gageure. A cette vue, l’Amour, courroucé, métamorphosa la nymphe officieuse en l’oiseau qui porte son nom ; les chevelures consacrées venaient de ce que Bérénice, femme de Ptolémée Evergete, roi d’Egypte, avait fait vœu de lui sacrifier sa chevelure, si son mari revenait d’une expédition lointaine, ce qu’elle réalisa ; quelque temps après cette chevelure ayant disparu, l’astrologue Conon annonça qu’elle avait été si agréable aux Dieux, que Jupiter l’avait enlevée pour la placer parmi les astres, et en former la constellation appelée Chevelure de Bérénice, qui se voit près de la queue du lion.
Les temples de Vénus dans lesquels se célébraient ces fêtes étaient fort nombreux. Les plus renommés étaient ceux de Paphos à Cypre, de Cythère, de Cnide, d’Halicarnasse, de Milet, d’Ephèse, d’ Artace, de Tamnos, de Sarde, de Pergame, d’Abydos et de Bolos dans l’Asie-Mineure ; ceux des îles de Crète, de Céos, de Cos et de Samos dans la mer Egée ; ceux d’Aphrodisium, d’Ænia et de Tricca en Thessalie ; ceux de Tanagre, d’Orope et de Thespie en Béotie ; celui d’ Athènes en Attique, de Mégare dans la Mégaride ; ceux de Corinthe, Sicyone, Patras, Egine, Egyra et Bura dans le nord du Péloponèse ; ceux d’Elis, d’Olympie, de Tégée, Mélangée, Psophis, Cyllène et de Mégalopolis dans le centre et l’ouest ; ceux d’Argos, d’Epidaure, de Trézène et d’Hermione dans l’est ; ceux de Sparte, d’Amyclé, de Cénopolis et de Mécène dans le sud ; ceux des îles de Cythère, Zacinthe, Actium, Leucade, Eanthe, Ambracie, et Dyrrachium sur la côte orientale de la Livadre actuelle, celui du mont Erix en Sicile, et enfin ceux de Syracuse et de Rome.
L'un de ces temples par la bizarrerie des cérémonies que l’on y célébrait, mérite que nous le fassions connaître avec quelque détails, c’est celui de Leucade. Il était placé sur le bord de la mer, à l’extrémité du cap de l’île Leucade qui devait son nom à Leucade fils d’Icare et frère de Pénélope, princesse que nous verrons plus loin jouer un rôle important. C'est là, dans les flots de cette mer, disait-on, que Vénus, conseillée par Apollon avait enfin trouvé sans se noyer un terme à son amour pour Adonis, et que Jupiter venait calmer la fougue de ses passions. Profitant avec adresse de cette légende, les prêtres de ce temple firent croire que dès l’instant qu’on s’élançait du haut de cette roche dans la mer, on était soudain guéri des fureurs de Vénus. Bientôt cette croyance domina, l’on oublia que les bains dans les ondes du fleuve Sélemne et que certaines herbes passaient également pour avoir la vertu d’apaiser les transports de l’amour, et l’on regarda comme un devoir religieux et expiatoire, d’aller se précipiter du promontoire dans les flots. Souvent moins heureux que Vénus, on trouvait la mort avec la fin de ses peines. Ainsi Deucalion, le poète Nicostrate, la reine de Carie Artémise et la belle Sapho, ayant voulu tenter ce moyen pour se guérir de pénibles amours, y perdirent la vie. La dernière surtout qui devait le surnom de dixième muse au mérite immense de ses poésies, aimait Phaon ; mais celui-ci, fier de sa figure, dont la beauté, disait-il, se conservait, grace à la puissance d’une essence divine, que Vénus lui avait donnée. refusait de rendre amour pour amour aux beautés les plus renommées de cette {p. 171}époque. Il restait même insensible aux accens de cette pauvre Sapho. Alors voyant qu’elle ne pouvait en obtenir qu’une froide indifférence, elle essaya de l’oublier. Ce fut inutilement, car son image la suivait partout ; enfin elle voulut aussi faire le saut de Leucade ; mais elle disparut pour toujours au milieu des eaux, et périt dans les flots. Cependant il paraît que par la suite, les prêtres de ce temple firent disparaître les dangers qui accompagnaient cette tentative expiatoire, et que l’on put, sans craindre pour la vie, risquer ce fatal plongeon ; on avait même pris la précaution de disposer des filets et des barques aux environs, prêts à recueillir les malades qui venaient à l’exemple des dieux, demander aux flots la guérison de leur cœur. Ainsi les prêtres citaient le Grec Phobos et Macès de Buthrote, comme des cures merveilleuses. Ces dernier avait même fait quatre fois le saut de Leucade, et quatre fois ses tourmens de cœur avaient disparu. Néanmoins quoique les risques eussent diminués ce spécifique devint fatal à toutes les femmes qui osèrent l’essayer, et un petit nombre d’hommes vigoureux purent seuls y résister. Aussi la plupart des malades après avoir fait le pèlerinage, s’arrêtaient au bord du rocher et se contentaient de jeter leur argent dans la mer ; ce qui probablement satisfaisait tout autant, et la déesse et les prêtres, dont les pêcheurs ne devaient assurément rien laisser perdre.
Les eaux du fleuve Sélemne en Achaïe, passaient encore pour guérir les tourmens du cœur. La légende rapportait que le berger de Sélemne, fut un jour si désespéré de l’infidélité de la nymphe Argyre, sa maîtresse, que Vénus en eut pitié et le transforma en un fleuve, qui bientôt oublia ses amours, et dont les eaux avaient la vertu de faire perdre aux amans les souvenirs de leurs peines.
Maintenant ajoutons quelques mots sur les personnes connues pour avoir été les plus religieuses au culte de Vénus : déjà l’on a vu Cinyre expier les torts de sa famille, en relevant les ruines du temple de Paphos fondé par Aerias ; nous connaissons toute la famille sacerdotale des Tamirades ; on sait aussi que Mera fut une prêtresse zélée de Vénus ; d’après Stace enfin, nous ajouterons que Climène, fils d’un Phoronée, fonda avec sa sœur Chthonie le culte de Vénus-Chthonienne et qu’Hermocharès d’Athènes construisit un temple à Vénus, à Ioulis dans l’île de Céos. Voici comme il y fut amené ; il se trouvait aux jeux pythiques, tout-à-coup émerveillé de la danse de Ctésycle fille de Ioulis et d’ Alcidamas roi de Céos, il fait serment de n’être qu’à elle, puis il écrit ce serment sur une pomme et la jette dans un temple de Diane, où Ctésylle se trouvait alors pour célèbrer le culte de cette déesse. Aussitôt la jeune fille ramasse la pomme et répond par le même serment. Hermocharès fut donc demander la main de son amante à son père, qui la lui promit, mais Alcidamas ébloui par les offres d’un homme plus riche, se rétracta. Cependant Ctésylle ayant pu s’échapper du toit paternel, fut réjoindre son amant à Athènes, et y mourut dans les douleurs de l’enfantement. Déjà l’on allait porter au bûcher le cercueil où son corps était placé, quand une colombe vint à en sortir et disparut dans les airs : dès-lors Ctésylle n’y était plus. Inquiet de cet événement merveilleux, Hermocharès consulte l’oracle, et par son ordre il construit le temple d’ Ioulis.
Enfin, c’est encore ici que se rattache l’histoire fabuleuse de la prêtresse de Vénus, désignée sous le nom de Hero. Elle {p. 172}était de Sestos en Europe, et fut aimée par Léandre qui demeurait vis-à-vis, à 895 pas de distance, à Abydos en Asie, sur le détroit des Dardanelles et non dans le Bosphore, quoique les Européens donnent le nom de tour de Léandre, à un ilot sur la côte d’ Anatolie. L'ayant aperçu dans une fête de Vénus, il en devint amoureux et s’en fit aimer. Leur première entrevue eut lieu au temple de Vénus, qui semblait les protéger. Par la suite afin de se réunir à sa maîtresse, Léandre était obligé pendant la nuit de traverser le détroit à la nage, seulement Héro qui habitait le haut d’une tour au bord de la mer pour faciliter ces voyages, qui durèrent tout un été, faisait briller la lumière d’un flambeau qu’elle allumait. Malheureusement l’automne ayant commencé, la mer devint houleuse et resta menaçante pendant sept jours. Cependant la septième nuit, Léandre, impatient, s’élance dans les flots et nage vers l’objet de ses amours. Mais à la fin, il manque de force et les vagues du matin ne ramenèrent au rivage de Sestos, qu’un corps inanimé. Héro désespérée ne peut survivre à cette catastrophe, elle se précipite aussitôt dans la mer et disparaît pour toujours sous les flots écumeux qui viennent de la priver si cruellement de son amant. Cette fable, souvent enjolivée par les modernes, est due à la seule imagination des romanciers de l’antiquité ; car aucune légende n’a laissé le nom de Héro, parmi les prêtresses de la déesse de Cythère.
Si maintenant nous voulons reconnaître Vénus, d’après ses statues ou ses portraits, nous la trouvons représentée sous ses différens attributs. Ainsi nous la voyons sur un char traînée par des moineaux, le sein découvert, le front couronné de roses, la langueur dans les yeux et la volupté sur les lèvres. Plus habituellement pour rappeler son origine et figurer la Vénus marine ou Aphrodite, on la représentait assise sur un char traîné par une chèvre, ou sur une conque marine attelée de deux colombes. Alors une rame, attribut des eaux, et une corne d’abondance indiquant les richesses de la mer sont à ses pieds ; puis tantôt des amours, des néréides, et tantôt des dauphins et des tritons nagent autour d’elle ; elle a presque toujours la tête surmontée d’un voile léger gonflé par le souffle de Zéphyre ; souvent elle porte sa mystérieuse ceinture, ou le zonè des Grecs, et le cestus des Latins ; d’autre fois elle remplit de traits le carquois de l’Amour jouant à ses pieds. On la représente aussi sur un char d’ivoire traîné par des cygnes ; sa taille est majestueuse, et entourée de sa divine ceinture ; son front est calme et serein ; sa tête est élevée, et ses yeux fixés vers le ciel ; quelquefois même elle porte un globe dans une main. L'Amour est à ses pieds, les yeux couverts d’un bandeau et portant un carquois rempli de traits enflammés : c’est Vénus céleste présidant à l’amour chaste et pur. Mais quand on la représente couronnée de myrte, tenant un miroir à la main, les pieds revêtus de sandales tissues d’or et de soie, et le sein couvert de chaîne d’or et de pierreries, alors au contraire, c’est la Vénus facile des courtisanes.
Enfin, l’on a encore representé Vénus couronnée d’épis, tenant dans la main droite trois flèches, et dans la gauche un thyrse, environnée de pampres et de grappes, et accompagné de deux Cupidons, jouant à ses pieds. Cette Vénus est celle que Térence avait indiquée n’avoir aucune puissance sans Cérès et Bacchus.
Du reste, généralement, la déesse de la beauté était représentée : chez les Eléens, {p. 173}assise sur une chèvre, et ayant un pied sur une tortue ; à Sparte et à Cythère armée en guerrière ; à Olympie, sortant des eaux, en même temps que reçue par l’Amour et couronnée par la persuasion ; à Cnide, nue et cachant avec les mains une partie de ses charmes ; à Ephantis avec Cupidon auprès d’elle, et à Sicyone, elle portait une fleur de pavot dans une main, une pomme dans l’autre, et sur la tête une couronne.
Tout le monde comprend le sens allégorique de cette déesse ; c’est la personnification de l’idéal de la beauté parfaite ; c’est la personnification du bien qu’elle produit quand elle est chaste, et quand elle s’attache par des liens légitimes, de même qu’elle est celle du mal que peut causer le libertinage. Elle prouve enfin la puissance énorme que la beauté peut exercer sur la terre.
Du reste, nous avons dit qu’elle avait sous sa dépendance la direction de l’une des sept planètes ; c’était celle connue sous le nom de Vénus, de Lucifer ou de l’étoile du Berger ; elle fait son mouvement de rotation en 23 jours et 20 secondes, et se meut sur son orbite à raison de 26,718 lieues par heure. Elle est plus petite que la terre, sa distance moyenne du soleil, est de 24,966,000 lieues, et quand on voit en plein jour une étoile brillante au ciel, c’est Vénus, à son périgée, c’est-à-dire arrivée à l’endroit de sa course le plus près de la terre.
Enfin l’on peut rattacher à Vénus, plusieurs divinités adorées en Grèce ou à Rome. Ainsi Cicinnie ou Cicinnia, qui présidait aux débauches de la volupté ; Colyllo ou Colyttis, qui était la déesse de l’impudicité. On célébrait en son honneur à Athènes, à Corynthe, à Chio, en Thrace et dans beaucoup d’autres endroits des fêtes, dont les mystères étaient si licencieux que l’on prenait grand soin de les cacher aux yeux du public. Alcibiade, que la licence n’effrayait pas, s’était fait initier à ces mystères dont les prêtres passaient pour les hommes les plus infâmes ; Perfica présidait aux plaisirs des sens parfaits, mais non légitimes ; Pertunda, présidait au contraire aux mêmes plaisirs mais légitimes : aussi l’on ne manquait pas pour obtenir sa protection, de placer dans la chambre nuptiale une de ses statues pendant la première nuit des noces. Prema était invoquée dans le même sens par les nouveaux mariés, le soir de leurs noces. La Pudeur ou la Pudicité était une divinité grecque et romaine qui, indignée des vices et de la corruption des hommes, avait quitté la terre en même temps que Némésis. Compagne de la beauté, elle suivait toujours Vénus pudique, et on la représentait avec des ailes et un lys à la main. Cette Vénus pudique était adorée particulièrement à Rome, sous le nom de Volumna et de Pudicité. Elle pouvait être patricienne ou populaire, car, après le mariage de la patricienne Virginia, avec le plébéien Volumnius qui monta au consulat, on éleva un temple à la Pudicité Plébéia. On représentait cette déesse sous la forme d’une Vénus ayant à ses pieds une tortue, pour indiquer que la pudicité, le plus bel ornement de la femme, doit l’empêcher de trop sortir de sa maison. Virginalie ou Virginensis, ou Virginicuris, appelée par les Grecs Diane Lysizone, présidait au dénouement de la ceinture virginale de l’épouse ; Volumnius avait à peu près les mêmes fonctions.
Nous avons dit que Vénus avait toujours autour d’elle une foule de personnages allégoriques, dont les noms nous sont déjà presque tous connus ; mais {p. 174}entrons dans de plus grands détails, et commençons par les compagnes chéries de la déesse, par les Grâces. Elles s’appelaient Charitès chez les Grecs, et quelquefois comme les muses Parthénès, ou les Vierges.
Elles étaient d’après beaucoup d’auteurs filles de la déesse de la beauté et de Jupiter ou de Bacchus. Cependant on donnait encore aux Grâces une autre origine ; les uns les faisaient filles de Jupiter et d’Euryméduse ou d’Evanthès, appelée aussi Eurynome, ou même de Junon ou du soleil et d’Eglée. Mais la tradition la plus suivie les porte toujours comme filles de Vénus ; elles étaient au nombre de trois : Aglaé ou Eglé, ou peut être Egialée, c’est-à-dire la brillante ; Euphrosine et Thalie ; Homère en place de Thalie nomme Pasithée, la troisième ou la plus jeune. Cependant quelques peuples de la Grèce en admettaient quatre, les confondant alors avec les heures et les saisons ; d’un autre côté les Lacédémoniens et les Athéniens n’en reconnaissaient dans l’origine que deux, qui portaient les noms chez les premiers de Cléta et de Phaenna et chez les seconds d’Hégémone et d’Auxo, ou à tort Anyo. D'autres fois l’ensemble des trois Grâces n’en forme qu’une appélée Charis, qui ne paraît pas différer de Vénus, car on lui donne Vulcain pour époux. Plus tard, d’après Pausanias, Pitho ou la persuasion fit partie des trois Grâces. Si l’on cherche les fonctions de toutes ces divinités, on trouve d’abord les Heures sous les noms d’Hégémone et d’Auxo : elles dirigent la croissance et ne sembleraient pas devoir spécialement appartenir aux Grâces. Il n’en est pas de même de Cléta ou la beauté et de Phaenna ou la splendeur, celles-là sont vraiment des Grâces ainsi qu’Aglaé ou la réunion harmonieuse des deux précédentes. Quant à Euphrosine ou la joie, et Thalie ou les festins, elles forment un complément de la vie domestique, sans être un des besoins de la perfection humaine. Cependant d’après un vase antique, seul monument où elles soient autrement désignées, il paraît que les trois Grâces portaient encore les noms de Gélasie ou les ris, de Comasis ou la Grâce des festins, et de Léchoris, ou la déesse des moelleux couchers. Triade qui semble vouloir plus particulièrement harmoniser ensemble la beauté ou Vénus avec la joie et les plaisirs des sens de toute nature.
Du reste le grand pouvoir attribué aux Grâces était de charmer et embellir tous les âges et de présider surtout aux bienfaits et à la reconnaissance. Le culte des Grâces, institué pour la première fois par Etéocle roi d’ Orchomène en Béotie, fils d’Andrès et d’ Evippe, passa chez les Athéniens, puis il se répandit en Grèce et en Italie. Dans ces transmissions le culte des Grâces subit une foule de changemens, car les déesses pour lesquelles il avait été institué, n’avaient pas toujours la même origine, puisque si d’habitude nous les prenons pour filles de Bacchus et de Vénus, souvent aussi elles passaient pour filles de Jupiter et de Junon, ou de Jupiter et d’Aglaïa ou Evanthès, ou Eurynome ou Eunomie, l’une des heures, ou pour filles de Jupiter et de Thémis ou de Junon, ou du Soleil et d’une Eglé, ou d’une mère inconnue, ou bien enfin d’Etéocle et d’une nymphe quelconque. Pourtant les Lacédémoniens réclamaient l’honneur de leur origine et l’attribuaient à Lacédémon, le quatrième de leurs rois.
On suppose qu’elles restèrent toujours vierges ; pourtant la plus jeune, ou Pasithée, suivant Homère, avait choisi le sommeil pour époux. Les Grâces ont toujours brillé du beau idéal, elles font {p. 175}naître l’idée de vertus, sagesse, douceur, amour et plaisir ; elles avaient pris, dit-on, pour séjour préféré, les bords charmans du Céphise ; aussi les surnommait-on, Ethéoclées et Déesses du Céphise ou d’ Orchomène. Elles avaient des temples particuliers à Byzance, à Delphes, à Elis, à Pergé, à Périnthe et dans d’autres villes de la Grèce ou de Thrace. Cependant leur culte était presque toujours réuni à celui d’une autre divinité, ainsi on les invoquait en même temps que l’amour, Bacchus, Mercure et les Muses ; le jour d’une bataille, Sparte leur sacrifiait comme à l’amour et, dans les festins, si l’on invoquait les Muses, on buvait aussi trois coups en l’honneur des Grâces.
Ces compagnes de Vénus avaient plusieurs fêtes, dont les principales étaient les Charisies, danses nocturnes pendant lesquelles on distribuait des gâteaux de maïs et de miel. Le printemps leur était consacré ; car on le regardait comme la saison de l’amour, des fleurs et des Grâces.
On les représentait formant des groupes composés de trois jeunes filles brillantes de beauté, au visage riant, au front pur et aux formes élancées, toujours nues avec les cheveux noués et laissant négligemment flotter quelques mèches des deux côtés de la tête ; leur pose est celle de trois danseuses, ayant chacune un bras élevé tandis que l’autre s’arrondit moelleusement autour de la taille de la Grâce, qui se trouve à sa droite. Quelquefois les deux bras s’appuyent sur les épaules des deux voisines ; quelquefois elles tiennent en main des fleurs, des dés ou du myrte ; alors ce sont les trois saisons. Enfin on voyait encore le groupe des Grâces, entouré par des satyres et même souvent on plaçait de petites figures de leurs triades, dans des statues creuses, de satyre qui s’ouvrant à volonté laissaient apercevoir ces jeunes suivantes de Vénus : idée ingénieuse rapprochant, de la laideur spirituelle, la beauté physique et morale, la plus parfaite. Nous avons dit qu’après les Grâces, on trouvait encore à la suite de Vénus : les jeux, les ris, Pothos ou le désir, Pitho ou la persuasion, et une foule de nymphes parmi lesquelles on distinguait surtout Acménès, Epidamnia fille d’Epidamnios et Péristère.
Les Jeux qui présidaient aux délassemens du corps et de l’esprit, étaient représentés comme de jeunes enfans nus, riant avec les Grâces et portés sur les ailes de papillons, ou voltigeant et folâtrant autour de Vénus. Le Dieu des ris ou Gelasios, adoucissait les peines de la vie ; il était fort honoré à Lacédémone et Lycurgue lui-même, lui avait consacré dans cette ville une statue, que l’on plaçait toujours auprès de celle de Vénus en compagnie des Grâces et des amours, et les Romains lui avaient élevé un temple après la bataille de Cannes, sous le titre d’Aedicula Ridiculi. Quant à la persuasion ou Pitho des Grecs, ou Suada et Suadela des Romains, elle était prise pour fille de Vénus. Egialée lui fit bâtir un temple à Mégare, parce que, disait-on, Apollon et Diane, pendant une peste qu’ils avaient fait surgir dans la Thébaïde, s’étaient laissé fléchir par sept jeunes garçons et sept jeunes filles. On voyait en outre dans le temple de Bacchus de cette ville, une statue de Pitho de la main de Praxitèle, et Phidias en avait sculpté une autre sur les marches du trône de Jupiter Olympien couronnant Vénus.
Passons maintenant aux enfans de Vénus, que nous connaissons déjà sous les noms de l’Amour, de l’Hymen, de {p. 176}l’ Harmonie, d’Erix, d’ Enée, d’Hermaphrodite, de Priape et des Grâces. Rien ne nous restant à dire au sujet de ces dernières, faisons plus ample connaissance avec l’amour, ce fils bien-aimé de Vénus.
Eros ou l’ Amour, que l’on appelait aussi Cupidon ou Iméros et Protogone ou le premier né, portait encore les surnoms suivant : Ales ou sans aile, parce que, disait-on, les dieux le punirent un jour de ses malices, en lui coupant les ailes ; Aliger Deus ou le Dieu ailé. Claviger ou le porte-clefs, comme gardien de la chambre à coucher de Vénus ; Cannius ou de Cannes ; Cythereus et de Cythérée ou du mont Cythéron, ou l’amour en désir ; Letheus, ou qui fait oublier ; alors il plongeait un flambeau dans l’eau ; Oogenès ou né d’un œuf ; Pandemos ou l’amour vulgaire et charnel du peuple en Grèce et en Egypte ; Phanès, ou qui parut le premier à la lumière ; Prœpes Deus et Psythiros, ou le babillard ; Telifer puer ou l’enfant porteur de traits.
L'amour est un être allégorique, que quelques uns regardent comme principe primitif de toute fécondité, comme la puissance active qui pousse tous les êtres d’une manière invincible, les uns vers les autres ; cependant, on dit aussi qu’il n’est que le résultat de l’immense océan de fécondité active. Hésiode le fait s’unir au Chaos pour enfanter les Dieux, même avant la création, puis les hommes et les animaux ; il le met donc au nombre des principes de la nature. Plusieurs disent qu’il est fils de la Nuit et d’ Hérèbe ; d’autres qu’il est fils d’Ilithye et de Jupiter. Selon Aristophane, qui ne fait que reproduire l’opinion d’une école orphique, la Nuit fécondée par Zéphyre ou par Ether pondit un œuf qu’elle couva sous ses sombres ailes, et donna naissance à l’Amour. Platon assure que Pénia, déesse de la pauvreté, fécondée par Jupiter ou par Porus, le Dieu des richesses, enfanta Eros, et que Vénus l’adopta. Sapho le donne pour fils au ciel et à la terre ; Alcée à Erix ou la discorde, fécondée par l’air ; les orphiques le font naître de l’union de Philia ou l’amitié et de Philotes, ou le rapprochement. Il en est d’autres qui le font simplement fils de Vénus et de Vulcain ; ou de Vénus et de Mercure. Il n’est point de divinité dont l’origine ait plus de variantes. Cependant on le regarde généralement comme fils de Vénus et de Mars, ou bien enfin de Vénus et de Jupiter ; mais cet Eros ou amour exprimant un principe de vie, indispensable à la transmission des générations, est une personnification dont il fallut, on le conçoit, faire remonter l’origine à l’origine même des mondes. Alors Eros peut être pris pour fils de tous les personnages que nous venons d’indiquer ; puis le nom d’Eros signifiant amour, servit à faire chez les Grecs le mot Hoéros maître, et chez les Romains, celui Hereditas ou hérédité, ou transmission de génération à génération. L'esprit de ce mot n’a donc point totalement disparu en passant d’un peuple chez un autre ; seulement la personnification du Dieu qui le porte, s’est dédoublée, c’est-à-dire que l’on a supposé que ce même Dieu devait être la réunion de plusieurs personnages distincts, et dès lors, on a donné une naissance et des attributs particuliers à chacun de ces personnages ; ensuite les divers noms et surnoms que nous lui connaissons.
Maintenant expliquons ces divers noms : d’abord comme Protogone, il indique un dieu Phénicien de première origine, et il est alors le principe générateur, le plus ancien. En passant chez les Grecs, il resta toujours une des essences de la génération {p. 177}des races, mais il devint Eros, ou Amour ; il devint un sentiment tendre et céleste et même précieux aux hommes sages ; dès lors, on lui reconnut un père, une mère, et il fut fils de Jupiter et de Vénus. Plustard on le dédoubla et l’on créa Cupidon ou Imeros. Sous cette forme il fut encore un dieu générateur, mais un dieu violent, sans cesse désireux et emportant dans son vol rapide les fous à leur perte. Alors il fut, d’après Hésiode, fils du Chaos et de la Terre ; d’après Simonide, de Vénus et de Mars ; d’après Alcée, de Zéphyre et d’Erix ou la discorde ; d’après Sapho, de Vénus et de Cœlus ; d’après Sénèque, de Vénus et de Vulcain ; d’après Cicéron, de l’Hérèbe et de la Nuit, et d’après d’autres enfin, de la Nuit seule, qui mit au jour un œuf, le couva sous ses sombres ailes, et fit éclore Cupidon, lequel aussitôt déployant ses ailes dorées, prit son essor à travers le monde naissant.
Beaucoup plus tard chez les Grecs, Aristophane se rapprochant d’Hésiode soutint que l’Amour bienfaisant, revêtu d’ailes dorées, s’était uni au Chaos, d’où il était résulté les hommes et les femmes ; il n’y avait donc point de race humaine avant l’arrivée de l’Amour.
Enfin on vit naître une foule d’Amours différens : ainsi Anteros ou l’Amour réciproque, puis l’Amour Citharide, l’Amour de la gloire, de la patrie, de soi-même, l’Amour dompté, excessif, muet, platonique, et plutonique ; puis les modernes inventèrent l’Amour divin, et l’Amour du prochain.
La bizarrerie de certaines unions ayant été remarquée chez les anciens comme de nos jours, on fit une fable charmante. On supposa que l’Amour jouant un jour avec la Folie, il s’éleva une querelle entre eux. L'Amour proposa d’assembler le conseil des dieux, pour juger leur différent ; mais la folie n’ayant pas la patience d’attendre lui donna un coup si furieux qu’il en perdit la vue. Vénus aussitôt en demanda vengeance, et les Dieux d’un commun accord condamnèrent la Folie à toujours avoir un habit de diverses couleurs, garni de grelots, à porter une marote à la main, et à servir ainsi de guide à l’Amour.
Cependant, tout aveugle qu’il fut, il n’en lança pas moins ses traits ; aussi il arriva qu’il atteignit quelquefois il est vrai des cœurs faits les uns pour les autres ; mais que le plus souvent, il frappa à faux et causa les ménages chagrins et mal assortis.
L'amour fut proscrit de l’ Olympe dès sa naissance par Jupiter, qui pressentait tous les maux dont il serait cause un jour. Alors Vénus le confia aux habitans des forêts de l’île de Chypre ; là, il fut nourri par des bêtes sauvages dont il retint pour lui-même dans la suite un peu du caractère. Bientôt il se fit un arc léger avec une branche de frène, et un carquois rempli de flèches de cyprès ; puis il les essaya sur les animaux qui l’avaient nourri.
Il paraît que plus tard ses traits étaient d’or et de plomb ; après en avoir fait usage contre les bêtes féroces, il finit par s’en servir pour blesser les cœurs et s’en rendre maître : les premiers ne faisaient qu’effleurer, et rendaient plus aimés et plus aimans ; mais ceux en plomb causaient de profondes blessures, sources de regrets, de jalousies, d’ingratitudes, de froideurs et de dégoûts de la vie.
Dans les forêts, en suçant le lait des bêtes sauvages, et rarement celui de sa mère, l’Amour resta fort long-temps enfant ; à la fin Vénus s’en plaignit à Thémis, déesse de la justice et conseillère des Dieux. Alors, celle-ci lui donna le conseil, pour le faire grandir, d’avoir un autre fils. {p. 178}Ce fut, dit-on, à la suite de cet avis que la belle Cypris renoua ses liaisons avec le dieu de la Guerre, et devint mère d’Anteros, mot grec qui peut signifier Amour pour Amour ; aussitôt Cupidon grandit à vue d’œil. Cependant quelquefois on regarde Antéros comme un dieu guérissant et ennemi de l’Amour ; mais alors il est fils de la nuit et de l’Hérèbe, ou de la Nuit et de l’Enfer, et a pour compagnons, l’Ivresse, le Chagrin et la Discorde.
Presque toujours, l’Amour porte des ailes, dont les couleurs brillantes réfléchissent l’or, la pourpre et l’azur ; ces nuances variées offrent l’emblème de l’inconstance, son caractère distinctif. Un jour étant avec sa mère dans une prairie parsemée de fleurs et se confiant dans la rapidité de ses ailes, il lui proposa un défi que Vénus accepta. Ce défi était, qu’il cueillerait en quelques minutes plus de fleurs qu’elle ne pourrait en ramasser. Cupidon aussitôt courut de fleur en fleur, et voltigea devant sa mère ; déjà il allait peut-être gagner la gageure, mais la nymphe Péristère, compagne de Vénus, se mit à aider la reine de Paphos. Alors sur le champ la corbeille fut remplie, et l’Amour fut vaincu. Piqué de cette conduite, Cupidon, nous le savons, changea cette nymphe en colombe. Malgré son mauvais succès, il n’en a pas moins conservé son caractère volage, capricieux et inconstant.
Il avait été, avons-nous dit, exilé de l’Olympe dès son enfance par Jupiter ; mais pendant son exil, Vénus cherchait sans cesse l’occasion de le réconcilier avec le maître des Dieux. Enfin le moment favorable arriva, car Pèlée, devant épouser Thétis, tous les Dieux furent invités à leurs noces, excepté l’Amour et la Discorde, qui n’eurent pas la permission d’y venir. Cependant Vénus, saisissant la circonstance, dit à Thétis : Jupiter a proscrit mon fils dès sa naissance, vous pouvez tout aujourd’hui, obtenez son pardon, et comptez sur sa reconnaissance. Thétis promit et Junon voulut bien également intercéder pour lui. Quand l’Olympe fut assemblé dans le temple de l’Hyménée ; Thétis parut tenant l’Amour par la main, et fut le présenter à Jupiter qui, à sa prière et à celle de la reine des Dieux, lui accorda sa grace. Aussitôt, l’Amour vola sur ses genoux, et le caressa. La Discorde seule ne fut donc point admise, dans cette solennelle réunion. Déjà nous avons vu quel fut le triste résultat pour Troie, de cette fatale exclusion.
Dès que l’Amour eut acquis toute sa force et conquis sa divinité, il devint le premier ministre de sa mère et souvent l’exécuteur de ses vengeances. Ainsi Vénus ayant appris un jour que certain peuple de la terre lui comparait une nommée Psyché ou ame, fille d’un roi inconnu, fut outrée de colère, et pour la perdre, se livra à des excès de jalousie dont plus tard elle eut à se repentir. Voici comme le fait arriva :
Cette Psyché avait deux sœurs aïnées peu aimables et qui la tourmentaient, parce qu’elle les surpassait également de beaucoup en beauté. Ces deux sœurs se marièrent, et Psyché resta seule auprès de ses parens, elle leur prodigua tous ses soins. Chaque jour venait développer ses graces ; sa beauté ravissante excitait partout une admiration générale. D'abord on la compara à Vénus, ensuite on osa la préférer à cette déesse. On lui éleva un temple où l’on fit brûler de l’encens en son honneur, et le culte de Vénus fut presque abandonné. Cette préférence enfin excita dans le cœur de Vénus une telle jalousie qu’elle fut trouver son fils, lui fit jurer qu’il punirait son indigne rivale, en la {p. 179}perçant de ses traits et qu’il ferait soupirer cette téméraire pour le monstre le plus terrible de l’univers. A peine l’Amour a-t-il promis à sa mère de la venger, qu’un oracle vient épouvanter la contrée. Il annonce que les Dieux ordonnent aux parens de Psyché de la conduire sur la cime d’une montagne déserte, de l’y abandonner, et de la laisser attendre là le monstre qui doit être son époux. Les vœux et les prières de la foule éplorée furent stériles et ne purent protéger Psyché. Son père, sa mère, le peuple, les yeux noyés de larmes, la conduisent jusqu’au pied du rocher qui doit être ou sa tombe ou l’asile de sa misère. Son pauvre père accablé sous le poids de la douleur lui fait ses derniers adieux ; sa mère l’embrasse pour la dernière fois, et le morne silence de cette scène douloureuse n’est interrompu que par de nombreux sanglots. Psyché, une fois restée seule, gravit péniblement un sentier escarpé et parvient sur le sommet du rocher.
Là, après avoir considéré ces lieux déserts, elle plonge avec effroi ses yeux sur les abymes qui l’environnent et croit à chaque instant voir sortir du fond de ces antres redoutables le monstre qu’elle attend pour époux. Fatiguée par ces pensées déchirantes, elle s’assied et s’endort. A son réveil, quel fut son étonnement quand elle se vit au milieu du plus beau des palais ; les lambris en étaient d’or, les voûtes de marbre et de cristal ; les plus beaux tapis en ornaient les murs ; tout portait l’empreinte d’une main divine. Les jardins, les bosquets, étaient plantés d’arbres odoriférans ; des massifs de fleurs exhalaient les odeurs les plus suaves ; partout des instrumens invisibles exécutaient une musique harmonieuse. Psyché allait sans cesse du palais dans les jardins, et des jardins aux bosquets ; mais elle ne rencontrait aucune figure humaine. Seulement elle entendit une faible et tendre voix qui lui dit : Ici vous êtes souveraine, désirez, vous serez obéie. En effet, à peine avait-elle désiré, que des êtres invisibles lui apportaient tour à tour une brillante toilette, ou un festin délicieux, ou faisaient entendre les concerts les plus agréables.
Enfin la nuit vint ; Psyché se coucha ; bientôt au milieu des ombres de la nuit les rideaux s’entr'ouvrent, l’époux terrible se glisse à ses côtés ; mais sa main frémissante repousse en tremblant la main qu’il lui offre ; et pourtant que cette main est douce ; peut-il être aussi épouvantable qu’on le dit, pensait-elle ; car elle n’osait parler. Pendant ses réflexions, le monstre lui prodiguait de brûlantes caresses, aussi elle ne tarda point à se sentir elle-même enflammée de feux inconnus. Alors elle oublie ses craintes, le danger qui la menace ; et, dans ses transports, elle jure au monstre que Psyché est sensible à son amour, tant elle était persuadée que son amant ressentait les feux qui l’embrasaient. Puis elle ferma les yeux et se livra au sommeil du matin.
A son réveil, elle étend les bras, cherche, cherche encore, veut trouver son amant ; mais, ô chagrin ! il avait disparu. Alors adieu bonheur. Hélas ! dit-elle, quel est cet époux dont les formes sont divines, dont la puissance et la richesse satisfait mes souhaits, presque avant qu’ils soient formés ? Pourquoi me cache-t-il ses traits ? Pourquoi ne pas se nommer à moi ? Ces pensées redoublent sa curiosité, et le désir de le voir, de le connaître, lui rend la journée éternelle. Enfin la nuit ramena l’époux invisible. Psyché l’entendant s’approcher lui dit : Si vous m’aimez, ô monstre adorable, prouvez-le moi en vous montrant {p. 180}à mes regards ; si j’ai de l’empire sur vous, prononcez votre nom ? Alors elle reçut cette réponse : ô Psyché, la curiosité souvent est l’écueil du bonheur. Craignez surtout de vous y laisser entraîner ; vos sœurs comme vous cherchent à me connaître. Demain elles vous appelleront, si vous leur répondez, vous êtes perdue. A ces mots, Psyché reprit en pleurant : Quoi ! vous méconnaissez ainsi mes pauvres sœurs ; que ne puis-je en les voyant vous prouvez la bonté de leur cœur ; si vous m’aimez, accordez-moi ce plaisir. Eh bien ! voyez-les ; je l’accorde ; comblez-les de présens ; mais je vous en préviens, défiez-vous de leurs perfides conseils.
Dès le matin, les sœurs paraissent, et après avoir embrassé Psyché, avoir admiré la beauté divine du palais et de ses apanages, l’envie succède à l’admiration ; la jalousie s’empare de leur cœur, et la curiosité leur fit faire mille questions. Quel est donc cet époux ? que fait-il, que dit-il, est-il jeune, est-il beau. Psyché confuse leur répondit, mon époux est un jeune prince qui passe tous les jours à la chasse. Elle combla ses sœurs de présens, et les fit conduire chez leur père par Zéphyre. Là, elles se livrèrent à tout ce que la rage et le dépit peuvent avoir de plus affreux, et résolurent de la perdre.
La nuit suivante, Psyché demanda encore à son époux son nom et ce qu’il était ; mais il ne voulut pas la satisfaire, et lui dit : Ce que vous désirez vous serait fatal. Piquée de ce refus, elle fut triste toute la journée ; ses sœurs l’ayant remarqué, lui demandèrent la cause de sa tristesse. Hélas ! dit-elle, j’aime mon époux et lui m’adore, cependant je ne puis le voir ni le connaître. Quoi ! dirent-elles, il vous tait son nom et craint la lumière ; il faut alors que ce soit un grand coupable. Mais qu’avez-vous besoin de lui demander à le voir, ou qu’il vous dise son nom. N'est-il pas un moyen sûr de le savoir sans lui faire tant de questions ; tenez, prenez cette lampe ; cachez-la près de votre lit, et dès qu’il sera endormi, levez-vous sans bruit, ouvrez votre lampe, et de ce glaive, tranchez-lui la tête. A ces mots, les perfides embrassent leur sœur et quittent le palais enchante.
Psychécédant à leurs insinuations attendit la fin du jour avec l’espérance de connaître l’objet de ses désirs. Enfin la nuit arrive, son époux repose sur son sein ; peu à peu elle s’en dégage, se glisse doucement hors du lit, et s’avance à petits pas vers l’endroit où elle avait caché sa lampe et le glaive ; puis saisissant l’un et l’autre, elle revient d’un pied craintif vers le lit nuptial. Là, elle voit pourtant son amant, saisie d’admiration elle dévore des yeux ses traits enchanteurs ; mais elle n’est pas satisfaite, elle veut s’enivrer de son parfum divin, elle veut pouvoir effleurer ses lèvres amoureuses. Alors pour respirer son haleine, la jeune curieuse hors d’elle-même se penche : mais, ô malheur ! elle laisse tomber de la lampe qui tremble dans ses mains une goutte brûlante sur le sein de son époux. Tout à coup, le Dieu s’éveille et s’enfuit à tire d’aile. Infortunée, dit-il en partant, ma mère m’avait ordonné de vous livrer à un monstre pour époux, je me suis donné moi-même, maintenant je ne puis plus être à vous. Adieu ; mais je le jure, je punirai vos sœurs. Soudain le palais disparaît, et Psyché se trouve seule au milieu du plus affreux des déserts. Accablée sous le poid de la douleur, elle respire à peine ; son cœur suffoqué allait s’anéantir, quand des larmes s’échappant la font revenir à elle-même, malheureusement tout n’est {p. 181}autour d’elle que silence et désolation. Cependant tout-à-coup elle entend le bruit d’un torrent, aussitôt éperdue elle court vers cette onde mugissante et s’y précipite, mais les ondes la reçurent avec respect et la déposèrent mollement sur l’autre rive.
[n.p.]Psyché désolée de ne pouvoir quitter une vie aussi malheureuse, ni trouver une mort qu’elle désirait, s’abandonne enfin à sa destinée et suit au hasard le premier chemin qui se présente devant elle. Au bout de trois jours elle arrive dans la petite ville où règne sa sœur aînée. Alors il lui vient une pensée de vengeance : elle lui raconte que l’amour, après l’avoir abandonnée, va épouser sa seconde sœur. L'aînée, furieuse de cette préférence, vole vers le palais enchanté pour en avoir raison. Mais d’un autre côté Psyché court annoncer tout le contraire à sa seconde sœur, qui par les mêmes motifs que l’aînée, se dirige également au palais qu’elle avait vu si brillant. En arrivant tour-à-tour sur le rocher, l’une et l’autre appellent Zéphyre qui jusqu’alors avait été fidèle à leurs ordres, et croyant encore s’abandonner à lui, elles se précipitent et disparaissent au fond de l’abîme. Telle fut la vengeance que l’amour tira de leur perfidie. Après ce malheur, Vénus apprit de la renommée que son fils était malade, alors elle vole auprès de lui, le trouve en effet souffrant et couché qui attend ses soins empressés. Quant à Psyché, elle continue à chercher vainement son époux, arrive sur le sommet d’une montagne où était un temple dédié à Cérès, là elle se met à genoux et supplie la déesse de lui accorder un asile ; mais Cérès ne voulut pas l’écouter : elle éprouva la même dureté de la part de Junon. Après ce second refus Psyché n’osa plus se présenter chez aucune divinité. Dans cette extrémité, confiante dans la générosité de Vénus, elle fut se jeter à ses genoux, mais la superbe déesse dont l’inflexible jalousie n’avait fait qu’augmenter, en apprenant que Psyché était enceinte, sourit de plaisir en la voyant, puis la fait charger de chaînes et battre de verges. En vain l’amour à ses pieds implore sa bonté, elle ne veut rien écouter : cependant fatiguée à la fin de ces supplications inutiles, elle feint de pardonner à certaines conditions, et impose à Psychée des travaux que tout fait supposer au-dessus de ses forces. Elle lui ordonne, par exemple, d’aller puiser à une fontaine, que gardent des serpens furieux, une onde noire et fétide ; d’aller chercher dans des lieux inaccessibles un flocon de laine dorée, de séparer dans quelques heures des grains de blés de diverses espèces entassés pèlemèle. Humble et soumise, Psyché, sans dire un mot, obéit, quoique sans espoir ; mais un secours invisible l’aidait à vaincre toutes ces difficultés. Vénus que tant de soumission aurait dû apaiser, lui ordonne encore d’aller aux enfers et de demander de sa part à Proserpine une boîte de beauté pour réparer celle qu’elle a perdue pendant la maladie de son fils. Psyché part aussitôt sans savoir quel chemin prendre, ni quels étaient les moyens de triompher des obstacles qui se présenteraient, et grace à l’assistance secrète de celui qu’elle avait offensé, en enfreignant les ordres dictés par la tendresse, elle surmonte tous les obstacles et franchit l’étroit passage que garde Cerbère. Elle traverse le Styx et arrive au pied du trône où siége Proserpine. La déesse infernale lui donne la boîte qu’elle demandait, et lui recommande de ne pas l’ouvrir. Mais soit curiosité, soit désir de s’approprier un peu de {p. 182}cette beauté contenue dans la boîte, elle désobéit aux ordres qui lui avaient été donnés, tout-à-coup une vapeur infernale se répand autour d’elle et la plonge dans un sommeil léthargique. Heureusement son invisible protecteur était là. Il recueille la noire vapeur, la fait rentrer dans la boîte qu’il referme avec soin ; puis il ranime par ses baisers sa chère Psyché, qui était étendue, pâle et livide sur la grève des enfers. O ma tendre amie, lui dit-il, allez promptement porter cette boîte à ma mère, et moi je vais supplier Jupiter de vous élever au rang des immortelles et de consentir à notre hymen. Le maître du tonnerre exauça la prière de l’amour, et força Vénus à donner son consentement. Psyché alors entra dans l’Olympe, et les dieux reçurent leur nouvelle sœur avec des transports de joie. Jupiter la prit par la main et lui présenta l’ambrosie.
Peu de temps après, Psyché devint mère de la Volupté, appelée aussi Volupie, nouvelle Vénus, qui ne chercha bientôt que le plaisir. On la représentait sous les traits d’une belle femme, aux longs regards et aux yeux languissans, aux lèvres humides et aux joues colorées ; assise sur un trône, ayant à ses pieds la vertu, autour d’elle des parfums, et tenant un miroir à la main. Quant à Psyché dont l’allégorie marque si bien toute la puissance que l’amour et nos passions ont sur notre ame, les anciens la représentaient comme une jeune et brillante beauté, remplie de graces et de formes parfaites ; ayant des ailes de papillon aux épaules, afin de caractériser la légèreté de l’ame dont ce volage insecte est le symbole.
Que devint le sentiment de l’amour pour Psyché après son entrée dans le cercle divin, c’est un point fort obscur ; et nous ferons bien de croire qu’ils restèrent bons époux. Cependant nous pouvons nous souvenir que l’amour but des eaux du fleuve Sélemne, alors il continua bientôt probablement à voltiger en laissant également Psyché papillonner.
Pendant cette aventure, que l’amour avait fait naître, en se blessant d’un de ses propres traits, dès qu’il eut vu Psyché, le temps se passa et l’amour prit des années ; pourtant ce dieu volage conserva toujours les traits, la taille et la fraîcheur d’une jeune enfant. Sa physionomie n’eut point le caractère naïf de l’innocence, mais on vit percer à travers la douceur de son expression, quelque chose de perfide, et la malignité fut toujours peinte sur sa figure. Les anciens le regardaient comme le plus beau des habitans de l’Olympe. On le représentait sous les traits d’une jeune enfant, ayant un bandeau sur les yeux et se tenant auprès de la folie, qui lui sert de guide. Souvent on le montrait comme un enfant aux formes un peu grandes, à l’air riant, à l’œil malin, se balançant sur ses ailes, l’épaule chargée d’un carquois, rempli de flèches, ayant un arc à la main et souvent prêt à décocher le trait fatal. Tantôt on le voit à genoux, tantôt il est représenté voltigeant autour de sa mère.
Cependant comme dans les temps postérieurs à l’origine de la religion grecque, on reconnut plusieurs espèces d’amour, et que le nombre s’en est accru, plus on s’est rapproché des modernes, il est bon de savoir quels sont les emblèmes qu’on leur prête pour pouvoir les distinguer : ainsi Cupidon ou Imèros, est ordinairement représenté d’un manière toute spéciale, sous la figure d’un enfant de sept à huit ans, ayant un air désœuvré, portant sur le dos son carquois rempli de flèches ardentes d’or et de plomb, et tenant son arc dans ses mains, pour montrer sa {p. 183}puissance sur les ames. Quelquefois pourtant il tient une torche allumée, ou porte un casque et une lance ; d’autres fois il est couronné de roses, emblème des plaisirs éphémères qu’il procure, ou bien Dieu cruel, il aiguise ses flèches sur une pierre qu’il a teint de son sang. Quant à Eros ou amour, il est aveugle, car il ne voit jamais de défauts dans l’objet aimé ; puis tantôt il tient une rose d’une main et un dauphin de l’autre, ou il a un doigt sur sa bouche, pour commander la discrétion ; tantôt on le place entre Hercule et Mercure, afin de montrer qu’il faut toujours à l’amour adresse et courage ; d’autres fois il est placé conduisant un char ou monté sur des lions, des panthères ou des tigres, pour faire voir que tous les animaux sont obligés de se soumettre à sa loi. Mais la plupart du temps il est auprès de la fortune, pour indiquer qu’il agit en aveugle ; toujours aussi il a des ailes d’azur, de pourpre ou d’or ou même celles d’un vautour, pour montrer que dans tous les rangs de la société, il est fugitif, volage et cruel.
L'amour n’était pas toujours enfant, on le représentait aussi plein de fraîcheur et de jeunesse, alors c’était l’amant de Psyché. Comme Antéros, l’amour est doublé aussi pour le représenter, on peint deux amours enfans, ayant l’un et l’autre des ailes, un carquois, des flèches et un baudrier. Si par cet Anteros on entend une divinité guérissant de l’amour, on pourrait le peindre sous les traits d’une vieille femme, laide et sale, et pourtant cherchant à enchaîner l’amour.
Quant aux autres amours d’inventions modernes, ils sont représentés de diverses manières : le Citaride tient un luth ou guitare ; celui de la Gloire est un enfant ailé, couronné de lauriers, et tenant en ses mains plusieurs couronnes ; celui de la patrie tient une couronne civique ou de chêne ; l’amour dompté est assis, son flambeau est éteint, et il foule aux pieds son arc et ses flèches, il ne tient plus qu’un sablier dans la main droite et un plongeon dans la gauche ; l’amour excessif est un singe étouffant un de ses petits à force de le serrer entre ses bras ; l’amour muet est un Harpocrate ou le dieu du silence ailé, c’est-à-dire que l’amour alors est représenté ayant un doigt sur la bouche ; puis vient l’amour divin, il n’a plus rien de payen, il est représenté tenant en ses mains un cœur enflammé et agenouillé devant un autel en portant le nom de Dieu inscrit sur l’estomac ; l’amour du prochain est encore la personnification d’une qualité chrétienne, c’est un jeune homme couronné d’oliviers, portant au cou et au bout d’une chaine, un cœur pendant sur sa poitrine, à ses pieds sont des bourses d’or et d’argent, une vigne et une cigogne, pour montrer aux infortunés qu’il est prêt à les secourir de sa fortune, de ses conseils et de son appui ; l’amour de soi-même, est un beau jeune homme, qui se mire dans une fontaine limpide, ou bien une jeune femme portant une besace, qu’elle ferme de la même main qu’elle tient une baguette, tandis que de l’autre elle porte une des fleurs appelées Narcisses et un paon qui contemple sa queue.
L'amour avec l’entourage de puissance qu’on lui prêtait, avait un culte des plus répandus dans la Grèce et à Rome, aussi on l’honorait en tous lieux, par des fêtes, des vœux, des prières et des sacrifices qu’il recevait seul, ou qu’il partageait avec sa mère. Ces fêtes s’appelaient les Eleuthéries chez les Samiens, qui les célébraient en l’honneur de Cupidon, et chez les esclaves, pour célébrer le jour qui les avait rendus à la liberté ; les {p. 184}Erosanthies dans la Peloponèse : alors des femmes se réunissaient pour cueillir des fleurs en l’honneur d’Eros ; les Erotidies ou Eroties en Grèce, où elles avaient été instituées en l’honneur du même Dieu ; c’étaient des jeux pendant lesquels à la plus petite discussion, on offrait pour rétablir le calme des sacrifices à l’amour. Le myrte était son emblème, en même temps qu’il était consacré à Vénus, parce que, dit-on, l’eau distillée de ces feuilles est favorable à la beauté, et que rien ne peut croître sur le terrain dont il s’est emparé. On avait également adopté le chèvrefeuille pour emblême des liens d’amour ; le tilleul pour celui de l’amour conjugal en mémoire de Baucis, qui fut changée en cet arbre ; l’œillet des fleuristes pour le symbole de l’amour pur et vif ; l’acacia pour celui de l’amour platonique, ou tranquille, chaste, et patient ; la mousse pour celui de l’amour maternel, comme servant de nid aux petits des oiseaux, et le seringa pour exprimer l’amour fraternel.
Les anciens nous ont conservé pour exemple de l’amour tendre et innocent, les noms de Crocos, mari de Smilax ; ces deux époux s’aimèrent avec une passion si long-temps soutenue, que les Dieux pour les récompenser, changèrent Crocos en safran et Smilax en if.
Quant à la fleur symbole de l’amour de soi-même, voici à quelle aventure elle dut sa naissance : Narcisse, fils ou petit-fils de Céphise qui fut changé en monstre marin, et de la nymphe océanide Liriope, avait méprisé la beauté d’Echo nymphe de la suite de Junon. Cette jeune nymphe était tellement éprise du beau Narcisse, qu’elle le suivit long-temps, sans pourtant se laisser voir. Puis blessée des mépris de son amant, elle se retira au fond des bois, et n’habita plus que les antres et les rochers ; consumée de douleurs et de regrets, il ne lui resta que les os et la voix. Cependant Junon, qui ne voyait plus Echo à ses côtés, en fut tellement blessée, que sans avoir pitié de son douloureux état, elle se souvint qu’elle avait servi Jupiter auprès d’elle en l’amusant de ses discours, tandis qu’il était avec une de ses maîtresses. Elle profita donc de l’occasion et pour la punir, elle la condamna à ne plus parler sans qu’on l’interogeât et à ne répondre que les derniers mots de la demande qu’on lui ferait. D'un autre côté Némésis, déesse de la vengeance, ayant pris parti pour Echo, se chargea de punir Narcisse, ce qu’il ne put éviter, quoique le devin Tirésias, pour le détourner de ce malheur, eût prédit à ses parents, qu’il mourrait dès qu’il se verrait ; en conséquence on éloigna de lui tout miroir et toute surface unie et brillante ; mais un jour étant au bord d’une fontaine limpide, sur les frontières des Thespiens, il vit tout-à-coup sa propre figure dans le miroir de ses eaux. Aussitôt il devient amoureux de sa ressemblance et se laisse au même endroit consumer d’amour et de désir. Ce délire l’accompagna jusqu’aux enfers où, disent les uns, il continua à se regarder encore dans les eaux du Styx ; mais suivant d’autres après sa mort il fut changé dans la fleur qui porte son nom. Ce Narcisse, dit-on, était un prince amoureux de sa sœur jumelle, à laquelle il ressemblait ; sa perte l’ayant rendu inconsolable, il venait pleurer sur les bords d’une fontaine et n’adoucissait ses peines qu’en regardant sa propre image, dans les eaux limpides de cette fontaine, mais le sens caché de cette allégorie, est que l’excès de l’amour de soi-même est un aveuglement d’esprit, qui tôt au tard finit par causer les plus vifs chagrins.
{p. 185}L'Hymen ou hyménée, frère de l’Amour, était la personnification du mariage ; habituellement il suivait l’Amour dans le cortége de Vénus. Il passait quelquefois pour fils d’Uranus, ou bien d’Apollon et de Calliope ; mais le plus généralement, on le considérait comme frère adultérin d’Eros, et comme fils de Vénus et de Bacchus ; et puis on lui donne Ascale, fondateur d’Ascalon, pour propre fils. De tout cela, il résulte un personnage dont la généalogie est fort embrouillée ; car, puisqu’il est la personnification du mariage, et que Vénus, ainsi que Jupiter étaient mariés, avant les amours de cette déesse avec Bacchus ; comment se fait-il que l’Hymen brille si tard au grand jour. C'est une des mystifications obscures de la religion payenne des Grecs et des Romains. Quelques auteurs, cherchant à donner à l’hymen un sens allégorique fort entortillé, se rattachant à la fleur virginale de l’épouse qui disparaît le jour de ses noces, dans sa maison ; mais la fable la plus adoptée faisait passer l’Hymen pour un jeune homme d’Athènes, d’une extrême beauté, fort pauvre et de basse origine. Etant encore à l’état de cette jeune adolescence, où sans barbe au menton, l’on peut facilement être pris pour une fille ; il devint amoureux d’une jeune Athénienne, d’une naissance fort élevée à laquelle il n’osait déclarer sa passion, mais qu’il suivait partout où elle allait. Un jour, se trouvant travesti en femme, auprès de sa maîtresse et au milieu des dames d’Athènes, qui s’apprêtaient avec lui au bord de la mer à célébrer la fête de Cérès, il fut ainsi que toutes ses compagnes, enlevé pendant la procession par des corsaires qui, après les avoir transportés et débarqués sur un rivage éloigné, s’endormirent de lassitude ; Hyménée retrouvant le courage de son sexe, propose de tuer ces ravisseurs et commence à exécuter ce projet dont la réussite fut complète. Alors, il retourne à Athènes, déclare ce qu’il est, ce qui lui est arrivé, et promet de ramener toutes ses compagnes, si l’on veut lui accorder en mariage celle qu’il adore. La condition fut acceptée ; il épousa sa maîtresse, et depuis, en mémoire de cet heureux mariage, ils l’invoquèrent comme un dieu et célébrèrent en son honneur des fêtes appelées Hyménées. Plus tard à Rome, on adora de la même manière Thalassius, ou Talarius, ou Talasas qui, par sa valeur, lors de l’enlèvement des Sabines, avait mérité qu’on lui accordât la plus belle en mariage, union dans laquelle il trouva le bonheur, ainsi qu’une charmante et nombreuse famille. Aussi les Romains en avaient fait le Dieu des mœurs, de l’innocence et du mariage, et l’adoraient comme Hyménée l’était chez les Grecs. On rattachait autour de ce Dieu, Subigus ou Subjugus, qui présidait probablement à l’allégement du joug marital ; Jugatinus, dieu des mariages ; Domicius, qui faisait chérir le toit conjugal à l’épouse ; Suada ou Suadela, espèce de Pitho, ou conseillère persuasive du mariage ; ainsi que Volumnus et Volumna, divinités que l’on invoquait le jour des noces, pour qu’elles présidassent non seulement aux plaisirs sensuels de l’hymen, mais afin qu’elles établissent et entretinssent la bonne intelligence entre les nouveaux époux, ou du moins y disposassent leur bonne volonté. Lorsque son pouvoir avait échoué, alors on invoquait la déesse Viriplaca, dont le temple était sur le mont Palatin ; car c’était elle qui avait la pesante charge de mettre la paix dans les {p. 186}ménages, et de réconcilier les époux fâchés.
L'Hymen avait quelques temples particuliers. Le plus remarquable était celui de Cythère, où on l’adorait avec l’Amour. On a peint l’Hymen comme un jeune homme couronné de fleurs et surtout de marjolaine, ayant à la main un flambeau, sur la tête un flammeum ou voile jaune de flamme, et aux pieds des brodequins de même couleur ; suivant d’autres, c’était un beau blond, couronné de fleurs, enveloppé d’une robe blanche, également brodée de fleurs, et portant dans ses mains un flambeau et un arrosoir. On donne habituellement pour fils à Hyménée, Ascale, commandant de l’armée d’un roi de Syrie, au profit duquel il soumit le pays, où il fonda la ville d’Ascalon, que l’on sait avoir appartenu aux Philistins.
Le dernier enfant de Vénus fut Priape, qui portait les noms : d’Avistupor, l’épouvantail des oiseaux ; Lampsacène ou de Lampsaque ; l’Hellespontique, ou des bords de l’Hellespont ; Mutine et Muto et Muttune ou le Muet ; Orneate et Orneus, ou d’Ornée en Argolide ; Orthane à Athènes, Phalès chez les Cylléniens ; Pelops en Elide, et Tychon, dans l’Attique. Il était le dieu des jardins comme Pan, et l’on croyait que c’était lui qui les faisait fructifier ; il présidait aussi aux jeux et plaisirs obscènes ; on le disait fils d’une nymphe ou naïade appelée Chioné et de Bacchus ou de Vénus, et de Jupiter, ou plus habituellement il passait pour le fruit de Vénus et de Bacchus triomphateur des Indes. Junon, jalouse de la reine de Cypris, nuisit à l’enfant que Vénus portait dans son sein. A peine fut-il au monde, que sa mère fut effrayée de sa difformité et de l’énorme développement du caractère distinctif de son sexe. Vénus, honteuse d’avoir mis au jour un tel être, l’abandonna au moment de sa naissance, et ne voulut jamais avouer qu’elle était sa mère ; elle le fit même élever loin d’elle à Lampsaque. Des bergers prirent soin de son enfance ; par la suite, il devint le précepteur de Mars, dans l’art de la guerre ; puis il fut enseigner aux dames de Lampsaque les moyens d’obtenir en secret des plaisirs et des voluptés raffinés, qui furent si bien mis en pratique entre elles, qu’elles négligèrent leurs maris ; alors, ceux-ci se fâchèrent, et bannirent ce dieu de leur ville ; mais il fut bientôt rappelé ; car ces dames privées de leur protecteur, devinrent pâles et languissantes, et seraient incontestablement mortes, sans la présence de leur aimable protecteur. A son retour, après les avoir guéries, il devint l’objet de la vénération publique. Un âne, un jour, dit-on, le défia, et Priape fut vaincu. Furieux d’avoir perdu la victoire ; il tua son vainqueur. Priape était surtout honoré de la manière la plus licencieuse à Lampsaque, capitale de la Mysie. On lui offrait dans ses fêtes, qu’on appelait Ornées ou Priapées, des grains, du raisin, du miel, des fruits. On lui sacrifiait l’âne, qui par ses cris avait réveillé ou Rhée, ou la nymphe Lotos, à l’instant que ce dieu allait abuser de son sommeil. On le représentait souvent comme un nain épais ; quelquefois avec une taille assez élevée, mais toujours épaisse, et portant un phalle énorme, souvent aussi haut que lui. Habituellement il le tient dans sa main droite, et porte dans l’autre, soit un sceptre, ou une houlette, ou une serpette. Le plus souvent, il avait la forme d’une borne en pierre, terminée à sa partie supérieure, par un buste d’homme avec des cornes de bouc, des oreilles de chèvre et une couronne de feuilles de vigne ou de laurier. Quelquefois, il tenait encore une bourse de la main droite, une clochette de {p. 187}la gauche, et il était crêté comme un coq ; ou bien, son effigie était simplement une lampe ou une terrine.
Priape est un être allégorique exprimant la force réverée, surtout chez les peuples les moins civilisés. On expliquait la bourse qu’il portait comme indiquant le pouvoir de l’or, dont usent si largement les libertins ; quant à sa crête de coq, elle exprimait toute la lascivité de ce dieu des jardins, dont le grand rôle était de passer pour un des grands générateurs de la nature.
On peut rattacher à Priape une foule de dieux qui chez nous n’offriraient qu’une idée plus ou moins lascive, mais qui chez les anciens étaient l’objet de la plus sévère vénération par suite du respect qu’ils portaient au mystère de la génération des êtres dans la nature. Ainsi l’on adorait les Conférentes ou dieux incubes ayant une forme Phallique ; le Conisale ou Conisalte, espèce de Priape des Athéniens, mais différent de lui étant privé d’aventures ; Dardion, dieu obscène auquel les courtisanes offraient des présens ; Fascinus, fétiche ou amulette tutélaire de l’enfance chez les Romains qui lui supposaient le pouvoir de les garantir des fascinations et maléfices ; ils lui donnaient la forme d’un petit phalle ou Priape, et le pendaient au cou de tous les enfants. Inuus dieu latin qui présidait aux jouissances physiques de l’Amour ; Mutinus ou Mutunus ou Muto, était Priape ou plus exactement le phalle personnifié, Mutini Tutivi ou gardiens muets étaient des figures de Mutinus que l’on plaçait à la porte des palais pour en garder l’entrée ; et alors ils étaient des espèces de Lares, des dieux protecteurs de la maison ; Subigus, n’était que Subjugus, déjà connu, mais le Subjugus nocturne ; enfin Scython ou Ambiguus était un dieu qu’Ovide a indiqué comme pouvant se changer de sexe à volonté ; quant à Tychon, c’était le Priape particulier de l’Attique.
Maitresses de Jupiter. Si maintenant nous parcourons le cercle des noms de toutes les maitresses de Jupiter, nous en trouverons beaucoup sur lesquelles il y a fort peu de choses à dire, ainsi dans ce nombre nous placerons les suivantes :
Anaxithée. Souvent elle est regardée comme une Danaïde, dont on ne donne pas le nom dans les listes ordinaires, et dont l’époux n’est pas indiqué, cependant cet époux ou amant était Jupiter, dont elle eut le pasteur Osène. On ne l’a qualifiée de Danaïde que parce qu’on l’a confondue avec Anaxibie, femme d’Archélaüs.
Clymène était une néréide, peut-être la même que la femme de Japet, elle se laissa séduire par Jupiter et en eut Mnémosyne déesse de la mémoire, que l’on a vue déjà fille du ciel et de la terre, et qui fut également séduite par Jupiter, sous la forme d’un berger.
Coriphe ou Coryphe, jeune nymphe de l’Océan, dont Jupiter eut la Corie des Arcadiens, espèce de Minerve, inventrice des quadriges. On peut donc regarder cette Coryphe comme la personnification du cerveau de Jupiter.
Cyrno eut de ses amours avec Jupiter un fils appelé Cyrnus, qui pourrait fort bien être le même personnage auquel on donnait Hercule pour père.
Ega, nymphe chèvre, ce fut elle qui nourrit Jupiter de son propre lait, et qu’il récompensa en la plaçant dans les cieux où elle forme la constellation de la chèvre. Nous ignorons pourquoi quelques auteurs l’ont rangée au nombre des maîtresses de son nourrisson.
Elara, fille d’Orchomène, fils de Mingas roi de Beotie ; elle fut aimée de Jupiter qui {p. 188}pour la soustraire aux regards jaloux de Junon la fit se cacher dans les entrailles de la terre, où elle mit au monde le géant Tityas ou Titye, que nous savons avoir été tué par Apollon et Diane ; c’est-à-dire qu’elle fut cachée dans un endroit où l’on ne put jamais la découvrir.
Euryméduse que nous avons vue désignée comme mère des trois Graces Aglaé, Thalie et Euphrosine, était une des maîtresses de Jupiter, si on ne l’a pas confondue avec Eurynome, qui souvent porte également ce nom. Cette Euryméduse eut encore avec Jupiter Myrmidon.
Garamantie ou Garamantide passait pour fille de Garamas roi de Libye ou du pays des Saramantes, et fils d’Apollon et d’Acacallis fille de Minos. Cette Garamantie était donc une nymphe de Libye et fut aimée par Jupiter-Ammon qui la rendit mère de Iarbas, de Phylée et de Picumne ou Pilumne.
Hélice, dont le nom s’applique à trois personnes différentes, était ou sœur d’Ega, ou Danaïde ou fille de Sélinus fils de Neptune et mariée à Ion, qui donna son nom à l’Ionide et frère d’Acheus. Enfin comme maîtresse de Jupiter, on la regarde souvent comme Calisto, laquelle après son ascension au ciel, sous la transformation de la grande ourse, aurait pris le nom d’Hélice parceque sa marche autour du pôle n’est point un cercle parfait, mais la figure géométrique, formée par les filets d’une vis autour de son cylindre.
Hasione était une fille de Danaüs et fut maîtresse de Jupiter duquel elle eut Orchomène le Phocéen.
Hybrie était une fille, dit-on, de l’Hybridisme personnifié. Ce nom d’Hybrie signifiant injure, voulait dire aussi qu’elle était née de deux espèces différentes, elle avait eu de Jupiter le dieu Pan.
Lardane fut maîtresse de Jupiter, qui la rendit mère de Sarpédon et d’Argus.
Idée. Les poètes ont beaucoup varié sur sa naissance : quelques-uns la font naître d’un Dardanus roi Scythe, qui à son instigation poursuivit avec acharnement ses fils Orythe et Crambis ; d’autres la font mère de Teucer qu’elle eut du fleuve Scamandre. On donne encore ce nom à une nymphe Phrygienne qui eut de ses amours avec le berger Théodore la jeune sibylle Hérophile.
Iodamé, fut mère de Thébé et de Deucalion, qu’elle avait eu de ses amours avec Jupiter. Alors ce Deucalion n’aurait plus été fils de Prométhée. Quoi qu’il en soit, il pourrait fort bien avoir été un souverain de la Thessalie sous le règne duquel arriva le fameux déluge, ou du moins un des fameux déluges dont la terre ou quelques unes de ses parties furent couvertes.
En effet, l’histoire rapporte que vers l’an 1520 avant J.-C., la Thessalie fut inondée sous le règne d’un prince du nom de Deucalion. Ce qu’il y a de curieux dans la fable de ce souverain, c’est le rapprochement que l’on peut faire entre lui et Noé en admettant avec Lucien qu’il se sauva, ainsi que toute sa famille et une couple d’animaux dans une arche, d’où il ne sortit au bout de quarante jours, qu’après avoir donné la liberté à un corbeau.
Méra, était une nymphe, suivante de Diane : Jupiter pour la séduire, prit la forme de Minerve. Diane ayant eu connaissance de ses liaisons intimes avec le maître des dieux la perça de ses flèches, mais plus tard elle fut changée en chienne. Méra était fille de Protée et de la nymphe Ausia. Il y eut une autre Méra {p. 189}qui eut de Lycaon l’Arcadien un fils nommé Tégéate. Elle était atlantide, c’est-à-dire l’une des filles d’Atlas que nous avons vu parmi les Géants.
Néère, présente le nom de deux héroïnes ; l’une était fille de Pérée l’ Arcadien, fils lui-même d’Elatus. Elle avait épousé Alée dont elle eut Céphée, que nous trouverons parmi les Argonautes et compagnon d’Hercule ; l’autre fut, comme nous savons, amante d’Hélios ou Apollon, et en eut les héliades qu’elle envoya dans une île pour y garder les troupeaux d’Hélios leur père. Ce fut l’une de ces deux Néères, dit-on, sans la désigner positivement, qui fut amante de Jupiter ; mais sous ce titre elle n’a jamais beaucoup marqué dans la Mythologie païenne des Grecs et des Romains.
Oenéis, nymphe d’Etolie, fut aimée de Jupiter et eut de ses amours avec lui, Pan, Dieu des bergers, dont la naissance est réclamée par deux ou trois mères au moins.
Ora. Jupiter trompa cette nymphe sous la forme d’un cygne et la rendit mère de Colaxès, roi des Bisaltiens lesquels, en mémoire de l’origine de leur souverain, prirent pour armes les foudres de Jupiter.
Othréis. Nymphe qui fut d’abord aimée par Apollon dont elle eut un fils nommé Phagre, ensuite par Jupiter, qui la rendit mère de Mélitée, que l’on confia, suivant la fable, à des abeilles pour le nourrir dans son enfance ; c’est à lui que l’on rapportait la fondation de Melita.
Phthie, est le nom d’une des filles de Niobé, femme d’Amyntor et belle-mère de Phenix qu’elle accusa d’avoir voulu la violer ; elle avait eu, disait-on, Laodocus de ses amours avec Apollon, mais celle dont il est question ici était une nymphe d’Achaïe qui fut aimée de Jupiter, lequel la séduisit en la trompant sous la forme d’un pigeon.
Plota ou Plato, fille de l’Océan fut aimée de Jupiter, il la rendit mère de Tantale, dont nous connaissons les vols et la terrible punition.
Sithnides, était le nom des nymphes Mégariennes : une d’elles fut aimée de Jupiter qui la rendit mère de Mégare, fondateur de la ville de ce nom.
Taygète fille d’Agénor, roi de Phénicie, sœur d’Europe, dont nous parlerons dans quelques pages, fut mère de Lacédémon, quatrième roi de Lacédémone, et suivant l’histoire élu roi de la Lelégie ou Laconie, vers l’an 1437 av. J.C. Les Lacédémoniens lui attribuaient la gloire d’avoir introduit le premier dans la Grèce le culte des Graces, et ils regardaient le temple qu’il avait fait construire sur les bords du fleuve Tiase comme le plus ancien du pays.
Théalie ou Etna était une nymphe Sicilienne, fille de Vulcain ; Jupiter l’aima et la rendit mère des deux Paliques ou Palices, frères jumeaux qui furent mis au rang des Dieux, suivant Eschyle ; et auxquels Plutarque donne pour père Adramus dieu de la Sicile, dont le culte fut apporté dans cette ile par une colonie Syrienne ou Phénicienne, culte que l’on croit le même que celui d’Adrameleck appartenant à la mythologie syrienne.
Thébé, héroïne grecque, était fille du fleuve Asope et de Metope fille elle-même du fleuve d’Arcadie Ladon. Jupiter fut amant de Thébé qui en eut Dionyse ; cependant on la représente aussi comme maîtresse de Mars.
Thysia était fille de Deucalion. Jupiter la séduisit et eut d’elle l’héroïne Macédonie qui donna son nom à la Macédoine.
{p. 190}Si nous passons maintenant aux maîtresses les plus célèbres de Jupiter, nous trouvons :
Astérie, fille du titan Ceus et de Phébée, fut aimée de Jupiter, auquel, dit-on, elle résista, dès lors elle fut changée en caille, soit par le dieu offensé de ses refus, soit par quelque autre divinité pour la soustraire aux poursuites de son amant. Selon certains écrivains, elle céda et fut mère d’Hercule tyrien ; ensuite Jupiter ennuyé de ses plaintes continuelles, la persécuta et la força de s’enfuir dans une île de la mer Egée où elle fut changée en caille, ce qui fit donner à cette île le nom d’Ortygie, nom que Diane portait également.
Egine, une des nombreuses filles du dieu fleuve Asope. Jupiter pour triompher de sa vertu, prit d’abord la forme d’un aigle, puis il l’enveloppa sous celle d’une flamme. Asope ayant apris de Sisyphe le nom de celui qui avait séduit sa fille, jura de se venger et de sa fille et du séducteur. Mais Jupiter, pour empêcher cette vengeance, lança contre lui sa foudre, et obligea Asope à remonter vers sa source. Pendant cette petite guerre, Egine par l’ordre de son amant fut se cacher dans l’ile d’Oenone, ou actuellement Lépante, appelée depuis Egine ; elle y mit au monde Eaque. A tort quelques auteurs veulent qu’elle ait accouché en même temps de Rhadamante. Ce juge des enfers passe généralement comme nous allons le voir dans quelques lignes pour fils d’ Europe et non d’Egine. Un savant auteur italien, M. Capello, pour expliquer cette allégorie, dit avec assez de raison que l’on peut supposer que la flamme dont Jupiter entoura son amante, fut probablement celle de la lumière dont il s’éclaira pour s’introduire chez elle pendant la nuit.
Alcmène, mère d’Hercule, fille d’Electryon, roi de Mycênes et d’Anaxo ou de Lysidice ou d’Eurimède ; elle ne voulut donner sa main qu’au prince qui vengerait la mort de ses frères immolés par les fils de Ptérélas chefs des Téléboens. Amphitryon son cousin se présenta, mais il fut obligé de fuir à Thèbes où Alcmène le suivit. Malgré tout son amour pour son mari, elle fut trompé par Jupiter, qui pendant qu’Amphitryon était à guerroyer, s’introduisit chez elle sous la figure de son époux. Elle crut à sa ressemblance et devint enceinte ; elle mit au monde Hercule et Iphicle, le premier fils de Jupiter, et l’autre d’Amphitryon. Junon ayant appris cette nouvelle infidélité de son époux, et ne pouvant croire qu’Alcmène n’y eût pris aucune part, lui jura une haine implacable. D'abord même elle ne voulut pas la laisser accoucher, mais au bout de sept jours sa jalousie fut déjouée par Galanthia, l’une des suivantes d’Alcmène qui la délivra. On dit, sans indiquer comment finit son mariage avec Amphitryon, qu’elle reprit Rhadamante pour second époux.
Elle survécut à Hercule et eut la cruelle joie, quoique bien naturelle, de tenir dans ses mains la tête d’Eurysthée, son persécuteur, et de lui crever les yeux avec son fuseau. Elle était alors à Athènes où elle s’était rendue après la mort et la divinisation de son fils. Un silence profond enveloppe le reste de la vie de cette mère du plus grand des héros grecs. Son corps, suivant quelques légendes, disparut et fut remplacé sur son lit funèbre par une énorme pierre. Selon d’autres auteurs cette pierre fut substituée dans son tombeau par ordre de Jupiter ; les porteurs, surpris de la pesanteur du cercueil, l’ouvrirent et furent bien surpris de trouver {p. 191}dedans une pierre au lieu du corps de la princesse. Ils déposèrent cette masse miraculeuse dans un bois qui depuis fut sacré, et prit le nom de Chapelle d’Alcmène. Les Thébains lui rendirent des honneurs divins, et sa disparition fut regardée comme une assomption. Cependant on vient de voir qu’elle ne dut pas monter au ciel, puisque Jupiter lui fit épouser Rhadamante, l’un des juges des enfers. Homère assure qu’elle était un modèle de sagesse et d’habileté dans les travaux de femme ; que sa beauté était ravissante, et qu’elle aimait tendrement son mari. On la représente tantôt sur un lit, peu d’instans après sa délivrance ; tantôt dans l’attitude de l’effroi, derrière Hercule enfant, qui étouffe deux serpents ; tantôt elle a un ornement de tête, formé de trois lunes : allusion des trois nuits pendant lesquelles Jupiter était parvenu à la tromper.
Quelques écrivains, peu crédules, ont prétendu que cette Alcmène devait nécessairement ne représenter qu’une femme très-légèrement vertueuse, qui, profitant de l’absence de son mari, écouta les doux propos de Jupiter ; ou si l’on étend l’allégorie à la nature, on suppose que cette Alcmène était une fontaine qui d’abord séparée d’un fossé, son mari, en fut gonflée par une pluie que Jupiter fit tomber ; alors ses eaux furent rejoindre celles du fossé et s’en augmentèrent. Dans leur marche, elles emportèrent tout ce qui se présenta ; à la fin il en résulta deux digues Iphicle et Hercule ; mais la première, plus faible, se laissa entraîner dans la mer, et abandonna sa famille. La seconde résista.
Après Alcmène, nous trouvons pour amante de Jupiter :
Antiope, Thébaine célèbre, fille de Nyctée et de Polixo, selon les uns ; du dieu fleuve Asope, selon d’autres ; sa beauté, des plus rares, tenta Jupiter qui, pour arriver à tromper sa sagesse, se transforma en satyre et lui fit violence. La malheureuse une fois enceinte, voulant éviter la colère de son père, se réfugia chez Épopée, roi de Sicyone, et l’épousa. Lycus, ayant reçu l’ordre avant la mort de son père Nyctée, de reprendre Antiope sa sœur à quelque prix que ce fût, ravagea Sicyone, tua Epopée, et emmena Antiope prisonnière à Thèbes. Celle-ci accoucha en route ou sur le mont Cythéron de deux fils, Amphyon et Zéthus. A son retour dans sa patrie, elle fut abandonnée par Lycus à la discrétion de sa seconde femme Dircée, qui la retint pendant plusieurs années en prison d’où elle s’échappa. Alors elle accoucha suivant les uns, et suivant les autres, elle retouva ses fils qui ne tardèrent pas à la venger de ses malheurs. Ailleurs, on voit Nyctée confier lui-même à Lycus le soin de venger sa sœur, séduite par Jupiter. Lycus touché de ses charmes, lui rend hommage et lui accorde un généreux pardon. A cette nouvelle Dircée fut tellement irritée, qu’elle voulut faire attacher sa belle-sœur aux cornes d’un taureau sauvage ; mais, Zéthus et Amphyon qui se trouvaient à Thèbes, empêchèrent ce crime ; ils tuèrent Lycus et firent subir à Dircée le trépas qu’elle réservait à sa victime. On ajoute que Bacchus pour venger la mort de Dircée sa protégée, frappa Antiope d’un accès de folie, dont elle fut guérie par Phocas médecin qu’elle épousa.
Nous voyons ici bien des noms inconnus, mais que nous retrouverons ; seulement nous ajouterons que Nyctée et Epopée étaient fils de Neptune, et qu’après avoir enlevé ou du moins reçu sa nièce, Erectée soutint, l’an 1363 av. J.-C., une {p. 192}guerre terrible qui fut fatale aux deux frères.
Quant à Callisto ou la très belle, c’était une nymphe jeune et jolie de la suite de Diane ; on la disait aussi Arcadienne fille de Lycaon II ou de Nyctée, ou de Cétée. Jupiter la séduisit ; dès lors elle fut, comme nous l’avons vu, en butte à la haine des puissantes déesses Diane et Junon. Une tradition la fait vivre jusqu’à l’adolescence d’Arcas son fils, et la fait poursuivre un jour à la chasse par ce fils ; dejà il s’apprêtait à la tuer, quand Jupiter, pour prévenir ce parricide, transporta la mère et le fils dans les cieux, où ils forment les constellations de la grande et petite ourse. Des auteurs disent que Jupiter prit la forme de Diane pour la séduire ; d’autres que c’est Diane, qui repentante de l’avoir traitée si rudement, la plaça aux cieux. L'Océan et Téthys, à la prière de la jalouse Junon, ne voulurent donner aucun repos à Callisto : c’est pour cela, suivant une légende, qu’elle ne s’abaisse jamais sous l’horizon. Le tombeau de Callisto était en Arcadie, à trente stades de Cumes, à micôte d’une éminence, plantée d’arbres de toute espèce, et au bout de laquelle était un temple. On peut considérer l’allégorie de Callisto comme une incarnation de Diane elle-même ; car on voit souvent dans les anciennes religions, les dieux affecter les formes de quelque animal, pour prouver, peut-être, qu’ils leur accordent protection, tout aussi bien qu’à l’espèce humaine.
Carmé ou la pure était mère de Britomartis, espèce de Diane, qu’elle eut de Jupiter. On lui donne pour patrie, ou la Crète, ou la Phénicie, ou la Béotie ou l’Attique. Dans le premier cas, c’est une fille d’Eubule la Danaïde, dans le second, elle serait née de l’Union de Phénix, fils d’Agénore, avec Cassioppée, fille d’Arabius ; et dans le troisième, elle aurait pour père le vieil Ogygès, le plus ancien roi de la Grèce et fils de Neptune ; mais ces versions se tiennent et s’expliquent par l’histoire de Britomartis.
Maintenant nous voici arrivés à quelques unes des plus jolies fables qui entourent les amours de Jupiter ; nous allons donc parcourir celles de Danaé, Europe, Sémélée, Io, Léda.
Danaé était fille d’Acrisius, roi d’Argos, vers l’an 1284 av. J.-C., et d’Euridice. Acrisius ayant appris, par un oracle, que sa couronne lui serait enlevée, et qu’il mourrait de la main de son petit-fils, avait fait enfermer Danaé, sa fille unique, dans une tour d’airain pour qu’elle ne pût avoir aucun rapport avec les hommes. Mais Jupiter déjoua toutes les précautions [ILLISIBLE] ; car il se rendit auprès de Danaé en se changeant en pluie d’or. Acrisius voyant que ses précautions avaient été inutiles, fit exposer sa fille sur la mer, dans un coffre placé sur une faible barque. Cependant elle échappa et fut aborder sur les côtes de l’île de Sériphe, l’une des Cyclades, où, suivant les uns, elle mit au monde Persée, qui accomplit l’oracle en devenant par accident le meurtrier d’Acrisius. Mais d’autres auteurs disent qu’un pêcheur ayant aperçu la barque l’amena à la côte, ouvrit le coffre et y trouva la mère et le fils encore vivans ; alors il les conduisit au roi Polydecte qui épousa Danaé et prit soin de l’éducation de Persée. Banier faisant de cette fable une histoire véritable, prétend que cet amant heureux était Prœtus, frère d’Acrisius, amant de sa nièce. Ce Prœtus, dit-il, prenant un jour le nom de Jupiter, se fit ouvrir à force d’argent les portes de la tour qui renfermait Danaé, et depuis les gardes dès qu’il {p. 193}le désirait, l’introduisaient auprès de la belle captive.
Europe, était fille d’Agénor, roi de Phénicie et de Téléphasse, ou de Phénix, nom qui résumait la Phénicie entière, et de Périmède sa femme ; ses frères étaient Cadmus, Cillix et Thasos, ou Thassus ; quelques uns y ajoutent Phénix, Atymne et Phinée. Elle s’appela Europe, à cause de ses grands yeux, ou peut-être à cause de son grand front. Au moyen du cosmétique dont se servait Junon, et qu’Angélo lui donna après l’avoir volé à la toilette de la déesse sa mère, le teint lui devint aussi blanc et aussi brillant que celui de Junon. Bientôt Jupiter aima la belle Europe ; pour en triompher, il prit la forme d’un taureau ; ainsi métamorphosé, il allait paître non loin de la mer, dans un endroit où Europe avait coutume de se promener. Un jour étant avec ses compagnes, elle vit ce taureau se jouer élégamment le long du rivage : son air doux et caressant lui inspira de la confiance, elle s’approche de lui, le flatte, lui donne des herbes qu’elle avait cueillies, l’entoure de guirlandes, et s’élance enfin sans défiance sur sa croupe. A peine y est-elle placée, que le taureau se jette au milieu des flots et arrive en Crète, à l’embouchure du fleuve Léthé ; là il s’arrête sous un platane et change de forme. Elle devint mère de Minos I ; puis elle eut encore de Jupiter, ses deux fils Sarpédon et Rhadamanthe ; ensuite elle épousa, dit-on, Astérius, roi de Crète. Diodore pense qu’elle fut séduite par un capitaine nommé Taurus, qu’on lui donne même quelquefois pour fils, et de ce capitaine, elle eut ses trois enfans qu’Astérius, après l’avoir épousé, finit par adopter faute d’avoir pu lui-même en avoir. D'autres écrivains afin de donner à cette fable une couleur plus historique encore, disent que des marchands venus pour trafiquer sur la côte de Phénicie, ayant vu la jeune Europe, furent frappés de sa beauté et l’enlevèrent pour Astérius leur roi, sur un vaisseau dont la proue était décorée d’un taureau blanc, d’où vint la fable de Jupiter, transformé en taureau pour enlever cette princesse. A la première nouvelle du rapt d’Europe, Agénor son père la fit chercher de tous les côtés, et ordonna à ses fils de s’embarquer et de ne point revenir sans elle. Mais aucun n’ayant pu la retrouver, Cadmus fut bâtir Thèbes ; Cilix, dit aussi par Apollodore fils de Phénix, fonda la Cilicie ; Thassus fut on ne sait trop où ; et Atymne revint à Gortys en Crète, où il fut honoré comme Dieu après sa mort ; quant à Phinée, il épousa dans la Thrace, Cléobule ou Cléopâtre fille de Borée, roi des Vents et d’Orithye. Il en eut deux fils Plexippe et Pandion ; par la suite ayant répudié la fille de Borée pour épouser Idée fille de Dardanus, celle-ci accusa à tort ses beaux-fils, d’avoir voulu la déshonorer ; alors Phinée leur fit crever les yeux, mais lui-même pour punition de sa trop grande crédulité, fut aveuglé par Aquilon ministre de Borée.
Europe, qui, dit-on, avait introduit le culte de Séléna dans la Crète, s’étant attiré l’estime et l’amitié de tous les Crétois, fut honorée après sa mort comme une divinité. On institua même en son honneur une fête nommée Hellotia, d’où lui vient le nom d’Europe-Hellotès ; dans cette fête, les restes de cette princesse Phénicienne étaient portés avec beaucoup de pompe, au milieu d’un entourage de guirlandes de myrte.
On représente Europe assise sur le dos d’un taureau, dont les cornes sont ornées de guirlandes, quelquefois son siége est {p. 194}le tronc d’un platane, et alors elle a un air inquiet. Les modernes ayant cru que cette princesse, dont le nom exprime la blancheur, avait donné son nom à l’Europe, où elle fut transportée, représentent cette partie du monde, comme une dame fort richement vêtue, d’une robe de plusieurs couleurs, pour marquer la diversité de ses richesses ; elle porte une riche couronne et est assise sur deux cornes d’abondance, pour exprimer sa grande fertilité ; elle a près d’elle un temple et dans la main un sceptre.
Quelquefois pour expliquer le sens allégorique de l’enlèvement d’Europe, on a pensé qu’il était la simple expression d’une Néoménie ou nouvelle lune, lorsque le soleil et la lune, au printemps sont dans le signe du taureau ; ou bien qu’il s’agissait d’un événement terrestre tout naturel, et alors on regarde Jupiter-taureau comme un torrent formé par une pluie, qui fit disparaître la fontaine ou nymphe aquatique, Europe.
Nous pourrions entrer ici dans d’assez grands détails sur le plus remarquable des frères d’Europe, sur Cadmus ; mais nous le retrouverons en parlant de la guerre que soutint Thèbes, ville qu’il avait fondée. Quant à Astérius époux d’Europe, il était fils de Teatame ou Tertame, et d’une fille du roi de Crétée ; il devint roi de Crète, quinze siècles avant J.-C. On suppose souvent que lui seul sous le nom de Jupiter, enleva Europe, dont il adopta les fils, ou même qu’il fut le père des enfans que nous connaissons comme nés des amours d’Europe et de Jupiter ; fait dont il sera souvent important de se rappeler par la suite, pour comprendre l’origine des anciennes familles mythologiques de la Grèce.
Quant à Latone, amante de Jupiter, nous la connaissons déjà ; nous avons vu ses malheureuses aventures, ajoutons seulement ici que son nom dérivant peut-être d’un mot voulant dire se cacher, exprime l’obscurité dans laquelle le monde était plongé avant la création du soleil. Nous ne dirons également rien de Niobé amante de Jupiter, parcequ’elle ne marqua pas suffisamment dans la mythologie ; cependant nous l’indiquons ici pour faire remarquer qu’elle était fille de Phoronée et de Laodice, ainsi qu’Apis ; elle fut la première mortelle que Jupiter voulut bien aimer et n’a rien de commun avec la Niobée, fille de Tantale et de Dioné, contre laquelle Latone exerça une vengeance si cruelle, il ne faut donc pas les confondre. Les parens de Niobé, amante de Jupiter, méritent en outre quelques mots ; car Phoronée, fils d’Inachus roi d’Argos, réunit et poliça les habitans épars et sauvages de l’Argolide, et fut celui qui peut-être fonda leur première ville. Quelques personnes prétendent qu’il est appelé fils d’Inachus, parce qu’il habitait le bord d’une rivière de ce nom ; on croit dans l’histoire que ce fut vers l’année 1805 av. J. C. qu’il réunit ces peuples et appela Phoronium son premier établissement qui prit ensuite le nom d’Argos, l’an 1635 avant J. C. Son fils Apis né de Cinna, fut s’établir en Égypte où il se rendit si fameux qu’après sa mort il fut mis au rang des Dieux sous le nom de Sérapis. Niobé sa fille eut en outre de ses amours avec Jupiter un fils que l’on appela également Apis, mais que rien ne rendit célèbre.
La dernière maîtresse de Jupiter que nous trouvons sous notre plume est Sémélée, fille de Cadmus et d’Harmonie que nous savons être l’amour. Elle ne put résister aux entreprises de séductions de Jupiter qui finit par réussir. Junon ayant {p. 195}eu connaissance de leurs relations, prit les traits de Béroé nourrice de Sémélée et fut la trouver. Elle lui conseilla de demander à son amant qu’il se montrât à elle dans tout l’éclat de sa divinité. Sémélée fit donc jurer par le Styx à Jupiter de lui accorder ce qu’elle lui demanderait ; celui-ci lui ayant juré ne put refuser. A peine Jupiter parut-il à ses regards, armé de la foudre, environné d’éclairs que le palais fut embrasé entièrement et que Sémélée fut consumée. Aussitôt Jupiter tira de son sein l’enfant qu’elle portait, et l’enferma dans sa cuisse, jusqu’au moment où il pourrait lui donner le jour.
[n.p.] [n.p.]D'autres légendes portent que Jupiter fit retirer des flammes cet enfant nommé Bacchus par Mercure ; que Macris, fille d’Aristée reçut l’enfant dans ses bras et le donna à son père, qui le mit dans sa cuisse, où il le fit coudre par Sabasius et où il le garda le reste des neuf mois ; ou bien, dit-on encore, ce furent des nymphes qui le retirèrent du milieu des cendres maternelles, le baignèrent dans un ruisseau et se chargèrent de l’élever ; enfin on assure en dernier lieu que Mercure porta l’enfant à Nysa, ville d’Arabie ou sur le mont Méros chez les Indiens. Dans les cultes mystérieux de la Grèce, Sémélée tenait une des premières places : aussi disait-on qu’immédiatement après sa mort elle monta dans les cieux, et fut s’asseoir à la table des dieux sous le nom de Chioné. D'autres la font retirer des enfers et présenter au conseil des dieux par Bacchus.
Ici comme on le voit, les généalogistes mythologues se sont totalement embrouillés ; car déjà nous avons rencontré Bacchus aidant Jupiter à combattre les Géants et nous ne le voyons naître que d’une fille de Cadmus, dont l’existence supposée fut postérieure de plusieurs siècles à cette guerre. Cependant, en parlant de Bacchus nous tâcherons d’éclaircir tout ce qui se rapporte à sa personne ; pour l’instant nous nous en tiendrons à dire que sa mère fut probablement quelque jeune imprudente princesse qui, après avoir eu une intrigue avec un de ses sujets, accoucha au septième mois, et que Cadmus pour sauver l’honneur de sa fille, rejeta sur Jupiter la paternité de cet enfant. On explique aussi cette fable des amours de Sémélée et de Jupiter, en disant qu’une pluie fit grossir une fontaine, et l’on indique la jalousie de Junon par l’agitation de l’air que l’orage produit toujours ; mais on comprend combien de pareilles explications sont forcées. Ces fables en général reposent sur des faits positifs qu’il est souvent difficile de nos jours d’indiquer, et qui furent plus ou moins embellis par les prêtres et les poètes de la Grèce et de Rome.
Après avoir vu Jupiter se changer en taureau pour satisfaire ses amourettes, nous allons le voir maintenant changer une de ses amantes en génisse pour la sauver de la colère de Junon. C'était Io qui passait pour fille ou du fleuve Inachus, ou d’Inachus, roi d’Argos, ce qui n’est pas trop éloigné, comme on le sait, d’être la même chose, ou de Triopos septième roi d’Argos. On lui donnait pour mère Argie femme d’Inachus ou Ismène femme de l’inachide Argus. C'était donc une princesse dont Jupiter devint amoureux ; mais craignant la jalousie et la colère de Junon, il voulut lui cacher cet intrigue, couvrit son amante d’un léger nuage et la changea en une jeune et tendre génisse. Cependant Junon ayant pénétré ce mystère, parut frappée de la beauté de cet animal, et le demanda en cadeau à son mari qui ne voulant pas exciter les {p. 196}soupçons de son irascible épouse n’osa pas la lui refuser. Aussitôt Junon confie cette belle génisse en garde à Argus aux cent yeux. Le chef de l’Olympe fut d’abord incertain sur le parti qu’il devait prendre, pourtant, à la fin il donne la commission à Mercure de le débarrasser de ce surveillant incommode. L'habile messager descend donc bien vite sur la terre, se fait lui-même humble berger ; puis aux doux accords de sa flûte enchantée il endort le vigilant Argus, lui coupe la tête et délivre la maîtresse du grand dieu de l’Olympe. Junon à cette nouvelle plus irritée que jamais envoie à la belle génisse une Furie, d’autres disent un Taon, pour la piquer et la persécuter. Cette malheureuse princesse fut tellement tourmentée qu’elle se mit à passer la mer à la nage entre Bisanze et Phare, et à courir par monts et par vaux dans l’Illyrie, le mont Hémus, la Scythie, le pays des Cimmériens. A la fin elle arriva sur les bords du Nil où Jupiter, après avoir apaisé Junon, lui rendit sa première figure. Ce fut là qu’elle accoucha d’Epaphus ; mais étant morte quelque temps plus tard, les Egyptiens l’adorèrent sous le nom d’Isis.
Si l’on cherche à ramener cette fable à l’histoire, on trouve qu’Io, prêtresse de Junon fut aimée d’Apis, roi d’Argos, surnommé Jupiter, comme le fut autrefois plus d’un roi célèbre. Cette préférence ayant excité la jalousie de la reine, celle-ci enleva sa rivale, et la mit sous la garde d’un geôlier vigilant dont le roi se défit ; mais craignant pourtant quelque vengeance de la part de son épouse, il éloigna sa maîtresse et l’embarqua sur un vaisseau portant la figure d’une vache sur sa proue. Quant au nom d’Isis, on pense qu’Inachus ayant porté d’Égypte en Grèce le culte d’Isis, les Grecs regardèrent cette déesse comme sa fille, et la confondirent avec Io, d’où il résulte que ces deux divinités étaient en Grèce tout-à-fait les mêmes. Ces explications pouvant être admises, il est inutile d’ajouter que certains écrivains regardent Io, changée en vache, comme une rivière se déchargeant dans une autre, et que d’autres adoptent l’enlèvement d’Io pour une allusion à la Néoménie ou nouvelle lune du printemps.
Si nous suivons cette fable, nous voyons qu’Inachus était un fils de l’Océan et de Thétis, c’est-à-dire, venu probablement de Phénicie dans la Grèce où il fonda le royaume d’Argos vers l’an 1856 av. J.-C. Il fut le chef des Inachides, race célèbre à chaque page dans la Mythologie, surtout si l’on y comprend Persée. Quoi qu’il en soit, Inachus après l’enlèvement de sa fille, envoya Cyrnus son fils ou son ministre à la tête d’une flotte, ainsi que Gordys fils de Triptolème pour chercher Io. Ceux-ci n’ayant pu la retrouver, et n’osant pas retourner auprès de leur maître, le premier fut s’établir en Carie où il bâtit la ville de Cyrne ; et le second fonda la ville de Gordia. Quant à Io elle resta en Égypte, et paraît y avoir épousé Télégone roi de cette contrée.
Ce fut après cette aventure, lorsque la jeune princesse fut rendue à sa première forme, que Junon voulut rompre avec Jupiter par un divorce public. Mais Cithéron roi de Béotie, qui passait pour l’homme le plus sage de son temps, consulté par Jupiter trouva le moyen de le réconcilier avec son épouse, en lui conseillant de feindre un nouveau mariage. Ce qu’il fit comme nous l’avons dit en déclarant qu’il allait se remarier avec Platée fille d’Asope, qui n’était en réalité qu’un tronc d’arbre habillé en femme. Cette {p. 197}ruse ayant réussi et ayant donné lieu à une réconciliation, on récompensa ce service en appelant du nom de ce roi une montagne de la Béotie, qui fut depuis consacrée à Jupiter et aux Muses.
Mais revenons sur un personnage important, sur cet Argus que l’on surnomma Panopte ou qui voit tout. Il était fils d’Arestor, avait cent yeux dont cinquante restaient ouverts, quand les cinquante autres se fermaient pour dormir ; selon d’autres mythologues, il n’y avait que deux de ces yeux qui se fermaient à la fois. Junon, après sa mort, prit ses yeux et les répandit sur la queue du paon son oiseau favori, il paraît qu’un souverain de ce nom régna dans l’Argolide vers l’an 1661 av. J.-C. Son nom du reste est venu jusqu’à nous, en conservant son expression redoutable ; car un Argus est encore de nos jours un espion ou un gardien assidu et vigilant, et ses yeux sont l’image parfaite de la jalousie et d’une active surveillance.
Léda est encore une amante de Jupiter pour laquelle il fut obligé de se transformer. Elle était femme de Tindare et fille de Thestius roi d’Étoile, fils d’Agénor ; sa mère était Pantidye princesse de Lacédémone. Jupiter s’ésprit des beautés de la jeune Léda, après l’avoir aperçue un jour sur les bords de l’Eurotas. Aussitôt il fit changer Vénus en aigle, et prenant lui-même la figure d’un cygne, il feignit d’être poursuivi, et craintif à l’aspect du danger, il fut se réfugier entre les bras de Léda, laquelle au bout de neuf mois accoucha de deux œufs. De l’un sortirent Pollux et Hélène et de l’autre Castor et Clytemnestre. Cependant les deux premiers enfans sont seuls attribués généralement à Jupiter. Pour les deux autres y compris une troisième fille, appelée Timandra, on les croit enfans légitimes de Tindare. Suivant Apollodore le fait ne se passa pas de cette manière. D'après lui c’est de Némésis sa fille que Jupiter devint amoureux ; alors pour elle, il se métamorphosa en cygne et il la changea en même temps en canne. Cette Némésis ayant pondu un œuf le remit à Léda, qui devint ainsi mère des deux frères jumeaux. Selon quelques-uns, Léda fut déifiée sous le nom de Némésis. Selon d’autres, c’était une princesse inconséquente qui voulant sauver son honneur compromis par des imprudences commises sur les bords de l’Eurotas au milieu d’une troupe de cygnes, fit publier que Jupiter étant devenu amoureux d’elle, l’avait séduite en se métamorphosant en cygne. Plusieurs interprétations ont encore été attribuées à cette fable ; ainsi ce fut une tour, une chambre, un lit en forme d’œuf, rendez-vous du couple amoureux, qui donna lieu à cette fiction. Mais nous ne nous arrêterons pas à indiquer toutes les suppositions que l’on pourrait faire pour expliquer cette fable ; seulement nous ajouterons qu’une danse lascive portant le nom de Léda, et dérivant de celui de la fille de Thestius, ainsi que de ses amours, était en grande vogue chez les Romains du temps de Juvénal.
Enfans de Jupiter, filles de ce dieu. Après avoir fait connaître les femmes et les maîtresses ou concubines de Jupiter, parlons de ses nombreux enfans. D'abord commençons par ses filles, car fort peu d’entre elles s’étant fait remarquer, elles nous serviront d’une transition agréable pour passer à la longue et pénible série de ses fils.
Les filles de ce Dieu se bornent à quelques-unes, et en réalité Minerve et Diane sont les seules sérieusement {p. 198}remarquables. Cependant avant d’indiquer tout ce qui se rattache à la première de ces illustres déesses, puisque nous connaissons déjà la seconde, jetons un coup-d’œil rapide sur les noms et les faits de toutes les autres.
Alagonie ou Alalgénie n’est qu’une fille inconnue de Jupiter et d’Europe.
Angelo, fille de Jupiter et de Junon, marque simplement dans la mythologie par le cadeau qu’elle fit à Europe son amie du fard dont Junon sa mère se servait à sa toilette et qu’elle lui déroba.
Argé est une fille de Jupiter et de Junon, sœur d’Hébée et de Vulcain, mais sur laquelle les légendes n’ont rien laissé de particulier.
Auli est une déesse praxilienne honorée à Hatiarte, fille de Jupiter et de Thébée.
Britomartis ou la douce Vierge en Crète, jouait le rôle d’une Artémise ou d’une Diane, et portait les noms ou d’Aphée, c’est-à-dire l’invisible, ou de Dictynne. Sous ce dernier nom signifiant la chasseresse on l’accepte pour une Diane, fille de Jupiter et de Carmé, ayant fait le serment de n’avoir de passion que la chasse. Un jour le roi Minos essaya de la faire se parjurer ; mais elle se mit à fuir, se prit dans les filets qu’elle avait elle-même tendus, et n’obtint sa délivrance de Diane sa protectrice, qu’en lui promettant de lui ériger un temple. Serment qu’elle tint comme le premier en lui faisant élever le temple de Diane Dictynne. Si on la considère comme Aphée, c’est-à-dire, comme une Artémise, on change la dernière partie de la légende et l’on suppose qu’elle échappa aux poursuites de Minos en se précipitant dans la mer, et tombant pour ne plus reparaître dans des filets de pêcheurs d’où elle ne fut retirée que d’une manière invisible par Diane qui dès lors la divinisa.
Bura était née de Jupiter et d’Helice ou, disait-on encore, fille d’Ion, descendant de Deucalion ; elle donna son nom à une ville de la baie de Corynthe, disparue sous les eaux.
Dodon et Dodone. La première passe pour une fille de Jupiter et d’Europe ; mais on dit que ce dieu eut la seconde d’un commerce illicite avec Euterpe. Quoi qu’il en soit on les confond souvent l’une avec l’autre, et l’une des deux avait donné son nom à la ville d’Epire appelée Dodone, célèbre par son oracle, sa forêt et sa fontaine.
C'est peut-être à l’époque de l’existence supposée de Dodone que l’on doit rapporter l’origine de l’institution des oracles et de l’art entier de la divination ; cependant comme Apollon était le dieu de cette espèce de science, c’est en parlant de lui que nous avons indiqué tout ce qui tient aux oracles.
Fortune. Déesse des richesses, des plaisirs et des peines ; elle était tout à fait inconnue des anciens Grecs et ne fut admise dans la théogonie grecque qu’assez tard. Voici les surnoms divers qu’on lui donnait : Acrœa ou du mont Acré près Corynthe ; Antœa et Antiate ou d’Antium ; Aurea ou à la statue d’or ; Arna ou du fleuve Arnus ou Arno en Etrurie ; Barbue à Rome ; Bona ou la Bonne au Capitole ; Brevis et Parva ou de peu de durée à Rome ; Cœca ou l’aveugle, qui aveugle également ses favoris : Conjugale ou présidant au bonheur des époux ; Douteuse ; Equestre qui avait fait remporter une victoire à Q. Fulvius sur les Celtibériens ; Funesta ou la funeste ; Fors ou la forte des Romains ; hujus et hujusce Diei ou du jour de la victoire de Q. Catulus sur les Cimbres ; de la veille ; du lendemain ; {p. 199}l’inattendue ; Mala ou la perfide ; Mascula ou masculine ; Muliebris ou des dames, en mémoire de ce que Véturie et Volumnie avaient fléchi Coriolan sur un endroit où pour immortaliser ce fait on avait élevé un temple à la Fortune hors de Rome, temple que des femmes seulement desservaient et dans lequel les dames Romaines faisaient un sacrifice chaque année ; Mulier ou honorée des femmes ; Natalis ou présidant à la naissance ; Obsequens qui avait un temple dans la septième et huitième région de Rome : Paisible ; Pherepolis ou protectrice des villes ; Primigeni ou première fondatrice de Rome suivant les Romains ; Privata ou privée ; Prœnestina Dea, Propria ou des simples particuliers dans le palais de Servius Tullius ; Publica ou Publique sur le mont Quirinal ; Respiciens ou regardant d’un œil propice et favorable ; Sénilis ou des vieillards ; Vertens ou à la tête détournée des spectateurs ; Tuché ou la fortune des Grecs ; Virgo ou honorée des jeunes filles ; Virilis ou virile et adorée spécialement par les femmes veuves et les jeunes filles, qui chaque année se réunissaient, le premier avril, dans le temple de la fortune Virile pour la prier de cacher aux yeux des hommes leurs défauts corporels ; Viscata ou Viscosa ou la poisseuse, attachant les hommes comme de la glu ; Volucris ou la volage ou aux ailes d’oiseau.
La fortune passait chez les uns pour fille du Destin ou de l’Océan, et chez les autres pour née des amours de Jupiter avec Némésis. Peu honorée et pour ainsi dire inconnue dans la Grèce, elle jouissait au contraire d’un culte très brillant à Rome où elle eut jusqu’à dix temples dans la ville. Le premier y fut bâti par Tullus Hostilius et le second par Servius Tullius ; puis elle en avait dans toute l’Italie, mais son plus célèbre était à Antium. Là on lui faisait continuellement de nouvelles offrandes.
Les Romains la représentaient chauve, aveugle, debout avec des ailes, un pied sur une roue tournant rapidement et l’autre en l’air, ou quelquefois elle porte un gouvernail et pose son pied sur une proue de navire. Mais les Achéens lui mettaient dans une main la corne d’abondance, tandis que de l’autre elle conduisait l’Occasion nue, chauve par derrière et n’ayant plus qu’un toupet de cheveux ; ils mettaient aussi un amour ailé aux pieds de la fortune. A Smyrne elle avait un croissant ou un soleil ou l’étoile polaire sur la tête. Les Béotiens lui faisaient porter Plutus dans ses bras. Quant à la mauvaise fortune on la trouvait toujours exposée sur un navire sans mât, sans timon et sans voiles.
La fortune avait toujours à ses côtés sa fille la Nécessité, dont le pouvoir inflexible soumettait tout à ses lois, même Jupiter. Cette fille de la fortune avait un temple à Corynthe où personne excepté ses prêtresses ne pouvait entrer. Elle avait des mains de bronze tenant de longues chevilles et des coins de fer. Souvent, mais à tort, on la confond avec le Destin, Némésis, les Parques et Adrastée.
Quant à Plutus, c’était également le dieu des richesses ; généralement il passait suivant la version d’Hésiode pour être né en Crète de l’alliance de Cérès avec Jasion c’est-à-dire de l’agriculture et du travail. Mais Platon lui donnait pour père Porus dieu de l’abondance et fils de Métis, et pour mère Pœnia ou la pauvreté. Cependant c’était la naissance de l’amour que certains écrivains leur attribuaient, en disant qu’après un grand festin donné par les Dieux Pænia étant venue pour ramasser les restes, Porus enivré par les fumets du vin s’était épris de la malheureuse fille et en avait eu {p. 200}un jeune et charmant enfant. Quoi qu’il en soit Plutus, d’après Aristophane, ayant déclaré dans sa jeunesse qu’il ne protégerait que la science et la vertu, Jupiter ne le voulut pas et le rendit aveugle ; aussi le peignait-on sous la forme d’un vieillard aveugle ayant une bourse à la main, boiteux et ailé, venant doucement, mais s’en retournant à tire d’ailes. S'il n’avait pas de temple particulier, il se trouvait dans tous ceux de la fortune chargée de le conduire, quoiqu’elle soit elle-même conduite par le destin. A Thèbes même elle le portait comme un enfant entre ses bras. Mais chez les Athéniens c’était par la statue de la paix qu’il était porté encore enfant. Ce dieu est confondu quelquefois avec plusieurs divinités infernales et surtout avec Pluton, alors il porta le nom de Tellumo par allusion aux richesses que renferme la terre.
Plutus avait un frère appelé Philomèle, qui, négligé par son aîné dont il ne recevait rien, se fit agriculteur, inventa lui aussi la charrue, et, par son travail, mérita la protection de Cérès, qui lors de sa mort, l’enleva au Ciel et le placa dans la constellation du Bouvier.
Après la Fortune, Fatum ou le Destin, la Nécessité et Plutus, on doit ranger la Félicité ou Faustitas dans le sens de la Fécondité ; et Pecunia ou l’argent personnifié.
Eternité, fille de Jupiter ; elle était représentée avec les traits principaux du temps, tenant un sablier ou un globe à la main. On lui donne pour symbole un phénix. Les Egyptiens la représentaient sous la forme d’un serpent qui se mord la queue.
Hélène, fille de Léda, épouse de Tyndare ; Jupiter, nous le savons, s’étant changé en cygne, obtint les faveurs de la reine de Sparte que son époux avait déjà rendue enceinte. Léda porta dans son sein deux œufs ; du premier naquirent Castor et Clytemnestre, tous deux enfans de Tyndare ; du second, Pollux et Hélène, tous deux du sang de Jupiter. Hélène apporta en naissant, cette brillante beauté qui fut si funeste à ses admirateurs. A peine âgée de dix ans, Thésée, épris de ses charmes, l’enleva, et la mit sous la garde de sa mère, et en eut un fils dont le nom n’est pas parvenu jusqu’à nous. Castor et Pollux, frères d’Hélène, ayant appris, quelque temps après, d’Acadème, le lieu de sa retraite, la délivrèrent et emmenèrent Ethra, mère de Thésée, qui fut captive d’Hélène jusqu’à la fin de ses jours. Quoiqu’il ne fût plus possible de la mettre au rang des vierges, elle n’en fut non moins recherchée par tout ce que la Grèce avait de héros distingués ; mais elle préféra Ménélas qui la rendit mère d’Hermione.
Quelque temps après, cédant aux pressantes sollicitations de Pâris, elle consentit à le suivre en Asie. Tous deux errèrent long-temps sur les mers, tantôt ils abordent en Attique, et elle y devient mère de Bunichus ; tantôt ils vont à Sidon, tantôt en Égypte. Ce fut de cette contrée qu’ils prirent la route d’Ilion où ils furent reçus avec joie par les Priamides, qui étaient bien aises d’user de représailles sur les ravisseurs d’Hésione. Ménelas la réclama vainement à plusieurs reprises ; enfin, la Grèce ne put la rendre à son premier époux, qu’après un siége de dix ans, et après avoir renversé les murailles de Troie. Pour se reconcilier avec Ménelas, elle trahit indignement Deiphobe frère de Paris, son second mari, et en introduisant les Crecs dans l’appartement où il était, et en applaudissant aux horribles mutilations qu’ils exercèrent sur lui avant {p. 201}de le faire mourir. Ménélas ensuite la reprit, et vécut avec elle sans lui faire aucun reproche, il lui trouva même des charmes qu’elle n’avait pas avant son enlèvement. Après la mort de Ménélas, elle fut élevée aux cieux où elle brille, conjointement avec son frère Pollux, et forme la constellation des Gémeaux. Elle avait un temple à Sparte, et à Thérapné on voyait son tombeau avec celui de Ménélas.
Hydarnis, fille d’Europe et de Jupiter, donna son nom à une ville de la Crète.
La Liberté, à laquelle on éleva plusieurs temples, passait, à Rome, pour être la fille de Junon et de Jupiter. Le premier temple qui lui fut élevé, était sur le mont Aventin. Ce fut Tibérius Gracchus, le père des Gracques, qui le fit bâtir ; un incendie l’ayant dévoré, Osinius-Pollion le fit reconstruire. Un second temple fut consacré à cette déesse, par les ordres du sénat, après que César vainqueur eut promis de laisser Rome libre. On la représente la tête couverte d’un bonnet phrygien ayant pour attributs, un sceptre, un joug rompu, et un char, et de plus, à ses pieds un chat.
Lydie, fille de Jupiter, était femme de Memphis.
Macédonia, fille de Jupiter et de Thyia, donna son nom à la Macédoine, ou plutôt Macédonie n’est que la personnification de la Macédoine.
Mélinoé fille de Jupiter et de Proserpine ; on la représente tantôt noire, tantôt blanche, tantôt avec des vêtemens d’un jaune fauve et affectant des formes effrayantes.
Naïades, nymphes qui habitaient les fleuves, elles passaient pour filles de Jupiter ; mais nous les retrouverons en partant de Neptune.
Némésis, fille de Jupiter, passe ordinairement pour la vengeance, pour la grande furie, pour la justice, pour la fortune judiciaire de qui tout émane. Jupiter, disait-on, comme nous l’avons vu en parlant de Léda, l’avait séduite sous la forme d’un cygne, pendant qu’elle était endormie ; un œuf fut le résultat de cette union ; Mercure le porta à Léda qui se chargea de le faire éclore. C'est Némésis qui est chargée de surveiller, de juger, de châtier et de commander à l’aveugle destin. Elle fait sortir de l’urne fatale, selon son caprice, ou la boule noire ou la boule blanche ; elle humilie les superbes et les puissans ; elle accable de sa haine les enfans coupables envers leurs parens, et venge les amans malheureux des infidélités de leurs maîtresses. Elle fut honorée à Samos, à Ephèse, à Sidon, à Smyrne ; elle eut un temple à Rhamnonte, un autel au Capitole. On la représente avec un voile. Tantôt elle a une roue sous ses pieds, et une couronne de laurier orne sa tête ; tantôt une fleur de narcisse remplace le laurier.
La Paix que l’on regardait comme une des trois Heures en Grèce, était fille de Jupiter et de Thémis. Les Athéniens lui dédièrent un autel. Elle fut surtout adorée à Rome ; l’empereur Claude lui fit élever un temple magnifique. On la représentait tenant Plutus dans ses bras. Elle est souvent aussi représentée avec les traits d’une belle et majestueuse matrone, tenant d’une main l’olivier, la haste, le sceptre ou le caducée dans l’autre. Ailleurs elle tient une corne d’abondance, ou un bouquet d’épis, ou un flambeau renversé.
Thébée, fille de Jupiter et d’Iodamé, fut la femme d’Ogygès, et mère de plusieurs enfans dont on ignore le nom.
La Vérité, passait pour fille de Jupiter ou de Saturne, et mère de la Justice et de {p. 202}la Vertu. On la représente sous la forme d’une femme modeste, dont la demeure, suivant Démocrite, était au fond d’un puits, pour indiquer combien elle est difficile à découvrir. Elle avait pour fille la Vertu, divinité également allégorique, à laquelle Marcellus fit bâtir un temple, en même temps qu’il en fit construire un autre à l’Honneur, de manière que pour arriver à celui-ci, l’on était obligé de passer par le premier.
Minerve. Après avoir parlé de toutes les filles, plus ou moins importantes de Jupiter, arrivons à sa fille chérie, à son véritable chef-d’œuvre, à Minerve enfin, déesse de la sagesse, des sciences, des arts et même de la guerre. Elle portait différents noms et surnoms, suivant les peuples chez lesquels on l’adorait : ainsi on l’appelait Achœa, ou du temple Daurien, dont la garde était confiée à des chiens, qui toujours reconnaissaient les Grecs, et repoussaient les étrangers ; Ædon ou rossignol chez les Pamphyliens ; Agaleis ou qui conduit le peuple ; Agéla ou qui fait du butin ; Agraule ou de la tribu des Erecthéides, à Athènes ; Alalcomeneis ou du sculpteur Alalcomène, ou la fille d’Alalcomène ; Alcis, Alcide, Alcimaque, Alcesta, et Alcidème ou la forte en Macédoine ; Aléa ou d’Aleus, qui lui avait construit un temple à Tégée en Arcadie ; Aliphœrea ou d’Aliphère en Arcadie ; Ambulia ou la marcheuse ; Anemotide ou qui calme les vents à Methone ; Aracynthias ou d’Aracynthe en Etolie ; Area chez les Platéens ; Armifera et Armipotens ou la guerrière ; Asia du Mont-Asie en Colchide, en Laconie ; Assesia et Assesine ou d’Assos en Ionie ; Astyris ou d’Astyra en Phénicie ; Athâna et Athèna ou d’Athènes en Grèce ; Aulis ou qui inventa la flûte ; Axiopœnas ou celle qui vengea Hippicoon et ses amis par les mains d’Hercule à Sparte ; Boarnia ou qui apprit à atteler les bœufs en Béotie ; Budée ou de Budéa dans la Magnésie ; Bulée ou la sage conseillère ; Cabardienus ou de Cabardie ; Capta ou celle qui était captive dans la tête de Jupiter, sur le mont Cœlius à Rome ; Cœsia ou aux yeux bleus ; Catuliana ou à l’étendard de Catulus, Cecropia ou la déesse de Cecrops ; Céleuthée, Chalcidice et Chalcixos ou de Chalcis en Eubée et à Rome, Chalciœcos ou au temple et à la statue d’airain, à Lacédémone ; Chaliniste, à Corynthe, ou qui mit une bride à Pégase pour qu’il portât Bellérophon ; Chorion en Arcadie ; Chrysegis ou à l’égide d’or ; Cissé à Epidaure et en Argolide ; Colocasia, ou à la statue au manteau rond de Sicyone ; Corie et Coreste en Arcadie ; Coryphagère, ou sortie du cerveau de Jupiter ; Cranea ou de Cranée près d’Elatée en Phocide ; Crastie ou de Sybaris ; Cidonia ou de Phyra en Elide ; Cyparissia ou de Cyparissie en Messénie ; Elea ou d’Elée ; Endaïhtyia ou à forme de plongeons à Mégare ; Epipyrgis ou Hécate à Athènes, et Minerve présidant aux tours à Abdère ; Ergane ou l’artisan comme inventrice de tous les arts à Athènes ; Equestre ou Hipia ; Ethyia ou la Minerve aux plongeons de Mégare ; Frœnalis et Faœnatrix ou la domptrice de Pégase à Corynthe ; Giganlophontès ou qui combattit les Géans ; Glaucopis ou aux yeux bleus ; Gorgone, Gorgonie, Gorgonienne, Gorgophone et Gorgophore ou celle qui vainquit les Gorgones, chez les Cyréniens ; Hellotide ou qui punit à Corynthe la mort de sa prêtresse Hellotis, réfugiée dans son temple ; Hippia, ou l’équestre chez les Éléens et à Mantyrée, pour avoir lors de la guerre des Géans, poussé son cheval contre Encelade ; Hippoletis ou d’Hippola en Laconie ; Hoplosmia ou l’armée de pied {p. 203}en cap des Eléens ; Hygiaea ou présidant comme Apollon à l’art de guérir ; Hyperdexia ou favorisant les mortels ; Ilia ou d’Ilium en Troade ; Isménia ou du fleuve Ismenus à Thèbes en Béotie ; Itonia et Itonide ou du temple que lui construisit Itonus fils de Deucalion, chez les Caronéens en Béotie ; Laosas ou sauvant le peuple ; Laphyra ou donnant les dépouilles des ennemis ; Larissée ou du fleuve Larissus dans le Peloponèse ; Lemnia ou des Lemniens qui lui avaient consacré une statue dans la citadelle d’Athènes ; Lindienne ou de Lindos dans l’île de Rhodes ; Machinatrix ou l’inventrice des arts en Arcadie ; Magarsis ou de Magarsus en Cilicie ; Magnesia ou de Magnésia en Macédoine ; Matera ou ornée de piques ; Mechanica et Mechanitès ou présidant aux arts mécaniques à Mégapolis ; Medica ou la guérisseuse-mère chez les Eléens ; Musicale ou la joueuse de flûte ; Neda ou Nedusia ou des bords du fleuve Néda dans le Péloponèse ; Nemaronum ou Minerve-Nœma fille de Lameck qui avait, disait-on, inventé l’art de la filature et du tissage des toiles ; Oleria ou d’Oléros en Crète ; Operaria ou l’inventrice des arts ; Ophtalmetis et Optiletis ou du temple que lui avait consacré Lycurgue, après avoir eu un œil crevé, dans une émeute, par Léandre ; Oxiderce ou aux yeux perçans ; Pallas ou Minerve guerrière ; Pallenis ou de Pallène en Attique ; Panacheis ou protectrice des Achéens ; Parthénie et Parthénos ou la virginale ; Pœnia et Peonia ou la conservatrice de la santé près d’Orope ; Poliade ou la patronne à Tégée et à Erythres en Ionie ; Polinchos ou la protectrice des villes à Sparte ; Prœstès ou qui inspire la sagesse ; Pronaüs ou dont la statue sculptée par Phidias, se trouvait devant le temple à Thèbes ; Pronoœa ou la prévoyante à Delphes, Pylotis ou dont l’image se plaçait au-dessus des portes en Grèces ; Saïs et Saitès ou dont le culte était supposé avoir été apporté en Grèce, de Saïs, ville d’Egypte ; Salête ou fille du Nil, d’après Cicéron ; Salpinx ou la trompette à Argos, où un temple lui avait été bâti par Hégelaüs, inventeur de la trompette ; Sicyonia ou de Sicyone, dans le Péloponèse ; Sospes ou la conservatrice ; Sthéniade ou la robuste à Argos ; Suniade ou de Sunium, actuellement le cap Colonne où Platon enseignait sa doctrine ; Tana ou la Minerve des Etrusques ; Telchinia ou du temple que l’on croyait lui avoir été bâti à Teumesse en Béotie, Tithrone ou de Tithronée en Phocide et chez les Mirrhinusiens ; Tritogenia ou née la troisième, ainsi appelée, on ne sait trop pourquoi ; soit, disait-on, parce qu’elle venait du cerveau de Jupiter ; soit parce qu’elle était née le troisième mois ; soit encore parce qu’on la supposait être venue au monde après Apollon et Diane ; soit enfin que ce nom fût analogue à ceux de Tritonia et de Tritonis qu’on lui donnait en Béotie, comme fille ou élève de Triton. Cependant Démocrite supposait qu’elle devait ce dernier surnom, aux trois grands bienfaits, dont elle était la dispensatrice, savoir : la sagesse, la droiture et la justice ; Unigena ou née d’un seul ; Virago ou au courage masculin ; Virgo ou la vierge par excellence ; Xenia et Xenios, ou la protectrice à Sparte.
Avant d’indiquer la fable dont les Grecs avaient entouré Minerve, donnons quelques explications préliminaires sur son existence. C'est encore une déesse multiple ; ainsi Pausanias en fait une fille aux yeux bleus, inventrice des ouvrages de laine, née de Neptune et de Tritonia nymphe du lac Triton. Cicéron au contraire fait de Minerve cinq personnages {p. 204}distincts ; selon lui, une de ces Minerves était mère d’Apollon, une autre issue du Nil et adorée à Saïs en Égypte devait être la Neith ou Neithée des Égyptiens ; une troisième était fille de Jupiter, une quatrième avait encore ce même Dieu pour père et l’océanide Coryphe pour mère. Alors cette Minerve était la Corie des Arcadiens et suivant eux, l’inventrice des quadriges ou chars à quatre chevaux de front. La cinquième enfin, armée d’ailes au talon, était fille du géant Pallas qu’elle tua parce qu’il avait voulu la déshonorer. Ces Minerves comptées au même nombre par St-Clément d’Alexandrie, ont une autre origine : La première, selon lui, est Athénienne et fille de Vulcain ; la seconde est Neith l’égyptienne ; la troisième Siga fille de Saturne, inventrice de la guerre ; la quatrième fille de Jupiter, et la dernière fille du géant Pallas et de l’océanide Titanis.
Si nous passons à la fable inventée par les Grecs, et dont ils ornèrent la Neith ou Minerve égyptienne, qu’ils appelèrent Athâna, parce qu’elle avait suivant eux, présidé à la fondation d’Athènes, déjà nous savons que Jupiter avala Métis, ou la sagesse personnifiée, aussitôt il sentit un mal de tête insupportable. Cependant voulant se délivrer de ce mal violent, il s’adressa à Vulcain et il lui ordonna de lui ouvrir le cerveau d’un coup de marteau ; ce qui fut à l’instant exécuté. A peine le divin cerveau fut-il ouvert que Minerve en sortit armée de pied en cap. Alors brandissant sa lance, elle fit trembler l’Olympe, gemir la terre, bouillonner l’Océan, et frappa de stupeur les coursiers du soleil. Le jour même de sa naissance, Apollon voulut qu’à Rhodes on élevât un autel à la nouvelle déesse, et qu’on lui offrît un sacrifice. Le maître des dieux pour récompenser ceux qui participaient à cet hommage, fit pleuvoir autour d’eux une pluie d’or. Minerve née du cerveau, du plus noble organe paternel et sans le concours charnel des deux sexes, fut d’abord confié à trois nourrices, filles d’Ogygès appelées Aulis, Alalcomenia et Teleidia ou dans leur ensemble Praxidices et Trito ou Tritonia femme de Triton. On cite même parmi ses gouverneurs ou pères-nourriciers Alalcomède ou Alalcoméne, et Triton lui-même. Enfin, elle apprit de Dédale les travaux de son sexe. Elle fut ensuite placée dans l’Olympe presque sur la même ligne que le maître des Dieux. Jupiter craignant qu’un autre ne fût plus heureux que lui auprès de Minerve, permit à cette déesse de renoncer pour toujours à l’hymen et à l’amour. Aussi malgré les poursuites violentes de Neptune et de Vulcain, elle resta insensible à leurs prières, quoique par suite des importunités du dernier elle ait donné le jour au monstre Erichthonius. Minerve prit les arts sous sa protection : elle inventa l’écriture, la peinture et la broderie ; elle mit Pandore, avant sa descente sur la terre, en état de filer, de tisser, de broder et de coudre.
Un jour Neptune voulut lui disputer l’honneur de donner son nom à la ville d’Athènes. Alors pour terminer ce différent, ils convinrent que celui qui produirait la chose la plus utile aux nouveaux habitans serait vainqueur. Neptune fit sortir de terre d’un coup de trident un superbe cheval que l’on appela Scyphios, et Minerve simplement un olivier. Pourtant l’olivier eut le prix, et Minerve donna son nom à cette ville naissante.
Quoique Minerve fût la sagesse personnifiée, la jalousie quelquefois pénétrait assez vivement jusqu’au fond de son cœur. {p. 205}Ainsi la patiente Arachnée fille d’Idmon dans un défi qu’elle avait osé lui porter, ayant vaincu la déesse par la perfection avec laquelle elle représenta sur une broderie les amours de Jupiter, excita la colère de Minerve qui déchira la toile de sa rivale la frappa de sa navette et la suspendit dans l’espace en la métamorphosant en araignée, à l’instant où de chagrin la pauvre Arachné cherchait à se pendre. Cette imprudente laissa pour fils Closter ou le fileur auquel on attribue l’invention du fuseau. Bussa fille d’Eumele, ayant méprisé cette déesse fut également punie et changée en oiseau. On dit encore que Minerve Métamorphosa Dircée deuxième femme de Lycus roi de Thèbes, en poisson ; mais cet acte est fort obscur, et on ne sait trop si ce fut une vengeance ou une récompense ; et même d’autres auteurs prétendent que cette Dircée fut changée en fontaine non par Minerve, mais par Bacchus, après qu’elle eut été mise en pièces par le taureau indompté à la queue duquel elle avait été attachée par les jumeaux Amphion et Zéthus, pour avoir exercé une cruelle jalousie sur leur mère Antiope, première femme de Lycus.
[n.p.] [n.p.]Enfin Minerve changea en serpent les cheveux de Méduse, la plus belle de trois Gorgones, que Neptune avait violée au pied de ses autels. Cette déesse portait la chasteté si loin qu’on lui attribue aussi l’aveuglement de Tirésias pour avoir eu le malheur de l’avoir vue au bain. Un autre jour elle changea Nictymène en chouette pour avoir eu un commerce incestueux avec son père.
Minerve avait en outre tant soit peu de coquetterie, elle tenait à la régularité de ses traits. Aussi après avoir inventé la flûte dont elle s’amusait à jouer de temps en temps, elle fut un jour raillée par Junon et Vénus qui se moquaient de ses contorsions : aussitôt elle voulut s’en assurer, courut à une fontaine du mont Ida, et se trouva en effet si hideuse que de colère elle jeta son instrument en promettant la mort à qui le trouverait : ce fut, nous le savons, le pauvre Marsyas qui succomba sous le poids de cette malédiction.
Comme déesse de la guerre, Minerve portait le nom de Pallas qu’elle adopta après avoir vaincu le titan Pallas. Nous la verrons prendre le parti des Troyens contre les Grecs, et ne les abandonner qu’au moment fixé par le destin pour la ruine de Troie. Elle prit le tonnerre des mains de Jupiter et foudroya Ajax fils d’Oilée, pour venger la violence qu’il avait faite à Cassandre jusqu’au pied de ses autels. Elle aida aussi Persée, Hercule, Bellérophon, les Argonautes dans leurs lointaines et périlleuses aventures. Cette Pallas déesse de la guerre, avait la vivacité, la vigilance et l’amour du tumulte. Elle lançait la foudre, donnait l’esprit de prophétie, protégeait la vie des hommes et leur procurait quand elle le voulait le bonheur, après la mort. Ses promesses, fussent-elles mêmes indiquées par un signe de tête, étaient irrévocables : aussi Apollodore ne veut pas que l’on confonde ensemble Minerve et Pallas, il fait de celle-ci une fille de Triton confiée aux soins de Minerve, laquelle un jour blessa à mort sans le vouloir son élève dans un combat singulier, après l’avoir effrayée par la vue d’une égide ou espèce de bouclier dont Jupiter venait de couvrir sa fille. Minerve la regretta, et, pour se consoler, elle orna l’égide qu’elle portait sur sa poitrine de l’image de Pallas : de là vint l’origine du Palladium ou statue de Minerve-Pallas, à laquelle, disait-on, l’existence de la ville de Troie était attachée.
{p. 206}Minerve avait dans toute la Grèce un culte qui fut toujours des plus respectés ; il y fut importé vers l’année 1556 ou 1582 par Cécrops, qui de l’Égypte vint s’établir dans l’Attique, et y popularisa cette maxime religieuse disant : que la sagesse est sortie de la tête du Très-Haut, avant tous les êtres. Ce culte de Minerve fut bientôt universel ; Saïs lui avait élevé un temple admirable ; les Rhodiens l’honorèrent d’abord avec enthousiasme, parce que, croyaient-ils, elle les avait gratifiés d’une pluie d’or le jour de sa naissance ; ensuite, ils la négligèrent pour le culte du Soleil. Mais, c’était surtout à Athènes qu’elle était adorée sous les noms de Panathenos ou vierge, et sous celui d’Athèna ; aussi Erichthonius, que nous connaissons pour son fils supposé, institua en son honneur les fêtes appelées Athénées, auxquelles, plus tard, Thésée, roi d’Athènes, donna un lustre magnifique, en les nommant Panathénées ou fêtes de tous les adorateurs d’Athèna. Il y avait les grandes Panathénées, se célébrant tous les cinq ans, et les petites Panathénées, revenant chaque année.
Pour célébrer ces fêtes de Minerve, les jeunes filles se partageaient en différentes troupes, armées de pierres et de bâtons. Au moment où l’on donnait le signal du combat, elles se précipitaient avec fureur les unes sur les autres, et la première qui périssait dans l’action, était regardée comme infâme. Alors on jetait son corps à l’eau, tandis qu’on reconduisait en triomphe celle qui, sans avoir succombé, venait de sortir du combat avec le plus de blessures. Ces fêtes, d’abord établies dans la Libye, près du marais Tritonien, furent transférées à Athènes, lorsque Minerve lui eut donné son nom.
Pendant les grandes Panathénées, la foule, alors immense, promenait processionnellement et en grande pompe, un navire orné du peplum ou robe extérieure blanche et légère, sans manches, brodée d’or, agrafée sur l’épaule et ornée de desseins représentant les actions célèbres de la déesse, de Jupiter et de plusieurs héros. Lors de ces fêtes, on délivrait des prix aux athlètes des jeux gymnastiques, et une couronne d’olivier aux poètes et musiciens, en mémoire de la protection de la déesse pour l’olivier ; aussi les assistans des deux sexes devaient-ils toujours, tant qu’ils étaient aux Panathénées, porter à la main une branche de cet arbre.
Les autres fêtes instituées en l’honneur de Minerve et jouissant de plus ou moins de crédit étaient : les Aléennes ou Alées des Arcadiens en l’honneur de Minerve-Alea ; les Aloties chez le même peuple, en mémoire d’une grande quantité de prisonniers Lacédémoniens qu’ils avaient faits dans une victoire ; les Arréphories ou Herséphories ou Arrétêphories étaient des fêtes Athéniennes dans lesquelles on portait des objets mystérieux en l’honneur de Minerve et de Hersé, fille de Cécrops ; les Céramicies étaient des espèces de panathénées aux flambeaux qui se célébraient à Athènes dans le quartier Céramique ; les Chalcées étaient pour rappeler que Minerve avait appris à travailler les métaux ; les Chalciœcies étaient des sacrifices que les jeunes Lacédémoniens faisaient tout armés à Minerve-Chalciœcos ; les Helloties étaient des Céramicies adressées par les Corinthiens à Minerve Hellotis ; les Minervales étaient célébrées à Rome, par les écoliers, pour avoir des congés, et par les savans, une fois au mois de janvier, et une autre fois au mois de mars ; on y voyait des combats de gladiateurs, et, en mémoire de leur inventrice, on purifiait les trompettes dont on mêlait les sons aux cérémonies {p. 207}sacrées ; les Nicétéries rappelaient à Athènes, la victoire de Minerve sur Neptune ; les Oléries étaient en Crète, les fêtes de Minerve Oleria ; les Pambéotés étaient les Panathénées des Béotiens, qui alors se réunissaient à Coronée ; les Procharisteries se célébraient à Athènes, au printemps, pour prier Minerve de faire pousser les oliviers ; les Quinquatries étaient les Panathénées de Rome ; on les célébrait le 19 mars, jour de la naissance supposée de Minerve : elles ne duraient d’abord qu’un jour, mais on les prolongea ensuite, pendant quatre et cinq jours, d’où vint leur nom ; les Sthénies étaient, à Argos, des fêtes en l’honneur de Minerve-Sthéniade ; ces fêtes étaient célébrées aussi par les Athéniennes ; alors elles ne cessaient de s’attaquer par des bouffonneries ; les Sinœcies se célébraient, à Athènes, en mémoire de la réunion des bourgs en une seule ville.
Dans ces fêtes, on lui consacrait l’olivier, arbre favori, la chouette ou le hibou, comme marque de ses méditations nocturnes et silencieuses, ainsi que le dragon, emblème de sa haute sagesse. Honorée par tant de fêtes, Minerve devait nécessairement avoir des temples en proportion. L'un de ses plus beaux était celui de la citadelle d’Athènes, et celui qui se voyait dans la ville de Troie où elle était adorée sous le nom de Pallas, comme présidant aux combats. Les Troyens y gardaient précieusement sa statue, qu’ils appelaient le Palladium, et auquel ils croyaient que le sort de leur ville était attaché. Cette petite figure, faite des os de Pélops, ancien roi du Péloponèse, était l’objet de leur vénération. Nous verrons, en parlant de la destruction de cette ville, comment ce fameux Palladium lui fut enlevé par les Grecs : mais ce fut toujours dans l’Attique que Minerve fut, dès la plus haute antiquité, adorée avec le plus de vénération ; elle y avait en grand nombre et des temples et des statues et des figurines ou Palladium.
Les Athéniens, après la bataille de Marathon, érigèrent, en son honneur, une statue colossale en bronze, et plus tard. Phidias en fit une, pour le Parthénon, en ivoire et en or, par les ordres de Périclès : cette statue avait vingt-six pieds de haut. Minerve avait à Rome un temple au Capitole, et Pompée ainsi qu’Auguste, lui en firent élever dans différentes contrées.
On la représente avec une taille imposante, un visage noble, jeune et beau, mais avec une beauté simple, modeste, et même avec une mâle sévérité ; souvent son air est méditatif et grave ; dans les plus belles statues, elle a les yeux légèrement baissés, marque de réflexion ; ses cheveux sont flottans en spirales ondoyantes derrière sa tête. Un casque à visière relevée couvre presque toujours sa tête ; sur sa poitrine on voit la peau écailleuse d’un serpent monstrueux dont elle délivra la Libye. Elle tient ordinairement un large disque ou bouclier, au milieu duquel apparaît la tête sanglante de Méduse, dont l’aspect pétrifie subitement ses ennemis. Une longue tunique, un peplum et quelquefois un riche collier, des bracelets et des pendans d’oreilles complètent le costume de cette déesse. Cependant la statue de Phidias avait un aspect particulier : elle était debout avec une pique à la main ; puis à ses pieds, on voyait sur son bouclier une tête de Méduse, sur son estomac une victoire de quatre coudées, auprès d’elle ou sur son casque un hibou, et un dragon au bas de sa lance.
Quant à cette égide que portait Minerve, on est fort peu d’accord sur son origine. {p. 208}Tantôt c’est la peau écailleuse dont sa poitrine est ornée, tantôt c’est le bouclier qu’elle porte au bras ; souvent cette peau est celle du géant Pallas ; d’autres fois elle vient de Pallas, fille de Triton ; ou bien enfin, c’est la dépouille d’un monstre terrible que nous appellerons dragon. Né de la terre sur le sol phrygien, il vomissait des torrens de flammes, et déjà il avait ravagé les campagnes d’Égypte, d’Afrique et de Phénicie, lorsque Jupiter donna l’ordre, à Minerve, de le détruire. Alors elle le joint près des monts Cérauniens, l’arrête, le met à mort et couvre aussitôt sa poitrine de sa peau impénétrable. Ainsi, d’un côté, voilà l’égide de Minerve ; mais d’un autre, on donne aussi ce nom au bouclier que lui avait donné Jupiter, et qui se trouvait recouvert de la peau de la chèvre Amalthée ; bouclier au milieu duquel Minerve plaça la tête de Méduse, dont la terrible propriété était de changer en pierres tous ceux qui la regardaient. Dans quelques pages nous retrouverons cette effroyable Méduse, l’une des Gorgones, et nous verrons comment Persée, l’un des fils de Jupiter, la combattit, la mit à mort et lui coupa la tête pour en faire présent à Minerve qui l’avait protégé et avait soutenu son courage en venant auprès de lui.
Puisque nous avons parlé de Cécrops, parlons de cet importateur du culte de Minerve à Athènes. Il vint, dit-on, ou de Phénicie ou d’Egypte ou de Saïs, arriva en Grèce, dans l’Actâ ou Actée, depuis Cécropie et ensuite Attique, réunit sur ce point des peuplades sauvages, leur donna les élémens d’une civilisation, leur enseigna l’agriculture, à se construire des habitations, à modifier leurs mœurs en se soumettant à la loi du mariage, aux réglemens d’ordre, à cultiver le précieux olivier, et à reconnaître plusieurs dieux nouveaux. Bientôt on supposa que l’érection de cette ville nouvelle avait tellement excité la protection bienveillante des Dieux qu’il y avait eu concurrence pour savoir qui lui donnerait son nom ; Arès ou Mars et Posidon ou Neptune s’étaient disputés à ce propos, sous le prétexte d’une violence faite à Alcippe, fille de Mars et d’Agraule, née de Cécrops par Halirrhothe, fils de Neptune. Ce Posidon, non satisfait de l’avoir emporté sur Mars, trouva encore contre lui Athâna ou Minerve, qui lui disputa hautement l’honneur de nommer cette nouvelle cité ; alors aussi Minerve eut la victoire et le droit d’imposer son nom à cette ville. D'autres expliquent cette dispute en disant que sous le règne de Cranaüs, successeur de Cécrops, les matelots, vivant tous de piraterie, ayant reconnu Neptune pour le chef de leurs dieux, et le peuple ou le sénat s’étant mis sous la protection de Minerve, l’aréopage consulté mit l’agriculture et les arts au-dessus de la simple navigation ; ou bien peut-être, en admettant que la Cécropie s’appelait autrefois Posidonie, décida-t-il tout naturellement que le culte de Minerve remplacerait dorénavant celui de Posidon et que cette contrée prendrait le nom de la déesse.
Cécrops eut de sa femme Aglaure fille d’Actée, trois filles appélées Cécropides. Ce sont : Aglaure ou Agraule crue aussi fille d’Actée le premier roi d’Athènes ; Hersé et Pandrose. On lui donne encore symboliquement pour filles Athèna et Phrygie. L'existence supposée de ce personnage auquel on a donné le nom de Cécrops, est tellement douteuse que, dans les vieilles fables, on trouve ce législateur dépeint sous les traits d’un homme dragon, pour indiquer la liaison qui existe entre l’agriculture et les institutions législatives. Elles le faisaient passer pour fils de la terre et de {p. 209}Praxithée femme d’un Erichthée ou Erichthonius ou Erichton, que nous savons enfant de Vulcain et de Minerve. Ceux qui donnaient à Cécrops la terre pour mère, l’avaient en conséquence appelé Gègénès. On le surnommait aussi Bifrons ou Biformis ou à double front et Diphyès ou à deux natures. Cet Erichthée ou Erichthonius auquel on attribue l’invention des chars, du van, du crible et des jeux Panathéens en Attique, vers l’an 1487 avant J.-C., avait un nom qui signifiait à la fois contestation en terre ; il semblerait donc être venu après Cécrops et Cranaüs son successeur. La naissance de cet Erichton est fort obscure, ou au moins toute symbolique à l’égard de Minerve comme sa mère, dont il fut simplement inspiré dans ses travaux industriels et politiques.
L'on supposait encore qu’il devait le jour à l’hymen furtif d’Hepheste ou Vulcain et d’Athis fille de Cranaüs, et probablement de Pedias comme Cranaé et Cranechme. L'on croit pourtant que ce Cranaüs succéda à Cécrops et mourut entre les années 1590 et 1532 av. J.-C. Du reste ces fables paraissent aussi toutes symboliques. Alors Cranaüs personnifie la partie rocailleuse et montagneuse de l’Attique, et l’on ajoute qu’il aurait laissé à Pedias la plaine et à un roi du nom d’Actée la côte, qui ne devint Attique qu’après la mort d’Athis fille de Cranaüs. Cécrops semble donc être arrivé d’abord sur la côte, avoir fondé la citadelle ou acropole d’Athènes vers l’an 1575 av. J.-C. et avoir étendu l’agriculture de la plaine jusque sur les montagnes. Ce qui dès lors la fit dominer et donna lieu plus tard à l’idée de faire supposer que Cranaüs ou la montagne avait succédé à Cécrops. Quoi qu’il en soit de toute cette obscure origine, on admet généralement que le royaume d’Athènes dura près de 400 ans et qu’il eut dans cet espace 17 rois, savoir : Cécrops, Cranaus, Amphictyon, Erechthée I qui eut de Pasithée : Pandion I, Orithye et Alcon ; Pandion I, père de Butès, de Philomèle et de Prognée ; Erechthée II mari de Praxithée et père de Cécrops II, Métion, Pandarus, Créhuse, Orithye, Procris, Citonie ou Colophonie femme de Butès, Cécrops II époux de Métiaduse et père de Pandion II, Pandion II, père d’Egée, de Pallas, de Nysus, et de Lycus ; Egée, Thésée, Ménesthée, Démophoon, Oxinthès, Aphidas, Thyméthès, Mélanthe et Codrus.
Fils de Jupiter. Si connaissant les filles de Jupiter et la plupart de leurs descendans les plus importans, nous passons aux fils du maître des Dieux, nous en trouverons beaucoup sur lesquels il sera inutile de nous arrêter long-temps ; aussi les parcourrons-nous rapidement pour arriver ensuite aux plus remarquables.
Amphion, était fils de Jupiter et d’Antiope, fille de Nyctée épouse de Lycus roi de Thèbes, qui la répudia, lorsqu’il eut appris qu’elle avait été la maîtresse d’Epopée ou Epaphus roi de Sicyone. C'est à cette époque que Jupiter, épris de ses charmes, la séduisit sous la forme d’un Satyre. Elle devint enceinte. Alors Jupiter la conduisit sur le Mont-Cithéron, et là elle mit au jour Amphion et Zéthus, et même, dit-on, Calathus. Lycus se rendit maître de ces enfans et les fit exposer auprès d’une forêt, mais ils furent trouvés et recueillis par des bergers qui prirent le soin de les élever. Amphion ayant reçu des Muses ou selon d’autres d’Apollon une lyre, eut bientôt appris à la faire résonner harmonieusement. Peu de temps après, accompagné de son frère, il vint à Thèbes, délivra sa mère et la vengea des outrages de Lycus en le faisant mourir. Puis il attacha Dircé {p. 210}épouse de Lycus, aux cornes d’un taureau sauvage, qui, l’entraînant rapidement au milieu des forêts, la fit périr misérablement. Amphion s’empara ensuite de la ville, la fit fortifier et l’augmenta en y ajoutant le bourg de Cadmée. Les anciennes légendes voulant faire oublier ces cruautés d’Amphion, profitèrent de son habileté sur la lyre et supposèrent que les murailles de Thèbes ne furent point élevées par des mains humaines. Amphion les avait construites, disaient-ils, en faisant simplement résonner son divin instrument, et à ces accords mélodieux les pierres se mouvaient et venaient se ranger en ordre sur les murs Thébains. Plus tard il accompagna les Argonautes ; puis il épousa Niobé fille de Tantale, dont il eut sept fils et sept filles que nous avons vus périr victimes de l’imprudence et de l’orgueil de leur mère. Amphion ne pouvant survivre à ce désastre, se perça de son épée. On lui éleva un tombeau près de Thèbes. Habituellement on le représente avec son frère préparant le supplice de Dircé, ou faisant élever les murs de Thèbes aux sons de sa lyre. Amphion eut les enfans que nous lui connaissons ; quant à Zéthus, il épousa Aédon sœur de Mérops et de Cleotère, toutes trois filles de Pandore, et en eut Ityle.
Arcas. Déjà nous l’avons vu naître de Callisto ; à peine fut-il au monde que la jalouse Junon changea sa mère en ourse, Jupiter alors s’empara d’Arcas et le confia à Maïa qui le nourrit de son lait. Lorsqu’il fut homme, il se livra à la chasse, sa passion dominante ; son courage à attaquer les bêtes les plus féroces et son adresse à triompher des animaux les plus furieux, le firent remarquer par les tribus rudes et sauvages de l’Arcadie qui le prirent bientôt pour leur chef. Il leur donna des lois, adoucit leurs mœurs, institua le lien conjugal et leur apprit l’art de construire des maisons et de se faire des habits. Nous avons vu comment la fable le fait monter au ciel ; mais avant il épousa Léanire dont il eut trois fils, Aphidas, Azan, Elate, qui se partagèrent ses états après sa mort, et desquels naquirent Cyllen, Egyptus, Ischys, Péréus et Stymphale. Le premier fut père d’Aleus et de Sténébée. Aleus, s’étant marié à Cléobule, eut pour enfans Lycurgue, Amphidamas et Céphée. Alors Lycurgue à son tour devint père d’Arcée, d’Epochus, de Phénix et d’Iasus que Climène, fille de Minyas, épousa pour devenir mère d’Atalante et d’Apis.
Arcésilas, fils de Jupiter et de Torrébie fut le frère de Carius.
Arcésius fils de Jupiter et d’Europe, est remarquable parce qu’il donna le jour à Laërte, qui après avoir épousé Anticlée fille de Dioclès ou d’Autolycus, devint père d’Alcimédon, de la belle Climène et du fameux Ulysse, époux de Pénélope fille d’Icarre, et père de Télémaque.
Argus fut le troisième ou quatrième fils d’Argos, ou fils de Jupiter et de Niobé, fille de Phoronée. Il succéda à son aïeul qui était roi de l’Argolide. Il punit les Telchines de Sicyone du meurtre dont ils s’étaient rendus coupables sur la personne de son oncle Apis. Il épousa Evadné fille du Strymon dont il eut quatre fils Criasus, Ecbasus, Piranthus, Epidaurus, et selon d’autres Piratus et Phorbas. Ce dernier devint père d’Arestor qui de Mycène fille d’Inachus eut Argus-Panoptès et Triopas, lequel Argus-Panoptès après avoir épousé Ismène fille d’Asope en eut pour fils Iasus. Quant à Triopas, il fut père de Messène, d’un autre Iasus et d’Agénore père de Crotopus, lequel eut Psamathé pour fils.
{p. 211}Alymnius, fils de Jupiter et de Cassiopée, fut l’ami intime de Sarpédon.
Bacchus, Dieu du vin et de la joie, portait les différens noms et surnoms qui suivent : Acratophore et Acratopote ou qui porte ou boit du vin pur chez les Phigaléens, en Arcadie ; Aglamorphe ou aux formes brillantes, nom quelquefois également donné à Apollon ; Alysius ou qui délivre des soucis ; Amphiétès et Amphictète, ou des adversaires ; Anthée et Anthius, ou le père des fleurs à Athènes et à Patras en Achaïe, parce que dans ces villes des robes ornées de fleurs couvraient ses statues, et qu’on lui offrait les premières fleurs du printemps. Aonius-Deus ou d’Aonie, c’est-à-dire de la Béotie dont les peuples, dans l’origine, portaient le nom d’Aones avant que Cadmus vînt se fixer dans ce pays avec une colonie phénicienne ; Arboréus ou Bacchus arbre ; Arée et Aroée à Patras ; Axitès chez les Héréens ; Bacchipean ou le vieillard ou le médecin ; Babactès ou le brillant parleur ou qui bégaie ; Barbatus ou le barbu, Bassarœus ou chaussé du bassaris en Thrace ; Beotius ou de Béotie ; Biarcée, Bicornis et Bucornis et Bicorniger ou aux deux cornes, soit à cause de sa force, soit parce qu’il portait à la main une corne de taureau remplie de vin. Biformes ou aux deux formes, jeune ou vieux, triste ou gai ; Bimater et Dimater, ou aux deux mères ; Botryochète ; Briseus ou le nourrisson de Brisa ; Bromios ou qui naquit au bruit du tonnerre ou des bacchantes ; Brumale et Brumus ou le Brumeux à Rome, parce qu’on le célébrait en septembre ; Bugénès ou né d’un bœuf, soit comme fils de Jupiter Ammon qui avait une tête de bélier surmontée de cornes, soit parce que lui-même avait des cornes ; Cadmée ou fils de Cadmus par Sémélée sa mère ; Calydonius ou de Calydon en Étolie ; Cantor ou le chanteur ; Cephalon ou de Méthymne ; Céraos ou le cornu ; Charopsalès à Sicyone ; Choopotès ou qui boit tout un conge ; Chthonius, comme né de Proserpine ; Cissus ou le protecteur de Cissus, qu’il changea en lierre ; Corniger ou le cornu ; Corymbifer ou portant la corymbe ou couronne en baies de lierre ; Dœmon-Bonus ou le bon génie, en l’honneur duquel on devait boire les dernières coupes de vin ; Dasylle à Mégares ; Desultor, Digénès et Digonos ou aux deux naissances ; Dimator ou aux deux mères ; Dimorphos ou aux deux formes ; Diogenès ou le fils de Jupiter ; Dionysios et Dionyoes ou le Bacchus grec ; Diphyès ou aux deux mères ; Dithyramhus et Dithyrambogénès, ou qui avait séjourné alternativement dans le sein de sa mère et dans la cuisse de Jupiter, en raison de quoi l’on criait dans ses fêtes. Déliez la ceinture ? d’où vint le nom de Dithyrambe que l’on donna ensuite aux hymnes que l’on chantait en son honneur ; Ebon nom que criaient les bacchantes dans ses fètes ; Edonius ou du Mont-Edon, en Thrace ; Eleleus et Elelen et Eleutherios ou libre de toutes peines, nom que lui donnaient encore les bacchantes ; Enorchos nom qu’on lui donnait par suite des danses qui avaient lieu dans ses fêtes ; Ephaptor ou le toucheur ; Erebinthinos ou qui faisait croître les pois ; Ericopée et Erecépé, Esymne et Esymnète, Eubule et Eubulé, Euhius et Evius et Evan, noms que lui prodiguaient les bacchantes à grand cris, parceque, disait-on, Jupiter, pendant la guerre des Géans l’avait encouragé en lui criant : eu, uie, bien, mon fils ; Gorgius ou de Gorgia dans l’ile de Samos ; Gigantolétès ou le vainqueur des Géans ; Gynis ou l’efféminé ; Hébon à Naples, Homertés ou qui ne s’apaise que {p. 212}par des sacrifices humain ; Hyas et Hyès ou du nom de Sémélée ou de la saison pluvieuse, pendant laquelle venaient toujours ses fêtes ; Iacchos ou le fils de Cérès ; Inverecundos Deus, io Bacche, nom que l’on répétait dans ses fêtes ; Lampter ou qui boit à la lumière des flambeaux ; Laphystius ou du Mont-Laphystius en Béotie ; Leneus ou le dieu des pressoirs, Leucyante ou des bords de la rivière Leucyanas en Elide ; Liber pater ou le père de la liberté ; Licnitès ou du van que l’on portait dans ses fêtes. Limnœus ou de Limnes, quartiers d’Athènes ; Lœbasius ou celui qui dissipe la mélancolie ; Maroneus ou de Maronée en Thrace, ou du vignoble célèbre de Marones près d’Alexandrie ; Mélanégis à Lermione, ou celui qui parut couvert de la peau d’une chèvre noire, au combat de Melanthe et de Xanthus ; Melanthode ou qui secourut Melanthe à Athènes ; Méonius ou de Méonie dans l’Asie Mineure. Mésotée ou de Mésotée en Achaïe ; Milichios ou doux comme du miel ; Musaqètes et Musaris en Carie ; Myste ou l’initié ; Nictelius ou le nocturne ; Nyseus et Nysios ou de Nysa ; Odrysius ou de la nation des Odryses en Thrace ; Ogygius ou d’Ogygie en Béotie ; Omphacite ou au raisin vert ; Omadius ou qui ne s’apaise que par des victimes humaines ; Orakal ou de la Scythie ; Oresbios et Oreus ou honoré sur les montagnes ; Orthos ou le droit tel qu’il était dans le temple des heures chez les Athéniens ; Patroos ou le patron ; Pericionios ou enveloppé de colonnes ; Politès ou le citoyen en Arcadie ; Psila ou qui rend agile ; Pyrigène ou né du feu, parce que sa mère Sémélée avait été brûlée ; Sabasien ou de Sabes en Thrace ; Scythitès ou le voyageur en Scythie, à Lacédémone ; Sphalie ou qui chancèle ; Staphylite ou de Staphylus son fils ; Tauritephale et Tauriceros et Tauriceps et Taurifornes et Tauriformis ou aux cornes, ou à la tête de taureau ; Tauricephase ou le mangeur de taureaux ; Taurocephale et Tauroceros et Tauromorphe et Taurophane ou aux cornes de taureau ; Thioneus ou de Thyoné son aïeul maternel ; Theænus ou dieu du vin ; Threix ou de la Thrace ; Tragebon ou à la peau de bouc ; Triambus ou le triomphant ; Thyrhenoletès ou qui fit mourir les matelots Tyrrheniens ; Vitisator ou le planteur de vigne ; Zagrée ou le grand chasseur ou le fils de Jupiter et de Proserpine.
Les noms sous lesquels les Grecs adoraient spécialement Bacchus, étaient ceux de Dionysios, de Bacchipœan, de Theænus et d’Iocchos. Les Romains l’appelaient beaucoup plus généralement Bacchus, Eleutherius ou Liber pater ; quant aux poètes, ils employaient indifféremment son nom pour indiquer l’inventeur du vin ou le vin lui-même.
Ce Bacchus est encore une personnification connue de tous les peuples, mais sous des noms différens. C'est le premier planteur de vigne que l’on retrouve partout et dans toutes les religions ; aussi ne faut-il pas s’étonner que les auteurs anciens ont émis des opinions fort opposées sur l’origine de ce dieu. Diodore compte trois Bacchus : l’un surnommé le Barbu, égyptien de naissance, fut envoyé par son père soumettre la ville de Nysa en Arabie, et fut un conquérant des Indes ; un autre auquel on donne des cornes, était fils de Jupiter et de Proserpine, et le troisième, appelé le Bacchus Thébain, avait encore Jupiter pour père et Sémélée pour mère. Cicéron bouleversant cette opinion, indique cinq Bacchus savoir : un fils de Jupiter Ammon et de Proserpine ; un autre {p. 213}fils de Nilus un troisième fils de Caprius, roi d’Asie ; un quatrième né de Jupiter et de Luna ; puis un cinquième fils de Nysus et de Theone. Quant aux Grecs, ils réunirent sur le Bacchus Thébain les aventures de tous les autres, et sans s’inquiéter des grossiers anachronismes qu’ils commettaient, ils en firent un petit fils de Cadmus, fondateur de Thèbes, un vainqueur des Géans dont la guerre avait eu lieu bien des siècles avant l’avènement de Cadmus, et le vainqueur des Indes, dont l’existence ne fut en réalité connue en Grèce, qu’après le retour d’Orphée qui venait de parcourir l’Egypte ; mais quoi qu’il en soit, prenons Bacchus tel que la fable grecque nous le transmet.
Bacchus, dieu du vin, était fils de Jupiter et de Sémélée, petite fille de Thyoné et fille de Cadmus roi de Thèbes et d’Hermione. Les Orphiques donnaient encore Misée pour mère à Bacchus. Il perdit sa mère Sémélée avant le terme voulu pour sa naissance, comme nous le savons. Aussi Jupiter pour le sauver le mit dans sa cuisse, jusqu’au moment fixé pour les gestations ordinaires.
Jupiter le prit-il lui-même dans le sein de Sémélée ? On ne le croit pas ; mais on dit que Mercure ou la nymphe Dircé, sauva cet enfant des flammes et le remit entre les mains de Jupiter, qui le plaça dans sa cuisse, d’où vint à Bacchus son nom de Bimater ou à deux mères. Quelques historiens pensent qu’il faut entendre par ce conte absurde que Jupiter, amant de Sémélée, fit transporter le fruit de leurs amours par un messager discret à Nysa, ville d’Arabie située près de Méros, montagne, dont le nom signifiait Cuisse.
Une fois retiré de la cuisse du maître des dieux, Bacchus passa entre les mains des nourrices, tantôt ce sont les Nyséïdes ou Nysiades : Brisa, Bromé ou Brémie, Cisséis, Eripe et Nysa ; tantôt c’est la nymphe Atlantide Fésule ou une nymphe de l’île Eubée ou Philia, Coronis et Cléis, ou Clyta de l’île de Naxos ; d’autres fois c’est Hippa, nymphe du Tmolus ou bien les Dodonides prêtresses de Jupiter de Dodone. Quelquefois enfin, comme d’après Pausanias, ce sont les habitans de Brasias qui, le trouvant seul en vie, le sauvèrent des flots, sur lesquels il avait été exposé avec sa mère, dans une corbeille, par ordre de Cadmus.
Pourtant on dit aussi que ses trois tantes Ino, Agavé et Autonoé lui servirent de nourrices, et élevèrent son enfance avec un soin maternel. Le vieux Silène en outre lui enseigna la culture de la vigne.
Cependant, malgré cet entourage, auquel il faut ajouter les Hyades, les Heures, les Muses et les Nymphes, Bacchus n’en fut pas moins poursuivi par la haine de Junon. Aussi un jour elle envoya pour l’étouffer un amphisbène ou serpent à deux têtes que le dieu, réveillé à temps, mit à mort de ses propres mains ; une autre fois, elle le frappa de folie, et l’enfant se mit à courir le monde jusqu’en Phrygie, où il fut délivré de cette maladie par Cybèle. Enfin s’étant, dans une troisième circonstance, endormi dans l’île de Naxos, des pirates Tyrrhéniens, inspirés par Junon, firent violence à leur pilote Acétès et vinrent enlever ce dieu. C'étaient Alcimédon, Dictys, Ethalion, Libys, Lycabas et Mélas, puis Médéide qui prit la barre du gouvernail en place du pilote ; malheureusement pour eux, le dieu vint à se réveiller, et dans sa colère, aussitôt il les changea en dauphins, à l’exception du bon Acétès, dont il fit plus tard, son grand-prêtre.
{p. 214}Après avoir aidé Jupiter d’une manière glorieuse à vaincre les Géans, quoique plusieurs auteurs assurent qu’il fut mis en pièce par ces révoltés, et que Jupiter fut obligé d’animer de nouveau ses membres lorsque Minerve les eut réunis, Bacchus résolut de marcher sur les traces des héros et de surpasser la gloire des plus illustres conquérans. Son projet de conquête n’avait rien de sanguinaire, il voulait des sujets heureux et non des esclaves ; son seul désir était de porter la civilisation et l’art de faire le vin dans les contrées les plus éloignées. Il partit donc, accompagné d’une foule de Nymphes, de Faunes, des Curètes, des Heures, du vieux Silène, de Pan et d’Aristée, l’inventeur du miel. Il était monté sur un char, traîné par deux tigres ; un thyrse lui servait de sceptre ; une couronne de pourpre ceignait sa tête ; il arriva ainsi jusque dans les Indes, où il combattit avec succès, et où il imposa sa loi à tous les peuples de cette grande péninsule. Les nations voisines vinrent se soumettre d’eux-mêmes à Bacchus et subirent avec plaisir un joug aussi doux. Après leur avoir appris l’art de cultiver la vigne, avoir établi la plus parfaite harmonie entre ces peuples, et les avoir mis dans l’abondance, il s’embarqua, emportant avec lui, l’amour et les regrets des peuples qu’il avait conquis.
Dans ce voyage, comme dans ceux qui suivirent, l’on remarqua plusieurs compagnons de Bacchus, tels furent Achate ou Chalis ; Ampelos ou la Vigne, fils d’un satyre et d’une nymphe, Cérasos ou Cérassus, qui montra comment empêcher le vin d’enivrer en le coupant avec de l’eau ; Cissos ou Cissus ou Kissos, c’est-à-dire Lierre, jeune homme que l’amour de Bacchus porta à danser avec les satyres, jusqu’à ce qu’il soit tombé mort de fatigue ; ce dieu le récompensa, en le métamorphosant en lierre ; Lusus était, dit-on, un lieutenant de Bacchus, lequel donna son nom à la Lusitanie actuellement le Portugal ; Polyme, jeune grec qui montra le chemin du sombre empire à Bacchus lorsqu’il voulut descendre aux enfers pour y réclamer sa mère Sémélée.
Après avoir quitté les Indes, Bacchus reprit la route de la Grèce. Il s’embarque donc ; bientôt alors les vents gonflent ses voiles, et son vaisseau, couronné de pampres verts, vogue encore une fois vers l’île de Naxos, cette île déserte, qui déjà lui avait été fatale, et qui n’avait rien d’attrayant. Cependant un charme secret l’y ramenait ; il ne fut pas long-temps sans connaître le charme attractif qui l’avait ainsi attiré dans ces lieux. Un jour en se promenant au pied d’un rocher contre lequel la mer venait briser ses flots, il entendit une voix touchante et plaintive sortir du fond d’une grotte dont l’entrée était presque fermée par de noirs cyprès. Il s’approche, écoute ; mais à peine est-il près de la grotte, qu’il en voit sortir une femme qui s’élance vers les flots. Lui, plus prompt que la foudre, se précipite sur ses pas, l’arrête et la retient dans ses bras. Saisie d’effroi, accablée par la douleur, elle pousse un cri perçant en le voyant et tombe évanouie. Enfin, revenue à sa connaissance, elle ouvre avec peine ses yeux fatigués de pleurer, et lui dit avec l’accent de la plus profonde douleur : Oh ! qui que vous soyez, laissez-moi mourir, maintenant la vie m’est à charge, et je ne puis plus supporter la lumière.
Cette infortunée était Ariadne, fille de Minos II, roi de Crète, que Thésée avait abandonnée sur ces bords déserts. Bacchus fit tant par ses soins et par ses discours, qu’Ariadne consentit à vivre, à oublier {p. 215}l’ingrat Thésée, et à devenir l’épouse de Bacchus. Les noces se célébrèrent à Naxos. Ariadne dont le cœur était sensible et tendre, fit le bonheur de son époux pendant de longues années, puis enfin mourut et fut transportée au ciel où elle brille parmi les astres sous le nom de couronne d’Ariadne. C'est cette aventure que les peintres ont tant de fois représentée sous le titre d’Ariadne abandonnée.
Après la mort d’Ariadne, Bacchus, pour se distraire, parcourut les contrées de la Grèce ; ayant été accueilli d’une manière fort civile à Athènes, par Icarius, fils d’Oebale, et par sa fille Erigone ; il y séjourna quelque temps, moins pour lui apprendre à cultiver la vigne, que pour cultiver lui-même l’amitié d’Erigone. Cependant, ni les discours les plus tendres, ni les promesses les plus brillantes, ne purent arriver à la rendre sensible. Érigone surnommée Aletis ou l’errante, avait à peine quinze ans et son cœur était encore à cet âge où la pudeur est dans tout son pouvoir. Cependant le dieu finit par s’apercevoir qu’elle aimait passionnément le raisin. Alors, sûr de sa victoire, il vole à la vigne d’Icarius, se place sur le bord du chemin où Erigone avait coutume de se promener, et prend la forme d’une grappe vermeille suspendue à un jeune ceps. Erigone arrive, pousse un cri de joie à la vue de cette grappe admirable, et la cueille ; mais à peine en a-t-elle goûté quelques grains, qu’une ivresse, jusqu’alors inconnue, s’empare de ses sens. Un instant elle se crut empoisonnée, mais Bacchus reprenant sa première forme, lui dit : si vous voulez être sensible à mon amour, je vous guérirai. Erigone, baissant les yeux en rougissant, soupira, promit et tint sa promesse. Quant à Icarius, ayant eu l’imprudence après une vendange, de faire boire de ce jus délicieux aux Egicores, habitans grossiers des campagnes de l’Attique, ils s’enivrèrent, se crurent empoisonnés, et, pour se venger, le déchirèrent par morceaux et le jetèrent dans un puits. Erigone inquiète chercha son père de tous les côtés ; cependant, à la fin attirée par les cris de sa chienne Méra qui la tirait par les pans de sa robe, elle découvrit le cadavre mutilé de son père. Cette perte lui causa tant de chagrin qu’elle se pendit ; d’autres disent qu’elle mit au jour Staphyle et qu’elle mourut quelque temps après. Jupiter les transporta dans les cieux où Icarius forme la constellation de Bootès ou du Bouvier, Erigone celle de la Vierge, et Mera, sa chienne fidèle, y fai partie de la canicule, sous le nom de Procyon ou Syrius. Après ce triste événement, on institua dans l’Attique, en l’honneur d’Icarius, les jeux Icariens qui n’étaient autre chose que la balançoire ou l’escarpolette avec laquelle on s’amuse encore aujourd’hui dans toutes nos fêtes publiques.
Bacchus espérant retirer de l’empire des ombres celle qu’il pleurait, ou suivant d’autres Sémélée sa mère, alla visiter Proserpine ; mais devenu amoureux de l’épouse de Pluton, il y séjourna pendant trois années. D'abord Proserpine ne voulut pas condescendre aux vœux de Bacchus ; ensuite il sut se la rendre favorable. Le dieu du vin finit par s’ennuyer dans le sombre empire de Pluton et revint sur la terre pour continuer à enseigner à ses habitans à vivre en paix et à cultiver les champs. Ensuite il s’envola dans les cieux, dont il égaya les habitans en leur racontant ses aventures amoureuses, ses combats et ses conquêtes ; mais auparavant il séduisit encore plusieurs belles, et les rendit sensibles à son amour, Alexirée mère de Carmon ; et la nymphe Chronophile {p. 216}mère de Phlias, il fut aussi l’amant d’Hypsypile, fille de Thoas, roi de Lemnos et mari de Callicopis, fille d’Othréus, roi de Phrygie. Bacchus ayant été surpris par le mari d’Hypsypile lui fit oublier cet accident en l’enivrant. Ce Dieu eut aussi pour maîtresse Physcoa d’Elide, mère de Narcé ; puis il aima Psalacanthe, Staphyle, Sica qu’il métamorphosa en figuier, et il eut, en sa qualité de Liber-pater, une épouse que les Romains appelaient Libera. Quant à Macris, fille d’Aristée, elle fut simplement sa protégée, pour récompense de quelque service et avoir ainsi encouru la haine de Junon.
De ces nombreuses passions, il eut une assez grande quantité d’enfans ; tels sont : Anubis, la jeune Bacchia et Carmon d’Alexirée ; Cérame, Enopion, Eumedon, Latramis, Tauropolis et Thyonœus d’Ariadne à laquelle on attribue aussi la naissance de Phlias. De ces enfans Enopion seul laissa une lignée remarquable, il épousa Hélice et il en eut Athamas, Candiope, crue aussi fille d’OEnopion et mère d’[ILLISIBLE]ippotagus, qu’elle eut avec son frère Rhéodotion, Héro et Mérope. Bacchus eut encore pour enfans Macédon que nous verrons plus tard avoir Osiris pour père, chez les Égyptiens ; Narcé de Physcoa, institua des sacrifices en l’honneur de son père, et donna le nom de sa mère à un chœur de musique des fêtes de Bacchus. Phlias que l’on croyait quelquefois fils d’Ariadne, passait plus généralement pour devoir sa naissance à Chtonophile ou bien à Aréthyrée, sœur d’Aoris. On le croyait également fils de Cisus et non du dieu du vin Staphyle, habituellement supposé fils d’Erigone, parce que son nom signifiait grain de raisin, était pourtant encore attribué aux amours de Bacchus et d’Ariadne. Ce Staphyle, que l’on disait berger d’OEnée, roi de Calydon, fut le premier qui remarqua le raisin et le dégusta, ce qu’il annonça au monarque, lequel en fit du vin, d’où les Grecs donnèrent son nom Oinos à cette liqueur. Staphyle ensuite épousa Chrysothémis et en eut trois filles : Molpadia, Parthenor ou Parthénore et Rhoio ou Rhoéo.
Le culte de Bacchus, originaire d’Égypte où ce Dieu était connu sous le nom d’Osiris, fut d’abord introduit dans la Thrace par Orphée, qui, après la mort d’Eurydice, ne voulut pas se laisser séduire par les femmes de la Thrace, qu’il venait d’enivrer ; alors celles-ci furieuses, le mirent en pièces comme nous l’avons vu. De la Thrace les filles de Cadmus portèrent en Béotie le culte de Bacchus ; mais leur neveu Penthée, fils du sparte Echion et d’Agavé, et roi de Thébes, voulant s’y opposer, se rendit sur le mont Cythéron avec l’intention de punir ces bacchantes au milieu de leurs orgies. Malheureusement pour lui, elles l’apprirent et dans leur fureur, se figurant qu’il était un jeune lion elles le déchirèrent, quoique sa mère et ses tantes se trouvassent au milieu d’elles. On dit que le Dieu lui-même les excita, quoique le roi l’eût pris et jeté dans une prison et chargé de fers ; mais il avait brisé ses liens et les portes, et était revenu se mettre à la tête des Bacchantes et les enivrer de nouveau de sa liqueur divine.
Ce Dieu punissait quelquefois cruellement ceux qui s’opposaient à son culte. Ainsi, sans compter Penthée déchiré, comme nous venons de le voir, par sa propre famille, nous trouvons encore Lycurgue, fils de Dryas et roi de Thrace. Il avait voulu attaquer ou Bacchus lui-même, qui d’effroi se serait jeté dans la mer ou son culte. Alors, pour punition de son impiété, il aurait été frappé d’aveuglement et {p. 217}de mort par Jupiter, ou bien Bacchus lui aurait inspiré une telle fureur qu’il aurait, en coupant ses vignes, mutilé les jambes de son fils Dryas et les siennes, et qu’il aurait ensuite, par ordre de l’oracle, été emprisonné par ses sujets, et écartelé par des chevaux sauvages. Son ami Ascus, géant redoutable, antagoniste de Bacchus, eut, dit-on, le même sort. Arunlicès ayant méprisé les fêtes de ce Dieu, s’enivra, et dans son ivresse, abusa de sa propre fille Méduline qui, outrée de cette audace tua son malheureux père. Damascus fut écorché vif par Bacchus pour avoir osé arracher ses vignes. Les Minéides ou filles de Minée, roi d’Orchomène, et portant les noms de Leucippe ou Iris, de Leuconoé ou Clymène et d’Alcithoé, n’ayant pas voulu se déranger un jour de leurs travaux pour assister aux fêtes de Bacchus, furent punies en étant inspirées par ce dieu du désir affreux de manger de la chair humaine. Aussitôt elles tirent au sort à qui donnerait son enfant, et Leucippe ayant été désignée, elle livre son fils Hippase, et le dévore de compagnie avec ses sœurs. A cette vue, Jupiter furieux les transforme en chauve-souris et leurs tapisseries en feuilles de lierre.
De Thèbes, le culte de Bacchus vint à Argos ; alors deux fois on tenta inutilement de l’introduire à Athènes, mais enfin il y arriva et les Athéniens bientôt l’adoptèrent avec plus d’enthousiasme que tous les autres peuples de la Grèce. Ce fut là surtout que l’on célébra le plus brillamment les fêtes de Bacchus, que l’on y désigna sous le nom générique de Dionysiaques ou Dionysies, celles qui avaient été apportées en Grèce par Cadmus ou par Mélampe, ce qui faisait qu’elles n’étaient pas autre chose que les Pamylies égyptiennes.
Dès que la fête de Bacchus était arrivée, on ornait son temple de pampres et de lierres, les prêtres promenaient processionnellement sa statue au milieu des vignes, et de préférence sur les montagnes et les rochers. Les bacchantes suivaient portant des corbeilles d’or pleines de fruits, de serpens apprivoisés et en dansant et chantant des hymnes en son honneur. On y voyait aussi divers instrumens mystiques, et surtout le Van, pour indiquer que les initiés devaient être purifiés comme le blé. La marche s’arrêtait sous un chêne ou un figuier ; là, on posait le dieu sur un autel, puis on lui sacrifiait un bouc, parce que le bouc ravage les vignes en broutant les tendres boutons. Ensuite, on rapportait avec pompe la victime et le dieu. Les habitans à son passage lui immolaient un porc devant la porte de leurs maisons. Lorsque cette espèce de procession était de retour au temple, les prêtres brûlaient les entrailles de la victime, et le reste servait au festin de ceux qui assistaient à la cérémonie, festin que l’on faisait précéder par des fêtes, dans lesquelles on donnait une coupe pour prix, et que l’on terminait en buvant un coup à Bacchus, un autre à Vénus, et un troisième à l’injure. Quant aux mystères qui précédaient ou suivaient ces processions, ils étaient analogues à ceux des Eleusinies, dans les fêtes de Cérès.
Les Dionysiaques étant le nom générique des fêtes de Bacchus ; voici quelles étaient les noms particuliers de ces fêtes : les anciennes se célébraient au mois de janvier à Limna en Attique, et étaient dirigées par quatorze vieilles femmes appelées Vénérables ; les Arcadiques étaient en Arcadie, des fêtes dans lesquelles les enfans montés sur un théâtre, chantaient et dansaient ; les Agrionies étaient des festins nocturnes où les femmes seules pouvaient {p. 218}assister ; les Airéennes ou Aloennes, étaient les mêmes fêtes que celles de ce nom, célébrées en l’honneur de Cérès à Athènes ; les Ambroisies des Grecs, ou Brumales, des Romains ou Hyemales, avaient lieu en mars et en septembre, ou peut-être le jour du solstice d’hiver ; les Anthestéries duraient à Athènes le 11, le 12 et le 13 du mois Anthestérion ; alors, les maîtres servaient les esclaves. Dans le premier appelé Pithœgia, on mettait les tonneaux en perce, pendant le second appelé Chœ, c’était à qui boirait le plus, et le vainqueur recevait une couronne de lierre et une coupe ; puis au troisième jour, appelé Chytri, ou jour des marmites, on offrait de ces vases remplis de graisse à Mercure. Les Ascolies, étaient à Athènes, et à Rome les fêtes pendant lesquelles on sautait à cloche-pied sur une outre graissée d’huile ; alors, aussi l’on se barbouillait le visage de lie, et l’on portait la statue de Bacchus dans les vignes. C'était une vraie mascarade ; les Bacchanales, étaient les Dionysiaques Grecques passées en Italie, mais enrichies d’un dévergondage encore plus grand. Il fut même porté, au point que l’an 568 de Rome, le sénat fut obligé de les défendre ; mais les habitudes populaires les ayant exigées, elles reparurent de nouveau, et la licence alors n’eut plus de bornes. Les Dendrophories étaient les mêmes fêtes pour Bacchus que pour Cybèle ; les Epilénies ou fêtes des pressoirs, se célébraient en Grèce ; les Lamptéries étaient des fêtes que le bas peuple célébrait la nuit aux flambeaux en l’honneur de Bacchus Lampter à Pallène en Achaie ; alors on buvait, et l’on distribuait force vin à tous les passans. Les Larysies avaient lieu au retour du printemps en l’honneur de Bacchus-Larysius, auquel on offrait toujours une grappe de raisin mur ; les Lénées consistaient en un concours de poésie, en l’honneur de Bacchus-Lénœus ; les Lernées se célébraient par des sacrifices et des mystères secrets à Lerne près d’Argos ; les Libérales étaient à Rome des espèces de Bacchanales qui avaient lieu le 17 mars ; mais à Lavinium, l’allégresse durait 30 jours, pendant lesquels les repas se faisaient en public, et les esclaves jouissaient de leur liberté ; les Néonies se célébraient lorsqu’on buvait pour la première fois du vin nouveau de l’année ; les Nouvelles avaient lieu en automne pendant les petites Dionysiaques, et préparaient aux grandes Dionysiaques qui se célébraient en février ; les Nyctélies étaient des mystères nocturnes, dont le secret était sacré et dont le peuple ne connaissait que les courses vagabondes qui se faisaient, la coupe en main, tous les trois ans dans les rues d’Athènes. Alors, l’ivresse et le tumulte était général, et il en arriva de tels désordres à Rome, que l’on fut obligé de les supprimer. Les Omophagies étaient à Chios et à Ténédos des sacrifices humains, en mémoire de ce que Bacchus s’était nourri de chair humaine ; les Orgies ou Orphiques, étaient en Grèce des courses dionysiaques de bacchantes portées au dernier degré de fureur, leur introduction était attribuée à Orphée ; les Phagésies ou Phagesiposies étaient les festins somptueux des grandes Dionysiaques.
Les Ramales rappelaient les amours de Bacchus et d’Ariadne : c’étaient des processions que l’on faisait en portant un ceps de vigne chargé de fruits ; les Rhapsodon Eorte ou Rhapsodies étaient des fêtes ou concours poétiques qui avaient lieu pendant les Dionysiaques. Les Sabasies étaient des courses et des danses furieuses en l’honneur de Bacchus-Sabasien. Les Théœnies se célébraient à Athènes en {p. 219}l’honneur de Bacchus-Theœnus ; les Thyies des Eléens, revenaient chaque année, et les prêtres faisaient croire que Bacchus alors revenait remplir de vin trois amphores vides, cachetées dans son sanctuaire. Les Tricterides et Tricteriques et Triennales étaient des fêtes que Bacchus avait instituées en Thrace et qui revenaient tous les trois ans en mémoire de son voyage triennal dans l’Inde : elles se composaient de courses faites par des femmes chantant son retour et le croyant au milieu d’elles. La Tyrbé était une fête tumultueuse de l’Achaïe, en l’honneur de Bacchus ; les Vendemiales furent ordonnées par César, pour fêter Bacchus après les vendanges.
[n.p.]Pendant ces fêtes, on immolait en Grèce à Bacchus, la pie, emblème de l’indiscrétion des ivrognes, le bouc mangeur de bourgeons, et en Egypte le serpent et le taureau. On lui consacrait en outre le phénix, le dragon, l’éléphant, la panthère, le tigre, le porc, le lièvre, le coq, l’if, le sapin, le lierre, le pampre, la férule, le figuier et le chène.
Les premiers propagateurs de son culte, furent les satyres, et ses premières prêtresses les naïades ; puis ses temples furent desservis par des prêtres, dont les plus connus furent le Tyrrhenien Acetès et Coresus de Calydon. Ces prêtres étaient appelés Bacchans ou Orgeanes ou Orgiophantes, comme sacrificateurs pendant les orgies. Cependant ils étaient toujours soumis aux ordres des Orgiastes ou prêtresses, car en Grèce, les femmes seules présidaient aux mystères de Bacchus et à ses fêtes.
Ces prêtresses appelées aussi Bacchantes, portaient encore les noms et surnoms suivans : Bassarides ou de Bacchus-Bassarœus ; Bistonides ou des Bistones, en Thrace ; Clodones ou Criardes en Macédoine ; Edonides ou du mont Edon en Thrace ; Eléleïdes ou qui poussaient des cris ; Evantes ou des mots Evan et Evoe qu’elles criaient souvent ; Laphysties ou de Bacchus-Laphystius ; Ménades ou Furieuses ; Mimallones ou du mont Mimas en Thrace ; Orgiastes ou les directrices des orgies ; Potniades ou furieuses ; Thyiades ou les furieuses qui succédèrent à Thyias. La première bacchante après cette Thyias, l’une des bacchantes furieuses ou ménades les plus célèbres, fut Chorias qui conduisit ses compagnes au siège d’Argos, où plus tard on leur éleva un superbe tombeau.
On représentait autrefois Bacchus aussi jeune et aussi beau qu’Apollon, avec ou sans barbe, ayant les yeux noirs, les cheveux blonds et ondoyant sur ses épaules, et monté sur un char traîné par des tigres ou des panthères. Sa tête était couronnée de pampre ou de lierre, souvent cette couronne était surmontée d’une paire de cornes, emblème de la force et en reconnaissance de ce qu’il avait le premier accouplé les bœufs pour labourer la terre. On mettait auprès de lui un tronc de chêne pour perpétuer la mémoire de ce qu’il avait fait quitter aux hommes le gland pour les fruits et le blé. On y plaçait encore un ceps de vigne et un figuier. Il tenait dans la main droite un thyrse, et il avait pour suivantes les Muses qu’il inspirait.
D'autres fois on le représente, comme le dieu des buveurs, assis sur un tonneau, le front couvert de lierre, la face enluminée et le nez couvert de rubis. Alors il est ou vieux, ou jeune et efféminé, ou tout à fait enfant ; d’une main il tient une coupe et de l’autre un thyrse ou baguette formée d’un ceps de vigne, {p. 220}chargé de grappes et environné de lierre.
Il serait difficile de parler de Bacchus sans faire connaître les dieux et déesses subalternes qui venaient après lui et formaient son véritable cortége. Nous laisserons de côté Priape, que l’on voyait presque toujours dans ce groupe, mais que nous avons cru placer beaucoup plus convenablement comme principe mâle, à la suite de Vénus. Nous allons donc actuellement dire quelques mots de Silène, de Pan, des Satyres, des Faunes et des Silvains.
Silêne, surnommé Paposilène ou le père des Silènes, fut le père nourricier de Bacchus, et passait pour être né à Malé dans l’île de Lesbos, et pour fils de la terre et de Mercure ou d’Uranus. Lorsque Bacchus fut de retour des Indes, Silène alors, dit-on, roi de l’île de Nysa, s’établit dans l’Arcadie, où il exerça presque un souverain empire sur les bergères et les bergers de cette contrée. Il les rendit même tellement heureux et s’en fit tant aimer, que les Eléens, après sa mort, lui élevèrent un temple, et qu’il fut ensuite adoré comme demi-dieu, personnifiant l’ivresse joviale et railleuse. Cependant tous les écrivains se sont accordés à en faire un philosophe goguenard, plus profond qu’il n’en avait l’apparence. Aussi le faisaient-ils admettre souvent aux assemblées des dieux, pour les égayer et les éclairer en même temps de ses sardoniques conseils ; car au milieu de tous ses bon mots, il enseignait, a dit Virgile, la doctrine d’Epicure sur la formation et l’origine des mondes, et suivant Elien, celle de Platon sur le monde inconnu.
Dans ses voyages, il rencontra Olympe, célèbre joueur de flute, et élève du fameux musicien Marsyas, dont nous avons vu la triste fin, alors il eut avec lui une discussion sur l’art de la musique, dont on ne connaît pas le résultat. Il eut aussi une dissertation philosophique avec Midas, roi de Phrygie, auquel Apollon avait fait pousser des oreilles d’ânes. Ils conclurent qu’il serait plus heureux pour homme de ne jamais naître ou de mourir immédiatement après sa naissance, plutôt que de vivre. Cependant, pour prouver qu’il prenait bravement son parti, il fut un autre jour à la cour de ce roi, dans un état peu conforme à la philosophie qu’il se faisait gloire de professer.
Pourquoi cette mystérieuse ivresse ? voulait-il indiquer ainsi la méditation ou la débauche d’esprit de la plupart des philosophes ? Nous ne chercherons pas à le découvrir, seulement nous ajouterons qu’on le représentait comme un vieillard chauve, trapu, au nez camus et bourgeonné, avec deux cornes sur le front, une couronne de lierre sur la tête et une clochette au cou, venant après Bacchus, étant presque toujours ivre, assis sur un âne ou marchant en chancelant et appuyé sur un thyrse, et tenant dans tous les cas une tasse à la main. Il eut pour fils, on ne sait trop de quelle nymphe, Atheus, Clèogène, Lénéus nourrisson de Bacchus ; Moron que l’on prend souvent encore ou pour un compagnon d’Osiris ou pour Bacchus lui-même ; Pholus, centaure, ne de Mélia et ami d’Hercule ; les Silènes ou Satyres et même Staphile, dont on lui attribue la naissance, comme à Bacchus. Silène enfin, le père des plaisirs et de la joie, marchait toujours à la tête des Muses, des Nymphes et de tous les dieux champêtres.
Pan, dieu des bergers, était après Silène le plus célèbre des suivans de Bacchus ; on l’appelait encore Actius, ou présidant aux rivages ; Agrestis et Agrius ou l’agreste ; Arcadius Deus ou le dieu d’Arcadie ; {p. 221}Auchméeis ou le malpropre ; Auxetés ou qui fit croître ; Biarcéus ou qui fournit la vie ; Capricorne ou aux cornes de chèvre ; Capripède ou aux pieds de chèvre ; Egoceros ou aux pieds de chèvre ; Hirtuosus Deus ou le dieu velu, Lampeus ou du mont Lampea, en Arcadie, Lupercus ou le dieu des Lupercales ; Lyceus ou du mont Lycée ; Lytérius ou le libérateur des Trézéniens, pour leur avoir indiqué comment remédier à la famine qui désolait l’Attique. Semi Caper ou le demi bouc ; Tigéon, ou de Tégée en Arcadie, Tragephore ou à la peau de bouc, Tragocélès ou aux pieds de chèvre ; ce dieu rural avait, dit-on, reçu le jour de Jupiter, et de la nymphe Thymbris, ou de Calisto, ou de Mercure, et de Pénélope ou du ciel et de la terre ; il vint au monde avec les cuisses, les jambes, les pieds, les cornes et avec le rude pelage d’un bouc. A la vue de ce nouveau né, les nymphes Arcadiennes et particulièrement la nymphe Sénoé, à qui l’on voulut le confier pour nourrisson, poussèrent un cri de frayeur et prirent la fuite. Il n’en fut pas de même de Mercure qui rit beaucoup, l’enveloppa d’une peau de bête, le porta au ciel et fit rire tous les habitans de l’Olympe auxquels il le présenta. Bacchus surtout se distingua dans cette manifestation de surprise joyeuse, par un rire qui fit retentir tous les échos de l’Olympe. Pan avait un caractère très amoureux, aussi le voit-on tour à tour quitter Echo pour Pitys ; celle-ci pour Sénélé, et Sénélé pour Ega, qui le rendit père d’Egipan. Il ne fut pas toujours heureux dans ses amours ; Syrinx résista constamment à ses désirs. Un jour qu’il la poursuivait avec instance à la descente du mont Lycée, celle-ci effrayée de sa laideur, étant arrivée sur les bords du Ladon, pria les nymphes ses sœurs de la secourir ; ce qu’elles firent en la changeant en roseau. Pour avoir un souvenir de cette nymphe, il arracha quelques-uns de ces roseaux, et après les avoir coupés de longueurs inégales, il en forma le premier chalumeau, ou flûte à sept tuyaux ; puis il inventa la flûte droite et la flûte oblique. Il ne fut pas plus heureux auprès d’Echo, qui le repoussa et fut ensuite elle-même punie, par les mépris de Narcisse qu’elle aimait ; Pitys également fut l’objet des soupirs de Pan, mais elle lui préféra Borée, dieu des vents, lequel ayant vu Pan la tuer en la jetant de rage contre un rocher, pria la Terre de la faire revivre sous une autre forme, et alors elle fut métamorphosée en un arbre, qui porte son nom ; cependant il paraît que Pan eut pour femme la nymphe Alexirrhoé ou Alenthoé. Ce fut lui qui conseilla aux dieux de prendre la forme d’animaux, pour se soustraire à la poursuite des Titans ; lui-même afin de se cacher, se fit moitié poisson et moitié bouc ; puis il se plongea dans la mer Méditerranée. On lui doit aussi la peur panique ou peur subite et sans cause, qu’il inventa un jour pour mettre en fuite l’armée d’un de ses ennemis. Cette invention fut assez naturelle, car ayant trouvé sur le rivage une grosse coquille, il en tira des sons si effrayans, que les fils de la Terre, saisis de peur, s’échappèrent en désordre, et voilà, dit-on, l’origine de la peur panique. Pan découvrit en outre Cérès, qui après n’avoir pu résister aux violences de Neptune, était allée cacher sa honte dans un antre de l’Arcadie, pendant la guerre des Titans. Les découvertes musicales de Pan l’enorgueillirent ; il se crut supérieur au dieu de l’harmonie, le défia, et l’on sait ce qu’il en advint pour le pauvre Midas. Pan était le dieu des pasteurs, des vallées, des brillants pâturages et des eaux qui jaillissent ; il était le {p. 222}protecteur des troupeaux, il chassait loin d’eux les animaux qui auraient pu les dévorer ; et cependant il aimait les loups, il les guidait, errait avec eux dans les bois et les campagnes ; il a souvent pris leur forme et son plaisir était de parcourir les bois, les prairies, les montagnes. Ce dieu fut assez faiblement honoré chez les Grecs ; mais son culte au contraire fut très brillant à Rome, parce que Romulus et Rémus avaient été, croyait-on, nourri par une louve dans un champ appelé Lupercal, situé au pied du mont Aventin, près du Tibre. Aussi Pan, l’ami des loups, et le protecteur contre leurs attaques, avait à Rome des autels et des prêtres pour les deservir. Ces prêtres appelés Luperces ou Luperques, étaient divisés en deux colléges : les Quintiliens et les Fabiens, en mémoire des chets de factions qui avaient pris parti pour Romulus ou Rémus ; ils jouissaient de peu de considération, cependant César les augmenta du collége des Juliens, dans lequel Antoine se fit recevoir pendant les Lupercales, avant d’offrir à César, la couronne de Dictateur.
Ces Lupercales, ou fêtes de Pan, se célébraient chaque année à Rome, le 15 février. Alors on offrait à ce dieu du lait de chèvre et du miel ; puis on lui sacrifiait deux chèvres et un chien, on piquait légèrement au front deux jeunes garçons qui avaient ordre de rire pendant l’opération ; on essuyait le peu de sang qui s’échappait avec de la laine imbibée de lait ; ensuite on découpait en lanières les peaux des victimes, et l’on en faisait des fouets, avec lesquels les enfans couraient les rues en frappant à droite et à gauche tous ceux qu’ils rencontraient.
Malgré ses dédains, Echo rendit le dieu Pan, père d’Irinx ou Syrinx, que nous verrons fournir à Médée, un filtre dont elle se servit pour séduire Jason ; Pan eut encore avec Eumène, nourrice des Muses, le grand chasseur Crottus, qui sous le nom de Sagittaire fut après sa mort élevé au ciel par Jupiter ; les Egipans ses fils ou divinités agrestes ou aux pieds de chèvre, habitaient les bois et les montagnes ; et les Panisques ou Petits Pans, dieux champêtres de la taille des Pygmées, dont nous avons vu Pygas la reine métamorphosée en Grue par Junon, étaient aussi enfans du dieu Pan.
Ici se borne la fable grecque et romaine mais nous verrons que Pan chez les Egyptiens, tenait un rang plus important car ils le rangeaient au nombre de leur huit grands dieux, comme l’un des principaux compagnons d’Osiris, dans son expédition des Indes avec Anubis et Macédo ; il était en outre le dieu suprême des Pélasgues. Enfin on rattachait à Pan, la déesse Latine qui présidait à la destruction des loups.
Après ce Dieu, nous allons parler des Satyres, appelés aussi Capripèdes, ressemblant en tout point à Silène ; d’où nous savons qu’ils devaient descendre. Cependant on les fait naître ou de Mercure et de la nymphe Yphtimé, ou de Bacchus et de la naïade Nicéa. Mais cette dernière naissance est peu croyable, car Junon leur avait confié à garder Bacchus qui s’échappa toujours de leurs mains en changeant continuellement de formes ; à la fin, la déesse irritée punit ces mauvais surveillans en leur donnant des cornes et des pieds de chèvre ; d’où leur venait le nom de Capripèdes. Ensuite, quand ils arrivaient à la vieillesse, on les nommait Silénes. Les noms de Chromis et de Cycinnis, sont les seuls des Satyres du cortège de Bacchus, que l’on ait conservés : du reste, tous les Satyres [ILLISIBLE]aient des divinités fort {p. 223}redoutées par les bergers et les bergères. Pline a supposé qu’ils n’étaient autre chose que des singes de grande espèce dont le nombre dans quelque contrée aura effrayé les habitans qui, pour les apaiser, leur auront offert des sacrifices, et les prémices de leurs fruits et de leurs troupeaux.
Ces animaux divins et demi dieux se subdivisaient en plusieurs variétés ; ainsi l’on connaissait les Pans et Egipans, ou enfans de Pan, que l’on voyait particulièrement dans les montagnes, les Satyres qui étaient les plus hideux, mais dont l’humeur bouffonne faisait pardonner la laideur, puis les Faunes et les Sylvains.
Les Faunes ou Faunisques inconnus aux Grecs, passaient chez les Romains pour être moins hideux et plus doux dans leurs amours que les Satyres, quoique présentant les mêmes formes ; ils présidaient plus spécialement aux travaux agricoles et mouraient, dit-on, après une vie de plusieurs siècles. Ils descendaient de Faunus et de Fauna, divinités tutélaires des Romains qui voulant également en descendre, prenaient par cette considération le surnom de Faunigentes ou Faunigènes. Ce Faunus était fils de Picus et frère et époux de Fauna, d’abord appelée Marica et puis Bonne-Déesse ; l’on croyait qu’il avait régné en Italie vers l’an 1300 avant J.-C., et qu’il y avait importé d’Arcadie, les travaux de l’agriculture ; pour inspirer plus de respect, il ne se montrait jamais à son peuple, il fit élever un temple à Pan, sur le mont Palatin, fit un dieu de son père, et fut divinisé lui-même après sa mort, comme protecteur des forêts, et sa femme aussi, comme exemple de la fidélité conjugale. Tous deux rendaient des oracles, savoir : Fauna aux femmes, Faunus aux hommes ; d’où vint le nom des oracles Fatidiques, Fatuelis et Fatuela, Fatuus ou Fatuelius et Fatua. On avait institué en leur honneur des fêtes appelées Faunalies qui avaient lieu le 9 novembre ou 5 décembre, en mémoire de leur départ pour l’Arcadie, et les 11, 13 et 15 février en mémoire de leur arrivée d’Arcadie. Faunus passait pour avoir eu de Fauna Dryas, ennemie des hommes et déesse de la pudeur, à laquelle aucun homme ne pouvait offrir le moindre sacrifice ; Eurymédon, Maïa, femme de Vulcain ; Latinus, époux d’Amate et roi des Arborigènes dans le Latium, où nous verrons Enée venir y épouser sa fille Lavinie et fonder ainsi la tige des Romains. Faunus, par suite de ses amours avec la nymphe Dryope et Simœthée, nymphe de Sicile, eut de la première, Tarquitus, qu’Énée mit à mort, et de la seconde, le berger Acis, amant heureux de la néréide Galatée, qui préférait sa jeunesse et sa beauté à la laideur du cyclope Polyphème ; mais un jour le pauvre Acis fut surpris avec sa maîtresse, par son rival qui l’écrasa sous un rocher ; alors Galatée s’échappa en se jetant dans la mer, puis elle pleura et pria tant le père des eaux, qu’il changea le pauvre amant en un fleuve que la jeune néréide put ensuite visiter souvent. Les Romains regardaient en outre Nemestinus ou Nemestrinus, fils de Faunus, comme le dieu souverain des Faunes et des Dryades, nymphes que nous retrouverons avec toutes les autres en parlant de Neptune ; puis ils offraient leurs hommages en outre aux Intercidons qui présidaient à la coupe des forêts et défendaient les femmes grosses contre les insultes des Sylvains.
Enfin la bande joyeuse de Bacchus se composait encore des Sylvains ou demi-dieux, protecteurs des forêts ; ils étaient {p. 224}les Égipans des Grecs, comme les Faunes Latins en étaient les satyres. Les Sylvains, originaires de Sicile, n’eurent donc un culte sérieux qu’en Italie ; leur père ou Sylvain, recevait les surnoms de Dendrophore ou le porteur d’arbres, Hircipes ou aux pieds de bouc, Pecudifer ou le protecteur de la multiplication des troupeaux. Il passait pour fils d’un berger de Sybaris ou de Saturne, ou même de Faunus, avec lequel souvent on le confond. Il avait aussi le buste d’un homme et les jambes d’une chèvre, il avait comme Pan la syrinx ou le chalumeau ou le pedum ou la serpette ou bien un bâton recourbé par le haut ou une simple branche de cyprès à la main, en mémoire d’une tendre amitié qu’il avait eue pour un jeune homme du nom de Cyprès ; il avait en outre une couronne de pin sur la tête ; quelquefois, en sa qualité d’inventeur des limites pour marquer les possessions, lorsque l’on commence l’ensemencement des terres, on le représentait sous forme d’une borne, comme le dieu Terme.
Sylvain avait deux temples à Rome, savoir : le Littoral ou celui placé sur le bord de la mer, et un autre sur le mont Viminal ; ses fêtes étaient les Dendrephories, dans lesquelles ses prêtres, qui formaient un des principaux colléges de Rome, lui offraient, sur ses autels ornés de branches de pin et de cyprès, d’abord du lait, puis une mule et un cochon. Ce Dieu passait pour ennemi des enfans parce qu’ils aiment à casser les branches d’arbres, et les femmes en couche le redoutaient et imploraient contre lui Intercida, Pilumnus et Deverra ou Deverrona.
Quant au dieu Terme, pour lequel on prenait souvent Sylvain ; c’est un dieu également tout Romain, inventé par Numa pour limiter et protéger les possessions rurales ; il lui fit bâtir un temple sur la roche Tarpéienne, et lorsque Tarquin-le-Superbe éleva un temple à Jupiter, sur le Capitole, on dérangea tous les dieux, excepté le Dieu terme qui resta toujours à la même place, aussi l’appelait-on Placidus ou l’immobile, et Quadratus ou le carré. En effet, on lui donnait toujours la forme d’une borne carrée, à tête humaine, sans pieds et sans bras. Les Romains célébraient en son honneur, au mois de février, les Terminales ; alors on entourait de guirlandes toutes les bornes des champs, on lui offrait du lait et l’on sacrifiait des agneaux dont le sang était précieusement répandu sur ces mêmes bornes.
Avant d’abandonner Bacchus et son cortége, dans lequel on trouvait encore les Cobales ou génies malins et mystificateurs, espèces d’esprits follets qui servaient de gardes et de bouffons au dieu du vin, nous dirons que les Romains honoraient tous ces dieux et demi-dieux sous le nom générique de Patellarii Dii ou dieux des libations, et qu’ils rendaient encore hommage à Méthyne, déesse du vin nouveau et du vin pur, à Bibésie et à Edésie, présidant, la première à la boisson, et la seconde aux festins que Dète ou la Diète avait inventés probablement à la suite de quelque longue abstinence.
Ces festins avaient surtout pour dieu Comus qui présidait en outre aux plaisirs, aux danses nocturnes, à la toilette et à la joie ; les Spartiates l’appelaient Kéraon. Pour le fêter, les jeunes garçons et les jeunes filles couraient aux flambeaux, de maison en maison, après le souper et faisaient toutes les débauches possibles. Comus était représenté jeune, rond d’embonpoint, couronné de roses, la face enluminée de vin, tenant un flambeau dans la main droite et s’appuyant de la gauche {p. 225}sur un pieu, ou portant dans cette main une coupe d’or ou un plat chargé de fruits. A sa suite, on voyait Adelphagie ou la Gourmandise, ainsi que la triade de Daitès, de Dipne et de Splanchnotomos représentant la personnification du cuisinier, du repas et du découpeur ou des réunions. Mais revenons aux autres fils de Jupiter.
Carius, était fils de Torrébie, il enseigna la musique aux Lydiens qui, par souvenir de ce bienfait, le divinisèrent et lui élevèrent un temple magnifique sur une montagne à laquelle ils donnèrent son nom.
Carne ou Carnée, fils de Jupiter et d’Europe, fut celui qui institua les combats de musique et de poésie, en l’honneur de Latone. Il tomba victime des Héraclides, lorsqu’ils passèrent par l’Étolie pour marcher sur l’Attique. Mais une épidémie se manifesta chez ces descendans d’Hercule qui pensant que cette peste venait pour les punir de leur crime, élevèrent un temple à Apollon, afin de l’expier, et l’on vit aussitôt se terminer ce funeste fléau.
Castor et Pollux, jumeaux que l’on regarde l’un et l’autre comme fils de Léda et de Jupiter ; mais le plus souvent Pollux seul passe pour être né ainsi qu’Hélène de Léda et de Jupiter, tandis que Castor et sa sœur Clytemnestre, sont crus enfans de Léda et de son mari Tyndare. De cette naissance douteuse, vinrent les noms et surnoms qu’on leur donnait : on les appelait donc : Dioscures ou fils de Jupiter, quand on les considérait comme nés de ce dieu, et Tyndarides ou fils de Tyndare, lorsqu’on ne les envisageait que comme enfans de Léda, épouse de Tyndare ; puis on les surnommait : Ambulii ou les protecteurs de la vie ou les promeneurs ; Anaces ou les rois ou les bienfaiteurs et conservateurs ; Aphésiens ou présidant aux barrières des jeux publics ; OEbalidès ou descendans d’OEbalus ; Soteres ou protecteurs des vaisseaux en danger.
Déjà l’on connaît les amours de Léda avec Jupiter qui se transforma en cygne, pour arriver à la séduire ; alors, au dire des poètes, elle eut deux œufs : l’un de son mari, Tyndare, roi de Sparte, produisit Castor et Clytemnestre, tous deux mortels, l’autre de Jupiter, donna naissance à Pollux et à Hélène, héritant de l’immortalité de leur père. Cependant on fait naître aussi Castor et Pollux seulement de Jupiter et de Léda. Quoi qu’il en soit, Mercure par ordre de ce dieu, prit les deux frères aussitôt après leur naissance, les transporta à Pallène, où l’on prit soin de leur enfance et de leur éducation. Bientôt une amitié des plus étroites les lia pour toujours, malgré les efforts que fit Eurymne ou le brouillon pour les diviser. Ces deux frères par la suite furent ensemble se combler de gloire : d’abord ils purgèrent la mer Egée et tout l’archipel des pirates que l’on y voyait. Ce premier exploit les fit passer pour des Dieux marins et invoquer pendant les tempêtes ; ensuite ils furent en Colchide, où nous les trouverons avec Jason et tous les Argonautes, prendre part à la conquête de la toison d’or. Ce fut dans cette expédition que Pollux vainquit au combat du ceste, et tua Amycus, roi des Bébrices, fils de Neptune, et le plus redouté des athlètes de son temps, chez lesquel les Argonautes s’étaient momentanément arrêtés pendant les jeux olympiques. Après cette victoire, Pollux passa pour le Dieu protecteur des lutteurs. Quant à Castor, il devint le patron des courreurs et des écuyers, car habile cavalier, il eut les mêmes honneurs par suite de son talent à dompter les chevaux.
{p. 226}Pendant ce voyage des Argonautes, il arriva aux Dioscures un événement, qui plus tard les fit regarder en outre comme divinités tutélaires de la navigation : à peine venait-on de lever l’ancre du Promontoire de Sigée, qu’une tempête violente se déclara ; mais bientôt une auréole couvrit la tête des Tyndarides, et tout à coup l’orage cessa et les flots se calmèrent ; aussi depuis, quand les matelots voyaient briller dans les airs deux de ces lueurs, ils les prenaient pour signe de beau temps ; mais quand il n’en paraissait qu’une, ils l’appelaient alors Hélène, et la croyaient le présage infaillible d’une tempête prochaine. Lorsqu’ils furent de retour dans leur patrie, les Dioscures s’emparèrent de la ville d’Aphidna, où, comme ils l’avaient appris de Décèle, Thésée, alors âgé de plus de cinquante ans, avait caché leur sœur Hélène qui n’avait que huit ou dix ans et qu’il avait enlevée ; ils lui reprirent cet enfant et emmenèrent captive la vieille Oetra, mère de ce héros, mais ils épargnèrent les autres habitans, qui, en souvenir de cette clémence, leur donnèrent le surnom d’Anaces ou de rois bienfaiteurs, et les initièrent aux mystères de Cérès Eleusine. Plus tard, ayant été invités aux noces de Lyncée et d’Idas, fiancés à Phœbé et à Talyra, filles de Leucyppe, frère de Tyndare, ils s’éprirent de leurs cousines, puis les enlevèrent et les épousèrent. Ce rapt ayant excité la fureur et l’indignation des jeunes fiancés, ces deux princes poursuivirent les Dioscures, et les attaquèrent près du mont Taygètes. Ce combat eut les plus tristes résultats pour les deux familles, car Lyncée étant mort de la main de Castor, celui-ci fut tué par Idas que Pollux fit périr à son tour. Cette perte de Castor affligea tellement Pollux, qu’il supplia Jupiter de rendre son frère à la vie ou de le faire mourir lui-même, mais cette grâce ne pouvant être accordée par suite d’un arrêt de l’inflexible destin, l’immortalité de Pollux fut partagée entre les deux frères, de sorte qu’ils vivaient et mouraient alternativement, ou chaque jour, ou d’après quelques auteurs, de six mois en six mois. Quant à celui qui revenait des enfers, il se mettait à parcourir la terre sur un petit cheval appelé Cyllarus. Plusieurs années après, Jupiter voulant récompenser cette tendre amitié, transporta ces deux frères au ciel, pour y former dans le Zodiaque, la constellation des Gémeaux.
Voici quels furent les descendans de ces deux héros : Castor, époux de Phœbé, en eut Anacés ; puis il eut d’Ilaire, Anacis et Androthoée, quant à Pollux, il eut aussi de Phœbé, Ménasine et Mnésilas. Leur apothéose eut lieu quarante ans après leur mort ou peu d’années après l’enlèvement d’Hélène par Paris, et quelque temps après la prise de Troie. Alors de simples mortels, les Dioscures devinrent de grands Dieux pour toute la Grèce et particulièrement pour l’ile de Céphalonie ; alors Sparte, lieu de leur naissance et de leur sépulture, Athènes qu’ils avaient sauvée du pillage, pendant leur guerre avec Thésée, leurélevèrent des temples magnifiques, et les Romains comme les Grecs, juraient par eux et par leurs temples, en s’écriant Ecastor, Mecastor ou Iedepol. Souvent on chercha dans ces contrées à faire croire à leur réapparition sur la terre ; du reste leur culte jouissait partout de la plus haute vénération. On leur immolait des agneaux blancs, et l’on célébrait en leur honneur de joyeuses fêtes appelées Anacées, Anactés et Dioscuries. On les représentait montés sur des chevaux blancs, armés d’épées, courant à côté l’un de l’autre, et coiffés d’un bonnet surmonté d’une étoile, {p. 227}mais sur les monumens un seul parait, ayant une flamme au dessus de son casque, et tenant d’une main une lance et de l’autre la bride d’un cheval au repos, pour montrer qu’ils n’étaient jamais tous les deux sur la terre, espèce d’immortalité astronomique, indiquant peut-être que l’une des étoiles du signe des Gémeaux, se cache sous l’horizon quand l’autre paraît. Quant à la morale de cette fable, elle est toute naturelle : c’est l’apologie de l’amour fraternel, dans la bonne, comme dans la mauvaise fortune.
Colaxès, fils de Jupiter et de la nymphe Ora, fut roi dans la Bisaltide, petite province de Thrace ; ses soldats portaient au milieu de leurs boucliers un Jupiter, orné de la foudre en mémoire de sa naissance.
Corinthus, fils de Jupiter, donna son nom à la ville d’Ephyre, qui depuis s’appela Corinthe.
Crès, fils de Jupiter et de la nymphe Idée, fut le premier roi de l’ile de Crète, qui prit son nom ; il fut l’inventeur des objets les plus nécessaires à la vie et fit bâtir la ville de Gnosse, où il éleva un temple à Cybèle. C'est dans la personne de Crès que l’on personnifie les premiers habitans de la Crète. Il mourut et laissa son fils Tale sur le trône.
Crinacus, fils de Jupiter et père de Macarée, fut le premier habitant de l’île de Lesbos.
Cronius, fils de Jupiter et de la nymphe Himalie, était surnommé le Cyprien.
Cyrnus, fils de Jupiter et de Cyrno, fut le premier homme aux yeux des habitans de Thérapné, qui prirent de lui le nom de Cyrnos.
Cytus, fils de Jupiter et de la nymphe Rhodienne Himalie.
Deucalion : nous ne reviendrons pas sur ce fils de Prométhée, et époux de Pyrrha, sa parente, dont il eut trois enfans : Hallen, Amphiction et Protogénie. Il est probable qu’il était venu du midi de la Scythie s’établir près du mont Parnasse en Thessalie ; il augmenta son empire aux dépens de l’Attique, de la Phocide et de la Béotie et fit bâtir un temple à Jupiter, dans la ville d’Athènes où il institua les Hydrophories, en mémoire de ce qu’il avait été sauvé des eaux.
Dardanus, fils de Jupiter et d’Electre, fille d’Atlas, naquit en Tyrrhénie. Après la mort de son frère Jasius, qu’il aimait tendrement, il ne put supporter la vue des lieux qu’il avait parcourus avec ce frère chéri, alors il passa en Asie et resta aux lieux où s’éleva depuis la ville d’Ilion. Il épousa Batée, fille de Teucer, auquel il succéda. Batée le rendit père d’Ideus et d’un Erichthonius, qui lui succéda au trône, et fut père de Tros.
Dioscures, nom que l’on donne à un grand nombre de héros et demi-dieux, mais c’est à propos de Castor et Pollux, fils de Jupiter, qu’il est personnifié.
Eaque, fils de Jupiter et d’Europe, ou plus habituellement d’Egine fille d’Asope, aida Mercure et Apollon à entourer de murailles la ville de Troie. Pendant ce travail, on vit surgir trois énormes dragons, qui voulurent franchir les murailles, deux périrent dans cette tentative, et le troisième y parvint par la muraille qu’Eaque avait élevée. Ce fils de Jupiter, épousa Endéis, fille de Chiron, dont il eut deux fils, Pelée et Télamon. Il eut aussi de la Néréide Psamathée, un fils nommé Phocus. Télamon, après s’être marié, comme {p. 228}nous le savons, avec Hésione, devint père d’Ajax et de Teucer. Après sa mort on mit Eaque au nombre des juges des enfers, chargé de juger les Européens, pour le récompenser de sa rare probité. Egine et Athènes lui rendirent des honneurs divins. On disait que ses états ayant été ravagés par une peste effroyable, il obtint de son père que les Fourmis, appelées en grec Myrmex, fussent changées en hommes, Ce qui repeupla l’île d’Enopie ou Egine de nouveaux habitans, auxquels en mémoire de leur origine, il donna le nom de Myrmidons ; allégorie qui prêterait à croire que ce prince, après un fléau quelconque, repeupla les états d’Egine, avec quelques émigrés Thessaliens, probablement appelés Myrmidons.
Egipan, cru fils de Jupiter, et d’Ega, épouse de Pan, dieu des vergers. Ce fut cet Egipan qui prêta son secours à Mercure, pour réunir les membres dispersés du maître des Dieux, et lui rendre la vie après sa défaite par Typhoé. Egipan enseigna à se servir de la conque marine, en guise de trompette, ce qui le fit représenter sur les monumens avec une queue de poisson. Ses descendans devinrent des espèces de divinités champêtres.
Ellops, fils de Jupiter, donna son nom à une tribu de l’île d’Eubée, qui prit de là, celui d’Ellopie.
Epaphe, fils de Jupiter et d’Io, épousa Cassiopée, dont il eut Libye. Junon, jalouse, avait ordonné aux Curètes d’enlever Epaphe encore enfant ; mais Jupiter s’y opposa en les foudroyant. Un jour, il eut une dispute avec Phaéthon, dans laquelle il lui reprocha de n’être pas issu des dieux. Mais la preuve que Phaéthon lui en donna, fit mourir ce fils d’Apollon.
Ethalion, fils de Jupiter et de Protogénie, fille de Deucalion.
Ethlétères ou Lutteurs, noms que l’on donnait à Caslor et Pollux, fils de Jupiter.
Ethlios, fils de Jupiter et de Protogénie, fut l’époux de Calyce, qui le rendit père d’Endymion. Il fut, dit-on, le premier roi des Eléens.
Gargare, fils de Jupiter, naquit en Troade, et donna son nom à une montagne, une ville et un lac, situés en cette province.
Géreste, fils de Jupiter, donna son nom à une ville de l’île d’Eubée.
Hercule, le fils de Jupiter, le plus célèbre des Demi-Dieux, portait aussi plusieurs noms et surnoms. On l’appelait : Acœus et Alcimus ou le puissant, Adamanus ou l’invincible, Adephagus ou le mangeur insatiable, Alcée et Alcide ou petit-fils d’Alcée, Alexicacus ou le secourable ou le destructeur des monstres, Amicus ou l’ami protecteur des réussites, Amphitrioniadès ou fils d’Amphitrion, Anicete ou l’invisible, Æonius Deus ou le dieu de l’Aonie ou Béotie à Thèbes, Astralogus ou le devin, parce qu’il se brûla le jour pour lequel il avait annoncé une éclipse de soleil, Baulus ou de Baule, en Campanie, Briarée, Buphagus ou le mangeur de bœufs, Buraïcus ou de Bura en Achaïe, Callinique ou le brillant et excellent vainqueur, nom que Télamon lui donna pour se faire pardonner d’être entré dans la ville avant lui, Candaule ou des Lydiens, par suite du nom de l’un des Héraclides, ses descendans, Charops ou le furieux, à Samos et dans toute la Béotie, en raison de la montagne où l’on disait qu’il était monté en ramenant au jour le chien gardien des enfers, Claviger ou le porteur de massue, Coraopius ou le protecteur contre les sauterelles, Cynosargès ou de Cynosarges en Attique, Défenser ou le défenseur du temple romain dans lequel les gladiateurs {p. 229}suspendaient leurs armes après avoir reçu leur congé, Deus Oniensis ou l’hercule des Celtes, importé à Rome, Diodas en Phrygie et en Phénicie, Dosane et Dorsane ou l’Hercule importé de l’Inde, Engonase, c’est-à-dire l’agenouillé ou l’Hercule importé d’Égypte, Eridanatas ou l’Hercule de Tarente, Fossor ou le creuseur du canal de l’Olbius, en Arcadie, Gaditanus ou de Gadès, actuellement Cadix, Héraclammon ou l’hercule, fils de Jupiter-Ammon, Héraclès c’est-à-dire Hercule en grec, Hippodète ou qui lia ensemble la queue des chevaux des ennemis des Thébains, Index ou qui indiqua en songe à Sophople, le voleur d’une coupe d’or que l’on avait enlevée du temple d’Hercule, Ingenicule ou Eugenasis ou Hercule à genoux, Ipoctonos ou qui détruit les vers, Jovius ou fils de Jupiter, Libys ou le fondateur de Capsa dans la Libye, premier nom de l’Afrique, Lindius ou de Linde, ville de l’île de Rhedes, Maciste ou de Maciste en Tryphilie, Manticlus ou du chef Messenien, Manticlus qui bâtit un temple à Hercule, dans la Sicile septentrionale, Mélampyge ou aux fesses noires : nom bizarre qui lui fut donné parce qu’une mère ayant menacé ses deux enfans, Achemon ou Achmon et Basalas ou Passalus, tous deux frères Cécropes cherchant querelle à tout le monde, avec menace de les donner au Mélampyge, ils rencontrèrent Hercule, qui après avoir été attaqué par eux, les lia par les jambes à sa massue et les porta la tête en bas derrière son dos, de sorte qu’en pleurant ils s’écrièrent dans cette posture. voilà le Mélampyge, d’où vint la menace proverbiale des Grecs : « Prends garde au Mélampyge ! »
Melios ou auquel on sacrifia faute de brebis une pomme taillée et représentant cet animal, Ménédème compagnon d’Hercule, qui lui indiqua comment nétoyer les étables d’Augias et dont le nom se prend quelquefois pour celui d’Hercule lui-même, Monœcos ou seul dans son temple ou de Monœcos ville de Ligurie, où ce héros s’arrêta en allant combattre Géryon, OEteus ou du mont OEta où il se brûla, Olenus se prend quelquefois pour Hercule, comme fils de Jupiter, Olivarius ou à la massue d’Olivier, Opsigonos ou né tard parce qu’il vint au monde après Eurysthée, Polyphagus ou qui mange tout, Porphyrtan ou tout de pourpre, Promaque ou le défenseur, Rhinocolustès ou le coupeur de nez aux députés d’Orchomène, qui demandaient en sa présence aux Thébains de leur payer un tribut, Saxanus ou le perceur de routes ou l’assommeur des Liguriens sous la forme de pierres, Scytalosagitti peltiger ou le porteur de massue, de flèches et de bouclier, Soter ou le sauveur, Sondon ou l’Hercule Lydien, Taurophonos ou le mangeur de taureaux, Thasius ou de Thasos qu’il delivra de ses tyrans, Tyrinthius ou de Tirynthe, Trinoctius ou engendré dans trois nuits, Triumphalis ou à la statue élevée par Evandre, en mémoire de la défaite de Cacus ; Victor ou le vainqueur des monstres.
Hercule est encore un de ces personnages multiples qui réunissent en un seul les faits appartenant à plusieurs. Aussi les écrivains, tels que Varron par exemple, ont porté à quarante-trois le nombre des individus remarquables de ce nom. Cependant d’après Diodore, on ne connut dans l’origine que trois ou quatre Hercules : l’un né en Egypte, marqua sa puissance, en établissant une colonne sur les confins de l’Afrique, l’autre Crétois et Devin fut un Dactyle idéen et commandant d’armées, auquel {p. 230}on dut l’institution des jeux olympiques ; le troisième fut le fils de Jupiter et d’Alcmène, son existence ne remonte qu’à peu d’années avant le siège de Troie. Il était sujet d’Eurysthée, fut heureux dans toutes ses entreprises, et éleva une colonne sur les frontières sud de l’Europe. Enfin un quatrième était Phénicien et, peut-être, un cinquième existait-il dans les Gaules, car on y connaissait du moins une divinité analogue à l’Hercule Grec, et peut-être était-ce celui auquel on donnait Europs pour père. Cicéron compte six Hercules qu’il classe ainsi : le plus ancien, dit-il, est fils de Lysite le premier de tous les Jupiter, il se battit contre Apollon, brisa son trépied sacré parce que sa prêtresse avait refusé de répondre à une question qu’il lui avait adressée. Le second est l’Egyptien, fils du Nil ; le troisième est un des Dactyles indéens ; le quatrième honoré par les Tyriens, et passant suivant eux pour le père de Carthage, est fils de Jupiter et d’Astérie sœur de Latone. Le cinquième nommé Bel est adoré dans les Indes, et le sixième est le fils de Jupiter et d’Alcmène, femme d’Amphytrion, et c’est le grand Hercule des Grecs, celui sur lequel ils réunirent les hauts faits de tous les autres, celui enfin dont ils firent un Demi-Dieu, pour lequel ils avaient le respect le plus religieux.
Voici la fable dont ils l’avaient entouré. Amphytrion, disaient-ils, fils d’Alcée et petit fils de Persée, ayant tué par accident Electryon roi de Mycènes son oncle, fut obligé de s’éloigner de cette ville sa patrie, et de se retirer à Thèbes où il épousa Alcmène sa cousine. Amphytrion devenu souverain de ces contrées, fit la guerre aux Théléboens, défit Ptérélas leur chef et devint redoutable à tous ses voisins. Mais pendant le cours de ces conquêtes et tandis qu’il était occupé à ces guerres et qu’il se laissait adoucir par les complaisances de Cométho, fille de son ennemi, Jupiter, sachant qu’il avait été forcé de quitter momentanément son épouse, prenait les traits de sa figure, s’introduisait chez Alcmène qui ne se défiant nullement de la fraude, le recevait conjugalement. Dans cette erreur, elle se livra pendant trois nuits au plaisir de revoir cet époux adoré. Cependant après cette triple nuit, Jupiter se retira et laissa Amphytrion seul et unique possesseur de son épouse. Quelque temps après, le tonnerre se fit entendre à coups redoublés et Alcmène accoucha de deux fils, Iphillus ou Iphiclès et Hercule. Junon, toujours jalouse et désireuse de se venger de cette imprudente mortelle qui n’avait pas su repousser les caresses de Jupiter, suscita contre Hercule, encore enfant, deux énormes serpens ou dragons qu’il saisit et étouffa en un instant. Cependant on dit aussi que ce fut Amphytrion qui, voulant savoir lequel des deux était son fils, mit ces deux serpens auprès du berceau des enfans, alors Iphicle en fut effrayé ; mais Hercule prouva qu’il était le fils du maître des dieux en étranglant les deux reptiles. Junon, malgré la haine qu’elle ressentait pour Hercule, fut émerveillée de cet acte de courage, aussi elle se radoucit à la prière de Pallas, et consentit même à donner son sein à ce jeune héros, mais Hercule aspira le lait avec une telle force, qu’elle ne put supporter la douleur et le repoussa avec violence. Aussitôt le lait jaillit et se répandit dans l’espace aérien où il forma ce que nous appelons maintenant la voie Lactée, tache blanche que l’on aperçoit au ciel et que les anciens regardaient comme la porte du palais de Jupiter et {p. 231}celle par où passaient les héros. Hercule apprit d’Amphitryon à conduire un char ; d’Autolycus, la lutte ; d’Euryte ou de Rhadamanthe à tirer de l’arc ; d’Eumolpe, la musique ; de Linus, à jouer des instrumens. Avec Harpalique ou Castor et Pollux il apprit encore les exercices gymnastiques. Il avait un caractère tellement dur et indocile, qu’il tua ce pauvre Linus qui lui faisait quelques reproches. Il garda les troupeaux d’Amphitryon jusqu’à l’âge de dix-huit ans, c’est à cette époque que la mollesse ou la volupté et la vertu courageuse se disputèrent son cœur. L'une, grande, belle, majestueuse, et, cependant, avec la pudeur dans les yeux et la modestie dans les gestes, vint simplement lui offrir les hauts faits que produisent la valeur, et l’autre au contraire mit à sa disposition toutes les jouissances qu’elle montrait assez avoir à ses ordres par son embonpoint, ses vives couleurs et ses brillans habits. Mais Hercule ne balança point, et donna la préférence à la valeur.
Hercule pendant le temps de son éducation, prit une taille et une force gigantesque ; aussi bientôt il se distingua par les plus brillants exploits, et pour commencer, quoique à peine sortant de l’enfance, il affranchit les Thébains d’un tribut qu’ils payaient à Erpinus roi d’Orchomène. En effet, ayant rencontré les envoyés de ce roi, qui allaient réclamer aux Thébains ce tribut de cent bœufs, Hercule, encore adolescent, les attaqua, les soumit et leur coupa le nez et les oreilles. Les Orchomeniens, voulant venger cette injure, prirent les armes ; mais ils furent défaits et forcés de payer aux Thébains, par les ordres d’Hercule, un tribut double de celui qu’ils en tiraient. Peu après, il épousa Mégare, fille de Créon, et fut avec elle s’établir à Tirynthe, ville de l’Argolide, fondée par Tiryntius, fils d’Argus. Ce fut en outre vers ce même temps, qu’il prêta l’appui de son bras à Jupiter, contre les Géans.
Mais de gré ou de force, il fallut que ce héros naissant, se soumit aux ordres du destin, ou du moins à un serment de Jupiter ; car celui-ci ayant promis à Junon, que celui qui naîtrait le dernier du fils d’Alcmène, ou de celui de Sthénélus, serait forcé d’obéir aux ordres de l’autre. Junon avança la naissance d’Eurysthée, fils de Sthénélus, et dès-lors, Hercule étant né le dernier, dut se décider à rester pour toujours, son très-humble sujet. D'abord, dit-on, il ne le voulut pas ; mais l’épouse du maître des dieux, pour le punir le frappa d’un délire furieux, en le faisant piquer au talon par un cancer ou un scorpion, délire dans lequel il tua les enfans qu’il avait eus de Mégare. Ensuite, Junon lui rendit la raison. Alors il consulta l’Oracle, et apprit qu’en restant douze ans aux ordres d’Eurysthée, il expierait le crime qu’il venait de commettre, et obtiendrait après les honneurs divins. Il se soumit donc à Eurysthée, roi de Mycènes, né de Sténélus et de Nicippe, fille de Pélops, et époux d’Antimaque ; mais cet Eurysthée eut tant de frayeur de la puissance de ce simple sujet qui avait des droits au trône de l’Argolide, que pour s’en débarrasser, il lui imposa les entreprises les plus pénibles. Ce sont ces entreprises que l’on apelle les douze travaux d’Hercule savoir : 1° le lion de Némée, 2° l’Hydre de Lerne, 3° la biche aux pieds d’airain, 4° le sanglier d’Erymanthe, 5° les étables d’Augias, 6° le centaure Eurythion, 7° les oiseaux de Stymphale, 8° le taureau de Marathon, 9° les chevaux de Diomède, 10° la délivrance Hésione, 11° la défaite d’Antée, 12° la mort de Géryon.
{p. 232}1° Le Lion de Némée ravageait les forêts entre Cléona et Némée, près du mont Aphesas, dans l’Argolide. Il était d’une taille énorme ; cependant Hercule âgé de 16 ans, l’attaqua d’abord à coups de traits ; mais voyant qu’il ne pouvait pénétrer sa peau, et que sa massue de fer venait de se briser sur ses reins, il saisit ce lion furieux entre ses bras, l’étouffe, le dépouille de sa peau, en couvre pour toujours ses épaules, afin qu’elle lui serve de bouclier, et va présenter les restes de ce redoutable animal à Mycènes aux yeux d’Eurysthée.
2° L'Hydre de Lerne était un monstre épouvantable, né de Tiphoé et d’Echidna, qui ravageait les marais de Lerne et toute l’Argolide. Cette Hydre avait sept, neuf ou cinquante têtes. A peine Hercule monté sur un char, en avait-il coupé une, qu’il en renaissait une autre. A la fin le héros, en voyant ce prodige, ordonna à son neveu Iolas, qui lui servait de cocher, de brûler la plaie à mesure qu’il couperait une tête, mais un cancre vint au secours du reptile. Néanmoins, Hercule écrasa ce cancre et tua l’Hydre ; puis il trempa ses flèches dans le sang vénéneux de cet immense reptile ; et par suite ces flèches firent des blessures incurables et mortelles à tous ceux qu’elles touchèrent : ainsi Chiron, Nessus, Philotecte et Hercule, lui-même, en furent de tristes et malheureux exemples. Eurysthée, dit-on, ne voulut pas recevoir cette victoire pour l’un des douze travaux auxquels les Dieux avaient condamné Hercule. On explique ce mythe, en regardant cette Hydre comme un, ou plusieurs serpens qui infestaient les marais de Lerne, et dont Hercule délivra le pays, avec ses compagnons, en mettant le feu aux roseaux du marécage, ou bien en considérant ce reptile comme l’emblème d’une armée ennemie qui s’augmentait à mesure qu’elle se rendait maîtresse du pays.
3° La Biche aux cornes d’or et aux pieds d’airain, consacrée à Diane, et qui habitait sur le mont Ménale, dut être apportée vivante à Eurysthée. Hercule la poursuivit pendant une année, il ne put s’en emparer que sur les rives du Ladon, en Arcadie, après l’avoir estropiée avec une de ses flèches. Ce fut pendant qu’il poursuivait cette biche, qu’il trouva sur les bords du Danube l’olivier, dont il transplanta plus tard quelques sujets auprès d’Olympie.
4° Eurysthée avait encore exigé de lui, qu’il lui apportât également vivant le sanglier d’Erymanthe, qui désolait tous les environs de cette montagne d’Arcadie. Après une longue lutte, il le prit, le chargea sur ses épaules et fut le présenter à Eurysthée ; mais à la vue du héros et du monstre, le roi eut tellement peur, qu’il fut se cacher sous une cuve d’airain On explique ce prodige, en disant que ce terrible sanglier était simplement une rivière dont la source était sur l’Erymante, et qu’il fallutdétourner ou arrêter par une digue.
5° Il fut encore, mais accidentellement, condamné à nétoyer les étables d’Augias, roi d’Elide, l’un des Argonautes, fils de Phorbas ou d’Hélios, et de Naupidame, fille d’Amphidamas, ou d’Hyrmine, fille de Nyctée ou d’Egée, et femme de Phorbas. Ces écuries étaient remplies de 3000 bœufs, et n’avaient point été nétoyées depuis trente ans. Ayant appris l’arrivée d’Hercule sur son territoire, ce roi lui proposa le 10e de son troupeau s’il voulait entreprendre ce difficile travail : pour y parvenir, Hercule détourna les eaux du fleuve Alphée. Mais cet ouvrage étant terminé, Augias refusa le salaire {p. 233}qu’il avait promis ; alors Hercule voulant se venger de ce roi parjure, se mit à la tête de quelques Eléens, tua Augias, et plaça sur le trône d’Elide, le jeune Phylée qui, après avoir jugé le différend entre Augias son père et Hercule, en faveur de celui-ci, avait été chassé par Augias, et s’était réfugié depuis, dans l’île de Dulichium.
6° Hercule tua aussi le centaure Eurytion, qui, après avoir eu l’insolence de forcer Dexamène, roi d’Olène en Arcadie, à lui livrer sa fille Mnésimaque ou bien Hippolyte, supposée sa fille ou son épouse, voulait encore lui enlever Déjanire ; mais cette entreprise passe rarement pour un des travaux d’Hercule.
7° Il purgea le lac Stymphale, aujourd’hui Vulcino, en Arcadie, d’oiseaux gigantesques qui ne vivaient que de chair vivantes, et épouvantaient par leurs ravages, les hommes et les animaux, oiseaux que l’on croyait nés de Stymphale, roi d’Arcadie, fils d’Elate et de Laodicé. les uns disent qu’il les perça tous de ses flèches, d’autres assurent qu’il ne fit que les chasser dans une autre contrée. Ils étaient si monstrueux suivant la fable, qu’ils obscurcissaient l’air quand ils volaient, en interceptant la clarté des rayons du soleil ; leurs ailes, leur tête, leur bec et leurs ergots étaient de fer ; ils pouvaient en outre lancer en guise de flèches contre leurs ennemis, des plumes d’airain, et Mars lui-même avait pris à tâche de les instruire aux combats. Hercule avec le secours des conseils de Minerve les chassa d’abord de leur repaire, en frappant sur une espèce de tymbale d’airain, dont le bruit les effraya ; puis il les perça tous à coups de flèches : habituellement, on regarde ces oiseaux comme des brigands dont Hercule purgea l’Arcadie.
8° Les environs de Marathon ou Marathuse, en Attique ou en Crète, étant ravagés chaque jour par un taureau furieux dont les narines lançaient des flammes, et que Neptune, irrité contre les Grecs, avait jeté sur cette malheureuse contrée, Eurysthée donna l’ordre à Hercule d’aller délivrer cette île. Aussitôt le héros y court, dompte le terrible animal et l’amène devant le prince ; puis lui donne la liberté, car il était consacré aux Dieux, et avait été, disait-on, l’amant heureux de Pasiphaé, l’épouse du roi Minos.
9° Diomède, fils de Mars et de Cyrène, roi des Bistones en Thrace, avait des chevaux furieux qui vomissaient du feu par la bouche, et qu’il nourrissait de chair humaine en leur donnant à manger tous les étrangers qu’il pouvait faire arrêter. Hercule sans rien craindre, se transporte encore par ordre d’Eurysthée chez ce roi barbare, l’attaque, le soulève et le fait dévorer par ses propres chevaux, amène ensuite ceux-ci à Eurysthée, qui les lui fit lâcher sur le mont Olympe, où ils furent mis en pièces par les bêtes féroces de la contrée.
10° Hésione, fille de Laomédon, fut exposée à un monstre marin, Hercule brisa ses chaînes, tua le monstre, et emmena la princesse de la Troade en Grèce. Déjà, nous avons vu comment le fait arriva ; mais rappelons encore que Laomédon avait promis des chevaux marchant sur l’eau en récompense, et sa fille à Hercule ; qu’il les lui refusa après la destruction du monstre marin ; qu’Hercule à son retour de l’expédition des Argonautes, fut obligé de venir assiéger Troie, séjour de Laomédon, qu’il immola toute la famille de ce parjure, à l’exception de Priam, son fils, qu’il mit sur le trône et qu’il donna à Télamon, son ami, Hésione {p. 234}en mariage. Plus tard, nous verrons comment irrité de voir sa sœur la proie d’un étranger, ce Priam envoya Paris son fils, en Grèce pour la réclamer, ou pour enlever plus tôt par représailles, Hélène, femme de Minos. Ce qui fut cause de la fameuse guerre de Troie, dont nous donnerons bientôt la description.
11° Antée, fils de la Terre et de Neptune, était un géant de 64 coudées de hauteur, qui régnait à Irasa, en Libye. Habile lutteur, il défiait et mettait à mort tous ceux qui passaient par ses états, afin, disait-il, d’élever un temple à son père avec les crânes de ses faibles adversaires. Hercule étant arrivé, fut attaqué, mais le fils d’Alcmène, après l’avoir terrassé trois fois, s’aperçut que la Terre, sa mère, lui rendait de nouvelles forces à chaque fois qu’il la touchait ; alors, il l’enleva en l’air, et l’étouffa dans ses bras.
Ce fut après ce trop sérieux combat, qu’Alcide endormi fut attaqué par une armée tout entière, et pour lui cependant fort peu redoutable, par celle des Pygmées, dont la reine Pigas, avec ses plus braves soldats, voulut faire échec à la tête du héros ; mais celui-ci s’étant réveillé par suite des chatouillemens que lui faisait toute cette immense armée ; s’amusa des vains efforts de cette guerrière, la mit dans sa peau de lion avec toute son armée, et porta aux pieds d’Eurysthée, cette nombreuse et faible population.
12° La victoire qu’il remporta sur Géryon, roi de Gadès, dans l’île d’Erythie, ou de Cadix en Espagne, ou roi d’Epire suivant d’autres, fut le douzième de ses travaux. Ce Géant célèbre par son triple corps, muni de six mains, de six pieds, et de six ailes, était fils de Chrysaor, et de Callirhoé. Il passait pour le plus fort de tous les hommes, et avait pour garder ses troupeaux Eurytion, chien ou ministre à deux têtes, et Orthos, dragon à deux ou sept têtes, monstre, moitié femme et moitié serpent, que l’on disait fils de Tiphoé et d’Echidna, frère de Cerbère et de l’Hydre de Lerne, et père du Sphinx et du Lion de Némée, par suite de son alliance avec la chimère que Bellérophon détruisit. Hercule, par ordre d’Eurysthée, combattit ces deux monstres, tua Géryon, et conduisit ses bœufs à Tirynthe. Géryon, dit-on encore, avait un oracle célèbre en Italie, et ces trois corps ne sont que la représentation de trois corps ne sont que la représentation de trois armées, de trois provinces, ou de trois frères qui, malgré leur coalition, furent vaincus par un célèbre héros.
Comme il était en Espagne, Hercule ouvrit, dit-on, un passage à la Méditerrannée, en séparant la masse qui se présentait devant lui. Alors, il forma le promontoire, que l’on voit en Afrique, vis-à-vis de celui de Gibraltar, alors, aussi croyant ce point le plus éloigné du monde, les peuples adorateurs de ce héros, en lui prêtant ce trait fabuleux, donnèrent à ces deux rochers, le nom de Colonnes d’Hercule.
Cependant ce héros n’emmena pas les bœufs de Géryon, sans éprouver quelques difficultés ; car, Dercynus et Albion ou Bergyon, géans, fils de Neptune, lui enlevèrent ces bestiaux, lors de son passage dans la province des Gaules, appelée Ligurie, et les conduisirent en Etrurie, d’où il ne put les retirer, qu’en tuant ces deux célèbres voleurs.
Une autre fois, après la défaite de Géryon, Hercule ayant conduit sur les bords du Tibre son troupeau, s’endort. Pendant son sommeil, un fils de Vulcain, le géant Cacus, personnage ayant beaucoup de rapport avec Typhon, homme {p. 235}monstrueux, à demi satyre et qui vomissait des flammes par la bouche, lui vole quelques génisses, en les emmenant comme Mercure à reculons dans son antre placée sur le mont Aventin. Quand il fallut partir Hercule fut instruit du vol, par les mugisgissemens des taureaux ; aussitôt il court furieux à l’antre que fermait une énorme pierre ; arrivé près du géant, il le soulève, l’étouffe, et élève sur la place de son triomphe, un autel à Jupiter sauveur : autel autour duquel les peuples des environs vinrent, chaque année, célébrer une fête en l’honneur d’Hercule.
Lors de son arrivée aux environs de Naples, un autre brigand redoutable appelé Lacinius, qui ravageait les côtes de la Grande Grèce, voulut encore lui enlever ces mêmes bœufs. Mais Hercule s’en débarrassa promptement, et bâtit en souvenir de cette victoire, un temple à Junon Lacinia.
Etant obligé de passer à travers la Sicile avec ses bestiaux, plusieurs Siciliens cherchèrent à l’en empêcher. Alors, il se mit en fureur, et extermina tour à tour Buphonas, Cauchate, Crytidas, Cygée, Idis, et Pédicrate. Mais comme il allait sortir de l’île, Charybde, fille de Phorcus, lui vole quelques bœufs. Aussitôt Hercule la perce de ses flèches ; puis il laisse Phorcus recueillir le corps de sa fille, dans un chaudron, et le faire étuver jusqu’à ce qu’elle soit rendue à la vie. Cependant pour la punir de son vol, on admet le plus généralement, qu’elle fut foudroyée par Jupiter et changée en un gouffre perfide, placé vis-à-vis celui de Scylla, dans le détroit de Sicile, qui, par suite de la position de ces deux écueils devint si dangereux, qu’il donna lieu au proverbe : tomber de Charybde en Scylla.
Ce fut encore en Sicile qu’il fut provoqué par le roi d’une partie de cette île, par Erix fils de Butès, ou de Neptune et de Vénus ; Hercule l’ayant vaincu, l’enterra sur la montagne qui depuis porta son nom.
Enfin, comme Hercule traversait l’isthme de Corynthe avec les bœufs de Géryon, le géant Alcyoncée, qui avait déjà souvent volé des chevaux à Apollon, pendant qu’il était simple berger sur la terre, enleva encore à Hercule douze chariots richement chargés ; puis écrasa vingt-quatre de ses compagnons et quelques bœufs, sous un éclat de rocher. Mais le héros ayant paré avec sa massue une autre pierre qu’il venait de lancer contre lui, le frappa subitement et l’étendit à ses pieds.
Habituellement, voilà quels étaient les douze travaux d’Hercule. Cependant quelquefois on change l’ordre de ces travaux que l’on indique alors, de la manière suivante : 1° Le Lion, 2° l’Hydre, 3° le Sanglier, 4° les Oiseaux, 5° la Biche, 6° le Taureau, 7° les Etables d’Augias ; 8° les chevaux de Diomède, 9° la défaite des Amazones, 10° l’enlèvement des Pommes d’or des Hespérides, 11° Géryon, 12° l’enlèvement de Cerbère. Par conséquent, on prétend qu’en place du centaure Eurytion, de la délivrance d’Hésione, et de la défaite d’Antée, on doit mettre les travaux ci-dessus indiqués en italique et dont voilà la description :
9° La défaite des Amazones arriva par suite d’une fantaisie d’Eurysthée, qui donna l’ordre à Hercule d’aller enlever la ceinture d’Hippolyte reine de ces guerrières. Aussitôt il part à la recherche de ces femmes célèbres par leur courage, qui d’abord habitaient l’Afrique long-temps avant la guerre de Troie, et dont le nom Grec indiquait qu’elles n’avaient qu’une {p. 236}des mamelles afin de pouvoir mieux tirer de l’arc, de ces femmes qui subjuguèrent successivement les Atlantes, les Numides, les Ethiopiens, tous peuples d’Afrique, et qui furent arrêtées par la peuplade des Gorgones qu’elles finirent par détruire et qui furent s’établir dans la Chersonèse, sur le lac Tritonie, où peut-être Hercule fut obligé d’aller les combattre. Là elle se mariaient après avoir servi dans l’armée plusieurs années, mais elles laissaient à leurs maris l’éducation des enfans et les autres soins de l’intérieur du ménage. Comme cette population femino-martiale se rencontrera souvent par la suite, nous allons donc indiquer celles de ces femmes qui se distinguèrent le plus dans les temps fabuleux de l’antiquité ; ce sont :
Alcippe la reine de Pont, Antioche ou Antiope sœur d’Hippolyte, Astérie, Atalante, la reine Camille, Climène, Cyme d’Asie, Cynnade de Thrace, Dioxippe, Egée, Eorpata, Eribée, Glauca, Harpa, la reine Hippolyte, Hippothoé, la reine Lampéto d’Asie, Larina, suivante de Camille, la reine Marpésie, la reine de Pont Martésie, la reine Ménalippe, Molpadie, Myrlo maîtresse de Mercure, Ocyale, Œlla, la reine de Pont Orithyie, Philippie, Polydore, Prienne, Prothoé, Sinope, Thoé et Xantée.
A peine Hercule a-t-il commencé à marcher contre ces femmes célèbres, que Mygdon et Amycus frères d’Hippolyte reine des Amazones, veulent lui barer le passage ; mais ils sont vaincus. Alors l’amazone OElla vient bravement l’attaquer ainsi que l’audacieuse Prothoé, qui pour se mesurer avec le héros, fait tomber sous son glaive sept de ses compagnons ; mais rien ne peut résister à la force d’Hercule, il se défait d’Œlla, frappe à mort Prothoé et Philippie ; puis fait prisonnières Antiope, Astérie et même la reine Hippolyte qu’il donna ensuite en mariage à son ami et compagnon, le brave Thésée.
L'enlèvement des pommes des Hespérides était au moins aussi difficile que de vaincre les Amazones. Ces Hespérides ou Atlantides étaient petites filles d’Hespérus, fils de Japet et frère d’Atlas, et filles de ce même Atlas et d’Hespérie, née du riche milésien Hespara, et mariée à son oncle. On compte trois, sept ou même treize Hespérides ou Atlantides, appelées aussi Pléïades : Aréthuse ou probablement Hypéréthuse, Astrapa ou l’Eclair, Asterope ou Stérope, Crétée, Eglée, Erythéis, Hespéra et Vesta. Mais sous le nom d’Atlantides on désignait plus spécialement : Ambrosie ou l’immortelle, Astérie, mère du roi de Pise OEnomaüs, Céléno, Clie, Esile, Eudora, Halcyone, Mérope, femme de Sisyphe, Méra, femme de Lycaon et mère de Tégéate, Pitho, Polixo, Taygète et Timarate. Ces filles d’Atlas placées sous la garde du berger Dracon avaient dans leur jardin un arbre qui portait des pommes d’or, arbre que Junon avait donné à Jupiter le jour de leurs noces. Les fruits de cet arbre étaient si précieux qu’ils possédaient la vertu, ou de jeter la jalousie dans les cœurs, comme on le vit au mariage de Thétis, ou de séduire les plus rebelles, comme Hippomène l’éprouva avec la fière Atalante, ou de donner de l’éloquence. Aussi avait-on mis pour défendre l’approche de ces fruits Hespérius ou Ladon, fils de la Terre ou de Typhoé et d’Echidna, dragon terrible à cent têtes, dont les yeux étaient sans cesse ouverts. Hercule, sur la demande d’Eurysthée, se mit à la recherche de ces pommes, sans savoir où il les trouverait ; d’abord il interroge les nymphes de l’Éridan ou du Pò, fleuve de {p. 237}l’Italie, qui le renvoient à Nérée. Aussitôt le héros va saisir ce dieu maritime, pendant son sommeil, et le force à lui avouer que Prométhée seul peut les lui indiquer. Alors Hercule vole au rocher de Prométhée, perce d’une de ses flèches le vautour qui le dévorait, déchaîne ensuite cet illustre captif duquel il apprend enfin que ce jardin est situé dans la Mauritanie. Satisfait sur ce point, Hercule se dirige vers l’Afrique, immole à ses pieds le terrible dragon, enlève les pommes qu’il recherchait et les porte à Eurysthée. Cependant le fait, dit-on encore, ne se passa pas tout-à-fait ainsi, car selon d’autres, après avoir trouvé Atlas, il l’aurait prié de lui procurer trois de ces pommes ; pour satisfaire à cette demande, Atlas se serait débarrassé sur lui du fardeau de la terre et serait allé les lui chercher, puis lorsqu’il revint, Hercule fatigué, l’aurait prié de l’aider à changer de position, et aurait profité du secours qu’Atlas lui prêtait pour lui laisser de nouveau tout le fardeau sur les épaules et s’emparer des pommes. Cependant plus tard, Minerve reprit ces pommes et les replaça dans le jardin. Cette fable merveilleuse est fort obscure, et toutes les explications que l’on a voulu en donner, n’ont rien présenté de bien clair. Ici les pommes sont des oranges ou des citrons, et c’est l’interprétation la plus habituelle ; là c’est un avare sous la forme d’un dragon ; plus loin, les Hespérides sont des fontaines, et d’autres fois elles sont les heures du soir, ou des pommes, ou des étoiles, et le dragon est le zodiaque, puis Hercule est le soleil levant qui fait disparaître les astres.
[n.p.] [n.p.]L'Enchaînement de Cerbère est l’entreprise la plus audacieuse d’Hercule. Nous ne dirons pas actuellement que Cerbère était un chien à trois têtes, gardien des enfers, permettant à chacun d’y entrer et à personne d’en sortir ; nous le retrouverons en parlant de ce sombre empire, seulement nous ajouterons que pour obéir à une simple fantaisie d’Eurysthée, Hercule descendit aux enfers, combattit ce chien l’enchaîna et l’entraîna avec lui ; mais lorsqu’il retourna dans l’empire de Pluton pour y chercher Alceste, fille de Pélias que son impitoyable frère Acaste immola, comme nous le savons, aux mânes de son père, en place de son époux Admète, fils de Phérès et de Périclymène qui l’avait épousé après avoir perdu sa première femme Théoné, et lorsqu’il y fut pour en ramener Alcmène, sa mère, ou quand il y descendit pour y secourir son ami Thésée, resté prisonnier pour s’étre risqué un peu étourdiement avec Pirithoüs, afin d’enlever Proserpine, dont celui-ci était amoureux, ce terrible dogue ne lui disputa plus le passage des enfers, Quoi qu’il en soit, Hercule se trouvant dans l’empire de Pluton, déchaîna Cerbère, l’arracha du trône du dieu près duquel il s’était réfugié et l’emmena dans la Thessalie où, dans sa fureur, ce terrible animal en répandant sur une foule de plantes, sa bave venimeuse, en fit des poisons mortels.
Hercule ne se contenta pas de ces douze ou quinze travaux qui lui avaient été ordonnés, il en entreprit encore beaucoup d’autres au fur et à mesure que l’occasion se présenta. Ainsi, continuons à le suivre au milieu de ses hauts faits :
Pendant qu’il était auprès d’Atlas à chercher les moyens d’obtenir les pommes des Hespérides, il apprit que Busiris, roi d’Espagne ou d’Egypte, venait de débarquer avec plusieurs de ses compagnons, et qu’il avait osé faire enlever les Atlantides {p. 238}au milieu de leur jardin. Aussitôt, il court au rivage, arrête les ravisseurs qui voulaient le charger de chaînes, les fait tomber sous ses coups, et immole Busiris, et son fils Ephidamas, aux pieds de Jupiter. Ce service décida peut-être Atlas à lui procurer les trois pommes ; mais il le porta du moins à lui enseigner les premières notions d’astronomie, qui furent importées en Grèce par Hercule.
Lors de la chasse du sanglier d’Erymanthe, il se fit encore remarquer par l’extermination des Centaures Argée, Eurytion, Homade, Thérée, Isopale, Dupos, Palémon et beaucoup d’autres ; le fait eut lieu accidentellement. Un jour, étant logé et fort bien hébergé par le Centaure Pholus, Hercule voulut au milieu du festin, entamer un muid de vin appartenant aux autres Centaures, ceux-ci prétendirent s’y opposer et l’attaquèrent vivement. Bientôt le combat s’échauffa ; la plaine ne fut plus assez grande ; les arbres, les rochers furent déracinés, et lancés par les Centaures contre Hercule, qui, cependant, fit face à tout, écarta peu à peu ses ennemis à coups de flèches, et se débarrassa des autres, en les faisant tomber sous sa redoutable massue. A la fin, poursuivis de trop près, les Centaures se retirèrent à Malée, ou Chiron, le maître du héros vivait dans la retraite, mais Hercule impitoyable, les immola tous à sa colère. Chiron, lui-même, fut blessé mortellement au genou par une flèche perdue ; en vain son élève voulut le guérir, en appliquant sur la blessure, le cataplasme dont il lui avait montré la composition. Pas un Centaure, dit-on, du moins de ceux présens, n’échappa, car Pholus lui-même, qui était reste simplement occupé à rendre la sépulture aux morts, s’étant blessé avec une des flèches empoisonnées, périt de cette blessure. Ce combat que l’histoire ne fait pas remonter au delà de l’an 743 avant J.C., lors de la première guerre de Mycènes, semble indiquer une défaite de cavaliers Thessaliens, qui s’enfuirent dans les montagnes d’Arcadie. Plus loin, nous verrons cependant encore Pirithoüs et Thésée, combattre également plusieurs de ces monstres auxquels on donnait le nom de Centaures.
Après cette victoire, Hercule continue à détruire les êtres malfaisans qu’il peut rencontrer. Ainsi, chez ces mêmes Thraces, il tue Sarpédon, fils de Neptune, pour s’être emparé du trône de Cotys, roi voluptueux de la contrée ; près du Rhône, il perce de ses flèches meurtrières, d’audacieux insulaires, qui voulaient l’arrêter. Puis en passant d’Italie en Sicile, il tue le vorace Scylla et plus tard, il donne la mort aux brigands Termère et Cycnus.
Mais revenons à la marche chronologique des triomphes d’Hercule ; il prit tour à tour pour théâtre de ses exploits, l’Asie, l’Afrique, l’Espagne et l’Italie. A peine venait-il de rentrer dans le Péloponèse, qu’il se signala contre Nélée, roi de Pylos, né ainsi que Pélias de Neptune et de Tyro, femme de Créthée, roi d’Iolchos. Ce roi étant mort, son fils légitime Eson, voulut faire valoir ses droits, malheureusement il fut le plus faible contre Pélias et Nélée, et celui-ci même fut ensuite chassé d’Iolchos par ce Pélias, et obligé de se réfugier chez le roi de Messène Apharée, qui, par grâce, lui permit de bâtir sur la côte de son royaume, la ville de Pylos.
Bientôt la fortune sourit de nouveau à ce petit souverain, alors il épousa Chloris, fille d’Amphion ; il en eut une fille et douze fils, famille nombreuse dont il fut si {p. 239}]fier, qu’il osa en former une armée, et ligué avec Augias, il marcha contre Hercule, qui tua cet imprudent, et tous ses fils, parmi lesquels on distinguait Agéroque, le fier Chromius, Epidaus, Eurymène, Euribios, Evagore, Lycaon, Péro, Périclymène, Taucus ou Tanius, à l’exception de Nestor ou Néléius, que nous verrons figurer à la guerre de Troie.
Hercule encore jeune, tua en outre un lion énorme qui ravageait les environs du mont Cithéron, près de Thèbes en Béotie, et qu’il ne faut pas confondre avec celui de Némée. Thespius ou Thestius, roi de ces contrées, fut tellement charmé du courage de ce jeune héros, qu’il lui donna en mariage ses cinquante ou cinquante-deux filles, que le Demi-Dieu rendit mère d’un garçon dans une seule nuit, ou suivant d’autres, au bout de cinquante-deux jours, à l’exception de la plus jeune qui resta vierge et lui servit de prêtresse.
Ce Thespius fils d’Erecthée ou d’Agénor ou de Mars et d’Andronice ou Démonice, fille d’Agénor, avait eu non-seulement un fils appelé Eurypyle, tué par Méléagre, mais encore ces cinquante-deux filies ou Thespiades de plusieurs femmes, au nombre desquelles, on range Eurytémis fille de Cléobé, Leucippe, Déidamia, Mégamède ou Mégamène fille d’Arnée, Laophonte, fille de Pleuron et de Xantippe mère d’Althaca et Léda.
Ces Thespiades s’appelaient : Aglaïa, mère d’Antias et d’Onesippus ; Althaea ; Anthippe ; Antiope, mère d’Alopius ; Archédice, mère de Dynastès ; Argéla, mère d’Hippodrome, et d’un Cléodée, et peut-être de Cléolas ; Asopis, mère de Mentor ; Chryseis, mère d’Onésippe et d’Oreas. Claométis, mère d’Astybias ; Clythippe, mère d’Eurycrate ; Crathé, mère de Polylaüs ; Dynaste ; Endéis, mère de Ménipie ; Entétis mère d’Entétidès ; Eone, mère d’Amestrius ; Epilaïs, mère d’Astyanax ; Erato, mère d’Asopide ; Eschréis, mère de Leuconès ; Eubée, mère d’Olympe ; Euboté, mère d’Eurypile et d’Eubotès. Euryce, mère de Teleutagoras ; Euryphyle, mère d’Archédice ; Eurytèle, peut-être, mère de Leucippe ; Exole ; Héliconis, mère de Phalias ; Hésychia, mère d’Œstroblès ; Hippocraté ; Hippodromé, mère d’Hippodrome ; Hippodamie ; Hypermnestre, mère d’Amphiaraüs et d’Iphianire ; on lui donne aussi pour époux Oidée, avec lequel elle aurait également eu cette dernière ; Iphis, mère de Celeustanor ; Laonomène, mère de deux fils, Ménippe et Télès ou Célès, et deux filles, Stentédice et Lysidice ; Laothoé, mère d’Anthippe ou d’Antitus ou d’Antidus et suivant d’autres de Celeustanor ; Léda ; Lysidie, mère de Thélès ; Lyse ; Lysippe, mère d’Erasippe ; Marsé, mère de Bucole, et de Leucippus ; Meline, mère de Laomédon ou de Laomède ; Nicippe ; Olympase, mère d’Halocrate ; Oria, mère de Lanomène ; Panope, mère de Panope ; Parthénope, crue aussi fille de Stymphale et mère d’Evérès ; Patro, mère d’Archémaque ; Praxithée, mère de Lycurgue et de Bucolion ; Procris, mère d’Antiléon ; Pyrhippe, mère de Patrocle ; Stratonice, mère d’Atromas ; Telphissa, mère de Lyncée ; Terpsicratie, mère d’Euryops ; Toxicrate, mère de Lycius.
Quelquefois l’on donne encore à Thespius le nom de Tethras ou Teuthras, et on les confond ensemble. Cependant on regarde ce dernier comme fils de Pandion, roi de Cilicie et de Mysie, et l’on prétend alors que ce furent ses cinquante filles qu’Hercule rendit mères dans une seule nuit.
Arrivé en Grèce, Hercule devint {p. 240}amoureux des charmes de Déjanire, fille d’OEnée, roi de Calydon, né de Parthaon et d’Euryte. Ce roi avait eu d’un premier mariage avec Althée, plusieurs enfans, au nombre desquels on trouve Déjanire et Méléagre que nous rencontrerons bientôt à la chasse d’un redoutable sanglier : il eut en seconde noces, Tydée, père de Diomède, avec Péribée qui, s’étant laissée séduire par un prêtre de Mars, fut chassée par son père Hipponoüs, puis reçue comme épouse par le roi de Calydon. La belle Déjanire ayant également séduit le fleuve Acheloüs, fils de l’Océan et de Téthys ; ce fleuve voulut la disputer à Hercule. Vaincu d’abord, il se transforme en serpent, mais il est encore défait ; puis il revient à la charge, sous la forme d’un taureau ; alors, pour en finir, Hercule lui arrache une de ses cornes et le force à courir cacher sa honte au fond du fleuve Thoas appelé ensuite Acheloüs. Quant à la corne, elle fut remplie de fleurs et de fruits par les nymphes de ses bords et offerte, dit-on, à la déesse de l’abondance. Cette fable semble indiquer un fleuve limitrophe, inconstant, qui débordait continuellement, donnait lieu à des contestations entre les riverains, et dont les eaux capricieuses resserrées dans un seul lit, par les travaux d’un puissant architecte, ramenèrent la paix et la fertilité dans cette contrée.
Après cette victoire, Hercule retourna chez lui avec Déjanire, mais dans leur voyage, ils furent arrêtés par le grossissement subit des eaux du fleuve Événus. Alors Nessus, centaure qui s’était échappé aux coups du héros, propose de passer Déjanire sur son dos. Hercule accepte cette offre et passe le premier, à peine est-il à l’autre bord, qu’il aperçoit le centaure qui loin de vouloir lui ramener son épouse cherche, pour se venger du héros, à faire violence à sa maîtresse. Aussitôt Hercule lance contre lui une de ses flèches empoisonnées avec le sang de l’hydre de Lerne et le blesse à mort ; mais Nessus avant d’expirer, remet à Déjanire sa tunique ensanglantée et la prévient qu’en la faisant revêtir à son mari, elle lui rendra toujours son cœur, dès qu’il voudra devenir volage.
Hercule ayant tué ce centaure, vint reprendre Déjanire et tous deux continuèrent leur voyage ; mais en Thessalie, ils furent encore assaillis par les Dryopes, brigands qui ravageaient cette contrée. Le héros, après avoir tué Phylas, leur chef, les conduisit à OEta ou à Ceyx pour qu’il les surveillât. Cependant, ayant recommencé leurs rapines et même pillé le temple de Delphes, Hercule fut encore à leur poursuite, tua leur roi Laogoras, et les chassa définitivement tous de la Thessalie. Puis ce héros fut mettre à la raison les Thesprotes et les Lapithes. Quelquefois il porta beaucoup plus haut sa valeur, car il fut jusqu’à menacer les Dieux mêmes. Ainsi fatigué des persécutions de Junon, il la blessa au sein avec une flèche à trois pointes ; un autre jour il atteignit Pluton qui fut obligé de monter au ciel pour se faire guérir par le médecin de l’Olympe ; un autre jour les rayons du soleil l’irritant, il tend son arc contre cet astre qui sourit de son courage, et le récompensa en lui donnant un gobelet d’or sur lequel il s’embarqua ; puis aux jeux Olympiques, il eut l’honneur de lutter avec Jupiter. L'avantage ayant été égal des deux côtés, son père se découvrit à lui et le félicita sur sa force et son adresse.
Cependant, non satisfait de ces victoires célèbres, il apprend qu’Euryte, roi d’Œchalie et fils de Mélas, a promis sa {p. 241}fille Iole à celui qui le surpasserait dans l’art de tirer de l’arc ; Hercule vole à sa cour, gagne le prix ; mais Euryte, malgré les conseils de son fils Iphitus, refusa sa fille à Hercule. Alors celui-ci furieux fait seul le siége d’OEchalie, tue à coups de massue le roi, son fils Molion et quatre-vingt-seize hommes, puis il fait alliance avec Iphitus. Malheureusement ce jeune prince ayant eu la légéreté d’accuser ensuite Hercule d’avoir emmené les chevaux de son père qu’Autolycus, nous le savons, avait volé. Le héros revient, monte sur une tour élevée de Tyrinthe avec Iphitus, et lui montrant que ses chevaux ne sont pas dans les campagnes des environs, il précipite ce jeune imprudent sur les rochers, pour le punir de sa fausse accusation ; puis il enlève la princesse Iole qui s’abandonna à lui dans le temple d’Apollon, à Delphes, malgré les menaces de la prêtresse Xénoclée.
Hercule, après cet acte d’impiété et de cruauté, tomba malade et l’oracle ordonna qu’on le vendit publiquement et que l’argent de cette vente fût donné aux enfans d’Iphitus ; alors Mercure fit cette vente et livra Hercule à Omphale, reine de Lydie, fille de Jardanus, et femme de Tmolus, aux pieds de laquelle Alcide amena enchaînés les Percopes ou anciens habitans d’Éphèse. Bientôt éprise de ce héros, cette reine lui rendit la liberté, mais il n’en profita point et resta pendant trois années auprès de cette princesse qui le dominait au point que lui, abandonnant et sa peau de lion et sa massue redoutable, et mollement étendu à ses pieds, passait des journées entières à manier la quenouille et le fuseau. Cependant, il s’échappa un jour de ce doux esclavage, retourna à Trachine, et y conduisit sa conquête, la jeune Iole, fille d’Ecryte. A cette nouvelle, Déjanire prévenue de l’infidélité de son époux par son esclave ou hérault d’armes Lychas, lui fait passer comme présent, pour fêter son retour, la tunique fatale de Nessus. A peine Hercule l’a-t-il posée sur lui qu’il est en proie aux plus terribles douleurs ; en vain cherche-t-il à l’arracher, elle adhère cruellement à sa peau ; alors il se livre aux plus terribles accès de fureur ; il prend par le bras le malheureux Lychas, le soulève, le fait tourner plusieurs fois en l’air, et le jette dans la mer Eubée, où il fut changé en un rocher ayant l’aspect d’une figure humaine. Puis se persuadant qu’il n’y avait que la mort qui pût mettre un terme à ses pénibles souffrances, il fait élever un immense bûcher sur le mont Œta, il étend dessus la peau du lion de Némée, monte tranquillement sur ce bûcher, place sa massue sous sa tête, confie ses flèches à Philoctète, et ordonne à ce Philoctète, fils de Pœan, roi de Thessalie, d’y mettre le feu et de prendre soin de ses cendres. A cet ordre, son ami et Peas, berger de la contrée, allument ce bûcher. A peine le feu est-il allumé, que le tonnerre se fait entendre et que la foudre vient purifier les restes de ce mortel, que Jupiter élève aussitôt au ciel pour l’agréger au nombre des douze grands Dieux, mais il refusa et se contenta du second rang, puis une fois déifié, il épousa la jeune et belle Hébée.
Hercule fit encore tomber sous les coups de sa colère ou de sa vengeance une foule de personnages, dont nous allons rapidement rappeler les noms suivans : Aleines simple guerrier ; Amyntor, roi des Dolopes, dans l’Epire, qui lui refusa le passage par ses états ; Anonyme, géant ou voulut avec Peripnoos faire violence Junon, pendant la guerre des Géans Chrysès ; Minos époux de la ny {p. 242}phe Parea, qui avait tué deux des compagnons d’Hercule ; Croton, héros italique ; Cyate, fils d’Archétèlès ; étant échanson d’Œneus, il eut la maladresse de répandre de l’eau sur les pieds d’Hercule, en lui en versant sur les mains, cette maladresse fâcha le héros, qui le [ILLISIBLE]ua d’une chiquenaude, peut-être Cyate était-il le même qu’Enome ou Eunome son frère, également tué à table par Hercule, d’un soufflet, pour lui avoir offert une coupe d’une manière inconvenante ; Euryte, neveu d’Augée et un autre du même nom, l’un des Géans qui combattaient les Dieux ; Hippocoon, fils d’OEbalus et de Gorgophone et frère de Tyndare, succomba avec ses fils : Hormène, Bucole, Doryclée, Enasphore, Euryté, dans une guerre contre Hercule, vers l’an 1290 av. J.-C., pour avoir refusé sa fille Astydamie à ce héros, déjà marié à Déjànire ; Idmon, Dolien, ami des argonautes, fut tué par Hercule pendant une tempête, près de Cysique dans une mêlée, ou l’on se battit en se croyant ennemis ; Ione, fille de Naulochus, pour avoir volé sur les grands chemins ; Leprèas ou Leprée, fils de Glaucos et d’Astydamie, voulut soutenir Augias et ayant défié Hercule, à qui mangerait le plus tôt un bœuf, se fâcha d’avoir été vaincu et lutta plus sérieusement contre le héros, sous les coups duquel il expira ; Lycus ou Lycas, fils de celui de Thèbes et de sa femme Dircé ; Mégabrontès, chef Dolien, qui combattait les Argonautes sur les côtes de Cyzique ; Mydion, fils d’Amycus, fut tué pour avoir voulu secourir son ami Lycus ; Phinée roi Thrace, fils d’Agénor, épousa Cléobule ou Cléopâtre, fille de Borée et d’Orithye, et devint père de Plexippe et de Pandion ; Polygone et Télegone, fils de Protée, succombèrent pour avoir osé défier Hercule à la course ; Pyrechme, tyran d’Eubée, avoir fait une guerre injuste aux Béotiens ; Sauros le brigand, pour avoir ravagé une contrée de l’Elide ; Syleus, roi d’Aulide et fils de Neptune, irrita Hercule pour avoir été travailler dant la vigne de ce héros, ou pour lui avoir défendu de continuer une intrigue qu’il avait avec sa fille ; Théodamas, roi des Dryopes, avait refusé de donner quelque nourriture à Hercule, et enfin les nombreux enfans de Chrysonoé, fille de Clitas, roi des Sidoniens, qui les avait eus de Protée ; la masse de leurs crimes, força Hercule d’en débarrasser la contrée.
Rarement ce héros fit des prisonniers, aussi ne devons-nous pas oublier de mentionner au nombre de ces derniers ; Euryale, fils de Ménélas, et Slénèle, fils d’Androgée et frère d’Alcé ; plus rarement encore Hercule trouva son maître ; cependant, un jour après avoir été jeté par une tempête dans l’île de Cos, il voulut exiger un bélier d’un berger, mais celui-ci, comptant sur sa force extraordinaire, le lui refusa, se battit avec lui et secouru par Chalcodon ou Chalcon, il mit en fuite le héros, qui fut assez grièvement blessé.
Pour vaincre tous ces ennemis, Hercule souvent se fit aider, soit par des rois auxiliaires, soit par des amis qui le suivaient toujours et formaient son escorte. Parmi ces compagnons fidèles, on trouve : Admète, roi de Thessalie, dont l’épouse fut sauvée des enfers par Hercule ; Abdère, qui fut devoré par les chevaux de Diomède, qu’Hercule lui avait donnés à garder pendant qu’il était allé exterminer les Bisons ; Anticyre, qui guérit les fureurs d’Hercule avec l’ellébore, cueillie dans le Golphe de Corynthe ; Argée, fils de Licymnius, né lui-même de Midéc et {p. 243}d’Electryon,, fils de Persée et d’Andromède, époux de sa nièce Anaxo, dont il avait eu Alcmène et tué accidentellement par Amphitryon, son neveu et gendre. Ce jeune Argée fut emmené par Hercule, sous la promesse de le ramener, mais sa mort força le héros de faire brûler son corps et d’en envoyer les cendres à son père : ce fut, dit-on, le premier auquel on rendit ce genre d’honneur funéraire.
[n.p.] [n.p.]Baleus fut inhumé dans les iles Baléares, auxquelles il donna son nom ; Chalcodon, père d’Elpénor et l’époux d’Imaréte, aida Hercule à vider les étables d’Augias ; Cius, fut un Argonaute ; Coryte jeune Iberien, inventeur des casques ; Daméon, fils de Phlionte, fut avec notre héros, contre Augèe et fut tué par Ctleatus ; Déiléon, fils de Déimaque, marcha contre les Amazones, qu’il rencontra le premier près de Sinope ; Démoléon fut aussi de cette expédition ; Diome, fils de Colyte, obtint les honneurs divins ; Egimius, roi des Doriens, fut secouru par Hercule, contre les Lapithes, Epalius ou Epaulius, roi de la Tétrapole Doriques, fut remis sur son trône par Hercule, et laissa par reconnaissance sa couronne à Hillus, fils de ce héros ; Gyas, fils de Mélampe et frère de Cissée ; Hélacate et Hylas, favoris fort aimés d’Hercule ; Hippase, fils de Ceix, roi de Trachine ; Mélampe, père de Cissé et de Gyas ; Molorchus, berger du pays de Cléone, dans l’Argolide, en faveur duquel Hercule tua le lion de Némée plutôt que pour obéir aux ordres d’Eurysthée ; Myscélus d’Argos, fils d’Alémon, suivit Hercule, et s’établit ensuite en Italie ; OEnonc ou Oncus, fils de Licymne frère d’Alcmène, et par conséquent le cousin d’Hercule, malgré lequel il fut tué à Sparte ; Phénon ou Phénops, père d’Abyde ; Phormion, pécheur d’Erythrée, auquel Hercule rendit la vue ; Poltis, fils de Neptune et frère de Sarpédon, reçu Hercule au retour de son expédition contre Laomédon ; Pylios, héros grec, adopté par Hercule ; Soscrate, grec de Pelée en Achaie, auquel on rendait des honneurs héroïques, en mémoire de l’amitié dont Hercule le favorisait ; Sténèle, fils d’Actor, suivit Hercule contre les Amazones ; Stichios, Etolien, favori du héros qui le tua dans ses accès de fureur ; Zacinthe, Béotien, qui suivit Hercule en Espagne et mourut dans l’ile de la mer Ionienne, qui portait son nom.
Après la mort d’Hercule, Philoctète déposa ses cendres dans un tombeau et lui dressa un autel, sur lequel on vint lui offrir de nombreux sacrifices. Puis les Thébains et les Grecs érigèrent des temples à ce nouveau dieu, dont le culte passa chez les Romains, sous le nom du grand Hercule gardien, auquel on avait bâti un temple près le Cirque Flaminius. Mais ce fut à Cadix qu’on lui éleva le temple le plus brillant, devant son portique, on voyait deux colonnes chargées de caractères phéniciens, et auxquelles on donna le nom de colonnes d’Hercule. Ce culte ensuite passa dans les Gaules et se répandit pour ainsi dire dans toutes les contrées connues. Il fut, dit-on, introduit surtout en Italie, par Evandre, petit fils de Pallas et chef de la colonie d’Arcadiens qui fut s’établir en Italie, aux environs du mont Aventin, il vivait encore d’après Virgile, à la fin de la guerre de Troye, lors de l’arrivée d’Enée en Italie, et fit alliance avec lui. Cet Evandre était le véritable Minos ou Cadmus du Latium, le fondateur de sa civilisation ; aussi l’on pensait l’honorer dans Saturne et l’on reportait l’âge d’or de l’Italie à son règne. Il eut {p. 244}pour fils Pallas, que nous verrons porter des secours à Enée et pour fille Palantho ou Palotho ou Palathie, déesse italique, femme de Latinus. Dans l’origine, le culte d’Hercule était desservi par deux familles célèbres, les Potitiens et les Pinariens, ce qui vint de ce que le jour qu’il tua Cacus, Evandre reconnut Hercule comme dieu et choisit pour desservir ses autels deux vieillards Thessaliens, ses compagnons Pinarius et Potitius. Hercule lui-même, disait-on, avait enseigné comment il voulait être honoré : il s’agissait de lui offrir le matin avant le lever, et le soir après le coucher du soleil, un sacrifice que l’on faisait suivre d’un grand repas ; lors du premier sacrifice, les Potitiens ayant pris les devants sur les Pinariens, eurent droit aux meilleurs morceaux des victimes, et par la suite il en fut toujours ainsi, et les Pinariens pour ainsi dire simples servans, n’eurent jamais que les restes ; plus tard, les Potitiens se lassèrent de ce ministère, et il fut mis entre les mains des esclaves.
Les fêtes que l’on célébrait en l’honneur d’Hercule, étaient l’Antimachie, dans l’ile de Cos, parce que après avoir été jeté sur la côte, Hercule avait été obligé, pour échapper aux poursuites des habitans, de se cacher sous des habits de femme ; les Ergasties ou Ergaties, fêtes de Sparte, célébrées en souvenir des travaux d’Hercule, les Héraclées, étaient des fêtes quinquennales, qui avaient lieu à Athenes, à Sicyone, à Linde et à OEta ; les Iolées, duraient plusieurs jours et avaient lieu en mémoire du secours [ILLISIBLE] neveu et cocher d’Hercule lui avait donné pour combattre l’Hydre de Lerne. Ces fêtes célèbres en Sardaigne, ou se trouvaient le Cénotaphe d’Iolas et le tombeau d’Amphiaraüs, se composaient de courses, de sacrifices et de prix divers où le myrte et les fleurs jouaient un grand rôle ; enfin les Onomates furent ordonnées à Sicyone par Phestus fils d’Hercule pour faire honorer son père, non pas comme simple héros, mais comme Dieu.
On représente habituellement Hercule tenant derrière le dos les pommes du jardin des Hespérides, ou s’appuyant sur sa massue, ou bien encore accomplissant l’un de ses douze travaux ou quelque événement de sa vie. On le voit aussi tenant un fuseau et filant aux pieds d’Omphale et revêtu des ornemens les plus efféminés.
Sans compter Omphale, Déjanire et les Thespiades, la fable donne encore une assez grande quantité de maîtresses à Hercule, ce sont Alciope, ou peut-être Alcipe ; Antinoé, Astydamie, une des six premières épouses d’Hercule, et mère de Ctésippe ; Augée, mère de Léontiade, Leucippe et Téléphe ; Astyochée, fille de Phyllas, roi d’Ephyre, fut la prisonnière et la maîtresse d’Hercule, mère de Leucite et de Tlépolème ; Barga, mère de Bargase, et de Bargalus ; Balétie, mère de Brettus ; Bolée ; mère d’Olynthe et de Brangas, quelle avait eu ou d’Hercule ou de Strymon. Celtine, fille de Brétannus, et mère de Celtus ; Chalciope, fille d’Euripyle de Cos, et mere de Thessalus. Déjanire, mère de Macarie, deCtesippe, ou Etésippe, de Gynée, d’Hôditès ou d’Onitès, d’Hyllus et de Glenos. Diopatra, nymphe à laquelle Hercule fit violence ; Dyna, fille d’Evandre, mère de Pallas ; Epicaste, fille de Thésée et mère de Thassala ; Eurybie, mère de Polyalus, et de Faula ; Galatée, fille d’un roi Celte, mère de Galatès ; Gélonie. Halcyone, mère d’Anthès. Hebée, mère d’Alexiare, et d’Anicetus ; Heliconis. Iole, mère de Camire, de Cleodée ou Arrnedée et de Lydos ; Iphionée, mere de {p. 245}Palémon ; Malie, suivante de la belle reine Omphale et mère d’Acelus et d’Alcée. Mégare, fille de Créon, mère d’Acinète, d’Antimaque, d’Aristodème, de Créontiadès, de Déicoon ou de Deïon, de Déiloque et de Thérimaque, de Chersibius, de Démocoon, de Glanus, de Médebronte et de Ophite ; Melita, fille du fleuve Egée, mère d’un Hyllus ; Midée, fille de Phylas, et mère d’Antiochus ; Myrto, fille de Ménèce et sœur de Patrocle, fut la mère d’Euclée ; Nicé, mère de Nicodrome. Omphale, fille d’Euryte, roi d’OEchalie, et mère d’Agélaüs, d’Atys et de Lamos. Panope, fille de Thésée et mère d’une autre Panope, dont le nom se rapporte quelquefois à un fils d’Hercule ; Parthénope. Phyllone on Phillo, fille d’Alcimédon, frère de Bellérophon, fut mère d’Echmagoras. Phégia ou Psophis, fille d’Erix roi Siciliote et fondatrice de Psophis en Arcadie, et mère d’Echephron et de Promachus ; Pyrène, qui donna son nom aux Pyrénées ; Rhéa, la prêtresse, mère d’Aventinus ; Tinga, veuve d’Antée, mère de Sophax ; Vindima, nymphe, fille d’Evandre ; Xanthis, mère d’Homolippe ;
Filles d’Hercule. Si les épouses et les maîtresses d’Hercule, furent nombreuses il en fut de même de ses enfans, ou du moins de ses fils ; car, ses filles bien connues, se bornent à Alexiare, fille d’Hébée ; Bargas de Barga, Bdella ou la sangsue ; Echephron de Psophis, Euriops de la Thespiade Terpsicratia ; Hippolochée, Iphianire, fille de la Thesp Hypermnestre ; Laothoé, mère de Polyphème l’Argonaute ; Lysidice de la thesp. Laonomène ; Macarie, fille de Déjanire ; Polyclée, d’une nymphe inconnue, elle fit la boîteuse pour régner sur les bords de l’Achelaüs ; Stentédice de la Thesp Laonomène.
Fils d’Hercule. Les fils de ce héros portent les noms suivans : Acélus, fils de Malie ; Acinète, de Mégare, Adraste, Aaathyrsus, fondateur des peuples efféminés de la Sarmatie Européenne appelés Agathyrses. Agélaüs d’Omphale ; Alcée de Malie ; Alopius de la Thespiade Antiope. Amathus, fondateur d’Amathonte ; Amestrius, de la Thesp. Eone ; Anthès, fils d’Halcyone ; Antias de la Thesp. Aglaïa ; Antidus de la Thesp. Laothoé ; Antiléon, de la Thesp. Procris ; Antiloque fut tué par Pâris au siége de Troye ; Antimaque de Mégare ; Antiochus de Midée, fondateur ou Eponyme de la tribu d’Athènes qui prit son nom ; Archemaque de la Thesp. Patro ; Aristodème de Mégare, fut tué par Hercule, dans son accès de folie ; Asopide de la Thesp. Erato ; Astyanax de la Thesp. Epilaïs ; Astybias de la Thesp. Claométis, Atromas, ou sans peur, de la Thesp. Stratonice ; Atys d’Omphale ; Aventinus, de la prêtresse Rhéa, et donna son nom au mont Aventin ; Bargalus de Barga, confondu peut-être avec la jeune Bargase ; Bœus, Brentus, fondateur de Brentesium ou Brundisium ; Brettus de Balétie ; fondateur de Brette en Etrurie ; Boius, de mère inconnue ; Bucole de la Thesp. Marsé ; Camire d’Iole ; Célès ou Thalès de Laonomène ; Céleustanor de la Thesp. Laothoé ; Celtus de Celtine, il donna son nom aux Celtes ; Chersibius de Mégare, tué par Hercule, dans son accès de folie. Chromis, fut un jour foudroyé par Jupiter, pour avoir nourr[ILLISIBLE]ses chevaux avec de la chair humaine. Cléoaee ou Archédée de Iole ; Cléodée de la Thesp. Argela ; Cléolas, attribué à une suivant d’Omphale, ou à la Thesp. Argela, il fut la tige des Rois de Lydie. Créonuadès, fils de Mégare, fut tué par Hercule, à son retour des enfers. Clésippe ou Etésippe de {p. 246}Déjanire ; un autre du même nom, est fils d’Astydamie. Cyrnus, fondateur de la Corse ; Déicoon ou Déion, Déiloque et Démocoon, tous trois de Mégare ; Deucalion, d’une Thespiade ; Dynastès, de la Thesp. Archedice ; Eaque ou Eatus, d’une nymphe inconnue, il épousa sa sœur Polyclée, pour régner avec elle sur les rives de l’Achelaüs ; Echephron de Psophis ; Echmagoras de Phyllone ; Entelidès, d’une Thespiade ; Erasippe de la Thesp. Lysippe, Eratus, ou probablement Erato, d’une Thespiade et d’Hercule, ou de Dynaste, roi de Sicyone ; Erythras, Eubotès et Eurypyle, de la Thesp. Euboté ; Eumidès et Eurycœpès, de Thespiades inconnues ; Eurycrate, de la Thesp. Clythippe ; Euryops, de la Thesp. Terpsicratie ; Everes de Parthénope ; Fabius ou Fovius d’une fille d’Evandre ; Galatès ou Galle, de Galatée ; Gélon, de la nymphe Gélonie ; Glanus de Mégare ; Glenos ou Gynèe de Déjanire ; Glycizonète, Halocrate de la Thesp. Olympuse ; Hannus et Helvétik, fils de mère inconnue et frères de Boïus, le second donna son nom à l’Helvétie ; Hippeus d’une Thespiade ; Hippodromus de la Thesp. Hippodromé ; Hippozigus d’une Thespiade ; Hoditès ou Onitès de Déjanire ; Homolippe de Xanthis ; Hyllus de Déjanire ; Hyllus de Mélita, il fut tué par les Mentors qui avaient voulu enlever ses bœufs ; Iobès d’une Thespiade ; Lamius fonda Lamia en Thessalie ; Lamos d’Omphale ; Lanomène de la Thesp. Oria. Laomédon ou Laomède, de la Thesp. Méline ; quelques mythologues veulent qu’il soit le même que Lamos ; Léontiade et Leucippe d’Augée ; Leucippe, autre fils d’Hercule et de la Thesp. Marsé ou Eurytèle ; Leucite d’Astyoché ; Lycius de la Thesp. Toxicrate ; Lycurgue de la Thespiade Praxithée ; Lydos d’Iole, et fondateur de la Lydie ; Lyncée de la Thesp. Telphissa ; Médebronte de Mégare, Ménippide de la Thesp. Endéïs ou de Laonomène ; Mentor de la Thesp. Asopis ; Myscellus, cru également fils d’Alcmon, fut le fondateur de Crotone en Italie. Nephos, Nicodrome de Nicé ; Noricus, de mère inconnue et frère de Boïus ; OEstroblès de la Thesp. Hesychia ; Olympe d’Eubée ; Olynthe de Bolée ; Onésippe de la Thesp. Chryséis ; Onitès ou Hoditès de Déjanire ; Ophite de Mégare ; Oréas de la Thesp. Chryséis ; Palémon d’Iphioné, est cru le même que Sophax le Libyen ; Pallas de Dyna, fille d’Evandre ; Panogue ou Panope de la Théseide Panope ; Patrocle de la Thesp. Pyrrhipe ; Phalias de la Thesp. Héliconis ; Phestus, fondateur de Pheste en Crète, et roi de Sicyone ; Polyalus d’Eurybie ; Polylaus de la Thesp. Crathé ; Promaque de la sicilienne Phégia, et frère d’Echephron ; Scythès, sa naissance est également attribuée à Jupiter, avec Echidna ; Sophax de Tinga, veuve d’Antée ; il fut le fondateur de Tingis dans la Mauritanie ; Télephe d’Augée, fut de l’armée des Grecs contre Troye ; Thérimaque de Mégare, fut tué par Hercule, dans son accès de folie ; Thassala d’Epicaste ; Thessalus de Chalciope, donna son nom à la Thessalie ; Tiburnus ou Tiburtus, fondateur de Tiburtia ou Tibur, avait pour père, selon d’autres Amphiaraüs ; Tigasis ou Tusculus, qui donna son nom aux Tusci ou Etruriens,
Souvent dans le cours de cet ouvrage, nous avons parlé des Héraclides ou descendans d’Hercule ; il y en avait trois familles, mais généralement on entend par Héraclides, ceux qui descendaient d’Hercule, par Hyllus fils de Déjanire. D’abord chassés de Mycènes et de tout le Péloponèse par Eurysthée, après la mort de leur {p. 247}père, les Héraclides se réfugièrent chez Ceix, à Trachine, puis chez Thésée, à Athènes, où s’organisa une ligue contre Eurysthée qui, dans cette campagne périt avec tous ses enfans et laissa forcément les Héraclides rentrer triomphans dans le Pèloponèse. Bientôt une peste effroyable diminua leur nombre parce que, dit un oracle, ils étaient rentrés avant le temps voulu par les Dieux. Ils retournèrent donc attendre à Athènes où, suivant la dernière volonté d’Hercule, Hyllus épousa Iole sa belle mère ; puis celui-ci revint appeler en combat singulier, Atrée, successeur d’Eurysthée pour essayer de le chasser du trône du Péloponèse, mais ce fut inutilement ; car Hyllus fut tué dans ce combat ; cependant on le fait tuer aussi par Echème, fils d’Europe ou d’Ærope ; et il en fut de même ensuite de Cléodée, fils d’Hyllus, et d’Aristomaque, fils de Cléodée qui firent une seconde et une troisième tentative ; il n’y eut qu’Aristomène, Cresphonte et Témène, fils d’Aristomaque qui, vers l’an 1104 av. J.-C. ou 80 ans après la guerre de Troie, purent arriver à rentrer dans l’héritage d’Hercule sous les auspices d’Oxile, fils d’Hémon, et avec le secours des Naupactiens ; et après s’être débarrassés d’Eurybios, fils d’Eurysthée ; de Pamphyle, fils d’Égime ; et de Péon, fils d’Antiloque. Aussitôt ils se partagèrent cet héritage : Argos échut à Témène, la Messénie, à Cresphonte et Lacédémone aux enfans d’Aristomène, mort pendant l’expédition ; mais bientôt les descendans de Témène vinrent à s’éteindre avec la personne de Meltas, quoique l’un des rameaux de cette branche se soit encore rendu célèbre plus tard, en donnant naissance à Caranus, fondateur de la Macédoine ; la seconde branche disparut huit siècles avant J.-C., et la troisième se divisa dès le principe en Eurysthénides et en Proclides.
L’on connaissait encore sous ce nom d’Héraclides la famille d’Antiochus : Phylas Hippotès et Aletès, dont le dernier s’empara de la souveraineté de Corynthe, où les premières places furent toujours occupées par les membres de cette famille sous le nom de Bacchides, même après l’abolition de la royauté.
Enfin la troisième famille dont les membres portaient le nom d’Héraclides était composée des descendans d’Hercule par Omphale et commanda sur la Lydie, pendant vingt-deux générations, jusqu’à la mort de Candaule avec lequel elle s’éteignit. Les noms des principaux descendans d’Hercule venus jusqu’à nous avec le titre d’Héraclides sont : Agamédide, descendant de Ctésippe, Alétès ou Halète, premier roi Héraclide de Corynthe, et fils d’Hippote ; Antimaque, Antimène, fils de Déiphon ; Archélas, petit-fils d’Hercule ; Archias de Corynthe, fondateur de Syracuse ; Aristodème, Bacchis, cinquième roi de Corynthe ; Callias, fils de Témène ; Caranus, le septième des Héraclides qui chassa Midas, et fonda la macédoine l’an 807 av. J.-C. ; Céryne, fils du roi d’Argos, qui donna son nom à la coline sur laquelle Hercule surprit la biche aux pieds d’airain ; Cléodée, fils d’Hyllus ; Climène, fondateur du temple de Minerve à Cidonie en Crète ; Clytonée, fils de Temène ; Déiphon, époux d’Hyrneste ; Diodore, chef d’une colonie de Grecs à Olbie ; Epyte tua Polyphonte ; Hyrnéto, fille de Temène, épousa Déiphon ; Minos fils de Bel, et arrière petit-fils d’Hercule ; Phylas fils d’Antiochus ou petit fils d’Hercule ; Pion, fondateur de la Pionie, en Mysie ; Samos, fils d’Ancée et de Samie, et petit fils d’Hercule ; Sarde, issu d’Hercule l’Égyptien, fut le chef {p. 248}des Hydiens qui colonisèrent la Sardaigne.
Maintenant revenons aux fils de Jupiter : Iarbas, fils de Jupiter-Ammon, et d’une nymphe du pays des Garamantes, était roi de Numidie, vers l’an 888 av. J.-C. Ce fut à ce Jupiter que Iarbas, étant devenu roi de Gétulie, éleva dans ses états cent temples magnifiques et cent autels, sur lesquels on immolait nuit et jour des victimes ; il céda généreusement à Didon fugitive, le terrain ou elle fit bâtir la ville de Carthage, mais ensuite ayant voulu épouser cette princesse, elle le refusa et de là survint une guerre terrible entre les Gétules et les Carthaginois, guerre à laquelle la mort volontaire de cette princesse mit enfin un terme. Cependant il nous semble fort douteux que cet Iarbas de Virgile soit le même que celui porté par l’histoire comme roi des Numides, l’an 888 av. J.-C.
Lacédémon, fils de Jupiter et de Taygète fille d’Atlas, épousa Sparte, fille d’Eurolas, dont il eut Amyclas, Dan[ILLISIBLE], Eurydice ou Aganippe ; il polit les mœurs des habitans de la Lélégie ou Laconie, sur laquelle il régnait, vers l’an 1437 av. J.-C. ; il bâtit plusieurs petites villes, et donna à l’une d’elles le nom de son épouse. Il érigea sur les bords du Tiase, un autel aux deux Grâces, Cléto et Phaenna, qui seules étaient admises par les Lacédémoniens, et on dit qu’il fut l’auteur de leur culte. Apres sa mort, ses sujets lui élevèrent une chapelle Héroïque. On le représente avec une barbe épaisse, des cheveux touffus et avec un casque sans cimier. Son fils Amyclas épousa Diomède, fille de Lapithès, et en eut Argalus, Cynorlas, Cyparisse, Eole et Hyacinthe ; de ce dernier survinrent les Hyacinthides, appelés selon les uns : Anthéis, Egléis, Euthémis et Lyrie, ou suivant les autres, Athénée, Creuse, Orithye, Pandore, Procris et Protogénie ; quant à Cynortas, il devint père d’OEbalus, que sa femme Gorgophone rendit père d’Arane ou Arène, d’Icare, d’Hippocoon et de Tyndare. Cette Gorgophone eut encore avec Périérès, deux autres enfans appelés Apharée et Leucippe. Ce dernier fut père d’Arsinoé, d’Ilaïre et de Phœbé, tandis qu’Apharée se maria avec Arène et en eut Idas, époux de Marpesse, fille d’Evenus, qui le rendit père de Cléopâtre. Enfin nous ferons observer que cet Icare, fils de Cynortas, épousa Péribée, et devint père d’Alétès, de Damasippe et de la belle et sage Pénéloppe, femme d’Ulysse.
Locre, fils de Jupiter et de Néère ; il aida Amphion dans la construction des murs de Thèbes.
Mégarus, fils de Jupiter et d’une nymphe Sithnide ; il échappa aux flots, lors du déluge de Deucalion, en gagnant à la nage, le sommet d’une montagne, sur laquelle croissaient des grues, ce qui fit donner à cette montagne, le nom de géranienne.
Mélitée, fils de Jupiter et d’Otréis, fut exposé par ordre de sa mère au milieu d’une forêt où il fut nourri par des abeilles ; son frère Phrague, que sa mère avait eu avant lui de Jupiter, le découvrit et le ramena sous le toit maternel, puis il prit le nom de Mélitée, par reconnaissance pour ses nourrices, et fonda la ville de Mélita.
Memphis, né de Jupiter et de Protogénie, épousa Lydie, ou plutôt Libye.
Mercure ou l’hermès des Grecs, Dieu du commerce, de l’éloquence et des voleurs, passait pour fils de Jupiter ou de Bacchus ; il doit donc trouver sa place à la suite de ce dernier ou parmi les enfants du premier de ces dieux et c’est là que nous {p. 249}le plaçons. Mercure portait les noms et surnoms suivans : Acacès, et Acacelus et Acacus ou qui ne fait point de mal. Acacessius ou le nourrisson d’Acacus ; Agetor ou conducteur ; Agonius ainsi que Jupiter, Janus et Mars, ou présidant au jeux gymnastiques. Agorœus ou Dieu du forum et des places publiques ; Alchymios ou d’Alchyme, d’après M. Noël, Alycmios ou d’Alyeme ; Aléo ou le joueur de dez ; Alès Deus et Alès-Tegeaticus et Aliger-arcas ou le Dieu ailé de Tégée ou d’Arcadie ; Angelus ou le messager ; Argiphonte et Argiude ou le meurtrier d’Argus ; Atlantiade et Atlantide ou petit fils d’Atlas, par Maia ; Blandiloquus ou le dieu de l’éloquence ; Cadmillus et Camillus et Casmillus ou le dieu serviteur des autres Dieux ; Caduceator et Caducifer ou le porteur de Caducée ; Cerdemporus et Cerdoüs ou le Dieu du commerce ; Charidotès ou le donneur de grâces ou qui permettait à Samos de voler impunément, le jour de sa fête ; Chthonius ou le messager des enfers ; Chrysorrhapis ou à la verge d’or ; Criophore ou le porteur de béliers à Thèbes ; Ctesius ou qui favorise l’industrie ; Cyllenios et Cyllios ou du mont Cyllène, Cynosurios ou de la citadelle de Cynosure en Arcadie ; Diactorus ou le messager de Jupiter ; Dolius ou le Dieu de la fraude ; Empoleus ou le Dieu des marchands et cabaretiers ; Enagonios ou le Dieu des Athlètes ; Enhodios ou au buste carré, indiquant les routes ; Ennios à Chio ; Epactius ou le conducteur des morts aux enfers ; Epimelius ou le protecteur des troupeaux ; Epithalamite ou qui chante les nouveaux mariés ou qui préside aux voyages maritimes ; Epytus à Tégée ; Eriounios ou présidant aux bénéfices commerciaux ; Évodius ou dont les statues se trouvaient sur les grands chemins ; Galiacon ou au bras plus court que l’autre ; Harpedophore et Cyllenis harpé on le porteur de la harpé ou faulx avec laquelle il tua Argus, Hodios ou le protecteur des routes à Samos, Logios ou le Dieu des discours ; Medicarius ou le guérisseur par l’éloquence, Myagre et Myagorus ou chasse-mouches, Necropompe ou le conducteur des morts, Nomios ou qui fit paître les troupeaux de Jupiter ou le Dieu du négoce, Nonacriatès ou de Nonacries près du mont Cyllène en Arcadie, Occupo ou l’empoigneur, ou le premier occupant, Parammon ou au temple placé dans les sables en Libye et en Elide, Petasatus-Deus ou le Dieu au petase, c’est-à-dire au chapeau ailé, Prœsès-Juventutis ou le protecteur de la jeunesse, Promachus ou le défenseur des Tanagréens, Prondus ou le Dieu dont la statue était à l’entrée du temple d’Apollon à Thèbes en Béotie, Propyleus ou le Dieu dont la statue était à l’entrée de la citadelle à Athènes, Psychagogue et Psychagopompe ou le conducteur des ames aux enfers. Quadriceps ou le Dieu de la ruse ; Socos ; Stilbo ou qui reluit et règle la planète Mercure, Tricephace et Triceps ou qui possède un triple pouvoir, tant au ciel, sur la terre, que dans les enfers ; Trismégiste ou trois fois grand, alors il était supposé avoir vécu en Egypte, 1900 av. J.-C, ; Trivius ou le messager présidant aux chemins, Trophonius ou qui restait sous terre, Xudân ou le portier chez les Etrusques.
Puis viennent ses doubles noms, en raison des doubles rôles qu’il représentait, ainsi il était Hermammon ou Mercure-Jupiter, Hermanubis ou Mercure-Anubis, Hermapollon ou Mercure-Apollon, Hermapokras ou Mercure-Harpocrate, Hermathène ou Mercure-Minerve, Herméracle ou Mercure-Hercule, Herméros ou Mercure-Amour, Hermitra ou {p. 250}Mercure-Mithra, Hermopan ou Mercure-Pan, Hermosiris ou Mercure-Osiris.
Avant de passer à la fable dont les Grecs avaient orné ce dieu tout d’invention, commençons par dire que plusieurs écrivains se sont torturés pour rechercher des rapprochemens historiques qui pussent se rattacher à ce personnage : le grammairien Lactance admettait quatre Mercures, l’un fils de Jupiter et de l’Atlantide Maïa, l’autre du ciel et du jour, le troisième de Bacchus-Liber et de Proserpine, et le quatrième de Jupiter et de Cyllène. Mais Cicéron en trouva cinq qu’il place dans l’ordre suivant : l’un fils du Ciel et du jour ; un second ou terrestre, ou Trophonius, né de la Valeur et de Choronis ; un troisième de Jupiter et de Maïa ; un quatrième du Nil ; un cinquième, meurtrier d’Argus : d’autres écrivains en ajoutent même un sixième, fils de Bacchus et de Proserpine. Mais de tous ces Mercure, deux seuls ont conservé un rang important dans la mythologie, c’est d’un côté le Mercure ancien, qui jouit de la plus haute faveur en Égypte, où il portait le nom de Thoth ou Thaut ; et de l’autre côté c’est le Mercure grec, fils de Jupiter et de Maïa. N’ayant actuellement à nous occuper que de ce dernier, voyons d’abord l’espèce de conte historique dont les Grecs l’entourèrent.
Fils de Jupiter et de Maïa, il aida son père dans la guerre des Titans, et après la mort de ce Jupiter, il eut en partage l’Espagne, les Gaules et l’Italie, contrées sur lesquelles il régna en maître absolu, après toutefois la mort de son oncle Pluton ; puis il eut encore la Mauritanie après le décès de son grand père Atlas. Forcé plus d’une fois d’aller en Égypte, il y apprit la théologie mystérieuse d’Osiris, et même, disait-on, la magie ; ensuite il mourut en Égypte ou en Espagne.
Les anciens Grecs admettant la profonde instruction de cet être, pour eux semi-historique, ils le supposèrent de la famille des Titans, le regardèrent comme un oracle infaillible, comme un messager dont l’adresse et l’éloquence savaient toujours terminer les négociations par la paix. Malheureusement disaient-ils encore, il avait de grands vices : son caractère était artificieux, son humeur turbulente ; aussi ses propres parens furent obligés plusieurs fois de lui déclarer la guerre et de le forcer à aller mourir en Égypte ou en Espagne, où l’on montra long-temps son tombeau.
Si maintenant nous arrivons à la fable de ce Dieu, nous trouvons que suivant les Grecs, ce Mercure appelé chez eux, Hermès, était également fils de Jupiter et de Maïa, qu’il était le Dieu du Commerce, de l’Éloquence, de la Paix et des Voleurs ; il était aussi le messager de Jupiter et des autres Dieu ; il naquit sur le mont Cyllène, en Arcadie ; puis son éducation fut confiée aux Saisons et Acacus fils de Lycaon devint son père nourricier. Le lendemain de sa naissance il fit preuve de son adresse, car il vola les bœufs d’Admète, gardés par Apollon, en les faisant marcher à reculons, afin d’en faire perdre les traces ; mais le dieu berger vint réclamer ses bœufs au jeune enfant, qui sans s’effrayer des menaces, ravit encore au Dieu du Parnasse, son arc et ses flèches. Non content de cela, se souvenant qu’il avait eu pour témoin de son vol de bestiaux Battus, berger de Pylos, auquel il avait donné, pour prix du secret, la plus belle des vaches qu’il venait d’enlever, Mercure le soupçonna de l’avoir dénoncé : alors il reparaît à ses yeux sous la forme d’un paysan, lui promet deux bœufs s’il veut {p. 251}lui découvrir le voleur des autres ; Battus aussitôt lui révèle le secret ; cette indiscrétion excitant l’indignation du jeune Dieu, il le change en pierre de touche.
Mercure ne s’en tint pas à ce premier larcin, car il vola ensuite le trident de Neptune, à Mars son épée, à Venus sa ceinture, à Vulcain ses marteaux. Jupiter enchanté de ses malices et de son adresse, lui donna les fonctions d’Échanson, et le choisit pour le confident de ses amours, après qu’il l’eût entendu dire en présence de tous les Dieux venus pour voir Mars et Vénus, pris dans le réseau invisible : qu’il ne serait pas fâché d’être à la place du malheureux captif. Mercure, chaque jour, faisait rire Jupiter par ses nouveaux larcins ; cependant, s’étant émancipé jusqu’à voler son sceptre, et jusqu’à essayer de lui enlever sa foudre, vol qu’il ne put accomplir parce que dit-on, il se brûla les doigts et fit un cri, le maître des Dieux, alors se fâcha sérieusement, le priva de sa charge d’Échanson, et la donna à Ganymède ; puis le chassa de l’Olympe et l’envoya sur la terre garder les troupeaux avec Apollon ; mais bientôt il trouva l’occasion de faire sa paix avec Jupiter ; car Junon ayant métamorphosé Io en génisse et ayant ordonné à Argus aux cent yeux de la garder, Mercure endormit ce gardien incommode au son de sa lyre et le tua. C’est lui qui recueillit le jeune Bacchus et le confia à ses nourrices ; il attacha ou du moins aida Vulcain, à enchaîner Prométhée sur le mont Caucase ; il fixa Ixion sur une roue dont les mouvements éternels le torturaient ; il fut chargé de porter à Phryxos et Hellé le bélier à toison d’or, pour les garantir des loups ; il accompagna Persée dans son expédition contre les Gorgonnes. Nous le verrons conduire Priam au camp des Grecs, lorsque ce malheureux vieillard ira réclamer du fougueux Achille les restes d’Hector. Il délivra Jupiter des mains de Typhoé, le Dieu de la guerre des chaînes dont l’avaient lié les deux Aloïdes ; purifia les Danaïdes du meurtre de leurs maris, accompagna le char de Pluton, pendant qu’il enlevait Proserpine, transporta Castor et Pollux à Pallène, vendit Hercule à la reine Omphale ; il vainquit Hippolyte ; et prit le casque d’invisibilité à Pluton. Cependant, malgré sa bravoure, il fut obligé, comme tous les autres Dieux, de fuir en Égypte sous la forme d’un Ibis.
Mercure ne passa pas toute sa vie dans les combats, le vol et la rapine ; en effet, ami de la paix, il occupa utilement son exil : ainsi un jour, ayant rencontré deux serpens qui se battaient, il glissa sa baguette de voyages entr’eux, aussitôt les serpens l’entourèrent ; et il les y fixa, dès qu’arrivés à son extrémité supérieure, ils tendaient la tête pour s’attaquer ; alors il mit deux ailes au-dessus de ces deux têtes et se fit ainsi un sceptre, symbole de paix, auquel il donna le nom de Caducée. Cependant, on raconte aussi que ce caducée fut un cadeau d’Apollon, en échange de la lyre que Mercure venait de lui offrir après l’avoir inventée, en plaçant des cordes harmoniques sur la carapace d’une tortue qu’il avait trouvé. Mercure, on s’en souvient, fit don à Pandore du doux langage et de l’amabilité, la présenta à Prométhée, qui la refusa, et la conduisit ensuite chez Épiméthée.
Dès qu’il fut de retour dans l’Olympe, les fonctions de Mercure furent immenses : messager de Jupiter, il liait ses intrigues, gardait et surveillait Junon, était le négociateur de guerre ou de paix ; parmi les dieux, il présidait comme intendant général de l’Olympe aux repas, aux jeux, aux assemblées et aux harangues célestes ; aussi {p. 252}patron des orateurs, des voyageurs, des marchands et des voleurs, c’était le Dieu qu’ils invoquaient tous ; puis on le supposait encore messager de Mort, chargé de détacher entiérement les âmes des corps, de les conduire aux enfers, et rarement de les ramener sur la terre.
Mercure ne fut pas toujours le messager amoureux, seulement des autres, souvent aussi il mit à profit son adresse pour obtenir les bonnes grâces de plus d’une jolie nymphe. Dans ce nombre, on trouve : Acacallis, mère de Cydon ; Alcidamie, mère de Bunus ; Antianire, dont le nom signifiait qui hait les hommes, fille de Mênéchus, et mère des deux argonautes, Echion et Eurytus ; Carmenta ou Carmentis ou la Thémis des Grecs, prophétesse, venue d’Arcadie en Italie, et divinisée à Rome, son vrai nom était Niscostrate ; elle eut de Mercure : Evandre, avec lequel elle fut accueillie six ans avant la guerre de Troie, par Faunus, roi du Latium. Après sa mort, elle fut admise parmi les Dieux indigètes, elle présidait à la naissance des enfans, chantait leur destinée ; elle fut la tige des devineresses appelées Carmentes, était honorée par des filles, appelées Carmentales, le 11 et 15 janvier, et avait pour prêtres les Garmentales, composés de quinze flamines ; Chionée, fille de Dédaion, elle fut tuée par Diane, et aimée aussi par Apollon ; Cléobule ou Thèobulée, fille d’Eole, et mère de Myrtile ; Creuse ou Hersé ; Daïre Océanide, mère d’Eleusson ; Erythrée, fille de Géryon ; Chthonophile, ou Eubée, mère de Polybe ; Eupolénice, fille de Myrmidon, et mère d’Ethalide ; Halimède, Vénus Arcadienne, mère de Damascus ; Herse ou Hersa, fille de Cécrops fixa le cœur de Mercure, en revenant du temple de Minerve ; sa sœur Aglaure ayant voulu troubler leurs amours, le Dieu, d’un coup de caducée, la métamorphosa en un rocher. Hiéra, mère d’Ischenus ; Ipthime néréide, mère des Satyres ; Lara ou Laranda ou Lalaria ou Muta ou Mania ou Tufolie, naïade, fille du fleuve Alcmon : Jupiter ayant poursuivi Juturne, nymphe romaine favorable aux mariages et accouchemens heureux, fille de Daunus et sœur de Turnus, roi des Rutules, celle-ci, pour lui échapper, se sauva dans le Tibre ; aussitôt Jupiter défendit aux naïades des environs de la recevoir, mais Lara eut l’imprudence de donner avis de cette défense à Juturne et à Junon, ce qui fit échouer les desseins de Jupiter, alors la colère de ce dieu n’eut plus de bornes ; il ordonna à Mercure de couper la langue à l’indiscrète Lara et de la conduire aux enfers, mais dans ce voyage, sa beauté séduisit le messager divin, et il en résulta deux enfans appelés Lares. Plus tard, les dames romaines ayant fait de Juturne une espèce d’Ilythie, l’invoquaient quand elles étaient prêtes d’accoucher ; Libye, fille de Palamède et mère de Libys ; Ocythoê, mère de Caïcus ; Pandrose, une des trois filles de Cécrops et d’Agraule, mère de Céryx ; Philodamée ; Danaïde, mère de Pharis ; Polymele, fille charmante de Phylas et mère d’Eudorus ; Philotis, supposée mère d’Autolycus, comme Chionée ; Rhéné, mère de Saüs ; Theobulée, mère de Myrtile.
Déjà nous venons de voir quels étaient en partie les enfans de Mercure, mais nous allons le faire connaître plus en détail : Angélia, dont la mère est restée inconnue, était chargé de la pénible besogne de rapporter aux morts ce que faisaient les vivans ; Antias, fils obscur, dont la mère est inconnue ; Aptale, né de Chionée ; Autolycus, fils également de {p. 253}Chionée ou de Philotis, aïeul maternel d’Ulysse. Il avait hérité de son père Mercure, d’une grande habileté à tromper ; subtil larron, son bonheur était de voler les bestiaux et de les rendre méconnaissables en effaçant leurs marques distinctives. Cependant un autre voleur son voisin, Sisyphe, ayant marqué ses troupeaux à l’intérieur de la corne du pied de chaque animal, Autolycus ne put s’en douter et lui vola plusieurs bestiaux ; alors il fut convaincu de friponnerie par Sisyphe, qui pour mieux encore se venger, séduisit sa fille Anticlée, l’enleva, et la rendit mère d’Ulysse. Autolycus fit aussi partie des Argonautes, et apprit à Hercule à conduire un charriot ; Bunus, fils d’Alcidamie bâtit un temple à Junon, à Corynthe ; Caïcus, né d’Ocythoé, donna son nom à un fleuve de Mysie ; Céphale, fils de Mercure et d’Hersé : quoique toujours confondu avec l’amant d’Aurore, il est cependant environné d’une tout autre fable. : On disait que ce fils de Mercure, avait été banni d’Athènes par l’Aréopage, en punition du meurtre de sa femme, et qu’alors il se réfugia à Thèbes, accompagna Amphitryon dans une expédition contre les Théléboens, et finit par s’établir dans les iles fortunées. Cerix, c’est-à-dire le hérault, fils de la Cécropide Pandrose, était la tige, disait-on, d’une famille, dans laquelle on devait élire à Athènes les deux Céryces, ou crieurs publics, dont la charge était d’annoncer au peuple, pour l’Aréopage ou pour l’Archonte, les choses civiles ou sacrées, et de préparer en outre et d’immoler les victimes, comme le faisaient les victimaires à Rome. Cydon, fils d’Acacallis, ayant encore pour père ou Apollon ou Tégéate ; Damascus, né d’Halimède et fondateur de Damas en Syrie ; Daphnis, eut de nymphes inconnues deux fils de ce nom : l’un berger de Sicile, apprit de Pan à jouer de la flûte et la poësie pastorale des Muses ; il était en outre si bon chasseur, que ses chiens moururent de douleur de l’avoir perdu ; l’autre ayant juré qu’il consentait à perdre la vue s’il abandonnait une nymphe qu’il aimait, oublia ses sermens et devint aveugle. Dolops, périt à Magnésie ; Echion, né d’Antianire, fut l’espion des Argonautes ; Eleusion ou Eleusis, né d’Ogygès ou d’Ogygus, ou de Mercure et de l’Océanide Daïre, il donna son nom à Eleusis ; Érytus, fils d’Antianire, frère d’Echion, et comme lui l’un des Argonautes ; Ethalidès, né d’Eupolème, fut le hérault des Argonautes, et sans être immortel, il possédait la faculté de pouvoir rester la moitié du temps parmi les vivans, et l’autre moitié parmi les morts, avec la vertu, vif ou mort, de toujours savoir ce qui se passait sur la terre ; Eudorus, fils de Polymèle, fut élevé par son grand père Phylas et devint l’un des capitaines Grecs qui assiégèrent la ville de Troye ; Erestus, n’offre rien de curieux ; Evandre, fils de Carmente, fut le chef de la colonie d’Arcadiens, qui vint s’établir en Italie, aux environs du mont Aventin ; il vivait encore suivant Virgile, lors de l’arrivée d’Enée dans ces contrées ; Hermaphrodite, fils de Mercure et de Vénus Aphrodite, enfant des deux sexes que nous avons déjà vu naître de Jupiter, page 6, sous le nom d’Agagoüs ou d’Agdistis ; Ischenus, n’était qu’un petit-fils de Mercure et d’Hierâ ; il se dévoua dans un temps de famine, pour son pays : en mémoire de ce bienfait on lui éleva un temple, près du Stade d’Olympie, et l’on institua des fêtes annuelles, sous le nom d’Ischénies ; Lares ou Pénates, enfans de Mercure et de Lara ou de Mania ; ils étaient les Dieux, {p. 254}domestiques des romains, qui en distinguaient une foule, quoique dans l’origine, ils ne fussent que deux. Ainsi ils avaient les Lares Compitales ou de carrefours, familiares ou des familles, hostiles ou éloigneurs d’ennemis, parvi ou les petits, publici ou publics, rurales ou ruraux, urbani ou les citadins et viales ou des chemins. Les premiers étaient adorés dans les carrefours par les esclaves et les affranchis ; les familiers présidaient aux maisons de chaque particulier ; les hostiles, parmi lesquels on doit ranger : Hostilina, de même que Pellonia et Populonia, étaient invoqués pour avoir de belles moissons, et pour les prier d’arrêter les incursions des ennemis ; les urbani ou citadins étaient les gardiens des villes qui en outre avaient encore les grands lares ou les douze Grands Dieux, pour les protéger, savoir : Apollon, Cérès, Diane, Junon, Jupiter, Mars, Mercure, Minerve, Neptune, Vénus, Vesta et Vulcain ; les viales présidaient aux chemins de même que Mercure, Apollon, Bacchus et Hercule ; les lares publics étaient les rois et princes divinisés, que l’on chargeait d’être les interprètes de l’état auprès des Dieux. Quant aux rurales ils étaient les petits lares, les lares du peuple et des campagnes.
Ces lares recevaient encore, d’après les Egyptiens, les noms d’Anachys et Ananché ou la nécessité, Dymon et Dynamis ou la puissance, Heros et Eros ou l’amour, Tychis et Tyché ou la fortune ; on appelait aussi Laterculus, le Dieu particulier du foyer. On croyait que ces lares étaient les ames des hommes vertueux sur la terre, qui intercédaient les Dieux, pour leurs parens et amis, aussi leur culte était généralement répandu chez les romains.
On représentait les lares, comme deux jumeaux adolescens, ayant entre eux un chien, symbole de la surveillance et de la fidélité ; d’autres fois ils avaient la figure d’un chien et souvent on les représentait par de petites figurines d’argent, d’ivoire, de bois, de terre, qu’on plaçait au coin du foyer ou derrière la porte, ou dans les vestibules des palais ou dans une chapelle spéciale appelée Laraire chez les grands seigneurs. Les esclaves leur consacraient des chaînes. Leurs fêtes étaient les Hararies et les Compitales, dont les ministres étaient des esclaves, affranchis pour le temps seulement de ces fêtes. Les premières avaient lieu au mois de décembre, et les secondes au mois de mai ; alors on leur sacrifiait un porc et on leur offrait du lait, des fleurs, des fruits et de l’encens.
Quant aux Pénates ou Pénetrales, qui dans l’origine n’étaient que les mânes des ancêtres, ils devinrent de petites figurines, semblables à celles des lares, mais représentant toujours quelqu’un des Grands Dieux, et surtout Jupiter ou le plus souvent Vesta. On les conservait religieusement dans l’endroit le plus secret et le plus retiré de la maison, que l’on appelait Pénétralia ; on les consultait dans toutes les affaires domestiques ; on leur immolait des victimes humaines, mais Brutus ayant aboli cette barbare coutume, on leur consacra, pour les honorer, un jour des saturnales, et un autre jour, chaque mois, pour leur offrir des agneaux, des brebis, des chèvres, du vin, de l’encens et des fruits.
Les autres enfans de Mercure étaient Libys fille de Libye ; Myrtile, né de Cléobule ou de Théobulée, cocher d’OEnomaüs, roi de Pise ; il fit, par son adresse, obtenir la main d’Hippodamie à son maître, mais il le trahit en faveur de Pélops, qui lui avait promis de le laisser {p. 255}tête à tête toute une nuit avec cette belle, s’il remportait le prix. Cependant, après sa victoire, Myrtile ayant eu l’imprudence de venir le sommer de tenir sa parole, Pelops, indigné, le jeta dans la mer. Plus tard, on supposa qu’il fut enlevé au ciel par son père, et placé dans la Constellation du Cocher. Norax, fils d’Erythrée, fut le chef de la colonie d’Ibériens, qui vint habiter la Sardaigne ; Palestre, née de mère inconnue et donnée aussi pour fille à Hercule, avait inventé la lutte ; Pan avait pour mère, nous le savons, Dryope ou Pénélope ; Pharis ou Pharès, né de Philodamée, est le fondateur de Phérès en Messénie ; Polybe, fils d’Eubée, était le père du dieu marin Glaucus, mais Mercure avait encore eu un fils de ce même nom, de Chthonophile ; il monta, dit-on, sur le trône de Sicyone, vers l’an 1243, av. J.-C., maria sa fille Lysianasse à Talaüs, roi des Argiens, et il eut pour successeur Adraste, auquel il avait donné asile à sa cour ; Priape, que nous savons fils de Chioné ; Prylis ou Pylis, né de la nymphe Issa, Devin d’Ilium, se laissa corrompre par Palamède, et indiqua aux Grecs le moyen d’entrer dans la ville ; Satyre, que nous avons vu enfant d’Iphthimé, né de Rhéné.
Par suite de ses nombreuses attributions, Mercure avait un culte généralement répandu en Égypte, en Grèce et en Italie ; les Grecs lui consacraient les langues des victimes comme au Dieu de l’éloquence ; en Égypte, on lui offrait des cygognes, l’animal de cette contrée le plus révéré après le bœuf ; dans les Gaules, on faisait couler pour lui le sang de victimes humaines ; et à Rome, la première figue que l’on cueillait lui était consacrée. On mettait ses statues devant les portes des maisons, afin d’en écarter les voleurs, et sous le nom d’Hermès, on plaçait sur les chemins des statues sans tête ni pieds, pour indiquer la route aux passans.
On lui sacrifiait des veaux et des coqs. Il avait des temples et des oracles en Crète, dans le Péloponèse, dans l’Arcadie, dans L’Elide. Ceux qui allaient consulter son principal oracle, l’oracle dont le temple était en Achaïe, étaient obligés d’en sortir en se bouchant les oreilles, tout en écoutant attentivement ce que l’on disait sur leur passage, et la première parole qu’ils pouvaient saisir était la réponse de Mercure.
Mercure était un des douze Grands-Dieux. Les Romains lui dédièrent l’an de Rome, 675, un temple où l’on célébrait, le 15 mai de chaque année, une fête solennelle, à laquelle assistaient surtout les marchands nouvellement arrivés d’un long voyage ; alors vêtus d’une tunique retroussée, et après s’être purifiés dans l’eau lustrale, ils demandaient pardon de leurs filouteries passées, et de celles qu’ils pourraient commettre par la suite ; puis ils lui sacrifiaient une truie, et lui offraient du miel, des figues et du lait.
D’autres fêtes encore, avaient été instituées en l’honneur de Mercure ; ainsi les Chytres se célébraient à Athènes, le troisième jour des Anthestéries de Bacchus ; alors pour le rendre propice aux naufragés, on lui offrait des légumes cuits, auxquels personne ne pouvait toucher. Les hermées des Grecs ou mercuriales des Romains, étaient des fêtes dans lesquelles les Crétois, les Athéniens et les Babyloniens servaient à table leurs esclaves, comme les Romains pendant les saturnales à Rome ; ces mercuriales avaient lieu la veille des ides de juillet, et duraient six jours.
On représente Mercure sous les traits {p. 256}d’un jeune homme, beau, leste, et les épaules à moitié couvertes d’un manteau, avec des ailes aux pieds et aux épaules ; son chapeau ou le pétase, est orné d’ailes, ainsi que son caducée qu’il tient d’une main. On le représente souvent le doigt sur la bouche pour marquer sa discrétion ; il a pour attributs la corne d’abondance, la lance, la perche armée de traits, le cygne et le coq. Pour le prendre dans ses spécialités, on lui met une bourse à la main, comme Dieu des négocians et des voleurs ; on lui donne des ailes noires ou blanches, suivant qu’il est messager céleste ou conducteur des morts ; par une chaîne d’or sortant de sa bouche, on indique la puissance de l’éloquence, qui enchaîne tout après elle ; le coq chez les Grecs, et la figure du chien chez les Égyptiens, étaient les emblèmes de sa vigilance ; avec un bélier sur les épaules, il est le patron des bergers ; la tortue rappelle qu’il inventa la lyre. Mais quand on lui mettait un corps d’homme avec une tête de chien ou d’épervier et un caducée à la main, c’était un hermanubis ou un hermosiris ; s’il avait la tête d’Apollon, avec l’arc, la lyre, le pétase et le caducée, c’était un hermapollon ; s’il avait l’habit, le casque, et l’égide de Minerve, avec le coq sans l’aigrette, les ailes au casque et la bourse, c’était un hermathène ; s’il avait le buste humain terminé en colonne carrée, et s’il tenait une massue d’une main et une dépouille de lion de l’autre, c’était un hermacule que l’on plaçait dans les académies ; et autres lieux de gymnastique ; s’il avait la bourse dans la main droite et le caducée dans l’autre, c’était un hermeros ; s’il avait le doigt sur la bouche et les ailes au talon, c’était un hermapocrate ; du reste, toutes ces statues à double-figures, se plaçaient devant les temples pour les garder.
Les Dieux qui se rapprochent naturellement de Mercure sont : Drimaque, ou le Dieu des voleurs, à Chio ; Laverne, ou la Déesse latine du vol ; Mercedone, ou la déesse latine du commerce ; Sisyphe, génie grec de la malice, de la perfidie et surtout des voleurs.
Minos I., fils de Jupiter et d’Europe, fut le mari d’Itone, fille de Lycius, dont il eut Lycaste, père de Minos II. On donne encore pour fils à Minos premier, Eurymédon, Chrysès, Néphalion et Philolaüs. Tous les neuf ans Minos I. allait dans une grotte sacrée pour y conférer, disait-il, avec Jupiter, dont il recevait les instructions, afin d’être plus en état de rendre ses peuples heureux, moyen qu’il put emprunter à Moïse, et qui depuis fut suivi par Numa. Du reste, la sagesse du gouvernement de Minos I. le firent ranger par les peuples, au nombre des juges des enfers où nous le retrouverons avec Eaque et Rhadamanthe.
Mais le roi du nom de Minos le plus remarquable par ses aventures, est Minos II, fils de Lycaste, et par conséquent petit fils du premier. Ce minos II. était roi de Crète et mari de Pasiphaé ; chaque année, ce roi sacrifiait le plus beau taureau de ses troupeaux à Neptune : un jour il fut si étonné des formes d’un jeune taureau blanc qu’on allait immoler, qu’il le fit mettre de côté, et le remplaça par un autre. Mais cette fantaisie de Minos ayant déplu à Neptune, ce Dieu des eaux inspira, dit-on, une horrible passion à Pasiphaé, femme de ce roi, pour ce même taureau ; et Dédale, mécanicien habile de l’époque, osa favoriser la folie de cette reine, en construisant une vache d’airan dans laquelle se cachait Pasiphaé de manière à tromper la brutalité de l’animal. A la suite de ce commerce infâme, Pasiphaé {p. 257}finit par mettre au monde, un monstre épouvantable, que l’on appela Minotaure, dont le nom indiquait l’origine monstrueuse. Cette fable est expliquée en disant que Pasiphaé eut un amour criminel pour Taurus, courtisan du roi, que les rendez-vous des deux amans eurent lieu dans la maison de Dédale, et que la reine accoucha d’un enfant auquel on donna le nom de Minotaure, par suite de la ressemblance qu’il avait autant avec Minos qu’avec Taurus. Quoi qu’il en soit, si nous suivons la fable, nous trouvons que Minos, informé de cette exécrable naissance, ordonna que Dédale, complice du crime, construirait en Crète, près de Gnos, un labyrinthe, pareil à celui d’Égypte, mais découvert de toutes parts, et dans lequel on enfermerait pour jamais et l’artiste et le monstre, qui ne voulait pour nourriture que de la chaire humaine. Pendant l’existence de ce Minotaure, Androgée, fils de Minos, et lutteur habile, se distingua tellement à Athènes lors des fêtes Panathénées, que le roi de l’Attique, Égée, devint jaloux des honneurs qu’il avait reçus, et le fit assassiner tandis qu’il retournait à Thèbes, sa patrie ; alors Minos, pour venger la mort de son fils, se mit à la tête d’une flotte, débarqua sur les côtes des Mégarides, prit Mégare, grâce à la trahison de Scylla, passa dans l’Attique, en ravageant tout ce qui se trouvait sur son passage, et força les Athéniens, pour mettre un terme à tant de malheurs, non seulement d’instituer des fêtes appelées Androgéonies, en mémoire de la mort d’Androgée, mais d’envoyer chaque année en Crète, sept jeunes garçons et sept jeunes filles, pour servir de pâture au Minotaure. Après cette expédition, Minos revint dans ses états ; là, il encouragea ceux qui abattaient les bois de l’Ida ; il fit construire des navires qui remplacèrent les faibles canots ; il fit ajouter des voiles aux vaisseaux, pour seconder la rame. Alors les marins ne s’en tinrent plus au cabotage le long des côtes, ils furent sans crainte au milieu des mers les plus profondes. Il fit importer et exporter les produits de l’industrie ; il établit des comptoirs sur tous les rivages, des colonies sur tous les points ; au dedans il donna plus de force aux lois instituées par son aïeul, et mérita comme lui d’être pris pour modèle. Ce roi de Crète fut, dit-on, étouffé dans le bain par les filles de Cocalus, et mourut trente trois ans après la guerre de Troie ; il eut pour enfans quatre fils : Androgée ou Astérius ou Astreus, Cratée ou Crétée, Deucalion et Glaucos, plus quatre filles : Ariadne, Hécale, Phèdre et Xénodice.
Ce Dédale dont nous venons de parler, paraît avoir été le premier industriel connu chez les Grecs ; il avait pour sœur Perdrix, mère de Tale ou Cale ou Acale ; leur généalogie déjà connue s’établit ainsi : Érecthée et Praxithée ayant donné le jour à Mérope et à Métion ou Eumelion, celui-ci eut pour fils Eupalame, qui s’unit à Mérope, et en eut Dédale et Perdrix. Ce Dédale était Athénien ; il avait inventé la cognée, le niveau, le vilebrequin, les voiles des vaisseaux et des automates qui marchaient d’eux-mêmes, quand la jalousie le porta un jour à tuer Tale son neveu, pour éviter d’avoir un rival ; alors l’Aréopage le condamna au bannissement perpétuel ; Minos l’accueillit : mais ayant été complice de Pasiphaé, il fut, avec son fils Icare, enfermé dans le labyrinthe qu’il venait de construire. Cette prison n’en fut point une bien inquiétante pour lui ; car ayant formé des ailes avec de la cire et des plumes d’oiseau, il les attacha {p. 258}à ses épaules et à celles de son fils, puis ils s’élancèrent tous deux dans les airs. Malheureusement Icare, n’ayant pas suivi assez exactement les recommandations de son père, s’éleva trop haut, de sorte que la chaleur du soleil fondit la cire de ses ailes et il tomba dans cette portion de la mer Égée, que l’on nomme Icarienne. Quant à Dédale, il s’échappa sans accident de l’esclavage, dans lequel Minos, avec justice, avait voulu le retenir ; alors il fut à Cumes bâtir un temple en l’honneur d’Apollon ; mais aucun prince, dans la crainte d’encourir la haine de Minos, ne voulant lui donner asile, il fut chercher et trouver l’hospitalité vers l’an 1260 av. J. C. auprès de Cocalus, roi de Sicile, auquel il témoigna sa reconnaissance en couvrant son royaume de monumens plus magnifiques les uns que les autres. On pense qu’il fut tué par ordre de ce Cocalus, pour éviter d’avoir la honte d’être forcé de le remettre entre les mains de Minos ; du reste, ce roi de Crète, on le sait, trouva également la mort chez ce roi Sicilien, mais on ignore si le fait eut lieu ou non par préméditation ou par simple accident. Dédale avait encore eu d’une Corynthienne appelée Iapygie, un fils nommé Iapix ; il laissa aussi pour disciple renommé, Endoque, son fidèle compagnon.
Myrmidon. L’on fait encore passer un personnage de ce nom pour fils de Jupiter et d’Euryméduse ; il régna dans la Thessalie, et donna son nom aux habitans d’Égine, île du golfe Séranique.
Olène, fils de Jupiter et d’Anaxithée, fille de Danaüs, épousa Léthée, Phrygienne de naissance. Olène subit le même sort que son épouse, qui fut changée en rocher, pour avoir osé se dire plus belle que les déesses.
Opante, fils de Jupiter, était une personnification de la race opontienne.
Orchomène, fils de Jupiter et de la Danaïde Hésione, épousa Hermippe, fille de Béote, qui le rendit père d’un fils nommé Minyas, et d’une fille appelée Élara. Sa mère le fit périr on ne sait pour quel motif.
Palices ou frères Paliques, deux jumeaux Siciliotes ; ils étaient fils de Jupiter et d’Etna, fille de Vulcain, qui se cacha dans les entrailles de la terre, pour se soustraire aux regards de la jalouse Junon ; au terme de l’accouchement, ces frères jumeaux sortirent de terre ; on leur éleva un temple où ils prononçaient des oracles près de Catane, non loin des lacs Delli. C’était l’asile des esclaves fugitifs ; leurs maîtres ne pouvaient les reprendre qu’après avoir affirmé par serment, qu’ils les traiteraient moins rigoureusement à l’avenir. Les jugemens que les palices rendaient sur les contestations relatives aux paiemens, étaient toujours suivis de la mort de celui qui ne les exécutait pas. On leur sacrifia long-temps des victimes humaines.
Pelasgue, fils de Jupiter et de Niobé, fille de Phoronée, était la personnification de la race Pélasgique qui, la première, habita la Grèce.
Persée, fils de Jupiter et de Danaé, reçut aussi de Polydecte le nom d’Eurymédon ; puis plus tard, les surnoms d’Abantiade ou de descendant d’Abas, d’Acrisionide ou de petit fils d’Acrisius, de Daneïus ou héros Danaéen, Aurigène et Arysogone et Chrysoparos ou né de l’or.
Ce héros, comme on doit s’en souvenir, était né de Jupiter qui s’était changé en pluie d’or pour s’introduire auprès de Danaé, fille d’Acrisius, né lui-même d’Abas, ainsi que Prœtus. A peine sorti de l’enfance, ce fils du maître des Dieux {p. 259}protégea sa mère contre le tyran de Seriphe, Polydecte, qui, après lui avoir donné asile, voulut de force l’obtenir pour épouse ; Polydecte voyant que tous ses projets sur Danaé seraient inutiles pendant que Persée resterait dans son île, chercha bientôt à s’en défaire, en lui inspirant l’amour de la gloire et le désir de marcher sur les traces de Bellérophon dont il lui raconta les exploits. Ces récits enflammèrent, en effet, le cœur du jeune homme, et son ame bouillante ne respira plus que les combats. Aussi pendant un festin, Polydecte, pour l’embarrasser, ayant exigé que chacun de ses courtisans lui fît présent d’un superbe coursier, Persée, ne pouvant obéir, lui proposa d’aller attaquer les Gorgones, avec la promesse de lui rapporter la tête de Méduse, la seule qui fût mortelle. Aussitôt cette proposition fut acceptée et fortement applaudie par Polydecte, dans l’espoir criminel que ce jeune héros serait bientôt victime de sa témérité ; mais les Dieux en eurent pitié. Pour assurer le succès de son audacieuse expédition, Minerve lui fit présent de l’égide, Pluton lui prêta son casque d’invisibilité, Mercure ses ailes et ses talonnières, et Vulcain son glaive de diamant, qui s’appelait aussi Harpé ; c’est-à-dire que les Dieux lui inspirèrent la discrétion, la prudence, la promptitude et le courage.
Persée, d’abord, vainquit les Grées, sœurs des Gorgones et filles aînées de Phocus et de Céto. Les Grées étaient trois vieilles femmes, savoir : Enyo, sœur de Mars, Péphrédo et Dinon ou Phersis, nées avec des cheveux blancs et qui seules savaient la demeure de leurs sœurs. Pour obtenir leur secret, Persée leur enleva le seul œil et la seule dent qui leur restassent, et ne les leur rendit qu’après avoir appris la résidence des monstres qu’il voulait combattre. Aussitôt, il part, arrive, et trouve les trois gorgones endormies ; alors, sachant qu’elles pétrifiaient quiconque les regardait, il tire son glaive de diamant, et sans quitter les yeux de dessus l’égide protectrice, il tranche d’un seul coup la tête à Méduse. Les autres Gorgones, Euryale et Sthénos, à ce bruit se réveillent et veulent venger leur sœur ; mais son sang qui vient de toucher la terre, ayant donné naissance à une foule de serpens, ainsi qu’à Chrysaor et à Pégase, coursier céleste que nous connaissons, leurs efforts furent inutiles, car Persée monte sur ce cheval, emporte avec lui la tête de la Gorgone expirante, et, muni de cette arme nouvelle, qui doit transformer en rocher quiconque osera entreprendre de le combattre, il s’élance dans les airs.
Ces Gorgones que l’on surnommait Phorcydes ou Phorcynides étaient tout-à-fait semblables à Méduse après sa fatale et hideuse métamorphose ; elles demeuraient au-delà de l’Océan occidental, mais souvent aussi on les place dans la Scythie asiatique, dans la Libye, et même aux environs du lac Tritonie ou du jardin des Hespérides. Souvent en outre on les confond avec les Grées, c’est à dire les vieilles, nom qu’elles portaient pour être venues au monde avec une chevelure blanche. Quant à Chrysaor, né comme Pégase du sang de Méduse, il prit son nom de ce qu’il portait en naissant une épée d’or à la main : par la suite il épousa l’Océanide Callirrhoé, de laquelle il eut Echidna, femme de Tiphoé ; Géryon le géant et la Chimère ; nous savons qu’Echidna, eut de Typhoé ou de Typhon, son époux, l’Aigle ou le Vautour de Prométhée, Perbère, le Dragon des Hespérides, Gorgon, l’Hydre de Lerne, le Lion de Némée, Orthos, le Sphinx et même, disent quelques auteurs, le géant Géryon et la Chimère.
{p. 260}Persée, une fois dans les airs, lance son coursier à tire d’ailes, arrive en Mauritanie, demande l’hospitalité comme fils de Jupiter au géant Atlas, roi de cette contrée, lequel la lui ayant refusée, est immédiatement changé en pierre par la vue de la terrible tête de Méduse que lui présente le héros. De là, Persée vole au jardin des Hespérides, avec lequel nous ferons connaissance dans quelques pages, en parlant d’Hercule, et il y prend les pommes d’or que l’on y voyait, malgré les efforts que fait un terrible gardien pour l’en empêcher. Ensuite le héros tourne ses pas vers l’Éthiopie, où il délivre la malheureuse Andromède, qui se trouvait inhumainement exposee toute nue sur un rocher, aux attaques d’un monstre marin.
Cette exposition cruelle d’Andromède, était pour satisfaire à l’oracle de Jupiter-Ammon, qui avait ordonné ce moyen afin d’apaiser Neptune. Ce courroux du Dieu des eaux venait de ce que Cassiope ou Cassiopée, épouse du roi Éthiopien Céphée, et mère d’Andromède, s’était vantée de surpasser en beauté Junon et les Néréides. Alors, pour la punir de cette orgueilleuse vanité, Neptune, à la prière de sa sœur, livra les états de Cassiopée aux ravages d’une affreuse Inondation et d’un monstre marin épouvantable. Persée, dès son arrivée, propose à Céphée de délivrer sa fille s’il veut la lui donner en mariage ; le père accepte, et Persée aussitôt monte dans les airs avec Pégase, fond sur le monstre et le tue.
Peu de jours après, les noces des deux amans eurent lieu avec les réjouissances publiques les plus brillantes ; mais pendant le festin, Phinée, oncle de la princesse, voyant qu’il perdait par cette union, et le trône qu’il convoitait depuis longtemps et la main de la princesse qu’il aimait, arrive tout à coup dans le palais, à la tête de ses partisans, et trouble la joie du festin nuptial, en prétendant enlever de force sa nièce ; ni Cassiope ni Céphée ne peuvent s’opposer à cette violence ; mais Persée et ses compagnons font résistance ; et delà survient un combat des plus meurtriers : ainsi, parmi les partisans et compagnons de Persée, Amastre est tué par Argus, fils de Phrixus ; Brotée par Phinée ; Dorylas le riche Nasamonien, par Alcyonée ; Émathion, sur l’autel même de l’hymen, par Chromie ; Hoditès par Clymène ; Idas, par Phinée ; Hypsée, par Lyncide ; Lycabas et Phlégias par Phinée ; et le chef Éthiopien, Zacore, venu au secours de Persée, est mis à mort par Argus.
Mais du coté de Phinée la perte fut bien plus considérable ; car, sans parler de Clymène fils de Phinée, tué par Hoditès ; de Pettalus, tué par Lycormas ; de Proténor par Hypsée, de Pelate, par Coryte ; l’on vit tout à coup Persée abandonner ses armes, prendre la terrible tête de Méduse et pétrifier non seulement Phinée lui-même, mais encore tous ses compagnons, au nombre desquels nous citerons particulièrement : Acontée, Amphimédon, Argus, le centaure Ampicus, prêtre de Cérès, Astrée, Atys, né de la nymphe Limniace fille du Gange, Céladon l’égyptien, Clanis, Chromis, Clytius, Élyce, Érithe, fils d’Actor, Éryx, Éthémon, Lycete, Lyncide, Mélanée, Molphée, Nilée, Polydémon, Rhœtus et Seyllurtès ; quant à Phorbas l’Égyptien et fils d’Argus, il resta simple spectateur.
Sauvé de ce danger, Persée fut pour offrir à Polydecte son terrible présent ; mais à peine arrivait-il dans l’île de Sériphe, qu’il vit le tyran poursuivre sa mère, et celle-ci se réfugier dans le temple de Minerve, tandis que Dictys, qui déjà l’avait {p. 261}sauvée des flots, la protégeait encore contre Polydecte ; alors, Persée furieux, change en rocher ce prince insolent, et met sur son trône Dictys, le protecteur de sa mère ; puis il rend aux Dieux les armes qu’ils lui avaient prêtées, et reprend le chemin du Péloponèse avec Andromède et Danaé. En route, il s’arrête chez Teutamias roi de Larisse, pour assister à des fêtes funèbres que l’on célébrait en l’honneur de la mort de ce prince. Persée veut prendre part à ces jeux, mais, privé des armes divines, il ne peut plus prévoir le malheur qui doit lui arriver, et il frappe par accident Acrisius, arrivé lui-même à cette cour pour ne pas se trouver à Argos en présence de son petit-fils, lors de son retour.
Persée, désolé d’avoir aussi cruellement accompli l’oracle, ne voulut pas monter sur le trône d’Argos, le céda à Mégapenthe fils de Proetus, et se contenta en échange de Tirynthe, où il fonda vers l’an 1313 ou 1281 av. J.-C. la ville de Mycènes. Ensuite, après y avoir d’abord refusé, puis admis le culte de Bacchus, il mourut on ne sait trop comment, quoique plusieurs auteurs le fassent tuer par Mégapenthe, sous prétexte de venger la mort d’Acrisius.
Quelle que soit l’époque de cette mort, il fut bientôt placé au rang des Dieux, puis des statues et des autels lui furent élevés à Mycènes et à Sériphe. Les Chemnites, peuple d’Égypte, avaient surtout pour lui la plus grande vénération ; on voyait même, suivant eux, dans le temple où était la statue de Persée, un soulier long de deux coudées, qui devait avoir appartenu à ce héros. Les Athéniens lui bâtirent un temple dans lequel ils élevèrent un autel à Dictys ; puis la crédulité publique plaça parmi les astres des constellations septentrionales Andromède, Cassiope et Céphée.
Persée eut pour fils : Alcée, Bacchémon, Cynure, Electryon, Elée, Erythras, Hélas, Mestor, Persès, Sthénelus ; et pour filles : Anaxo, Gorgophone et Agrianome.
Cependant les généalogistes mythologues ne sont pas tout-à-fait d’accord sur cette famille, ils ne donnent pour enfans de Persée qu’Alcée, Electryon, Mestor, Sthénèle et Agrianome ; puis ensuite ils ajoutent : Alcée fut époux de Laonome ou d’Hipponome et père d’Anaxo ou de Lysidice et de Périmède, Calliare et d’Amphitryon ; Electryon eut pour femmes, d’abord Médée, dont il eut Antimachus, Archelaüs et Lycimnius que Périmède rendit père d’Argée ; puis Electryon, épousa Anaxo et en eut Alcmène sa fille, Colœnoüs et Chérimachus. Plus, dit-on, Stratobote, Gorgophone, Philonome, Célénée, Amphimaque, Lysinoüs, Anactor et Archelaüs, tous ses fils.
Mestor épousa Lysidice, fille de Pélops d’où vint Hippothoé, père de Taphius, duquel naquit Ptérélas, père d’Antiochus, qui eut en outre avec une autre femme Mestor et Pométo.
Sthénélus fit alliance avec Nicippe, fille de Pélops, laquelle fut mère d’Alcinoé et d’Euristhée qui eut d’Amphimaque, fille d’Amphidamas, Admète et Alexandre.
Et Agrianome enfin ou Laonome épousa Laodocus ou Odoëdocus et en eut Oïlée, mari d’Eriope ou Egriope qui le rendit père d’Ajax le Locrien.
Si maintenant nous cherchons une explication aux Gorgones, nous dirons que leur fable est restée toujours fort obscure : l’on a cru qu’elle faisait allusion à une calamité publique : Diodore prétend que ces Gorgones étaient des femmes guerrières de la Libye près le lac {p. 262}Tritonide et voisines des Amazones ; les uns veulent qu’elles fussent belles, les autres qu’elles fussent si laides que leurs regards pétrifiaient quiconque les regardait ; quelques-uns en font des vaisseaux enlevés par Persée, mais Hésiode, continuant la fable, dit que ces trois sœurs, filles du dieu marin Phorcus, habitaient au-delà de l’Océan, près le séjour de la nuit, que leurs mains étaient de fer, leurs cheveux hérissés de serpens, et que leurs seuls regards tuaient les hommes, ou, selon Pindare, les pétrifiaient. Virgile, après leur défaite, prétend qu’elles furent habiter près des portes de l’Enfer, avec les Centaures, les Harpies et les autres monstres.
Quant à Méduse, la principale des Gorgones, elle était, dans l’origine, d’une très grande beauté ; ses longs cheveux blonds flottaient élégamment sur ses épaules, son port était majestueux, aussi eut-elle de nombreux prétendans. Neptune lui présenta ses vœux, et s’étant métamorphosé en cheval ailé, il l’enleva et la porta dans un temple de Minerve où il obtint tout ce qu’il pouvait en désirer. Mais pour punir cette Gorgone d’avoir souillé son temple, Minerve en fit l’être le plus affreux. Au lieu de sa belle chevelure, elle fit naître des serpens sur sa tête et lui donna une teinte couleur de rouille pour remplacer la blancheur éclatante de sa peau. Elle voulut que ses yeux pétrifiassent quiconque en recevait un regard. Lorsque Persée en eut coupé la tête, il la mit dans une poche à franges d’or qu’il avait sur ses épaules, car elle conservait toujours sa propriété terrible. Ensuite Minerve arma de cette tête le milieu de son égide : pourtant l’on ajoute qu’à la fin elle la plaça dans les cieux, pour y former une constellation.
Phagre, fils de Jupiter et d’Othréis, frère aîné de Mélitée ; ce fut lui qui découvrit son frère que sa mère avait fait exposer dans une forêt.
Philée ; on ignore si la fable le confond avec un fils d’Augias, du même nom, que nous verrons placé sur le trône d’Elide par Hercule.
Pilumne, était fils de Jupiter ou de Stercès et de la nymphe Garamontès : on le regardait comme dieu de l’agriculture, il présidait particulièrement au broyage des grains et même au mariage ; alors il était chargé d’éloigner de l’enfant déjà né toutes les influences fâcheuses. On le représentait un mortier à la main. Il avait pour frère, Iarbas, que nous connaissons, et Picumne, avec lequel on le confond souvent ; cependant celui-ci est plus connu sous le nom de Sterquilinus, inventeur de la fumure des terres. Ce Pilumne devait être le père de Damnas et aïeul de Turnus, que nous rencontrerons en parlant d’Enée.
Sarpédon, roi de Lycie, était le Sérapis égyptien, humanisé dans l’Asie Mineure. Il était fils de Jupiter et d’Europe, et frère de Minos et de Rhadamanthe. Après avoir vainement disputé la couronne de Crète à Minos, il quitta son pays natal et passa en Cilicie, où il embrassa la cause de ses habitans contre les Lyciens qui venaient les attaquer. Là, il se couvrit de gloire ; et après les avoir vaincus, il reçut en partage une portion de la Lycie, y fonda un royaume et laissa la couronne à son fils Évandre, pendant que lui, à la tête d’un corps de Lyciens, fut prêter secours à Priam, attaqué par la Grèce entière. C’est surtout dans les champs de la Troade, que brille sa valeur. Il tue le brave Tlépolème, fils d’Hercule et d’Astyochée ; il repousse avec avantage les efforts réunis d’Ajax et de Teucer ; puis enfin, lui-même trouve la mort malgré l’appui de Jupiter son père ; et il tombe sous les coups de {p. 263}Patrocle, l’ami intime d’Achille. Le corps de Sarpédon fut lavé dans le fleuve Xanthus, ensuite revêtu d’habits immortels et confié au sommeil et à la mort qui le transportèrent en Lycie.
Spartée, fils de Jupiter et de la nymphe Himalie, reçut le jour dans l’île de Rhodes, après la défaite des Titans.
Tantale, fils de Jupiter et de la nymphe Pluto, régna sur la ville de Cipyle, en Paphlagonie ; il épousa Anthemusie, dont il eut Brontée, Pelops et Niobé. Nous savons quels furent ses crimes et la mort et les tourmens qui furent ses crimes et la mort et les tourmens qui furent sa punition.
Taygète, fils de Jupiter et de Taygète, n’est autre que le mont Taygète en Laconie.
Titias, fils de Jupiter, était un héros Crétois, qui était invoqué comme Dieu du bonheur et des heureuses destinées, parce qu’il avait joui pendant toute sa vie d’un bonheur inaltérable.
Titye, Géant, fils de Jupiter et de la nymphe Élara, qui mourut en le mettant au monde, d’où l’on supposa qu’il sortit de la terre, qu’on lui donna ensuite pour mère. Il voulut, on s’en souvient, faire violence à la déesse Latone ; mais Apollon et Diane le percèrent à coups de flèches et le précipitèrent dans les enfers, où un vautour lui déchire les entrailles toujours renaissantes. On lui éleva des autels dans l’île d’Eubée.
Tritopatrée, fils de Jupiter et de Proserpine, est regardé par quelques auteurs comme un des Anaces, et par d’autres comme un des Tritopators, divinités mystérieuses analogues dans l’Attique aux Cabires, prêtres rois, originaires de Samothrace, dont on adorait les pères primitifs, sous le nom de Tritopators, triade dans laquelle on place tantôt Zagrée, Eubulée et Dionyse, tantôt Alcon, Mélampe ou Eurymedon et Tmole. Ces Tritopators étaient adorés comme dieux générateurs, protecteurs des accouchemens ; dominateurs des mers et surveillans des intérêts publics ou privés.
Zéthus, fils de Jupiter et d’Antiope et frère d’Amphion, fut exposé et trouvé par des bergers qui prirent soin de son enfance. Il était très passionné pour la chasse ; il aida son frère à construire les murs de Thèbes.
Neptune. Nous voici maintenant arrivé au Dieu des mers, au frère de Jupiter ; il est connu sous plusieurs noms et surnoms ; ainsi on l’appelait : Alexicacus ou le libérateur, Asphalion et Asphaliée ou qui affermit la terre ; Basileus ou le roi chez les Trézéniens ; Ceruleus Frater ou le frère de Cérès ; Cunctalis-lar ou le lord ou maître de tout ; Damœuson le cavalier ; Domatitès ou le dompteur des tempêtes à Sparte ; Egeus ou d’Egée dans l’Eubée ; Ennosigeus et Ennosichton ou qui ébranle la terre ; Epacteus ou qui préside aux rivages à Samos ; Equestre ou le cavalier ; Erechthée et Erichthonius ou le père d’Orithyie, roi et dieu originaire d’Athènes avant Minerve ; Géaochus ou l’affermissant ; Génésius et Généthlius ou le générateur Dieu des eaux ; Gerestius ou du port de Gereste en Eubée ; Heliconius ou d’Helice en Achaïe ; Hippios ou le cavalier ; Hippocorius ou le tondeur de chevaux ; Hippodrome ou le coureur à cheval ; Ithmios ou de l’isthme de Corynthe ; Macusam ou tantôt Neptune et tantôt Hercule ; Mesopontius ou l’habitant du milieu des mers ; Mycetas ou le mugissant ; Nisyreus ou de Nisyre, île des Sporades, que Neptune avait isolée de Rhodes pour écraser le géant Polybotès ; Ogoa ou Osago à Mylasse en {p. 264}Carie ; Onchestius ou d’Oncheste en Béotie ; Pétreus ou le Dieu des rochers ; Phytalmius ou qui inonda de ses eaux salées le pays de Trézène ; Pontomédon ou le souverain des mers ; Poseidon ou Neptune, en grec, c’est-à-dire ou l’époux de la mer ; Prosclystius ou qui, à la demande de Junon, fit écouler et se dessécher les eaux dont il avait inondé l’Argolide ; Samius ou de Samos ; Salsipotens ou le Dieu des eaux salées ; Saturnius ou le fils de Saturne ; Sisichthon ou qui ébranle la terre ; Stabilitor ou l’affermisseur ; Suniarate ou de Sunium ; Téméliouque ou qui consolide la terre ; Taureus et Tauriceps ou le cornu ; Tritentifer et Tridentiger ou le porteur de trident.
Neptune est un personnage entièrement fabuleux qu’Hérodote assure avoir été de tout temps fort révéré dans la Libye, mais comme simple dompteur de chevaux. Puis, quand on lui eut donné la puissance des eaux on admit sous son nom les divers héros étrangers qui débarquèrent sur le sol de la Grèce, et vinrent y imposer leur loi. Aussi, d’après Vossius, connaissait-on au moins six Neptune, savoir : Le premier ou le Neptune égyptien, père d’Agénor et de Bélus ; le deuxième de Nauplius ; le troisième de Cercyon ; le quatrième de Pélias et de Hélée ; le cinquième ou Égée père de Thésée ; et le sixième, époux d’Amphitrite, fille de l’Océan et de Thétys, ou de Nérée et de Doris. Quelques historiens font de Neptune le père d’un Atlas et le frère et amiral d’un roi d’Égypte du nom de Sesac. Mais le plus généralement la fable grecque dit que Neptune, fils de Saturne et de Rhée, était frère de Jupiter, de Pluton, de Junon, de Cérès et de Vesta, et fut sauvé, comme nous le savons, de la voracité de son père. Il fut nourri par Arno qui lui prodigua les soins les plus empressés. A peine était-il sorti de l’enfance, qu’il aida Jupiter son frère dans la lutte qu’il soutint contre les Titans, et après les avoir vaincus, il les enchaîna dans le tartare dont il ferma les portes avec des chaînes de fer. Après la victoire, Neptune eut l’empire des mers. Quand les Dieux, chassés par les enfans de la terre, se retirèrent en Égypte, Neptune les y suivit sous la forme d’un cheval. Ensuite, revenu dans son empire, il partagea sa vie oisive entre l’amour et l’ambition : il trompa beaucoup de jeunes nymphes belles et naïves, mais il ne put tromper Jupiter qui découvrit qu’il conspirait contre lui, et le chassa du ciel ainsi qu’Apollon, et les condamna, nous l’avons vu, à rester pendant une année sur la terre. Nous nous souvenons aussi pourquoi Neptune irrité, submergea les champs Troyens, gouvernés par Laomédon, pourquoi il suscita un monstre marin qui ravagea cette malheureuse contrée ; et comment Hercule, en tuant le monstre marin, délivra Hésione, fille de ce roi, que l’on avait exposée pour être dévorée par ce monstre, afin de sauver la contrée. Neptune disputa à Junon la possession de l’Argolide, mais il échoua dans sa prétention ; il en fut de même lorsqu’il voulut disputer à Minerve l’honneur de donner son nom à la ville d’Athènes : cet honneur était promis à celui qui ferait à cette ville le présent le plus utile. Neptune, d’un coup de son trident, frappe la terre et soudain le cheval s’élance du sein de la terre ; mais la sage Minerve donne naissance à l’olivier, symbole de la paix, et de suite elle remporte le prix. Il fut également vaincu une autre fois par la même Déesse au sujet de {p. 265}Trézène ; alors Jupiter, pour tout concilier, donna le titre de roi de Trézène à Neptune, et celui de Polias ou de protectrice de la ville à Minerve. Junon lui disputa aussi le royaume d’Argos, fondé par Inachus qui fut pris pour arbitre et donna la palme à la Déesse, décision dont Neptune se vengea en mettant à sec tous les fleuves du pays, y compris le fleuve même qui portait le nom d’Inachus. Ainsi ni lui, ni le Cephise, ni l’Astérion, ni le Phoronée ne purent donner d’eau qu’après le temps des pluies. Plus tard enfin, dans une autre discussion au sujet de Corynthe avec Apollon, il ne fut pas tout-à-fait aussi malheureux ; car le Cyclope Briarée qu’ils avaient choisi pour arbitre, adjugea le promontoire de Corynthe au Dieu du Parnasse et l’isthme à Neptune.
Il perdit en partie encore un autre procès devant l’Aréopage. Son fils Halirrhothe qu’il avait eu d’Euryte, ayant été tué par Mars, parce qu’il avait fait violence à sa fille, la belle Alcippe, Neptune voulut que les Dieux condamnassent Mars ; mais Minerve s’y opposa, et fit échouer ses prétentions. Dans la guerre que les Grecs firent aux Troyens, pour reprendre Hélène, enlevée par Pâris, Neptune embrassa le parti des Grecs, ranima le courage des deux Ajax, et des autres héros reculant devant Hector.
Il assista aux noces brillantes de Pelée, et lui fit présent des deux célèbres chevaux Xanthe et Balios. Il changea Périclymène en aigle, Hierax en oiseau de proie. Il fixa l’île flottante de Délos, par pitié pour Latone qui portait Apollon dans son sein.
Neptune, souverain des ondes, possesseur des immenses trésors que renferme son empire, au milieu de nymphes et de Néréides qui se disputaient l’honneur de lui plaire, éprouvait intérieurement l’ennui d’être seul. Cependant un jour qu’il se promenait au pied du mont Atlas, il aperçut Amphitrite, fille de Doris et de Nérée. A cette vue, son cœur tressaillit de plaisir ! dès lors, il résolut de la prendre pour épouse ; il se présenta donc, mais Amphitrite repoussa ses vœux, tant elle avait de répugnance pour le mariage ; cette répugnance allait si loin, qu’elle fut même se cacher bien vite daus une grotte du mont Atlas. Neptune, après de vains efforts pour la trouver, fut obligé de mettre à sa recherche un Dauphin qui la remena et la fit consentir à épouser Neptune. Celui-ci, par reconnaissance, plaça le fidèle messager dans les cieux, où il forme la constellation du Dauphin ; ensuite, Amphitrite rendit Neptune père de Triton et de Rhode.
Le séjour ordinaire de Neptune était au fond des mers ; cependant il y avait des endroits où il se plaisait plus particulièrement : tels étaient Nisyre, en Achaïe, Egès sur la côte d’Eubée, l’isthme de Corynthe, le cap Tenare, Oncheste.
Le culte de Neptune était répandu dans toute la Grèce et l’Italie ; les Libyens, regardant ce Dieu comme leur première divinité, avaient pour lui un respect tout particulier.
Ses fêtes n’étaient pas très nombreuses : on lui consacrait, à Athènes, le mois de Poseidon qui répondait habituellement à décembre ; et à Rome, c’était pendant le mois de février que l’on tâchait de se rendre ce dieu favorable pour l’époque prochaine de la nouvelle navigation. Les libations qu’on lui offrait, se faisaient avec de l’eau de mer, de fleuve ou de fontaine. Ses prêtres immolaient sur ses autels un taureau blanc ou un cheval, dont les {p. 266}devins lui présentaient particulièrement le fiel par analogie à l’amertume de la mer. A Corynthe, il avait un temple dans lequel on lui avait érigé une statue d’airain haute de sept coudées.
Si nous suivons les fêtes de Neptune, nous trouvons que les Consuales étaient les fêtes pendant lesquelles les romains enlevèrent les Sabines ; instituées par Evandre, en Italie, elles furent rehaussées d’un nouveau lustre par Romulus ; elles avaient lieu au mois de juillet en l’honneur de Consus ou le Conseil, Dieu qui fut long-temps confondu avec Neptune. Alors on lui sacrifiait un bélier et l’on faisait de nombreuses cavalcades ; puis on donnait, pendant toute la durée de ces fêtes, congé aux chevaux, aux mulets et aux ânes : on les laissait pieusement dans le plus profond repos, ou bien on les promenait dans les rues, entourés de guirlandes de fleurs. Quant aux Géreties, elles se célébraient à Géreste, et les Hippocraties en Arcadie, en l’honneur de Neptune-Hippios ; mais les jeux isthmiques étaient assurément les plus belles fêtes de Neptune : elles se célébraient tous les cinq ou tous les trois ans ; elles avaient été instituées dans l’isthme de Corynthe par Thésée qui se disait fils de Neptune ; elles continuèrent d’exister après la ruine de Corynthe par Mummius ; mais les Romains donnèrent alors aux Sicyoniens le droit d’y présider comme juges. On y disputait des prix de course, de javelot, de disque, de poésie et de musique ; et l’on y décernait des couronnes de feuilles de pin aux vainqueurs. Puis, lorsque les Romains prirent part à ces jeux qui formaient l’ère des Corynthiens, on y ajouta le spectacle des combats d’animaux. Après les jeux isthmiques on remarquait encore parmi les fêtes de Neptune les Monophagies d’Egine où les seuls citoyens de la ville mangeaient en commun sans domestiques ; les Neptunales étaient, à Rome, des fêtes pareilles aux Consuales ; les Onchesties se célébraient à Oncheste ; les Panionies réunissaient sur les monts Panionium et Mycale, tous les Ioniens ; les Posidonies se fêtaient le 8 du mois poseidon, à Athènes, et dans l’île de Ténédos, l’une des Cyclades, qui était remarquable par son temple placé hors de la ville, dont la grandeur des salles à manger suffisait pour recevoir la foule des célébrans ; les Protrygées de Bacchus se célébraient aussi en l’honneur de Neptune ; les Samiques de l’Elide précédaient les trèves des jeux olympiques ; les Taurocholies de Cyzique étaient des combats de taureaux que l’on finissait par immoler aux Dieux ; les Thynnies étaient célébrées en l’honneur de Neptune, par les pêcheurs qui lui sacrifiaient des thons pour le prier d’éloigner le xiphias, poisson dangereux pour leurs filets.
Neptune, auquel on attribuait un pouvoir illimité sur les eaux, et que l’on croyait assez puissant pour exciter les tremblemens de terre, faire sortir les îles du fond des eaux, affermir ou renverser à son gré les murailles, était représenté sur un char ayant la forme d’une vaste coquille et traîné par quatre chevaux marins ou quelquefois par quatre dauphins ; les roues de ce char effleuraient la surface de l’onde, couverte de Trytons et de Néréides, et le dieu avait le front ceint du diadème. D’une main, il calmait les flots agités, et de l’autre, il tenait le trident ou fourche à trois dents, symbole de sa triple puissance qui s’étend sur la mer, les fleuves et les fontaines. Homère le fait sortir du sein des eaux, entouré de monstres marins, et franchir l’horizon en trois pas. Il suppose en outre que le bruit de sa marche fait trembler les {p. 267}montagnes et les forêts, et que la mer elle-même se ressent de sa présence.
[n.p.]Neptune eut de nombreuses aventures, et par conséquent une foule de femmes, de maîtresses et d’enfans, d’où vint qu’on lui prêta diverses formes, sous lesquelles il se métamorphosa tour-à-tour. Ainsi, il se changea, dit-on, en taureau pour séduire une des filles d’Éole ; en fleuve pour avoir Iphimédie ; en bélier pour Bisaltis ; en cheval pour tromper Cérès ; en oiseau pour Méduse, et en dauphin pour Mélanthe. Mais ce fut toujours Amphitrite qui fut son épouse légitime, à laquelle on donne encore les noms de Vénilie, ou le flux ou l’agitatrice du mouvement perpétuel de la mer, et de Salacie ou l’eau salée ou le reflux chez les Etrusques. Plusieurs auteurs prétendent en faire deux épouses de Neptune différentes d’Amphitrite. Quoi qu’il en soit, il eut de cette dernière, Albion et Bergion ou Birgion, et une fille appelée Bentésémélée et Bentisicyme.
Ensuite, il eut pour femmes ou maîtresses : Agamède, fille d’Augias ; elle fut mère d’Actor et de Dictys ; Alcée, mère d’Anthée ; Alcyone, mère d’Anathamus, d’Anthès, d’Ephoéus, d’Hypérétès, et on lui attribue, ainsi qu’à Naïs, la naissance de Glaucos ; Alope, fille de Cercyon et mère de Dorus et d’Hippothoüs ou Hippothoon ; Amymone, danaïde, mère de Nauplius ; Antiope, mère de Beotus et d’Hellen, Aréthuse, mère d’Abas ; Arné, supposée mère de Beotus ou de Bootus ; Ascra, mère d’OEoclus ; Astypalée, mère d’Ancée et d’Ergine ; elle était sœur d’Astydamie et fille de Phénix, né lui-même d’Amyntor, fils d’Ormenus qui avait pour père Cercaphus ; Astyphile, mère d’Eryclymène ou Periclymène ; Bithynis, supposée, ainsi que Mélie, mère d’Amycus ; Callirhoé, mère de Cymopolie, de Dicœus, de Minyas ou Minée et de Sylée ; Calyce, mère de Cycnus ; Canabe ou Canacé, mère d’Epopée ou d’Epaphus, d’Iphimédie et de Triopas ou Triops ; Cégluse ou Cléodice, mère d’Asope ; Céléno l’Athlantide, mère de Lycus et de Nycté ; Cercyra, mère de Phéax ; Cérès, mère d’Héra ou d’Hira ; Chionée, fille de Borée et mère d’Eumolpe ; Chrysogénie, fille d’Halmus et mère de Phrysès ; Cléodore ou Cléopompe, mère de Parnasse ; Coeléno la Danaïde, mère de Palénus ; Croessa, mère de Bysas ou Bizène ; Égée ou Ergée ou Érigine, mère de Céléno ; Europe, fille de Titye, devint mère d’Euphème ; Eurynome, fille de Nisus et mère d’Agénor ; Euryple ou Eurydice, fille d’Endymion et mère d’Elis ; Hellé, mère d’Almops et de Péon, était sœur de Phryxus et fille de Néphélé et d’Athamas qui épousa encore Ino dont il eut Léarque, Mélicerte, Orchomène et Plinthius ; il fut en outre rendu père d’Erythreus, de Leucon, de Ptoüs et de Schœnée, par Thémisto et Démonice ou Phérécyde ; quant à Phryxus, frère d’Hellé, il épousa Chalciope, fille d’Ectès et en eut Phrontis, Mélias, Argus, Autolycus, Hellen, Clyndus, Cylindrus ou Cytorus, Catis, Lorus, Presbon, Clymène et Periclymène ; puis Presbon fut père de Clyménus et d’Arée ; ensuite Clyménus eut Erginus qui devint père d’Epicaste, duquel naquit Agamède et Trophonius ; Hippothoé, supposée, ainsi que Pisidice, mère de Taphius ou Taphis ; Iphimédie, mère des aloïdes Ephialte ou Iphialte et Otus ; Larisse, mère d’Achée ; Léis, mère d’Althèpe ; Léna ou Pitanie, mère d’Evadné ; Libye, mère d’Agénor, de Belus, de Busiris et de Lelex ; Mélie, supposée, ainsi que Bithynis, mère {p. 268}d’Amycus ; Mestra ou Hypermestra, fille d’Erysichton ; Ménalippe, mère de Bootus et d’Eolus ; Midée, mère d’Asplédon ; Mitylène, mère de Myto ; Naïs, supposée, ainsi qu’Alcyone, mère de Glaucos ; OEnope, fille d’Epopée, fut mère de Mégarius ; Olbie, mère d’Astaque ; Péribée, mère de Nausithoüs ; Périmèle, mère d’Hippodamas ; Pisidice, fille de Nestor, supposée, ainsi qu’Hippothoé, mère de Taphius ou Taphos ; Pyrène, mère de Cenchrius et de Léchès ; Rhodope, mère d’Athos, était fille d’Euterpe et du fleuve Strymon et sœur de Rhésus ; Salamine, mère de Cenchrius ; Syma, mère de Chthonius ; la Terre, mère d’Antée, de Céto et d’Ogygès ; Théophane, fille de Bisaltide, ayant été changée en brebis, eut de Neptune, métamorphosé en bélier, le fameux Chrysomallon ou bélier à toison d’or des Argonautes ; Vénus enfin eut Rhodos avec Neptune ; Thoosa fut mère de Polyphème ; Tiro, fille de Salmonée, épousa Crétée, dont elle eut Eson ; puis elle eut avec Neptune Pélias et Nélée.
Enfans et filles de Neptune. Si nous jetons un coup d’œil sur les nombreux enfans du Dieu des eaux, nous trouvons d’abord parmi ses filles : Bensémélée, ou enfant de la représentation, dont la naissance est attribuée à Amphitrite, quoique l’on donne aussi quelquefois ce nom à Bacchus. Benthésicyme, fille ou sœur d’Amphitrite, fut la nourrice, et finit par être la femme d’Eumolpe, fils de Neptune et de Chionée. Céléno, fille d’Ergéé ou Érigine ; Cymopolie, fille de Callirhoé fut la femme de Briarée ; Éthuse, eut Éleutérus d’Apollon ; Évadné fille de Léna ou Pitanie, eut Janus avec Apollon ; Harpyes, espèce de monstres qui passaient généralement pour filles de Neptune et de la mer, et, suivant Hésiode, pour filles de Thaumas et d’Électre ; elles étaient, disait-on, toujours au nombre de trois. Divinités malfaisantes, elles présidaient aux vents, aux tempêtes et aux épidémies ; elles avaient à leur suite et commandaient un grand nombre de Harpyes subalternes. On les supposait remplir les mêmes fonctions sur terre que les furies remplissaient dans les enfers ; on les appelait chiens ailés de Jupiter et de Junon. On les représente avec un visage de vieille femme ridée, un bec crochu, des griffes énormes, un corps d’oiseau de proie et les mamelles pendantes. Elles enlevaient les viandes à peine servies sur les tables, ou elles les souillaient de dégoûtantes immondices, ou les infectaient de leur souffle impur. Primitivement, elles habitaient la Thrace, dont elles persécutèrent le roi Phinée. Pourtant, Zéthés et Calaïs fils de Borée l’en délivrèrent pendant l’expédition des Argonautes, et les repoussèrent jusqu’aux îles Strophades, dans la mer Ionienne, où dans la suite elles tourmentèrent beaucoup Énée et ses compagnons. Chassées de ces îles, elles se divisèrent : les unes furent du côté du Tigre, les autres du côté des Échinades. Les principales se nommaient Aello, Iris, Ocypète et Ocypode ou Alope, Achéloé, Ocythoé et Céléno qui, d’après Virgile, possédait le don de phophétiser ; on les nommait encore Aellope, Nicothoé, Podarge et Thyella ; du reste, on a toujours expliqué les Harpyes en les considérant comme des corsaires qui ravagèrent successivement la Thrace et les côtes du Péloponèse. Lamies, eut avec Jupiter la Sibylle Hérophile. On donnait aussi ce nom à une reine, dont la férocité du caractère répondait mal à l’extrême beauté de sa figure ; souvent elle s’enivrait et permettait alors de prendre auprès d’elle {p. 269}toutes les licences possibles ; car, disait-on, elle mettait, avant de boire, ses yeux dans un sac ; ce qui, peut-être, signifie que l’ivresse la plongeait dans le sommeil. Par suite de la férocité de cette reine imaginaire, on a imaginé les Lamies, véritables vampires femelles, à buste de femme et corps de serpent, dont le seul plaisir était de dévorer les enfans. Lotis, que son père changea en arbre pour la sauver des poursuites de Priape ; Mélanée fut aimée du fleuve Nilus, qui depuis coula en Béotie sous le nom de Mélas. Myto, fille de Mytilène, fonda la ville de Mytilène ; Rhodos, fille de Vénus et amante d’Apollon.
Fils de Neptune. Après les filles de Neptune, voici l’énorme liste de ses fils : Abas, fils d’Aréthuse, donna le nom d’Abantis à l’île d’Eubée, Achée ou Akhée, fils de Larisse, Actor, fils d’Agamède. Agénor, roi de Phénicie, vint, suivant quelques historiens, s’établir l’an 1535 av. J.-C. dans la Libye, après avoir débarqué à Sidon, où on le fit roi. Les uns le prétendent frère jumeau de Bélus, et d’autres, fils de ce Bélus et d’Eurynome ; mais la fable grecque le reconnaissait pour fils de Libye et pour tige de la race phénicienne du littoral de la Syrie. Elle ajoute qu’il se maria avec Téléphassa, ou avec Argiope ou Damno, dont il eut Europe enlevée par Jupiter, et quatre fils ; Cadmus, Thasos, Cilix et Phénix Cadmus, que l’on fait aussi frère de Thalsinie et fils d’Ogygès et de Thébé, reçut comme eux l’ordre de son père Agénor, d’aller à la recherche d’Europe, sa sœur, et de ne jamais reparaître devant lui sans elle. Cadmus partit donc à la tête d’une flotte nombreuse, et aborda à l’île de Rhodes. Là, il éleva un temple au Dieu des mers, pour se le rendre favorable. Ensuite il parcourut Samothrace et la Thrace, où il laissa une colonie de Phéniciens. Dans l’île de Samothrace, il lia connaissance avec les prêtres du culte pélasgique. Dans la Thrace, il fit exploiter les mines d’or de Scapta-Hyla, et y épousa, Harmonie ou Hermione, fille d’Arès ou Mercure et d’Aphrodite ou Vénus ; les Dieux assistèrent à ses noces, et firent présent à son épouse d’un magnifique péplum et d’un riche collier.
Malgré les soins que Cadmus mit à la recherche de sa sœur, il ne put en découvrir aucune trace. A la fin, incertain sur ce qu’il devait faire pour la trouver, il fut consulter l’oracle de Delphes, qui lui répondit : Cesse de chercher ta sœur, mais suis la première génisse qui se présentera à toi, et fonde à l’endroit où elle s’arrêtera, une ville pour toi et pour tes descendans. Aussitôt, il voit une vache des troupeaux de Pélagon, il l’achette, la suit, et arrive en Béotie. Ayant besoin d’eau, il envoya, pour en chercher aux environs, les deux seuls compagnons qui lui fussent restés fidèles, au nombre desquels était Membliar ; ceux-ci ne furent pas long-temps à découvrir une fontaine dans le voisinage ; mais ayant voulu y puiser, un énorme dragon ou serpent qui en avait la garde les dévora à l’instant. Cadmus voyant que ses compagnons ne revenaient pas fut à leur recherche ; bientôt il arrive à la source sacrée ; là, il aperçoit un horrible dragon, la gueule ensanglantée, et entouré de lambeaux de chair humaine. Ne doutant plus que ce terrible animal eût dévoré ses compagnons, il implore la protection de Minerve, saisit sa lance, se précipite sur lui, et, après un combat opiniâtre, il le tue, puis il sème ses dents sur la terre Soudain, des masses d’hommes armés ou Spartes surgissent du sol et s’avancent {p. 270}vers lui. Alors, encore inspiré par Minerve, il lança une pierre au milieu d’eux ; tout à coup les combattans tournèrent leurs armes les uns contre les autres et s’entre-égorgèrent. De tous ces guerriers, il ne resta que Chthonius, Hypérénor, Pélore, Udée, un des ancêtres de Tirésias et Échion ; ils s’unirent à Cadmus et fondèrent avec lui, vers l’an 1493 ou 1321 av. J.-C., sur le modèle de la Thèbes d’Egypte la ville de Thèbes, la Béotienne, à laquelle ce fils d’Agénor donna de sages lois.
Il eut quatre filles de son épouse Harmonie, Ino, ou Leucothée, Autonoé, Agavé et Sémélé. Après avoir passé sa jeunesse dans les agitations et les orages, sa vieillesse fut encore troublée par les chagrins que lui causèrent ses filles. D’abord, il vit tomber sous les coups de Jupiter sa fille Sémélé ; Ino causa par sa jalousie et ses violences la ruine de la maison des Athamantides ; car, ayant forcé à fuir le toit paternel Phrixus et Hellé, enfans de Néphelé, la première femme de son mari Athamas, fils d’Éole et petit-fils de Deucalion ; Junon vengea ces deux enfans en inspirant par Bacchus ou les furies un accès de fureur à Athamas, qui, prenant la reine pour une lionne et ses fils pour deux lionceaux, s’empara brusquement de Léarque, l’aîné de ces enfans, et l’écrasa contre une muraille. Autonoé eut aussi deux fils avec Aristée, savoir : Polydore, puis le malheureux Actéon, que nous avons vu changé en cerf et dévoré par ses chiens. Enfin, Agavé eut avec le Sparte Echion, Penthée qui fut déchiré en morceaux à la suite d’un délire bacchique qui s’empara de sa mère et de ses deux tantes. Mais presque toujours on le confond avec Polydore, son oncle, auquel on donne aussi quelquefois le nom de Penthée. Puis Agavé épousa Lycotherse, roi de Thèbes, en Illyrie, et le fit périr pour donner un trône à son père. Cadmus eut encore, dit-on, un autre fils appelé Illyrus, fondateur de l’Illyrie, mais qui, le plus généralement, passe pour fils de Polyphème et de Galatée. Enfin, pour comble de calamités, Cadmus devint un objet de mépris et de haine parmi les siens, fut obligé de chercher un asile en Illyrie, où il régna sur les Enchéliens. C’est là qu’il mourut de vieillesse ainsi que son épouse Harmonie.
Cadmus passe pour l’inventeur de l’alphabet en Grèce. On le représente au moment où il va lancer une pierre au dragon consacré à Mars, et qui était commis à la garde de la source sacrée.
Quant à la génération mâle de Cadmus, elle ne fut pas plus heureuse, car Polydore, son fils, ayant monté sur le trône de Thèbes, eut Labdacus de son mariage avec Nyctis ou Nycteis, fille ou petite fille de Nyctée, frère d’Antiope et fils de Neptune et de Cylène. Cependant certains auteurs attribuaient ce fils à Phénix, frère de Cadmus. Polydore, près de mourir, confia le royaume de Thèbes et son fils à Nyctée, qui les remit à sa mort sous la tutelle de Lycus son frère, lequel, plus tard, après quelques années de règne de Labdacus eut encore à diriger l’enfance de Laïus, fils de ce jeune prince.
Mais Lycus ne fut pas toujours dépositaire aussi fidèle, car s’étant emparé du pouvoir, il tendit plusieurs embûches à son pupille qui eut le bonheur ou le bon esprit de les éviter. Enfin Lycus mourut et les Thébains rendirent à Laïus la couronne que son oncle lui avait injustement enlevée. Ce Laïus épousa Jocaste fille de Ménécée et sœur de Créon mari de Pyrrha ; l’oracle lui annonça qu’il aurait un fils qui deviendrait parricide et incestueux en passant {p. 271}dans les bras de sa propre mère ; alors, pour éviter de si grands malheurs, Laïus résolut de n’être époux que de nom. Cette résolution dura quelque temps, mais un jour que les vapeurs du vin la lui avaient fait oublier, il faillit, et de cette faiblesse survint un fils.
Laius donna l’ordre à Jocaste de le faire périr, mais n’ayant pu en avoir la cruauté, elle en remit la commission au vieil Itémale, celui-ci suspendit l’enfant par les pieds à un arbre du mont Cithéron où il fut trouvé par le berger Phorbas qui le remit à Polybe son maître, roi de Corynthe, lequel n’ayant point d’enfans, l’adopta d’un commun accord avec Péribée sa femme, qui lui donna le nom d’OEdipe ou aux pieds enflés.
Si nous suivions simplement l’histoire, nous dirions avec les historiens que cet enfant trouvé retourna dans sa patrie, vers l’an 1194 av. J.-C., qu’il y tua son père sans le connaître, et qu’ayant appris son parricide, il se creva les yeux pour se punir et se mit à traîner une vie errante et malheureuse jusqu’à la fin de ses jours ; mais la fable grecque raconte ce malheur avec de plus nombreux détails. Lorsqu’OEdipe fut devenu grand, dit-elle, il fut outragé du reproche qu’un de ses compagnons lui fit sur sa mystérieuse naissance : alors le pupille de Polybe, voulut aller consulter l’oracle de Delphes, pour éclaircir l’obscurité dont les premiers jours de son existence étaient entourés ; l’oracle ayant répondu qu’il ne retournerait jamais dans sa patrie et deviendrait le meurtrier de son père et l’époux de sa mère, il se crut en effet né de Polybe et de Péribée, et pour éviter de retourner à Corynthe, il se laissa guider par les astres et suivit la route de la Phocide. Bientôt, dans un chemin étroit, conduisant de Delphes à Daulis, il rencontra un riche voyageur monté sur un char qui, sans se faire connaître lui ordonna avec hauteur de lui abandonner un libre passage. A ces mots, OEdipe furieux, frappe à mort Polyphonte, le seul hérault ou écuyer du voyageur et fait ensuite tomber celui-ci sous ses coups meurtriers. Mais par malheur cette triste victime était Laïus, son père, qu’il ne reconnut pas. Cette première partie de l’oracle étant remplie, OEdipe continua son voyage et finit par arriver à Thèbes, sa véritable patrie, qu’il trouva désolée par les cruelles dévastations du Sphinx, monstre né de Typhon et d’Echidna ou d’Orthos et de la Chimère et présentant le buste d’une jeune fille, le corps d’un chien, les griffes d’un lion, les ailes d’un aigle et la queue terminée par un dard des plus aigus. Ce monstre, envoyé par Junon pour punir la famille de Cadmus, habitait sur le Sphingius ou sur le mont Cithéron près de Thèbes et dévorait les voyageurs qui ne pouvaient expliquer les énigmes qu’il leur présentait, énigmes dont la plus habituelle était de savoir quel est l’animal ayant quatre pieds le matin, deux à midi et trois le soir. Cependant ses dévastations devaient disparaître aussitôt que cette énigme serait devinée. Créon, le père de Jocaste, après la mort de Laïus, ayant pris les rênes du gouvernement Thébain, proposa, pour faire cesser ce fléau, de donner la couronne et la main de sa fille à celui qui délivrerait le pays de ce monstre.
Déjà de nombreux Thébains avaient été victimes de l’obscurité des énigmes que le sphinx leur présentait, quand la reine déclara qu’elle donnait son consentement aux propositions publiées par son père. Peu de jours après, OEdipe se présenta et interpréta l’énigme proposée en disant que l’homme dans son enfance, son {p. 272}adolescence et la vieillesse, en était le sujet ; à ces mots, le monstre se précipite sur les rochers et tombe dans les flots pour ne plus reparaître. Le vainqueur retourna donc à Thèbes et reçut en même temps le sceptre et la main de Jocaste.
De cette union monstrueuse naquirent Etéocle et Polynice et deux filles : Antigone et Ismène ; mais on ajoute encore Agria et Thersandre, père de Tisamène, qui donna le jour à Autésion, enfant peut-être d’Euryganie ou d’Hyperphas, que l’on donne à OEdipe pour seconde femme. Après quelques années de cet horrible et premier mariage, une épidémie effrayante se déclara dans Thèbes. L’oracle consulté, répondit qu’elle ne cesserait que lorsque Laïus serait vengé. De suite on fait les perquisitions les plus minutieuses pour trouver son meurtrier. OEdipe lui-même s’y livre avec ardeur, mais bientôt il apprend le triste mystère de sa naissance et de son parricide, et en même temps il reconnaît qu’il est l’époux incestueux de Jocaste sa mère. Aussitôt, de désespoir il s’arrache les yeux et se bannit de Thèbes ou, du moins, ses fils profitant de ses malheurs le chassent et s’emparent de l’autorité. Seul alors et conduit par sa fille Antigone, il se retire dans l’Attique, arrive au bourg de Colone près d’Athènes, jusque dans le bois consacré aux Euménides et interdit aux profanes ; cette ignorance des lieux où il était, faillit lui devenir encore bien fatale, car les Athéniens voulaient le chasser ; mais Antigone intercéda pour lui Thésée leur roi, auquel OEdipe prédit que la victoire resterait fidèle aux Athéniens tant qu’ils garderaient son corps au milieu d’eux, et pour le prouver, il fut seul jusqu’au bois de Colone, où la terre s’entr’ouvrit et l’engloutit pour toujours.
Après le départ d’OEdipe, Polynice, son fils, craignant sa malédiction, sortit également de Thèbes et fut se réfugier chez Adraste, roi d’Argos, dont il épousa la fille ; mais après la mort de son père, il vint réclamer la part de sa succession, et il fut convenu que chacun des deux frères garderait le trône l’espace d’une année. Cependant Etéocle ayant commencé à régner, ne voulut plus se démettre de la couronne ; alors Polynice réunissant aux forces de son beau père, celles de ses nombreux amis, marcha contre Thèbes avec une armée commandée par sept chefs, d’où vint que l’on donna à cette campagne le nom d’expédition des sept chefs, savoir : Polynice, Adraste son beau père, Capanée, le devin Amphiaraus, Hippomédon, Parthéon ou Amphiloque, Mécistée ou Tydée ; de plus, ils avaient avec eux Lycurgue, qui les suivait en simple volontaire. Ces princes, sous les ordres d’Adraste, quittèrent Argos pour marcher sur Thèbes : arrivés à Némée, une soif brûlante vint les assaillir. Ne sachant où trouver une source pour se désaltérer, ils prient Hypsipyle, fille de Thoas, de leur en chercher une ; Hypsipyle, pour les satisfaire plus vite, dépose sur le gazon Ophelte, fils de Lycurgue, puis guide les sept princes vers un ruisseau. Pendant l’absence d’Hypsipyle, un serpent avait fait une blessure mortelle à ce jeune enfant, et Hypsipyle, de retour, le trouva mort. Les guerriers témoins de son malheur établissent en l’honneur de cet infortuné les jeux Néméens et changent son nom en celui d’Archémore. Après avoir rendu les honneurs funèbres à cette jeune victime ils continuent leur marche et bientôt ils arrivent sous les murs de Thèbes. Adraste députe Tydée vers le roi, pour lui faire des propositions, mais Etéocle les rejette ; {p. 273}il a même la perfidie d’envoyer cinquante hommes choisis pour assassiner Tydée. Cette troupe se plaça sur les bords de la route que devait parcourir le héros pour retourner au camp argien : tout-à-coup, Tydée se voit donc assaillir par une foule de brigands, alors saisissant son épée, il leur fait mordre à tous la poussière. Le vainqueur arrivé au camp, raconte son entrevue avec Etéocle et la lâche trahison dont il a failli être victime. Les sept chefs saisis d’horreur courent aux armes, attaquent Thèbes sur sept points différens, mais luttant contre des forces inégales, six furent bientôt accablés par le nombre. Adraste seul survécut, emporté par Arion, coursier du sang des Dieux.
Voici comment finirent ces héros ;
Amphiaraüs ou Amphiaras, devin et roi d’Argos était fils d’Apollon, d’autres disent d’Oïclée qui suivit Hercule contre le roi Troyen Laomédon et d’Hypermnestre, fille du roi Thestius ou Thespius, mais comme on donne aussi pour mère à Amphiaras Clytemnestre fille de ce même Thespius, que nous avons trouvé en parlant d’Hercule, il est probable qu’il faut les confondre ensemble et qu’il était fils non pas d’Apollon, mais d’Hercule. Ce devin hérita d’une portion du royaume d’Argos de son grand père Mélampe, fils d’Amithaon et de Dorippe, et par conséquent cousin de Jason. L’on doit se souvenir que ce Melampe reçut une partie de ce royaume pour avoir guéri et rappelé à la raison les filles de Prœtus, guérison qu’il opéra, dit-on, avec l’Ellébore, nommée depuis Melampodium. Amphiaras ne se contenta pas des deux tiers du royaume d’Argos, il usurpa le reste en tuant Talaüs, père d’Adraste et en forçant ce dernier à quitter le pays. Cependant Eriphyle, sœur d’Adraste, ayant épousé Amphiaras, celui-ci rendit la couronne à son beau-frère, puis il fut se cacher, son art lui ayant appris qu’il mourrait dans une expédition contre Thèbes. Malheureusement, Eriphyle, séduite par la promesse que lui fit Polynice, de lui donner le collier et la robe d’Harmonie, indiqua le lieu de sa retraite. Amphiaras ne pouvant se soustraire à cette funeste expédition, monte alors avec courage sur le char qui doit le conduire à la mort, embrasse son fils pour la dernière fois, lui fait promettre qu’il le vengera, et part. Pendant la marche des troupes, il remporta le prix du disque aux jeux néméens. Une fois arrivé, il fut chargé d’assiéger le côté des portes Homoloïdes ; il trancha la tête au fils d’Ithaque, Ménalippe, qui venait de blesser Tydée, et la porta à ce farouche blessé qui aussitôt, à cette vue, entre dans un accès de fureur, ouvre cette tête et dévore la cervelle de son ennemi. Cet acte féroce, dit-on, avait été prévu par Amphiaras qui, jaloux d’avoir vu Minerve descendre des cieux pour donner ses soins à Tydée qu’il n’aimait pas, lui avait exprès porté la tête de Ménalippe pour éloigner, comme il arriva, de ce cruel exilé de Calydon, la déesse de la Sagesse ; enfin après s’être couvert de gloire, Amphiaras fut attaqué si vigoureusement par Périclymène, qu’il ne put lui résister et fut obligé de fuir le long de l’Ismène. Soudain Jupiter entr’ouvre la terre et chevaux, char, écuyer, prince, tout s’engloutit et disparaît. Il laissa deux fils, Alcméon et Amphiloque, plus trois filles, Eurydice, Démonasse et Alcomène, et les Latins ajoutaient trois autres fils, Tiburne, Coras et Catile.
Tydée, fils d’OEnée et de Péribée, et frère de Méléagre, ayant tué, sans {p. 274}le vouloir, Mélanippe son frère, s’enfuit à Argos, où il épousa Déiphile, fille d’Adraste. Il fut chargé de sommer Étéocle de rendre le trône à son frère. En conséquence, il séjourna quelque temps à Thèbes, où il remporta plusieurs prix à des jeux publics ; mais voyant ses conférences inutiles, il revint au camp et fut attaqué par les hommes appostés sur sa route. Il les défit tous, excepté un seul. Dans leur nombre on trouvait Atys, fiancé à Ismène, fille d’OEdipe, puis Eumède, Euryale, Ethion, Méon, Phénéon et Xantippe, nés de Mélas. Tydée, après s’être ainsi vengé de la perfidie d’Étéocle, qui les avait envoyés exprès pour l’assassiner, eut l’honneur d’attaquer Thèbes par la porte Prétide, se battit long-temps et se distingua par sa valeur, mais blessé par Mélanippe, le dernier des fils de Mélas, il tomba baigné dans son sang, laissant Tydides, ou Diomède ou Diamène son fils pour lui succéder.
Capanée, fils d’Hipponoüs et d’Astynome, succéda à son père au trône d’Olène, en Achaïe, quoique son père l’eût maudit. Il se rendit à l’expédition contre Thèbes et combattit avec courage pour Polynice. Il fut même chargé d’assiéger la porte Ogygique, où il périt foudroyé par Jupiter, pour avoir prétendu pouvoir entrer dans la ville, comme nous nous en souvenons, sans avoir besoin de l’assistance des Dieux.
Hippomédon, fils de Mnésimaque ou Aristomaque et de Mythidice, fille de Talâs, assiégea la porte Oncée et tomba sous les coups d’Ismare. Il laissa en mourant un fils nommé Polydore.
Parthénopée, fils de la belle Atalante et de Méléagre, remporta le prix du tir aux jeux néméens. Lors de l’expédition contre Thèbes, il fut chargé d’attaquer la porte d’Électre, se distingua beaucoup dans le combat et fut tué le quatrième jour par Périclymène ou Amphidique. Il laissa pour lui succéder, Thésimène de son alliance avec la nymphe Climène.
Quant à Polynice, dont la haine implacable contre son frère Étéocle, s’était manifestée, dit-on, dans le sein de Jocaste où ils se battaient, il se chargea de terminer les hostilités par un combat singulier entre lui et son frère. D’abord il renversa mortellement Étéocle, mais ayant eu la cruauté de se baisser pour contempler sa victime, il en reçut lui-même un coup mortel, et tous deux expirèrent en même temps ; mais Étéocle eut seul les honneurs de la sépulture, comme ayant combattu pour la défense de son pays, et le corps de Polynice fut abandonné pour la raison contraire aux oiseaux de proie. Pendant son exil, ce prince qui avait épousé Argie, fille d’Adraste, en eut un fils nommé Thersandre.
Ainsi finit sans résultat cette première guerre de Thèbes, car l’armée des assiégeans fut obligée de se retirer. Tous les chefs étant morts sous les murs de la ville, Adraste seul, le chef de l’expédition, put se sauver, grace à la rapidité du cheval Arion qu’il montait, unique héritage de Persée l’un de ses aïeux, coursier divin, que nous avons vu naître de Cérès et de Neptune. Cet Adraste, fils de Talas le Biantide et de Lysimaque ou Lysianasse, fille de Polybe roi de Sicyone, avait pour frères Parthénopée, Pronax, Mécistée et pour sœur Aristomaque, Eriphyle et Astynome, il épousa Amphitée, sa nièce, fille de Pronax, dont il eut deux fils, Égialéus et Cyanippe, et trois filles, Argie, Déipyle et Egialée. Dans sa jeunesse, détrôné par Amphiaras, Adraste fut obligé {p. 275}de fuir sa patrie, mais il trouva un asile chez Polybe, son aïeul maternel, auquel il succéda bientôt. Il quitta ensuite Sicyone et nomma Ianisque pour gouverner en son nom, pendant qu’il irait reconquérir le trône d’Argos, ce qu’il fit par sa valeur. Il établit à Sicyone les jeux pythiques, qu’il célébra sur les bords de l’Asope, en l’honneur de ses compagnons morts sous les murs de Thèbes, suivant que l’oracle le lui avait ordonné et pour obéir encore à l’oracle, il donna en mariage Argie, à un lion dans la personne de Polynice, qui se couvrait toujours d’une peau de lion, comme descendant d’Hercule, et Déiphite à un sanglier dans Tydée, qui portait la peau de cet animal en mémoire d’une victoire de Méléagre, Tous deux avaient été obligés de fuir les états paternels.
Adraste essaya inutilement comme nous venons de le voir de rétablir Polynice sur le trône, en marchant contre Thèbes pour la première fois, vers l’an 1226, un peu après l’expédition des Argonautes et avant la guerre de Troie. Cependant, dix ans après, il fut plus heureux dans une semblable attaque contre la même ville, à la tête des fils des premiers chefs, d’où vint le nom d’Épigone, que l’on donna à ces chefs de la seconde expédition contre Thèbes, qui se nommaient Égialée, fils d’Adraste, Thersandre de Polynice, Alcméon, d’Amphiaras, Polydore, d’Hippomédon, Thésimène ou Promaque ou Stratolas de Parthénopée, Diomède de Tydée, Sthénèle de Capanée et Euryale de Mécistée. Ils rencontrèrent les Thébains à Glisas, sous les ordres de Léodamas fils d’Étéocle qui, après avoir été vaincu, se retira avec ses troupes en Illyrie. Dans cette seconde expédition, un seul des chefs Argiens y périt ; ce fut Égialée, fils d’Adraste qui, dit-on, mourut à Mégare, du chagrin que lui causa cette perte. Dans ces deux guerres, on vit encore figurer parmi les Thébains l’astucieux Alope, le riche Astaque et peut être Ménécée, avec son habile conducteur Périères, et du côté des Argiens, on distingua le brillant Alector.
Si nous reprenons la postérité de Neptune, nous retrouvons qu’il eut encore un autre Agénor d’Eurynome, fille de Nisus ; Albion, d’Amphitrite ; Alébius, voleur que nous avons vu être puni de mort par Hercule, pour lui avoir volé quelques-uns de ses taureaux ; Alirrhotius ou Hallirhotius, qui se fit tuer par Mars pour avoir voulu abuser d’Alcipe, fille de ce dieu ; Almops d’Helié ; Amyre fut argonaute, Althepe de Léis fut roi de Trézène ; Amphimare, qui passait pour époux d’Uranie et père de Linus ; Amycus de Mélie ou de Bithynis ; Anathamus et Anthas d’Alcyone, Angelus, d’une nymphe de Chio ; Ancée, d’Astypalée, de son mariage avec Samia fille du Méandre, il eut : Alithersus, Énudus, Parthénope, Périlas et Samos ; Antée, de la terre ou d’Astypalée ; Anthès d’Alcée, fut écorché par Cléomène ; Aon qui réunit le premier dans des villes les habitans de l’Eubée et de la Béotie, d’où leur vint le nom d’Aoniens ; Arpiatres.
Arion était un cheval né de Neptune et de Cérès ou de la furie Érynnis ou de la nymphe Oncée, ou bien il était le cheval que Neptune avait fait sortir de terre d’un coup de son trident devant Athènes ; on l’attribue aussi à Cyclon ou plutôt à l’alliance de Zéphyre avec une Harpye. Quoi qu’il en soit, la fable le fait élever par les Néréides, servir quelquefois à traîner le char du dieu de la mer, qui le donna à Caprée roi d’Haliarte, lequel en fit présent à {p. 276}Hercule pour combattre Cycnus fils de Mars ; puis Hercule le remit à Adraste, qui, nous l’avons vu, s’en servit pour gagner des prix aux jeux néméens et pour se sauver lors de sa première expédition contre Thèbes. Ce cheval, dont les pieds ressemblaient à ceux de l’homme, avait en outre le don de la parole.
Asope, était un autre fils de Neptune et de Cégluse ou Cléodice. Cet Asope, après avoir épousé Méthone en eut douze enfans, dont nous citerons Cercyre, Chalcis, Cléone, Égine, Ismène et Salamine ; Asplédon, fils de Neptune et de la nymphe Midée, Astaque de la nymphe Olbie, fondateur d’Astaque, dans les Propontides, Athos de Rhodope, Bergios ou Bergion ou Brigion d’Amphitrite, il fut tué par Hercule ; Belus de Libye, il fut père de Babylon ; mais comme Belus est l’une des plus anciennes des divinités Égyptiennes, nous le ferons connaître en détail en parlant de ces divinités ; Béotus ou Bootus d’Arné ou d’Itone ou de Mélanippe ; un autre Béotus d’Antiope.
Busiris, fils de Neptune et de Libye régna en Egypte ; il envoya pour enlever les Hespérides des pirates qui effectuèrent ce projet, un jour que ces nymphes étaient ensemble à folâtrer dans leur jardin. Malheureusement pour eux, en revenant satisfaits du brillant dénoûment de leur entreprise, ils rencontrèrent Hercule qui, ayant appris la violence qu’ils venaient de faire aux Hespérides les attaqua, les défit, et reconduisit ces jeunes captives chez leur père ; puis ce héros se rendit en Égypte, où il fit périr Busiris pour le punir de cet outrage et de la cruauté qu’il avait d’immoler les étrangers que le sort faisait aborder dans ses états. Bysas ou Byzène ou le franc parleur, fut le fils de Croessa ; Calenus de la Danaïde Cœleno ; Cenchrée ou Cychrée de Salamine, Cenchrius de Pyrène ; Cercyon devait, dit-on généralement, sa naissance à Vulcain, cependant elle est attribuée aussi à Neptune ; ce Cercyon, était un brigand redoutable de l’isthme de Corynthe. Tous les étrangers qui avaient le malheur de passer dans ces parages étaient forcés de combattre avec lui, s’il était vainqueur il tuait le vaincu, Thesée enfin lui arracha la vie. Cercyon mourut sans enfans, il n’avait eu qu’une fille nommée Alope, encore la fit-il mourir lorsqu’il eut appris qu’elle avait un commerce avec Neptune, son père ; Céto de la terre, Chius d’une nymphe de l’île déserte de Chio ; Chrysès, de Neptune ou de Mars et de Crysogénie ; ce Chrysès fut le père de Minyas ou Minée roi d’Archomène, que l’on fait encore descendre de Neptune par Callirhoé ou Tritogénie et qui, après avoir épousé Clitodora en eut les trois Minéides Leuconoé ou Clymène, Leucippe ou Iris et Alcithoé.
Chthonius, fils de Neptune et de Symé ou Zyma, imposa le nom de sa mère à une île. Cromus, qui donna le nom de Cromyon à un village de la Corynthie ; Cycnus né de Calyce, régna sur une colonie de la Troade et défendit Troye ; Cymopolie de Callirhoé ; Dercine voleur, frère d’Alébius et tué comme lui par Hercule ; Dicoeus, fils de Neptune, donna son nom à la ville de Dicée, il avait un frère nommé Sylée, ils étaient fils de Callirhoé ; Dictys d’Agamède ; Dorus d’Alope, fille de Cercyon, donna son nom à la Doride Carienne ; Dyrrhaque d’Epidamne ; Elis d’Eurypyle ou Eurydice, fille d’Endymion.
{p. 277}Eolus ou Eole Dieu des vents et des tempêtes, passait bien pour fils de Ménalippe, l’une des maîtresses de Neptune. Cependant il n’était généralement pas admis pour fils de ce dieu, car c’était Hippotès, époux de Ménècle, fille d’Hyllus ou Jupiter qu’on lui donnait pour père, néanmoins on prétend aussi qu’Égeste fille du prince Troyen Hippotès, ayant été exposée au monstre pour expier le parjure de Laomédon envers Neptune et Apollon, se sauva en Sicile, où elle fut défendue, tantôt sous la forme d’un taureau et tantôt sous celle d’un ours, par le fleuve Crinisus, qu’elle l’épousa et en eut Eole et Aceste, qui établit l’an 1187 av. J.-C., une colonie de Troyens en Sicile. Quant à Eole, si au lieu d’un prince purement Sicilien, nous le prenons pour Dieu des vents, nous trouvons d’après la fable qu’il commandait sur les sept îles Vulcanies ou Eolides, dont Lipara, l’une d’elles, était sa résidence habituelle, résidence ou les bruits harmonieux de la gaîté se faisaient entendre chaque jour. On prétend qu’il retenait enchaînés dans une caverne de son palais, les vents pour que l’on n’eût pas à craindre leurs ravages ; aussi pour punir Ulysse d’avoir pris parti contre les Troyens, nous le verrons lui faire cadeau, à son départ de son île, d’une outre remplie des vents contraires à son voyage. Cet Eole devait à Junon l’honneur d’avoir été admis dans l’Olympe. Il épousa Cyanée, fille de Liparus et petite-fille d’Auson ; il en eut douze enfants, six fils et six filles qui se marièrent les uns avec les autres. Mais il règne dans le résultat de ces alliances bien du désordre, bien de l’obscurité ; seulement on sait que la fille d’Eole Périmèle épousa son frère Diorès, puis Acheloüs, qu’Alcyone devint l’épouse de Ceix, fils de Lucifer, qu’elle eut le malheur de perdre son mari, qui fit naufrage à son retour de Delphes et qu’ayant voulu aller lui porter secours, elle glissa et tomba dans les flots ; alors les Dieux les changèrent en oiseaux appelés Alcyons, que l’on consacrait à Thétis. Les autres enfans d’Eole étaient : Astyochus, Cléobule, Clytius, Arné, Eunymos, Mimas et Eole II qui fut père de Canacée et de Macarée. Ce Dieu des vents était toujours représenté avec un sceptre à la main pour indiquer sa puissance.
Ce qui jette du trouble dans cette fable, c’est la présence de plusieurs princes Siciliens du nom d’Eole. Ainsi l’on trouve d’abord que le Dieu de vents devait être l’arrière petit-fils d’un Eole qui monta sur le trône de Thessalie, vers l’an 1438 av. J.-C. que cet Eole, né des amours du roi Hellen, avec la nymphe Orséide, était frère de Dorus et de Xuthus, qu’il succéda à son père dans le gouvernement du royaume de Phthiotide, et donna le nom d’Eoliens à ses sujets précédemment appelés Helléniens ; il épousa Enarète, fille d’un Déimaque et en eut sept fils : Athamas Créthée, qui de Tyro eut Eson, roi d’Iolchos et père de Jason ; Déion ou Dédalion mari de Diomède, Magnès, Périerès, Salmonée et Sisyphe et cinq filles : Calycée, Canacé, Halcyone, Périmèdes et Pisidice.
L’on connaît encore Eole le Deucalionide, troisième descendant de Deucalion, comme fils d’Arné fils lui-même du Dieu des vents. Ce fut lui, dit-on, qui en parcourant la mer Thyrrénienne, s’empara des îles vulcanies, auxquelles il donna son nom et où il fit construire la ville de Lipara. Enfin nous verrons figurer en Italie avec Enée, un quatrième personnage, du nom d’Eole.
On donne aussi pour enfans à ces divers Eoles : Agathirne, Androclès, {p. 278}Cercaphe, né du Deucalionide père d’Ormène et bisaïeul de Phénix, Hippole, fils de Mimas ; Jocastus qui régna sur la contrée Italienne de Reggio, Iope, femme de Céphée, Phérée, mère d’Hécate et Tanagre, fils ou fille d’un Eole, puis on donne Pisos fondateur de Pise, comme petit-fils d’un autre Eole.
Eole, avons-nous dit, était le Dieu des vents, divinités inférieures que l’on faisait enfans du ciel et de la terre, ou à Athènes, d’Astréus et d’Héribée ou d’aurore ou même des Géans ; Hésiode en excepte pourtant les vents favorables qu’il adopte pour enfans des Dieux. Les vents les plus honorés, étaient en Grèce au nombre de huit ou onze, savoir : L’Aphéliotès des Grecs, ou Solanus et Subsolanus des latins ou vent d’Est, que l’on représentait comme un jeune homme portant sur son sein des grenades, des oranges et autres fruits d’Orient ; l’Euros ou Vulturnus des Latins, ou Ripheus de Virgile, ou vent du Sud-Est, était un jeune étourdi, courant impétueusement en désordre et tout échevelé, après la tempête qu’il semble exciter. L’Auster ou le Notos ou le vent du Sud ou Midi, se montrait comme père de la pluie, sous la figure d’un vieillard couronné de nuages et dont les vêtemens laissaient dégoutter l’eau de toutes parts. L’Africus ou Lips ou vent du Sud-Ouest, avait des ailes portant les brouillards.
Le Zéphyre, ou Favonius ou l’Iapix des Latins, ou vent d’Ouest, était le vent favorable des voyageurs qui partaient d’Italie pour aller en Grèce ; aussi les Latins l’ont entouré des plus aimables images. Ainsi, au lieu de lui donner pour femme Chloris, fille d’Arcture, ils laissaient cette belle au seul Borée, et donnaient pour amante à Zéphyre leur déesse des fleurs et des jardins, la jolie Flore à laquelle Zéphyre conserva une jeunesse éternelle. La personnification de ce vent d’Ouest représentait un jeune homme à l’air doux, couronné de fleurs, portant des ailes de papillon et glissant gracieusement à travers l’espace aérien, en tenant une corbeille de fleurs à la main. C’était sous ses ordres que devaient nécessairement être placés les aurœ ou vents légers, espèces de sylphes des peuples anciens.
L’Argestès des Grecs ou le Corus ou Caurus des Latins ou le Sciron, ou le vent du Nord-Ouest était vieux, barbu, prêt à renverser un vase rempli d’eau et vêtu de manière à se garantir du froid qu’il annonce. Le Cœcias des Grecs ou vent du Nord-Est, portait un disque d’où tombait la grêle. L’Aquilon ou vent du Nord, était furieux et froid, passait pour fils d’Éole et d’Aurore, était représenté sous les traits d’un homme âgé, avec une queue de serpent, des cheveux blancs et portant à la main un plat d’olives, très communes sur le territoire d’Athènes.
Borée, ou autre vent du Nord, devait être sinon le plus important, du moins le plus redouté ; car il causait les orages, les tremblemens de terre ; il était toujours enveloppé de brouillards dans les cieux et de poussière sur la terre ; suivant Pindare, il était le roi des vents, il résidait dans la Thrace, contrée située la plus au Nord des pays alors habites. Il passait pour fils des Titans, suivant ceux qui ne l’admettaient pas pour fils d’Astréus et de l’Aurore ou d’Héribée. Souvent on le confond à tort avec Zéphyre, et alors on lui prête d’avoir, causé par jalousie, la mort d’Hyacinthe, fils d’Amyclas et de Diomède, qu’Apollon tua malgré lui, sous le coup d’un palet que les vents détournèrent ; mais généralement on dit que Borée {p. 279}enleva Chloris, fille d’Arcture, l’entraîna sur le mont Hiphate ou Caucase, où elle eut de lui la jeune Hyrpace. Cependant, comme tous les vents, bientôt il voulut changer et prit pour sa maîtresse chérie Orithye, fille d’Érechthée. De cette alliance, on vit naître deux fils, Calaïs et Zethès, dont on fit des dioscures Thrace-Athéniens ou jeunes fils de Dieux à la manière des dioscures de Sparte, Castor et Pollux. Puis Borée eut d’Orithye, quatre filles dont les plus connues sont : Chioné et Cléopâtre ou Cléobule. Quant à la première, elle fut mère d’Eumolpe, et peut-être de Priape, et Cléobule eut de Phinée : Plexippe, Pandion et Crambis. Borée eut encore pour fils Butès, qui fut obligé de se sauver des états d’Amycus, son père putatif, roi des Brébyciens, lequel refusa de le reconnaître. Dans sa fuite, il passa par la Sicile, pendant qu’on célébrait les Bacchanales, enleva Iphimédie, Pancratis et Coronis, et les emmena en Thessalie, où il épousa Lycaste, espèce de Vénus dont il eut Erix : mais Bacchus pour le punir d’avoir outragé sa nourrice Coronis, lui inspira un moment d’ivresse, pendant lequel il se jeta dans un puits. On attribuait aussi à Borée que l’on représentait soufflant dans une conque, la naissance de douze jumens si rapides, qu’elles couraient sur les épis sans les briser, et sur les flots sans se mouiller. Il les avait eues sous la forme d’un cheval des cavales de Dardanus. Ce roi des vents avait des fêtes à Athènes, appelées Boréasmes ou Borésines, dans lesquelles on célébrait l’enlèvement d’Orithye. Enfin, l’on connaissait encore dans la Grèce d’autres vents du nord, appelés Etésiens, que Jupiter, à la demande d’Alistée, faisait chaque année souffler pendant six semaines au printemps et dans l’hiver, dans l’intérêt des campagnes de l’Attique.
Ces Dieux secondaires et très-inférieurs, avaient peu de divinités qui vinssent se grouper autour d’eux. Cependant nous citerons Eunosto, déesse des moulins à vents, comme une des plus remarquables.
Si nous reprenons la série des enfans de Neptune, nous rencontrons : Ephocus, qu’il eut d’Alcyone ; Ephialtès ou Iphialte, géant, l’un des aloïdes ainsi que son frère Otus, fils d’Iphimédie ; Épopée ou Épaphus, fils de Canacé, donna asile, vers l’an 1363 avant J.-C., à Antiope, fille de Ayctée, roi de Thèbes, d’où survint une guerre qui fut fatale à l’un et à l’autre, et causa comme on l’a vu, en lisant l’article Lycus, la mort de Dircé sa seconde femme. Cet Épopée, fut père de Marathon, qui eut pour fils, Sicyon et Corinthus
Eumolpe, fils de Chioné, était, on s’en souvient, l’un des quatre prêtres fondateurs des mystères de Cérès ; Euphéme, né d’Europe, fut un des plus adroits argonautes, il remporta les prix de la course à pied et en char, aux jeux funèbres, lors de la mort de l’argonaute Pélias, et fut le pilote de ces guerriers après la mort de Tiphys ; Eurypyle, roi de Cos, dont les brigandages le firent tuer par Hercule, qui ensuite emmena prisonnière sa fille Chalciope ; Eusire, fils de la nymphe Idothea, fut père de Térambe ; Gereste, est un enfant de mère inconnue.
Glaucos ou Glaucus, Dieu marin et prophète, était généralement admis pour fils de Neptune et de Naïs ; mais pourtant selon d’autres, il passait pour fils d’Anthédon ou d’Alcyone ou d’Eubée et de Polybe, fils de Mercure. Il fut un célèbre pêcheur de la ville d’Anthénon en Béotie. Ayant séduit Syme, fille d’Iclimène et de Doris, il fut obligé de {p. 280}quitter son pays ; alors il vécut des poissons qu’il prenait. Un jour s’étant aperçu que les poissons qu’il déposait mourant sur certaines herbes reprenaient de suite une telle vivacité, que d’un seul bond ils s’élançaient dans les eaux, il fut poussé par un mouvement de curiosité, voulut goûter de cette herbe, et aussitôt il s’élança malgré lui dans la mer. Alors l’Océan et Téthys, après l’avoir purifié, l’associèrent à leur immortalité, et Apollon lui donna le don de prophétie. Après sa métamorphose il aima Scylla, fille de Phorcus, mais ne pouvant en obtenir de retour, il implora la puissance de la magicienne Circée, qui devenue elle-même amoureuse de Glaucus empoisonna la fontaine dans laquelle Scylla avait habitude de se baigner, de sorte que cette malheureuse nymphe, dès qu’elle se plongea dans cette eau perfide, fut métamorphosée en un monstre épouvantable qui avait douze griffes, six gueules et six têtes ; une foule de chiens tenaient en outre à son corps et étaient rangés autour de sa ceinture, de manière que la vue et les hurlemens de ce monstre frappaient d’effroi voyageurs. Cependant, ce monstre n’était pas représenté de même par tous les écrivains, les uns lui donnaient six cous et six têtes, et à chaque tête six rangs de dents recelant la mort ; d’autres, comme Virgile, en faisaient une fille séduisante jusqu’à la ceinture, et lui croyaient un ventre de loup et une queue de dauphin. Ils supposaient alors quelle avançait la tête hors de la caverne pour attirer les vaisseaux, et les faire périr. Scylla fut tellement affligée, qu’elle se précipita dans la mer du détroit de Sicile, et pour se venger, y forma un écueil qui fit périr la plupart des vaisseaux d’Ulysse, dont Circée avait fait son amant. Cet écueil ou gouffre très connu, ne pouvait être évité sans tomber sur celui de Charybde, qui, nous l’avons vu, vola Hercule, et se trouva ensuite, par punition, foudroyé et métamorphosé en rocher par Jupiter. Il y avait à Anthédon en Béotie, un endroit que l’on appelait saut de Glaucus, et près de là se trouvait un oracle que les matelots ne manquaient jamais de consulter avant de se mettre en mer.
Hellen, fils d’Antiope, était frère de Béotus ; Hippothéon ou Hippothous, fils d’Alope, fut abandonné tour à tour par sa mère et par Cercyon son aïeul ; puis, fut nourri par des jumens, recueilli par des bergers, et régna sur Eleusis après la mort de son aïeul, tué par Thésée. Il épousa Méganire et en eut Abas. Hippodamas, naquit de Périmèle ; Hyperetès dut le jour à Alcyone ; Iphialte est le même qu’Ephiate ; Ichthyocentaure était le même que Triton ; Lamos était fondateur de Formie et roi des Lestrigons, d’où les Lamia de Rome prétendaient descendre ; Lechès, né de l’Achéloïde Pyrène et frère de Cenchrius ; Lelex paraît être né de Libye, en Égypte, être ensuite allé en Grèce, avoir régné sur les Mégariens, qui prirent le nom de Lélégues, et passèrent pour le plus ancien peuple de la Grèce, il était père de Mylèse et de Polycaon. Lycus, né de l’Atlantide Céléno et frère de Nycté ; nous connaissons déjà toutes ses aventures, nous savons qu’il épousa Dircé dont il eut Dascylus. Mégarius ou Mégaréus, devait le jour à OEnope, et fut tué en portant des secours à Nisus, assiégé par Minos dans une ville à laquelle lui ou Megareus, fils d’Apollon, avait donné son nom ; Melas, né de mère inconnue, est confondu quelquefois avec la fille de Neptune Mélanée à {p. 281}laquelle le fleuve Mélas de Béotie devait son nom. Messape, fils de Neptune était un fort habile écuyer, qui porta des secours à Turnus, contre les Troyens commandés par Enée ; Minyas ou Minée, fils de Callirhoé et père de Minéias ; Myto, de Mytilène ; Nauplius, né de la Danaïde Amymone ou Amynone, était le héros des Eubéens, et personnifiait la navigation ; il épousa Clymène, dont il eut Palamède, qu’Ulysse fit lapider au siége de Troye, injustice dont Nauplius se vengea lorsqu’il vit les vaisseaux d’Ulysse battus par une tempête, en faisant allumer sur ses côtes des feux près de tous les écueils sur lesquels les navires vinrent se perdre, en croyant se sauver. Nausithous, fils de Péribée ou de Phéacie, ou d’Ulysse et de la nymphe Calypso, fut le père de Nausicaa et d’Alcinoüs, qu’Arétée rendit père de cinq fils ; Nélée, fils de Créthée ou d’Hippocoon et de Tyro.
Ce Nelée, aussi fils de Neptune et de Tyro, fille d’Alcidice et de Salmonée, roi d’Iolchos en Élide, sur les bords de la Messénie, demande à être connu plus en détail. Nélée fut exposé par sa mère et recueilli par des bergers. Plus tard, Pélias, son frère jumeau, ayant immolé Tyro leur mère, sur l’autel de Junon, ils partagèrent les états de Salmonée leur aïeul. Ce fut à cette époque, que Nélée bâtit Pylos. Il épousa Chloris, dont il eut une fille nommée Péro, et trois fils Nestor, Périclymène, Chromius ; diverses maîtresses le rendirent encore père d’un grand nombre d’autres fils, parmi lesquels on distingue Agerochus, Alastor, Atreus, Croticus, Déimaque, Egyptus, Epidaüs, Evagore, Pylaon ou Pylon et Rhadius. Il promit sa fille en mariage à celui qui lui ramènerait les bœufs que Philaque lui avait volés. Melampe se présenta, retrouva les bœufs et obtint la main de la jeune Péro. Nélée soutint ensuite plusieurs guerres contre les Arcadiens, sur les bords du Céladon et à Phée. Malheureusement pour lui, Hercule un jour se présenta pour qu’il le purifiât du meurtre d’Iphitus, mais Nélée le refusa ; alors Hercule irrité, le dépouilla d’une partie de ses états, et fit périr tous ses fils, à l’exception de Nestor. Cette défaite affligea tellement Nélée, qu’il fut mourir à Corynthe, où Sisyphe son ami, l’ensevelit si mystérieusement, que son fils Nestor ne put jamais découvrir son tombeau. Voici comme, plus tard, se perpétua sa famille : Pylaon fut père d’Arné ou d’Antiope, qui eut avec Euryte quatre fils, Clytius, Déion, Iphitus, et Toxeus, plus une fille, la jeune Iole. Quant à Nestor, il épousa Eurydice ou Anaxibie, et en eut deux filles, Pisidice et Polycaste et sept fils : Antiloque, Aretus, Echéphron, Persé, Pisistrate, Straticus et Thrasimède.
Nyctée, fils de Céléno et frère de Lycus. OEolus, fils d’Ascra, bâtit en l’honneur de sa mère, la ville d’Ascra en Béotie, la patrie d’Hésiode.
Ogygès, fils de Neptune et d’Alicra, fut le premier roi connu d’un plateau dont une partie était Béotienne et l’autre Attique : c’est lui qui fit bâtir Thèbes et Eleusis. Pendant son règne, une inondation effrayante, connue sous le nom de déluge d’Ogygès, vint submerger ses domaines vers l’an 37 de son règne, ou 1764 avant J. C., ou 250 avant Deucalion. Sous ce règne, on vit, dit-on, la planète de Vénus changer de couleur, de diamètre, de figure et de cours. D’origine inconnue, les uns lui donnèrent Neptune pour père, comme le supposant venu par mer dans la Grèce ; d’autres le croyant né dans le pays, le faisaient fils de {p. 282}la terre, et de quelqu’un des insulaires. Ils lui font, en outre, épouser Thébée, fille de Jupiter et d’Iodamée, et de ce mariage, ils assurent qu’il eut deux fils, Eleusinus et Cadmus, et trois filles, Alalcomenia, Aulis et Thelsinie. Ce fut après son règne, que la Béotie prit le nom d’Ogygie, nom, du reste, que l’on donnait en Grèce à tout ce qu’une antiquité reculée enveloppait d’un voile trop obscur. Oncheste, fils de mère inconnue, et fondateur de la ville d’Oncheste en Béotie ; Otus, frère de l’Aloïde Ephialte, et fils d’Iphimède.
Parnasse était fils de la nymphe Cléodore et de deux père : Neptune et Cléopompe ; il inventa l’art de connaître l’avenir au moyen des oiseaux, et fit bâtir une ville, à laquelle il donna son nom, et qui fut inondée lors du déluge de Deucalion.
Pélias, frère de Nélée, fils de Neptune et de Tyro, s’empara du trône d’Iolchos, au détriment de son frère Eson, dont il persécuta beaucoup Jason, le fils, qui, d’après l’oracle, devait reconquérir l’héritage de son père. Il eut d’Anaxibie, fille de Bias, deux fils nommés Acaste et Ampycus, et sept filles : Alceste, femme d’Admète, Amphinome, Antinoé, Astéropée, Hippothoé, Pisidice, et Pélopée. Les filles de Pélias, voyant que Médée avait rajeuni Eson, supplièrent cette enchanteresse d’accorder la même faveur à leur père. Médée leur dit qu’elle y consentait, et pour réussir, leur ordonna de couper leur père en lambeaux, et de le jeter ainsi dans une chaudière ; ce que ces malheureuses filles exécutèrent ; cette mort fit passer la couronne sur la tête d’Eson, rival de leur père. Ensuite Acaste eut Actor de son alliance avec Astydamie ou Créthéis ou Hippolyte ; Ampicus fut père d’Aréus, qui lui-même eut Agènor pour fils. Quant à Nélée, frère de Pélias, nous savons les malheurs de ses fils ; mais son frère maternel Eson, épousa une femme appelée Alcimède ou Amphinome ou Polymède ou Polyphème ou Théognète, et il en eut Jason d’abord connu sous le nom de Diomède, et celui-ci eut avec Médée, Eriopis, Alcimène, Thessalus et Tisandre.
Parmi les autres fils de Neptune, nous trouvons encore Peon, né d’Hellé ; Pérate, issu de Calchinia la Leucippide ; Pheax, fils de Cercyra, fut père d’Alcinoüs ; Phocus dont la mère est inconnue, fut époux d’Antiope et père de Panopée et de Crisus. Ce dernier eut pour fils Strophius, père de Pylade, le fidèle ami d’Oreste.
Phorcus ou Phorcys, Dieu marin, fils de Pontus ou de Neptune, habitait, pense-t-on, les bords du lac Tritonide dans la Byzacène, ou régnait sur l’île de Corse. Il épousa Céto sa sœur, puis il eut de ce mariage, Chrysaor, le Dragon des Hespérides et Scylla, qui nous sont tous connus ; de plus il en eut pour enfans les Gorgones, les Grées, Ento, Batthyllas et Thoosa.
Phthios n’a pas de mère bien connue : Polyphème, né de Thoosa, était le plus grand, le plus fort et le plus redoutable des Cyclopes ; il se nourrissait de chair humaine, et nous le retrouverons, quand Ulysse, après la guerre de Troie, retournera dans ses foyers.
Protée, Dieu marin, reconnu par les Grecs pour fils de Neptune et de Phénicie, quoique plusieurs écrivains le disent né de l’Océan et de Téthys ; Palène en Macédoine était sa patrie, et Psamathé, son épouse, le rendit père de cinq fils, Polygone, Télégone, Théoclymène, Tmole et {p. 283}Torone et plusieurs filles, dont Cabira, Idothée et Rhétie sont les plus connues. Les fils de Protée, étant devenus des brigands redoutables, furent tués par Hercule ; mais avant leur mort, ils forcèrent Protée à s’enfuir en Égypte par un chemin que lui avait ouvert Neptune sous les flots ; alors il fut chargé du soin de garder les phoques et troupeaux marins de Neptune ; chaque jour il les conduisait sur les bords de la mer, où ils reposaient sur le sable ou dans les vertes prairies du voisinage. Protée avait le privilége de prendre toutes les formes qu’il voulait ; on le voyait sous la forme d’un lion ou d’un serpent, d’un sanglier, d’une panthère, d’un aigle superbe ou d’un feu dévorant ou d’un torrent rapide. Il connaissait aussi l’avenir, mais il ne le révélait que lorsqu’il y était contraint par la force. Ce fut lui qu’Aristée consulta après la perte de ses abeilles, tuées par les nymphes pour venger Eurydice. Protée, suivant Hérodote et l’histoire, était un prince adroit et sage, d’un esprit difficile à pénétrer, régnant sur l’Égypte sous le nom de Cétès, du temps de la guerre de Troye. C’est lui, dit-on, encore, qui, après une tempête, donna asile à Hélène et à Pàris, puis chassa ce dernier de ses états et rendit la princesse à Ménélas après avoir appris son enlèvement.
Sarpédon, le querelleur dont les cruautés forcèrent Hercule d’en débarrasser le monde. Selinus ou Selinonte, fils d’Hélis ; Siculus, l’histoire prétend qu’il vint de la Tyrrhénie ou Toscane, et s’établit souverain de la Rinacrie ou Sicile, vers l’an 1600 av. J.-C. Sylée, fils de Callichoé, fut tué, nous le savons, par Hercule. Taphos ou Taphius naquit d’Hippothoé ou de Pisidice, fille de Nestor ; ce fut lui qui conduisit une colonie à l’île de Taphos, à laquelle il donna son nom. Taras, dont la mère était une nymphe restée inconnue, passait pour le fondateur de Tarente et avait une statue dans le temple de Delphes. Térambe, fils de Neptune, fut un musicien célèbre, si orgueilleux de son talent, qu’il osa se moquer des nymphes, qui le punirent en le changeant en escargot. Tiphys, était supposé fils de Neptune, en sa qualité d’habile navigateur, mais on lui donnait aussi Agnius ou Phorbas pour père ; il fut le premier pilote des Argonautes, et son poste fut ensuite rempli par Ancée. Triops ou Triopas fils de Canacé, fut le père d’Erésichton et d’iphimédie, l’histoire n’en reconnaît qu’un seul, qu’elle fait régner sur l’Argolide, l’an 1502 av. J.-C.
Enfin l’on compte encore au nombre des fils de Neptune, le fameux Chrysomallon ou bélier à toison d’or que le Dieu des eaux eut de Theophane, en la métamorphosant en brebis, et lui, en se cachant sous la forme d’un bélier ; ce Chrysomallon avait cela de particulier, qu’il pouvait parler et voler d’un endroit à un autre.
Expédition des Argonautes. Cette toison d’or était donc si précieuse que chacun voulait la posséder, même après la mort de Chrysomallon : aussi Éétès, roi de Colchide, commença par faire périr Phryxus, fils d’Athamas et de Néphélée, qui avait eu la confiance de se réfugier auprès de lui, après s’être sauvé sur ce fameux bélier, dont il était alors le possesseur. Dès qu’il fut mort, Éétès s’empara de ce riche trésor, mais Phrixus étant proche parent de Pélias, usurpateur du trône d’Iolchos, dont il avait chassé Jason fils d’Eson, ce Pélias promit de rendre la couronne à Jason, aussitôt que celui-ci aurait vengé la mort de Phrixus en enlevant la toison d’or à Éétès, condition que tout le monde {p. 284}regardait comme impossible à remplir. Cependant Jason ne désespéra point et bien au contraire, plein de joie et de courage, il se fit le chef d’une troupe de héros et se mit à la tête d’une expédition aussi périlleuse que brillante. Alors il fit monter tout son monde sur un seul navire, qu’il appela Argo, d’ou vint à ces guerriers navigateurs, le nom d’Argonautes. Ils s’embarquèrent, vers l’an 1263 ou 1219 av. J.-C. ou environ 79 ou 35 ans avant la guerre de Troye ; puis ils partirent de la Grèce, leur patrie, pour la Colchide, au nombre, dit-on, de cinquante à cinquante-deux, ou cinquante-quatre, ou même quatre-vingt-dix guerriers.
Hercule, pendant la première partie du voyage, commanda l’expédition au nom de Jason : aussi, en cette qualité de chef, il était placé sur l’avant du navire, et Pelée ainsi que Télamon, sur l’arrière. Avant de mettre à la voile, ils offrirent un sacrifice solennel aux Dieux. Ensuite, Jason, le chef suprême de l’expédition, fit prêter serment de fidélité à tous les guerriers qui le suivaient ; puis ils levèrent l’ancre, dirent adieu à Iolchos et au cap Magnésien, le point de Thessalie d’où ils partaient, se dirigèrent vers le mont Pélion, où ils saluèrent en passant le vieux Centaure Chiron et Achille son jeune élève, longèrent la Macédoine, la Péninsule de Pellène et le mont Athos, et bientôt ils furent près de Samothrace ; arrivés à cette île ils tournèrent au nord, et touchèrent la Mysie, où ils débarquèrent pour faire des provisions.
Alors Hercule ne fit plus partie de l’expédition, car il fut abandonné sur cette plage déserte exprès ou accidentellement, soit parce que Jason était jaloux de son commandement, soit parce que le jeune Hylas, fils de Théodamas, souverain de la Mysie, s’étant noyé dans la fontaine où l’on faisait de l’eau, ou, comme le disent les poëtes, ayant été enlevé par les nymphes, Hercule son ami, désespéré de sa perte, laissa les Argonautes pour aller à sa recherche. Quelques écrivains soutiennent que ce furent les Argonautes eux-mêmes qui forcèrent ce chef à les quitter, dans la crainte que par suite de son énorme appétit, il ne dévorât à lui seul la plus grande partie de leurs provisions.
Poussés par un vent contraire, ils furent forcés de retourner vers le midi, abordèrent à l’île de Lemnos où ils ne trouvèrent que des femmes ou espèces d’amazones ; car nous l’avons vu, elles en avaient chassé tous les hommes, et massacré leurs maris. Alors chaque Argonaute se choisit une maîtresse parmi ces Lemniennes et ils restèrent ainsi deux ans dans cette île, oubliant dans les bras de leurs amantes le but de leur voyage. Cependant ils s’arrachèrent à cette île de délices, traversèrent l’Hellespont sans aucun encombre, et abordèrent dans une île des Doliens gouvernée par le roi Cyzicus qui leur fit l’accueil le plus amical et les combla de présents.
Ils continuèrent leur navigation, mais, pendant la nuit, une tempête les repoussa sur la côte qu’ils venaient de quitter. Les Doliens croyant voir en eux des pirates, prirent les armes pour les repousser ; aussitôt Hercule, qui, suivant quelques légendes, se trouvait encore avec les Argonautes, tua le Dolien Idmon, et Cyzique, à la tête de son peuple, périt dans ce combat, frappé par Jason. Grande fut la douleur des Argonautes, quand le lendemain ils connurent leur méprise ; alors ils firent de magnifiques obsèques à l’infortuné roi leur ami, offrirent un sacrifice à la mère des Dieux et instituèrent des fêtes et des jeux funèbres en l’honneur de Cyzique. {p. 285}Cependant Rhéa, pour punir les navigateurs de leur crime involontaire, frappa d’immobilité leur navire, puis le rendit le jouet d’une tempête épouvantable qui dura douze jours.
Orphée appaisa la déesse par un sacrifice solennel, et peu de temps après, le vaisseau mouilla à l’embouchure du Rhyndaque : de là, faisant voile vers l’est, ils abordèrent en Bébrycie ou Bithynie, dont Amycus était roi. Ce prince défia les Argonautes au pugilat ; Pollux accepta le défi et tua Amycus. Les Bébryces se ruèrent aussitôt sur les voyageurs, mais ils furent repoussés avec une perte considérable. Ensuite les Argonautes touchèrent à Salmydesse, sur les côtes de la Thrace, où régnait le devin aveugle Phinée qu’ils délivrèrent de la persécution des Harpyes, et dont ils reçurent en échange des conseils et le moyen de passer le détroit des Symplégades, à travers les rochers mobiles de Cyanée, que des vents contraires poussaient continuellement avec violence les uns contre les autres, de sorte qu’ils écrasaient les vaisseaux qui osaient se hasarder au milieu de leurs écueils ; arrivés près de ces rochers, ils lâchèrent, d’après le conseil de Phinée, une colombe qu’ils suivirent à la force de rames, tandis qu’Orphée pinçait de la lyre ; car alors les rochers restèrent immobiles et le danger disparut. Ces intrépides navigateurs débouchèrent heureusement dans le Pont-Euxin, visitèrent le pays des Maryandiniens ou régnait Lycus que tourmentait Amycus. Dans cette contrée les Argonautes virent mourir deux de leurs compagnons, savoir : Idmon le devin, tué par un sanglier, et Tiphys leur pilote. Une dernière épreuve les attendait à l’île d’Arécie ou Arétiade. Là se trouvaient les Stymphalides, oiseaux qui, nous le savons, lançaient leurs plumes comme des flèches. Les héros ne purent s’en défendre qu’en faisant du bruit avec leurs armes ; ils rencontrèrent dans cette île les fils de Phryxus, qu’Éétès avait envoyés à Orchomènes pour y recueillir l’héritage de leur père et que la tempête avait jetés sur cette île ; ils les délivrèrent et en tirèrent beaucoup de renseignemens importants.
Enfin, les rives de la Colchide, but de leur expédition, parurent à leurs yeux, et ils abordèrent sous les murs d’Aea, pendant la nuit, à l’embouchure du Phase ; le roi de ces contrées, instruit à l’avance du dessein des Argonautes, et craignant leur puissance, ne refusa pas formellement de leur livrer la toison d’or, mais il leur imposa trois aventures si périlleuses avant de leur permettre d’enlever la toison, que tous les Argonautes semblaient devoir périr à l’entreprise. Cependant Jason accepta sur le champ pour lui seul le défi, et au moyen des conseils et du secours qu’il reçut de Médée, fille du roi, nous allons le voir surmonter tous les obstacles, et s’emparer de la toison d’or.
Ce Jason, chef de l’expédition, qui, nous le savons, était d’Iolchos, fils d’Eson et d’Alcimède, avait été élevé par le centaure Chiron dans l’art de la guerre.
Il ne craignait donc pas les difficultés, et en effet elles étaient grandes, car il devait dans un seul jour atteler à une charrue de diamant deux taureaux de Vulcain aux cornes d’airain et vomissant des flammes, et labourer quatre arpens d’un terrain vierge consacré à Mars ; semer dans les sillons le reste des dents du dragon de Cadmus, que possédait le roi ; détruire les guerriers armés qui jailliraient du sol, puis combattre et tuer le dragon qui gardait la toison d’or. Médée, fille du roi, étant devenue éperdument amoureuse de Jason, lui {p. 286}promit de lui faire vaincre tous ces obstacles, s’il consentait à la conduire dans sa patrie avec le titre de sa légitime épouse ; Jason accepta. Alors elle lui donna une fiole remplie de sucs magiques, avec lesquels il devait se frotter, une pierre qu’il devait jeter au milieu des hommes armés qui naîtraient des dents du dragon, puis des herbes et un breuvage, avec lesquels il devait endormir le terrible gardien de la toison.
Muni de tous ces préparatifs, Jason soumit au joug les deux redoutables taureaux, en présence du roi et du peuple assemblé, et leur fit labourer l’emplacement désigné : il sema les dents du dragon et jeta sa pierre au milieu des guerriers armés qui voulaient l’assaillir. Aussitôt ces hommes, nés des dents qu’il avait semées, tournèrent leurs armes contre eux-mêmes et s’entre-tuèrent tous jusqu’au dernier. Enfin il arriva en présence de l’horrible gardien du chêne où était suspendue la brillante toison, l’assoupit au moyen du breuvage, et bien vite s’en débarrassa.
Alors Eétès, le roi de Colchide, ne put empêcher le vainqueur de s’emparer de la riche dépouille du bélier de Phryxus, mais il prit la résolution de faire mourir Jason et ses compagnons et de brûler leur vaisseaux. Instruit par Médée des projets du roi, le héros se hâte de monter sur son vaisseau avec Médée et ses compagnons ; le jour suivant, Éétes ayant appris la fuite de ces fameux aventuriers, monta sur un autre navire et partit à leur poursuite : il les atteignit à l’embouchure du Danube, et envoya Absyrte, son fils, les sommer de se rendre ; mais la célèbre Médée détourne le danger qui menace ses amis, en égorgant son frère Absyrte, et en dispersant sur le rivage ses membres déchirés. Ce douloureux spectacle arrêta le malheureux père qui suspendit sa poursuite pour recueillir les membres épars de son fils. Arrivé à Corcyre, Jason épousa Médée et partit pour Iolchos où il descendit au palais de son père afin d’y réclamer sa couronne : mais Pélias refuse, alors Médée le fait mourir. Cependant Jason n’en eut pas pour cela la couronne, car elle passa sur la tête d’Acaste, fils du monarque assassiné, qui força Jason de quitter la Thessalie. Il se réfugia dans les environs de Corynthe où il vécut pendant quatre ans avec son épouse, dans la plus parfaite union. Au bout de ce temps, il la répudia pour épouser Glaucé, fille de Sisyphe, roi de Corynthe. Médée, furieuse, égorgea les deux fils qu’elle avait eus du héros et fit périr sa nouvelle épouse ; Jason resta à Corynthe où il mourut, sans laisser de postérité, et sans avoir jamais pu recouvrer le trône de son père.
Cette Médée, fille d’Éétès, roi de Colchide et d’Hécate, était une magicienne célèbre par ses enchantemens ; éprise d’une violente passion pour Jason, qu’elle vit en secret dans le temple d’Hécate, ce fut elle qui lui proposa les moyens de triompher des obstacles que son père lui opposait, pourvu qu’il lui promît de l’emmener avec lui dans sa patrie et de la prendre pour épouse légitime. Jason se soumit à toutes ses volontés ; alors, elle lui donna, comme nous l’avons vu, les moyens de remporter la victoire. L'amour qu’elle avait pour Jason lui fit dévoiler tous les projets que son père avait formés pour le perdre, lui et ses compagnons. Ce fut elle qui dirigea les Argonautes dans leur retour et les fit triompher de tous les obstacles. Ainsi, après avoir échappé aux poursuites d’Éétès, ils traversèrent le pont Euxin, pénétrèrent {p. 287}dans le Palus-Méotide, abordèrent dans l’île de Peucestes et dans celle de Circée, où cette enchanteresse déclare à Jason que le meurtre d’Absyrte, dont elle ne veut pas donner l’expiation, sera la cause des malheurs qui signaleront son retour ; néanmoins, les héros continuent leur voyage, entraînés jusqu’aux colonnes d’Hercule, reviennent dans la Méditerranée, tombent dans le détroit de Charybde et de Scylla, d’où ils ne se sauvent qu’avec le secours de l’amante de l’Argonaute Pelée, Thétis, qui avec ses nymphes dirige leur vaisseau ; bientôt ils passèrent à la vue de l’île habitée par les syrènes, dont les accords de la lyre d’Orphée suspendirent les dangereux enchantemens. Arrivés à Drépanne ou Corfou, ou dans l’île des Phéaciens, ils rencontrèrent la flotte ennemie, qui n’avait cessé de les poursuivre, et dont le chef voulut exiger d’Alcinoüs, roi du pays, que Jason livrât Médée. Ce roi y consentit, à la condition toutefois qu’elle ne serait point unie à Jason, et l’on prit l’épouse d’Alcinoüs pour arbitre ; mais cette princesse, ayant fait marier Jason et Médée pendant la nuit même, déclara le lendemain que le mariage était consommé ; la demande d’Éétès n’était plus admissible ; alors, de Phéacie, les Argonautes gagnèrent le golfe d’Ambracie, furent jetés par une tempête sur les côtes d’Afrique, touchèrent enfin au cap Malée, dans le Péloponèse, où Jason fut purifié du meurtre d’Absyrte, et tous retournèrent dans la Thessalie.
Quelques écrivains indiquent un autre itinéraire à ce retour. Ils supposent qu’après s’être sauvés de la Colch de, ils remontèrent le Danube, transportèrent à bras, pendant plus de cinquante lieues sur la terre, leur vaisseau qui manquait d’eau, le mirent à flot dans l’Adriatique et débouchèrent dans la Méditerranée par l’Eridan et le Rhône. Alors seulement, disent-ils, ils tuèrent Absyrte et entendirent le chêne prophétique de Dodone, qui servait de mât, prédire à Jason qu’il n’arriverait dans sa patrie qu’après avoir été purifié de ce meurtre, purification que ce prince reçut dans l’île d’Æa des mains de la fameuse enchanteresse Circée. Une fois arrivée à Iolchos, Médée s’y rendit célèbre par le meurtre de Pélias ; puis elle suivit Jason à Corynthe, et eut de lui deux fils, Phérès et Mermère, qu’elle égorgea pour se venger de son époux qui venait de la répudier pour prendre la fille du roi de Corynthe, qu’elle empoisonna ensuite. De là, elle s’envola sur un char traîné par des dragons volans, à Athènes, où elle devint deuxième femme d’Egée, auquel elle conseilla d’empoisonner son fils, qu’il ne connaissait pas encore. Dès qu’il sut que Thésée était son fils, il chassa la coupable Médée, qui s’enfuit en Phénicie, où elle épousa le roi de cette province et en eut un fils nommé Midas.
Avec Médée se termine l’histoire complète des Argonautes, de ces héros aventuriers, que l’on peut admettre pour une réunion célèbre de corsaires qui furent dévaster les côtes de la Colchide. Le nombre de leurs noms connus s’élève, avons-nous dit, jusqu’à 90, en effet, on cite parmi eux : Acaste fils de Pélias ; Actor d’Hippase ; Actorion d’Iras ; Admète de Phérès ; Aethalidès de Mercure ; Almène ou Ialmène de Mars ; Amphiaraüs d’Oiclée ; Amphidame d’Alée ; Amphion d’Hippérasius ; Ancée ou Anacée de Lycurgue ; Ancée de Neptune, Anchistée d’Origine inconnue ; Areus fils de Bias ; Argus constructeur du vaisseau l’Argo ; Armène d’origine inconnue ; Ascalaphe fils de {p. 288}Mars ; Astérion de Cometès ; Astérius d’Hippérasius ; Astérius de Mélée ; Augias du soleil ; Atalante de Schœnée ; Autolycus de Mercure ; Azore, le pilote, d’origine inconnue ; Butès fils de Téléon ; Calaïs de Borée ; Canthus d’Abas ; Castor de Jupiter ; Cénée d’Élatus ; Cephée d’Alée ; Cius d’Euryte ; Clymène d’Iphiclus ; Coronus de Cénée ; Deucalion de Minos ; Échion le hérault de Mercure ; Ergine le pilote, fils de Neptune ; Eubotès le médecin, fils de Télion ; Esculape le médecin, fils d’Apollon ; Eumedon de Bacchus ; Euryale de Cistée ; Eurydamas, d’origine inconnue ; Eurytion fils d’Iras ; Eurytus fils d’Euryte ; Euryte de Mercure ; Glaucus de Sisyphe ; Hercule de Jupiter ; Hippalime de Pelops ; Idas d’Apharée ; Idmon d’Abas ; Iolas d’Iphiclus ; Iphiclus de Thestius ; Iphiclus de Phylax ; Iphitus d’Euryte ; Iphitus d’Ornytion ; Iphis d’Alector ; Iritus de Naubole ; Jason d’Eson ; Laërte d’Arcesius ; Laocoon de Parthaon ; Laodocus de Bias ; Léitus d’Alector ; Lyncée d’Apharée ; Méléagre d’Oenée ; Ménétius d’Actor ; Mopsus d’Ampycus ; Nauplius de Neptune ; Nélée d’Éaque ; Oilée fils de Laodocus et père d’Ajax le Locrien ; Orphée fils d’Oeagre ; Palémon d’Etolus ; Pelée d’Eaque ; Pénélée d’Hippaleus ; Périclymène de Nélée ; Phalère d’Alcon ; Phanus de Bacchus ; Philammon d’Apollon ; Philoctète de Pæan ; Phlias de Bacchus ; Phocus de Cénée ; Pirithoüs d’Ixion ; Pœas de Thaumacus ; Pollux de Jupiter ; Polyphème d’Elate ; Priassus d’Oenée ; Staphyle de Bacchus ; Talaüs roi d’Argos ; Télamon d’Éaque ; Thésée d’Égée ; Tiphys le pilote, fils d’Hagnius ; Tydée de Diomède et Zéthès de Borée.
Tous ces guerriers sont regardés par les uns comme des corsaires, mais plus généralement, on les admet pour les chefs d’une expédition commerciale, chargés d’affranchir le commerce du Pont-Euxin, des impôts que levait continuellement sur lui la piraterie des nations barbares des bords de la mer. On appuie cette opinion en disant que les Argiens : Hercule, Talaüs et Laodocus, les Pylosiens Périclymène et Nestor, les Athéniens Thésée, Castor et Pollux, dont la présence à cette expédition est fort contestée, ainsi que le milésien Ergine, appartenaient tous à des villes commerçantes. Maintenant, entrons dans quelques détails sur plusieurs de ces guerriers, dont les principaux étaient Hercule, Castor et Pollux, Admète, Ancée, Esculape, Nélée, Orphée, que nous connaissons tous, et Calaïs et Zéthès, Ethalidès, Echion, Hylas, Lyncée, Méléagre, Pélée, Pirithoüs, Télamon, Thésée et Tiphys. De ces derniers, Thésée et Méléagre, mériteraient de nous arrêter le plus, car Lyncée, ne fut chargé que de signaler les écueils, Echion fut l’éclaireur ou espion de l’expédition, et Ethalidès fut son hérault d’armes ; peu de chose aussi nous reste à dire sur les suivans :
Argus, constructeur du vaisseau des Argonautes, était fils de Phryxus et de Chalciope fille d’Éétès roi de Colchide.
Asterion, fils de Comètès et d’Antigone fille de Phérès, naquit à Pirésie et donna son nom à la ville d’Astérium, dans la Thessalie.
Butès, fils de Borée, fut tellement épris du chant voluptueux des syrènes, qu’au retour de l’expédition, il se précipita du vaisseau dans la mer. Heureusement Vénus le saisit à temps et le transporta en Sicile, où elle lui fit épouser Lycaste, dont la beauté et la conduite avaient beaucoup de rapport avec la sienne.
{p. 289}Iphicle, fils de Phylaque prince Thessalien, et de Climène fille de Minyas, épousa Diomédée, dont il eut Protésilas, Podarce et Philoctète. Il était resté longtemps sans enfans ; mais ayant bu, d’après l’avis de Mélampe, pendant dix jours de la rouille d’un couteau détrempée dans du vin, il ne tarda pas à en avoir.
Marathon, fils d’Épopée, redoutant la colère de son père, se réfugia en Attique et bâtit sur la côte Orientale la ville qui porte son nom. Après la mort de son père, il retourna dans le Péloponèse, partagea ce royaume à ses enfans et fut mourir dans la colonie qu’il avait fondée. Il nourrissait un taureau qui ravageait la contrée et qui tomba sous les coups de Thésée. Son armée, prête à être taillée en pièces, fut sauvée par le sacrifice qu’il fit de sa vie, parce que l’oracle consulté avait dit qu’il fallait que le chef mourût pour les sauver.
Oïlée, fils du roi Locrien Odedoque, et d’Agrianome, prit part à l’expédition des Argonautes, aida Hercule dans le combat qu’il soutint au lac Stymphale, et il y fut blessé ; il succeda à son père au trône de Locride ; il épousa Ériopis, qui le rendit père d’un fils nommé Ajax.
Maintenant, nous devons parler de l’un des plus célèbres héros de la Grèce après Hercule, de Thésée, que l’on introduisit parmi les Argonautes peut-être après la fin de cette expédition, car il n’est pas très-bien prouvé qu’il put en faire partie.
Thésée, né à Trézène, d’une union clandestine, avait pour père Égée, neuvième roi d’Athènes, vers l’an 308 av. J.-C., fils de Pandion II, frère de Nisus, de Pallas et de Lycus, et par conséquent descendant d’Erechthée, et pour mère Thésée avait Éthra, fille de Pitthée fils de Pélops ; aussi, il était souvent appelé Érechthéide par les poètes, et il fut élevé par sa mère à la cour du roi Pitthée. Il n’était encore âgé que de sept ans, lorsqu’il vit venir chez son grand-père Pitthée, Hercule couvert de la peau rousse et velue du lion de Némée ; alors, le prenant pour un ennemi vivant, il n’eut pas peur comme d’autres enfans qui étaient présens ; mais aussitôt, il saisit une hache et marcha bravement contre lui. Bientôt, en approchant, il reconnut son erreur. Cette vue du héros son oncle, portant une dépouille aussi glorieuse, enflamma tellement son âme, qu’il ne respira plus que l’honneur de suivre les traces d’Hercule en domptant les monstres, et en punissant les tyrans des crimes qu’ils commettaient. Aussi, à peine fut-il arrivé à l’adolescence, qu’il voulut quitter Trézène.
Pitthée, son aïeul, lui dévoila le secret de sa naissance en ces mots : ton père ayant su que dans la même nuit où il avait été reçu dans les bras de ta mère, elle avait reçu les embrassemens de Neptune, partit pour Athènes sans emmener Éthra, mais en lui disant que si elle mettait un fils au monde, il pourrait se présenter à lui pourvu qu’il se fît reconnaître, en apportant avec lui la chaussure et l’épée qu’il a cachée sous l’énorme pierre que voilà. Aussitôt, Thésée pousse la pierre d’une main et de l’autre saisit la chaussure et l’épée, puis s’écrie : Athènes, où est Athènes ; et sans tarder, il marche vers cette ville. Quoique la route fût infestée de brigands redoutables, il ne balança pas, les extermina et surmonta glorieusement tous les obstacles. Ainsi, il rencontra sur la route, près d’Épidaure, le geant Périphète, fils de Vulcain, geant que l’on nommait en outre Prolès Vulcani, et Corynèle, Clavigera, à cause d’une massue avec laquelle {p. 290}il tuait ses hôtes. Il fut, le premier, victime des coups du jeune Thésée qui le tua, prit sa massue et la porta toujours comme un monument de sa première victoire. Il fit mourir du supplice du talion Sinis, célèbre pillard de l’Attique, fils de Polypémon et de Syléa, qui attachait les étrangers à l’extrémité de deux pins qu’il courbait et laissait ensuite se redresser. Il précipita dans les flots comme peine du talion également, Scyron, monstre qui engraissait ses tortues avec de la chair humaine, en précipitant les passans du haut des rochers dans la mer. Cependant dit Ovide, la mer n’ayant pas voulu le recevoir, il resta accroché en l’air, et fut métamorphosé en rocher. A cette même époque, Thésée arracha la vie au cruel Cercyon fils de Neptune ou de Vulcain et roi d’Éleusis, dont le plaisir était d’immoler à la manière de Scyron, tous les étrangers qui abordaient dans les environs de l’isthme de Corinthe ; ensuite, il tua le brigand Procruste ou Procuste ou Damaste, dont l’infame cruauté était de faire étendre ses hôtes sur un lit de fer, de leur couper les extrémités des jambes lorsqu’elles dépassaient le lit ou quand elles étaient trop courtes, de les faire tirer avec des cordages, jusqu’à ce qu’elles en atteignissent la longueur. Ensuite, il débarrassa le pays de la fameuse Phéa, truie qui infestait les environs de Crommyon, en Corinthie, et qui fut mère du sanglier de Calydon, que nous verrons dans peu de lignes être chassé et mis à mort par une troupe de héros.
Pendant que Thésée combattait ces monstres divers, son cœur fut sensible aux graces naïves de la jolie Pérygone, fille du géant Sinis, et il la rendit mère d’un fils nommé Ménalippe. Après que les Phytalides ou filles de Phytalus l’eurent purifié sur les bords du Céphise à l’autel de Jupiter-Milichius, pour avoir été obligé de tremper ses mains dans le sang, surtout d’un parent tel que Sinis, descendant de Pitthée, il entra à Athènes, alors troublée par une grande confusion ; car Médée, la célèbre magicienne, voyant dans Thésée un obstacle invincible aux projets qu’elle avait conçus de mettre sur le trône Médusson, fils qu’elle avait eu de Jason ou qu’elle espérait avoir avec Égée, persuada à ce vieux roi que ce jeune voyageur était un assassin, et le décida à lui présenter du poison dans la coupe de l’hospitalité. Égée invita en conséquence Thésée à un festin. Le jeune convive, après avoir été servi, tira son épée comme pour couper les viandes ; mais à peine le roi voit-il cette lame, qu’il renverse la coupe empoisonnée, demande à l’étranger quel est son nom, le lieu de sa naissance, et quels sont ses desseins. Alors, Thésée répond naturellement à toutes ces questions ; aussitôt il est étroitement serré dans les bras du vieux roi, qui fait convoquer le peuple en assemblée générale, et déclare que Thésée est son fils. Tous les Athéniens furent comblés de joie en pensant qu’ils auraient un si grand héros pour roi, à l’exception pourtant de Médée, qui, pour éviter la vengeance de Thésée, monta sur son char magique et disparut dans les airs. Les Pallantides, ou les cinquante fils de Pallas, frère d’Égée, ne furent pas non plus très-contens, car ils espéraient succéder à Égée, ils se révoltèrent donc contre l’autorité royale et furent taillés en pièces par Thésée. Ces nouveaux meurtres, quoique nécessaires, forcèrent encore ce héros à s’exiler volontairement d’Athènes pendant une année ; puis il fut absous par les juges du tribunal du temple d’Apollon {p. 291}Delphien. Dès son retour, il marcha contre le taureau de Marathon, qui ravageait l’Attique, le prit vivant et l’immola sur les autels de Mercure ou d’Apollon.
Ensuite Thésée prit la généreuse résolution de délivrer Athènes du tribut que l’on payait annuellement à Minos, pour nourrir son fils Minotaure. Thésée s’offrit donc pour être une des quatorze victimes qui devaient servir de pâture à ce monstre ; alors, Égée le laisse aller, en lui recommandant, s’il est vainqueur, d’arborer à son retour le pavillon blanc. Arrivé en Crète, ce héros rencontre Ariadne, fille du roi Minos. Cette belle princesse devient tout à coup amoureuse de Thésée, lui propose de lui donner un moyen de ne pas s’égarer dans le labyrinthe, et lui présente le fil qui doit le guider ; il accepte et s’enfonce dans les détours multipliés de cet édifice. Il ne tarde pas à rencontrer le terrible taureau : le combattre et le terrasser, ne fut que l’affaire d’un moment ; aussitôt, après la victoire, il reprend le fil précieux et sort ainsi que ses compagnons, sans difficulté de ce labyrinthe inextricable ; il rassemble ensuite ceux qui, comme lui, avaient dû être exposés au Minotaure, remet à la voile et emmène avec lui Ariadne et Phèdre, sa sœur. Ariadne le rendit père de deux fils, Œnopion et Staphyle.
Thésée, en retournant à Athènes, passa près de l’île de Naxos ; là, il eut l’ingratitude d’abandonner Ariadne, qui lui avait sauvé la vie, et arrive sans elle au palais de ses aïeux, qu’il trouve dans le plus grand deuil, à cause de la mort d’Égée ; car Thésée, impatient de revoir sa patrie, avait oublié de changer la voile noire de son vaisseau. Le malheureux Égée, trompé à cette vue, n’avait pu survivre à la perte supposée de son fils, et s’était précipité dans les flots. Alors, les premiers soins de Thésée furent de rendre les honneurs funèbres à ce tendre père, de remercier les Dieux de son voyage, et de faire le vœu, pour Athènes, d’envoyer tous les ans à Apollon Delphien, des offrandes que ses députés, couronnés de branches d’olivier, portaient, montés sur le navire qui avait servi à Thésée ; navire que l’on entretenait si bien, qu’il dura plus de mille ans ; aussi, les poètes le disaient immortel, et appelaient cette galère d’abord Parale, puis Déliaque. Thésée, en même temps, institua deux fêtes qui portèrent le nom de Délies : l’une se célébrait tous les cinq ans, en l’honneur de Vénus, dont une statue, donnée par Ariadne à son amant, avait été déposée dans l’île de Délos. Pendant ces fêtes, on entourait de guirlandes cette statue, on faisait des courses de chevaux et l’on terminait par des danses dans lesquelles on cherchait à imiter les détours du labyrinthe. L'autre fête avait lieu tous les ans ; alors, on envoyait d’Athènes à Délos, des députés appelés Déliastes ou Theores, sur le vaisseau Déliaque, orné de guirlandes, à la poupe, par un prêtre qui faisait ensuite une lustration dans la ville, et allait chercher les Théores que l’on amenait couronnés de lauriers et précédés de héraults d’armes, en mémoire de la destruction par Thésée des voleurs de grands chemins, qu’il avait fait disparaître. Une fois à Délos, ces députés offraient des sacrifices à la divinité de l’île, se rembarquaient et entraient dans Athènes au milieu des acclamations joyeuses d’une population qui se prosternait devant eux. Leur voyage durait environ trente jours, pendant lesquels on n’exécutait aucun condamné ; raison qui {p. 292}fit vivre Socrate vingt-neuf jours après le prononcé de sa sentence de mort.
Thésée se trouva bientôt souverain absolu de toute l’Attique ; alors il réunit en une seule ville toutes les bourgades, établit un ensemble de lois et se démit de la royauté, proposa une république, proclama la souveraineté du peuple, comme corps de nation, et organisa les assemblées populaires en se réservant seulement la garde des armées et le commandement des lois ; puis afin de donner plus de force à la religion, il institua plusieurs fêtes nouvelles, rétablit en l’honneur de Neptune les jeux Isthmiques, comme Hercule son parent et son modèle avait rétabli les jeux olympiques.
Après avoir organisé ce nouveau mode de gouvernement qui attira un grand nombre d’étrangers à Athènes, il se mit à courir encore les aventures. Alors il fut, dit-on, combattre et vaincre les amazones sur les bords du Thermodon ou dans l’Attique même. Dans cette guerre, il fit prisonnière leur reine Hippolyte, dont il eut un fils appelé Hippolyte. Il fut ensuite, dit-on assez légèrement, accompagner les Argonautes dans la conquête de la toison d’or, puis à son retour de cette campagne, étant âgé de plus de cinquante ans, il pénétra seul ou avec Pirithoüs dans Lacédémone et enleva Hélène, que les deux ravisseurs tirèrent au sort, et qui tomba en partage au vieux Thésée, jusqu’à ce que ses frères les Dioscures ou Tyndarides vinssent la delivrer de l’esclavage. Ce Pirithoüs descendait des enfans d’Apollon, par Déion, fille de Dia et femme d’Ixion.
Cette alliance avec Pirithoüs, roi des Lapithes, peuples de la Thessalie, descendans des Pelasgues et des enfans d’Apollon, fut la suite naturelle de la haute réputation de bravoure de Thésée, car elle harmonisait avec les idées d’audace de Pirithoüs. Cependant cette liaison arriva d’une manière assez singulière ; car celui-ci ayant voulu éprouver le courage de Thésée, fit une irruption dans l’Attique ; mais lorsque les deux armées furent en présence, les deux chefs, au lieu de se combattre, s’admirèrent, et se vouèrent la plus vive amitié ; aussi, quelque temps après, Pirithoüs s’étant marié à Hippodamie fille d’Adraste, roi d’Argos, il invita à ses noces, Thésée, Hercule, ainsi que les principaux chefs des Lapithes et des Centaures. La plus grande abondance ayant régné pendant le repas, il en survint une orgie complète, et les Centaures, échauffés par les vapeurs du vin, finirent par insulter jusqu’à la jeune mariée : Euryte, l’un d’eux, voulut même l’enlever ; mais tous les Laphithes, ayant à leur tête Pirithoüs, leur roi, Hercule et Thésée, en prirent la défense, et bientôt la mêlée devint épouvantable.
Du côté des Lapithes on voyait : Pirithoüs ; Ampycus prêtre et musicien que l’on fait tuer aux noces de Persée, par Pethalus, et qui pourrait bien être le même que Ampia, tué par le centaure Œclus ; Bélate, tua le centaure Amycus, qui venait de tuer Céladon, Brotée fut tué par le centaure Grinée ; Céladon, Charaxe tué par le centaure Rhœtus, Corone, fils de Cénée II, et père de Léontée ; Cerone, fils de Phoronée ; Coryte, tué par Rhœtus ; Crantor fils d’Amyntor, fut écrasé par le centaure Démoléon ; Crinée, tué on ne sait trop par quel centaure ; Dryas, était un capitaine grec, qui ne semble avoir combattu les centaures, que lorsqu’ils eurent été repoussés jusque dans leurs montagnes ; Evagre, fut tué par Rhœtus, qui lui enfonça un tison dans la bouche ; {p. 293}Exade, creva les yeux au centaure Crynée ; Halèze, tué par un centaure ; Lycabas, se déshonora en prenant la fuite ; Macarée, tua le centaure Erygdupos ; Mopsus, qui fut se distinguer au siége de Thèbes ; Orios, fut tué par le centaure Grynée ; Ornée prit la fuite ; Périphas, renversa le centaure Pyrète ; Phonolénis, tué par le centaure Phéocome ; Phorbas, tua le centaure Aphidas, assoupi par le vin ; Pyracme, tué par le centaure Cénée ; Titarèse, se distingua par sa vaillance.
Parmi les centaures, on remarquait : Antimaque, tué par le lapithe Cœnée ; Amycus, fils d’Ophion, tua le lapithe Céladon, et fut tué par Hercule ; Apharée, fut blessé par Thésée ; Arctus ; Arée ou Arius, blessé par le lapithe Dryas. Bianor et Bromos, furent tués par Thésée ; Caumas ; Chromis fut tué par Pirithoüs ; Chthonius fut tué par Nestor ; Clanis fut tué par Thésée ; Clytonée ; Cométès, tué par Hercule, dans cette mêlée, Cronius ; Cyllare, fut tué, et sa beauté avait tellement charmé la nymphe Hylonome, qu’elle se tua ensuite de désespoir ; Cymiles, fut accidentellement tué par son compatriote Nessus ; Démoléon, tué par Thésée ; Dexamène, qui régnait à Olène en Arcadie ; Dictys, tué par Pirithoüs ; Dorylas, tué par Thésée ; Dryalus, fils du centaure Peucé ; Dryas, qui tua accidentellement son compatriote Rhœtus ; Erigdoupos, tué par Macarée ; Eurynome, tué par Dryas ; Euryte, tué par Thésée. Quelques auteurs, à tort, le font tuer par Persée, qui, de beaucoup antérieur à cette hyérogamie, ne semble pas avoir pu y assister. Eurytion fut également tué par Thésée, cependant on a aussi soutenu qu’il n’eut que le nez et les oreilles coupés par les lapithes, et l’on en cite un autre qui pourrait bien être le même, et qui fut tué par Hercule, pour avoir voulu forcer Hippolyte, fille de la néréïde Dexamène ; Gryneus, fut tué d’un coup de bois de cerf, après avoir assommé deux lapithes sous les coups d’un autel ; Hélime, tué par on ne sait quel lapithe ; Hélops, tué par Pirithoüs ; Hilée, tué par Thésée ; Imbrée, par le lapithe Dryas, Iphinoüs, tué par Thésée ; Latrée, centaure énorme ; Lycète, tué par Thésée ; Lycidas, par le lapithe Dryas ; Lycotas, par Thésée ; Lycus, par Pirithoüs ; Mélanée, fameux chasseur de sangliers ; Mélénée, Mermère, Mimas, tués par on ne sait quel lapithe ; Monychus, qui déracinait et lançait des arbres au lieu de javelots ; Nédymne, tué par Thésée ; Odile, tué par Mopsus ; Ornée, Phaléros, Pélethronius, inventeur du fléau et de la selle ; Périmède, Pisénor, qui prirent la fuite ; Rœcus, ou Rhœtus, fils d’Ixion. Tous ces centaures succombèrent ou se réfugièrent en Arcadie, et comme ceux combattus par Hercule, ils étaient nés de centaure issu d’Ixion et de la nue, par Hyperphiale et parens de Chiron, père de Caryste, de Charicle, d’Evippe et de Ménalippe, sa fille.
Quant à Pirithoüs, il laissa son fils Pélipète, chef des lapithes, et fut, pour ne plus revenir, courir avec Thésée une aventure qui causa sa perte et manqua d’entraîner celle de son ami ; car, étant devenu amoureux de Proserpine ou de la femme d’Aïdonnée, roi d’Épire, il se décida à descendre aux enfers pour enlever cette reine des sombres bords, et fit si bien que Thésée consentit à partager ses dangers, en échange de ce qu’il lui avait aidé au rapt de la belle Hélène. Pirithoüs succomba dans cette entreprise, et son ami fut retenu prisonnier par Aïdonnée, jusqu’à ce qu’Hercule soit venu le délivrer ; d’où vint la fable imaginée pour faire croire que Pirithoüs avait été {p. 294}dévoré par Cerbère, et que Thésée était descendu aux enfers, où, disait-on, il était resté dans le Tartare, assis sur un rocher, sans pouvoir s’en détacher jusqu’à l’instant de l’arrivée d’Hercule, qui avait eu seul la force de l’en arracher.
Après deux ans d’absence, Thésée revint à Athènes, où il voulut commander comme auparavant, mais Ménesthée, petit-fils d’Erechthée, avait excité les grands et les prêtres contre lui. Alors Thésée voyant que les Athéniens le méprisaient, s’en fut à la cour de Lycomède, roi de Scyros, qui feignit de le recevoir avec joie et le précipita du haut d’un rocher dans les flots. Après sa mort, les enfans de Thésée remontèrent sur le trône d’Athènes, élevèrent à la mémoire de leur père des autels, et lui consacrèrent le huitième jour de chaque mois. Les restes de Thésée furent apportés à Athènes, par Cimon, et déposés dans un lieu nommé Théséium. En finissant ce long article de Thésée, nous devons faire observer que ce héros n’assista à aucune des deux guerres de Thèbes, car il était mort lors de la seconde, et ne prit aucune part à la première, mais seulement il paraît probable que les Thébains, ivres de leur victoire après la première expédition, défendirent de donner la sépulture aux ennemis succombés sous leurs armes, loi barbare que Thésée, à la demande des mères et veuves de ces guerriers, fit révoquer, en marchant seul contre les Thébains, et en obtenant sur eux une éclatante victoire.
Thésée eut donc pour enfans : Hippolyte de la reine amazone Hippolyte, Staphyle et Œnopion d’Ariadne et Acamas et Démophon de Phèdre.
Quant à Ariadne, fille de Minos et de Pasiphaé, que Thésée abandonna si cruellement dans l’île de Naxos, pour la remplacer par Phèdre sa sœur, elle resta longtemps seule avec son désespoir dans cette île déserte, n’y pouvant qu’exhaler sa douleur, et se plaindre d’avoir été si perfidement trahie par son amant et par sa propre sœur. A la fin, Bacchus revenant vainqueur des Indes, aborda, nous le savons, dans cette île, entendit les plaintes de cette infortunée, lui prodigua les consolations les plus tendres, et, par ses caresses, lui fit aimer la vie qu’elle voulait quitter. Pour la consoler, il lui offrit de remplacer celui qu’elle avait perdu, puis elle vécut avec Bacchus en bonne intelligence, jusqu’à sa mort. Dès qu’elle eut cessé de vivre, Bacchus la transporta aux cieux où elle forme une constellation.
Phèdre, fille de Minos et de Pasiphaé, revint, nous l’avons dit, avec Thésée, après la victoire qu’il remporta sur le Minotaure. Arrivée à Athènes, elle le rendit mère de deux fils, Acamas et Démophon, puis Phèdre, inspirée, dit-on, par Vénus, toujours rancuneuse contre les descendans d’Apollon, depuis que le Soleil avait divulgué ses intrigues avec Mars, s’enflamma d’un violent amour pour Hippolyte, son beau-fils ; alors, pour avoir occasion de le voir souvent, elle fit bâtir un temple à Vénus aux environs de Trézène, et prétexta qu’elle allait offrir ses vœux à cette déesse. Enfin, Thésée partit avec Pirithoüs, pour l’aider à enlever Proserpine ; pendant son absence, Phèdre déclara sa vive passion à Hippolyte, qui la repoussa avec indignation. Furieuse de se voir mépriser, elle se pendit de désespoir. Quelque temps après, dit-on, Thésée revint des enfers, et ayant été pour voir sa femme, il trouva dans ses mains un billet par lequel elle avait la perfidie de déclarer qu’Hippolyte avait {p. 295}voulu la déshonorer, et qu’elle n’avait pu éviter ce malheur qu’en se laissant mourir. Aussitôt Thésée furieux et égaré par le mensonge de ce billet, donne ordre à son fils de se présenter à lui. Alors arriva cet Hippolyte qu’il avait eu de la reine des amazones, et qui avait été élevé dans le respect de la vertu et dans le seul plaisir de la chasse, par Pitthée son aïeul. Sans autre passion il n’avait jamais connu celle de l’amour, aussi fut-il atterré et sans voix pour se disculper, quand son père lui reprocha sa conduite criminelle envers sa belle-mère. Ce silence trompant de plus en plus Thésée, celui-ci se souvint que Neptune lui avait promis d’exaucer ses trois premiers vœux, et, sans plus de réflexion, il souhaite la mort de son fils. Neptune ne l’exauça que trop vite, car Hippolyte voulant fuir la colère de son père, monte sur un char pour s’éloigner ; mais à peine est-il sorti de Trézène, qu’un monstre marin sort des flots et l’arrête. Ses chevaux, à cette horrible vue, se cabrent ; l’essieu se rompt, et Hippolyte a bientôt la tête brisée contre les rochers. Une autre version dit que Phèdre attendit le retour de son époux, accusa Hippolyte d’avoir voulu la séduire, laissa Thésée l’exiler en le dévouant à la vengeance de Neptune, et ne se pendit qu’après avoir vu la fin terrible de l’innocent dont elle venait de causer si cruellement la mort. Esculape, dit-on, à la prière de Diane, rendit la vie à Hippolyte, qui resta près d’elle sous le nom de Virbius. Dans la suite, Diomède lui fit élever près de Trézène, un temple où les jeunes filles de la ville, avant de se marier, allaient y pendre leur chevelure. On prétendit aussi que les Dieux l’avaient enlevé au ciel et placé parmi les constellations sous le nom de Bootès.
[n.p.]Thésée, comme nous l’avons dit, eut deux fils de son alliance avec Phèdre, l’un Démophon, suivit Eléphénor chef des Eubéens, au siége de Troie, comme simple particulier ; il ramena Ethra son ayeule, à Athènes, séduisit en passant la fille de Lycurgue nommée Phillis, chassa du trône Ménesthée, qui s’en était emparé dans son absence, et secourut les Héraclides contre Euristhée.
L'autre, Acamas, fut aussi avec Eléphénor au siége de Troie. Loodice, la plus belle des filles de Priam et épouse d’Helicaon, devint éperdument amoureuse de ce fils de Thésée ; alors l’épouse de Persée, gouverneur de Troie, favorisa leurs entrevues, et bientôt il en résulta un fils nommé Munychus. Acamas fut du nombre de ceux que nous verrons entrer dans la ville de Troie, enfermés dans un cheval de bois.
Après Thésée, l’argonaute sur lequel il nous reste encore à dire quelques mots, c’est Méléagre fils d’Œnée, mais la fable dont il est entouré, veut que nous remontions jusqu’à son père.
Cet Œnée était fils de Parthaon et d’Eurite fille d’Hippodame ; il épousa d’abord Althée fille de Thespius et d’Eurythémis, il en eut trois fils Méléagre, Theras et Climène, ou suivant d’autres Phérée, Agélas et Périphas, et quatre filles Gorgé ou Jorgé, qui épousa Andrimont et en eut Oxilé, Eurymède, Menalippe ou Motone et Dejanire ; ensuite il épousa Péribée qui le rendit père de Périphas, de Phérée, et de Tydée, père de Diomède. Lors de la naissance de Méléagre, Althée consulta l’oracle, et apprit que ce fils mourrait dès que le tison, alors brûlant dans son foyer, serait consumé. Elle retira donc bien vite ce tison précieux, l’éteignit et fut le cacher en terre ; mais le roi son mari ayant oublié Diane ou Cérès, dans un {p. 296}sacrifice qu’il offrit à tous les dieux en l’honneur de cette naissance, la déesse oubliée fut irritée, et pour se venger, envoya un énorme sanglier qui ravagea toutes les campagnes Calydoniennes. Méléagre, une fois en état d’aller à la chasse, se mit à la tête des jeunes héros Grecs, réunit autour de lui ses plus fidèles amis, presque tous déjà connus, et fut avec eux combattre ce fameux sanglier de Calydon, que l’on disait de la grandeur d’un taureau, auquel on donnait des soies en fers de lance, des défenses pareilles à celles d’un éléphant, et une haleine pestilentielle qui frappait de mort quiconque avait le malheur de la respirer. Les princes coalisés étaient au nombre de quarante, sans compter Méléagre ; on les appelait : Admète, fils de Phérès ; Adraste ; Alcon, fils d’Hyppocoon ; Amphiaraüs d’Oïclée ; Amphicide ; Ancée, fils de Lycurgue, époux d’Eurydice et roi de Pelasgue ; Atalante, fille de Schœnée ; Castor, fils de Jupiter ; Cénée ; Céphée, fils de Lycurgue ; Cométès, de Thespius ; Denuxippe ; Dryas ; Echion ; Eupolamon ; Eurytion, fils d’Actor ; Evippe de Thestius ; Hippase ; Hippocoon ; Hippothoüs, cru fils de Cercyon ; Hylée ; Idas, fils d’Apharée ; Iolas ; Iphiclès, fils d’Amphitryon ; Jason, fils d’Eson ; Laërte, père d’Ulysse ; Lelex, fils de Neptune ; Leucippe ; Lyncée, fils d’Apharée ; Menetius, père de Patrocle ; Mopsus ; Nestor, fils de Nelée ; Panopée ; Pélée, fils d’Eaque ; Phénix, d’Amyntor ; Phylea ; Pirithoüs, fils d’Ixion ; Plexippe, l’un des frères d’Althée ; Pollux, fils de Jupiter ; Prothée, fils de Neptune ; Télamon, d’Eaque ; Thésée, d’Egée, et Toxée, second frère d’Althée.
Méléagre après avoir réuni tout son monde, dirigea l’attaque contre le terrible sanglier ; Échion l’attaqua le premier, mais son javelot manqua son coup ; Jason ne fut pas plus heureux ; Mopsus l’atteignit sans le blesser, mais le rendit plus furieux ; alors la belle Atalante, amante du chef de la chasse, fut la première qui le blessa, en lui décochant une flèche derrière l’oreille. Aussitôt Méléagre le perce de son épée, et après qu’Amphiaraüs l’eut achevé, il en coupe la hure et l’offre en présent à l’intrépide chasseresse. Cette honorable et juste préférence excita pourtant parmi les chasseurs une jalousie qui se termina par une rixe sanglante, dont Méléagre sortit vainqueur, après avoir fait tomber sous ses coups ses deux oncles maternels Plexippe et Toxée. Alors Althée mère de Méléagre, désolée de la perte de ses frères s’irrite contre son fils, se souvient de l’oracle, court chercher le tison où elle l’avait caché, puis dans son désespoir, oubliant qu’elle est mère, elle dévoue ce fils aux furies et jette au feu ce précieux et fatal tison. Soudain Méléagre sentit couler dans ses entrailles un feu dévorant, qui ne s’éteignit qu’avec sa vie, lorsque le tison fut entièrement réduit en cendres. Quelques poètes ont ajouté que ce furent les Parques qui, lors de l’accouchement d’Althée, lui rendirent visite et l’informèrent du destin de son fils ; Clotho avait dû lui annoncer sa renommée future, Lachésis sa force extraordinaire, et Atropos sa fin toute conditionnelle. D'autres écrivains, d’après Homère, disent que Diane, toujours irritée, excita un violent démêlé entre les Etoliens et les Curètes, pour la peau du monstre ; les premiers restèrent long-temps vainqueurs, mais leur chef Méléagre, outré de ce qu’Althée sa mère désespérée de la mort de ses frères, le dévoue aux furies, quitte les Étoliens qui sont ensuite battus par les Curètes, que Méléagre chasse à la fin pour céder aux prières de Cléopâtre ou d’Alcyone fille d’Idas et de Marpesse sa {p. 297}femme ; mais bientôt les furies auxquelles il était dévoué, abrègent sa vie : alors son épouse meurt de chagrin, et sa mère, cause de sa mort, se pend de désespoir.
Pélée et Télamon. Déjà l’on a vu, dans l’expedition des Argonautes et dans celle des chasseurs du sanglier, deux frères, Pelée et Télamon, dont nous devons d’autant plus parler ici, que nous retrouverons plus tard leurs enfans, Achille et Ajax le télamonide, combattre encore l’un à côté de l’autre au siége de Troie. Tous deux fils d’Éaque, ils furent tous deux exilés de leur patrie pour la même cause accidentelle, ce qui laisse beaucoup d’incertitude sur leurs premières années ; quoi qu’il en soit, ils furent bannis à perpétuité pour avoir tué involontairement d’un coup de palet leur frère de père Phocus, né de Psamathée. En vain, Télamon essaya de se justifier ; il fallut partir et quitter sa patrie.
Alors, Télamon fils d’Endeis se réfugia chez Cychrée roi de Salamine, dont il épousa Glaucé, sa fille chérie, ce qui le fit monter sur le trône de Salamine après la mort de son beau-père. Plus tard, il épousa Péribée, fille d’Alcathoüs, et il en eut Ajax le Telamonide ; puis il se maria en troisième lieu avec Hesione, qu’Hercule avait ramenée de Troie, fille de Laomédon et sœur de Priam, et elle eut Teucer de cette alliance ; ensuite, lors de la seconde guerre de Troie, ne pouvant plus aller à l’armée, Telamon envoya ses deux fils avec les Grecs.
Quant à Pélée, né aussi de la Chironide Endéis, le même crime lui fut attribué : il se réfugia donc à Pythie, en Thessalie, à la cour d’Eurytion, qui lui accorda la main d’Antigone sa fille, avec le tiers de son royaume ; il en eut Polydore, jeune fille que le fleuve Sperchius rendit mère de Ménesthius, et que pourtant Bors, fils de Pénérès, épousa ensuite. L'on dit que Pélée, ayant encore percé accidentellement Polydore, lors de la fameuse chasse du sanglier de Calydon, fut obligé de s’éloigner de Pythie et de s’exiler à Iolchos, où Acaste, roi de cette ville, le purifia. Mais, comme Hippolyte, n’ayant pas voulu céder aux sollicitations criminelles d’Astydamie, femme d’Acaste, celle-ci l’accusa auprès de son mari, qui fit charger de chaînes Pélée, jusqu’à ce que Jupiter, son grand-père, fût venu à son secours, en envoyant le délivrer par Castor et Pollux ou Jason ; mais pendant sa captivité, Astydamie ayant écrit à Antigone que son mari était sur le point d’épouser Stérope, cette fidèle épouse, de chagrin s’était pendue. Il voulut donc venger sa mort : et pour cela, il s’allia à une déesse, à Thétis, sœur du roi de Scyros Lycomède et fille de Nérée et de Doris. Nous avons vu de quelle manière les Dieux célébrèrent cette union et comment la discorde se vengea de n’avoir pas été invitée aux noces, en jetant sur la table du festin une pomme sur laquelle on lisait la légende : a la plus belle, ce qui força Junon, Minerve et Vénus à prendre Pâris, fils de Priam, pour juger, en lui promettant la main d’Hélène, qui prit la fuite et épousa Ménélas ; puis fut ensuite enlevée par Pâris, d’où vint la guerre de Troie. Peu de temps après ces noces, Pélée devint père d’Achille, qui l’envoya avec les Grecs à la guerre de Troie. Alors, Pélée auquel on donne aussi pour femme Laodamus fille d’Alcméon, vécut tranquillement, dirigeant son peuple et ses nombreux troupeaux, dont il avait confié la garde à Anétor, son berger. Quelques auteurs faisant vivre Pélée après la mort d’Achille, soutiennent qu’il fut défendre Andromaque {p. 298}et Molosse son fils, des attaques de Ménélas et d’Hermione, puis que sur une invitation de Thétis, il fut rejoindre son fils aux îles fortunées ; ce que l’on peut traduire moins poétiquement en disant qu’alors il mourut.
Il nous reste enfin à parler d’un dernier fils de Neptune, de Triton qu’il avait eu d’Amphitrite. Il n’était qu’un Dieu des eaux, de seconde classe, soumis aux ordres de Neptune et de son épouse, dont il précédait le char armé d’une conque marine qui lui servait de trompette. Il était moitié homme et moitié poisson. On le voyait souvent se promener sur les flots accompagné de Tritons inférieurs, qui bondissaient et folâtraient autour de lui. Il annonçait l’arrivée du Dieu des mers au son de sa conque recourbée. Quelquefois sa présence précédait les tempêtes, mais le plus souvent il ne paraissait que pour apaiser les flots irrités. Misène, trompette d’Enée, s’étant vanté de surpasser Triton dans l’art musical, fut saisi par ce dernier qui le noya sous les flots. Parfois on voit Triton monté sur un char traîné par des chevaux bleus. On représente les tritons avec des chevaux verts, de larges oreilles, une bouche d’une grandeur extraordinaire, des dents longues, des yeux bleus, des mains en forme de griffes et des nageoires à la poitrine et au ventre.
Maintenant si nous passons aux Dieux et Divinités qui étaient forcés d’obéir à Neptune, nous trouvons d’abord le vieil Océan et sa sœur et épouse Téthys, couple puissant dont nous allons dire quelques mots. Cet Océan, comme on le sait, était fils du ciel et de la terre, il régnait sur la mer, les fleuves et les rivières. On sacrifiait en son honneur avant d’entreprendre un voyage maritime ; et on le représentait comme un vieillard assis sur les ondes marines, le front surmonté de deux pinces d’écrevisses, portant une pique à la main et ayant auprès de lui un monstre marin de forme inconnue. On le prenait quelquefois pour l’un des titans, par conséquent pour le père de tous les dieux et même de tous les êtres. On le faisait toujours époux de sa propre sœur la titanide Téthys, qui nourrit Junon et qui, avec le secours du géant Egéon, avait remis en liberté Jupiter, un jour que les autres Dieux l’avaient attaché. Cette Téthys que l’on prenait poétiquement pour la mer, portait un nom grec signifiant nourrice, par allusion à l’humidité qui nourrit toutes les productions de la nature. On donnait encore pour épouses à l’Océan Pampholyge et Parthénope. De cette dernière il eut Asie et Lybie, et de l’autre Europe et Thrace, quant à Téthys, elle le rendit père de la plupart des trois cents principaux fleuves du monde, tels que l’Alphée, le Pénée, le Strimon, l’Achéloüs, l’Ardescus, le Cocythe, le Méandre, l’Evenus, l’Indus, l’Inachus, et de trois mille nymphes appelées Océanides.
Cependant, le nombre des fleuves ne se bornait pas aux simples fils de l’Océan, et pour mieux le prouver, nous allons faire connaître quelques-uns de ces fleuves de l’antiquité ; ils passaient pour des divinités auxquelles Neptune accordait le plus souvent une portion de sa puissance ; aussi les vénérait-on presqu’autant que le Dieu des mers lui-même. On leur immolait des taureaux blancs, d’où leur venait les surnoms de Tauriceps et de Taurophages ; quelquefois même, on leur sacrifiait des chevaux comme à Neptune. On les représentait nus, couronnés de roseaux, le menton chargé d’une barbe épaisse, qui leur descendait jusque sur la poitrine, appuyés sur une urne {p. 299}versant leurs ondes. Ils tenaient une ancre ou un gouvernail quand les vaisseaux pouvaient voguer entre leurs rivages ; voici quels étaient les plus célèbres de ces fleuves :
Achélous, fils de l’Océan et de Téthys, était un des trois cents fleuves que la Mythologie donne comme descendans primordiaux de ces deux divinités. Il combattit contre Hercule pour Déjamre, lorsque ce héros voulut traverser ses flots. Hercule l’ayant terrassé, il se métamorphosa en un serpent monstrueux, mais il ne fut pas plus heureux sous cette forme que sous celle d’un taureau, qu’il prit ensuite, car il perdit une de ses cornes, et, honteux de sa défaite, il s’enfuit dans les eaux de son fleuve. On dit que de cette corne, les nymphes formèrent la corne d’abondance. On dit aussi que cinq nymphes ayant sacrifié sur ses bords et l’ayant oublié dans leur sacrifice, Acheloüs emporta sa rive, et les cinq nymphes submergées formèrent cinq îles, que l’on appelait Échinades, aujourd’hui Curzole. Il épousa Perimèle, fille d’Hippodamas ou Périmède, fille d’Eole, et en eut Oreste et Hippodamas. Il eut pour amante une des Muses, Melpomène, Calliope ou Stérope, qui le rendit père des sirènes. L'Achéloüs réel sépare l’Etolie de l’Arcananie ; il prend sa source dans le Pinde, traverse Dodone, berceau des Hellènes et se jette dans la mer Ionienne ; on le nomme aujourd’hui Aspropotamo, ou fleuve Blanc.
Achéron, nous le trouverons en parlant des enfers.
Acis, fils du dieu Faune et de la nymphe Simèthe, fut l’amant heureux de la belle Néréide Galatée, qui était l’objet des vœux du cyclope Polyphème. Chaque jour, Acis se rendait auprès de son amante, et dans les bras l’un de l’autre, ils passaient successivement des momens de plaisir. Leur bonheur eût été parfait si Acis n’eût eu pour rival le terrible fils de Neptune. Un jour, Polyphème espérant attendrir Galatée, s’approche furtivement de sa grotte et va pour lui adresser le discours le plus tendre, quand tout à coup il aperçoit Acis aux pieds de sa nymphe chérie. Le cyclope, à cette vue, pousse un cri terrible, qui ne peut effrayer Galatée, dont l’immortalité la mettait à l’abri de son courroux. Malheureusement, il n’en était pas de même du jeune Acis qui, dans son effroi fut se cacher au milieu des roseaux. Cependant, Polyphème, armé d’un énorme rocher, le poursuit, l’atteint, et l’écrase sous cette masse. Son sang rejaillit sur son amante éperdue : mais déjà ce n’est plus du sang, car cette amante fidèle, Galatée, veut que son ami vive éternellement sous une autre forme, et aussitôt le corps d’Acis s’est changé en rocher et son sang en une onde transparente. Ce fleuve se nomme aujourd’hui Iaci.
Adresque, était un des fils de l’Océan et de Téthys. Almon, était un fleuve romain, que l’on disait aïeul des Lares.
Alphée, dieu-fleuve, fils de l’Océan et de Téthys, ayant tué par mégarde son frère Cércaphe, se précipita de désespoir dans le fleuve Nyctime, pour expier ce crime involontaire. Le fleuve Nyctime prit depuis le nom d’Alphée. Suivant plusieurs auteurs, Alphée était un grand chasseur, sur lequel on avait brodé la fable suivante : un jour, disait-on, qu’il était à la chasse d’un sanglier, il aperçut Aréthuse, la plus belle des nymphes du cortége de Diane ; alors, il lui offrit ses vœux, mais elles les refusa ; cependant, Alphée n’en continua pas moins à la poursuivre jusque dans l’île d’Ortygie, en Sicile, où les Dieux la changèrent en fontaine, pour la soustraire {p. 300}aux pressantes sollicitations d’Alphée. Attène, était un dieu-fleuve, dont l’eau servait à Podalize, pour guérir toutes les maladies. Aniene, fleuve d’Italie, qui devint l’Anio, et se trouve aujourd’hui le Tévérone. Arcture, dieu-fleuve, père de Chloris, qui fut enlevée par Borée. Asine, était également un dieu-fleuve de Sicile.
Asope, dieu-fleuve, fils de Jupiter et de Clymène, épousa Métope, dont-il eut deux fils, Ismène et Pélasgue, et vingt filles, dont quinze seulement sont connues, savoir : Aspis, Antiope, Cléone, Chalcis, Égine, Éroé, Harpine, Némée, Oénia, Péro, Pirène, Platée, Salamine, Sinope, Tanagre, Thespia et Thèbé ou Thisbé. Asope régnait à Platée, ville qui reçut son nom de l’une de ses filles : il surveillait strictement la conduite de ses enfans, aussi Jupiter s’étant épris des charmes d’Egine, changea son père en fleuve pour l’empêcher de s’opposer à ses amours. Asope, devenu fleuve, voulant cependant, sous cette métamorphose, se venger de Jupiter, enfla ses eaux pour submerger le pays ; mais le dieu du tonnerre irrité, lança la foudre et força les flots du fleuve à remonter vers leur source. Axios fleuve de Macédoine, était l’époux de Péribée fille aînée d’Acessamène, il en eut Pélagon père d’Astéropée d’où descendait Eurybate fils d’Euphème. Les eaux de ce fleuve Axios avaient la puissance, disait-on, de faire naître les troupeaux roux ou noirs.
Caystrius, dieu-fleuve qui passait pour fondateur du temple de Diane, à Ephèse. Cébréen, fleuve de Cébrinia en Troade, père d’Astérope et d’Œnone ou Cebrenis.
Céphise, dieu-fleuve de l’Attique, était fils de Pontos et de Thalassa, il eut de la nymphe Liriope le beau Narcisse. Il avait près d’Orope un autel qu’il partagea conjointement avec les nymphes, le die Pan et Achéloüs. On lui éleva aussi un temple en Argolide ; la fontaine de Castalie, à Delphes, était sous sa protection, et dans ses eaux, Vénus et les Graces se plaisaient à se baigner. Un autre fleuve Céphis coulait aussi dans la Phocide, mais il n’est resté sur ces deux fleuves que des traditions obscures, qui souvent les font prendre aujourd’hui l’un pour l’autre.
Chrysas, dieu-fleuve de Sicile, représenté sous la forme d’un jeune homme, portant une amphore et une corne d’abondance ; Cladée, dieu-fleuve de l’Elide ; Clitumne ou Clitomne, fleuve de l’Ombrie qui rendait des oracles.
Crinise, grand dieu-fleuve de la Sicile, dont il fut, dit-on, le premier habitant ; cependant on disait qu’avant d’être fleuve, il avait été prince troyen sous le nom d’Hypothès, et amant de la nymphe Égeste, qui l’avait rendu père d’Aceste. Dyras, dieu-fleuve de la Thessalie, sortit de terre pour prêter secours à Hercule. Égée, fleuve confondu peut-être avec la mer Egée, qui prit ce nom, dit-on, après avoir reçu dans ses eaux, Égée père de Thésée ; quoi qu’il en soit, Melite passait pour fille de ce dieu-fleuve. Énipée, dieu-fleuve de l’Elide, précédemment berger, et dont les eaux servirent à tromper dans son propre intérêt ou dans celui de Neptune, la fille de Salmonée, Tyro qui en eut Pélias et Nélée. Éridan aujourd’hui le Pô, fleuve de Lombardie ; il est célèbre dans la Mythologie, par la chute de Phaéton, lorsqu’il voulut conduire le soleil. L'Éridan fut placé dans les cieux où il forme une des constellations australes, sous le même nom.
Erymante fils d’Arcas et père de Xanthus, donna son nom à un fleuve et à une montagne d’Arcadie. Euphrate, fleuve fils de Pontos.
{p. 301}Eurotas, un des rois les plus anciens de la Laconie, fils de Lelex et père de Sparta femme de Lacédémone ; il fit disparaître les eaux qui submergeaient cette contrée, en les forçant de s’écouler par un seul canal qu’il fit faire, et par là délivra la Laconie des miasmes pestilentiels qui causaient de graves épidémies. Ce grand canal prit le nom d’Eurotas, qui fut si célèbre dans la Mythologie, par les amours de Jupiter et de Léda, par les jeux de Castor et de Pollux, par l’enlèvement de leur sœur Hélène par Thésée, par la métamorphose en laurier de Daphné, lors des poursuites d’Apollon, et par les chasses de Diane sur ses bords. Ce fleuve coulant près de l’Olympe se nomme aujourd’hui Visilipotamos ; les Turcs le regardent encore comme un fleuve aux eaux divines, dans lesquelles ils vont se baigner pour mériter le ciel. On lui donnait pour fille la rivière Tiase en Laconie. Évenus, dieu fleuve de l’Étolie. Haleze, fleuve de Sicile, sur les bords duquel Proserpine cueillait des fleurs lors de son enlèvement. Haliagmon, dieu fleuve fils de l’Océan et de Téthys. Inachus, fondateur du royaume d’Argos dans le Peloponèse, où il arriva vers l’an 1856 ou 1586 selon d’autres, avant J.-C., il fut le chef de la race des Inachides, passait pour fils de l’Océan et de Téthys, comme étant arrivé par les mers et donna son nom à un fleuve père de la nymphe Io, fleuve qui s’appelait d’abord Amphiloque, et qui servit d’arbitre dans une dispute entre Junon et Neptune. Cet Inachus fut donc le père d’Io, de Mycène, de Phoronée, et d’Egialée. Phoronée qui lui succéda devint le père d’Apis et de Niobé, la première femme aimée par Jupiter. Quant à Egialée il fonda le royaume de Sicyone, puis Io connue comme sa cousine, fut aimée du maître des Dieux, ensuite on vit Argos gouverné par une longue suite de rois appelés Inachides, parmi lesquels on distingue Argus, Criasus, Phorbas, Triopas, Sténélus et Gélanor. Ismenus fils de Pelasgue, n’était autre que le Ladon, auquel il donna son nom, dieu fleuve, dont les eaux coulaient en Arcadie, il épousa Méthoné fille du géant Alcyoné. Il en eut Métope, Daphné, Syrinx et Telphusse, nymphe et fontaine, dont les eaux glaciales donnèrent la mort au devin Tirésias lorsqu’il en but.
Méandre, fleuve de la grande Phrygie, fils de la terre et de l’Océan, et père de Cyanée, mère de Caunus et de Biblis ; il était aussi une simple rivière de l’Ionie : les Sicyoniens soutenaient qu’elle reparaissait chez eux sous le nom d’Asope. On donnait encore pour fils à Méandre, Calame, amant de Carpo et Samic. Ménane ou Aménane, dieu-fleuve de Sicile.
Nessus, dieu fleuve fils de l’Océan et de Téthys ; ils étaient deux du même nom, l’un coulant dans la Thrace, l’autre en Illyrie, mais ni l’un ni l’autre ne doivent être confondus avec le centaure Nessus, dont la tunique couverte de son sang empoisonné causa la mort d’Hercule.
Oaxès ou Oaxus, fleuve de Crète, fils d’Apollon et d’Anchiale ou d’Acacallis, et alors petit-fils de Minos.
Pactole, dieu-fleuve, reçut de Midas, roi de Célènes, le brillant privilége de rouler dans ses eaux des paillettes d’or. D'autres disent que cette prérogative lui venait d’une plante qui portait de l’or. Il fut père d’Euryanasse, épouse de Tantale et mère de Pélops. Persé, fleuve, né de Péro fille du fleuve Asope. Pamise, dieu-fleuve de Messénie. Phyllis, dieu-fleuve d’Ipsaque. Pénée, dieu-fleuve, époux de Bura et père de Daphnée ; ses eaux arrosaient la fertile vallée de Tempé en {p. 302}Thessalie ; il eut encore pour fils Andrée et Anthrax. Sangare, dieu-fleuve de l’Asie-Mineure, père de Sangaride amante d’Atys, coulait en grande partie dans la Phrygie, il était fils de la terre ou d’un roc primordial.
Scamandre, fils de Corybas, dieu-fleuve de la Troade, où on lui avait élevé un temple, dans lequel le sage Dolopion fut un des premiers sacrificateurs. On lui donne le nom de Xanthe, parce que ses eaux rendaient les femmes blondes. Les jeunes vierges, la veille de leurs noces, allaient lui offrir leur virginité, ce que souvent le dieu voulait bien accepter. Alors il conduisait la jeune fille dans une grotte, et là il l’initiait aux mystères de l’amour, ensuite la renvoyait à son époux, qui toujours était charmé de cet honneur. Considéré sous le nom de Xanthe, il protégea les Troyens contre les Grecs, ainsi Achille pensa être noyé, lorsqu’un jour le Xanthe réunit ses eaux à celles du Simoïs ; mais Vulcain le fit repentir de son zèle pour la cause de Priam : il embrasa la plaine et tarit presque ses eaux qui auraient été anéanties si Vulcain ne lui eût fait grace, après lui avoir fait jurer qu’il ne s’opposerait plus au cours des destins. Le Scamandre eut pour fille Strymno, femme de Loamédon et mère de Tithon ; comme dieu, le Scamandre eut pour grand-prêtre Dolopion, père d’Hypsénor.
Simoïs, dieu-fleuve, sauva la ville de Troie, pendant que les Grecs en faisaient le siége, en réunissant ses eaux avec celles du Xanthe, et en les faisant déborder de toutes parts. Cependant aujourd’hui le Simoïs n’est plus qu’un faible ruisseau, il eut pour fille Astioche mère de Tros, et Hieromnème.
Soloon, dieu fleuve de la Bithynie, fut amant d’une amazone ou esclave de Téthys.
Sperchius, dieu-fleuve, auquel Pelée, pour suivre une coutume de tous les Grecs, lui consacra la chevelure d’Achille, avant qu’il ne partît pour la guerre de Troie.
Strymon, était ou le fleuve de Thrace, sur les bords duquel Orphée pleura la mort d’Eurydice, ou un fils de Mars ; il fut à peu près comblé par Hercule ; on lui donne Néère pour femme, Brangas pour fils, et pour fille Evadné, femme d’Argus, roi d’Argos.
Tibre, fleuve du Latium, fut mis au nombre des Dieux indigènes, par les Romains, et fut regardé comme le plus puissant de tous. On le représente environné de fleurs, de fruits, tenant une corne d’abondance et un aviron. Sa tête est ceinte d’une couronne de laurier, à ses côtés on voit une louve allaitant deux jumeaux, Romulus et Rémus ; le Tibre uni à Manto avait eu Œnos. Thermodon, dieu-fleuve, fils de Pontos et de Thalassa.
Tigris, fils aussi de Pontos et de Thalassa, était un dieu-fleuve de l’Asie ; on le représente appuyé sur une urne. Un autre cours d’eau du même nom, était un simple ruisseau du Péloponèse. Vulturne, dieu-fleuve de la Campanie.
Quant aux cinq fleuves : Achéron, Cocyte, Phlegeton, Stix et Léthée, nous n’en disons rien ici, car on les trouvera décrits fort en détail, quelques pages plus loin, lorsque nous parlerons de l’empire du Pluton, dans lequel ils se trouvaient.
Les filles de l’Océan et de Téthys, auxquelles on avait donné le nom d’Océanides, et dont le nombre dépassait plus de trois mille, étaient représentées avec des yeux bleus et une peau de même couleur, avec des cheveux et des sourcils d’un bleu-noir, comme emblème de la couleur des flots. Elles pouvaient poursuivre de leur colère {p. 303}ou protéger les na[ILLISIBLE]niers ; aussi jouissaient-elles d’un culte assez étendu ; on leur adressait des prières ; on leur offrait des libations et même des sacrifices d’agneaux en temps calme, ou d’un taureau noir pendant la tempête, ou de porcs. Le sang de ces victimes était reçu par les ondes en pleine mer, ou recueilli précieusement dans des vases, sur les côtes. Voici quelles étaient les principales océanides : Acamarchis, Acaste, Adma ou Ad-Amète, Amphirrboé Aphitrite, Beroé, Callirrhoé, Callypso, Capisyre, Chio, Circéis, Clio, Clymène, Clytie, Coryphe, Crisie, Cymaduse, Cydippe, Cymodoce, Daira, Dioné, ou Déiopé, Dexamène, Doris, Dosithée, Dynamène, Ephyre, Electre, Erase, Ettira, Eudore, Europe, Eurinome, Galaxaure, Hippo, Ianita, Ianthé, Idothée, Idyia, Laodamie, Laodice, Leucippe, Liriope, Melibée, Mélantho, Mélie ; Melisses ou Archia, Mélobosis, Menestho, Métis, Ocyrrhoé, Pasithée, Persa ou Perséis, Pétrœa, Pitho, Pléione, Plexanor ou Plexaure, Pluto, Polydora, Prymno, Rhodia, Styx, Telestho, Téthys, Thalie, Thoé, Tyché, Uranie, Xanthe, Xeuxo.
Sans nous étendre long-temps sur tout ce qui peut intéresser chacun de ces noms, nous ferons simplement les remarques suivantes : Calypso est souvent prise comme néréïde, et toujours comme amante d’Ulysse, que nous retrouverons plus loin, et mère d’Auson, de Nauzinoüs et de Nausittroüs. Caphyre fut une nourrice de Neptune ; Clymène fut la femme de Japet et mère des trois frères Atlas, Prométhée et Epiméthée ; Cymodoce fut la compagne de Cyrène ; Daira fut aimée de Mercure, et mère d’Eleusis ; Déiopé, compagne également de Cyrène ; Ephyre fut la femme de Prométhée ; Ethra était femme d’Atlas et mère des Atlantides ; Idyia, femme du roi Colque Cètes, fut la mère de Médée ; Liriope aînée de Céphise, fut la mère de Narcisse ; Melantho fut aimée de Neptune ; Mélibée était l’épouse de Pélasgue ; Mélie, amante de Neptune ; Persa ou Perséis, avait été l’épouse du soleil ; Pléione fut aussi femme d’Atlas et mère des Pléïades ; Rhodé, fut femme d’Apollon, dont elle eut Phaéton ; Téthys était, nous le savons, fille et femme de l’Océan et mère de toutes les océanides ; Tyché, était l’une des compagnes de Proserpine, lors de son enlèvement par Pluton.
Néréides. Après les grandes Divinités de la mer, on voyait venir une troupe de jeunes filles, soumises aux volontés de Neptune ; elles étaient nées au nombre de cinquante, de Doris l’une des plus célèbres océanides, épouse de Nérée son frère, qui avec Pontos, Ogên ou l’Océan et Posidôn, formait les sommités mâles de l’empire de la mer ; on représentait Nérée sous les traits d’un vieillard à longue barbe azurée, résidant au milieu de la mer Egée, entouré de ses filles dansant en chœur, de dauphins, de chevaux marins et des autres habitans de l’empire de Neptune. Ce vieillard avait l’esprit prophétique, mais changeait de formes pour se dérober aux mortels curieux de l’avenir ; il annonça au berger Pâris, les malheurs que nous verrons accabler Troie, par suite de l’enlèvement d’Hélène. On le nommait le plus ancien des dieux, et son nom souvent était pris pour celui de la mer elle-même. Ses filles appelées Néréides ou Dorides, auxquelles on prêtait le pouvoir d’agiter ou de calmer les ondes, étaient honorées d’un culte particulier par les matelots, qui leur adressaient des vœux et des prières, dans le cours de leurs voyages. {p. 304}On leur élevait des autels sur les côtes, on leur offrait du lait, de l’huile, du miel et même quelquefois des chèvres en sacrifice ; puis l’on décorait de coquillages et de pampres verts, les grottes où l’on pensait qu’elles faisaient leurs demeures. Ces néreïdes étaient, nous l’avons dit, au nombre de cinquante, dont voici les noms recueillis d’après Hésiode, Homère, Hygin et Apollodore : Actée, hésiode ; Agavé, hé ; Amathée ou Amathie, homère ; Amphinome, ho ; Amphitrite, hé : Amphitros, ho ; Apseude, ho ; Aréthuse, hygin ; Asva, hy ; Autonoé ou Antonomé, hé ; Béroé, hy ; Callianire, ho ; Callianusse, ho ; Calypso, apollodore ; Céto, ap ; Cleis, hy ; Clymène, ho ; Cranto, ap ; Crénis, hy ; Cydippe, hy ; Cymantoleghé, hé ; Cymo, hé ; Cymodocée, hé ; Cymothoé, he ; Déiopée, hy ; Déjanire, ap ; Déro, ap ; Dexamène, ho ; Dioné, ap ; Doris, hé ; Doto, hé ; Drymo, hy ; Dynamène, hé ; Eione, hé ; Ephyre, hy ; Eucraté, hé ; Eudora, hé ; Eulimène, hé ; Eumolpe, ap ; Eunice, hé ; Eupompe, hé ; Eurato ou Erato, hé ; Eurydice, hy ; Evagore, hé ; Evarné, hé ; Galatée, he ; Galéné, hé ; Glauca ou Glaucé, hé ; Glauconome, hé ; Glaucothoé, ap ; Halia, ho ; Halimède, hé ; Hipponoé, hé ; Hippothoé, hé ; Iéra, ho ; Ianira, ho ; Ione, ap ; Isée, ap ; Laomédie, hé ; Leucothoé, hy ; Liagore, hé ; Ligée, hy ; Limmorie, ho ; Lisyanasses, hé ; Lycorias, hy ; Mélie, ap ; Mélite, hé ; Ménippe, hé ; Méra, ho ; Némertès, hé ; Neoméris, ap ; Nésia, hé ; Néso, hé ; Nossa, ho ; Opis, hy ; Orithyie, ho ; Panopée, hé ; Pasithée, hé ; Phéruse, hé ; Phillodocée, hy ; Pione, ap ; Plésaure, ap ; Polinoé, ap ; Polinome, he ; Pontoporée, hé ; Pronoé, hé ; Proto, hé ; nrotoméduse, ap ; Protomélie, hé ; nsamathée, hé ; Sao, hé ; Spio, hé ; Thalie, hé ; Thémisto, hé ; Thétis, hé ; Thoé, hé ; Xantho, hy.
Nous avons peu de choses à dire sur chacune de ces néréides ; cependant on le sait : Galatée fut l’amante d’Acis ; Pasithée fut la femme d’Erecthonius et mère de Pandion ; Psamathée fut la maîtresse d’Éaque, roi d’Egine et mère de Phocus.
Mais la plus remarquable des néréides c’est Téthis ; elle en était la plus belle et fut l’objet des vœux d’Apollon, de Neptune et de Jupiter. Pourtant les Dieux ayant appris qu’un vieil oracle de Thémis, déesse de la justice, portait que le fils de Téthis serait plus illustre que son père, ne tardèrent pas à retirer leur demande, de crainte qu’elle ne fût acceptée, afin de ne pas être exposés à voir naître un enfant qui un jour devait les effacer. Téthis se trouva par-là réduite à n’avoir pour prétendans que de simples mortels, dont le plus heureux fut Pélée fils d’Éaque, qui la poursuivit avec le plus d’ardeur : en vain, pour se soustraire à ses poursuites, prit-elle diverses formes, il réussit, avec les conseils de Chiron, à l’enchaîner : par ce moyen il vainquit sa résistance et devint son époux. Nous avons déja vu que ce mariage eut lieu sur les monts Pélion, en présence de tous les dieux assemblés, qui firent les uns après les autres leurs présens de noces. La discorde seule n’avait pas été invitée, et pour s’en venger, elle jeta au milieu de la table du festin, une pomme sur laquelle elle avait gravé ses mots : a la plus belle. Téthis eut plusieurs enfans qu’elle perdit en les plongeant dans une chaudière d’eau bouillante, pour voir s’ils étaient immortels ; cependant ayant donné le jour au vaillant Achille, Pélée empêcha l’épreuve, et Téthis ne put que le plonger immédiatement après sa naissance, dans les eaux du Styx pour le rendre invulnérable, privilége qu’il obtint, excepté au talon, par où sa {p. 305}mère avait été obligée de le tenir. Nommé d’abord Ligyron ou Piryroüs, Achille que nous rencontrerons au siége de Troye, eut de Déidamie son fils Néoptolème ou Pyrrhus, qu’Andromaque rendit père d’Amphiale, ou de Molossus, de Pictus et de Pergame.
Quant à Pélée, que Téthis avait été forcée de choisir pour époux, il était, nous le répèterons, fils d’Eaque, roi d’Egine et de la nymphe Endéis, fille de Chiron. Ayant eu le malheur avec Télamon, de tuer accidentellement leur frère Phocus, il fut chercher une retraite à Pthie en Thessalie, où il épousa Antigone fille du roi Eurythion, dont le père Alope avait pour frères Irus et Ménèce, que Sténélée rendit père de Patrocle ami d’Achille ; cet Alope en outre était fils d’Actor, l’Eolien, et d’Egine fille d’Eaque. Pélée se rendit avec Eurythion, comme nous l’avons vu, à la fameuse chasse du sanglier de Calydon, mais ayant encore eu le malheur de tuer son beau-père en lançant son javelot contre le sanglier, il s’exila volontairement de sa patrie adoptive et fut chercher son expiation à Iolchos, auprès du roi Acaste fils de Pélias, qui la lui accorda. Malheureusement son repos ne tarda pas à être troublé de nouveau, car n’ayant pas voulu répondre au coupable amour qu’il avait inspiré à Créthéis ou Hippolyte, femme du roi, celle-ci l’accusa faussement auprès de son mari, d’avoir attenté à son honneur. Acaste alors dissimulant sa colère, conduisit Pélée pendant une partie de chasse, sur le mont Pélion, et l’abandonna à la fureur des bêtes sauvages et des centaures, dont Chiron son grand père le défendit. Plus tard, à son retour de Colchide, ayant trouvé son père mort, il fut avec le secours des Argonautes, ravager la Thessalie, se venger de la cruauté d’Acaste et des calomnies de Créthéis, et célébra le premier, dans ces contrées, des jeux funèbres en l’honneur de Pélias : quoiqu’il soit plus croyable, comme le dit Pline, que ce fut Acaste qui le premier célébra ces jeux. Pelée voulut ensuite venger la mort de son père sur ses sœurs qui l’avaient égorgé, mais Hercule s’y opposa.
Nymphes. Maintenant, parlons des divinités subalternes, que l’on désignait sous le nom de Nymphes. Quoiqu’elles fussent répandues dans tout l’univers, sans que leur troupe légère fût spécialement soumise à Neptune, et qu’elles fussent chargées du gouvernement ou de quelques fractions de la voûte céleste ou de quelques points du globe terrestre, cependant elles entraînaient toujours à leur suite une idée de femme aux formes légères, insaisissables, vaporeuses ; de femme, en outre, entourée de quelque matière humide, telle qu’un nuage, un brouillard ou de l’eau des fontaines et des rivières : aussi, nous sommes-nous, par ces raisons, décidés à les placer toutes à la suite de Neptune.
On donnait le nom de Nymphes aux jeunes filles issues des dieux et des mortelles ; elles tenaient le milieu entre la divinité et l’humanité, elles étaient préposées à diverses spécialités. De là, viennent les noms de Dryades, Hamadryades, Oréades, Napées, suivant leur emploi. Pour caractériser leurs différentes troupes on les divisait en célestes, terrestres ou Uranies, ou Épigie et des eaux ou Hydriades ou Éphydriades. Les nymphes n’étaient pas considérées comme entièrement immortelles, cependant, on leur accordait plusieurs milliers d’années d’existence ; les Hamadryades, dont la vie était la plus courte, pouvaient la prolonger jusqu’à neuf mille sept cent vingt ans.
{p. 306}Sous le nom général de Nymphes, les Romains leur avaient élevé un temple que Clodius brûla ; on leur offrait du lait, du miel, des fruits ; quelquefois on leur sacrifiait une chèvre ou un mouton. Leurs fêtes s’appelaient Nymphées. On représente les nymphes demi-nues, portant des roseaux, des coquilles ou des vases ; quelquefois elles se tiennent par la main ; leurs traits sont brillans de jeunesse, de fraîcheur et d’amabilité. Elles avaient pour amants les fils de Sylvain, dieu des forêts. Pour mieux faire connaître cette véritable armée féminine, nous allons indiquer tous les noms de chacun de leurs groupes, avec les attributs mythologiques qui leur appartenaient. On appelait donc : Amnisiades, les nymphes des bords du fleuve Amnisius. Anigrides, celles attachées au fleuve Anigre, en Thessalie dans le Péloponèse, dont les eaux étaient favorables à la guérison des maladies de la peau. Asies, les nymphes de la suite de Diane. Auloniades, celles des vallons Anxitrophes, ou qui augmentent les alimens, celles qui présidaient aux prairies.
Cithéronides, nymphes qui demeuraient sur le mont Cithéron ainsi que les Muses, auxquelles on donnait le même nom. Commoties, nymphes du lac Catiliensis, en Arcadie, dans lequel se trouvait une île flottante, d’où leur vint le nom Corycides. Elles habitaient, disait-on, au pied du mont Parnasse la grotte Coryque ; aussi étaient-elles souvent confondues avec les muses.
Cythériades nymphes de la cour de Vénus, habitant l’île de Cythère.
Crénées, nymphes chargées de présider aux sources Crétides ou Dyctéennes, à cause de leur habitation en Crète, et particulièrement sur le mont Dicté. Cyclades, nymphes que l’on disait avoir été changées en îles de la mer Égée, pour avoir refusé de sacrifier à Neptune. Dorides ; c’étaient les Néréides. Dryades, nymphes des forêts, qui ne doivent pas être confondues avec les Hamadryades ; car les Dryades présidaient aux chênes, aux bois et aux arbres en général, qu’elles prenaient sous leur protection. Ces Déesses étaient immortelles, séparées de l’arbre qu’elles protégeaient et auquel elles survivaient en liberté, pouvant même danser en liberté autour de leurs protégés conjointement avec les satyres. Quelques Dryades étaient mariées. On les représente avec des traits où brillent la force, la jeunesse et la fraîcheur ; leurs cheveux flottent sans voiles au gré des vents ; la partie supérieure de leur corps est toujours sans vêtement. Elles tiennent une hache à la main, et la partie inférieure de leur buste est terminée par une espèce d’arabesque, semblable aux contours alongés d’un tronc, chargé de ses racines. On les avait imaginées pour empêcher les peuples de saccager les forêts. Aussi pour les abattre, fallait-il que les prêtres eussent déclaré que ces bois venaient d’être abandonnés par les nymphes. Eurydice, femme d’Orphée, était, on s’en souvient, une Dryade. Échinades, nymphes qui furent entraînées par un débordement des eaux du fleuve Achelaüs, pour punition de ne l’avoir pas invité comme elles avaient fait de toutes les divinités champêtres, à un sacrifice qu’elles offraient aux dieux ; mais Neptune en eut pitié et les changea en îles placées à l’embouchure de l’Acheloüs, en Ionie.
Ephydryades, nymphes de toutes les eaux, tant douces que salées. Épigées, nymphes terrestres, préposées aux détails isolés de la nature physique. Fanœ ou Fatuœ, nymphes prophétesses. Fluviales, {p. 307}nymphes des rivières. Épimélides ou Méliades, nymphes des troupeaux. Génnaïdes, nymphes de Phocée. Goniades, nymphes des bords du Cythéron.
Hamadryades, nymphes des forêts, aussi multipliées que les arbres, elles naissaient et mouraient avec celui auquel leur existence était intimement liée. Quelquefois on les personnifie dans une seule nymphe, que l’on appelle alors Hamadryade. Elles ressentaient tous les coups de cognées qui frappaient l’arbre auquel elles étaient attachées, et chacune d’elles était l’arbre personnifié. Cependant, on disait qu’elles avaient pu s’échapper pour courir entendre les chants d’Orphée. Elles passaient pour avoir une tendre reconnaissance envers ceux qui prolongeaient leur existence, dont la durée mythologique pouvait, comme nous venons de le dire, aller jusqu’à neuf mille sept cent vingt ans et pour punir au contraire ceux qui abrégeaient leurs jours. Parmi ces nymphes, plusieurs ont vu leurs noms arriver jusqu’à nous ; ainsi, Ampelle, Arsinoé, Atlantée et Phébée, femmes de la Danaüs, Chysopelée ou Aroserpélie, maîtresse d’Arcas, Polyxo, Ptelée, Tithorée et Tyché. Il ne faut pas confondre les Hamadryades avec les Dryades ; de même, on ne doit pas les prendre pour les huit filles d’Oxile et d’Hamadryade, dont les noms désignent autant de noms spéciaux de différens arbres : Ægiros ou le peuplier ; Ampelos ou la vigne ; Balanè ou le chêne ou le palmier ; Karya ou le noyer ; Kranion ou le cornouiller ; Orea ou le hêtre ; Ptélea ou l’orme ; Syké ou le figuier. Hérésides, nymphes de Junon, préposées aux bains de cette déesse. A Argos, on donnait ce même nom aux prêtres de cette divinité.
Glyphies, nymphes qui devaient leur nom au mont Glyphus, dont elles faisaient leur résidence. Goniades, elles avaient un temple particulier sur le mont Cithérus, près d’Héraclée, en Élide ; les eaux de leur rivière rendait, disait-on, la beauté. Ilissades, nymphes du fleuve Illysse.
Ionides, nymphes également des bords du fleuve Cythérus, elles étaient au nombre de quatre ; Calliphaé, Synallaxis, Pégée et Jasis. Leurs noms venaient des eaux de ce fleuve qui, prises en bains, passaient pour guérir les lassitudes et les rhumatismes. Isménides, nymphes qui habitaient les bords du fleuve Ismenus, près de Thèbes. Lélégéides, nymphes dont le nom leur venait des Lélèges, peuple d’Asie.
Limnades, ou Limniades ou Limnacides, ou Limniques ou Limnées et Limonides, nymphes qui présidaient aux lacs, aux étangs et aux marais.
Lysiades, on appelait ainsi les nymphes des eaux où l’on allait se rafraîchir.
Mélies, Mélides Méliades ou Épimélies, nymphes des prés, des troupeaux ; elles étaient filles de l’Océanide Mélie, qui en outre avait eu pour enfans Térène et Ismenus.
Ménies, nymphes des moissons.
Naïades ou Abarbarées nymphes des eaux fluviales, filles de Jupiter et mères des Satyres. On les voit souvent figurer à la suite de Bacchus. On offrait à ces déesses du vin, du miel, des fruits, des fleurs. On leur sacrifiait des chèvres et des agneaux. On les représente jeunes, fraîches, la taille élevée, ceintes d’une couronne de roseaux, portant d’une main un coquillage et de l’autre une urne dont l’eau s’échappe ; souvent elles se tiennent par la main ; d’autres fois, elles ont près d’elles Hercule, ou Pan ou les Dioscures. Elles passaient pour déesses des eaux thermales, quand elles étaient accompagnées d’un serpent, symbole de la santé {p. 308}Ces nymphes, dont Églée était la plus jolie, d’après Virgile, résidaient à la cour de la déesse des fleurs, et étaient chargées d’arroser avec leurs urnes argentées les fleurs naissantes. A Rome, on célébrait le 13 octobre, les fontinales en l’honneur des Naïades et de toutes les nymphes des sources. Alors, on trempait dans les eaux des puits et des fontaines, des guirlandes de fleurs, dont on couronnait ensuite les enfans. Voici les noms de quelques Naïades : Botée, femme d’Œbule roi de Sparte ; Éphidatie, amante d’Hylas ; Ériphe ou Eriphée, du mont Is ; Eubée ou la terre-île-nourricière ; Eudore, Lilée, fille de Céphèse ; Nicée, fille de Sangare et Niphée, compagne de Diane.
Napées, nymphes de la cour de Palès, elles présidaient aux plaines, aux vallons, aux collines et aux bosquets ; on leur rendait le même culte à peu près qu’aux Naïades. Néréides, nymphes que nous avons vues filles de Nérée ; Océanides, nymphes que nous savons également filles de l’Océan et de Thétys ; Oréades, Orestiades, Orodemniades, nymphes des montagnes, filles d’Hécate et de Phoronée, ou, dit-on, de Jupiter ; elles suivaient Diane à la chasse ou quelquefois Palès, quand il conduisait ses troupeaux sur les montagnes. Pactolides, nymphes des bords du fleuve Pactole. Pégées, nymphes des fontaines et des sources comme les Naïades. Potamides, nymphes présidant aux fleuves, aux rivières. Propétides, nymphes des débauches. Sithnides, ces nymphes étaient les protectrices des eaux de l’aqueduc magnifique, bâti à Mégare, par son roi Théagius. Sphragitides, habitantes de l’antre sacré Sphragidium, sur le mont Cithéron, où les Athéniens leur offraient tous les ans des sacrifices par ordre de l’oracle, en reconnaissance du petit nombre de soldats qu’ils avaient perdus à la bataille de Platée. Thémistiades ou nymphes de Thémis et prêtresses de son temple à Athènes. Cependant, quelques écrivains les regardent comme des pythonisses, dont l’avenir leur avait été dévoilé par Carmenta ou Thémis ou Thémista, célèbre devineresse. Les Tibériades et Tibérines ou Tibérinides, étaient des nymphes censées habiter les bords du Tibre. Vallones, nymphes des vallons et des bocages, ayant le même culte à peu près que les Naïades.
Parmi toutes ces nymphes, plusieurs avaient des noms individuels plus ou moins connus ; en voici quelques-uns dont il est souvent parlé dans la Mythologie :
Abrétie, Ænome du mont Ida, fille du fleuve Cébrène ; Agriope, mère de Tamyris ; Alexirrhoé ou Alexithoé ou Alyxotoé, nymphe séduite par Priam ; Alicnoé, Amalthée, nourrice de Jupiter ; Anthédon, de Béotie ; Anthracie ou le Charbon, d’Arcadie ; Aore, de Crète ; Arcadie, mère de Philonomée ; Archiroé, nymphe de Mégalopolis ; Argiope, qui eut Chamyris de Philammon ; Argyre, amante de Sélemne ; Asie, fille de l’Océan et de Thétys, épousa Japet, qui la rendit mère de quatre fils, Prométhée, Epiméthée, Atlas, Mécène. On la représente accablée de tristesse après la destruction d’Ilion. Cette Océanide est la personnification de l’Asie, une des quatre parties du monde.
Astérodée, du Caucase, première femme du roi de Colchide Eète ; Aula ou Aura, nymphe de la suite de Diane ; Balte, mère du célèbre Thaumaturge Épiménide ; Calliphée, une des quatre nymphes Ionides ; Cécluse, amante de Neptune et mère d’Asope ; Chéloné ou la Tortue ; Chésias, femme du fleuve Imbrase et mère d’Ocyroé ; Cirrha, Clée, avait une {p. 309}chapelle sur le mont Calathion, près de Lacédémone. Climène, qui eut Thésimène de Parthénopé ; Clitie, nymphe Babylonienne, fille de l’Océan et de Thétys ; Creuse ou la Reine, femme du fleuve Pénée, fut mère d’Iphée et de Stilbie, Cyllènes, femme de Pélasgue et mère de Lycaon ; Cynosure, nymphe de l’Ida et nourrice de Jupiter ; Cyrène, fille du fleuve Pénée ; Daulis, fille du fleuve Céphise ; Dictée, de Crète ; Dianaste, Dorippe, mère de Spermo ; Deto, nymphe maritime de la Grèce ; Doxo Dryas, nymphe italiotte, fille de Faune, déesse de la pudeur et de la modestie ; Dryope, d’Arcadie ; Dryope, de Mysie Dryope, d’Italie ; Éa, amante de Phase.
L’une de ces Dryope, était fille d’Euryte, roi d’Œchalie, en Eubée. Elle fut une des plus célèbres amantes d’Apollon. Lorsqu’il l’eut quittée pour voler à d’autres amours, elle se consola de la perte de son amant en épousant Andrémon, fils d’Osyle, et en eut un fils nommé Amphise. Un jour qu’elle se promenait le long d’un bosquet, tenant dans ses bras son jeune enfant, elle passa à côté d’un lotos et en cueillit une fleur pour la lui donner ; son étonnement fut grand en voyant le sang couler goutte à goutte du calice de cette fleur et les branches de cette plante trembler comme si elles eussent éprouvé de la douleur. Saisie d’un frémissement pénible, elle voulut fuir, mais en vain ; ses pieds attachés à la terre s’y implantèrent, formèrent des racines, et son corps se couvrit d’écorce, ses bras s’alongèrent en branches, ses cheveux en rameaux, et bientôt elle ne forma plus elle-même qu’un lotos.
Écho, amante de Narcisse.
Égérie, nymphe des environs de Rome. C’est elle qui inspirait Numa et lui dictait les lois qu’il devait donner au peuple Romain. Son amour pour lui était tel que lorsqu’elle le perdit, sa douleur fut si vive, que Diane fut obligée de la changer en une fontaine qui prit son nom, pour qu’elle ne troublât pas de ses cris les sacrifices qu’on lui offrait. On connaissait encore une autre Egérie, présidant aux accouchemens. Endeis, fille de Chiron ; Epérie, amante d’Eaque ; Erato, femme d’Arcas ; Erèce ou la bruyère personnifiée ; Ennice, l’une des trois nymphes qui enlevèrent Hylas ; Fovia ou Fabia fille d’Evandre, amante d’Hercule et mère de Fovius ; Hégétorie, de Rhode, amante d’Ochine et mère de Cydippe.
Hercyne, nymphe-fleuve, une des suivantes de Proserpine. Un jour, cette nymphe et Proserperine, encore jeune fille, jouaient ensemble, mais une oie que tenait Hercyne s’échappa de ses mains et fut se cacher sous une pierre. Proserpine la découvrit et la tira de l’endroit où elle était, après avoir arraché la pierre ; soudain une eau pure et claire jaillit de l’endroit où était la pierre et forma un fleuve auquel la déesse donna le nom de son amie. Dans la suite, on lui éleva un temple auprès de cette source. Hespérie fille de Cébré et amante d’Eaque ; Hirie, d’Arcadie, mère d’Hiriée ; Hylonome, femme du Centaure Cyllare ; Idée, de Phrygie, qui eut la sibylle Hérophile du berger Théodore ; Ione, fille du célèbre voleur Autolycus ; Iope, nymphe des enfers ; Iophosse, qui eut Deucalion d’Haliphon ; Lampétise ou Lampetuse ou la flamboyante nymphe portant la lumière ; Laodice de Phoronée, qui eut Opis et Niobé de Phoronée, mère de Mélés et d’Ancycle ; Lygée compagne de Cyrène ; Ménalippe qui eut Béote d’Itone ; Mérope, nymphe fluviatile, fille de Cébren, {p. 310}peut-être la même que celle liée à la famille de Priam ; Mélite ; Métope, nymphe fluviatile, femme de Sangarius et mère d’Hécube, et peut-être la même que la fille de Ladon mère d’Asope. Midée, que Neptune rendit mère d’Asplédon ; Myia, nymphe-mouche, amante d’Endymion ; Naïs, nymphe de la mer Rouge ; Nomie, d’Arcadie ; Œante, de la Locride ; Ora, qui eut Colax de Jupiter changé en cygne ; Ornée ; Péribée fille aînée d’Acésomène, femme du fleuve Axios et mère de Pélégon ; Phaloé ou Phalaé, fille du fleuve Tiris, d’Arcadie Pisidice, qui eut Chariclo du centaure Chiron ; Pitys, qui fut aimée de Pan et de Borée ; Praxilhée.
Salmacis, nymphe de Carie, protectrice d’une fontaine du même nom. On sait comment les Dieux la fixèrent à Hermaphrodite, après l’avoir vu se baigner dans ses eaux.
Séis, amante et femme d’Endymon ; Sinoé, mère de Pan, prit le surnom de Sinoïs ; Smilax, amante de Crocos, dont nous avons vu la tendresse récompensée par les Dieux ; Syma, amante de Neptune ; Syrinx, fille de Ladon et amante de Pan ; Théramène, mère d’Astrée ; Thoossa, qui de Neptune eut le Cyclope Polyphème ; Zeuxippe, sœur de Pasithée, première nymphe et femme du roi d’Athènes Pandion.
Enfin, l’on place encore sous la dépendance de Neptune, Ino, Palémo ou Portumnus et Saron, dont nous avons eu occasion déjà de dire quelques mots. Cette Ino, femme d’Athamas, vit, comme nous le savons, son mari trompé par Junon, écraser contre un mur Léarque, son fils aîné ; puis de chagrin, elle se précipita dans la mer avec Mélicerte, son jeune fils, pour éviter la fureur d’Athamas ; alors Neptune en eut pitié : des dauphins d’après ses ordres reçurent donc le corps de cet enfant et le portèrent dans l’isthme de Corynthe, aux environs de Crommion ; Ià Sisyphe le fit enterrer sous le nom de Palémon, qui depuis passa pour un dieu marin appelé par les Romains Portumnus. Ils le peignaient une clef à la main, et en son honneur, ils célébraient une fête le 17 août. Sa mère fut changée par les Dieux en une déesse marine, connue sous le nom de Leucothoé chez les Grecs qui, à Corynthe lui avaient élevé un autel dans le temple de Neptune, et de Matuta, à Rome, où elle avait un temple dans lequel on célébrait en son honneur des fêtes appelées Matrales. On lui offrait des gâteaux de farine, de miel et d’huile, les femmes mariées et libres pouvaient seules participer aux cérémonies, et elles n’y admettaient qu’une seule esclave, qu’elles renvoyaient ensuite après l’avoir légèrement souffletée ; mais malheur aux autres esclaves que l’on y trouvait, car elles étaient impitoyablement flagellées.
Enfin, Saron, était un roi de Trézène si grand amateur de la chasse, qu’il se noya de fatigue en poursuivant à la nage un cerf qui s’était jeté à la mer pour se sauver. Grace à cette aventure, les Corynthiens recueillirent précieusement son corps et l’inhumèrent dans le parvis du temple de Diane, le mirent au rang des dieux de la mer, et bientôt il devint le dieu tutélaire des mariniers.
Pluton, frère de Jupiter et de Neptune, était le premier des Dieux souterrains nommés Chthonii Dei : c’était le Dieu des enfers, des funérailles et de la mort ; il portait divers noms et surnoms, dont voici les principaux : Adès et Haïdès et Aïdonée, ou l’obscur ou le dieu de la mort et des tombeaux ; Agélaste ou qui ne rit jamais ; Agésandros et Agésilas et {p. 311}Agète ou qui emporte les hommes, d’après les Ioniens ; Altor ou qui nourrit ; Amenthes ou privé de menthe ; Chthonius ou le sous-terrestre ; Climène ou l’incliné ; Deus Féralis ou le dieu des funérailles ; Deus Niger et Deus Tartareus, ou le dieu noir et du tartare ; Divus Salutaris, ou le dieu sauveur ; Dis ou qui préside aux richesses du sein de la terre ; Iao et Jou et Juve ou le grand Pluton-Jupiter-Soleil des Etrusques ; et à Claros Lacton, ou le Pluton des Sarmates ; Larthy-Tytival ou le Pluton des Etrusques ; Manus et Mantus ou le dieu des mânes ; Moeragètes ou le conducteur des parques ; Orcus ou le ténébreux à Rome ; Polydegmenos ou l’hôte de tous les mortels ; Postulio ou le demandeur des bords du lac Curtius, parce que la terre s’étant entr’ouverte dans cette localité, les auspices prétendirent que Pluton demandait des sacrifices ; Profundus-Jupiter ou le Jupiter des lieux-bas ; Quiétalis ou le Dieu du repos ; Saturnius ou le fils de Saturne ; Sérapis ou le Pluton de Préneste ; Stygius-Jupiter ou le Jupiter des lieux-bas ; Summanus ou le plus grand des Dieux manes ; Soranus ou le dieu des cercueils chez les Sabins ; Tellumo et Telluno ou le sous-terrestre ; Uragus ou le conducteur du feu.
Pluton était, nous le savons, fils de Saturne et de Rhée, et fut comme ses autres frères soustrait à la voracité de son père. Après la guerre des Titans, dans laquelle il fut très-utile à Jupiter, grace au casque que lui avaient fabriqué les Cyclopes pour le rendre invisible, il reçut, en récompense de ses services, l’empire des enfers, dans le partage du monde que fit ensuite Jupiter ; c’est-à-dire, suivant Diodore, que ce prince eut le gouvernement d’un pays fort bas, par rapport à la Grèce, et riche en mines d’or, pays que l’on supposa avoir dû être situé à Gadès ou à Tartesse, en Espagne, près de l’Océan, où les Phéniciens, en venant faire des échanges, prirent les mineurs pour des êtres infernaux et leur roi pour le dieu des enfers.
Pluton offrit souvent ses hommages à un grand nombre de déesses, mais toujours en vain. Les unes lui trouvaient un teint beaucoup trop noir, les autres disaient qu’il sentait la fumée, d’autres faisaient la moue sur l’obscurité de son palais. Enfin, fatigué de se voir rebuté par tout le sexe divin, il résolut de s’approprier une déesse de quelque manière que ce fut. Un jour donc, ayant aperçu Proserpine au milieu d’une foule de nymphes, cueillant des fleurs dans une prairie voisine d’Eleusis, il la trouve de son goût, la saisit, l’enlève, ouvre la terre d’un coup de son trident et se précipite avec elle dans ses sombres états. Cérès, nous l’avons vu, la chercha long-temps, la réclama inutilement, et force à elle fut de se soumettre aux ordres de Jupiter, qui ne put la lui accorder que six mois par année. Ce fut Pluton qui rendit la liberté à Pélée, enchaîné par Acaste sur le mont Pélion. Il lui fit même présent d’un glaive d’or avec lequel il vengea ses injures. Ce dieu du noir séjour se battit trois fois avec Hercule. D’abord, quand ce héros pénétra dans les enfers ; ensuite, lorsqu’il voulut ramener Alceste à la vie ; la troisième fois, quand il fit la guerre à Nélée. Dans ces trois combats, Pluton fut toujours vaincu ; il fut même blessé dans le premier. Cependant, il fut plus heureux contre Pirithoüs et Thésée qui voulaient lui ravir Proserpine. D’abord, il tua Pirithoüs et retint le second prisonnier : mais le terrible Alcide revint aux enfers et délivra Thésée malgré tous les efforts que fit Pluton pour l’en empêcher.
{p. 312}Pluton est presque toujours représenté enlevant Proserpine et la portant évanouie dans le sombre empire ; debout sur un char d’or et de forme antique, attelé de quatre chevaux nommés Orphne, Athon, Nyctée, Alastor. Habituellement, il est assis au milieu des enfers, sur un trône d’ebène ou de soufre, la tête couverte du casque d’invisibilité ou portant sur la tête un vase à la sérapis ou une couronne d’ébène, de narcisse ou de capillaire, et ayant toujours une barbe épaisse et un air sévère, tenant en outre dans sa main son sceptre ou fourche à deux pointes, ou une épée, ou une verge, pour conduire les ombres, ou quelquefois simplement les clefs de son empire. Au bas de son trône, on voit couler l’Achéron, le Cocyte, le Léthé le Phlégéton et le Styx ; son épouse est à sa gauche ; Cerbère, le chien gardien du Tartare, est à ses pieds et son trône est entouré des Heures, des Parques et des Euménides. Pluton avait en outre auprès de lui une urne de laquelle il faisait découler quelques gouttes de nectar sur l’homme favorisé, qu’il fallait, d’après l’ordre du destin, faire revivre ou doter de l’immortalité.
Pluton l’inflexible, était particulièrement honoré plutôt par crainte que par amour à Pylos, à Coronée, à Crotone à Trézène et à Nysa : le peuple lui avait consacré tout un bois, qui devint célèbre par son oracle, où ce Dieu avait un temple à Rome, sous le nom de Vejou. Dans le Latium, on immolait d’abord en son honneur des hommes ; mais les mœurs s’étant adoucies, on ne lui sacrifia plus que des taureaux et des brebis. Les victimes devaient avoir le poil noir, être sans tache, vierges, sans avoir éprouvé de mutilation et toujours en nombre pair. Leur chair était totalement réduite en cendre, sans que rien en fût réservé. A Rome où l’on consacra à Pluton, le deuxième mois de l’année, les sacrifices se faisaient la nuit. Alors le prêtre, la tête découverte, après avoir lié la victime dont les bandelettes étaient noires, brûlait de l’encens entre ses cornes, tournait sa tête vers la terre et lui ouvrait le ventre avec un instrument appelé secespita ; le sang coulait dans une fosse préparée d’avance, et se mêlait au vin des libations. Cette cérémonie s’appelait Taurobole, elle avait lieu le vingt juin ou, suivant d’autres, au mois de février, jour des fêtes expiatoires de Pluton appelées februales ou fébruaries. A cette époque, le temple de ce Dieu était seul ouvert à Rome. Car Pluton y était considéré comme l’un des huit plus Grands Dieux qu’il était permis de représenter en or, en argent ou en ivoire ; aussi la crainte le faisant redouter des peuples d’Italie, ils lui dévouaient les criminels qui, après cet acte, pouvaient être mis à mort par tout citoyen. Pendant ces jours lugubres, tous les temples des autres divinités étaient fermés ; l’on ne faisait aucun mariage, et les Romains pensaient que les portes des enfers étaient ouvertes, et que les ombres en sortaient pour assister aux cérémonies, qui, du reste, avaient toujours lieu à la lueur des flambeaux. Dans les calamités publiques, on immolait une victime humaine aux Dieux infernaux, croyant qu’elle devait être plus efficace que toute autre. Pluton était honoré par bien des peuples ; mais sous d’autres noms ; ainsi les Gaulois l’honoraient sous celui de Teutatès ou Dis, et dans leur enthousiasme ils comptaient les espaces du temps par nuits et prétendaient descendre de ce dieu.
On réservait pour les sacrifices que l’on offrait à Pluton, le cyprès, le narcisse, {p. 313}l’ache, l’ébène, le capillaire et le satyrion ou sérapion. On lui consacrait les choses regardées comme funestes, telles que le nombre deux, le second mois de l’année et le second jour du mois.
Proserpine. Pluton, outre Minthi sa concubine, avait pour épouse sa nièce, fille de Cérès, sur laquelle nous allons donner quelques détails. Cette reine des enfers, généralement connue sous le nom de Proserpine chez les Romains, portait encore les noms et surnoms suivans : Androgyne, ou aux deux sexes ; Anthesphora, la cueilleuse de fleurs ; Axiocers, ou la vénérable des Samothraces et des Cabires ; Azésia ou qui prive de la vie ; Brimo, ou la violente ou l’auteur des terreurs ; Cabira ou la déesse des Cabires ; Carmente ou la prophétesse ; Casphora ou qui porte la fertilité ; Casta ou la chaste ; Cora et Coré ou la jeune et belle ; Damna ou la puissante à Cyzique ; Dœta ou présidant aux festins funéraires ; Deois ou la fille de Cérès ou Déo ; Despœna ou la souveraine ; Féronia ou présidant aux bois ; Ilithye ou la grande accoucheuse ; Libéra ou la jeune fille des Siciliens ; Libitina ou des funérailles et la mère des Euménides et d’Eubulée ; Militta ou l’accoucheuse ; Obrémo et Ombrimo ou Brimo ; la Parque Persephone et Persephase et Peréphate ou la colombe lumineuse en Phénicie ; Phère Phassa ou Porte-Phalle ; Polybée ou la nourricière ; Praxidice ou la justicière ; Phlœa ou donnant l’abondance ; Primigénie et Proto-Génie ou la première née ; Sancta ou la sainte ; Sotira et Sospita ou la conservatrice des Arcadiens ; Théogamia ou la femme d’un Dieu ; Xantrie ou la prophétesse.
Proserpine réunissait par conséquent en elle les rôles d’essence divine, de fille divine, de fille de l’éblouissante lumière, de terre en surface prise comme Cérès et en noyau comme épouse de Pluton ; elle jouait encore les rôles d’ophidienne, de juge statuant sur la métempsycose future des ames, de nuit fatale, de nuit nourricière, de nuit-oubli, de prophétesse de fatalité, de flamboyante, comme Lune ou Hécate, de fée bienfaisante, engraissant les bœufs et les hommes ; elle réunissait donc sur elle comme on le voit, les attributs spéciaux des déesses, avec lesquelles elle a quelque coïncidence. Cependant, Proserpine était toujours censée présider à la mort, et personne ne pouvait cesser de vivre avant qu’elle n’eût elle-même donné l’ordre à Atropos de couper le cheveu fatal, qui, disait-on, retenait les mortels à la vie, d’où venait que les chevelures des morts étaient offertes à cette déesse.
Généralement, on la considérait comme fille de Cérès et de Jupiter ; cependant, on la faisait passer aussi pour fille du même et de Stix ou de Saturne et de Rhée, et très-rarement de Persée ou même du Chrône seul. Elle fut élevée par sa mère Cérès à Eleusis ou en Sicile. On se souvient de son enlèvement par Pluton à Euma au milieu de ses compagnes, d’où il l’emporta dans son noir séjour malgré les efforts que Cyane et Anapis firent pour s’y opposer ; mais quelques auteurs indiquent pour théâtre de ce fait, Hippone, également en Sicile, Nysa entre Léonie et la Lydie, la Mégaride, les bords du Céphise en Attique, la Crète et la Thrace. Singulière épouse de Jupiter, elle était quelquefois regardée comme sa fille, comme sa mère ; pourtant la tradition la plus suivie en fait une fille épouse de ce dieu ; c’est-à-dire que de père, il devint séducteur incesteux. Il paraît avoir emprunté la forme d’un serpent pour des {p. 314}honorer sa fille et belle-sœur ; il naquit de cette mésalhance un taureau. Honteuse de ce triste résultat, elle retourne se cacher auprès de Pluton, pour lequel même elle s’éprend d’un véritable amour quoiqu’on ait bien voulu lui donner pour amans Thésée et Pirithoüs. En effet, s’ils descendirent aux enfers pour l’enlever, elle ne partagea point la passion de ces mortels et découvrit leur projet à Pluton, qui, nous l’avons déjà dit plusieurs fois, tua le dernier et retint le premier prisonnier, jusqu’à ce que Hercule soit venu le délivrer. Proserpine devint même jalouse de son époux, si bien qu’à son arrivée dans le noir séjour, ayant aperçu Minthi ou la nymphe du Cocyte, concubine de Pluton, vouloir continuer à remplir auprès de lui la même fonction, elle se fâcha et lui donna l’ordre de s’éloigner ; mais l’ancienne maîtresse du dieu s’irrita naturellement de se voir délaissée pour une étrangère, et dans sa colère elle osa injurier la fille de Cérès et se préférer à elle pour la naissance et pour la beauté. Celle-ci, usant alors de sa souveraine puissance, transforme aussitôt l’audacieuse en une faible menthe qui figura depuis ainsi que la mauve et l’asphodèle, parmi les plantes funéraires, soit à cause de leur extrême flexibilité, soit parce qu’elles étaient censées venir dans les prairies du sombre empire.
Cette allégorie indique suffisamment que la maîtresse de la veille, doit toujours être oubliée par l’amant qui se marie, et écrasée par l’épouse du lendemain. Nous ferons remarquer, en passant, que Minthi ou Amenthi sont synonymes, et offrent l’idée complexe d’un être mâle, habitant des bords du Cocyte, et d’un être femelle, représenté par la localité ou le Cocyte lui-même. Quelque temps encore Proserpine goûta du plaisir auprès de Pluton, mais la satiété, continuelle suivante de l’hymen, ne tarda point à venir la tourmenter : l’occasion seule lui manquait au milieu des ombres, pour se distraire ; cependant un jour le hasard la servit, elle vit donc arriver auprès d’elle, par le plus grand extraordinaire, la belle reine de Cythère, qui lui confia, comme nous le savons, son tendre Adonis, d’où survint par la suite la contestation au milieu de laquelle nous avons vu Jupiter être forcé d’intervenir.
Maintenant que faut-il voir dans cette déesse, vivant ou avec Adonis, ou dans le ciel, ou dans les enfers ? Les savans les plus érudits en font un dédoublement de Cérès, et nous ajouterons que ce dédoublement, que cette fille de Cérès, adorée dans la Syrie et la Grèce, peut être considérée comme un de ces astres qui passent tour à tour du ciel placé au-dessus de l’horizon, aux enfers, quand ils se cachent sous cette ligne.
On donne à Proserpine, pour fils, comme épouse de Jupiter, souvent Bacchus ou Iacchos, ou Dyonisios, ainsi que Tritopatrée et Eubulée, trio que l’on appela Anacès ou princes de même que les Dioscures Tyntarides ; quelquefois on lui reconnaît aussi pour fils Zagrée, ou le grand chasseur, et on lui donnait pour filles les Euménides, dont nous allons parler dans quelques lignes ; mais comme épouse de Pluton, elle ne laissa pas d’héritier. Avec les nombreux attributs que nous connaissons à Proserpine, il ne faut pas s’étonner si son culte était universel ; en effet, les Siciliens croyant que Jupiter lui avait donné leur île, l’honoraient particulièrement ; ils lui supposaient le pouvoir de faire naître à son gré, l’abondance ou la stérilité ; le serment {p. 315}qu’ils faisaient en jurant par cette déesse, était tout puissant, et pour l’honorer, ils immolaient un taureau et faisaient couler le sang dans les eaux de la fontaine Cyane, fontaine qui avait jailli, disaient-ils, du gouffre par où Pluton était rentré dans les enfers, après l’enlèvement de cette déesse. Il en était de même à Éleusis, à Mégalopolis et à Elos, à Agrigentes, chez les Sardes et chez les Locriens, tous la révéraient ; chez les Sabins on l’appelait Féronie, et sa fête était des plus brillantes. Elle avait en outre un temple à Rome, et un bois lui était consacré près du lac Averne. Une déesse ayant ses attributs, était également connue chez les Celtes et les Gaulois, qui l’appelaient leur mère, et les Arcadiens l’invoquaient pour retrouver les choses perdues.
Son culte souvent était mystérieux, ou permis aux femmes seules : tel qu’à Mégalopolis, où les hommes ne pouvaient entrer qu’une fois l’an dans le sanctuaire ; on jurait par elle en Sicile, comme on le faisait par la vieille océanide Styx avec laquelle alors elle avait la plus grande analogie. Les chauve-souris, le narcisse et la grenade, lui étaient consacrés ; les génisses stériles et les chiens noirs lui étaient sacrifiés ; dans les funérailles on se coupait les cheveux en son honneur, et pour la rendre favorable on les jetait sur le bûcher.
Ses fêtes les plus brillantes étaient les suivantes : les Antesphories étaient célébrées par les Siciliens, pour rappeler qu’elle cueillait des fleurs lors de son enlèvement ; les Cocyties étaient pour l’honorer comme reine du Cocyte ; les Corées étaient des fêtes pour la jeune et toute puissante fille de Cérès ; les Cotytties étaient des cérémonies mystérieuses, que l’on ne pouvait révéler sous peine de mort ; ainsi le poète Eupolis fut tué par Alcibiade, pour quelques plaisanteries qu’il s’était permises contre ces fêtes, établies en l’honneur de Cotytto, ou Cotittis, déesse de la débauche, que l’on confond toujours, mais à tort, avec Proserpine, à laquelle on ne donne le surnom de Cotytto, que pour montrer la rapidité avec laquelle l’abus des plaisirs nous entraîne à la mort. Les Episcires se célébraient pour Proserpine comme pour Cérès ; les Péréphaties avaient lieu chez les Siciliens, en l’honneur de Péréphate, et les Théogamies se célébraient à Nysa en Carie, pour rappeler le mariage de Proserpine avec Pluton ; tous les étrangers pouvaient y disputer le prix des courses et des luttes.
On représentait cette reine des enfers, comme une beauté jeune et brune, toujours accompagnée de son mari, tantôt sur un char traîné au milieu d’une épaisse fumée, par de vigoureux chevaux noirs, tantôt sur un trône d’ébène, au pied duquel on voyait le sommeil, l’oubli, Cerbère et Mercure-Psychopompe ; on lui mettait un sceptre noir à la main, ou un pavot, symbole de l’assoupissement éternel, ou une fleur de narcisse, pour symboliser son enlèvement ; mais le plus souvent, les artistes figuraient cet enlèvement. Quelquefois aussi on l’habillait en chasseresse et on la coiffait du boisseau que les Romains appelaient Calathus, pour indiquer qu’elle se servait de ce vase ou panier, pour cueillir des fleurs quand elle fut enlevée.
Enfer. Maintenant présentons un tableau rapide de ce sombre empire de Pluton et de Proserpine, tel que le concevaient les Grecs et les Romains ; car chez ces deux peuples, le séjour des morts n’était pas tout-à-fait le même. Les Grecs qui bornaient la terre éclairée aux cîmes de l’Atlas et aux colonnes d’Hercule, et qui croyaient le reste du monde plongé dans {p. 316}l’obscurité, faisaient des enfers un lieu vaste, obscur, s’étendant sous notre continent, et partagé en deux contrées savoir : le Tartare et les Champs-Elysées. Le premier était formé d’un terrain bourbeux exhalant des vapeurs mortelles, couvert de lacs d’eau infecte, traversé d’un fleuve de feu, parsemé de tours de fer et d’airain, de fournaises ardentes, et peuplé de monstres et de furies acharnées à tourmenter les coupables ; l’autre contrée, campagne riante et paisible, était réservée aux sages et aux héros. Cet ensemble du Tartare et des Champs-Elysées, qui dans l’origine formait l’enfer des Grecs, avait sa porte d’entrée, suivant Homère et Hésiode, aux extrémités de l’Océan ; cependant Xénophon y fait entrer Hercule par la péninsule Achérusiade, près d’Héraclée, ville du Pont ; tandis qu’Ovide y fait descendre Orphée par les sentiers pénibles et détournés d’un labyrinthe, placé dans les terrains bourbeux et infects de l’épaisse et obscure forêt qui couvrait le Tenare ou promontoire de la Laconie, actuellement appelé cap Matapan ; d’autres écrivains ont enfin supposé que la rivière ou le marais du Styx en Arcadie, devait être l’entrée des enfers, à cause des exhalaisons mortelles qui s’élevaient au-dessus de cette infecte localité.
Plus tard, les Grecs divisèrent ce sombre empire en quatre départemens distincts : dans le plus voisin de la terre, ils plaçaient l’Erèbe, que l’on prenait souvent pour l’enfer même et que l’on personnifiait en le faisant fils du chaos et des ténèbres, en lui donnant pour femme la nuit sa sœur, dont il eut Éther et le jour, et en le faisant l’auxiliaire des Titans, crime que Jupiter punit en le métamorphosant en fleuve, suivant quelques-uns, ou selon d’autres, en le plongeant dans les sombres demeures. Cet Erèbe, disaient les Grecs, était gardé par Cerbère et habité par la mort et les furies ; on y voyait les sombres palais de la nuit, du sommeil et des songes ; c’était enfin un lieu d’infortune, où erraient pendant cent ans les ames des corps privés de sépulture. Dans le second département de l’empire de Pluton, on trouvait l’enfer des méchans, où chaque crime recevait sa punition : séjour hideux où continuellement se faisaient entendre des cris de douleur et de désespoir. Là, Ixion tournait sur sa roue, Sisyphe roulait son rocher, Tantale ne pouvait satisfaire ses pénibles désirs, et les conquérans toujours si funestes à l’humanité étaient successivement plongés dans des lacs infects et glacés, puis tout à coup exposés aux brûlures des flammes éternelles ; car il n’était plus d’espoir ni de retour pour ceux que les Dieux précipitaient dans ce lieu d’horribles tourmens.
Plus loin on trouvait le Tartare, prison des Dieux : il supportait la terre et les mers, il était placé à une égale distance des enfers que du ciel et était environné d’un triple mur d’airain. Là étaient renfermés pour ne plus revoir le jour, les dieux qui tour-à-tour avaient été chassés de l’Olympe ; ainsi les Géans et les Cyclopes, Uranus et les Titans, se rencontraient dans les tristes prétoires de cette obscure demeure.
Enfin, dans le quatrième département, on apercevait les Champs-Élysées, séjour habité avec la permission de Jupiter, par Saturne et Rhée. Ce couple n’avait pas tardé à y établir un nouvel âge d’or ; aussi il en était résulté un séjour par conséquent mille fois heureux où se reposaient les ombres sans reproches, qui pourtant étaient forcées, avant d’y parvenir, de traverser l’Erèbe.
{p. 317}Quant à l’enfer des Latins, il n’était pas entièrement le même que celui des Grecs : il paraît d’abord que l’on ne devait pas y pénétrer aussi facilement, car il était fermé par trois portes plus ou moins bien gardées ; il était situé, disaient-ils, directement au-dessous du lac Averne, que l’on voyait laisser exhaler ses vapeurs fétides au milieu de la campagne de Rome. Au fond de ce lac était donc la première porte, devant laquelle veillaient continuellement la douleur et le chagrin, les pâles maladies et la triste vieillesse, la frayeur et la faim, la mort et son frère le sommeil, la guerre et la discorde, puis on y apercevait les lits de fer des furies. A peu de distance de ce lac on voyait le soupirail des enfers, espèce de caverne ouverte dans la vallée de Lamsanctus, située dans le pays des Samnites, entourée de montagnes et coupée par de nombreux précipices et par des torrens impétueux ; près de cette première porte, ajoutaient les Latins, on trouvait le chemin qui conduisait à l’Achéron, chemin couvert des ames attendant le bon plaisir de Charon pour passer ce fleuve, au-delà duquel on voyait une nouvelle porte gardée par Cerbère, et derrière cette porte étaient les enfers partagés en sept fractions bien distinctes.
Dans la première, étaient les enfans morts à leur naissance, sans avoir eu ni peine, ni plaisir, ni bonheur, ni fortune et qui n’avaient mérité ni punition ni récompense ; la deuxième renfermait les innocens condamnés à mort ; la troisième, les suicides ; la quatrième était le champ des larmes où erraient les amans parjures, et les femmes infortunées victimes de leur tendresse : ainsi là se rencontraient l’audacieuse Pasiphaé, mère du minotaure, la jalouse Procris, femme de Céphale, la crédule Ariadne, Cénée, qui d’abord était une femme appelée Cenis, que Neptune métamorphosa en homme, après en avoir abusé ; Eriphyle, qui trahit son époux Amphiaraüs ; Évadné, Phèdre, sœur d’Ariadne et femme également de Thésée ; Laodamie, fille de Bellérophon, et dont l’orgueil fut puni par Diane, qui la tua à coups de flèches, puis Didon que nous rencontrerons dans quelques pages. La cinquième fraction des enfers du peuple Romain, était habitée par les héros que des actes cruels avaient fait connaître, tels qu’Adraste, Parthénopée et Tydée ; alors on passait dans la sixième région des enfers, région appelée Tartare ou lieu des tourmens : à son entrée se tenait le tribunal terrible, où Minos, Eaque et Radamanthe prononçaient leurs jugemens, c’est-à-dire où les deux premiers émettaient un arrêt qui était confirmé ou changé par le dernier. Ce tartare des Romains semblait répondre à l’enfer des méchans, admis chez les Grecs : c’était une prison éternelle, entourée de trois rangs de murailles et des eaux du Phlégéton, roulant du bitume, du soufre et des flammes, et de plus cernée par les marais infects du Cocyte et par les eaux du Styx, qui en faisait neuf fois le tour. L’entrée de cette sombre prison était défendue par une tour formidable, masquée par un nuage trois fois plus noir que la plus sombre nuit et fermée par des portes de diamant que les Dieux mêmes ne pouvaient briser. Là se trouvaient renfermés pour l’éternité les enfans désobéissans, les amis perfides, les traîtres, les ministres sans foi et les guerriers injustes et cruels ; là Phlégias, Ixion, Salmonée, Sisyphe, Tantale et les Danaides expiaient leurs crimes.
Enfin, lorsqu’on passait dans la sixième région des enfers du peuple Romain, on entrait dans les champs Elysées, que {p. 318}Lucien plaçait dans la lune, Plutarque dans le centre de la terre, Denys, le géographe, dans les îles Blanches, d’autres dans les îles Canaries, appelées aussi les îles Fortunées ou Heureuses, Homère et Hésiode, à l’extrémité de la terre sur les bords de l’Océan, et le plus grand nombre au-delà des colonnes d’Hercule, dans les campagnes riches et délicieuses de la Bétique. Séjour des ames pures et sans taches, on y voyait Nestor conter ses hauts faits, Achille courant à la chasse, Caton écrire ses lois, et toutes ces ombres au milieu de rosiers et de myrtes, jouissaient en paix, dans ces lieux, d’un printemps éternel, du parfum des fleurs que jamais l’haleine des vents ne venait altérer, et des trois moissons que la terre y produisait ; elles y écoutaient avec bonheur le doux murmure des eaux du Léthé, qui leur faisaient oublier les maux passés de la vie, car alors plus de douleurs, plus de vieillesse, plus d’ambition, plus d’avarice, plus d’envie ; tout était plaisirs et plaisirs sans bornes. Le système de la métempsycose des anciens les portait à croire que les ames des heureux restaient environ mille ans dans les champs Elysées, puis retournaient sur la terre habiter d’autres corps. Presque tout alors avait une fin : ainsi les criminels simplement égarés, subissaient la peine de leurs fautes pendant le temps limité par les juges des enfers, et les grands coupables seuls étaient livrés à des tourmens éternels.
Manes. Cet empire, comme on vient de le voir, était peuplé d’une foule de personnages fabuleux, qu’il nous reste à faire connaître en détail. D’abord la masse de ses habitans étaient composée des Manes, espèces de génies ou divinités infernales, provenant de l’une des trois parties dont les anciens croyaient les humains formés, savoir : le Corps, que l’on réduisait en cendres après la mort ; l’Esprit ou ame qui retournait au ciel, et l’ombre ou manes, appelée aussi Umbrum et Simulacrum, qui descendait aux enfers en conservant les formes terrestres, sans avoir ni chair, ni os. Ces manes se distinguaient en bons et en méchans ; mais ceux-ci portaient en outre le nom spécial de Larves ou Lémures. D’abord parlons des premiers que l’on ne désignait jamais autrement que par leur nom générique de manes, qu’il ne faut pas confondre avec les Lares ou Dieux domestiques, déjà connus, ni avec les Larves ou Lemures.
Ces manes que l’on faisait enfans de Mana ou Mannania, et dont l’on faisait dériver le nom, suivant quelques-uns, de la déesse Mania, que l’on disait leur mère, ou suivant d’autres du vieux mot manis, signifiant bon ou propice, voltigeaient pendant plusieurs jours autour du sombre asile où ils étaient déposés ; de là venait l’usage de les appeler en faisant trois fois le tour du tombeau : ils restaient ensuite confinés dans les enfers, d’où ils ne sortaient, disait-on, que trois jours par années : le 24 août, le 5 octobre et le 8 novembre. Ce fut pour célébrer ces sorties, qu’on institua en leur honneur, pour ces mêmes jours, trois fêtes, pendant lesquelles on devait s’abstenir de toute affaire importante ; de plus, les Romains célébraient encore en leur honneur, les Féralies, du 21 au 24 février. Les Athéniens leur avaient aussi consacré une fête solennelle dans le mois de janvier, pendant laquelle il n’était pas permis de se marier. Toutes ces fêtes grecques ou romaines se célébraient à l’entrée de la nuit, en entourant les autels de branches de cyprès, en faisant attention, dans ses sacrifices, de n’immoler la victime qu’on offrait aux {p. 319}manes, qu’à l’instant où cette victime avait les yeux fixés vers la terre, puis en brûlant l’animal tout entier, avec les liens mêmes qui l’avaient attaché, sans oublier ses entrailles, après les avoir traînées trois fois autour de l’enceinte sacrée ; ensuite les mortels, qui voulaient conserver quelque commerce particulier avec les manes, s’endormaient auprès de leurs tombeaux ; car, disaient les Romains, ces tombes sacrées étaient toujours activement surveillées par les manes, que les augures avaient soin d’invoquer dans leurs cérémonies ; cette crainte d’offenser ces ombres, restes invisibles des faibles humains, était même si grande chez eux, qu’ils ne manquaient pas d’inscrire ces mots diis manibus, c’est-à-dire aux Dieux manes, en tête de toutes les épitaphes pour rappeler le respect que l’on devait aux tombeaux.
On consacrait aux manes le cyprès, les fèves dont la forme était censée ressembler à la porte des enfers, et le nombre neuf ; on supposait que le bruit leur était insupportable et les mettait en fuite, et que le feu, au contraire, leur était agréable ; aussi déposait-on, en Italie, dans tous les tombeaux, des lampes tétragones ou sépulchrales, que les esclaves des riches prenaient soin d’allumer et d’entretenir ; les éteindre était un des plus grands crimes de l’antiquité, et les lois romaines punissaient avec sévérité cette violation des tombeaux.
Ce respect pour les manes, étant généralement répandu dans le monde ancien, il ne faut pas s’étonner si leur culte connu d’abord des Egyptiens, des Assyriens, des Phéniciens, des Perses et des Bithyniens, qui priaient leurs morts de ne pas entièrement les abandonner et de revenir quelquefois parmi eux, passa plus tard chez les Grecs avec Orphée, lequel apprit à ces peuples à les évoquer ; aussi pour l’en remercier, les Thesprotes bientôt lui élevèrent un temple à l’endroit où ils croyaient qu’il avait su rappeler au jour l’ombre d’Eurydice. Plus tard le culte des manes se répandit dans tout le Péloponèse, où on leur adressait des vœux dans les malheurs publics ; puis en Italie, où l’on vit leur élever des autels, de même que dans la Lucanie, l’Etrurie et la Calabre, autels qui toujours étaient au nombre de deux, et placés l’un près de l’autre.
Quant aux Larves ou Lémures, c’étaient, nous le savons, les manes des méchans ou des criminels ; on supposait que ces ombres erraient la nuit après leur mort, au milieu des tombeaux ; génies malfaisans, ils s’attachaient, disait on, aux pas des vivans, non-seulement pour leur inspirer de la terreur, mais pour les entraîner toutes les fois qu’ils le pouvaient de malheur en malheur et de crime en crime ; leur nom signifiait ame séparée du corps. Voici quelle était leur étymologie : on croyait à Rome que le couroux de Rémus, après sa mort, fut tel contre son frère, que son ombre s’attacha après lui jusqu’à ce que Romulus eût établi, en l’honneur de sa victime, des sacrifices expiatoires, fêtes que l’on appela d’abord Rémuries, puis Lémuries, qui duraient du 9 au 13 mai, et pendant lesquelles tous les temples étaient fermés et les mariages défendus. Pour célébrer ces fêtes, le père de famille se levait à minuit et au milieu des ténèbres les plus épaisses, il se rendait vers une fontaine, marchant nu-pieds, en silence, se contentant de faire, en se frappant les doigts les uns contre les autres, un léger bruit, mais suffisant pour éloigner les ombres qui se plaisaient dans les endroits silencieux. Arrive à la fontaine, il se lavait trois fois les mains, {p. 320}puis il s’en retournait en jetant derrière lui des fèves noires qu’il tenait dans la bouche, tout en répétant neuf fois à voix basse et sans regarder derrière lui, ces mots : Je me rachète moi et ma famille avec ces fèves ; ensuite après un moment de silence, il s’écriait à haute voix et en frappant sur un vase d’airain : Lémures, Dieux des enfers, sortez de ce séjour, et l’on terminait la cérémonie en allumant partout des feux expiatoires.
Les enfers en outre étaient composés de divers autres êtres fabuleux, personnifiés sous différens noms ; ainsi ils étaient d’abord entourés des cinq fleuves, savoir : l’Achéron, le Cocyte, le Phlégéton, le Styx et le Léthé.
L’Achéron, fleuve des enfers, n’avait pas toujours coulé dans le séjour des morts. Fils du soleil et de la terre, il promenait le cristal de ses ondes au milieu des bois et des prairies, et baignait les plus rians domaines de sa mère, éclairé par la lumière de son père ; mais il abusa de ses avantages et désaltéra les Titans pendant la guerre qu’ils soutinrent contre Jupiter. Pour le punir de cette perfidie, il fut précipité par ce Dieu dans les enfers, où il ne coula plus que des eaux fangeuses qui se perdaient dans le Styx.
Les Grecs et les Romains, après avoir emprunté à l’Égypte le nom d’un bras du Nil, que l’on voyait au-dessus de Memphis, près du lac Achérusia, dans les plaines des pyramides, imposèrent ce nom à une rivière d’Épire ; aux eaux amères et bourbeuses qui traversaient le lac Achérusia ; les Campaniens avaient également un lac de ce nom, et dans le Bruntium un autre Achéron coulait et se jetait dans la mer Tyrrhénienne. On représentait l’Achéron sous la figure d’un vieillard, couvert d’un vêtement humide, ayant un hibou à ses côtés et appuyé sur une urne renversée, d’où s’écoulent des ondes bourbeuses. On donnait pour enfans, à ce fleuve, Ascalaphe, déjà connu, fils d’Orphné ou des ténèbres ou de Gorgyre ou l’ombre, nymphes des régions infernales. Souvent, on prenait l’Achéron pour l’enfer lui-même.
Le nom du fleuve Achéron tirait son étymologie du mot égyptien Achon-Charon ou marais de Charon, car une fable également égyptienne donna du relief à ce marais, et plus tard la fable se transmit avec les noms. Voici comment les Grecs la racontaient :
Charon, que l’on surnommait Porthméos ou le nocher par excellence ; Portitor ou le batelier ; Satelles Orci ou le portier de l’obscurité, passait pour fils de l’Erèbe et de la Nuit. Sa fonction était celle du nocher des enfers, et pour une obole, il transportait dans une barque légère au-delà du Styx et de l’Achéron les ames des morts ; aussi, pour faciliter ce passage, on avait l’habitude de mettre dans la bouche des défunts, une pièce de monnaie appelée danacé, naule, ou denier de Charon ; mais malheur à l’ame dont le corps avait été privé de sépulture, car pendant cent ans elle errait sur les bords du fleuve infernal, sans pouvoir être admise dans la barque de l’inflexible nocher, qui jamais non plus ne passait sur l’autre rive aucun être vivant, à moins qu’il ne lui présentât le rameau d’or de la sybille, rameau qui servait de clef aux vivans, pour pénétrer dans les lieux les plus inaccessibles ; malheur aussi à Charon quand il contrevenait à ce devoir impérieux. Ainsi, il fut emprisonné pendant une année, pour avoir introduit Hercule dans les enfers, sans qu’il fût porteur de ce rameau magique. Charon était toujours représenté sous la figure d’un vieillard {p. 321}robuste, triste, le front ridé, les regards et les yeux perçans, ayant une barbe blanche et touffue, descendant sur la poitrine et se tenant toujours debout au milieu d’une barque.
Le Cocyte, dont le nom signifie gémissement, était l’un des cinq fleuves infernaux ; il passait pour fils du Styx et pour père de Menthe et de Phlégéton. D’abord, il faisait partie du Styx et fut ensuite se perdre dans le Phlégéton. Les ondes du Cocyte se grossissaient des pleurs des coupables, et son murmure imitait leurs gémissemens. On voyait dans l’Épire une petite rivière de ce nom, qui se perdait dans le lac Achérusia, et une autre dans la Campanie, qui se jetait dans le lac Lucrin.
Le Phlégéton ou Pyriphlégéton, était un fleuve qui roulait des torrens de flammes et qui coulait en sens contraire du Cocyte autour du Tartare, puis il allait confondre ses ondes avec celles de l’Achéron. C’était dans ses flots que l’on précipitait à jamais les ames criminelles. Ses eaux étaient des plus nuisibles ; aussi, l’on ne voyait sur les bords de ce fleuve, ni arbres, ni plantes.
Le Léthée ou fleuve d’huile ou fleuve d’oubli, était le fleuve des enfers, dans les eaux duquel les ames des morts devaient se baigner, pour perdre le souvenir des maux que leurs corps avaient soufferts sur la terre. Sur le bord de ses ondes tranquilles, comme sur ceux du Cocyte, l’on voyait une des portes du Tartare. Les ames destinées à aller animer de nouveaux corps, devaient encore, avant leur départ, boire à longs traits des eaux du fleuve d’oubli, pour recommencer ensuite une carriere nouvelle, car cette croyance de la transmigration des ames d’un corps à un autre, croyance à laquelle on a donné le nom de Métempsycose, était reçue chez tous les Grecs. Orphée, qui l’avait empruntée aux Egyptiens, Homère, ensuite, et Pythagore, l’enseignèrent publiquement. Ils prétendaient tous, qu’après la mort, l’ame passait successivement dans les corps des animaux terrestres, aquatiques et aériens ; qu’elle achevait ses transformations en trois mille ans, et, que ce temps révolu, elle revenait dans le corps de l’homme ; puis enfin, qu’après avoir expié ses fautes dans ces diverses conditions, elle était transportée dans une étoile pour y fixer sa dernière demeure.
Styx, fille de l’Océan et de Thétys, eut de l’Achéron une fille célèbre, que l’on nomme la Victoire. Styx découvrit à Jupiter la conjuration des Titans réunis pour le détrôner. Le roi du ciel prévint leur complot, et la Victoire le seconda si bien, que les Titans furent terrassés. Pour reconnaître le service que Styx lui avait rendu, Jupiter en fit le premier fleuve des enfers, décréta que les dieux qui auraient juré par le Styx et qui seraient parjures, seraient pendant un an étendus sur leur couche, privés de respiration, de parole et de vie, neuf ans de nectar et d’ambrosie, et exilés de l’Olympe, et ne pourraient qu’au bout de ces neuf années d’exil, reprendre leurs droits et leur divinité. Le fleuve entourait neuf fois les enfers ; ses eaux étaient si âcres et si mordantes, qu’elles rongeaient les plus durs métaux et qu’aucun vase ne pouvait les contenir. On disait que le Styx avait eu Zélos de son alliance avec Pallas. On représentait Styx sous les traits d’une femme vêtue de noir et appuyée sur une citerne, dont l’eau s’écoule avec lenteur. La géographie ancienne, nous apprend qu’une {p. 322}petite rivière de ce nom, coulait dans l’Arcadie septentrionale chez les Phénates, aux environs de Nonacries ; elle se jetait dans le fleuve Crathis, et ses eaux étaient corrosives. Le nom de ce fleuve voulait dire haïssable et lui avait été donné probablement à cause de la mauvaise qualité de ses eaux qui, disparaissant sous terre, avaient laissé supposer qu’elles se rendaient aux enfers.
Sur le bord du Styx, on voyait, à la porte des enfers, Cerbère, gardien fidèle, qui empêchait les vivans d’y entrer et les morts d’en sortir.
Ce Cerbère, que l’on surnommait Centiceps ou à cent têtes ; Créobore ou qui dévore des chairs ; Trifaux ou aux trois gosiers ; Tartareus Custos ou le gardien du tartare. Ce chien avait trois têtes. On disait qu’il était né, ainsi qu’un autre chien appelé Orthe, de Typhon et d’Échidna ; son cou était hérissé de serpens, ses gueules distillaient un noir poison. Couché dans un antre sur les bords du Styx, il laissait passer en paix les ames qui entraient, et menaçait de ses triples aboiemens ceux qui voulaient sortir ; cependant, en lui jetant des gâteaux de pavots et de miel, les héros pouvaient le forcer au silence quand ils allaient visiter le royaume de Pluton ; ainsi Mercure l’apaisa avec son caducée, Orphée l’endormit aux accens de sa lyre lorsqu’il descendit aux enfers pour y chercher sa chère Euridice, et le fameux Hercule le combattit corps à corps, le musela et l’entraîna jusqu’au séjour de la lumière. Cerbère était donc le gardien des peuples de Pluton, de même que Ménece, fils de de Ceuthonyme, était le berger de ses troupeaux. On représente Cerbère combattant avec Hercule et lui enfonçant ses griffes dans les chairs.
Après avoir passé au-delà de l’antre de ce chien redoutable, on rencontrait le tribunal terrible qui était chargé de juger les actes commis sur la terre par les ames des morts que Mercure lui amenait. Ce tribunal était composé de trois juges, Minos I, Eaque et Rhadamanthe, lesquels passaient pour avoir été les hommes les plus justes de leur temps. Déjà nous connaissons Minos II ; mais souvent on le confond avec son grand-père, Minos I, juge des enfers ; celui-ci était roi de Crète et fils de Jupiter-Astérius et d’Europe, il donna des lois si sages à son empire, qu’Homère assure que ce disciple de Jupiter se retirait tous les neuf ans dans un antre, où le dieu dictait ces lois à son fils. Cependant, Josephe, l’historien juif, dit que Minos avait reçu ses lois d’Apollon, après avoir été au temple de Delphes, et semble porté à le comparer à Moïse, comme fils d’une phénicienne. Quoi qu’il en soit, la sagesse de ces lois les firent subsister jusqu’au temps de Platon. Ce juge, nous le savons, épousa Itone, fille de Lyctius, et en eut Lycaste, père de Minos II, et de plus Chrysès, Enrymédon, Néphalion et Philolaüs.
Éaque, était, nous le savons aussi, fils de Jupiter et de la nymphe Égine, et régna dans l’île d’Europe, à laquelle il donna le nom de sa mère.
Quant à Rhadamanthe, troisième juge du sombre séjour, il était également fils de Jupiter et d’Europe, et par conséquent frère de Minos. Forcé, à l’âge de trente ans, de quitter son pays natal, à la suite d’une dispute avec l’un de ses frères, qu’il tua accidentellement, il se réfugia dans les Cyclades, ou en Syrie, et il y fonda un grand nombre d’établissemens. Il leur donna de sages lois, civilisa ces peuples ignorans, {p. 323}ensuite passa à Ochalie, en Béotie, où il épousa Alemène, veuve d’Amphitrion. Il se rendit célèbre par son équité et sa frugalité ; c’est lui qui établit la loi du talion, l’usage de faire prêter serment à l’accusé, quand les témoins manquaient, et la défense d’invoquer les Dieux en prêtant serment. Ce fut en mémoire de sa justice, qu’il fut nommé juge des enfers ; mais il ne jugeait que les peuples d’Asie. On le représentait un sceptre à la main, assis près d’un trône, à l’entrée des Champs Élysées. Il eut pour se faire aider dans ses travaux sur la terre, Andrée ou Andrié, cru fils d’Ananius, et Anion, qui lui servirent de lieutenans. Rhadamanthe laissa pour fils Gortyne ou Gorlys ou Gortyn et Eurytre, qui fonda le pays des Eurytres, en Ionie.
La Nuit, ou Euphrone, appelée aussi Erebennis, c’est à dire l’épouse de l’Érebe, était fille du ciel et de la terre, suivant quelques auteurs, ou plus généralement du Chaos, et sœur de l’Érèbe, dont elle eut l’ Ether, le Jour, la Pétulance, la Pitié, la Fraude, et pour fils Dumilès, être peu connu ; Epiphron, ou qui pense après coup ; Epaphe. La Nuit eut avec l’Ether l’ Intempérance, et avec l’Achéron les Dires, ou Imprécations ; et avec le soleil, Momus. On lui donne beaucoup d’autres enfans dont elle seule fut mère, ce sont : le Sort, les Kères, la Mort, le Sommeil, les Songes, Nomos, l’ Affliction, la Faim, les Hespérides, les Parques, Némésis, l’ Obstination, le Travail, la Peste et le Chagrin, l’ Amitié, la Vieillesse, la Discorde. La Nuit, souvent, était considérée par les anciens, comme la mère des dieux et des hommes, ou comme le principe de tous les êtres. Elle habitait le Tartare, qu’elle quittait tous les jours pour assombrir les régions brillantes de l’Olympe. Tantôt, elle voyageait sur un char d’ébène traîné par deux chevaux noirs ; tantôt, elle parcourait son empire d’un vol rapide et silencieux, et ses bras étendus sous ses vastes ailes, présentaient l’une, une poignée de pavots ; l’autre, un flambeau renversé, dont la flamme était prête à s’éteindre. Quelquefois, on représente aussi la Nuit sur un char, couverte d’un voile parsemé d’étoiles et précédée des constellations, ses messagères ; d’autres fois, elle tient entre ses bras deux enfans ; l’un, noir, emblème de la Mort ou de la Nuit ; l’autre, blanc, emblème du Sommeil et du Jour ; souvent enfin, on lui donne les traits d’une femme en deuil, couronnée de pavots et portée sur un char traîné par des chauves-souris ; le Sommeil et la Mort, disait-on, planaient à ses côtés, cachés sous le voile dont elle était couverte, puis voltigeaient autour d’elle les légers fantômes et les songes. La Nuit avait des temples et des oracles ; on lui consacrait le hibou et on lui sacrifiait des brebis noires, comme reine des ténèbres ou comme mère des furies et des coqs, parce qu’ils annoncent pendant la nuit le retour de la lumière.
L'on peut rattacher à cette déesse Nocturnus, dieu des ténèbres chez les Romains.
Enfans de la Nuit. Parmi les nombreux enfans de la Nuit, nous distinguons en première ligne :
La Mort, appelée aussi Kère par Hésiode, et Libitine par les Latins ; elle était une déesse gréco-romaine, fille de la Nuit. Elle avait pour sœur le Sommeil ; elle habitait les enfers, était honorée à Élis et à Sparte, et particulièrement en Phénicie et en Espagne ; les Grecs ne prononçaient que fort rarement son nom. Les poètes nous la montrent avec un cœur {p. 324}de fer, des entrailles d’airain, des ailes noires, un filet dans lequel elle enveloppe la tête de ses victimes. On la représente comme un squelette, tenant à la main un glaive ou une faux, ou souvent avec des traits graves, beaux, ou lugubres, mais nobles ; on la voit aussi dans les bras de la Nuit sa mère, feignant de dormir. L'on consacrait à la Mort l’if, le cyprès et le coq ; on donnait la Fraude et le Chagrin pour enfans à cette déesse. A sa suite on peut placer Viduns, dont la fonction était de séparer le corps de l’ame.
La Fraude, que les Romains adoraient comme fille de la Nuit et de la Mort, avait pour retraite ordinaire le Cocyte, dans les eaux duquel son corps restait caché, car jamais elle ne laissait voir que sa tête.
Le Chagrin, appelé aussi Curœ ou les Soucis, ou l’ Inquiétude et Mœror, se trouvait comme sa mère, la Mort, à la porte des enfers, sous le nom de Mœror ; on le prenait pour frère de Momus et des Hespérides. Quant à Momus, nous avons déjà vu qu’il réclamait la Nuit pour sa mère et le soleil pour son père ; aussi, préférant la lumière, il habitait plutôt au ciel qu’aux enfers ; il était le dieu du sarcasme et de la moquerie ; les divinités mêmes devaient supporter ses lazzis sans se fâcher. Ainsi, dans un différend qu’il eut à juger entre Neptune, Vulcain et Minerve, il critiqua Neptune de n’avoir pas mis les cornes du taureau sur ses yeux ou sur ses épaules Minerve, de n’avoir pas rendu sa maison portative, en cas de mauvais voisinage, et Vulcain d’avoir oublié de mettre une fenêtre au cœur de l’homme ; et, pour que personne ne fût jaloux dans l’Olympe, il fut jusqu’à critiquer la chaussure de Vénus. On le représente un masque et une marotte à la main.
Le Sommeil, fils de la Nuit et de l’Érèbe, résidait, suivant Homère, dans l’île de Lemnos, ou d’après Ovide, sur les monts Cimmériens, près du Bosphore, étendu et dormant sur un lit de feuillage, dans un antre obscur, inaccessible aux rayons du soleil, et dont l’entrée était fermée par des touffes énormes de pavots et d’autres plantes somnifères. A Délos, le sommeil était représenté par une déesse appelée Brizo, que les habitans honoraient en lui offrant de petites barques remplies de comestibles, excepté de poisson, afin d’en obtenir une heureuse navigation. Le Sommeil avait pour enfans les songes, et pour principal ministre Morphée, l’un d’entr'eux, ministre dont la principale charge était d’entretenir un silence éternel dans la sombre demeure de son maître.
Ce Morphée, était le dieu des Songes, fils du sommeil et de la nuit, il était aussi regardé comme le sommeil lui-même ; c’est pourquoi on le plaçait dans les régions ténébreuses des Cimmériens. Quoiqu’il n’eût ni temple, ni culte, il n’est pas de divinité que l’on ait invoquée plus souvent ; c’est lui qui réparait les forces épuisées par la fatigue, qui calmait les maux les plus cuisans, en versant sur les blessures un baume salutaire ; enfin, il n’était personne qui ne fût en position de lui adresser des prières. Comme dieu des songes, il était le plus habile de ces divinités trop souvent trompeuses ; seul, il annonçait la vérité et savait prendre la démarche, le visage, l’air et le son de voix de ceux dont il voulait offrir la ressemblance. On le représentait lui-même sous les traits d’un gros enfant endormi, ayant des ailes de papillon pour exprimer son passage rapide, et portant à la main une tige de pavots dont il touche les yeux des mortels.
{p. 325}Quant aux autres songes, ses frères, et comme lui fils du sommeil, leur nombre était fort grand, mais ils se personnifiaient dans Morphée, Phantase, Icèle ou Phobétor ; ils habitaient le même palais que leur père. Morphée prenait la forme des hommes ; Icèle ou Phobétor, celle des animaux ; c’était le plus terrible ; car, en prenant les formes de lion, de tigre, de serpent ou de tout autre monstre, il effrayait souvent les pauvres mortels. Quant à Phantase, il se cachait sous la figure des êtres inanimés, tels que les plantes, la terre, les rochers et les fleuves. Les songes vrais, que l’on personnifiait sous le nom d’ Alétie ou la vérité, étaient portés par Morphée et sortaient du palais du sommeil par une porte d’ivoire, pour annoncer les biens et les maux réels, et les songes faux en sortaient par une porte de corne, pour montrer la grossièreté de ces vaines illusions d’une imagination malade ou fatiguée ; ces trois songes principaux ne fréquentaient que les palais et ne s’attachaient qu’aux riches ; tous les autres s’amusaient à tromper le peuple sous leurs formes diverses, agréables ou effrayantes.
Nous avons dit que le Travail, la Vieillesse, la Faim et la Peste, étaient également enfans de l’Érèbe et de la Nuit ; en effet :
Le Travail, leur fils, placé par Virgile aux portes des enfers, était représenté comme un homme accablé de fatigue, se soutenant à peine et montrant ses épaules nues et ses bras décharnés et sans couleur.
La Vieillesse, sa sœur, était une vieille femme, couverte d’un manteau noir, tenant dans la main droite une coupe et s’appuyant de la main gauche sur un bâton.
La Faim ou famine, placée auprès du Travail et de la Vieillesse, d’après Virgile, était représentée, suivant Ovide, assise dans un champaride et grattant avec ses ongles des plantes sans vertus nutritives.
La Peste avait aussi été déifiée par les anciens ; car, ne connaissant aucun moyen d’arrêter ni d’affaiblir ses effets, ils lui avaient attribué naturellement une puissance divine.
La Nuit avait pour fille la Discorde ou la Dispute, appelée Eris par les Grecs, Altercatio par les Latins, Dysnomia ou l’Anarchie ; elle était cette déesse malfaisante que nous avons vue chassée du ciel par Jupiter et se venger cruellement en jetant le trouble même parmi les Dieux lors des noces de Thétis et de Pélée. On représentait la Discorde, compagne fidèle de Bellone, avec des yeux hagards, le teint livide, la tête couronnée de serpens, le corps couvert de vêtemens déchirés et portant un poignard caché dans son sein. On supposait qu’elle excitait continuellement Bellone au meurtre, et que toutes les querelles qui divisaient les peuples ou les familles devaient lui être attribuées.
Voici quels étaient ses enfans : Acté ou l’injustice, Algos ou la douleur, Amphilogie ou les rixes verbales, les Combats ou Batailles, les Contestations, la Faim, l’ Injustice, l’ Iniquité, les Meurtres, l’ Oubli, le Serment, le Travail et les Trompeuses Paroles, personnifications de maux auxquels déjà plusieurs auteurs ont donné la Nuit pour mère.
Le premier des enfans de la Discorde portait le nom d’ Algos ou la Douleur, l’Aloès en est l’emblême ; puis venaient Androctasée ou l’ Homicide, couvert d’armures et de drapeaux rouges, coiffé d’une peau de tigre, marchant l’œil en dessous et regardant derrière lui, tenant d’une main une tête et de l’autre une épée sanglante. Cædès {p. 326}ou les Meurtres, aux regards féroces et armés de poignards ensanglantés ; Dysnomie ou l’ Anarchie, que l’on peut représenter par une femme en fureur, ayant les yeux couverts d’un bandeau, les cheveux épars et les vêtemens déchirés, tenant d’une main un poignard et de l’autre une torche allumée, foulant aux pieds le livre des lois et un faisceau de baguettes, emblême de l’union, un sceptre brisé et un joug entièrement rompu ; on voyait encore à la suite de la Discorde, comme divinités infernales : la Calomnie, toujours représentée une torche à la main et traìnant par les cheveux l’Innocence, figurée par un enfant, le Mensonge à la jambe de bois, le Deuil, représenté par un cyprès, l’Oubli et la Vengeance ; mais occupons-nous particulièrement de celle-ci, souvent connue sous le nom de Némésis.
Cette Némésis ou Nortia ou Mursia des Étrusques ou déesse de la vengeance, portait les noms et surnoms suivans : Adrastée, à cause du temple qu’Adraste lui avait élevé dans la Troade ; Ancharie ou qui excite les remords et le désespoir chez les Asculans, les Phalésiens et toute l’Étrurie ; Ichnée, ainsi que Thémis, soit de la ville d’Ichnée en Macédoine, soit du mot grec ichnos, qui signifie Trace ; Nortia, nom d’une divinité que les Volsiniens, les Falisques, les Volaterrains et tous les Étrusques, honoraient sous le nom de Grande Déesse, quoiqu’on ne l’accordât ailleurs qu’à Cybèle. Cette divinité a été prise pour Némésis ou pour la Fortune. On attachait des clous dans son temple pour marquer les années. Rhamnusis ou Rhamnutia, de la ville de Rhamnunte, dans l’Attique, où Némésis possédait une statue de dix coudées, faite avec un bloc de marbre de Paros, forcément abandonné après une défaite par les Perses, sous le commandement de Datis, qui l’avaient apporté, dans l’espoir de le faire servir à dresser un monument qui rappelât une victoire.
Némésis était fille, suivant les uns, de Jupiter et de la Nécessité ou, selon les autres, de l’Océan et de la Nuit : placée dans les cieux et ministre de la Justice divine, elle commandait pour ainsi dire à l’aveugle destin, en tirant à son choix de l’urne de ce dieu, les biens et les maux. Elle punissait sévèrement et avec équité les coupables dans ce monde ; dans l’autre, elle humiliait l’orgueilleux, et personne n’était à l’abri de ses coups. Son pouvoir redoutable lui avait attiré un grand nombre d’adorateurs. Elle était honorée par les Babyloniens, les Assyriens et les Perses ; elle avait quinze chapelles autour du lac Mœris, lac au fond duquel les Égyptiens plaçaient la dernière demeure des bons et des méchans. Son culte fut apporté en Grèce par Orphée, et bientôt il fut connu à Rhamnunte, à Samos, à Smyrne, à Side, à Éphèse, d’où il passa en Italie ; cette divinité reçut même à Rome le nom de Sainte, et au Capitole, on lui consacra un autel, sur lequel, avant de partir pour les combats, les guerriers venaient lui immoler des victimes, en lui faisant l’offrande d’une épée ; quelquefois, on lui offrait aussi une oreille en argent, car elle présidait sans qu’on sache pourquoi à l’oreille droite. On lui consacrait le narcisse.
On représentait Némésis, en Grèce avec une couronne surmontée d’une corne de cerf, et la tête couverte d’un voile, pour marquer que la vengeance divine est toujours victorieuse, forte, impénétrable et inattendue pour le coupable ; quelquefois on la faisait se reposer sur un gouvernail, pour montrer l’étendue de son empire ; d’autres fois ses pieds {p. 327}posés sur une roue, pour indiquer qu’elle est toujours prête à se porter partout où sa présence est réclamée. On lui mettait souvent dans une main une coupe remplie d’une liqueur divine, et une épée ou une lance dans l’autre, ou un frein et un compas ; les Étrusques lui donnaient un diadème de pierres égyptiennes, et les habitans de la Bresse, en Italie, la couronnaient de laurier, la posaient sur une roue et lui mettaient le compas à la main.
Souvent, on rangeait Némésis parmi les Parques ; alors, faisons donc connaissance avec ces femmes redoutables.
Les Parques, déesses entre les mains desquelles se trouvaient le commencement, la durée et la fin de l’existence de tous les êtres vivans sur la terre, portaient les noms et surnoms suivans : Carmènes à Rome, Clotès du nom de l’une d’elles ; Esès ou Alsar, dieux étrusques, souvent confondus à tort avec les Parques des Grecs, mais bien plus semblables aux ases des Scandinaves ; Fatales Deæ ou les déesses fatales ; Librariæ Deûm ou les archivistes des dieux ; Matres ou les mères, et Matrones ou qui favorisaient les accouchemens en Italie et chez les Gaulois ; Triplices Deæ ou les triples déesses ; Tenites ou tenant les destinées ; Xantries ou les cardeuses. Filles de parens très-incertains, on les fait tour à tour passer pour enfans ou de de Jupiter et de Thémis, ou de Saturne et d’Evonyme, ou de l’Érèbe et de la Nuit, ou de la Mer, ou du Destin et de la Nécessité, ou du seul et unique Destin. Leur puissance n’était dominée que par celle de Jupiter ; arbitres de la vie et de la mort, leurs arrêts étaient irrévocables ; non seulement les hommes, mais tout ce qui avait une existence ou qui se mouvait dans une sphère d’activité leur était soumis ; ainsi, les animaux, les plantes et même les astres, étaient sous leur dépendance. Comme Némésis, elles dispensaient aux hommes les biens et les maux, et poursuivaient les coupables jusqu’à l’instant de la punition de leurs crimes ; comme Lucine ou Ilythie, elles prenaient un soin particulier de la naissance des héros ; elles déterminaient le temps que chaque mortel devait rester sur la terre ; elles ne lui révélaient qu’une partie de ses destinées et le faisaient mourir par tel moyen qui leur plaisait ; elles reconduisaient à la lumière et faisaient sortir du Tartare les héros qui avaient eu le courage d’y pénétrer, et servaient de suivantes à Proserpine quand elle retournait passer six mois près de sa mère. Les travaux journaliers des Parques, étaient assimilés à celui des fileuses ; aussi, disait-on qu’elles filaient de la laine blanche pour les existences longues et heureuses, de la noire pour celles de peu de durée et d’infortune, ou un mélange des deux laines pour une vie mêlée de bonheur et de peines, en finissant toujours par ne plus filer que de la laine noire à la fin de la carrière d’un mortel.
L'on supposait que les Parques étaient trois sœurs appelées généralement Clotho, Lachésis et Atropos, ou Moira ou le sort, Aica ou le sort, et Eimarmène ou la destinée, noms tous analogues, ou chez les Romains Nona, Décima ou les déesses des neuf ou dix premiers mois, et Morta ou la mort.
Clotho ou la fileuse, passait souvent pour la plus jeune des trois, et pour évoquer les esprits ; elle présidait à la naissance des hommes ; elle tenait une quenouille descendant du ciel jusque sur la terre et chargée de laine blanche ou noire, ou mêlée de fils d’or ou de soie. Elle était couronnée de sept {p. 328}étoiles, vêtue d’une robe de diverses couleurs et de draperies d’un bleu-ciel.
Lachésis ou qui filait le sort, était censée filer la laine sur un fuseau en un fil représentant les jours et l’existence humaine. On lui donnait un air riant et aimable, et pour vêtement une robe couleur de rose et parsemée d’étoiles ; elle était en outre entourée d’un grand nombre de fuseaux épars à ses côtés. Dans les concerts des sirènes c’était elle qui chantait les évènemens passés ; elle demeurait sur la terre et présidait d’une manière spéciale aux destinées qui nous gouvernent ; comme un seul fil ne devait pas pouvoir suffire pour tous les mortels, on avait imaginé plusieurs Parques, filant sous les ordres de Lachésis.
Atropos ou qui ne tourne plus, coupait le fil, et par conséquent mettait un terme à la vie de chacun des mortels ; c’était l’inflexible qui, armée de ciseaux, allait de rang en rang parmi les fileuses trancher le fil de tel ou tel mortel, dès que le destin lui en avait indiqué l’instant fatal ; elle était chargée aussi de chanter l’avenir dans les concerts des sirènes ; on la représentait sous les traits d’une femme très-âgée, couverte de vêtemens noirs et lugubres, entourée de pelotons de fils plus ou moins garnis, et armée de longs ciseaux.
Cependant on représentait aussi les trois Parques avec des figures de femmes accablées de vieillesse, marque de leur éternité, ayant un visage sévère et sur la tête des couronnes d’or ou de simples bandelettes, ou des couronnes de flocons de laine blanche entremêlés de narcisses, couronnes indiquant leur pouvoir ; on les couvrait de robes blanches, bordées de pourpre. On les plaçait au-dessus l’une de l’autre, de manière que l’une tenait une quenouille, image du passé, l’autre un fuseau ou le présent, et la troisième des ciseaux ou l’avenir. Hésiode leur donnait un visage noir, des dents meurtrières et des regards farouches ; on les représentait souvent boiteuses, pour montrer l’inégalité des évènemens de la vie.
Les parques n’étaient donc, suivant Pausanias, que Vénus-Uranie, la fortune et Ilithye ; parmi elles on range aussi Proserpine ou la Junon-Stygienne, et l’on attribue à ces trois sœurs l’invention de quelques lettres de l’alphabet grec. On leur donnait pour demeure ou un antre ténébreux du Tartare, symbole de l’obscurité, qui toujours entoure notre vie, ou un palais dans lequel leur occupation consistait à graver sur le fer et l’airain, les destinées de tous les hommes, en caractères ineffaçables, que ni la foudre de Jupiter, ni le bouleversement des astres, ni les perturbations des élémens, ne pouvaient faire disparaître. Il ne faut par conséquent pas s’étonner si les Grecs et les Romains rendaient un grand honneur aux parques qu’ils invoquaient habituellement après Apollon. Des prêtres couronnés de fleurs leur immolaient des brebis noires, comme aux furies dont nous allons faire suivre la fable dans quelques lignes ; mais auparavant, nous rappellerons que c’était dans cette sphère de terreur, que l’on rencontrait une divinité dont nous avons déjà fait connaître en détail les divers attributs, en parlant de Diane, divinité infernale à laquelle on donnait le nom d’Hécate, lorsqu’elle exerçait son pouvoir sur les sombres bords de l’empire de Pluton.
Cette Hécate, nous le savons, avait un corps gigantesque, surmonté de trois têtes menaçantes : des vipères s’entrelaçaient dans les couronnes de chêne, dont ces trois têtes étaient ornées ; à ses pieds étaient des chiens furieux, dont la gueule {p. 329}béante poussait des hurlemens affreux ; sa main droite était ornée d’un flambeau, d’un fouet et d’un poignard ; de l’autre, elle tenait une clef et une coupe funèbre. C'est elle qui était chargée de retenir pendant cent ans les ombres des morts privés de sépulture, sur les bords du Styx, et les frappait de son fouet, lorsqu’elles voulaient s’éloigner. A Athènes, on servait tous les mois, aux pieds de ses statues, un souper, que les pauvres mangeaient en son honneur. A Rome, on lui sacrifiait, pendant la nuit, des chiens, dont les cris plaintifs écartaient les esprits malfaisans. Hécate présidait aux mystères de la magie. Les sorciers lui immolaient pendant la nuit une brebis noire et lui présentaient du miel pour apaiser cette déesse redoutable, et l’appelaient sept fois à grands cris ; alors si le silence de la nuit n’était troublé par aucun bruit, des espèces de fantômes que l’on nommait Hécatées, sortaient de terre, et prédisaient l’avenir. Cette déesse n’était, par conséquent, qu’une espèce de Tithrambo ou Isis souterraine des Égyptiens, adoptée par les Grecs, qui lui donnèrent alors pour fils, Egialée, comme né de son alliance avec Éétès. C'était Hécate qui envoyait aux hommes, pour les effrayer, les Larves, les Lémures et Empuse, spectre féminin à formes hideuses.
Quant aux Furies que l’on appelait aussi Palestines, à Paleste en Épire ; Potniades ou de Potnie en Béotie, en raison d’une fontaine que l’on voyait près de cette ville, et dont les eaux rendaient furieux ; les filles d’enfer ; Cunes ou les chiennes ; les déesses sévères ; les déesses vengeresses, alors confondues avec les Dires, furies qui se tenaient au ciel près de Jupiter avec Némésis, Manès ou l’indignation, et Palestine ou la fureur ; ces Furies étaient filles de l’Achéron et de la Nuit suivant les uns, de la Discorde suivant les autres ; de Saturne d’après Hésiode, de la Terre et des Ténèbres selon Sophocle, et même Épiménide les suppose sœurs de Vénus et des Parques, et d’autres les disent nées de Pluton et de Proserpine ou de Saturne et d’Evonyme. Elles étaient au nombre de trois : Alecto ou Alecton, ou qui ne cesse pas, Tisiphone et Mégère ; cependant Euripide y ajoutait Lyssa, Virgile Erynnis, d’autres Erichton et wandore, et les habitans de Smyrne y comprenaient la Nécessité, tandis que Plutarque n’admet qu’une seule furie qu’il nomme Adrastée. Ces divinités infernales, étaient chargées de châtier de leur fouet vengeur les ombres criminelles, souvent même elles volaient au séjour des vivans, planaient sur la tête de l’homme coupable, et portaient dans son sein leurs flambeaux. Elles faisaient commencer pour lui sur la terre, les supplices éternels des enfers. Toutes les tortures, tous les malheurs étaient censés venir d’elles. C'est surtout le cœur qu’elles cherchaient à déchirer : elles l’enveloppaient d’un réseau, faisaient bourdonner autour de lui une assourdissante frénésie et l’empêchaient de discerner ce qui pouvait lui être utile ou funeste. Elles étaient vêtues tantôt d’une robe blanche, et tantôt d’une robe noire ; quand elle est blanche, on personnifie leur caractère paisible sous le nom d’ Eumenides ou Autocratires, c’est-à-dire bienfaisantes ou puissantes ; on les surnommait aussi Apostrophes ou regardant obliquement. Quand cette robe est noire, les furies sont des espèces de Némésis ou Erinnides, c’est-à-dire furieuses. On représente les furies avec des serpens entrelacés sur la tête en guise de cheveux, avec un air furibond et menaçant, des ailes de chauve-souris, {p. 330}des mains maigres et crochues, dont l’une est armée d’un fouet de couleuvres, tandis que l’autre tient une torche enflammée : c’est avec ces armes effrayantes qu’elles vont assaillir le criminel au milieu des fêtes et des festins.
Les Euménides avaient des chapelles et des forêts qui leur étaient consacrées à Sicyone, Corynthe, Mycènes, Athènes, Myrrhinonte, Potnie, Mégalopolis. On ne s’avançait qu’en tremblant dans ces enceintes sacrées ; l’impie y était sur-le-champ frappé de quelque fléau ; mais l’homme injustement poursuivi, était sûr d’y trouver un asile inviolable dans la ville de Corine, en Achaïe ; à peine le coupable avait-il posé le pied sur le seuil du temple des Furies, qu’un delire affreux s’emparait de ses sens et les faisait passer en un instant, de la fureur au désespoir, et du désespoir à la mort. Les accusés et les témoins qui paraissaient devant l’aréopage, étaient obligés de jurer, sur l’autel des Euménides, de dire la vérité. On leur immolait des brebis noires et pleines, des béliers, des tourterelles. On leur offrait du safran, des narcisses, de l’aubépine, de l’aune, du genièvre et du cyprès. Les prêtres de ces temples étaient appelés Besychides, et les Athéniens célébraient en l’honneur de ces divinités les Euménédies, à la célébration desquelles l’on n’admettait que les hommes libres et vertueux. Pendant ces fêtes, on immolait des brebis pleines, l’on faisait des libations de vin et de miel, et l’on offrait sur les autels des gâteaux pétris par les jeunes gens les plus distingués de la ville.
Les Furies, accompagnées de la Terreur, de la Rage, de la Pâleur et de la Mort, se tenaient toujours assises autour du trône de Jupiter, attendant avec l’impatience de la fureur ses moindres ordres, pour aller tourmenter les ames des coupables.
Chacune des Furies avait une fonction spéciale ; ainsi, Alecto, surnommée Cocytia Virgo ou la vierge du Cocyte, était la plus redoutable : la vengeance, la guerre et la peste étaient dans ses attributs, et on l’a toujours armée de torches ardentes et de serpens. Mégère était chargée d’aller tourmenter les ames à l’approche de la mort ; elle fut déchaînée contre les deux frères Etéocle et Polynice, quand ils se battirent, comme nous les avons vus, sous les murs de Thèbes. Tisiphone punissait les homicides, et vêtue d’une robe sanglante, elle veillait nuit et jour à la porte du Tartare ; puis dès que l’arrêt des criminels était prononcé, elle les frappait impitoyablement de ses fouets vengeurs, leur présentait des serpens furieux et appelait à hauts cris ses sœurs pour venir la seconder. Elle avait un temple environné de cyprès, sur le mont Cithéron, où, disait-on, le vieil Œdipe, aveugle et banni par ses enfans, était venu chercher un asile. Lyssa était la rage personnifiée qui, par l’ordre de Junon, fut conduite par Iris auprès d’Hercule, pour lui inspirer les fureurs dans lesquelles il perdit la vie. Erynnis avait été forcée de quitter le ciel, parce qu’elle le troublait par ses fureurs : elle vint se réfugier sur les bords de l’Achéron, qu’elle parcourait continuellement un flambeau dans la main droite, pour montrer qu’elle savait toujours découvrir et venger avec justice les crimes, et de l’autre main elle tenait un scrutin dans lequel les juges avaient coutume de déposer leur vote irrévocable. Quant à Pandore-furie, elle avait, suivant les argonautiques d’Orphée, un corps de fer et la mission de tourmenter les vivans.
L'on pourrait ranger à la suite des {p. 331}furies, les Harpies, que nous avons vu mises en fuite par les Argonautes ; mais c’est surtout Kères, fils de la nuit, que nous devons placer ici. Regardé comme synonyme de la mort par Hésiode, il paraît cependant en différer, car ordinairement on dédouble ce génie en deux personnages, pour supposer que l’un de ces Kères amène la vieillesse, et que l’autre conduit la mort derrière lui. Ces espèces de vampires, qui s’abattaient comme des vautours sur les champs de batailles, pour déchirer et sucer le sang des malheureux tombés sous les coups des ennemis, avaient un aspect hideux. On leur prêtait une peau noire, des dents bianches et des griffes immenses.
[n.p.] [n.p.]A la suite de ces monstres, nous placerons : Eurynome, qui n’en diffère en rien. Furine espèce d’Erynnis des anciens Romains et déesse du hasard chez les Toscans ; elle avait de grandes ailes de chauve-souris ; Patamnée, autre démon, se prenant corps à corps avec les hommes.
Déjà nous connaissons la plupart des grands coupables qui étaient torturés dans les enfers ; ainsi l’on y trouvait Etéocle et Polynice, Ixion, Œdipe, Phlégias, Salmonée, Sisyphe, Tantale, Thésée, Titye, sur lesquels il ne nous reste rien à dire ; mais on y rencontrait aussi les Danaïdes et toute la famille de Pélops.
Danaïdes. Parmi les grands coupables de l’enfer se trouvaient les Danaïdes ou Bélides, filles de Danaüs, ou Armaïs ou Lycius, fils de Bélus et d’Anchinoé ou à tort Anchirrohé, fille du Nil. Ce Danaüs, né lui-même à Cheminis en Égypte, et descendant d’Inachus par la sa trisaïeule, avait d’abord régné avec son frère Egyptus, sur l’Egypte, ou du moins sur la Lybie ; puis ayant inutilement voulu tuer ce dernier et après avoir refusé en mariage aux cinquante fils d’Egyptus, cinquante filles qu’il avait eues de différentes femmes, au nombre desquelles on remarque Crino, Ethiopis, Piérie et Polino, il fut obligé de s’enfuir avec ses filles. Dans sa fuite il passa par Rhodes, où il consacra la statue de Minerve-Lindienne, debarqua dans le Péloponèse, et s’arrêta chez le roi d’Argos Sthénèle, dont il se fit adjuger vers 1550 ou 1510 avant J.-C., le trône, au détriment de Gélanor, fils du roi décédé, en profitant d’un évènement, que le peuple regarda comme étant en sa faveur ; évènement, du reste, assez peu parlant, car il ne s’agissait que d’un bœuf dévoré par un loup. La nouvelle de cette fortune de Danaüs, étant parvenue jusqu’à son frère Egyptus, celui-ci mit de nouveau les armes à la main de ses cinquante fils, qu’il avait également eus de différentes femmes, parmi lesquelles on trouve Argyphie, mère de Lyncée et de Protée, Caliadne, Hephestine et Tyrie. Puis il leur donna l’ordre d’aller dans les états Européens de Danaüs et d’exiger leurs cousines en mariage. Trop faible pour résister, Danaüs fut forcé de se soumettre, mais il ne consentit à ces mariages que bien malgré lui ; car il avait appris de l’oracle qu’il mourrait sous les coups d’un de ses gendres. Cependant voulant chercher à prévenir le danger qui le menaçait, il réunit ses filles, leur démontre qu’elles vont être enlevées de force aux affections dont elles avaient pu se bercer, fait passer dans leur cœur le désir de la vengeance, et finit par leur faire promettre qu’elles égorgeront toutes leurs maris ; ensuite elles se marièrent et prirent chacune celui de leurs cousins que nous allons indiquer : Actée épousa Périphas ; Adiante, Daïphron ; Adyte, Ménélas, Agavé, Lycus ; Amymone, Encelade ; Anaxibie, Archélaüs ; Asterie, Chétus ; Autolée, Cissé ; {p. 332}Automate, Busiris ou Architèle ; Autonoé, Euryloque ; Brycé, ou Béblycée ou Polyxo, Chthonius ; Callidie, Pandion ; Callicée, Lyncée ; Céléno, Hyperbius ; Dorion, Cercès ; Chrysippe, ou Danaïs ou Demodestas, Chrysippus ; Cléodore, Lixus ; Cléopatre, Agénor ou Métacle ; Clité, Clitus ; Dioxippe, Egyptus ; Electre, Péristhène ; Eraté, Bromius ; Eurydice ou Hécabé, Dryas ; Evippé, Argius ; une autre Evippé, Imbros ; Glauca ou Glaucé, Alcis ou Alus ; Glaucippe, Potamon ; Gorgé, Hippothoüs, Gorgophone, Protée ; Hippodamie, Ister ; une autre Hippodamie, Diagorite ou Diacorystès ; Hippodice, Idas ; Hippoméduse, Alcménon ; Hypérie, Hippocorystès ; Hyppermnestre, Lyncée ; Iphiméduse, Euchénor ; Mnestra, Agius ou Égius ; Néso, Melaque ; Ocypète, Lampus ; Ocmé, Arbelus ; Pharté, Eurydamas ; Philergé ou Pilargé, Idmon ; Pirée, Agaptolème ; Podarcé, Œnée ; Polixo, Brycé ; Rhodé, Hippolyte ; Rhodia, Chalcédon ; Scéa, Daïphron ou Archandre ; Sthénélé, Sthénelus ; Stygné, Polyctor ; Théano, Phanthès.
A la place des noms de plusieurs de ces Danaïdes, quelques auteurs dont la légende est peu suivie, mettent ceux-ci : Acamanthis, femme d’Echonyme ; Antodia, Antodice, de Clytonée ; Anaxithée, Arcania, d’Antipaphe ; Critomédia ; Clio, d’Astérius ; Daléno ; Chrysothémis ; Damone ; Europome, d’Atlite ; Hésione ; Helcite, de Cassus ; Delphidia ; Nélecta ; Paléno, d’Aristone ; Idea, d’Antimacus ou Antiochus ; Héro, d’Andromaque ; enfin on ajoute encore Eurynome, Panphile et Plexippe, égyptides qui avaient épousé on ne sait trop quelles Danaïdes.
Chacune de ces Danaïdes, en fille obéissante, immola pendant la nuit son époux ; Hypermnestre seule qui avait un tendre penchant pour le sien, l’épargna et fit échapper Lyncée ; mais le lendemain elle parut devant son père pour être punie de sa rébellion. Cependant le peuple ayant pris sa défense, elle fut acquittée et retrouva même quelque temps après la tendresse de son père ; celui-ci légua même sa couronne à Lyncée, qui devint père d’ Abas, duquel naquirent Acrisius et Proetus. Les sœurs d’Hypermnestre ne survécurent pas long-temps à leur crime, et après leur mort, elles furent condamnées à porter éternellement des cruches d’eau dans une cuve sans fonds, pour essayer de la remplir, punition que l’on a interprétée, en disant qu’elle était le symbole des rigoles qui portent sur les champs l’eau dont la terre s’imbibe continuellement. Les têtes des Égyptides furent inhumées à Argos, et leurs corps à Lerne, théâtre de ces horribles fiançailles. Pour célébrer l’action d’Hypermnestre, les Argiens fondèrent la fête des torches ou Pyrsôn-Eortè, en mémoire des torches que les deux époux allumèrent, pour se prévenir dès qu’ils furent l’un et l’autre hors de danger.
Pélops, fils de Tantale ou de Brontée, roi de Lydie et de Dionée l’Atlantide ou de Clytie, fille d’Amphidamas ou d’Eurythemiste, fille de Xanthe ou d’Euryanasse, fille du Pactole ou d’Euprytone ou de Taygète ; il était frère aussi du côté de son père de Bascyle, né d’Anthémusie, ou à tort d’Anthémoisie. Pélops, avait vu le jour en Lydie, ou en Élide. Il fut haché en morceaux par son père, un jour que les Dieux l’ayant honoré de leur visite, ce père indigne servit cet horrible mets sur leur table, pour éprouver leur infaillibilité. A peine Jupiter l’eut-il approché de ses lèvres, qu’il annonça aux convives le crime de leur hôte ; alors les dieux résolurent de ressusciter Pélops ; ce qu’ils firent en {p. 333}rassemblant tous les morceaux ; mais il manqua une épaule que Minerve avait mangée, de même que nous verrons manquer quelque chose à Osiris, quand il sera coupé en treize morceaux par les Égyptiens. Pour réparer cette perte, ils en firent une d’ivoire, que Minerve plaça elle-même. Pélops, après sa résurrection, fut en Élide, à la cour d’Œnomas ou Œnomaüs, roi de Pise, qui avait promis sa fille Hippodamie ou Atracis, née d’Eurythré à celui qui le vaincrait à la course. Déjà, tous les prétendans qui suivent, avaient succombé. Aristomaque, Capet, Chalcodon, Cronius, Crotale, Euryale, Eurymaque, Lasios, Lycurgue, Marmax, Pélagon et Tricolone, fils du Lycaonide. Cependant, Pélops n’est point effrayé de ces sanglantes victoires ; et, amoureux d’Hippodamie, il accepte le défi ; mais, pour être sûr de réussir, il gagne Myrtyle, cocher d’Œnomaüs. Myrtile, ayant mal emboité une des roues du char de son maître, fut cause que le char se brisa au milieu de la carrière, et qu’Œnomaüs périt victime de cette trahison, tandis que le char de Pélops conduit par Cillus continua rapidement sa course. Pélops, vainqueur, devint possesseur d’Hippodamie et du royaume de Pise, auquel il ajouta Olympie, plusieurs autres districts et forma un vaste empire qu’il appela Péloponèse. Pélops avait été, disait-on, tellement aimé de Neptune, que ce dieu lui avait donné, pour joûter avec Œnomas, un char d’or et des chevaux blancs ailés.
Pélops, institua à Olympie, sa capitale, en l’honneur de Jupiter, les jeux olympiques ; ensuite, il vainquit Illos dans une autre guerre et mourut chargé de jours, de gloire, de richesses et de puissance ; aussi, lui éleva-t-on dans le Pélopium, esplanade du bois sacré d’Altis, un autel consacré par Hercule, sur lequel on immolait un bélier noir. Les os de Pélops furent conservés dans un ciste de bronze ; et, à tort, la tradition d’Alexandrie supposait que le palladium avait été fait avec ses os. Pélops, laissa en mourant trois fils d’Hippodamie, savoir : Astrée, Thyeste, Hippalque ou Hippalime ou Hippalame, et, dit-on encore, Plisthène, cru généralement aussi fils d’Astrée ; puis il eut d’Astiochée ou Danais, le brillant Chrysippe qu’Hippodamie, jalouse de ne pas en être la mère, fit tuer par son mari ; et, à cette liste, Apollodore ajoute pour enfans de Pélops deux fils, Alcathaoüs et Pithée, et deux filles, Lysidice, d’Electryon, et Nicippe, dont il n’indique pas la mère ; Strabon y joint Trézène, et d’autres auteurs nomment de plus pour ses fils, Cléone, Dysponte et Argée, père d’Alector.
Voyons maintenant ce que devint toute cette famille de Pélops. Trézène, fonda le royaume de son nom, et Pithée lui succéda en se faisant admirer par la sagesse avec laquelle il administra son gouvernement, puis il donna sa fille Ethra en mariage à Égée, roi d’Athènes.
Plisthène mourut jeune, mais vécut pour la postérité dans la personne de ces deux fils célèbres, Agamemnon et Ménélas, dont il laissa la tutelle en mourant à son frère Atrée, qui les fit élever si paternellement, qu’on les désignait souvent par le nom d’Atrides.
Cet Atrée succéda au roi de Mycènes Eurysthée, dont il avait épousé la fille Érope, qui l’avait rendu père de trois fils, Alcon, Eumolus et Mélampus, auxquels on donna, comme aux Tyndarides, le surnom d’Anaces ou Dioscures.
Quant à Thyeste, frère d’Atrée, il eut une suite d’aventures peu honorables, à {p. 334}la suite desquelles il se trouva père d’un Plisthène II, d’un Tantale II, de Pélopée et d’Égisthe ; mais entrons dans quelques détails, et pour mieux nous faire comprendre, suivons mot à mot la légende rapportée par M. Parisot. Les relations de ces deux frères Thyeste et Atrée, que l’on appelait aussi Dioscures Pélopides ou Tantalides, à cause de leur aïeul Tantale, n’étaient pas, dit cet écrivain, comme celles des Dioscures Tyndarides, des miracles et des modèles d’amitié. Au contraire, des haines sanglantes et de profondes rivalités les armèrent l’un contre l’autre. Ainsi, Atrée avant remplacé son père sur le trône d’Argos, Thyeste voulut ressaisir l’empire dont moitié, soutenait-il, devait lui appartenir. Au nombre des trésors de son père, Atrée avait trouvé le bélier à toison d’or chrysomalle, qui avait été donné par Mercure, de la part de Jupiter, à Pélops, avec la garantie qu’il serait un gage d’empire et d’inamovibilité souveraine pour celui qui le possèderait. Aussi, Thyeste commença-t-il par s’en emparer ; puis, pour pousser sa vengeance plus loin, il séduisit Érope, femme d’Atrée, l’enleva et la rendit mère de Plistène et de Tantale, lequel passe pour le premier époux de Clytemnestre, fille de Léda et de Tyndare, et sœur de Castor. Cependant, Atrée en apprenant les spoliations de Thyeste reprit le noble bélier, sa femme et le chef-lieu de son empire, d’où son frère fut obligé de fuir sans toison, sans femme et sans royaume, et de se réfugier en Épire, où il trouva un asile, mais où il fut bientôt poursuivi par Atrée, qui lui prodigua des promesses trompeuses et le decida à revenir dans Argos. Durant son exil, Thyeste rencontra dans un bois Pélopée sa fille, la viola sans la connaître suivant les uns, ou en sachant fort bien qui elle était suivant les autres, parce qu’il avait appris d’un oracle que le fruit de cet inceste devait être un jour le vengeur de ses injures ; mais pendant qu’elle était victime de la brutalité de son père resté pour elle inconnu, Pélopée enlève à celui-ci son épée dans l’espoir qu’elle pourra lui servir plus tard à reconnaître cet audacieux coupable. Le plus profond silence ayant régné sur cet évènement, Atrée sollicita du roi d’Épire la main de cette princesse qu’il croyait sa fille, et l’obtint ; de sorte qu’elle se trouve fille-épouse de son père et nièce-épouse de son oncle. Tous trois, c’est-à-dire Atrée, Thyeste et Pélopée, retournèrent ensuite à Argos, où un riche festin célébra l’arrivée des deux frères et leur réconciliation. Durant ce repas, Pélopée qui a reconnu dans Thyeste son père et son amant, lui avoue que pour ne pas éveiller les soupçons de son époux, elle a confié le fruit de sa honte aux chevriers d’une contrée qu’elle lui indique ; puis, à la fin du banquet, lorsqu’après avoir demandé ses enfans pour les embrasser, Thyeste porte pour boire sa coupe à ses lèvres, il jette un cri d’horreur, car c’est du sang humain qui la remplit, et pour mieux lui faire comprendre dans quelles veines il coulait, Atrée lui présente sur des plats d’argent les membres palpitans et les têtes de ses fils. Tous les convives frémirent à cet acte barbare, et le soleil se cacha même, dit-on, pour ne pas l’éclairer.
Thyeste, naturellement, s’enfuit en ne respirant à son tour que vengeance : il fut réclamer des chevriers Égisthe, son fils, né de Pélopée, l’éleva dans la haine d’ Atrée et des Atrides, sans pourtant lui-même se faire connaître ; puis, il envoya cet élève à la cour d’Atrée qui, bientôt {p. 335}le chérit comme l’un de ses propres fils. Cependant Agamemnon et Ménélas, fils d’Atrée, ayant été à la recherche de Thyeste, finirent par l’atteindre, le charger de fer et le ramener à Argos, où il fut enfermé dans une étroite prison. Quelques jours après, Atrée donna l’ordre à Égisthe d’aller mettre à mort ce prisonnier. Mais à peine ce jeune homme a-t-il tiré son épée, que Thyeste se fait connaître à son fils, et que Pélopée, amenée par le hasard pour offrir des consolations à son père, honteuse de reconnaître, à la vue du glaive témoin de son inceste, le fruit et la cause de son malheur, se perce avec cette même épée qu’Egisthe retire toute sanglante du sein de sa mère, pour courir massacrer Atrée, qui déjà rendait grace aux Dieux de la mort de son frère.
Après la mort d’Atrée, Égisthe aida Thyeste à remonter sur le trône de l’Argolide ; mais, bientôt Agamemnon et Ménélas, secourus par Tyndare, vinrent à leur tour les chasser de Mycènes. Que devint Thyeste ? on ne sait trop, peut-être fut-il mourir dans l’île de Cythère ?
Quant à Égisthe, il se réconcilia publiquement avec Agamemnon qui, avant de partir pour la guerre de Troie, que nous allons trouver dans quelques lignes, lui confia la régence de son royaume, Clytemnestre sa femme, et ses enfans ; mais, Égisthe, dépositaire infidèle, séduisit l’épouse, la décida même à égorger Agamemnon à son retour de Troie, et resta sept ans à Mycènes époux de cette veuve criminelle. Au bout de ce temps, un fils d’Agamemnon, Oreste, qu’Électre sa sœur avait sauvé des mains d’Égisthe et de Clytemnestre, revint à Mycènes et tua sa mère et son beau-père dans le temple et sur l’autel d’Apollon, à l’instant qu’ils cherchaient à lire l’avenir dans les entrailles palpitantes d’un taureau que l’on venait d’immoler.
Peu de temps après qu’Agamemnon eut épousé Clytemnestre, Ménélas obtint la main d’Hélène, sœur également des Dioscures Tyndarides ; mais la main de cette jeune fille qui déjà avait été enlevée par Thésée et délivrée par ses frères Castor et Pollux, fut vivement disputée à Ménélas par de nombreux prétendans, c’étaient : Philotecte, Idoménée, Thoas, Mérione, Eléphénor, Agapénor, Machaon, Podalire, Amphiloque, Ascalaphe, Ialmène, Patrocle, Eumèle, Ajax l’Oïlide, Ajax le Télamonide, Teucer, son frère Polyxène, Schédius, Sthénèle, Polypéte, Diomède, Antiloque et Ulysse. A la fin, ce dernier intervint et fit promettre à tous ces amans par serment, qu’ils se soumettraient aveuglément au choix de la princesse et qu’ils se coaliseraient contre l’audacieux qui aurait la témérité de vouloir troubler l’époux heureux dans la possession de cette jeune et belle Tyndaride.
Ménélas, qu’elle choisit, devint donc ainsi le mari d’Hélène et bientôt le maître du trône de Sparte, dont il était par suite de ce mariage l’héritier présomptif, puis il devint père d’Hermione, de Morraphe et de Diète.
Cependant la paix ne fut pas de longue durée dans ce ménage, car Priam, fils de Laomédon, regrettant toujours le rapt de sa sœur Hésione, qu’Hercule avait enlevée et donnée à son ami Télamon, père d’Ajax le Télamonide, envoya Pâris, son fils, en Grèce, pour racheter cette princesse s’il était possible, ou du moins pour y recueillir sa succession ; reçu avec aménité par Ménélas, qui lui donna l’hospitalité, il eut la lâcheté de profiter d’un instant où ce prince était absent, pour séduire Hélène, l’enlever et l’emmener en Asie.
{p. 336}Guerre de Troye. A cette nouvelle, tous les Grecs s’armèrent pour venger cet enlèvement, et d’un commun accord Agamemnon fut nommé généralissime des troupes qui marchèrent contre Troye, guerre qui dura dix ans, et se termina par le pillage le plus affreux et par la destruction, pour ainsi dire totale, de la ville. Mais la place ne nous permettant pas de décrire la suite des hauts faits dont l’histoire fabuleuse de la Grèce a propagé le souvenir, nous allons donner les noms des guerriers les plus célèbres de ces deux armées ennemies, et nous les ferons suivre de quelques détails sur ceux d’entre eux qui se firent remarquer d’une manière plus spéciale.
Armée grecque. Les combattans de l’armée des Grecs, comptaient dans leurs rangs : Acamas, fils de Thésée et de Phèdre, suivit Eléphénor ; Agamemnon ; Achille, fils de Pélée et de Thétis, chef des Phtiotides ; Agmon, compagnon de Diomède ; Ajax le Télamonide, chef Talaminien ; Ajax l’oïlide ; Alastor, un des douze fils de Nestor et de Chloris ; Alcime, ami d’Achille ; Alcimède ; Alcmaon, fils de Thestor, et tué sous les murs de Troye ; Alector, le spartiate, époux de Cléobule, mère de Léide ; Alégénor, fils d’Itone et l’un des chefs Béotiens ; Amphiloque, fils de Ctéate ; Amphimaque, fils du molionide Ctéate, et tué par Hector ; Amphion, l’un des quatre chefs Epéens ; Ancée, Ancholie, cocher de Ménestre et tué par Hector ; Andrémon, fils d’Œnée et compagnon de Diomède ; Anticle, l’un des guerriers enfermés dans un cheval de bois, que l’on construisit pour tromper l’ennemi et entrer dans la ville ; Antiphe ; Ampharée, tué par Enée ; Antiloque, Arète, fils de Nestor ; Argenne, fils de Leucon et favori d’Agamemnon ; Aribas, père de Locrète, et tué par Enée, Aristomaque, père d’Hippomédon ; Ascalaphe, tué par Déiphobe ; Assé, tué par Hector ; Antimaque, Automédon, fils de Diore ; Autonoüs, tué par Hector, Blanire ; Bucole, père de Sphile, et tué par Enée ; Canobe, pilote de Ménélas, il mourut sur la côte égyptienne à son retour, avec sa femme Euménutis ; Calchas, le prêtre et l’oracle de l’armée grecque ; Cérane, cocher de Mérione, et tué par Hector ; Charope, roi de Syme, mari d’Aglia et père de Nirée ; Chrethron, fils de Dioclès, frère d’Orsiloque et tué par Enée ; Chromius ; Cinas, pilote de Ménélas ; Clitonée, tué par Hector ; Clonius, fils d’Alectrion, ou de Lacrite ou d’Hélégénor, et tué par Agenor ; Cyanée ; Cycnus, fils d’Oate et d’Auriphyte, fut au siége avec douze vaisseaux ; Cyllabare ou Cyllarabe, ou Cyllébore, ou Comète, fils de Sténèle et amant d’Agialée, femme de Diomède pendant le siége ; Daunus ; Déioque, tué par Pâris ; Deipyle, fils de Sthénèle et compagnon de Diomède ; Deipyre, tué par Hélénus ; Démolée combattit Epée ; Demophon, fils de Phèdre et de Thésée, suivit en amateur Eléphénor ; Dexius, tué par Glaucus ; Diomède, fils de Tydée, roi de Calydon ; Diophore ; Diore, tué par Phorbas ; Dolops, fils de Clytus, et tué par Hector ; Dracius, chef Epéen ; Echéphron, fils de Nestor ; Echios, tué par Polite ; Eléphénor, l’un des chefs Eubéens ; Enops ; Epée, fils de Panopée, chef de trente vaisseaux épéens, ce fut lui qui fabriqua le cheval de bois ; Epigée, fils d’Agaclès, roi de Budion, en Thessalie, fut tué par Hector ; Epistrophe, fils d’Iphite et d’Hippolyte, fut tué par Hector ; Esymne, tué par Hector ; Euchénor, fils du devin Polybe, fut tué par Pâris ; Eudore, fils d’Hermès, fut tué par Pyréchème ; Eumêle, chef {p. 337}thessalien, fils d’Admète et d’Alceste, conduisit onze vaisseaux devant Troie ; Eumite, fils d’Alceste ; Euryale argien, ancien argonaute et compagnon de Diomède ; Euribate, hérault d’Agamemnon ; Eurybate, hérault d’Ulysse ; Eurymédon, écuyer d’Agamemnon ; Evémon, père d’Eurypyle ; Gouné, tué sous les murs de la ville ; Hémon, de l’armée de Nestor ; Hippalame, frère d’Alégénor, chef des Béotiens ; Hippomaque, tué par Léontée ; Hipponoos, tué par Hector ; Hodios, prêtre et guerrier ; Hipsénor, tué par Déiphon ; Iase, fils de Phèle et chef des Athéniens ; Idoménée, petit fils de Minos II et fils de Deucalion, il était le chef des Crétois ; Iphinoüs, fils de Dexius, fut tué par Glaucus ; Léite, fils d’Electrion, conduisit quarante vaisseaux ; Leucos, compagnon d’Ulysse et tué sous les murs de Troie ; Lycaon, fils de Diomède, fut tué par Pandare ; Lycophron, suivant d’Ajax, fut tué par Hector ; Médon, chef des Phliotes ; Mégapenthe, fils de Ménélas et de Piéris, et gendre d’Alector ; Mégès, que les Doriens prononçaient Mégas, fils de Phylée et d’Eustyoche ; Mélanée, habile archer, que l’on disait fils d’Apollon ; Ménélas ; Ménéleptolème, général avec Médon, des Phliotes ; Ménestre, fils d’Aréithoüs et de Philomédus, roi d’Arne et tué par Pâris ; Ménesthe, grec, tué par Hector ; Ménesthe, fils de Polydore et l’un des capitaines servant sous Achille ; Mentès, roi des Cicones ; Mérione, fils de Mole et de Melphis ; Néoptolème ou Pyrrhus, fils d’Achille ; Nestor, fils de Nélée ; Nyctée, compagnon de Diomède ; Ochèse, chef des Étoliens, fut tué pendant le siège ; Œnomas, tué par Hector ; Oénops, fils d’Hélénus et mort devant Troie ; Ophelte, tué par Hector ; Opite, chef argien, tué par Hector ; Oresbios, prêtre et guerrier ; Oreste, tué par Hector ; Orsiloque, petit-fils d’Orsiloque, né d’Alphée, fut tué par Enée ; Otos ou Otus fils de Cyllène, fut tué par Polydamas ; Palamède, fils de Nauplius et de Climène et chef des Eubéens ; Pandion, suivant de Teucer ; Patrocle, fils de Ménesce, roi des Locriens et de Sthénèle, ami d’Achille et tué par Hector ; Pélagon, capitaine de l’armée de Nestor ; Pénélée, ancien argonaute, fut tué par Polydamas ; Périphas, le plus vaillant des Etoliens ; Periphéme, chef myconien, tué par Hector ; Phémios ; Phénix, fils d’Amyntor, aveugle qui, malgré son infirmité, voulut suivre à ce siège Achille, son élève ; Phidippe, de la race d’Hercule ; Phrontis, fils d’Onétor, était pilote de Ménélas, et fut tué par Apollon au port de Sanium ; Pisandre, le plus habile lancier après Patrocle ; Podarce ; Polypète, fils de Pirithoüs et d’Hippodamie, conduisit quarante vaisseaux ; nolyxène, fils d’Agasthène et Héraclide ; Promaque, chef béotien, tué par Acarnas ; Protésilas, fils d’Iphicle et de Diomédée, fut tué à son arrivée par Hector ; Prothénor, fils d’Aréilyque et de Théobule, frère d’Arcésilas, était l’un des sept chefs béotiens, il fut tué par Polydamas ; Protoos, fils de Teuthrédon, conduisit quarante vaisseaux de Magnètes devant Troie ; Pylée, chef pélasgue ; Pyrrhus ou Néoptolème, fils d’Achille ; Réthénor, compagnon de Diomède ; Schédius, fils d’Iphite et tué par Hector ; Sinon, fils de Sisyphe, espion grec, qui détermina la prise de Troie ; Sthénèle, fils de Capanée et l’un des Epigones ; Stentor, dont la force de la voix faisait trembler tous les environs ; Talthybius, {p. 338}hérault d’Agamemnon ; Teucer, fils de Télamon, roi de Salamine et habile archer ; Teuthras, tué par Mars sous la figure d’Hector ; Teuthis, chef arcadien, déserta l’armée grecque comme elle partait pour Troie ; Thalpe, fils d’Eurite, fut devant Troie avec dix vaisseaux épéens ; Thersite, plaisant et chef difforme de l’armée grecque, il était remarquable par sa lâcheté et ses bouffonneries ; il fut assommé d’un coup de poing par Achille, pour s’être moqué de ce héros qui pleurait d’avoir été forcé de tuer Penthésilée, reine des Amazones et alliée de Priam ; Thoas, fils du roi Calydonien Andremon, faisait partie des guerriers qui entrèrent dans Troie, enfermés dans le cheval de bois ; Thrasimède, fils de Nestor et d’Anaxibie ; Tisandre, était aussi dans le cheval de bois ; Tlépolème, fils d’Hercule et d’Astyochée et mari de Prolyxo, fut à Troie avec neuf vaisseaux rhodiens, il y fut suivi par sa femme Philozoé, et fut tué par Sarpédon ; Ulysse roi d’Ithaque.
Faisons connaître actuellement plus en détail quelques-unes de ces célebrités dont les hauts faits inspirèrent si brillamment le génie d’Homère. Le premier qui se présente naturellement est le chef de cette expédition ; quant aux autres guerriers, nous les ferons suivre par ordre alphabétique.
Agamemnon, roi de Mycènes et d’Argos, fils de Plisthène et petit-fils d’Atrée, avait pour mère Ériphyle. Il passa son enfance à la cour de son aïeul. Fort jeune encore, il exécuta par les ordres d’Atrée, un voyage à Delphes, pour consulter Apollon sur le sort futur de Thyeste. Plus tard, il fut à Sparte près de Tyndarée, dont il épousa la fille Clytemnestre, qui le rendit père de six enfans : Iphigénie, Électre, Chrysothémis, Laodicée, Halèse et Oreste. Quand les princes de la Grèce se furent assemblés, ils nommèrent Agamemnon chef de l’expédition contre Troie ; il arma cent vaisseaux et rassembla son armée dans la baie d’Aulis. Déjà, la flotte était prête à mettre à la voile, quand Agamemnon eut le malheur de tuer d’un coup de flèche la biche sacrée, favorite de Diane ; aussitôt, un calme profond arrête la flotte ; alors on consulte Calchas, afin de savoir ce qu’il faut faire pour obtenir un vent favorable ; l’oracle répond qu’une victime doit être immolée pour conjurer le courroux de la déesse des bois, et qu’il faut qu’elle soit du sang d’Agamemnon. A ces mots, Ulysse, au nom de l’armée, exige qu’Iphigénie soit conduite à l 'autel, ce que le malheureux père ne put empêcher. Après ce barbare sacrifice, le calme cesse et la flotte part, s’arrête sur les côtes d’Amphimédon, fils de Mélanthée, repart et arrive enfin devant la ville de Troie. Pendant ce voyage, Agamemnon pilla plusieurs villes, et fit un grand nombre de prisonniers, au nombre desquels se trouvait Chryséis, fille du pontife Chrysès : épris de ses charmes, il refusa arrogamment de rendre cette Chryséis à son père, qui vint lui apporter la rançon de sa fille ; il s’en irrita, et fut même jusqu’à le menacer de le faire périr s’il ne se retirait à l’instant. Cependant, il fut obligé de rendre cette jeune fille, car l’oracle déclara que c’était le seul moyen de faire cesser les ravages d’une peste qui se déclara peu de jours après cet évènement. Pour se dédommager, Agamemnon enleva Briséis, concubine favorite d’Achille, ce qui causa entre ces deux chefs une querelle si sérieuse que le fils de Thétis se retira sous sa tente et refusa de prêter secours aux Grecs. Agamemnon, se distingua toujours des {p. 339}autres princes et se montra digne de son rang dans les conseils et sur le champ de bataille. Quand les Grecs se furent rendus maître de Troie après un siège de dix ans, Agamemnon eut en partage Cassandre, fille de Priam, dont il fit sa maîtresse et son esclave. A son retour dans ses états, il trouva son épouse Clytemnestre, livrée à la plus infâme débauche et devenue la maîtresse d’Egiste, fils de Thyeste, auquel il avait pardonné le meurtre d’Atrée, et à qui il avait confié sa femme et ses enfans. Ce monstre, d’accord avec Clytemnestre, assassina Agamemnon, les enfans qu’il avait eus de Cassandre, ainsi que cette Cassandre, fille de Priam et d’Hécube. Habituellement, on représente Agamemnon au moment de sa réconciliation avec Achille.
Cette Clytemnestre, femme d’Agamemnon était, on le sait, fille de Tyndare, roi de Sparte et de Léda, fille de Thestius, roi de Pleuron ; elle épousa d’abord Tantale, roi de Lydie, fils adultérin de Thyeste et d’Erope, femme d’Atrée, ensuite, Agamemnon roi de Mycènes, dont elle eut plusieurs enfans. Pendant l’absence de son mari, Clytemnestre, éprise d’une passion violente pour Egisthe ne la dissimula point et vécut publiquement avec lui. Elle fit assassiner Phénius, que son époux avait chargé de veiller sur sa conduite. Pour éviter toute surprise, Egisthe avait aposté sur la côte depuis un an, une sentinelle qui guettait le retour du roi d’Argos ; enfin, elle le signala : alors Clytemnestre par ses feintes caresses, sut dissiper les soupçons de son époux ; puis, un jour qu’Agamemnon était au bain, elle lui présente une tanique fermée par le haut, et pendant que ce prince, la tête engagée dans le vêtement cherche à l’en sortir, cette forcenée, aidée par Egisthe, le poignarde à coups redoublés. Après cet horrible assassinat, elle épousa Egisthe, son complice, et lui mit la couronne sur la tête.
Oreste. Cet Egiste, craignant qu’un jour Oreste, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre ne vengeât la mort de son père, voulut aussi faire mourir cet enfant, à peine âgé de dix ou douze ans, et élevé par Laodamie, sa nourrice ; mais sa sœur Electre, ou sa tante Arsinoé le sauva des mains du cruel, et le fit passer en Phocide, chez Strophius, son oncle, fils de Crisus et roi de cette contrée ; Oreste se lia à cette cour d’une étroite amitié avec Pylade, fils de ce prince, et de Cydragores, fille de Plisthène et sœur d’Agamemnon. Bientôt, on les désigna sous le nom de Coraces. Au bout de sept ans, Oreste instruit de l’assassinat de son père et des dangers qu’il avait courus, rentra secrètement dans Mycènes, accompagné de Pylade, son intime ami, et tous deux, ils se cachèrent chez Electre. Ils firent répandre alors le bruit qu’Oreste était mort ; puis, furent se cacher dans le temple d’Apollon, en attendant qu’Egisthe et Clytemnestre y vinssent rendre graces aux dieux de les avoir délivrés d’un pareil ennemi. Le moment ne se fit pas attendre ; à peine les deux coupables étaient-ils à l’autel, qu’Oreste se précipite sur eux et les égorge l’un et l’autre, après sept ans de règne, car tel était l’ordre qu’il croyait avoir reçu de l’ombre d’Agamemnon ; et, pour dernière punition, ils enterrèrent leurs corps sans aucun honneur, hors de l’enceinte de la ville. Cependant, son parricide se représenta bientôt à lui sous les traits les plus effrayans ; il croyait toujours voir l’ombre de sa mère accompagnée des furies, dont les serpens affreux siflaient incessamment autour de lui.
{p. 340}Oreste, pour fuir les épouvantables déesses, se mit à errer de contrée en contrée. Ayant interrogé l’oracle qui présidait à Delphes, il apprit qu’Athènes était le lieu où il trouverait un terme à ses maux. Aussitôt il court à Athènes, mais les furies l’y suivent ; cependant, protégé par Apollon et par Minerve, il se présente devant l’Aréopage et obtient un verdict d’acquittement, malgré l’accusation portée contre lui par Périlas, fils d’Icarius et de Péribée. Malheureusement, quoique absous, il n’en fut pas pour cela beaucoup plus tranquille. C'est en vain qu’il élève à Athènes un autel à Minerve ; il faut encore qu’il aille à Trézène attendre que le peuple veuille bien l’expier ; enfin, il faut qu’il traverse la mer Égée, la Propontide, le pont Euxin, et qu’il aborde chez les Taures, peuple sauvage et farouche. Partout Pylade le suit : ils se présentèrent donc à Thoas, roi de Tauride et fils de Borysthène, qui les reçut assez bien ; mais les lois de son royaume exigeaient que l’un des deux fût sacrifié à la sombre déesse Onis.
Ce fut alors que commença ce beau combat de générosité, qui rendit l’amitié d’Oreste et de Pylade si célèbre. Chacun voulait sauver son ami et mourir à sa place, le sort ayant décidé qu’Oreste serait la victime, on le remit entre les mains de la prêtresse Iphigénie, qui déjà balance le couteau sacré sur sa tête, lorsque tout à coup elle le reconnaît à un signe particulier qu’il portait. Aussitôt, elle ajourne sous un prétexte frivole le sanglant sacrifice, et la nuit suivante, elle part avec les deux amis, emportant avec elle la statue de la déesse qu’elle desservait.
De retour en Grèce, Oreste consacre à Sparte ce palladium qu’il a ravi aux Taures, monte sur le trône d’Argos, y joint celui de Lacédémone à la mort de son oncle Ménélas, défait et tue Aristomaque, chef des Dauriens, fils de Cléodée et petit-fils d’Hercule, au quatrième degré, par son père Hyllus, lequel Aristomaque voulait reprendre le Péloponèse, magré Pylade et Oreste. Cependant cet Aristomaque laissa en mourant trois fils en bas âge, Aristodème, Témène et Cresphonte, qui par la suite acccomplirent les desseins de leur père.
Oreste s’étant trouvé à Delphes en même temps que Pyrrhus, le fit massacrer par le peuple de cette ville, épousa Hermione sa veuve, et mourut à Orestée, en Arcadie, mordu au talon par un serpent, à l’âge de quatre-vingt-dix ans, laissant deux fils légitimes, Tisamène, l’aîné et Comète le cadet, plus un fils naturel, Penthile, qu’il avait eu d’Érigone, fille d’Égisthe et de Clytemnestre. Ce Penthile, eut pour fils Damasias. On connaît encore à Oreste. Partout on eut l’honneur de conserver de ses restes : ainsi, l’on voyait à Sparte un tombeau d’Oreste, rempli des os énormes d’un géant de sept coudées de hauteur, qu’on a appelé Lichès, il avait été trouvé à Tégée. Quant à Pylade, il se maria à Électre et laissa pour fils Médéon et Strophius.
Iphigénie, fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, était à peine arrivée à l’adolescence, lorsque son père offensa Diane en tuant une biche qui lui était consacrée. Soudain, nous le savons, un calme profond arrêta la flotte réunie des Grecs, et l’oracle Calchas, interrogé sur les moyens qu’il fallait employer pour obtenir des vents favorables, répondit que la déesse, irritée, ne s’apaiserait que lorsqu’on lui aurait immolé une {p. 341}victime humaine du sang d’Agamemnon. Aussitôt, les Grecs poussés par ce divin fanatisme, traînèrent Iphigénie à l’autel ; mais, au moment où le prêtre bourreau allait exécuter son crime, Diane, moins cruelle que lui, substitua une biche à la jeune vierge, et transporta la triste Iphigénie en Tauride, où elle en fit sa prêtresse. Thoas, roi de la Chersonèse Taurique, chercha vainement à lui inspirer l’amour qu’il ressentait pour elle. Elle garda toujours sa virginité qu’elle avait consacrée à la déesse dont elle était prêtresse. Cependant, au bout de quelque temps, Thoas voulut sévir contre Iphigénie, parce qu’elle se refusait à immoler son frère Oreste, mais la prêtresse plus adroite que le roi, quitta ses états, emmenant avec elle Oreste, Pylade et la statue sacrée d’Opis, que l’on adorait ensuite à Sparte comme une espèce de Diane. on représente Iphigénie au moment où on allait la sacrifier en présence de son père.
Quant à Electre, fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, elle se nommait d’abord Laodice. Au retour d’Oreste, elle ourdit avec lui une conspiration dont le résultat fut de priver les assassins d’Agamemnon du trône et de la vie. Oreste, vainqueur, donna Electre en mariage à Pylade, son ami et le compagnon de son exil. Electre, prodigua à son frère les soins les plus tendres lorsqu’il fut poursuivi par les Euménides, à cause du meurtre de sa mère. Sur le bruit de la mort d’Oreste répandu dans l’Argolide, Electre part aussitôt pour la Tauride ; là, on lui dit qu’Iphigénie elle-même a donné le coup de la mort à son frère. Soudain, elle s’empare d’un tison enflammé qui était sur l’autel, et se préparait à crever les yeux de la prêtresse, lorsqu’Oreste paraît, lui explique le mystère qui l’entoure et la fait changer de résolution. Electre, eut deux enfans de Pylade, Strophius et Médéon. On la représente tenant son frère Oreste dans ses bras après s’être reconnus. On la voit encore jetant un escabeau à la tête d’Egisthe, attaqué par Pylade pendant qu’Oreste plonge son épée dans le sein de sa mère.
Si pour suivre la guerre de Troie avec détails nous passons aux principaux chefs qui s’y trouvaient, nous devons parler d’abord de Ménélas et d’Hélène cause de cette guerre.
Ménélas, fils d’Ériphyle et de Plisthène, fils d’Atrée, passa presque toute sa jeunesse à la cour de Tyndarée, et fut un des plus célèbres prétendans d’Hélène, fille de ce roi. Cette jeune et belle princesse, donna la préférence à Ménélas, qui devint par là l’héritier présomptif et bientôt le chef suprême du trône de Sparte. Ménélas passa en Crète pour recueillir la succession de Crétée, son aïeul maternel. Avant ou pendant ce voyage, Pâris, fils de Priam, alla recevoir l’hospitalité dans son palais et fut assez peu reconnaissant pour enlever son épouse. Ménélas, ayant appris cet enlèvement, revint aussitôt dans son palais et le trouva vide. Alors, il fit connaître à tous les chefs de la Grèce la grave insulte que lui avait faite le perfide Pâris, et les somma de tenir le serment qu’ils avaient fait de se liguer contre celui qui viendrait troubler le ménage de l’époux qu’elle aurait choisi. Tous les chefs fidèles à leur promesse levèrent des troupes et n’attendirent bientôt que le signal du départ. Ménélas, arma soixante vaisseaux. Avant le départ de la flotte entière, il fut à Troie accompagné d’Ulysse, roi d’Ithaque réclamer son épouse ; mais, Pâris ayant ameuté le peuple, les força {p. 342}de se retirer sans avoir reçu de réponse. Plus tard, lorsque la Grèce en armes était devant Troie, Ménélas se fit toujours remarquer par sa valeur et son courage. Dans un combat singulier avec Pâris, qu’il aurait indubitablement mis à mort, il fut blessé par une flèche lancée par Pandare contre la foi jurée. A la prise de Troie, ce fut lui qui donna des ordres pour qu’on respectât la maison d’Anténor ; mais il fit horriblement mutiler Déiphobe, alors époux d’Hélène. En retournant dans ses états, il s’arrêta dans l’île de Ténédos, ensuite à Sunium, pour rendre les honneurs funèbres à Phrontis, son pilote. A peine avait-il remis à la voile, qu’une violente tempête le poussa contre les rochers qui bordent l’île de Crète et lui fit perdre la plus grande partie de ses vaisseaux ; de là, il passa en Egypte, n’ayant plus que cinq vaisseaux sous ses ordres. On dit qu’il resta pendant sept ans dans cette contrée, où il fut reçu par Thoon ou Thonis et Polydamna, sa femme, espèce de Pharaon assez obscur qui disent les uns, livra son pays à Pâris, ou, suivant les autres, donna d’abord l’hospitalité à ce ravisseur, puis le renvoya lorsqu’il eut appris sa conduite, et remit ensuite Hélène à Ménélas, qui se lia d’amitié dans ce pays avec Polybe, habitant de Thèbes. Ensuite Ménélas revint à Sparte, où il régna paisiblement pendant plusieurs années, et maria sa fille Hermione, qu’il avait eue d’Hélène à Pyrrhus ou Néoptolème, fils d’Achille et de Déidamie. Il ne laissa en mourant aucun enfant mâle, sinon Coryte, qui fut s’établir en Italie, car Nicostrate et Mégapenthe, ses fils, que quelques auteurs font aussi naître d’Hélène, n’ayant jamais régné à Sparte, doivent plutôt être considérés comme des enfans naturels nés de Piéris, ou de Cnosie, ou de Téridaé ou de l’Egyptienne Dothée, fille de Prothée, ses concubines. Ses états passèrent donc à Oreste, son neveu, et après sa mort Ménélas eut des autels à Thérapné.
Quant à Hélène ou Dendritis, son épouse, fille de Léda et de Jupiter, elle naquit le même jour que Pollux, son frère. Afin que l’on se pénètre bien des causes de la guerre de Troie, nous allons répéter ici et grouper ensemble la plupart des aventures qui arrivèrent à Hélène et que déjà l’on a vues éparses en différens endroits de cet ouvrage. Dès son enfance, elle possédait, on le sait, une beauté si éclatante, qu’elle faisait l’admiration de ceux qui la voyaient. A l’âge de dix ans, elle fut enlevée par Thésée et renfermée dans la ville d’Aphidnes, pour la soustraire aux regards de ses frères, et confiée aux soins d’Ethra, mère de Thésée. Plus tard, Castor et Pollux frères d’Hélène, ayant appris d’Acadème l’endroit où elle était renfermée, volèrent à son secours, la délivrèrent de ses chaînes et emmenèrent Ethra, qui resta captive d’Hélène jusqu’à la fin de sa vie. Cette aventure de la jeune princesse n’empêcha pas qu’elle ne fût recherchée par les héros les plus distingués de la Grèce. Tyndarée, effrayé du nombre des concurrens et de leur puissance, n’osait prendre de parti ni dire à Hélène de choisir ; mais Ulysse le tira d’embarras en lui conseillant de faire prêter serment à tous les prétendans, de s’en remettre aveuglément au choix de la princesse et de prêter secours à l’époux de son choix contre le téméraire qui aurait l’audace de troubler cette union. Les rivaux consentirent à tout. Alors, Hélène choisit pour époux le frère d’Agamemnon, Ménélas, qui devint par là l’héritier présomptif et bientôt le possesseur du trône {p. 343}de Sparte. Hélène, le rendit père d’une fille nommée Hermione. Pâris, fils de Priam, sous prétexte de traiter du rachat d’Hésione ou de son héritage, vint à Sparte quelque temps avant ou pendant l’absence de Ménélas, qui était allé recueillir la succession de sa belle-mère, ce Pâris sut si bien se faire aimer d’Hélène et la séduire par l’entremise de Climène, sa suivante, qu’il la décida à quitter son époux, sa patrie et sa couronne pour le suivre en Asie. Dans leur voyage, ils abordèrent à l’île de Cythère où d’Hélène, dans la ville de Migonium, où depuis on en fit une Vénus sous le nom de Migonotis, car ce fut là qu’Hélène combla les vœux de son ravisseur. Ensuite, une tempête poussa les deux amans dans la Baltique ; elle y devint mère de Bunichus. Enfin, elle arriva à Troie, où elle fut reçue avec transport par les Priamides, satisfaits d’avoir pu user de représailles envers les ravisseurs d’Hésione. Ménélas la fit redemander et la redemanda lui-même plusieurs fois ; mais toujours en vain ; la Grèce entière conjurée pour venger l’affront fait à Ménélas, ne changea nullement la résolution des Priamides. Hélène, pendant l’existence de Pâris, mena une vie exempte de tout reproches ; elle lui fut toujours fidèle et elle eut de lui pendant son séjour à Troie, Agane, Idés et Corynthe ; son ravisseur en était même si jaloux que Péritane, jeune Arcadien, qu’Hélène avait auprès d’elle, fut mutilé par ordre de Pâris, afin d’être plus assuré de sa fidélité ; aussi, de là, vinrent que les Arcadiens donnaient aux eunuques le nom de Péritanes. Après la mort de Pâris, Hélène epousa Déiphobe, frère de Pâris et le plus brave des Troyens après Hector. Lors de la prise de Troie, voulant se rendre agréable à son premier mari, Hélène introduisit les Grecs dans la chambre de Déiphobe, après lui avoir enlevé ses armes et applaudit aux horribles mutilations qu’ils exercèrent sur ce malheureux prince avant de lui donner le coup de la mort. Alors, Ménélas reprit Hélène et lui pardonna ; puis tous deux retournèrent à Sparte, où ils ne purent arriver qu’après avoir erré pendant huit ans de mer en mer et de contrée en contrée. Hélène vécut ensuite tranquillement au milieu de sa cour et de ses suivantes, dont les principales furent Alcipe et Astyanasse, qui lui vola, dit-on, une ceinture que Vénus lui avait donnée ; enfin, la mort enleva Ménélas et Hélène fut reçue parmi les astres, où elle forme avec son frère Pollux la constellation des gémeaux.
[n.p.] [n.p.]Achille était fils de Pélée, roi des Myrmidons, en Thessalie, et de Thétis, fille de Nérée appelée aussi Philomèle ou Polymèle ; Achille fut le plus brave des Grecs qui suivirent Agamemnon en Asie. A peine fut-il au monde que sa mère après l’avoir frotté d’ambrosie, l’exposa sur des flammes pour lui enlever tout ce qu’il avait de mortel ; mais Pélée son père, l’ayant retiré, fit manquer tout ce qu’avait fait Thétis, celle-ci pour remédier à cet inconvénient, le plongea dans les eaux du Styx, ce qui le rendit invulnérable, excepté au talon par où sa mère l’avait tenu en le plongeant dans le fleuve. Pélée privé du secours et de la vue de son épouse, confia son fils au centaure Chiron, qui après avoir déterré le calcanéum ou talon du géant Damyse, l’adapta au pied de son élève, et le rendit le plus vaillant des hommes en le nourrissant avec de la moelle de lion et d’ours. Thétis sachant que son fils se couvrirait d’une gloire immortelle s’il se rendait devant Troie, mais qu’il y mourrait, le conduisit à l’âge {p. 344}de neuf ans, habillé en fille, et sous le nom de Pyrrha, à la cour de Lycomède, roi de Scyros, qui le fit élever avec ses filles, dont l’une d’elles, dit-on, Déidamie, devint la maîtresse d’Achille. Cependant Calchas ayant annoncé aux Grecs, que sans Achille ils ne pourraient jamais s’emparer de la ville de Troie, Ulysse chercha le lieu de sa retraite : dans ce but, il se présenta à la cour de Lycomède, déguisé en marchand et offrit aux filles de ce prince des parures, de riches tissus, des joyaux et des armes. Les princesses choisirent les parures, mais Achille prit les armes et les admira. Son sexe ayant été ainsi découvert, il ne put refuser de suivre les autres Grecs en Asie. Sa mère lui donna en pleurant des armes forgées par Vulcain. Il s’embarqua sur une flotte de cinquante vaisseaux, à la tête des My[ILLISIBLE]ones, des Achéens et des Myrmidons ; parmi ses compagnons, se distinguaient surtout Phénix et Patrocle. Avant le siége de Troie, il détruisit douze villes avec le secours de sa flotte, et onze autres avec son armée. Ce fut dans le cours de ces victoires qu’il fut à Lesbos détruire Méthymne, ville dans laquelle il entra, grace à l’amour de Pisidice, fille de Pélias, roi du pays, qui trahit son père pour Achille ; mais celui-ci la punit de ce manque de foi, la repoussa loin de lui, et la fit lapider. Junon et Minerve, dont il était le favori, le protégeaient. Irrité contre Agamemnon qui eut l’imprudence de lui enlever Briséis ou Hyppodamie, fille de Brisès, roi-prêtre de Pédase, il devint furieux ; car après avoir tué Mynès, époux de cette belle, lors du combat de Lyrnesse, il en avait fait sa prisonnière, sa concubine, son amante, sa favorite, et personne n’avait droit de la lui disputer ; aussi le vit-on dès cet instant se retirer dans sa tente, en nourrissant une haine implacable contre le roi des rois. Ni les dangers des Grecs, ni les offres et les prières d’Agamemnon ne purent fléchir la colère du fils de Pélée ; alors il resta seul, vivant comme tous les grands de son époque, au milieu des femmes qu’il [ILLISIBLE]it à sa suite, au nombre desquelles se trouvait la belle Diomède, fille de Phorbas ; cependant il permit à Patrocle de marcher au combat avec ses troupes, et revêtu de sa propre armure. A la fin Patrocle succomba sous les coups d’Hector. Cette perte réveilla le vaillant Achille, qui bientôt oublie les torts d’Agamemnon, et n’a plus de colère que pour venger la mort de son ami. Il se réconcilie donc avec Agamemnon, qui lui rend Briséis, en l’assurant qu’elle n’avait éprouvé aucun outrage de sa part, puis il reçoit de Thétis des armes divines, forgées par Vulcain armes parmi lesquelles se faisait remarquer le bouclier aux riches sculptures et d’un travail admirable. Fortifié par le nectar et l’ambrosie, que Minerve lui présente par l’ordre de Jupiter, il reparaît à l’armée, court au combat malgré le sort qui l’y attend, et aussitôt les Troyens effrayés à sa voix, prennent la fuite : une partie se précipite dans le Xanthe, où Achille les suit ; il fait douze prisonniers qu’il doit immoler sur le bucher et aux manes de Patrocle, et il fait tomber sous ses coups Lycaon, fils de Priam et Astéropée qui l’a blessé. Les cadavres amoncelés arrêtent bientôt les eaux du fleuve, qui fatigué de carnage, demande trève. Achille refuse, soudain le Xanthe s’irrite, soulève ses flots bouillonnans et se précipite sur lui : le héros fuit d’abord, puis encouragé par Neptune et Minerve, il résiste au Xanthe, qui appelle à son secours le Simoïs et ses fleuves tributaires. Alors Junon envoie Vulcain qui force les fleuves {p. 345}coalisés à rentrer dans leur lit. L'intrépide Achille recommence aussitôt à poursuivre les Troyens avec une nouvelle ardeur, jusqu’aux murs de leur ville, le seul Hector résiste devant la porte de Scio, mais Achille s’attache à ce héros, qui se voyant poursuivi, fait trois fois le tour de la ville, pour éviter le combat, malheureusement pressé par le fils de Pélée, il accepte et succombe. Le vainqueur après l’avoir dépouillé de ses armes et de ses vêtemens, lui perce les talons, y fait passer une courroie et le traîne trois fois autour des remparts de la ville. Il rend ensuite les honneurs funèbres aux mânes de Patrocle, son ami, puis il immole de sa main douze captifs sur son bûcher, et célèbre des jeux en l’honneur du brave ami qu’il regrette.
La nuit suivante, Priam paraît dans sa ente, et lui demande les larmes aux yeux, [ILLISIBLE]es restes inanimés de son fils ; à la vue de se vieillard suppliant, Achille qui avait juré le laisser le corps d’Hector sans sépulture, en proie aux chiens et aux oiseaux, oublie son serment et permet au vieillard l’emporter les tristes restes de son fils. Ensuite épris des charmes de Polixène, la plus jeune fille de Priam et d’Hécube, lui pendant cette nuit de désolation a eu le courage d’accompagner son vieux père, il la demande, l’obtient pour son épouse et s’engage même à empêcher le pillage de la ville ; mais s’étant rendu dans le temple d’Apollon, pour y célébrer cette alliance, il est frappé au talon par une flèche lâchement décochée par Pâris et il meurt. Aussitôt sa jeune fiancée retourne à Troie, mais pendant le sac de la ville, les Grecs persuadés qu’elle avait prit part à cette trahison, la cherchèrent, et Pyrrhus ou Néoptolème, fils d’Achille, l’ayant découvert, l’immola sur le tombeau de son père, Achille laissa donc pour lui succéder ce Pyrrhus et peut-être Onir, si ce n’est pas le même personnage, qu’il avait eu avec Iphigénie ou mieux avec Déidamie, fille de Licomède. On lui donnait en outre pour fils Euphorion, né, disait-on, de ses amours avec Hélène, dans les îles Heureuses, et Caystrius, qu’il devait avoir eu en secret avec Penthésilée, reine des Amazones ; ce qui expliquerait pourquoi il versa des larmes, lorsqu’il eut tué au milieu de la mêlée, cette guerrière, ennemi redoutable des Grecs.
Après la mort d’Achille, son corps fut enveloppé de laine, par l’atlantide Ia, changée depuis en violette. Mais bientôt l’ombre de ce héros apparut aux Grecs et demanda que Polixène fût immolée sur son tombeau ; alors cette infortunée princesse fut, comme on vient de le voir, arrachée des bras de sa mère, pour apaiser jusqu’au de-là du trépas, les manes du guerrier redoutable qu’elle avait dû épouser.
Plusieurs peuples honorèrent Achille comme un héros, et lui rendirent même des honneurs divins ; les Lacédémoniens lui avaient élevé un temple à Brasie, ou l’on célébrait sa fête ; tous les ans on lui adressait des offrandes comme au Dieu de la valeur. On le représente recevant de Chiron, une leçon de botanique, on le voit jouant de la lyre sous les yeux de ce Centaure, ou bien on le montre traînant le malheureux Hector ou choisissant les armes mêlées aux présens offerts par Ulysse.
Achille laissa, on le sait, un fils né de Déidamie ou d’Iphigénie, à Scyros, c’était Pyrrhus, appelé aussi Néoptolème ; cependant il enleva aussi Lanassa fille de Cléode et petite-fille d’Hyllus l’Héraclide, l’épousa et en eut un enfant. Les Grecs après la mort d’Achilie, sentant la nécessité d’avoir dans leur rang un descendant d’Ea que, envoyèrent donc chercher à Scyros {p. 346}le descendant du héros. Quoiqu’il n’eût encore que douze ans, Pyrrhus accompagna Ulysse lorsque celui-ci fut chercher Philoctète, dans l’île de Lemnos, et il fut du nombre des guerriers qui s’enfermèrent dans le cheval de bois. Après l’embrasement de la ville de Priam, il précipita le jeune Astianax du haut des remparts, et immola lui-même Polixène sur le tombeau de son père. Dans le partage du butin, il reçut pour sa part le prophète Hélénus et Andromaque, dont il fit sa concubine favorite, il en eut trois fils Molosse, Pièle et Pergame. Il se rendit ensuite en Thessalie, pour réclamer la couronne de son père et de son aïeul, tua Acaste, l’usurpateur ; puis de-là il passa dans la Molosside, fut à Delphes pour y consacrer la dixième partie du butin qu’il avait obtenu lors du pillage de Troie, épousa Hermione, fille de Ménélas et d’Hélène, et y mourut assassiné par Machéré ou par le peuple de Delphes, à l’instigation d’Oreste, lequel, dit-on, épris des charmes de sa cousine Hermione, et pour lui rendre la liberté, avait persuadé à la populace, que Pyrrhus venait pour piller son temple. Cependant on assure aussi que ce fut Onir, fils d’Achille et de Déidamie, qu’Oreste fit ainsi lapider. Le corps de Pyrrhus fut enterré sous le vestibule du temple de Delphes, où l’on célébrait des sacrifices en son honneur. Quant aux deux amis d’Achille, voici ce que l’on peut en dire :
Patrocle, petit-fils d’Actor et fils de Ménèce, roi d’une contrée de la Locride, et de Sthénélé ou Philomèle, tua involontairement le fils d’Amphidamas, en jouant avec lui ; alors il quitta son pays natal, et fut chercher un asile à la cour de Pélée, père d’Achille, où il fut reçu de la manière la plus obligeante, et élevé par Chiron. Il se lia de l’amitié la plus tendre avec Achille qu’il suivit dans les combats, et à Scyros ; il reçut de lui la jeune Iphis en cadeau ; ensuite il fut au siége de Troie, où il se distingua avec les propres armes de son ami, et à la tête des Thessaliens ; à la vue des armes d’Achille, les Troyens reculèrent d’abord jusque sous leurs remparts, alors trois fois Patrocle tenta l’escalade, et trois fois il fut repoussé par Apollon. Enfin, son casque étant tombé et sa lance s’étant brisée, son bouclier s’échappa, et bientôt attaqué par Hector, il tomba sous ses coups. Les Grecs après un combat opiniâtre, finirent par reprendre les restes inanimés de ce héros, et revinrent au camp lui rendre les honneurs funèbres.
Phénix, fils d’Amyntor, roi Dolope, sut plaire à une concubine favorite de son père appelée Clytie ; mais Amyntor, pour l’en punir lui fit crever les yeux. Phénix, voulut d’abord se venger par un parricide, il préféra s’exiler pourtant, et fut à la cour de Pélée où on le chargea de l’éducation d’Achille, pour lequel il conçut une si vive amitié, qu’il ne voulut pas l’abandonner, lorsque ce héros fut au siége de Troie. Dans cette guerre mémorable, c’était lui qui était chargé de la garde du butin dans le temple de Junon.
Ajax, le Télamonide, ou le Salaminien, ou le Grand, était fils de Télamon, roi de Salamine, et de Péribée, fille d’Alcathoüs, ou fils d’Euribée, fille de Porthée ou Parthaon. Dès-lors il était frère de Trambèle, né de Télamon et d’Hésione, qui fut tué à Lesbos, par Achille, pour avoir fait preuve d’une trop grande cruauté. Ajax succéda de bonne heure à son père ; il fut du nombre des rois qui furent au siége de Troie, où il conduisit douze vaisseaux montés par les Salaminiens. Il fut accompagné par Teucer, son {p. 347}frère, et fit tomber sous ses coups Simoïs, Amphius, Épicle, Sarpédon ; blessa deux fois Hector, tua Orchéloque, Hytius, Caletor et autres, qui voulaient mettre le feu à la flotte des Grecs, défendit vaillamment avec Ajax l’Oïlide, le cadavre de Patrocle contre les Troyens qui voulaient s’en emparer ; força le roi thrace Polymnestor, à lui livrer la priamide Polydore avec ses trésors, et lorsqu’il eut tué le prince phrygien Teuthras, il fit de sa fille Tecmesse, sa prisonnière et sa concubine. Ajax était le plus beau et le plus brave des Grecs après Achille : on vante beaucoup sa franchise et sa noble fierté. A la mort d’Achille, il réclama les armes de ce héros, et fonda ses droits sur sa parenté et sa bravoure ; mais Ulysse l’ayant emporté sur lui, la colère s’empara de son ame, et il s’enfonça son épée dans le cœur. On dit que du sang tombé de sa blessure naquit une fleur nommée Hyacinthe, dans le calice de laquelle on croyait voir deux initiales A I. II laissa deux enfans : Eantide, de Glauca, sa femme légitime, et Eurysace, fils qu’il avait eu de sa captive Tecmesse, et qui lui succéda. On le représente couché sur la peau du lion de Némée, et porté dans les bras d’Hercule. Salamine lui éleva un temple, et institua en son honneur des fêtes annuelles appelées Eantées, ou Ajaxties, ou Ajacies.
Ajax l’Oïlide, ou Autoléon, ou le Locrien, était fils d’Oïlée, ou de Locre et de Rhénée, ou de la nymphe Eriopis. Il était frère de Médor, et passa sa jeunesse soit à courir à cheval ou à pied et à apprendre à tirer de l’arc. Sous ce dernier rapport, nul Grec ne l’emportait sur lui. Comme il était un des prétendans d’Hélène, il fut au siége de Troie, où il combattit avec une intrépidité qui dégénérait quelquefois en frénésie : il attaqua Hector, défendit la flotte grecque assaillie par les Troyens, tua Imbrius et Cléobule, empêcha l’ennemi de s’emparer du cadavre de Patrocle et des chevaux d’Achille. Aussi impie que brave, il poursuivit, lors de la prise de Troie, Cassandre, jusque dans le temple de Pallas, la saisit aux cheveux et la viola jusque sur les marches des autels sacrés. Ulysse dénonça vainement cette infâme conduite, car Ajax se déroba au sort qui l’attendait, en jurant solennellement qu’il n’était point coupable du crime qu’on lui imputait ; cependant, Pallas irritée, le poursuivit de sa vengeance et le fit périr dans les flots. D'autres assurent qu’Ajax, luttant contre la tempête, parvint à gagner un rocher, qu’alors il s’écria, j’échapperai malgré les Dieux, mais que Neptune frappa le roc avec son trident et engloutit ainsi cet audacieux blasphémateur, qui laissa, dit-on, un fils appelée Phylée. On représente cet Ajax, ayant à ses pieds Cassandre, qui le supplie vainement de l’épargner. On le voit aussi tenant sur ses épaules le corps inanimé d’Achille.
Antiloque, fils de Nestor et d’Anaxibie, fut exposé sur le mont Ida et allaité par une biche. Plus tard, il revint chez son père, qui le reçut avec bonté. Il fut un des prétendans à la main d’Hélène, suivit Nestor à Troie et se lia d’amitié avec Achille. Il tua Échépole, le premier Troyen victime des Grecs ; ensuite, il fit mordre la poussière à Mydon, Thoon, Absire, Mermère, Atymne, annonça à Achille la mort de Patrocle et tomba lui-même sous les coups de Memnon en sauvant la vie à son père. On le représente annonçant à Achille la mort de son ami Patrocle.
Calchas, fils de Thestor, célèbre devin, {p. 348}était de Mycènes et habitait Mégare, il suivit les Grecs au siége de Troie, en qualité de pontife et de guide de la flotte. Il avait prédit, à la vue de neuf jeunes oiseaux et de leur mère dévorés par un dragon, que le siége de Troie ne se terminerait que la dixième année. C'est lui qui déclara à l’armée, que l’on n’obtiendrait des vents favorables que par le sacrifice d’Iphigénie. Lui encore, lorsque l’armée des Grecs, sur les rivages troyens, fut ravagée par une peste, se leva devant les rois assemblés et annonça que la main d’Apollon cesserait de s’appesantir sur eux, quand on aurait rendu la captive Chryséis à Chrysès, son père, grand prêtre d’Apollon dans un temple peu distant sur la côte de la Troade. Ce fut lui également qui apprit aux Grecs que la ville de Troie ne serait jamais soumise si l’on ne décidait Achille à reprendre les armes en faveur des Grecs. Après la destruction de Troie, Calchas fut dans l’Asie Mineure, où il rencontra à Colophon Mopsus, devin et prêtre d’Apollon. Celui-ci, ayant proposé une énigme au-dessus de la pénétration de Calchas, cet oracle des Grecs ne put survivre à cette humiliation et mourut accablé de chagrin.
Diomède, fils de Tydée et de Déipyle, fille d’Adraste et d’Amphitée, entra dans l’armée des Épigones ; il épousa ensuite Égialée, petite fille d’Adraste, auquel il succéda sur le trône d’Argos ; c’est alors qu’il fut contre les fils d’Agrius, qui avaient chassé du trône OEnée, son aïeul ; il les défit tous et replaça OEnée sur son trône. Diomède conduisit au siége de Troie quatre-vingt vaisseaux ; il avait sous ses ordres les soldats d’Argos, de Tirynthe, de Mallé. Pendant le siége, il montra la plus grande bravoure et la plus haute sagesse. Dès le premier combat, il fit mordre la poussière à Phénée, Astynoüs, Hypsenor, Abas, Polyide, Xanthe, Echémon, Chromius, et fut blessé par Pandore. Plus tard, il blessa Vénus, qui était venue au secours d’Énée, et même, il se mesura contre le dieu Mars, dans le ventre duquel il plongea sa lance. Il accompagna Ulysse dans l’expédition nocturne, qu’il fit pour s’emparer des chevaux de Rhésus. Diomède tua celui-ci et s’empara du palladium qui était dans la citadelle de Troie. Le lendemain, Diomède tua sur le champ de bataille, Thymbrée, Adraste, Amphios, et fit reculer Hector ; mais il fut blessé par Pâris aux jeux funèbres donnés par Achille, en l’honneur de Patrocle ; il emporta le prix de la course avec les chevaux qu’il avait pris à Enée. Il fut un des guerriers qui s’enfermèrent dans les flancs du fameux cheval de bois. Après la prise de la ville et après que les dépouilles furent partagées entre les vainqueurs, il remit à la voile avec ses troupes. Une épouvantable tempête le jeta sur les côtes de Phalères. Pendant la nuit, les habitans de cette contrée se croyant attaqués par des corsaires, marchèrent contre les Argiens qui furent obligés de remonter en toute hâte sur leurs vaisseaux ; alors, Diomède perdit le palladium qu’il avait avec lui. Arrivé à Argos, il n’y trouva que des chagrins. Egialée, son épouse, égarée par une criminelle passion, se livrait ouvertement à la plus infâme débauche. En arrivant, il voulut la ramener à lui, mais tous les amans d’Égialée ourdirent une conspiration contre ce héros, qui se vit en un instant exposé aux embûches et aux menaces de ses sujets. Hors de lui-même, il se réfugia au pied d’un autel de Jupiter, et la nuit suivante, il partit d’Argos avec quelques Argiens, qui consentirent à s’associer à sa fortune. D'abord, il tomba entre les {p. 349}mains de Lycus, fils de Mars et roi d’une portion de l’Italie, qui sacrifiait en l’honneur de son père tous les naufragés, mais il s’en échappa et chercha un asile à la cour de Daunus, par lequel il fut reçu de la manière la plus affectueuse, et dont il obtint en mariage sa fille Evippe, sœur de Pencète et d’Iapix. En revanche, il tua un horrible dragon, qui ravageait toute la contrée et promit à Daunus de le défendre contre tous ses ennemis, ce qu’il exécuta. Daunus, pour le récompenser, lui donna tous les pays qu’il avait conquis et Diomède se trouva par là maître d’une vaste contrée. On représente Diomède emportant le palladium. Il est assis sur un autel, tenant dans sa main droite une épée et de l’autre l’idole sacrée.
Eumélus, chef thessalien, fils d’Admète et d’Alceste régnait sur Phères, Glaphyres et Iolcos : il conduisit au siège de Troie onze vaisseaux ; il avait deux cavales de même couleur, qui avaient été nourries par Apollon et qui ne le cédaient en vitesse qu’aux chevaux d’Achille.
Eurypyle, fils d’Évémon, fut au siége de Troie, où il tua Hypsenor, Mélathe, Apisaon et fut blessé par Pâris. Après la destruction de Troie, il eut pour sa part dans le butin la châsse sacrée, qui contenait l’image de Bacchus Esymnète. Eurypyle ouvrit cette châsse, et soudain sa raison se trouva aliénée ; il ne la recouvra que quand la tempête l’eut jeté sur les côtes de Patres. Là, des sacrificateurs qui allaient immoler à Diane un jeune homme et une jeune fille, virent le fer sacré demeurer suspendu dans leurs mains à l’arrivée d’Eurypyle et de la châsse. Aussitôt, les deux victimes furent délivrées et Eurypyle reprit l’usage de sa raison.
Idoménée, fils de Deucalion, et l’un des prétendans d’Hélène, prit part comme les autres au siège de Troie ; il y conduisit la première colonne des troupes crétoises. Dans les divers combats qui se livrèrent pendant le siège, il fit tomber sous ses coups Pheste, Asius, Alcathoüs, Othryonée, Erymas, OEnomaüs ; il offrit de se mesurer en combat singulier avec Hercule, combattit vaillamment autour du cadavre de Patrocle, lutta contre Hector et se dirigea sur le char de Mérion, vers les vaisseaux qu’il défendit contre les attaques des Troyens. Après l’embrasement de Troie il remit à la voile ; à peine était-il en pleine mer, qu’une tempête effrayante menaça de l’engloutir ; dans ce péril extrême, il fit vœu de sacrifier à Neptune le premier homme qui s’offrirait à ses regards lorsqu’il aurait mis le pied sur la terre de Crète. En arrivant dans ses états, le premier homme qu’il rencontra fut son fils ; Idoménée néanmoins, eut la cruauté d’accomplir son serment, et le fit périr au pied des autels. Ensuite, ne pouvant plus vivre dans un lieu témoin de son malheur, il fut chercher un asile dans la grande Grèce, où il fonda Salente et il y mourut.
Machaon, fils d’Épione ou d’Arsinoé, et descendant d’Esculape, était un habile médecin et chasseur ; il conduisit à Troie les troupes d’OEchalie. Là, il guérit Ménélas, gravement blessé d’un coup de flèche. Il fut un de ceux qui s’enfermèrent dans les flancs du cheval de bois et périt, dit-on, sous les coups d’Eurypyle, fils de Télèphe. Machaon, avait un tombeau et un temple dans la ville de Messène.
Mérion, fils de Môle et de Melphis, fut un des concurrens de Ménélas. Pour la main d’Hélène, il alla au siège de Troie, où il eut en propre, sous son commandement, une partie de la flotte crétoise ; il commanda dans les combats qui se {p. 350}livrèrent pendant le siège, la seconde colonne des troupes crétoises ; il fit mordre la poussière à Harpalion, Morys, Hippotion et Acamas. Après la prise de Troie, il revint en Crète où il mourut. On lui éleva un tombeau à Cnosse.
Nestor ou Pylios, comme roi de Pylos, était fils de Nélée et de Chloris ; il fut célèbre par sa sagesse dans les conseils et par sa bravoure dans les combats. Il échappa dans son enfance au massacre des Néléides, il tua Ereuthalion pendant la lutte que son père soutint en Arcadie et Itymonée, dans la guerre contre les Epéens ; il fut l’ami et l’hôte de Pélée, puis il fut au siège de Troie à la tête des soldats de Pylos, d’Arène, d’Épy, de Cyparisse, de Dorium et d’Hélos. Après la ruine de Troie, il revint heureusement dans ses états, ou on le voit dix ans après recevoir Télémaque dans son palais et lui donner des conseils sur les moyens de retrouver Ulysse. Il épousa d’abord Eurydice, fille ainée de Climène et sœur de Cratie, puis Anaxibie ou Astyochée ou Cydragore, fille d’Atrée, dont il eut sept fils : Echéphron, Straticus ou Stratios, Persé, Arètus, Trasymède, Pisistrate et Antiloque et deux filles, Pisidice et Polycaste, enfans que nous avons déjà vus en parlant de Nélée. A la prise de Ténédos, il eut en partage Hécamède, fille d’Arsinoüs roi de cette île.
Palamède, fils du roi d’Eubée Nauplius et de Climène ou d’Hesione, fut au siège de Troie à la tête de trente vaisseaux, il y tua Sarpédon, et Déiphobe ; il passait pour le plus ingénieux des Grecs, qui pourtant le mirent à mort après l’avoir à tort pris pour un traitre, par suite de la jalousie d’Ulysse : car celui-ci, afin de se débarrasser de ce concurrent trop habile, qui lui faisait ombrage, chargea de fausses lettres troyennes à l’adresse de Palamède, un Phrygien qu’il fit tuer, et sur le cadavre duquel on trouva ces missives ; alors, Palamède fut lapidé, mais nous avons vu et nous verrons encore comment Nauplius son père se vengea, en faisant allumer vis-à-vis les écueils de son empire, des feux qui trompèrent la flotte d’Ulysse. Ce Palamède passe pour l’inventeur du jeu d’échec, des dés, de la tactique, des poids et mesures, de la fixation des mois lunaires et de la détermination de l’année solaire et des cinq lettres de l’alphabet grec, Φ․Χ․ϴ․Σ․ϒ․ des légendes le font quelquefois jeter à l’eau par Ulysse et Diomède, ou bien on le fait tuer par Paris.
Pénélée, chef béotien, qui prit part à l’expédition des Argonautes, fut au siège de Troie, où il tua Lycon, Corèbe et Ilionée puis il fut tué par Polydamas.
Philoctète ou Mélibœus, fils de Péas et de Démonice ou Méthone, prit part à l’expédition des Argonautes, fut l’intime ami d’Hercule, qui lui laissa ses flèches en lui faisant jurer de ne jamais découvrir le lieu de sa sépulture. Lors de l’expédition de Troie, les Grecs ayant appris qu’ils ne pourraient jamais vaincre les Troyens et faire tomber les murailles de Troie s’ils ne possédaient les flèches d’Hercule, ils engagèrent Philoctète à les suivre, ce qu’il fit, chargé des flèches d’Alcide, à la tête des vaisseaux et des troupes de Mélibée, Méthanet et Olyzon ; mais ces flèches étant trop lourdes pour lui, il en laissa tomber une sur un de ses pieds, aussitôt, sa blessure exhala une odeur infecte, qui vicia l’atmosphère ; alors, il devint impossible de le conduire plus loin, et l’on fut obligé de l’abandonner sur le rivage aride et solitaire de Lemnos. Dix ans après, Ulysse et Néoptolème retournèrent à lui et le supplièrent de venir {p. 351}à Troie ; d’abord il refusa, puis enfin il consentit à les suivre et blessa mortellement Pâris. Après la prise de la ville, il passa en Italie, bâtit Pétélie, en Calabre et finit par rencontrer Machaon, qui lui rendit la santé et le guérit de sa blessure, dont il resta toujours boiteux.
Podalire, ainsi que son frère Machaon, était comme lui descendant d’Esculape et fils d’Epione, et, par conséquent, comme comme lui aussi médecin habile et intrépide chasseur ; ils furent au siège de Troie à la tête des troupes d’OEchalie ; Podalire était attaché au chef suprême Agamemnon ; il rendit de très grands services aux Grecs par sa science médicinale. Après la ruine de Troie, il fut porté par un naufrage en Carie, où il épousa Syrna, fille d’un roi du pays ; elle lui apporta en dot la Chersonèse Dorique. Podalire avait un temple à Damie, dans la Carie.
Protésilas, fils d’Iphicle et de Diomédée naquit à Phylace, d’où il partit le lendemain de son mariage avec Laomédie, pour conduire devant Troie le contingent de ses troupes. Quoique l’oracle eût prédit que celui qui s’élancerait le premier sur le rivage troyen périrait, cependant il n’hésita pas à le faire, aussi fut-il tué presque sur-le-champ par Hector. Protésilas avait son tombeau dans la Chersonèse de Thrace, et un temple superbe à Éléonte. On l’honorait aussi dans Abydos, où il avait une chapelle.
Sinon, fils de Sisyphe, était le plus célèbre espion de l’armée grecque : un jour s’étant fait lier les bras, il se laissa prendre par les Troyens dans un moment où les Grecs feignirent de se retirer. Alors, il persuada aux Troyens que l’armée fatiguée d’un aussi long siége, était repartie pour la Grèce, après avoir voulu l’immoler aux Dieux. Il leur dit que le cheval de bois laissé sur la plage, était une offrande expiatoire à Minerve, un gage d’éternelle puissance et de gloire pour la ville qui le posséderait ; et, ainsi il détermina les crédules Troyens à introduire cet énorme cheval dans leurs murs. La nuit suivante, des masses armées sortirent des flancs de ce cheval, et grace à Sinon, Troie fut prise, pillée et livrée aux flammes.
Sthénélus, fils de Capanée et d’Evadné, fille d’Iphis, fut un des Epigones, il prit également part à l’expédition du siége de Troie sous les ordres de Diomède ; il se distingua dans cette guerre par son courage et son intrépidité.
Teucer, fils de Télamon, roi de Salamine et d’Hésione ou du fleuve Scamandre et d’Idée, était très-habile à manier l’arc. Il suivit son frère Ajax au siége de Troie ; là, il fit tomber sous ses coups Arétaon et une foule de Troyens. Il laissa une fille appelée Néso ou Arisbe, ou Batie ou Batée, qui devint l’épouse de Dardanus et mère de Sibylla. Revenu à Salamine après l’entière destruction de Troie, il ne reçut chez son père qu’un accueil froid et même hostile ; obligé alors de quitter encore Salamine, il se rendit à Sidon, auprès du roi Bélus. De là, il fut dans l’île de Cypre, où il bâtit un temple à Jupiter et une ville à laquelle il donna le nom de Salamine, où ses descendans régnèrent long-temps. Après la mort de Télamon, il chercha à rentrer dans sa patrie, mais il fut repoussé par Eurysace, son neveu, qui s’était emparé du trône. Forcé de se rembarquer, il fut saisi par une tempête qui le poussa en Espagne, où il fonda Carthagène sur la côte occidentale de la Péninsule ; il fut ensuite à Gadès, où long-temps on montra son baudrier d’or.
Ulysse, qui devait son nom à Autolycus, son aïeul, était surnommé Alcomène ou {p. 352}de la bourgade d’Alcomène, en Ithaque, Carax, Epérite, Nanos, ou l’errant, et Aoutis, véritable racine du mot grec Odysseus ou Ulysse, et qui veut dire personne ou le redoutable, comme supposé fils d’Aphidas, roi d’Alybes ; Sisyphide ou fils de Sisyphe. Il était d’Ithaque ou de Dulichium, ou Tiaki et Atakos, dont on attribuait la fondation à trois frères jumeaux appelés Ithaque, Nérite et Polyctor. Ce héros était fils d’Anticlée ou d’Euryclée, et de Laërte l’Emonide, né d’Arcésius ou d’Emon et de Chalcoméduse. Cependant, la paternité de Laërte pourrait être contestée, car Antyclée avant son mariage avait eu Sisyphe pour amant ; elle donna à Ulysse deux sœurs, Climène, épouse d’Euryloque, et Phace. Ulysse, après avoir été élevé par les soins d’Euryclée, sa nourrice, parvint à l’adolescence et fut visiter Autolycus, son aieul, qui habitait avec sa femme, Amphitée, les environs du Mont-Parnasse : ses occupations étaient les festins et la chasse ; dans une excursion sur le Parnasse, il fut blessé par un sanglier, auquel il fit mordre la poussière, mais par lequel il fut défiguré. Plus tard, Laërte, l’envoya chez les Messeniens pour réclamer trois cents moutons que ceux-ci avaient enlevés ; il fut reçu par Orsiloque, et Iphite lui donna des flèches et un arc que lui seul pouvait bander. Ulysse ensuite voyagea dans le Péloponèse, et revint dans Ithaque, où il fut salué roi par les habitans. Il épousa Pénéloppe, fille d’Icarius, qui le rendit père de Télémaque.
Environ un an après la naissance de ce fils, la Grèce entière était en armes pour aller venger l’offense faite à Ménélas par Pâris, fils de Priam. Ulysse, chercha de toutes les manières à éviter l’obligation de suivre les rois ligués contre Troie : ainsi, pour ne point quitter son épouse, il contrefit l’insensé, fut sur les bords de la mer labourer les sables de la grève, avec deux animaux d’espèces différentes, et y semer du sel ; mais Palamède, se doutant que sa folie était feinte, étendit Télémaque, sur la ligne du sillon qu’il labourait. Ulysse, pour ne pas blesser son fils, leva le soc de la charrue. Alors, Agamemnon et Ménélas, présens à cette expérience, forcèrent Ulysse à les suivre avec ses troupes et douze vaisseaux. Il se distingua dans cette expédition, par sa bravoure et surtout par les conseils sages qu’il donna aux Grecs. Ce fut lui qui fit par adresse arriver Clytemnestre et Iphigénie au camp des Grecs, afin de pouvoir obéir à l’oracle de Calchas. Il fut dans l’île de Lemnos chercher Philoctète découvrit Achille caché dans l’île de Scyros, près de Déidamie. A Lesbos, il fut le vainqueur de Patrocle, au pugilat ; défit les troupes de Télèphe, sur la côte Mysie ; et dans la Troade, il fut d’abord réclamer avec Ménélas et Palamède, la belle fugitive ; il décida Hécube à les faire évader de cette ville, où les Troyens voulaient les garder en otages et il y conserva une correspondance furtive avec Anténor. Ensuite, il enleva les chevaux de Rhésus, roi de Thrace, avant qu’ils eussent bu l’eau du Xanthe et mangé de l’herbe des prairies du Simoïs. Le lendemain, il fit tomber sous ses coups Molion, Hippodame et Hypéroque. Après la mort d’Achille il se mit sur les rangs comme l’héritier et le plus digne des armes de ce héros. Ajax les lui disputa. La cause fut plaidée devant les rois assemblés, et Ulysse remporta la victoire. C'est lui qui donna ou du moins appuya l’idée du cheval de bois, que les Troyens introduisirent dans leurs murs, et il fit {p. 353}partie des guerriers renfermés dans ses flancs.
Après la prise de la ville, lorsque les princes Grecs se furent embarqués pour retourner dans leurs états, Ulysse remonta également sur ses vaisseaux avec un assez grand nombre de compagnons, parmi lesquels il comptait Antiphe, Bée, son pilote, Elpénor, Grylle, Leucas, Lybas, Macarée, Périmède et Potite, le plus prudent de tous. Une tempête horrible dispersa la flotte et jeta Ulysse chez les Cicones, dont il ravagea la capitale, massacra la population mâle, et rassembla les femmes et les enfans sur ses navires ; mais tandis que son équipage se livrait à la débauche, ceux des Ciconiens qui avaient pu se soustraire au glaive du vainqueur, revinrent avec des secours et forcèrent Ulysse à fuir après avoir perdu six vaisseaux. Bientôt, une nouvelle tempête le poussa sur le cap Malée, auprès de l’île de Cythère, puis sur le cap Capharée, où Nauplius, père de Palamède, fit allumer des feux pour attirer ses vaisseaux, afin de se venger de la mort de son fils, qu’Ulysse avait fait tuer par jalousie. Ces feux l’ayant trompé, il vit quelques-uns de ses navires se briser contre les écueils qu’il voulait éviter. De là, après avoir erré neuf jours entiers, il arriva dans l’île africaine des Lotophages, où il y avait des arbres nommés lotos, dont le fruit délicieux faisait perdre à ceux qui en mangeaient le souvenir de leur patrie. Plusieurs de ses compagnons en mangèrent, oublièrent Ithaque et leur roi, et ne voulurent plus revenir aux vaisseaux ; cependant il finit par les y faire consentir, et il attacha les plus mutins aux bancs des rameurs. De cette île, il passa dans celle d’Eguse ou des Chèvres ; il s’y reposa tout un jour, après quoi il remit à la voile et arriva en Sicile.
Alors, ils furent tous saisis par les Cyclopes qui les conduisirent dans un antre profond, demeure du Cyclope Polyphème, auquel, pour nourriture, il fallait chaque jour de la chair humaine. Ulysse et les siens, ayant été pris dans cette caverne par ce Cyclope, y perdit la moitié de ses gens, que l’anthropophage dévora. Lui-même n’échappa qu’en crevant avec un tison enflammé l’œil unique de ce monstre, qui venait, pour se réjouir de sa capture, de s’enivrer en buvant des flots de vin ; alors ce Cyclope, ayant appelé Elpe, sa fille, et ses compagnons à son secours, pendant qu’Ulysse prenait la fuite, il le sauva malgré lui, en s’écriant que c’était Aoutis ou Personne qui venait ainsi de le blesser. Les Cyclopes, trompés par ce nom, ne purent arrêter le coupable ; aussi, Ulysse remit bien vite à la voile et fut ensuite dans les îles Éoliennes, où le roi des vents les lui donna tous, renfermés dans des outres, excepté Zéphyre, parce qu’il est favorable à ceux qui naviguent dans la mer Adriatique, où se trouvait l’île d’Itaque. Les compagnons d’Ulysse ayant ouvert ces outres, soudain les vents s’échappèrent avec fracas, excitèrent une violente tempête, qui rejeta les vaisseaux sur les côtes des îles Eoliennes. Ulysse redemanda les vents, mais Eole le regardant comme maudit des Dieux, lui refusa cette seconde grace et le chassa de ses états.
Six jours après, Ulysse arriva sur la côte des Lestrigons, dont le géant Antiphate était roi : ces hommes sauvages, qui se nourrissaient de chair humaine, mangèrent deux de ses compagnons ; à cette vue il se hâta de quitter ce pays.
De là, il fut jeté dans l’île d’Aea où il {p. 354}reçut de Circé un accueil favorable mais perfide. Cette magicienne transforma ses compagnons en bêtes, à l’exception d’Euryloque. Ulysse se garantit de ses charmes, au moyen d’une herbe nommée Moly ; mais il fut pourtant séduit par la magicienne, dont il fit son amante. Circé rendit dès-lors tous ses compagnons à leur première forme. Au bout d’un an, pressé par ses amis, Ulysse fut obligé de laisser Circé, qu’il quitta enceinte d’un fils que l’on nomma Télégone. Il franchit Scylla et Charybde, et les brisans mélodieux au milieu desquels résonnait la voix dangereuse des syrènes.
Ces enchanteresses qui, suivant les uns, avaient la tête et le corps de femme jusqu’à la ceinture, ou seulement la tête et le reste du corps en forme de celui d’un oiseau, quoique Horace les ait représentées avec une queue de poisson, habitaient, dit-on, les rochers escarpés sur le bord de la mer, entre l’île de Caprée, ou sur la côte d’Italie, ou près du cap Pelore en Sicile. Elles passaient pour être habituellement au nombre de trois, savoir : Aglaophone ou Aglaophème, c’est-à-dire, à la voix éclatante ; Pisinoé et Thelxiope ou Thelxinoé, ou Thelxiépie, ou bien Ligée, Parthénope et Leucosis ; on ajoutait encore Agloope et Molpo ou Molpée. Ces nombreuses syrènes dont le nom générique signifie chaîne ou petit oiseau, avaient été changées en monstres moitié femme et moitié oiseau, par Cérès, pour n’avoir pas porté secours à Proserpine, sa fille, lors de son enlèvement ; plus tard, encouragées par Junon, elles eurent la prétention de mieux chanter que les muses, qu’elles défièrent, mais celles-ci ayant remporté le prix, arrachèrent les plumes des vaincues et s’en firent des couronnes. Elles avaient appris de l’oracle qu’elles vivraient aussi long-temps qu’elles pourraient arrêter tous les voyageurs, mais périraient dès qu’un seul passerait sans avoir été captivé : aussi leur harmonie se faisait-elle entendre aussitôt qu’elles apercevaient au loin le plus petit bâtiment, et leurs chants, attirant les malheureux sur la côte, les y retenaient comme enchaînés, au point que, ne pouvant aller ni boire ni manger, ils mouraient sur place, sans avoir pu s’en éloigner. Orphée, en les faisant taire au son de la lyre, garantit en partie de leurs charmes les Argonautes ; mais ayant voulu reprendre leur revanche au passage d’Ulysse, celui-ci, qui avait été prévenu par Circé, boucha les oreilles de tous ses compagnons avec de la cire, et se fit attacher au mât du navire par les pieds et par les mains. Le charme alors n’ayant pu exercer son pouvoir sur ces voyageurs, les syrènes se précipitèrent de chagrin dans la mer, où elles furent changées en rochers ; fable qui faisait allusion, dit-on, aux courtisanes qui attiraient sur les bords de la Sicile les voyageurs, et leur faisaient oublier le but de leurs courses au milieu des plaisirs.
Ulysse, après avoir échappé aux syrènes, continua son voyage et arriva dans l’île de Trinacrie, où ses compagnons affamés se ruèrent sur les magnifiques troupeaux du soleil et en tuèrent quelques-uns : ils en furent bien punis, car dès qu’ils se remirent en mer, une violente tempête disloqua leurs vaisseaux et tua les sacriléges. Le seul Ulysse se sauva du naufrage en embrassant un mât avec lequel il fut balotté l’espace de neuf jours, puis il vint aborder dans l’île d’Ortygie ou de Calypso. Le lendemain, il fut trouvé nu et couvert de fange par Calypso, nymphe de ces lieux enchanteurs, qui recueillit le pauvre naufragé et le retint {p. 355}pendant sept ans ; il eut de cette océanide deux fils Nausithoüs et Nausinoüs, et peut-être un troisième appelé Auson ; alors Jupiter envoya Mercure à la nymphe, pour lui intimer l’ordre absolu de laisser partir Ulysse ; il s’embarqua donc de nouveau et déjà il touchait au pays des Phéaciens, lorsqu’une tempête suscitée par Neptune qui voulait venger les mauvais traitemens qu’Ulysse avait faits à son fils Polyphème, l’en éloigna et brisa le seul vaisseau qui lui restait. Le héros allait être englouti quand Leucothoé, déesse marine, mit sous lui une planche qui le soutint sur les eaux dont les vagues le poussèrent ensuite dans le port des Phéaciens, où Nausikaa, fille d’Alcinoüs, vint avec ses compagnes. Cette princesse, voyant cet infortuné, le conduisit au palais de son père qui l’accueillit avec distinction, donna des jeux en son honneur, et lui fournit les moyens de retourner auprès de Pénélope, son épouse, fille de Peribée ou de Polycaste, femme d’Icarius ou Icarion, fils lui-même de Périérès et de Gorgophone. Pendant le voyage d’Ulysse, cette Pénélope, qui avait pour frère Damasippe et Leucade, et pour sœur Iphthime, était restée à Ithaque, entourée de ses suivantes, Autonoé, Eurynome, Hippodome et Mélantho, et de son esclave Dalia.
[n.p.] [n.p.]De retour dans ses états, Ulysse apprit que sa femme était chaque jour fatiguée de nombreux prétendans qui voulaient la forcer à se remarier et à prendre l’un d’eux pour époux. Ainsi, l’on voyait autour de cette reine, Acronée, Amphimédon, Amphinome, roi de Dulichium ; Antinoüs, le plus célèbre de ces prétendans ; Ctésippe, fils de Samé ; Damastoride, Déoptolème, Elate, Euryade, Eurydamas, Eurymaque, Léocrite ; Liode le devin, qui s’opposa aux violences de ses rivaux ; Médon, Mélanthe, berger qui fut pendu et mutilé ; Mélanthée, père d’Amphimédon ; Mulios, attaché au service d’Amphinome ; Phémius, deux Pisandres, Polybe.
Alors, Ulysse, toujours doué de sa prudence habituelle, et afin de ne pas tomber sans défense sous les coups de ses adversaires, se rend d’abord à la cabane du vieil Eumée, l’un des gardiens de ses troupeaux, et fils de Ctésius ; il y rencontre Télémaque, son fils, que Mentès venait de prévenir et qui, en vain, avait été quelques mois auparavant, sous la conduite de Mentor, chercher de ses nouvelles dans le Péloponèse, voyages retracés avec un charme poétique par la prose élégante de Fénélon. Ulysse, après s’être fait reconnaître de son fils, se déguise en mendiant, et tous deux reprennent le chemin de la ville, en concertant ensemble les moyens de se defaire de leurs ennemis. A la porte du palais, le chien d’Ulysse, le vieil Argus, le reconnaît après vingt ans d’absence et meurt de joie en essayant de se traîner jusqu’à lui ; mais il n’en est pas de même d’Irus, le mendiant privilégié de la cour : à la vue de ce nouveau parasite, il se fâche, et, excité par Antinoüs, il defie cet intrus, mais il est terrassé par Ulysse qui, le lendemain, eut, sans se faire reconnaître, une entrevue avec Pénélope, à laquelle il donne des nouvelles de son époux, en l’assurant qu’il sera bientôt de retour ; alors, elle lui confie ses tourmens et son embarras. En vain, dit-elle, j’ai toujours éludé les poursuites des prétendans qui m’entourent, en remettant à choisir un époux, lorsque j’aurai terminé une tapisserie à laquelle je travaille le jour et que je défais la nuit avec mes suivantes, mais ils ne veulent plus attendre, et {p. 356}demain on doit tirer au jeu de bagues avec l’arc de mon mari, et j’ai juré d’épouser celui qui parviendra à tendre cet arc. Cette résolution étant approuvée par Ulysse, il se présente à la vieille Euryclée, sa nourrice, qui le reconnaît à sa cicatrice et lui prépare un lit et un bain.
Durant la nuit, Télémaque fait porter en secret des armes dans une chambre voisine de la salle de festin ; puis, le lendemain, Eumée et Philète, tous deux bergers des troupeaux d’Ulysse, apportent l’arc et disposent les douze anneaux que doit traverser la flèche victorieuse. Bientôt le défi commence, chaque prétendant essaie, mais en vain, de tendre cet arc gigantesque ; Ulysse, à son tour, demande la permission d’essayer ; on se récrie à cette demande, et Antinoüs pousse même l’insolence jusqu’à frapper cet audacieux. Cependant Télémaque en ordonne autrement ; aussitôt, Ulysse reçoit l’arc des mains d’Eumée, le tend avec la plus grande facilité, et la flèche, passant dans les douze anneaux, va tomber au-delà du dernier. Cet incident fait pâlir les prétendans, sans qu’ils aient le temps de se reconnaître, car une autre flèche, lancée d’une main aussi sûre, va percer le cœur d’Antinoüs, qui tombe baigné dans son sang ; alors, Ulysse dit son nom, et, secondé par Télémaque et par Minerve, sous la figure de Mentor, ainsi que par ses braves et fidèles serviteurs, il se défait de tous ces ennemis, malgré les efforts de Mélanthe qui s’empresse de leur offrir des armes. Damartoride, Déoptolème, Eurydamas, Eurymaque, Liode, tombent sous les coups d’Ulysse, tandis que Télémaque tue Euryade, Léocrite et Amphimédon, que Philète fait mordre la poussière à Ctésippe, à l’un des Pisandres, et qu’Eumée se débarrasse de Polybe. De tous ces violateurs de l’hospitalité, deux seuls, Médon et Phénius s’échappèrent ; quant à Mélanthe, il fut, ainsi que tous les esclaves des prétendans, pendu aux colonnes de la salle de festin qui fut ensuite lavée et purifiée par Télémaque.
Après cette victoire, le peuple d’Ithaque ne voulut pourtant pas encore reconnaître Ulysse ; alors, il fut chercher son père, Laërte, qui vivait à la campagne avec son esclave Dolius, dont les six fils avaient courageusement secondé Ulysse ; mais, pour ne pas trop surprendre ce vieillard, il s’annonce d’abord sous le nom d’Aphidas, fils de Polypémon. Rajeuni alors par Minerve, Laerte revient aider son fils et son petit-fils à soumettre son peuple rebelle et, lui-même retrouvant ses forces, il frappe à mort Eupithe, père d’Antinoüs et le chef de cette révolte.
Ulysse ensuite vécut en paix, puis il eut de Pénélope encore un fils, appelé Ptoliporthos, et il gouverna tranquillement ses états, mais on ignore exactement quand et de quelle manière il mourut. Cependant, la fable la plus suivie, prétend que, dans sa vieillesse, il s’éloigna une seconde fois d’Ithaque, pour tâcher d’éviter l’accomplissement d’un oracle de Tirésias qui lui avait prédit qu’il mourrait de la main de son fils ; car, craignant alors Télémaque, il fut se faire tuer par Télégone, qu’il avait eu en effet de ses amours avec Circé.
Si nous récapitulons la vie de ce héros, espèce d’Hercule voyageur, nous trouvons qu’il eut pour femmes et maîtresses, Pénélope, Circé, maîtresse aussi de Calchus, roi des Dauniens, Calypso, Evippe, Actoris et Polymène, fille d’Eole, car nous ne mettrons pas au rang de ces {p. 357}maîtresses, Hats, esclave thyrénienne, qui apprit la magie auprès d’Ulysse, et joua le rôle d’une espèce de Minerve. Pour enfans, il eut : Télémaque et Ptoliporthos de Pénélope ; Télégone, auquel on ajoute ou bien auquel on substitue Antios ou Antée ; Agrius, Arbias, Marse et Paphlagon, fils qu’il eut de Circé, ainsi qu’une fille appelée Cassiphone ; Auson, Nausithoüs et Télédame de Calypso ; plus, sa fille Nausinous ; ensuite, Euryale, d’Evippe.
Quant à Télémaque, sa fable toute moderne brille par son voyage à la recherche de son père. On le voit, sous la conduite de Mentor, favori de Minerve, emprunter un vaisseau à Noémon, fils de Phronios, et courir les mers avec ses compagnons Clytius, père de Pirée, et Pisistrate, fils de Nestor ; aller chez Ménélas et y être reçu suivant son rang, par son maître des cérémonies Etéonée, fils de Boette ; faire ensuite tomber sous ses coups, pendant son voyage, Adraste, roi Daunien, de l’invention de Fénélon, et se marier à Cassiphone, fille de Circé, ou à Nausikaa, dont il eut un autre Ptoliporthos, puis, pour céder à la crainte ou aux jalousies de son père, il fut obligé de s’exiler, fut tuer Circé et ne revint que pour combattre et vaincre les brigands commandés par Télégone, fils d’Ulysse et de Circe ; mais sa femme ne lui pardonnant pas la mort de sa mère, elle finit par le tuer. Du moins, c’est ainsi que l’on termine habituellement la vie fabuleuse de Télémaque.
Les poètes ont introduit dans le cours des voyages d’Ulysse et de son fils, une foule de personnages, dont il nous est impossible, on le conçoit, de citer tous les noms. Ainsi, à part Alcinoüs qui donne des fêtes à ce célèbre naufragé, c’est Anabasmée ou Ambasinée, Elatrée, Amphiale, Eretmée, qui tous se distinguent dans ces jeux ; puis, on voit paraître Halios, fils d’Antinoüs, et dont la danse fut admirée par Ulysse ; Dinétor, qui acheta ce héros ; Echète, alors tyran d’Epire ; Eunée, fils de Jason et d’Hypsypile et roi de Lemnos, qui fournissait du vin à l’armée grecque ; Épipole, jeune héroïne qui suivit les Grecs sous un habit d’homme, et que Palamède eut la cruauté de faire lapider en révélant son sexe.
Armée des Troyens. Quant à l’armée troyenne, elle ne comptait pas moins de héros que celle des Grecs ; le vieux Priam en était le chef et sous lui on voyait obéir et commander ses cinquante ou cinquante-trois fils, et les divers guerriers dont nous allons faire également suivre les noms :
Fils de Priam : Agave ou le radieux, était un des plus jeunes ; Antinoüs ou Antiphone, ou Antiphe ; Arohémaque ; Arète ou Arrhète, tué par Achille ; Aristodème ; Astinoüs, tué par Diomède ; Astynome, par Achille ; Axion, par Eurypile ; Biante ; Bias ; Brisonnius ; Bucolion, l’aîné des fils de Priam et de Colybée ; Cébrione, né d’une esclave et tué par Patrocle ; Chaon, tué à la chasse par Hélénus son frère ; Chersidamas, tué par Ulysse ; Chrysolas ou Chrysolaüs ; Clonius ; Daphnis, né d’Œnone ; Déiopète, fils naturel tué par Ulysse ; Déiphobe, né d’Hécube et massacré par la trahison de sa femme Hélène ; Démocoon, fils naturel ; Dius ; Dolon ; Doricle, né d’une concubine, fut tué par Ajax le télamonide ; Echémon, né d’Hécube, fut tué par Diomède ; Echépron ; Egéonée, fils d’une concubine ; Æsacus, né de la nymphe Alexiroé, fils aîné de Priam et époux {p. 358}d’Astérope, fille du fleuve Cébrène ; Evagore ; Gorgithion, né de la belle Cestianire d’Esime, fut tué par Teucer ; Hector ou Eurydamas, né d’Hécube et tué par Achille ; Hélénus ; Hippase, né d’une concubine ; Hippodamas ; Hippothoüs ; Hippotroque ; Hypérion ; Idoménée ; Idée ; Iphate, tué par Antiloque ; Isus ; Laodoque ; Lycaon, né de Laothoé et tué par Achille ; Lycus ; Mélanippe ; Mestor ; Pammon, né d’Hécube ; Pâris ou Alexandre, né d’Hécube ; Philémon ; Polite, tué par Pyrrhus sur le bûcher d’Achille ; Polémon ; Polydore, le plus jeune des fils nés d’Hécube ; Troïle, le plus jeune des fils de Priam restes à Troye.
Les guerriers troyens autres que les fils de Priam étaient : Abler, tué par Antiloque le Nestoride ; Acamas, Thrace, fils d’Eussor, fut tué par Ajax, le Télamonide ; un autre Acamas ou Adamas, Troyen tué par Mériane ; Adraste, frère d’Amphion, fut tué par Diomède ; Adraste, tué par Ménélas ; Agastrophe, fils de Péon, fut tué par Diomède ; Agélas, fils de Phradmon, fut tué par Diomède ; Agénor, fils d’Anténor ; Alcandre, Lycien, tué par Ulysse ; Alcathoüs, fils d’Esyète, et non Esyèle, avait épousé Hippodamie, fille d’Anchise ; élevé par Enée, il fut tué par Idoménée ; Alestor, compagnon de Sarpédon et tué par Ulysse ; Amphidamas, tué par Patrocle ; Amphiclé, tué par Mégès ; Amphimaque, fils de Nomion ; Amphius et non Amphion, fils de Mérops et d’Adraste, fut tué par Diomède ; Amphius, fils de Pélasgue, fut tué par Ajax ; Amphotère eut l’honneur de tuer Patrocle ; Amycus, époux de Théano, sœur d’Hercule ; Anténor, livra le palladium et sa patrie ; Anthénon, tué par Ajax de Salamine ; Antimaque, s’opposa aux demandes d’Ulysse et de Diomède, et leur fit refuser Hélène par le sénat qui, pour le récompenser, le livra prisonnier à Agamemnon ; Antiphe, commandait avec Mermer les Méoniens ; Archiptolème, fils d’Iphite et roi d’Elis, conduisait le char d’Hector et fut tué par Teucer ; Archiloque, fils d’Anténor, fut tué par Ajax le Télamonide ; Areilyque, tué par Patrocle ; Arétaon, tué par Teucer ; Argée, fils de Polymèle, fut tué par Patrocle ; Arielycus, fut blessé par Patrole ; Asius, fils d’Hyrtaque et d’Arisbe, auxiliaire de Priam, fut tué par Idoménée ; Astéropée, fils de Pélégone, fut tué par Achille ; Astyale, tué par Polypète ; Astyphyle, Péonien, tué par Achille ; Astymne, fils d’Amysodare, roi Lycien, fut tué par Antiloque ; Antonoüs, tué par Patrocle ; Axile, fils de Teutras, fut tué par Diomède ; Bianor, tué par Agamemnon ; Biénor, tué avec Oïlée, son cocher, par Achille ; Bore, père de Pheste, fut tué par Idoménée ; Calésius, conducteur du char d’Axyle, fut tué par Diomède ; Calétor, fils de Clitius et neveu de Priam, fut tué par Ajax ; Celeutor, fils d’Agrius, fut tué par Diomède ; Cérane, tué par Ulysse ; Chalcon, gouverneur, puis écuyer d’Antiloque et enfin déserteur de la cause des Grecs, par amour pour l’amazone Penthésilée ; il fut tué par Achille et son corps mis en croix ; Cléobule, tué par Ajax l’Oïlide ; Chorinée, prêtre troyen ; Chromis, chef misien, auxiliaire de Priam ; Chromius, tué par Ulysse ; un autre Chromius fut tué par Teucer. Clysonyme ou Clésonyme, ou Cléonyme ou Clitonyme, fils d’Amphidamas d’Oponte, fut tué par Patrocle ; Clitus, cocher de Polydamas, fut tué par Teucer ; Coon, fils aîné d’Antenor et frère d’Amphidamas, fut tué par Agamemnon ; Corèbe, fils de Migdon et d’Anaximène, vint secourir Priam et se fit tuer par Pénélée ; Critolas, {p. 359}gendre de Priam ; Crœsmus, tué par Mégès ; Damase, tué par Polypète ; Damastor, tué par Patrocle ; Dardamas, fils de Brias, fut tué par Achille ; Déicoon, fils de Pergase et ami d’Enée, fut tué par Agamemnon ; Démoléon Anténoride, tué par Achille ; Démoptolème, compagnon d’Agélas, fut tué par Ulysse ; Démuque, fils de Philétor, fut tué par Achille ; Désénor ; Deucalion, tué par Achille ; Dolon, fils d’Eumèle, fut l’espion des Troyens et fut tué par Diomède et Ulysse, au moment qu’il allait enlever du camp des Grecs, sans être aperçu, les chevaux de Rhésus ; Dolops, fils de Compus, fut tué par Ménélas ; Dymas, tué à la suite d’Enée pendant le sac de Troie ; Echècle, fils d’Agénor, fut tué par Achille ; un autre Echécle fut tué par Patrocle ; Echépole, tué par Antiloque ; Echios et Elas, tués par Patrocle ; Elate, guerrier de Pédase, tué par Agamemnon ; Épiciès, Lycien, tué par Ajax ; Epistor, tué par Patrocle ; Epistrophe, fils d’Evène, roi de Lyrnesse, fut tué par Achille ; Epolte, tué par Patrocle ; Ereuthalion, Arcadien, fils d’Hippomédon ou d’Aphidas, portait les armes de son roi Lycurgue et fut tué par Nestor ; Euphéme, fils de Céade, était le chef des troupes auxiliaires de Priam ; Éryale et Erymas, tués par Patrocle ; Ésépe et Pédase, petits-fils de Priam, par Bucolion, furent tués par Euryale ; Euphème, fils de Trœzénios, fut auxiliaire de Priam ; Euphorbe, fils de Panthoos, blessa Patrocle et fut tué par Ménélas ; Eurypyle, fils de Télèphe et d’Astyochée, roi de Mysie, fut secourir Priam ; Evippe, chef Lycien, tué par Patrocle ; Gargase ; Glaucos, chef Lycien, fils d’Hippoloque ; Grune Anténoride, fondateur de Groningue ; Halios ou le maritime, chef Lycien, tué par Ulysse ; Hamopaon, fils de Polyémon, fut tué par Teucer ; Harpalion, fils de Pylémène, fut tué par Mérione ; Hélénor, fils de Lycimnie, odalisque d’un roi de Méonie ; Hélicaon, Anténoride, époux de Laodice, fille de Priam ; Héniopé, écuyer d’Hector et tué par Diomède ; Hippocoon, ami et compagnon de Rhésus ; Hippodame, tué par Ulysse ; Hippoloque, fils d’Antimaque, fut tué par Agamemnon ; Hippothoüs, tué par Ajax ; Hippotion, auxiliaire, tué par Mérione ; Hypanis, fut tué par ses compatriotes pendant la nuit de la prise de la ville de Troie ; Hypénor, tué par Diomède, Hypérénor, fils de Panthoos, fut tué par Ménélas ; Hypsénor, fils de Délopion, prêtre du Scamandre et blessé par Euripyle ; Hyrtaques, étaient deux du même nom, l’un, père d’Hippocoon, et l’autre de Nisus, d’où leur vint le nom d’Hyrtacides ; Hyrtius, fils de Gyrtius, Mysien, tué par Ajax le Télamonide ; Idée, fils de Darès, fut sauvé des mains de Diomède par Vulcain ; Imbrase, père de Pirus, était chef des Thraces auxiliaires de Priam ; Imbrios, de Pédase, en Carie, fils de Mentor, mari de Médésicaste et tué par Teucer ; Iphée, tué par Patrocle ; Iphition, d’Hydée, en Carie, fils d’Otryntée et d’une nayade, fut le premier Troyen tué par Achille pour venger la mort de Patrocle ; Iphidamas, Anténoride, tué par Agamemnon ; Ilionée, tué par Pénélée ; un autre Ilionée fut tué pendant le pillage par Diomède ; Itymonée, fils d’Hypéroque, roi des Lybiès, fut tué par Nestor ; Laocoon, s’opposa autant qu’il le put à l’entrée du cheval de bois ; Laodamas, Anténoride, tué par Ajax ; Laodoque, fils aussi d’Anténor ; Laogone, fils de Bias, fut tué par Achille ; Lycon ; Lysandre, tué par Ajax ; Maris, fils d’Amisodare, fut tué par Thasimède ; Mélanippe, {p. 360}tué par Patrocle ; un autre, par Antiloque ; un troisième, par Teucer ; Mélanthe, tué par Euryale ; Mémas, compagnon de Paris ; Memnon, chef de vingt mille hommes envoyés au secours de Priam par Teutame, roi de Susiame ; Ménon, tué par Léontre ; Mermère, tué par Antiloque ; Mester, commandait avec Antiphe les Méoniens auxiliaires du mont Tmole ; Mnèse, tué par Achille ; Molion, écuyer de Timbrée, fut renversé par Ulysse ; Molios, tué par Nestor ; Morys, fils d’Hippolion, fut tué par Mérione ; Mulios, tué par Patrocle ; Mydon, tué par Achille ; Mydon, fils d’Atyme et Cocher de Pylémène, fut tué par Antiloque ; Naste, chef Carien, vint secourir priam ; Néamas, tué par Mérione ; Noéron, Lycien, tué par Ulysse ; Odios, chef Halizone, tué par Agamemnon ; Œnomas, tué par Idoménée ; Oïlée, écuyer du roi Bianor, fut tué par les Grecs ; Ophéleste, tué par Teucer ; Ophelte, par Euryale ; Oreste, par Polypète ; un autre Oreste, par Léontée ; Ormène, par Polypète ; un autre Orméne, par Teucer ; Orsiloque, fils d’Idoménée, fut tué par Ulysse ; un autre Orsiloque par Teucer ; Orthée ; Othryonée, prince Thrace, qui prétendit à la main de Cassandre ; Palmis, fils d’Hippotion et auxiliaire de Priam ; Pandare, fils de Lycaon ; il était habile archer, protégé d’Apollon et auxiliaire de Priam ; Panthoos ou Panthée, prêtre d’Apollon, résidait dans la ville, pendant le siége ; Pélagon, tué accidentellement par Sarpédon ; Penthésilée, reine des Amazones, qui vint au secours de Priam, eut, pendant le siége, une intrigue amoureuse avec Achille qui, dans la chaleur du combat, l’ayant trouvée devant lui dans les rangs ennemis, la frappa de mort et la pleura ; Périphène, tué par Teucer ; Phalcès, par Antiloque ; Phégée, fils de Darès, fut tué par Diomède ; Phérècle, fils d’Harmone, avait construit le vaisseau sur lequel Pàris enleva Hélène et fut tué par Mérione ; Pheste, tué par Idoménée ; Philomélide, roi de Lesbos, fut terrassé par Ulysse ; Phorcys, chef Phrygien, fils de Phénops, fut tué par Ajax ; Philaque, tué par Léite ; Pidyte, par Ulysse ; Pirus, chef Thrace, fut tué par Thoas ; Pisandre, fils d’Antimaque, fut tué par Agamemnon ; un autre, par Ménélas ; Podès, fils d’Eétion, fut tué par Ménélas ; Polybe, d’Anténoride ; Polydamas, fut le complice d’Anténor ; Polyide, fils d’Eurydamas, fut tué par Diomède ; Polymèle, fils d’Argée, fut tué par Patrocle ; Polymnestor, roi Thrace et époux d’Ilione, fille de Priam ; Pronoüs, tué par Patrocle ; Pylachante et Pylée, par Achille ; Pylémène, chef Paphlagonien, fils de Mélas, fut tué par Ménélas ; Pytanis, tué par Ulysse ; Rhésus, tué par Ulysse et Diomède ; Satnies, par Ajax l’Oïlide ; Scamandrios, fils de Strophius, fut blessé par Ménélas ; Simoise, par Ajax le Télamonide ; Socos, par Ulysse ; Sthénélas, fils d’Ithémène, fut tué par Patrocle ; Teutras, combattait auprès d’Énée ; Thersippe, fils d’Agrius, fut tué par Diomède ; Thersiloque, Anténoride, tué par Achille ; Thestor, fils d’Enope, fut tué par Patrocle ; Thoas, tué par Ménélas ; Thoon, par Ulysse ; un autre fils de Phénops et frère de Xanthe, fut tué par Diomède ; Thrasymède, chef Lycien, fut tué par Patrocle ; Thymbrée, par Ulysse ; Thymète, fils de Laomédon frère de Priam, vit sa femme tuée par ordre de ce roi et se vengea en conseillant aux Troyens de recevoir le cheval de bois. Xanthe, fils de Phénops, fut tué par Diomède.
{p. 361}Pour mieux faire comprendre la famille de Priam et l’empire sur lequel il régnait, empire qui n’était autre qu’une partie de la Phrygie, nous allons remonter à l’origine traditionnelle des premiers souverains connus de ce pays ; voici comment on l’explique :
Teucer passe pour le plus ancien ; il était la personnification de la Teucrie, et originaire de l’île de Crète, d’où il fut envoyé en exil dans cette Phrygie ou partie de l’Asie que nous verrons bientôt appelée Troade. Grace à sa valeur, il se fit admirer par les habitans de cette contrée, qui ne tardèrent pas à le reconnaître pour leur chef. Il avait une fille nommée Arisbe ou Batée, ou Teucris, ou Nyso, ou Néso ; il la maria à une espèce d’aventurier appelé Dardanus, qui avait fui l’Italie pour se soustraire aux justes vengeances de ses concitoyens, car ils voulaient le punir d’avoir assassiné son frère Jasion. Teucer la purifia de ce fratricide et lui légua son empire en lui donnant la main de sa fille.
Ce Dardanus passait pour fils de Jupiter et d’Electre l’Atlantide, et, par conséquent, il était frère de Jasion. Il était pourtant né en Elide, partie du Péloponèse. Il épousa d’abord Chrysa, fille de Pallas, dont il eut deux enfans. Ayant, on ne sait pour quel motif, assassiné son frère, il fut obligé de quitter l’Italie où il se trouvait, il fut longtemps errant de contrée en contrée ; enfin, il arriva en Phrygie, où il épousa la fille de Teucer. Alors il fit construire, au pied du mont Ida, une ville à laquelle il donna le nom de Dardanie et que depuis on appela Troye ; il laissa en mourant le trône à Erichthonius, fils qu’il avait eu avec Batée. Mais lorsqu’on le fait époux de Nyso, c’est une fille du nom de Sibylla qu’on lui donne. Ses descendans prirent ensuite le nom de Dardanides.
Cet Erichthonius devint le père de Tros, dont le nom semble signifier roi ou seigneur. Ce Tros qui donna le nom de Troie à la ville de Dardanie, eut de Callirhoé trois fils : l’un, Ganymède, fut enlevé par Jupiter pour lui servir de menin ou d’échanson ; le second, Ilos, toujours soutenu par la famille de son frère cadet Assaracus, devint roi de Phrygie, après avoir asservi les Byenéens ou Bebrices et avoir tué leur roi Bysné, et fit, suivant quelques auteurs, bâtir seulement sous son règne Pergame ou la citadelle de Troye, d’où vient que souvent cette ville fut surnommée Ilion. On prétend qu’alors le Palladium ou petite statue de Minerve vint à tomber du ciel ; aussitôt Ilos, pour conserver cette relique, fit bâtir un temple à Minerve ; mais le feu ayant pris à cet édifice, Ilos courut, au risque de sa vie, chercher et sauver le Palladium ; malheureusement ses yeux s’étant arrêtés sur l’effigie redoutable, il devint aveugle. Avant ou après cet accident, il eut avec Eurydice sa femme, fille d’Adraste, roi de Phrygie, un fils appelé Laomédon.
Ce Laomédon gouverna la ville de Troie pendant très-long-temps. Ce fut sous son règne que Neptune et Apollon, exilés de l’Olympe, élevèrent les murailles de sa ville ; les divins ouvriers lui ayant demandé le salaire convenu pour les fortifications qu’ils venaient d’achever, il le leur refusa et les força même de sortir de ses états. Ces deux divinités, l’on s’en souvient, pour le punir de son insigne mauvaise foi, inondèrent tous les environs de la ville et une peste les dépeupla presqu’entièrement. Ce roi ne put conjurer ces fléaux qu’en livrant chaque jour une jeune fille à un monstre marin, sorti des flots par ordre de Neptune : le {p. 362}sort tomba bientôt sur Hésione, sa propre fille que le troyen Phénodamas le força d’exposer au monstre, mais Laomédon ayant promis à celui qui délivrerait sa fille et la Troade de ce monstre, deux beaux chevaux, et sa fille en mariage, Hercule se présenta, délivra Hésione, et fit tomber le monstre sous ses coups ; cependant Laomédon refusa ce qu’il avait promis au vainqueur du monstre. Alors Hercule assiégea la ville, la prit d’assaut, tua Laomédon et s’empara d’Hésione qu’il donna à son ami Télamon. Laomédon avait épousé ou Strymno ou Placie, fille de Leucippe, dont il avait eu trois filles : Hésione ou Médésicaste, Cella ou Ethylle, Astioché ou Anthie ou Anthée, et quatre fils, Clitius, Hicétaon, Tithon et Priam, que d’abord l’on nommait Podarce.
Quant à Tithon, nous savons comment Aurore devint amoureuse de sa beauté ; comment elle l’enleva pour le présenter à Jupiter qui lui donna l’immortalité, et comment, ayant eu l’imprévoyance de ne pas lui faire accorder une jeunesse éternelle, elle le vit vieillir, se dessécher et se trouver fort heureuse de pouvoir s’en débarrasser en le faisant métamorphoser en cigale.
Priam succéda forcément à son père Laomédon, car Hercule, après avoir pris la ville de Troie et mis à mort Laomédon, plaça Priam sur le trône afin de le récompenser des efforts qu’il avait faits pour détourner son père de l’injustice qu’il voulait commettre, en ne donnant pas au héros le salaire qu’il lui avait promis. Sous le règne de Priam, la ville de Troie s’agrandit beaucoup, la population s’augmenta par les émigrations des peuples voisins qui venaient se soumettre aux sages et douces lois qu’il avait établies. Il épousa Hécube, fille ou du fleuve Sandare et de Méropes, ou de Drymas ou de Cissé, roi de Thrace : il en eut dix-neuf fils et autant de filles. Ses enfans s’étant unis aux princes et princesses des petites monarchies de l’Asie mineure, ils furent pour lui autant d’alliés et firent de son empire l’état le plus puissant de toute l’Asie. Ce prince était d’un caractère doux, sage et équitable, mais sans aucune énergie ; aussi vivait-il très-retiré, servi par six esclaves, dont le principal était Agélas ou Aglaüs ou Archélas ; il était en outre entouré de femmes nombreuses, au milieu desquelles on distinguait Arisbe, fille de Mérops et mère d’un autre Mérops, Castyanire, mère de Gorgythion, Laothoé, fille d’Athès. De ces femmes ou concubines il avait eu cinquante et quelques fils ; de plus il comptait parmi ses enfans également beaucoup de filles dont les plus connues étaient Aristomaque, femme de Cristolas, Alexandra ou Cassandre, Augé, Cléonie, Climène, Creuse, femme d’Énée, Demnosie, Démothée, Ethionome, Hénicée, Ilapinate, Laodice, Lysimaque, Médésicaste, Méduse, Phégée, Philomède, Polyxène ; la plupart ayant eu Lyrgo pour nourrice.
Quand Priam envoya Pâris réclamer l’héritage ou la personne d’Hésione, on ne le vit point s’opposer au rapt d’Hélène, et, pendant le siége, il ne prit véritablement aucune part active à la guerre.
Cependant, la mort d’Hector réveilla en lui la plus grande énergie ; ainsi, ce vieillard courbé par l’âge, tout au bonheur de l’indifférence, s’élance hors de la ville, traverse au milieu de la nuit le camp des Grecs et va arroser de ses pleurs les genoux du meurtrier de son fils, en le suppliant de lui rendre les restes sanglans et inanimés d’Hector. Achille, attendri par ses plaintes, le relève, et lui accorde ce qu’il demande. Quelque temps après, {p. 363}lors du pillage de la ville, Priam mourut, tué par Pyrrhus, entouré de ses enfans massacrés et à la vue de sa ville embrasée.
Ce fils adoré, cet Hector, que Priam fut ainsi réclamer, était le plus vaillant et le plus célèbre des défenseurs de la ville de Troye. Il épousa jeune encore Andromaque, fille d’Eétion, roi d’une des contrées de la Cilicie ; il en eut Astyanax. Hector fut chargé du commandement général des troupes de Priam pendant la guerre. Il soutint avec courage et fermeté les efforts réunis de toute la Grèce, et sut les arrêter pendant dix ans. Parmi le grand nombre des guerriers qui tombèrent sous ses coups, on distingue Patrocle. A peine Achille connut-il la mort de son ami, qu’il jura de la venger dans le sang du vainqueur. Aussitôt, on s’en souvient, il saisit sa redoutable épée et présente le combat à Hector. Celui-ci, trop grand et trop brave pour être attendri par les larmes de sa mère et par les pressantes sollicitations de son père, accepte le défi, attèle à son char ses deux célèbres coursiers, dont l’un portait le nom d’Ethon, puis il sort des murs, et bientôt les deux héros se trouvèrent en présence ; mais le magnanime Hector abandonné par tous les Dieux, ne put long-temps résister à Achille et tomba victime de son courage. Nous savons comment le vainqueur abusa de sa victoire, pour laisser ensuite sur l’arène le corps déchiré en lambeaux de sa victime, afin que, privé de sépulture, il devienne la proie des oiseaux et des chiens. Cependant la nuit suivante la vue d’un père affligé fait changer Achille de résolution. Priam rassemble les restes de son cher Hector, et les remporte dans sa ville, pour leur rendre les derniers devoirs. A Thèbes, on institua une fête en l’honneur de ce héros. Hector laissa de son mariage avec Andromaque, Astyanax et Amphinée, ainsi qu’Oxine et Scamandre, que l’on avait envoyés en Lydie, pendant le siége de Troie, et qui vinrent après le départ des Grecs rebâtir la ville et fonder sur ses ruines un empire nouveau. On représente Hector couvert d’une cuirasse, la tête couverte d’un casque, monté sur un char, tenant d’une main une lance et un bouclier, et de l’autre, les rênes de ses chevaux ; auprès de la colonne funéraire, on voit Andromaque et son fils versant des pleurs.
Son épouse Andromaque fut encore plus malheureuse : elle vit périr en peu de temps et ce héros, et sa famille et son fils Astyanax, qui fut précipité du haut d’un rocher ; elle vit tomber la superbe Troie, et fut elle-même victime de ce désastre affreux ; car elle fut emmenée captive et choisie pour concubine par Néoptolème, fils d’Achille, qui la conduisit en Epire, où elle mit au jour trois ou quatre fils : Molosse, Nélée, Pergame, et Pièle, roi d’Epire. Néoptolème ayant quitté Andromaque pour Hermione, fille d’Hélène, il donna cette épouse d’Hector à Hélénus frère de ce héros. Cependant Hermione, jalouse encore de cette malheureuse Andromaque, la chargea de chaînes, et l’eût indubitablement fait mourir, si l’ombre de Pélée, père d’Achille, ne fût venue s’y opposer. Andromaque, après la mort de Néoptolème, se fit suivre d’Hélénus, fonda un petit royaume en Chaonie, et y fit bâtir la ville de Buthrote ; puis elle retourna en Asie avec son fils Pergame et y mourut.
Astyanax, avons-nous dit, fut une victime innocente de la cruauté des Grecs. En effet, cet enfant saisi de crainte à la vue du casque de son père, qui le tenait dans ses bras, fut se cacher dans le sein de sa nourrice, comme s’il eût pressenti {p. 364}que ce casque lui annonçait des malheurs. Ce meurtre fut causé par un oracle de Calchas, car ce devin ayant prédit que s’il vivait, ce fils d’Hector serait un jour plus à craindre que son père dans les combats, les Grecs résolurent de le faire mourir ; mais sa mère ayant connu leur résolution, le cacha dans le tombeau d’Hector. Ulysse, alors, ne pouvant le découvrir, insinua à Andromaque qu’il le prendrait sous sa protection et qu’il le sauverait de la fureur des Grecs. Trompée par les perfides assurances d’Ulysse, elle lui découvre l’asile où il est caché ; aussitôt, le roi d’Ithaque s’empare du jeune infortuné et le précipite du haut d’une tour. D'autres disent qu’il fut tué par Ménélas, dans le moment où sa mère voulait l’emporter.
Auprès de la figure mâle et courageuse d’Hector, une autre figure toute brillante de beautés délicates et efféminées se dessine ; c’est celle de Pàris, le fils et le premier des bergers de Priam, le juge des déesses, la cause enfin de la ruine de Troie.
Ce Paris, ou Alexandre, était né d’Hécube qui, pendant sa grossesse, rêva qu’elle mettait au monde un flambeau allumé, dont la flamme incendiaire brûlait la ville de Troie. Les devins, consultés sur ce rêve, répondirent que l’enfant qui naîtrait causerait un jour la ruine de l’empire. Priam, épouvanté, résolut de faire mourir cet enfant, mais Hécube le fit changer de résolution en lui conseillant de l’exposer. En effet, à peine Pâris fut-il né qu’on l’abandonna sur le mont Ida. Bientôt des pâtres le trouvèrent enveloppé de ses langes dont la richesse leur fit supposer son illustre origine ; aussi, les conservèrent-ils avec précaution, afin qu’un jour cet infortuné pût s’en servis pour se faire reconnaître. Pâris grandit parmi les bergers et finit par conduire les troupeaux de Priam. Sa beauté était tellement remarquable, que la nymphe Œnone, fille du dieu-fleuve Cébrène, en fit son amant, et bientôt elle en eut un fils nommé Corythe. Pâris, on le sait, jugea le fameux procès relatif à la pomme d’or, jetée par la Discorde sur la table du festin des noces de Thétis. Peu de temps après ce procès, un des fils de Priam lui enleva un taureau pour le donner au vainqueur dans les jeux funèbres qu’on célébrait à Troie. Pâris, furieux de cette perte, se rendit à la ville, y disputa le prix et l’emporta sur tous ses concurrens, au nombre desquels étaient ses frères. Hector, honteux de voir la victoire remportée par un simple berger, leva sur lui son glaive pour le tuer ; mais Pâris évite le coup et présente à l’assemblée les ornemens qui l’entouraient quand il fut trouvé sur le mont Ida. Priam, à cette vue, reconnaît les langes dont on avait enveloppé son fils, l’embrasse et lui rend sa place parmi les princes de sa race.
Quelque temps plus tard, Pàris passa en Grèce pour sacrifier au temple d’Apollon et pour réclamer l’héritage de sa tante Hésione ; alors, il fut reçu à la cour de Ménélas, roi de Sparte ; mais, soit par vengeance, soit par légèreté, il oublie les devoirs dus à l’hospitalité, séduit Hélène, épouse du roi, et l’emmène avec lui en Asie. Ils abordèrent, on le sait, dans l’île de Cythère ; puis, après avoir sacrifié à l’amour, ils remontèrent sur leur vaisseau et continuèrent leur route. Tout à coup, le vieux Nérée sort du fond des flots, se présente à eux avec un air sévère et leur prédit les plus grands malheurs ; mais Hélène est toute à son amant, et Pàris tout aux charmes de sa {p. 365}maitresse ; aussi, ni l’un ni l’autre n’entendent la prophétie et ils arrivent dans le port, amoureusement entrelacés.
Priam, ne voyant dans ce rapt qu’une vengeance, les reçut avec des transports de joie, sans penser que les Grecs viendraient bientôt avec mille vaisseaux redemander Hélène et venger à leur tour l’outrage fait à Ménélas.
En vain les Atrides envoyèrent des ambassadeurs, ils ne furent pas écoutés ; telle fut la cause de ce fameux siége de dix ans. Pàris, dont le caractère efféminé ne lui permettait pas de se charger d’une lourde cuirasse, ne se montra guère dans les combats. Toutefois, on le vit de temps à autre, paraître sur le champ de bataille et blesser les héros les plus distingués, tels que Diomède, Machaon, Antiloque, Palamède ; il soutint même un combat singulier contre Ménélas. Ce fut lui qui, dans un guet-à-pens, blessa mortellement le courageux Achille. Lui-même fut quelque temps après blessé par Philoctète. Alors, il se fit transporter chez Œnone, sa première maîtresse, qu’il avait indignement abandonnée ; mais elle refusa de le guérir. Pâris avait eu d’Hélène deux ou trois fils, Agane, Bunichus et Idée, et une fille du même nom que sa mère. On représente Pâris, berger de Priam, tenant dans sa main le pédum, autrement dit la houlette. D'autres le représentent avec une taille colossale, la poitrine couverte de la chlamyde et avec la figure d’une femme.
Après Hector et Pâris, voici, parmi les fils de Priam, ceux qui se firent le plus remarquer :
Æsacus, fils de Priam et de la nymphe Alexiroé, devint éperdument amoureux de la nymphe Hespérie, fille de Cébrène. Un jour, l’ayant rencontrée sur les bords du fleuve Cébrène, son père, il se mit à la poursuivre. La nymphe, en fuyant, fut mordue au talon par un serpent et mourut de cette morsure. Æsacus, poussé par le désespoir, se précipita du haut du rocher dans la mer, où Téthys le métamorphosa en plongeon. Il possédait l’art merveilleux de la divination et avait prédit que Pâris, dont Hécube était enceinte, causerait un jour la destruction de l’empire de Priam.
Déiphobe, fils de Priam et d’Hécube, était l’un des défenseurs les plus distingués de la ville de Troye. Il fit tomber sous ses coups Ascalaphe, Antonoüs et Hypsénor. D'accord avec Pâris, il retint Achille, on ne sait trop à quel sujet, assez long-temps pressé dans ses bras, pour que son frère eût le temps de l’ajuster et de lui percer le talon d’une flèche. Déiphobe s’opposa à ce qu’on livrât Hélène aux Grecs. Par reconnaissance, à la mort de Pâris, elle lui accorda sa main ; mais quand Troye fut prise, cette perfide épouse, pour se rendre agréable à Ménélas, son premier mari, introduisit les Grecs dans la chambre de son nouvel époux, qui fut horriblement mutilé avant de recevoir le coup de la mort, puis il resta sans sépulture.
Hélénus, fils de Priam et d’Hécube, étant un jour endormi dans un temple avec Cassandre sa sœur, deux dragons vinrent leur lécher les oreilles et, depuis ce moment, ils furent tous deux fameux dans l’art de prédire l’avenir. Hélénus conduisait la troisième colonne de troupes de Priam. Il se rendit célèbre pendant le siége de la vilie. Il fit mordre la poussière au brave Déipyre et blessa Achille au bras. Calchas, ayant averti les Grecs que la ville de Troye ne serait {p. 366}jamais prise pendant qu’Hélénus resterait dans ses murs, Ulysse l’enleva du milieu de la ville. Ce fut lui qui révéla aux Grecs qu’ils ne s’empareraient jamais de Troye sans Philoctète. Quelque temps après la ruine de Troye, il suivit Néoptolème en Épire, et lui rendit de très-grands services, surtout en le détournant d’un voyage sur mer qui fut fatal aux passagers. Il épousa Andromaque et bâtit la ville de Buthrote, sur le modèle de Troye. Il fonda un petit état, auquel Cestrine, son fils, qu’il avait eu d’Andromaque, succéda. On représente Hélénus tendant un arc.
Polite, fils de Priam et d’Hécube, était des plus braves. Un jour qu’il se retirait du milieu du carnage et rentrait dans le palais de son père, Pyrrhus le poursuit au milieu des traits et des ennemis, l’atteint et lui plonge son épée dans le sein, aux pieds mêmes de son malheureux père.
Polydore, était le plus jeune des fils de Priam et d’Hécube. Priam, voyant les dangers qui menaçaient la ville, confia le jeune Polydore aux soins de Polymnestor, son gendre, qui régnait en Thrace. Celui-ci, pour s’approprier les riches trésors que Priam avait envoyés avec son fils, le fit périr.
Troïle, fut un des Priamides qui restèrent à Troye pendant qu’on se battait. Achille l’aimait beaucoup, mais il le tua dans le temple d’Apollon, pour se venger des rigueurs de ce jeune prince, dont il ne pouvait obtenir aucun retour d’amitié.
Si nous parcourons la liste des autres guerriers troyens, nous en trouvons plusieurs qui se sont fait remarquer avec plus ou moins de bonheur, tels étaient :
Anténor, prince Troyen, qui fut envoyé jeune encore par Laomédon à Delphes, pour savoir de l’oracle quels étaient les moyens de se débarrasser du monstre qui ravageait ses états ; plus tard il fut chargé d’aller chez les Grecs redemander Hésione. Dans ce voyage, il se lia avec plusieurs d’entr'eux, et sentit pour le peuple Grec une affection qu’il conserva même pendant le fameux siége de Troye. Quand Ulysse fut dans cette ville réclamer Hélène et ses trésors, il descendit chez Anténor, et lui seul empêcha qu’il ne fût, ainsi que Diomède son compagnon, victime de la populace troyenne. Plus tard, par ce même amour pour les Grecs, il employa tous les moyens pour entraîner ses concitoyens dans de fausses mesures, tantôt il découvrit aux Grecs les desseins des Troyens, tantôt il leur donna des conseils. Il leur fit passer le palladium, leur conseilla de construire le fameux cheval de bois, et même il décida les Troyens à abattre un pan de mur, pour aider à introduire ce cheval dans la ville ; il indiqua aux Grecs, avec un flambeau pendant la nuit, l’instant où ils pouvaient arriver : aussi, par reconnaissance, les Grecs respectèrent sa maison. Il suivit, après la destruction de Troye, Ménélas et Hélène ; mais ayant fait naufrage avec eux sur la côte d’Egypte, il y forma un établissement auprès d’Amnase, roi de Libye, et y mourut. Il avait épousé Théano, fille de Cissé, roi d’une des provinces de Thrace, et sœur d’Hécube : il en eut une fille appelée Crino, qui fut emmenée captive ainsi que Déinome et les autres Troyennes. Il eut aussi dix-neuf fils, parmi lesquels se distinguent Acamas, Agénor, Anthée, Archelaüs, Coos, Démoléon, Erymanthe, Glaucus, Hippoloque, Hélicaon, qui combattirent avec la plus grande constance et la plus grande fermeté, pour la liberté de leur pays.
{p. 367}Euphorbe, fils de Panthoos, était un des plus célèbres chefs de l’armée de Priam ; c’est lui qui attaqua et blessa le premier Patrocle ; il voulut tenter d’enlever son corps étendu sur la poussière, mais Ajax l’arrêta en le faisant tomber sous ses coups.
Glaucos, chef Lycien, était fils d’Hippoloque ; il fut au siége de Troye pour prêter l’appui de son bras à l’infortuné Priam ; il changea ses armes d’or avec celles en cuivre du fameux Diomède. Il fut blessé par Teucer, mais Apollon arrêta le sang qui jaillissait de sa blessure ; plus tard, Ajax lui fit mordre la poussière.
Laocoon, fils, ou de Priam et d’Hécube, ou, suivant la légende la plus suivie de Capys et de Thémis, était un Troyen qui devint célèbre par son opposition à l’introduction du fameux cheval de bois dans les murs de Troye. Il disait à ses concitoyens que cette énorme machine serait la cause de la ruine de la ville ; voyant même qu’on ne l’écoutait pas, il lança sur les flancs de ce cheval une javeline, et l’on entendit dans son intérieur résonner un cliquetis d’armes ; cependant rien ne put empêcher les Troyens de lui faire franchir les murailles. Laocoon désolé sacrifia le jour même un taureau à Neptune ; mais, pendant le sacrifice, les Dieux, pour prouver à Laocoon qu’il avait parlé contre leurs ordres, envoyèrent deux serpens énormes appelés Porcès et Charibée qui, venant de Ténédos, se jetèrent sur ses deux fils nommés Antiphas et Thymbrée, ou Ethron et Mélanthe ; aussitôt il accourt et veut les secourir, mais bientôt les deux reptiles l’entourent lui-même, et étouffent dans leurs nombreux replis le père et les enfans ; puis ils se réfugient dans le temple de Minerve, où ils trouvent un abri sous l’égide de la déesse. On représente Laocoon au moment où les serpents le tiennent enlacé ainsi que ses fils ; ce qui forme le groupe célèbre, connu généralement sous le nom de Laocoon.
Rhésus, roi de Thrace, était fils du Dieu – Fleuve Strymon et de la muse Calliope ; il était possesseur de chevaux belliqueux qui rivalisaient avec ceux de Diomède et avec ceux du Dieu de la guerre. L'oracle avait dit à Priam que Troie ne tomberait jamais sous les coups des Grecs, si les chevaux de Rhésus arrivaient à boire de l’eau du Xanthe, ou à manger de l’herbe des prairies du Simoïs. Aussitôt l’infortuné monarque supplie Rhésus de venir à son secours : celui-ci y consentit et arriva pendant la nuit afin de conduire ses chevaux dans les prairies du Simoïs et aux rives du Xanthe. Mais Ulysse, en ayant été averti la nuit même, partit avec Diomède, et pénétrant jusque sous les tentes des Thraces, ils trouvèrent Rhésus endormi ; alors Diomède le perça de son épée, tandis qu’Ulysse détacha les chevaux et les emmena, sans être aperçu des Troyens.
Sarpédon, roi de Lycie, était fils de Jupiter et d’Europe ; il avait, on le sait, deux frères, Rhadamanthe et Minos ; il disputa à ce dernier la couronne de Crète ; mais, forcé de fuir, il fut en Cilicie. Là, s’attachant à la cause de ces braves attaqués par les Lyciens, il se distingua par ses exploits et conquit la Lycie dont il obtint une portion en partage. Alors il fonda un royaume qu’il laissa à son fils Evandre, encore enfant, pour aller, malgré les conseils de Phalis, roi de Sidon, à la tête des Lyciens, chercher de la gloire dans les champs de la Troade, en prenant le parti de Priam. Tlépolème le blessa au côté, mais Sarpédon aussitôt l’étendit à {p. 368}ses pieds. Il fit mordre également la poussière à Alcmaon qui voulut en vain l’empêcher de franchir le fossé du camp des Grecs. Il était un des chefs du cinquième corps d’armée de Priam ; Ajax et Teucer l’attaquèrent, mais la lance de l’un ne perça que son bouclier, et la flèche de l’autre ne parvint pas jusqu’à sa poitrine ; après de nombreux et brillans exploits, il tomba enfin couvert de nobles blessures sous les coups de Patrocle. Déjà les Grecs vainqueurs l’avaient dépouillé de ses armes, lorsqu’Apollon, d’après les ordres de Jupiter, enleva ses restes inanimés, les lava dans les eaux du Xanthe et les couvrit d’ambrosie ; ensuite, il revêtit le cadavre du malheureux Sarpédon d’habits immortels et le confia au sommeil et à la mort, qui le transportèrent en Lycie où on lui fit élever un tombeau magnifique.
Télèphe, fils d’Hercule et d’Augé, fille d’Alée, roi Arcadien, fut exposé par sa mère sur le mont Parthénius en Arcadie et nourri par une biche. Etant en Mysie pour chercher ses parens, ainsi que le lui avait ordonné l’oracle, la guerre y éclata tout-à-coup : alors le roi de Mysie, Teuthras, promit sa couronne et sa fille à celui qui délivrerait le pays de ses ennemis. Thélèphe se présenta et remplit toutes les conditions exigées ; cependant on découvrit que la fille du roi, Augé, était mère de ce héros ; elle fut donc remplacée par Laodice, fille de Priam et d’Hécube. Quelque temps après, les Grecs attaquèrent la Mysie, et Télèphe fut blessé par Achille ; cette blessure ne pouvant être guérie que par le porteur de l’arme qui l’avait frappé, Télèphe quitta le parti des Troyens et se mit du côté des Grecs ; aussitôt Achille le guérit en effet. Laodice le rendit père d’Euripyle, mais, après avoir été abandonnée, elle épousa Hélicaon, fils d’Anténor ; ensuite, elle devint amoureuse de son frère Acamas dont elle eut un fils nommé Munyque. A la fin, lors de la prise de Troie, Laodice comprit toute la honte de sa conduite, et, craignant de tomber dans les mains de Télèphe, elle se précipita du haut des murs et se brisa sur les roches qui se trouvaient au bas des remparts.
Malgré les efforts de Laocoon pour se faire écouter, un pan de muraille, nous l’avons dit, fut abattu ; et le cheval de bois fut introduit ; en vain supplia-t-il ses concitoyens, ses prières furent inutiles. Il en fut de même des prophéties de Cassandre, fille de Priam et d’Hécube ; venue au monde le même jour que son frère Hélénus, elle fut comme lui un augure distingué. On avait pressenti sa science dès son enfance ; car, ayant été oubliée seule dans le temple d’Apollon Tymbrée, elle y fut retrouvée le lendemain matin entre deux serpens qui la caressaient et lui léchaient les oreilles. Cassandre avait été recherchée vainement en mariage par divers princes asiatiques et notamment par Otryonée ; elle fut aussi fort aimée d’Apollon qui lui promit de lui accorder le don de prédire l’avenir, si elle voulait céder à ses vœux ; d’abord elle y consentit, mais à peine fut-elle maîtresse de ce don précieux, qu’elle se moqua de la crédulité du Dieu, et lui dit, en lui donnant un baiser, qu’il ne la posséderait jamais ; alors, Apollon, piqué d’avoir été le jouet de cette perfide, ajouta à son tour au don de prophétie, que ses prévisions ne seraient jamais crues. Ainsi, les prédictions qu’elle débita sur les malheurs de sa patrie, ne furent point écoutées, et elle finit par devenir un objet de haine et de mépris pour ses concitoyens ; dédaignée même par sa propre famille, elle était continuellement en proie au délire des Pythonisses, et {p. 369}comme une folle, elle courait les rues, criant des vérités méconnues, ou bien elle restait enfermée dans une tour. Ce fut dans cette triste position qu’elle vit arriver le sac de Troie, sans parens, sans amis, sans défense ; et, le seul qui aurait pu la sauver, Corèbe, son fiancé, trouva la mort dans la ville incendiée. Ne sachant au milieu du carnage ou porter ses pas, elle se réfugia dans le temple de Minerve. Là, Ajax fils d’Oïlée lui fit violence au pied même de l’autel de la déesse. L'infortunée Cassandre, lors du partage du butin, échut à Agamemnon qui, suivant la coutume, lui fit partager sa couche, et la rendit mère de deux jumeaux. Agamemnon la conduisit ensuite à Argos où elle fut massacrée par Clytemnestre et par Egiste. On voyait son tombeau sur la route d’Amycles. On l’honorait à Mycènes, à Leuctres, à Thalames, en Laconie, chez les Dauniens, en Italie, chez les Dardaniens, en Troade, et on lui avait élevé des autels sous le nom d’Alexandre. C'était dans son temple que les jeunes filles qui refusaient un mariage, allaient chercher un asile. On la représente nue, les cheveux épars et dans l’attitude d’une suppliante aux pieds de la statue de Minerve, pour repousser Ajax.
Maintenant, il nous reste à parler de l’un des guerriers Troyens les plus célèbres et le plus vertueux, du sage Enée, que Virgile a immortalisé mieux que n’avaient pensé à le faire avant lui les poètes Grecs ; mais nous allons reprendre l’histoire de sa famille de l’époque de Tros, pour éclairer davantage son origine.
Ce Tros, on le sait, eut pour second fils Assaracus, qui épousa Hiéronème, fille du Fleuve Simoïs, et en eut Capys, lequel épousa Thémir, fille d’Ilos et sa cousine, de laquelle naquit Anchise.
Cet Anchise, encore jeune, s’occupait à faire paître les nombreux troupeaux de son père et fut, nous le savons, l’un des amans de Vénus, dont il eut Énée qui dans le sac de Troie se fit remarquer par sa piété filiale ; car il sauva son père de l’incendie, en le chargeant sur ses épaules et en le portant sur le mont Ida ; ensuite Anchise s’embarqua avec son fils pour l’Italie ; mais il n’arriva pas jusqu’au terme du voyage et mourut à Drépane, où Enée lui fit élever un tombeau et y célébra des jeux funèbres en son honneur. Anchise avait épousé légitimement Eryopis ou Hippodamie dont il eut une fille du même nom que sa mère, et qui épousa Alcathoüs. Il eut aussi un autre fils appele Echépole, qui se trouvait roi de Sycione, lors de la guerre de Troye ; mais qu’Agamemnon exempta de la campagne pour qu’il ne fût pas exposé à se trouver sur le champ de bataille en présence de son frère Enée. On représente Anchise porté sur les épaules de son fils, tenant dans ses mains une boîte qui renferme ses pénates ; d’autres le représentent dans les bras d’Enée, sa tête est coiffée d’un piléus en forme de calotte, et il tient à la main une béquille.
Énée va donc nous apparaître à la fin de la mythologie gréco-romaine, non pas seulement comme un héros victime de la guerre, mais comme un fils des dieux, comme un de leurs protégés, comme un sage, et enfin comme un législateur sur lequel les Romains firent reposer la fondation de leur empire.
Énée naquit au pied du mont Ida, sur les bords du Simoïs, et fut élevé par une nourrice appelée Caiète ou par les Dryades, jusqu’à l’âge de cinq ans, époque à laquelle il fut remis à son père, dont il garda les troupeaux. Il épousa Creuse, fille de Priam, dont il eut Ascagne ou {p. 370}Pule. Au commencement de la guerre de Troie, il conseilla de faire la paix ; ensuite, il se distingua par sa valeur dans les combats et mérita d’occuper la seconde place parmi les héros Troyens. Il avait amené au secours de Priam une colonne composée de soldats des diverses petites villes qui entouraient le mont Ida. D'abord, il combattit contre Diomède, et il eût indubitablement succombé sans le secours d’Apollon et de Vénus, sa mère, qui le sauvèrent. Ensuite il revint au combat, tua Orsiloque et Chréthron, mais il recula devant Antiloque et Ménélas, dans le combat qui eut lieu près des fortifications grecques. Il commandait conjointement avec Archiloque et Acamas le quatrième corps d’armée. Il vengea la mort d’Alcathoüs, son beau-frère, en faisant mordre la poussière à Œnomaüs et à Apharée. De là, il vola au secours d’Hector, poursuivi avec une extrême vigueur par Ajax et tua Médon et Iase. Il combattit courageusement autour du corps de Sarpédon. Plus tard, il ramena les Troyens fugitifs auprès du cadavre de Patrocle, et ranima en eux le désir d’emporter ce trophée. Il voulut s’emparer des chevaux d’Achille ; il combattit ce héros, mais sans succès, et ne put se soustraire aux coups du terrible Achille, qu’à la faveur d’un nuage que Neptune répandit autour de lui. Enfin, il combattit pour la ville de Troie jusqu’à la dernière extrémité. Obligé de fuir l’incendie qui finit par ravager cette malheureuse ville, il prit son jeune fils Ascagne par la main, chargea sur ses épaules son père Anchise, accablé sous le poids des années, et s’enfuit sur le mont Ida, où se réunirent autour de lui un grand nombre de braves, de femmes, d’enfans et de vieillards. Sa femme seule ne put le suivre, se perdit au milieu des flammes, et fut enlevée, dit-on, par Cybèle, qui fut touchée de ses malheurs.
Alors il s’embarqua pour l’Italie ; d’abord, il toucha les côtes de la Thrace et bâtit dans cette contrée la ville d’Ænos ; puis, il aborda Délos, où Anius, vieil ami d’Anchise, le reçut avec des marques d’amitié et d’intérêt. De là, il fut en Crète, où il fonda un établissement que ravagea une épidémie ; ensuite, il fut en Sicile, où Aceste, prince originaire de la Troade, lui fit l’accueil le plus affectueux et lui donna les plus riches présens.
En quittant la Sicile pour traverser le détroit qui la sépare du continent, il éprouva une tempête horrible, excitée par Éole à la prière de Junon et calmée ensuite par Neptune. La plupart de ses vaisseaux furent dispersés par l’orage, plusieurs furent changés en nymphes des eaux, comme le lui dit la néreïde Cymodocée, qui lui aida, ainsi qu’une autre néreïde, à sauver le reste de sa flotte, et à jeter l’ancre devant les côtes d’Afrique. Alors Vénus se plaignit à Jupiter de l’éternelle persécution de Junon. Mais aussitôt le maître des Dieux la console en lui dévoilant ce que les destins réservent à son fils et à sa glorieuse postérité. Ensuite, il envoie Mercure à Carthage, pour disposer les Tyriens et Didon, leur reine, à recevoir amicalement les Troyens échoués sur leurs côtes. En effet, Didon lui fit la réception la plus favorable. Aussi à peine cette reine lui eut-elle exprimé le désir de voir son fils Ascagne, resté sur la flotte, qu’Enée l’envoya chercher. Mais Vénus qui venait de l’enlever pour le transporter à Cypre, lui substitua son fils Cupidon. A l’arrivée de cet enfant, la reine l’embrasse, le caresse, comme le fils du prince troyen ; cependant, peu à peu le Dieu volage exerce {p. 371}son pouvoir, et l’amour le plus violent se glisse dans l’ame de Didon. Le soir, elle offrit un brillant festin à Énée et à tous les chefs troyens ; ensuite, captivée par le héros, elle le prie de lui raconter l’histoire de la prise de Troie et tout ce qui lui est arrivé depuis son départ de la Troade : ce qu’il fit avec un charme tel, que la reine, devenue amoureuse de lui, le retint plusieurs années dans ses états, et se tua de désespoir à son départ.
De Carthage, le héros navigue vers l’Italie, mais une tempête le pousse en Sicile, où il retrouve encore Aceste. Là, il fait célébrer des jeux en l’honneur de son père, qui y était enterré. Il vainquit Cloante dans un combat naval, Antellus au ceste, et Eurysion au tir de l’arc. Alors son père lui apparaît en songe et lui dit que c’est en Italie qu’il doit aller pour fonder un royaume. En apprenant ce nouveau départ, les femmes troyennes, fatiguées d’une longue et pénible navigation mettent le feu à la flotte ; cependant Énée, d’après les instructions de son père, fonde, en Sicile, une ville à laquelle il donne le nom d’Aceste, et laisse les troyennes et les vieillards en Sicile, puis il se rembarque sur le seul vaisseau qui lui reste et le gouverne lui-même en l’absence de son pilote Palinure, péri dans les flots. Arrivé à Cumes, il consulte la sybille, va, par son ordre, dans une vaste forêt chercher un rameau d’or, qui doit lui servir de talisman, retourne ensuite voir cette Sybille et descend aux enfers. C'est sur les sombres bords des fleuves de cet empire, que son père Anchise lui apprit les principes les plus sublimes de la philosophie, et lui devoila les destins futurs de cette Rome qu’il devait fonder.
De retour à la lumière, il va rejoindre sa flotte dans la rade de Cumes ; il s’embarque et arrive à Caïète, qu’il quitte bientôt pour se diriger vers l’embouchure du Tibre ; puis il aborde et met le pied sur les plaines de Laurente, où régnait le vieux Latinus, époux d’Amate. Ce roi le reçut on ne peut plus favorablement, et lui donna sa fille Lavinie en mariage, ce qui fit naître une guerre terrible, excitée par la jalousie de Turnus, roi des Rutules, auquel Lavinie avait été précédemment promise. Le Dieu-tibre conseille alors à Enée d’aller en personne à la cour d’Evandre. Il suit cet avis et arrive à Pallantée, ville capitale de ce roi, qui le reçoit avec distinction et lui donne quatre cents chevaux commandés par son fils Pallas, en même temps il lui conseille d’aller se mettre à la tête des Tyrrhéniens, et de marcher contre le tyran Mézence. Vénus, mère d’Enée, lui apporte aussitôt des armes d’une trempe divine. Pendant qu’il se dirige vers le camp de Mézence, Turnus attaque les Troyens, et remporte plusieurs victoires ; pourtant, enfin, il est obligé de fuir et de se sauver à la nage ; ensuite, il ramène ses troupes et attaque de nouveau les Troyens ; mais Énée, à la tête des Tyrrhéniens, arrive, attaque les Rutules, qui voulaient s’opposer à son débarquement, et les met dans un tel désordre, que les Troyens, bloqués, peuvent sortir de leur retranchemens et se joindre à lui. Mézence pourtant ayant réuni ses forces à celles de Turnus, présente le combat, mais Enée, pour le punir de son audace, le terrasse et lui passe son épée au travers du corps.
Enée, après avoir rendu les honneurs funèbres aux Troyens morts sur le champ de bataille, marcha de nouveau vers la ville de Laurente. Turnus veut s’opposer à son passage, mais les Troyens {p. 372}combattent les Rutules et les mettent en fuite. Turnus alors, voyant que ses troupes découragées ne voulaient plus combattre, accepte un combat singulier avec Enée, qui imposa pour conditions que le vainqueur restera en possession paisible de Lavinie et successeur du roi Latinus. Le résultat ne se fit pas attendre, car Enée sort bientôt vainqueur de ce combat et se débarrasse pour toujours de son adversaire, en lui donnant enfin le coup mortel.
Pour soutenir ces combats, Enée avait une partie de ses compagnons sauvés des ruines de Troie et qui l’avaient suivi ; ils étaient fort nombreux ; on remarquait parmi eux, quand ils s’embarquèrent, ainsi que parmi leurs auxiliaires : Achate, Adamaste ; Agis, Lycien, tué par Ecalère ; Alcandre, tué par Turnus ; Alète; Amastre ; Ambrax, petit-fils d’Hercule ; Amycus, tué par Turnus ; Anchise, père d’Enée ; Anthée, Anthore, Antiphate, Arcens, Archeménide, indiqués par Virgile ; Aruns, Ascagne ou Iule, fils d’Enée ; Astur, Asylas, l’augure ; Atys, camarade d’Ascagne ; Aulèle, Tyrrhenien, tué par Messape, Anthronius, par Salius ; Béroé, Bitias et Pandare, fils d’Alcanor, tués par les Rutules ; Butès, par Camille ; un autre Butès, fils du roi Brébyce Amycus ; un troisième Butès, suivant d’Ascagne ; Caïque ; Capys ; Castor ; Cénée, tué par Turnus ; Céreste ; Chromis, tué par Camille ; Clarus, le Lycien ; Clélius ; deux Clonius ; Cloanthe ;Clytius, fils d’Eole ; Corybée, qui tua Asyle ; Corynée, qui tua Ebuse ; Crétée, favori des muses, tué par Turnus ; Cydon, fils de Phorcus, compagnon de Clytius ; Darés, l’athlète ; Démodocus, tué par Halèse ; Démophoon, par Camille ; Diore, frère d’Amycus et Dioxippe, furent tués par Turnus ; Dryope, par Clausus ; Elime, resté en Sicile ; Emathion ou Emathius, tué par Liger ; Eole, cher Lynessien, fut tué par Turnus ; Épylide, gouverneur d’Ascagne ; Éricele, Lycaonien, tué par Messape ; Eurymanthe, Eurymas et Eumède, né de Dolon, tués par Turnus ; Eumène et Eunée, fils de Clytius, tués par Camille ; Euryléon ou Ascagne ; Eurytion, l’habile archer ; Glaucus, fils d’Imbrase, fut tué par Turnus ; Gyas, Gygès et Halios, tués par Turnus ; Harpalyque, par Camille ; Hébre, fils de Dolychion, fut tué par Mézence ; Hémon le Lycien ; Hermine, tué par Catile ; Hicétaon ; Hippocoon, fils d’Hytaque ; Iase, père de Palinure ; Idase, chef thrace, fut tué par Clausus ; un autre Idase, chef troyen, par Turnus ; Idée, par Turnus ; Ilionée ; Ilos ou Ascagne ; Imbraque, père d’Asius, Iphite ; Ismare, qui ne se servait que de flèches empoisonnées ; Itys, tué par Turnus ; Iule ou Ascagne ; Ladès, fils d’Imbrase, fut tué par Turnus ; Leucapis, mort dans une tempête ; Lircis, tué par Camille ; Latag, par Mézence ; Lycus et Lyncée par Turnus ; Ménète, pilote de Gyas, qui le jeta à l’eau ; Mérops, tué par Turnus ; Misène, trompette de l’armée d’Énée ; Mnesthée, Nautès, Nisus et Euryale, célèbres par leur amitié ; Orode, tué par Mézence ; Oronte périt dans le naufrage sur les côtes d’Afrique ; Orsès, terrassé par Rapon ; Pagase, tué par Camille ; Palinure, pilote d’Énée ; Palme, eut les jarrets coupés par Mézence ; Pandare, tué par Turnus ; Parthénius, tué par Rapon ; Pélias ; Périphas, gouverneur d’Ascagne ; deux Phégée furent tués par Turnus ; Phérès, tué par Halèse ; Pholus, par Turnus ; Priam, fils de Polite ; Prytanis, fut tué par Turnus ; Salius, fondateur des prêtres saliens, en Italie ; Sergeste ; Sybaris, tué par Turnus ; Tentras, fut tué par les Rutules ; {p. 373}Thersiloque, Thoas ; Troïle, compagnon d’Enée.
L'armée ennemie comptait aussi dans ses rangs plusieurs guerriers remarquables, tels étaient : Almon, fils aîné de Tyrrhus, il fut tué par Ascagne ; Anchémore, fils de Rhète et ami de Turnus ; Antée ; Archétéus, tué par Mnestée ; Camerte, chef rutule ; Camille, amazone du Latlum, fille de Métabe, prit glorieusement part à la guerre pour les Rutules contre les Troyens, et fut tuée par Arnus ; Chorinée, tué par Asylas ; Cissé, par Énée ; Clausus, roi sabin, auxiliaire de Turnus ; Clytius, jeune Rutule, aîné de Cydon ; Corynée, tué par Enée ; Cupenque, prêtre sabin, partisan de Turnus ; Daunus, mari de Vénilie et père de Turnus ; Gyas, Rutule, tué par Enée ; Halèse, Hélos, Italios, auxiliaires de Turnus ; Idis, chef rutule ; Laride et Timber, jumeaux, fils de Daucus, tués par Pallas l’Evandride : Lausus, fils de Mézence, voulut sauver son père et fut tué par Enée ; Lagus, chef rutule, tué par Evandre ; Magus, Rutule, tué par Enée ; Métabe, chef des Privernates, père de Camille, l’Amazone du Latium ; Métisque, conducteur du char de Turnus ; Messape ; Mézence, roi d’Agyle ou de Cère, en Italie, cruel à l’excès et tué par Enée ; Néelie, tua Salius ; Numa, chef rutule, tué par Nisus et Euryale ; Phocrys, père de sept soldats de l’armée de Turnus, Rémule, chef rutule, beau-frère de Turnus et tué par Ascagne ; Rhœtus, Rutule, tué par Euryale ; Tanaïs, par Enée ; Turnus, roi rutule, fils de Daunus et de Vénilie et chef de l’armée réunie contre Enée ; Umbro, grand prêtre marse, tué par Enée ; Virbius, fils d’Hippolyte et d’Aricie, ou Hippolyte lui-même, ressuscité par les soins d’Esculape, à la demande demande [ILLISIBLE], alors chef rutule.
Dans cette guerre, les Latins s’étant divisés, les uns se rangèrent du parti des Troyens, et les autres furent pour Turnus.
Les Latins auxiliaires d’Enée qui se montrèrent avec le plus de courage étaient : Acron, l’Etrusque ; Asylas, de Pise ; Aune l’Italiote, tué par Camille ; Évandre ; Gylippe et ses neuf fils, qui vinrent avec Pallas, fils d’ Évandre ; Ladon, venu avec Évandre ; Ménète, de la suite de Pallas et tué par Turnus ; Massique l’Etrusque ; Muran, du sang royal, fut tué par Turnus ; Pallas, fils d’ Evandre ; Patron, compagnon d’ Evandre.
Les Latins les plus connus du côté de Turnus, se nommaient : Drèse, qui tua Euryale ; Fadus et Hébèse, tués par Euryale ; Hémon, qui combattit contre Pandare et Bitias ; Hisbon et Ilos tués par Pallas l’Évandride ; Imaoni, Lamos et Lamire, tués par Nisus ; Liger, qui tua Emathius et fut tué par Enée ; Lucétius, tué par Ilionée, à l’instant qu’il allait mettre le feu au camp d’Énée ; Lycus, poursuivi et tué par Enée ; Méon, blessé, et Niphe et Ortygios tués par Enée ; Rhœcus, roi des Marrubes, Théron, tué par Enée ; Ufence, chef italiote, auxiliaire de Turnus et tué par Gyas.
Après la mort de Turnus, Enée bâtit une ville en l’honneur de Lavigie, son épouse, fille de Latinus, lui donna le nom de Lavinium, et il y régna en paix pendant quatre ans ; mais, alors, les Etrusques étant encore venus l’attaquer, il y eut une bataille sanglante près du fleuve Numicius, dans lequel Enée disparut, noyé ou divinisé. Il laissa Lavinie enceinte, et quelque temps après elle accoucha de Silvius ; puis, tourmentée de nouveau par les Etrusques, elle fut delivrée par Ascagne, qui devint le père d’Euryle.
D'autres généalogies disant aussi qu’il {p. 374}née eut encore pour femme, Eurydice, Launia, fille d’Anius 1er, et Dixithée, fille de Phorbas, qui devint mère de Roma, grand’-mère de Romulus. Enée laissa en outre une fille appelée Étias. Ici, peut-être, faudrait-il rappeler les prédécesseurs de Latinus et ses successeurs au trône du Latium ; mais nous avons déjà indiqué cette généalogie, en parlant de Mopsus, fils d’Apollon, généalogie dont la dernière partie, passant pour historique, n’est plus du ressort de la mytholigie. Cependant, comme on est loin d’être d’accord sur la famille à laquelle appartient en réalité la fondation de Rome, quoique, par suite du culte des Pénates, des Idoles secrètes, des palladiums à Lavinium, du sacrifice du cheval d’Octobre, à Rome, on soit en droit avec Timée, Lycophron et une foule d’autres auteurs, d’admettre la migration troyenne en Italie, et, par conséquent, l’origine troyenne de Rome, pourtant nous ajouterons que d’après d’autres écrivains, Rome, disent-ils, a été fondée par des Grecs naufragés, exilés ou égarés à la suite de leur victoire dans la Troade. Alors on fait naître Latinus et Romus ou Roma du sang d’Ulysse ou de Télémaque. Mais, en réfléchissant que les vieux peuples italiques, tels que les OEnotres, les Etrusques, les Sirites et même les Elymiens de la Sicile, étaient d’origine Tyrséno-Pélasgique, et qu’ils avaient avec leurs parens les Arcadiens, les Epirotes et les Dardaniens, un centre religieux commun à Samothrace ; il est facile de croire que Grecs et Troyens peuvent être admis comme fondateurs d’un empire qui, plus tard, par sa puissance, put avoir l’orgueil de faire recevoir l’idée que Diomède n’avait enlevé de Troie qu’un faux palladium, que le vrai était resté dans a citadelle, qu’ Enée seul s’en était chargé en émigrant, et qu’il l’avait déposé à Pallène, d’où, en passant successivement par plusieurs villes, il était arrivé jusqu’à Rome ; d’où vint que cette immense et toute-puissante cité s’arrogea la possession du vrai palladium et se donna les titres d’héritière directe, de fille et d’image de Troie, vivante ou ressuscitée.
Quoiqu’il en soit, Rome devait, dit-on, son origine à l’une des quatre familles suivantes :
1° A la famille d’Enée, par un fils d’Enée et de Lavinie, fils auquel on donne trois frères, ou par un fils d’Ascagne ou par le fils d’une fille anonyme d’Enée, ou bien par un fils d’Alba, fille de Romulus, fils d’Enée.
2° A la famille de Latinus, par un fils de ce Latinus ou par un fils d’Itale et d’Electre, fille de ce Latinus.
3° A la famille d’Ulysse, par un fils appelé Romulus ou Romus, ou par le fils d’un Latinus, fils de Télémaque.
4° A des personnages étrangers à ces familles par le fils d’un Emation, ou par un fils de Jupiter.
Maintenant il nous reste à parler de quelques personnages que l’on vient de voir figurer dans cette colonisation guerroyante d’Enée.
Ascagne, appelé d’abord Iule, était encore enfant lorsqu’il fut obligé de fuir la la ville de Troie et de suivre la destinée de son père. Après la mort d’Enée, Ascagne, à peine âgé de seize ans, eut à se défendre contre les Etrusques qui vinrent l’attaquer dans ses états. Cependant, aidé par les conseils de Lavinie, il les repoussa et tua dans un combat sanglant, Lausus, fils de Mézence. Ascagne laissa à sa belle-mère le trône de Lavinium et alla fonder, {p. 375}à peu de distance, Albe-la-Longue qui ne tarda pas à devenir florissante ; il régna environ trente-huit ans, et sa couronne passa à Sylvius, fils de Lavinie. Il laissa en mourant un fils nommé Iule, qui se contenta de la qualité de Grand-Prêtre ; puis viennent les descendans plus ou moins historiques de Sylvius ; du reste, voici le tableau des rois d’Albe, après Ascagne, dressé par M. Parisot, dans le 53e volume de la biographie universelle : année avant J. C., 1057, Ascagne on Iule ; 1049 Sylvius-Posthume ou Enée Sylvius ; 989 Latinus ; 984 Alba ; 945 Atys ou Capet ; 919 Capys, 891 Calpet ; 878 Tiberinus ; 870 Agrippa ; 837 Romulus ; 808 Aventinus ; 781 Procas ; 768 Numitor et Amulius.
Didon, fille de Bélus ou de Méthès, roi de Tyr, épousa, jeune encore, Sichée, le plus riche habitant de la Phénicie, fils également de Bélus et frère de Sidé et de Barca. Cette princesse eût vécu heureuse avec son époux qu’elle chérissait plus que la vie, si l’avare Pygmalion, fils de Métrés, n’eût assassiné cet époux au pied des autels, pour s’emparer de ses trésors. Didon, trompée par les discours mensongers de son frère Pygmalion, croyait que Sichée était chargé d’une mission secrète d’où il ne tarderait pas à revenir. Cette douce illusion lui faisait supporter patiemment l’absence de son époux chéri. Mais une nuit, pendant son sommeil, elle vit Sichée, les traits couverts d’une pâleur mortelle et la poitrine percée d’une large blessure, qui lui dit : Fuis, chère épouse, emporte avec toi mes nombreux trésors, car je suis tombé victime de l’avarice du perfide Pygmalion. L'infortunée Didon épouvantée par ce songe, rassemble ses nombreux amis, charge les trésors de son époux sur un vaisseau qu’elle fait préparer secrètement et s’éloigne d’une terre qui lui était désormais odieuse, pour aller chercher un asile dans une autre contrée. Après une longue et pénible navigation, elle aborda sur les côtes d’Afrique. Là, elle acheta d’Iarbe, roi de Libye, autant de terrain qu’en pouvait contenir un cuir de bœuf. Alors ayant coupé ce cuir en lanières, elle entoura un territoire immense et elle y fonda la ville de Carthage. Les travaux de cette ville naissante n’étaient pas encore terminés lorsque Énée, poussé par une tempête, vint aborder dans ces nouveaux états. Didon le reçut avec cette distinction et cette bienveillance qui font oublier aux malheureux les pertes qu’ils ont faites et les dangers qu’ils ont courus. Elle lui donne un asile dans son palais, elle prodigue à ses compagnons les secours dont ils ont besoin et lui demande pour toute reconnaissance qu’il lui raconte ses longues infortunes. Enée s’empresse de la satisfaire ; pendant le récit, Didon sent naître en son cœur une si violente passion pour Enée qu’elle ne peut la lui dissimuler, et même elle lui offre son trône et sa main. Énée refuse, et se contente d’être son amant heureux. Iarbe, irrité d’avoir été dédaigné par Didon et de se voir préférer un étranger, lui déclare la guerre. Aussitôt Enée, à la tête des siens et des Carthaginois, marche contre lui et le défait, puis revient dans les bras de son amante jouir de la victoire qu’il avait remportée. Didon se livrait avec complaisance à l’espoir qu’elle avait de retenir pour toujours près d’elle ce vaillant héros ; mais ô triste destinée des hommes ! c’est au moment où les liens paraissent le plus étroitement unis qu’ils se rompent et que les sermens que l’on faisait de vivre éternellement l’un pour l’autre s’évanouissent. Enée, forcé par l’ordre des Dieux de quitter Carthage, en avertit Didon : cette reine infortunée {p. 376}employa les prières, les supplications, les larmes pour le retenir, mais il demeura inébranlable dans sa résolution, car les Dieux avaient parlé. Alors Didon, se livrant à tout ce que l’amour méprisé peut avoir de fureur, lui dit : c’est moins pour obéir aux Dieux que pour fuir la présence de celle qui t’a sauvé les jours que tu veux encore affronter les mers ! Ingrat, que n’ai-je pas fait pour toi, et maintenant tu me laisses seule en proie à la vengeance des rois dont j’ai refusé l’alliance ; mais va, tes maux ne sont pas finis, le ciel te prépare d’autres malheurs, et tu n’arriveras en Italie, qu’après avoir été le jouet de la plus cruelle fortune. En achevant ces mots, elle saisit le glaive d’Enée, se le plonge dans le sein et expire.
Turnus, fils de Daunus et de Vénilie, était sur le point d’épouser la princesse Lavinie, lorsqu’Énée debarqué dans le Latium lui fut préféré par Latinus. Il en résulta la guerre que nous venons de voir. Turnus s’y distingua : il rassembla autour de lui tous ses alliés, et fit tomber sous ses coups un grand nombre d’ennemis, entr'autres Pallas l’Évandride. Turnus, malgré sa grande bravoure, perdit deux batailles, et enfin fut tué en combat singulier par Enée.
Camille, l’héroïne ou l’amazone de l’Italie, était fille de Métabe, roi des Volsques et de Camille. Métabe, forcé de fuir devant ses sujets rebelles, arrêté en route par le fleuve Amasène, attacha Camille, jeune encore, au bâton de sa lance, et la jeta ainsi d’un bord à l’autre, promettant de la consacrer à Diane, si elle arrivait saine et sauve sur la rive opposée. Camille, livrée dès son enfance aux exercices de la chasse, devint habile à la course et au tir de l’arc ; dans la guerre des Troyens et des Rutules, elle prit parti pour ceux-ci. Aruns la tua par ruse. Diane sa protectrice envoya Opis pour punir et tuer son meurtrier et pour empêcher les restes de Camille de tomber entre les mains des Troyens.
Dieux divers. Chez les Grecs et surtout chez les Romains, on introduisit dans la religion une foule de dieux et déesses subordonnés aux grandes divinités ; chacun d’eux présidait à une spécialité. Nous allons parcourir la liste de quelques-uns et ne nous arrêter que sur les principaux, ainsi :
Abéone, présidait au départ, et Adéone, que l’on confond avec elle, présidait à l’arrivée ; Afer, était un dieu solaire de l’Afrique ; Agénorie, ou Agéronie, était la déesse grecque de l’activité, de l’energie et de la vaillance, de même que Strénua chez les Latins, et elle était opposée à Vacuna ou la fainéantise, et à Murcia ou la couardise ; Alcée, déesse de la force, comme Bia et Cratos, mais fille de l’Olympe et de Cycnus ; Alcona, c’est-à-dire la force, était la déesse des voyages, et semblait réunir en elle Abéone et Adéone ; Alèze ou Haleze, dieu de la guerre ou héros italiote chez les Véies, les Ausones, les Arunces et les Osques. Ambition, déesse qui avait un temple à Rome ; elle était représentée avec des ailes au dos et les pieds nus.
Amitié ou Philia, déesse allégorique, elle était vêtue d’une robe agrafée, la tête nue et la poitrine découverte jusqu’à la place du cœur, et embrassait de la main gauche un orme sec, entouré d’un cep de vigne chargé de grappes ; quelquefois, à Rome, elle avait la figure d’une jeune fille, sa robe était blanche, sa tête couronnée de myrte et de fleurs de grenadier, entrelacées avec les mots Hiver et Été, tandis que sur la frange de sa [ILLISIBLE], {p. 377}étaient ceux de la Mort et la Vie, et sur le tissu qui se rapprochait le plus de son cœur, on lisait, de près et de loin ; souvent aussi, elle avait un chien à ses pieds.
Anaédia ou Anédée ou Impudence, déesse qui avait un temple à Athènes ; Ancarie, déesse Etrusque de la vengeance, représentée les mains collées contre le corps, les pieds joints l’un contre l’autre, la chevelure réunie en deux tresses longues, larges et plates, pendantes le long du visage, et portant à la main une hache à deux tranchans, et des cothurnes à ses pieds ; Ancules, c’est-à-dire serviteurs, divinités protectrices des esclaves ; Angeronne, déesse italique du silence, dont la statue placée dans le temple de Volupie ou le plaisir, avait, comme l’Harpocrate Egyptien, la main ou une bague posée sur sa bouche ; Animales Du ou les dieux-ames des Italiens.
Anna Perenna ou l’année entière, était la déesse symbolique romaine de l’année lunaire. On supposait que cette Anna était sœur de Didon et qu’elle se réfugia en Italie auprès d’Enée après le suicide de la reine de Carthage ; cependant, Lavinie en fut jalouse, et voulut le tuer ; mais Anna, instruite par un songe, s’évada pendant l’ombre de la nuit, tomba dans le fleuve et fut alors reconnue déesse et nymphe du Numicius. On célébrait sa fête le 15 mars, c’est-à-dire à l’ouverture du printemps où à une époque très reculée, lors de l’entrée du soleil dans le taureau. On représentait Anna Perenna, ou comme une vieille femme offrant des gâteaux au peuple, ou comme une jeune fille trompant Mars, qui l’avait prié de lui servir d’interprète auprès de Minerve, dont il était amoureux.
L'année astronomique ou lunaire, chez les Romains, se divisait en douze mois, dont le premier s’appelait Mars ; il était présidé par Minerve et avait le bélier pour emblème et signe zodiacal. Le deuxième, Avril, était présidé par Vénus et représenté par April ou jeune homme couronné de myrte. Le troisième, Mai, ainsi appelé par Romulus, en mémoire de Maïa, fille d’Atlas et femme de Vulcain ; il avait pour divinité tutélaire Apollon et pour emblème le signe des gémeaux. Le quatrième, Juin, présidé par Mercure, avait été consacré à la jeunesse ou à Junon, ou à Junius Brutus, qui avait marqué ce mois par l’expulsion des Tarquins, 509 ans av. J.-C. ; son emblème était l’écrevisse, pour marquer qu’à cet instant du solstice d’été, les jours vont à reculons. On représentait Juin comme un jeune homme sans habits, ayant une torche à la main, signe de la chaleur, et montrant du doigt une horloge solaire, pour indiquer que les jours commencent à diminuer. Le cinquième, Juillet ou Quintilis, fut dédié à Julius César ; il avait pour divinité tutélaire Jupiter, et pour emblème zodiacal le Lion, signe de la force. Les anciens le représentaient sans habits, les membres halés par le soleil, les cheveux roux et liés par des épines et portant des mûres dans un panier. Les modernes l’habillent d’étoffes jaunes et le couronnent d’épis. Le sixième, Aout ou sextilis, fut dédié à Auguste ; il avait pour divinité tutélaire Cérès, et pour emblème la Vierge portant un épis. On le représentait par un homme tout nu, buvant dans une tasse et ayant auprès de la canicule. Les modernes l’habillent en étoffes couleur de feu et le couronnent de roses, de damas et de jasmins. Le septième, {p. 378}Septembre, avait pour divinité Vulcain et pour emblème la balance. On le représente comme un jeune homme, au visage riant, couronné de pampres, vêtu de pourpre, et portant d’une main des balances, signe de l’équinoxe d’automne, partageant également les heures entre le jour et la nuit, et de l’autre, une corne d’abondance remplie de fruits. Le huitième, Octobre, dédié à l’empereur Domitien, était sous la protection du dieu Mars et avait pour emblème le signe du scorpion. Le neuvième, Novembre, était protégé par Diane, et avait le sagittaire pour signe caractéristique. Le dixième, Décembre, était présidé par Vesta ; il était représenté chez les anciens par un esclave, jouant aux dés et tenant une torche ardente à la main, pour rappeler les saturnales qui se célébraient à Rome pendant ce mois. Les modernes le représentent vêtu de noir, la tête sans couronne, mais couverte d’un bonnet de la liberté, et portant à la main le signe du capricorne, pour indiquer que les jours commencent à remonter. Le Onzième, Janvier, devenu chez beaucoup de peuples chrétiens le premier mois de l’année qui, depuis 1567, n’a plus alors commencé à Pâques, était présidé par Janus, et avait pour emblème le verseau. Les modernes le peignent couvert d’une robe blanche comme la neige, entouré de fourures, ayant des ailes et portant le signe du verseau, entouré de glaçons. Le Douzième, Février, était chez les Romains le mois des fièvres ou des sacrifices expiatoires pour les morts ; il était présidé par Neptune et avait pour emblème les poissons. Les modernes en font une femme vêtue de bleu et tenant un oiseau aquatique à la main.
L'année grecque ne se divisait pas tout-à-fait comme celle des Romains, et cette division prenait sur un des mois romains et enjambait sur un autre ; cette année grecque commençait au mois de mai, et voici quels étaient les noms que les Athéniens donnaient à leur division mensuelle, Maios, Mai ; Delphinion ou Scirophorion, répondant à peu près à Juin ; Damatrion à Juillet, Targélion à Août, Boedromion et Hermenos à Septembre ; Plansepion à Octobre et Novembre, Poseidon à Novembre et Décembre ; Gaméléon et Lénéon à Janvier ; Anthestérion, probablement à Février ; Élaphébolion à la fin de Février et au courant de Mars ; et Munichion à Avril.
Quant aux jours des mois, voici les noms ou Dieux qui correspondaient aux jours de notre semaine, Soleil, Dimanche ; Lune, Lundi ; Mars, Mardi ; Mercure, Mercredi ; Jupiter ; Jeudi Vénus, Vendredi ; et Saturne, Samedi.
Si nous reprenons la continuation des Dieux divers, nous trouvons :
Anthéles, espèces de Dieux lares ou pénates Grecs, placés à l’extérieur et près l’entrée des maisons ; Antithées, génies malfaisans, ou Dieux ennemis des Dieux importés de l’orient chez les Romains ; aphtas ou Fta Egyptien, dieu du feu ; arcule, dieu Romain des citadelles, des coffres et des armoires ; argentin, dieu Romain de la monnaie d’argent, il passait pour fils d’Æsculanus, ou dieu de celle de cuivre ; arogos, c’est-à-dire l’auxiliaire ou la justice des Grecs ; arpa ou arpha, divinité subalterne, toujours associée à Jupiter et à Minerve.
asylée, dieu qui présidait à l’asile ou temple ouvert par Romulus lors de la [ILLISIBLE]ation de Rome : quiconque se réfugiait dans ce lieu sacré, autorisé par [ILLISIBLE] formel d’Apollon, ne pouvait {p. 379}être rendu à son ennemi ; la Grèce aussi avait des asiles ; ainsi Thèbes et Athènes devaient les leurs à Cadmus et aux Héraclides, les tombes d’Achille et d’Ajax en étaient, le temple d’Artémis servait de refuge aux débiteurs, et celui de Thèsée aux esclaves maltraités par leurs maîtres ; mais Tibère supprima dans tout l’empire Romain les asiles qui s’y trouvaient.
Ata ou Até ou l’injustice ; Automatie, déesse du hasard, à laquelle Timoléon éleva un temple. Auxilium, dieu du secours ; Béneficium dieu Romain des bienfaits ; Bia ou la violence en Grèce, Bondieu ou Bonus Deus, ou Agatostéos, dieu bon-principe des Arcadiens. Bonus Eventus ou le succès, chez les Romains qui placèrent sa statue dans le capitole auprès de celle de la bonne fortune ; ils lui sacrifiaient un cheval, le jour des Ides ou 15 octobre ; ils le représentaient sous la forme d’un jeune homme nu, debout, tenant d’une main des pavots et des épis, et de l’autre une coupe. Brizo, déesse grecque du sommeil. Buclope, dieu Romain des mouches, Capre ou Caprus, ou Calabrus, dieu cabire, auquel ou offrait des poissons salés à Phasélide en Pamphylie. Caligo ou les ténèbres, dieu cosmogonique antérieur au chaos suivant Hygin. Callistagoras, dieu de l’île de Ténos. Calomnie, déesse qui avait un temple à Athènes ; Cardée ou Cardinea, ou Cardo ou Carmo et mieux Carna, divinité latine présidant aux gonds des portes. Carna, déesse Romaine, présidant aux muscles humains ; elle avait un temple sur le mont Cœlius et une fête qui se célébrait le 1er Juin. Cathares ou les Purs et Immortels de l’Arcadie. Catius ou Cautius, dieu qui rendait les hommes fins et circonspects. Cerus Manus ou le dieu bon créateur des Etrusques. Cérus, ou l’apropos personnifié. Chagrin ou Mœror. Chasteté, déesse Romaine, ayant un sceptre à la main et deux colonnes à ses pieds. Ciones ou colonnes, on appelait ainsi tous les dieux représentés par de grosses pierres, tels que Hermès, Terme et autres. Clathra, déesse des grilles, des verrous et des serrures, elle était honorée avec Apollon sous le nom de Diane Clathra, sur le mont Quirinus chez les Romains.
Clémence, déesse symbolisée par un aigle immobile sur la foudre, elle avait des temples qui servaient d’asiles ; les Héraclides lui en élevèrent un à Athènes, et un autre fut bâti à Rome, après la mort de Jules César. On la représentait avec une branche d’Olivier ou de laurier, ou bien, assise sur un lion, tenant une pique d’une main, jetant de l’autre une flèche et foulant des armes à ses pieds.
Cloacine, déesse Romaine des égoûts et cloaques, avait un temple dans la cinquième région de Rome et fut honorée pour la première fois sous Tatius. Coalème, divinité tutélaire de l’imprudence ; Collastrica et Collatine et Collina, ou déesse des collines. Concorde, déesse Romaine qui avait un temple sur le forum, près du capitole. C'était l’Homonée des Grecs, qui lui avaient élevé un autel à Olympie ; Conso, déesse Romaine des délibérations ; c’est la Voltumna des Etrusques et l’analogue femelle du dieu Consus imaginé par Romulus. Cotys, déesse suprême des Thraces et de Chio. Crédulité, on la figurait avec des oreilles de Midas, assise sur un trône, environnée de l’Ignorance et du Soupçon, et tendant une main à la calomnie. Crepitus, dieu des éruptions sonores que le corps humain laisse quelquefois échapper. On le représentait chez les Romains, plutôt {p. 380}pour s’en moquer que pour l’adorer, par un enfant accroupi se pressant le ventre ; Cura, déesse des soins, soucis et inquiétudes, à laquelle on attribue la formation du corps de l’homme que Jupiter ensuite anima. On la point tenant l’occasion par les cheveux. Demogorgon, génie ou dieu de la terre en Arcadie. Démon, génie invisible qui, chez les Grecs, présidait aux actions des hommes, les éclairait de ses conseils et veillait sur leurs plus secrètes pensées ; chaque homme avait deux démons, l’un bon et l’autre mauvais. Dius ou Fidius. Dolichène, espèce de Mars ou Jupiter oriental, hellénisé ou italiotisé que l’on voit sur un monument, debout sur un taureau, au-dessus d’un aigle aux ailes déployées, avec cette légende sur le socle : Deo Dolichenio, c’est-à-dire au dieu Dolichène. Echéchirie, déesse des trèves, dont la statue à Olympie était couronnée d’olivier. Échétlée, ou l’homme au manche, génie qui combattit pour les Athéniens à Marathon ; il leur apparut sous le costume d’un paysan armé d’un manche de charrue ou Echétlé. Éduca et Edulia et Édusa, déesse italique, présidant à l’éducation, c’est-à-dire, à l’alimentation primitive des enfans. Egnatie, déesse du feu instantané en Apulie. Eleuthérie, déesse de la liberté personnifiée ; Elpis ou Spes, déesse de l’espérance et sœur du sommeil et de la mort ; c’est une jeune fille à l’air gai, à la marche légère, aux vêtemens gouflés par les vents, couronnée de fleurs et portant à la main des fleurs, des épis ou une corne d’abondance. Empanda, déesse protectrice des bourgs, villages et autres localités ouvertes. Envie ou Ethon, déesse allégorique ayant la tête hérissée de couleuvres, le regard louche et les lèvres couvertes d’une écume vunimeuse, [ILLISIBLE], déesse Romaine des écuries et des palefreniers. Épunda et Vallonia, déesses Italiques qui séchaient ce que l’on étendait à l’air. Erès et Æsculanus, dieu romain des monnaies de cuivre. Ethon ou Erysichthon ou l’Envie ; Eubulie, déesse du bon conseil à Rome. Euché, déesse de la prière imaginée par Lucien. Eudemonie et Felicitas, ou déesses du bonheur et de la félicité à laquelle les Romains élevèrent un temple. Eugénie, personnification divine de la noblesse non adorée chez les Grecs, mais désignée sur beaucoup de leurs monumens par la figure de Minerve. Eusèbie, ou la piété ; Euthymie ou Vitula ; Evintégres, la masse des dieux et autres immortels chez les romains ; Fabulinus ou Fabulus, dieu des premières paroles des enfans ; Farnus, dieu Romain, présidant à la parole. Faveur, divinité Romaine représentée sous la forme d’un jeune homme ailé prêt à s’envoler. Forcule ou Foricule, dieu des portes des maisons. Februus, dieu Etrusque des purifications et des enfers, ou Pluton italique. Ferentine, déesse latine qui avait un bois sacré et un temple auprès de Ferentinum. Fessonie, déesse des soldats et des voyageurs fatigués. Fetries, déesses Romaines ou latines peu connues. Fidélité ou Fides, symbolysée à peu près comme l’ Amitié ; on l’habille d’une robe blanche, et on lui met à la main le plus ordinairement une clef, ou un cachet ou un cœur, ou des épis ou un panier de fruits, et à ses pieds un chien. Quelquefois on la symbolise simplement par deux mains, enlacées l’une dans l’autre. Fidius, Sancus ou Semi-pater, ou dieu de la foi et des sermens, dont la fête se célébrait le 5 Juin sur le mont Quirinal. Fluonie, déesse Romaine des évacuations mensuelles. Fon-[ILLISIBLE], déesse des foure, mise au rang des {p. 381}divinités par Numa, lors de l’invention des fours.
Genius ou le Génie, dieu Etrusque, père de Tagès, ange ou être céleste et esprit surnaturel : Génius était regardé comme le protecteur ou l’ange Gardien de chaque homme, qui, suivant les uns, avait un bon et mauvais génie ; mais, suivant la plupart, tout mortel n’avait qu’un génie bon ou mauvais, d’où le proverbe de naître sous une heureuse ou fatale étoile. On lui devait un culte : ainsi les étrusques et le vulgaire lui offraient, sur un autel, compose d’une pelouse verte au bord d’un clair ruisseau, des fleurs, de l’encens, des fruits, des charbons éteints et des libations ; sacrifices que les Epicuriens rendaient plus brillans par une vie joyeuse, la paresse et l’amour. Le Génie des Romains était l’un des bons démons des Grecs qui, adoptant aussi les génies, en créèrent des myriades, à partir du siècle de Périclès. L'on consacrait le platane à Génius, et l’on représentait le bon Génie sous les traits d’un jeune homme couronné de fleurs et tenant une corne d’abondance ; quant au mauvais Génie, on lui donnait la figure d’un vieillard avec une barbe longue, des cheveux courts, et portant à la main un hibou.
Grundules, Lares présidant à l’étable des porcs chez les Romains, du temps de Romulus. Hémithée ou Molpadie, fille de Staphile et de Chrysotémis, et sœur de Rhœo et de Parthénie, s’était exposée comme elles aux dangers de la mer, sur laquelle elles s’étaient toutes les trois embarquées pour ne pas rester sous le poids de la colère de leur père, dont elles avaient laissé fouiller un champ par deux porcs ; mais Apollon, amant de Rhœo, les sauva, et le temple d’Hémithée, devenue ainsi demi-déesse marine à Castalie, fut un des plus riches de la contrée. Hérès-Martea, déesse Romaine de l’hérédité, à laquelle on sacrifiait à la mort d’un parent. Homonée ou la Concorde. Honneur, Dieu romain allégorique, auquel Marcellus fit bâtir un temple, dans lequel on ne pouvait entrer qu’après avoir traversé celui de la vertu, autrement dit, peut-être, celui du courage. On donnait pour attributs à l’Honneur une couronne de laurier, une corne d’abondance, et une pique, ou une lance, ou bien une branche d’olivier, en place d’arme. Hormé, déesse de l’impétuosité, de l’élan ou de l’activité, avait un temple à Athènes. Horta, déesse romaine de la jeunesse, son temple n’était jamais fermé. Hypéroque, vierge hyperboréenne ou espèce de Diane importée à Délos. Imprudence, elle avait, comme l’Injure, un temple à Athènes. Incubones, génies gardiens des entrailles de la terre ; ils portaient, disait-on, de petits chapeaux qui rendaient maîtres des richesses terrestres les heureux possesseurs de ces coiffures. Ivresse, déesse Romaine et Grecque.
Janus ; en parlant de Saturne, nous avons dit que nous ferions connaître à part Janus, dieu suprême des Etrusques ; en effet, Dieu particulier de cette Italie centrale, appelée pays des Aborigènes et depuis Latium, Janus mérite d’être connu ; il paraît que tout en commandant sur les indigènes de l’Italie, il était lui-même étranger, né ou chez les Perrhèbes, dans la Thessalie du sud, ou bien aux environs de Delphes. Les Juifs le confondent même avec Noé. Quoiqu’il en soit, il fut le législateur du Latium, y réunit ses peuples dans une seule cité, puis institua le mariage, les lois, l’écriture et l’agriculture. On lui donnait les noms et surnoms de Bifrons ou à double front ; Claviger ou porte-clef ; Clusius ou le dieu des {p. 382}portes ; Curatius, ou le chef des Curiaces ; Eanus, ou celui qui est ; Géminus, Patricius, ou le père de tout le peuple ; Patulcius, ou l’ouvreur.
Janus, avait pour frère Camèse ou Camises, roi également d’une partie de l’Italie, et pour sœur Camasène ou Camesène et Vénilie ; on les lui donne également pour femmes, ainsi que Juturne ; il eut pour fils de la première, Ethex, et de la troisième, Cranus et Fontus ; quant à Vénilie, elle le rendit père d’une fille-déesse, appelée Canente, qui fut ensuite mariée à Picus, fils de Saturne.
Si nous retournons aux dieux divers que nous avons encore à faire connaître, nous trouvons : Jocus, dieu de la saillie et du badinage. Jugatin, dieu latin du sommet des montagnes. Jurita, déesse romaine des sermens. Jusjurandum, dieu qui personnifiait le serment et qu’Hygin a fait fils de l’Ether et de la terre. Juventa et Juventas, déesse de la jeunesse, présidait à l’intervalle qui sépare l’enfance de l’âge viril. On la représentait sous les traits d’une nymphe, debout, couronnée de lauriers et tenant à la main ou une lyre ou une haste, ou un bouclier ou un globe, surmonté d’une victoire, ou bien tenant une patère dans la main gauche, et semant avec la droite des grains d’encens sur un trépied qui sert d’autel. Latéragus ou Laterculus, dieu latin des foyers, parce qu’ils étaient revêtus de briques. Laverne, déesse romaine des voleurs et des filoux ; on l’adorait dans un bois sacré, en la priant sans remuer les lèvres et on lui consacrait la main gauche, regardée chez les anciens comme la plus adroite. Cette déesse était représentée par un corps sans tête ou par une tête belle, mais sans corps. Lima ou Limentine, déesse du vieux Latium, présidait au seuil des portes, ainsi que le dieu mâle Limentin. Lua, déesse italiote des purifications, surtout par l’eau. Manducus, dieu ou ogre romain, servant d’épouvantail aux enfans qu’il était censé manger jusque dans l’autre monde, quand ils n’étaient pas sages. On donnait à ce croquemitaine de grandes joues, une grande bouche et de grandes dents aiguës et blanches. Mens était la personnification de la pensée, et on la prenait tantôt pour l’ame du monde, tantôt pour l’ame individuelle ; elle avait deux temples à Rome et on l’y invoquait comme une Volumnia ou inspiratrice de bonnes idées. Méphitis, déesse des exhalaisons méphitiques. Métanoéa, était la personnification du repentir. Miséricorde ou la Pitié, avait un autel célèbre à Athènes. Montin, dieu romain des montagnes ; Nascio ou Natio, déesse romaine de l’heureuse naissance des enfans. Nomia, déesse arcadienne de la vie pastorale ; Numérie, déesse latine de l’arithmétique, elle était invoquée par les femmes enceintes. Occasion, dieu grec et déesse romaine de l’a-propos. Les Grecs en faisaient le plus jeune fils de Jupiter ; c’était, suivant Phidias, une femme à pieds ailés, à longs cheveux sur le devant de la tête, et chauve par derrière, ou, suivant Lysippe, c’était un adolescent, également aux pieds ailés, mais dont la pointe portait sur un globe ; il tenait une bride à la main et n’avait de longs cheveux que sur les tempes, Opinion, déesse à la démarche timide et au regard très-assuré. Paresse ou Segnities, déesse allégorique, fille du Sommeil et de la Nuit, que Vulcain changea en tortue, pour avoir été dupe de ses flatteries. Panda, déesse latine des routes. Patella et Patellana, déesse latine des choses ouvertes. Pellonia, déesse latine, qui présidait à l’expulsion de l’ennui ; Phobos, la peur {p. 383}personnifiée ; Pieté c’était une déesse romaine à laquelle Acilius-Glabrion bâtit un temple. Poena, déesse italique et africaine du supplice, de même que Poené l’était chez les anciens Grecs. Pollentie, déesse allégorique de la puissance, adorée par les Romains qui, de même que les Grecs, reconnaissaient en outre Potestas ou le pouvoir, fille de Pallas et de Styx, sans cependant être Cratos. Populonie, déesse italique, protégeant de toute espèce de ravages. Praxidice, fille de Sôter ou le conservateur, était la déesse grecque des intentions, et avec ses filles Homonée ou la concorde, et Arété ou la vertu, elle formait à Haliaste une triade, présidant aux sermens. Promylé, déesse des meules ou des portes et môles. Promitor, dieu latin, présidant aux dépenses. Providence fut, sous les empereurs romains, une déesse aux traits vénérables, tenant à la main une corne d’abondence et touchant de l’autre un globe figurant l’univers. Prudence, déesse que l’on représentait tenant à la main ou une lampe ou un miroir entouré d’un serpent. Pyranistes, esprits follets des anciens, tenant le milieu entre l’homme et la brute. Rédiculus, dieu du ridicule, auquel on éleva un autel sous Annibal. Rusina et Rutor, la première, déesse latine des champs, et le second, dieu latin des renouvellemens et modifications. Revérentia, déesse allégorique et romaine du respect, fille de l’honneur et de la majesté. Ros ou Drosos, dieu de la rosée, passant pour fils de l’air et de la lune, ou pour les larmes que l’aurore versa sur la mort de Memnon ; la rosée était aussi divinisée sous les noms d’Hersé et de Pandrose. Sabon ou Sabus, dieu national et tout puissant des Sabins. San ou Sang ou Sanct, dieu des sermens chez les Sabins. Saturitas, déesse latine des parasites. Scabies, déesse romaine, personnifiant la gale ; Senius, dieu latin de la vieillesse. Stata, déesse romaine, protégeant contre les incendies. Stimula, déesse latine de l’émulation, comme Strenua, qui inspirait l’activité et le courage. Strenia, déesse romaine des étrennes du nouvel an. Summanus, dieu tusco-romain des orages et foudres nocturnes. Tacita, déesse latine du silence. Tempête fut divinisée à Rome, sous Marcellus, qui lui éleva un temple. Trestonie, déesse romaine, qui protégeait contre la lassitude dans les promenades et les voyages ; Unxia, déesse romaine des essences. Vacuna, déesse latine du repos, en l’honneur de laquelle on fêtait les Vacunales autour des foyers, en se levant et s’asseyant alternativement, tout en affectant la plus grande immobilité. Vibilie, déesse latine des voyageurs égarés. Victa, déesse latine des vivres et de l’alimentation. Vitula, déesse romaine des réjouissances ; on célébrait en son honneur, le 8 juillet, une fête appelée Vitulation, dans laquelle on lui offrait les prémices des biens de la terre ; Voltumna et Volumnia, déesse étrusque des délibérations, de même que Consus et Volumnius en étaient les dieux. Vulturne, dieu-fleuve de la Campanie, était l’Euros des Grecs. Ziva ou Giva déesse de la vie, on la représentait habillée, mais portant sur la tête un petit garçon tout nu et une grappe de raisin dans la main ; du reste, pour la conservation de la vie, la propagation et la bonne santé des animaux, on invoquait en Grèce les Zoogones ou dieux protecteurs de la vie.
Dieux Egyptiens. §
Les faux-Dieux les plus anciennement connus sont probablement ceux d’Égypte, sans pour cela que nous voulions dire qu’ils fussent d’une origine antérieure à celle des divinités des Indiens ou des Chinois, puisque la nuit des temps couvre de l’obscurité la plus profonde les premiers jours des religions de ces peuples. Si nous parcourons les dieux égyptiens, nous trouvons que leurs fondateurs avaient eu l’habileté de jeter au milieu de leur système matérialiste, la consolante idée de l’immortalité de l’ame, et d’admettre dans leur dogme deux principes, l’un bon, que nous verrons appelé Osiris, et l’autre mauvais, nommé Typhon. A tort, on a fait aux Égyptiens le reproche de n’avoir pas reconnu un principe premier et créateur répondant à l’idée du vrai Dieu ; c’est une erreur que nous allons éclaircir, en donnant quelques détails sur les dieux supérieurs de la téogonie égyptienne, telle que les prêtres la rédigèrent. Le premier principe du monde, suivant eux, était :
Piromi, être irrévélé, absolu, incorporel, infini, immuable, antérieur aux manifestations individuelles, soit humaines, soit divines. Piromi est donc un dieu, ne se révélant pas encore par la création. Cet être inaperçu, qui nage dans une négation personnifiée, était individualisé d’une part, dans Thoth, pour la pensée, et se perdait d’autre part pour la vitalité dans une trinité égyptienne dont chaque membre n’est qu’un Piromi, et dont la réunion n’est toujours que Piromi. Cette trinité, dont chacun des membres pouvait être fécondateur, producteur et bienfaiteur, en même temps que le résultat de son ensemble pouvait être la fécondation, la production et la bienfaisance, se composait de Knef, de Fta et de Fré.
Knef, auquel on donne pour synonyme Cneph, Nef, Nev, Nouf, Nouv, Noub, Noum, chef noufi, ou bras occidental du Nil ; Cnev, Cnouf, Cnouphis, Cnoubis, Cnoumis, Choumis, était l’être suprême, le dieu créateur, se révélant par la création et la première personne de la trinité égyptienne ; il était celui qui se meut, qui agit, qui commence les révélations du grand être ; c’est donc un dieu se révélant par la force mouvante et agissante ; c’est le créateur premier, le développement de son prédécesseur Piromi. Knef, est enfin le fécondateur universel, qui se développe sous divers noms, en producteur et en conservateur. C'est le rayon sacré, c’est-à-dire la lumière primitive ou principe vital, et par conséquent la vie que nous allons voir encore se révéler par un œuf, autre principe vital ou la fécondation, et par le verbe ou la voix, principe de l’animation du monde.
Le grand synonyme de Knef, s’appelle Amoun ou Amon.
Cet Amoun ou Amon est un dieu égyptien, dont la puissance active se confond avec celle de Knef seulement ; celui-ci offre plus nettement l’idée de créateur, et Amoun, celle de moteur et de vivificateur du tout, quoiqu’ils fassent ensemble une seule et même personne divine. On lui éleva dans l’oasis de Siouha, dans la Lybie septentrionale, un temple magnifique, appelé à Rome, comme tous ses temples, Ammonium. Ce Dieu y rendait des oracles que les habitans des contrées les plus éloignées venaient chercher. On le représente tantôt sous la forme humaine ; tantôt, on lui donne une tête de bélier ; tantôt, sous {p. 385}celle d’un bélier diversement coiffé et monté sur un riche autel. On faisait, tous les ans, une procession solennelle en son honneur, dans laquelle on portait avec beaucoup de pompe la châsse qui renfermait l’image de ce dieu sous la forme d’un bélier.
Amoun s’identifiait souvent, mais partiellement à d’autres dieux ; aussi, lui donnait-on les attributs symboliques des divinités dont il avait cumulé les pouvoirs ; ainsi, il était Aménébis ou Amoun-Knef ; Amoun-Ra ou Amoun-Knef-Fré, c’est-à-dire, Amoun-soleil, Amoun-Mendès, ou Amoun générateur.
Ce Knef ou Amoun ou Knef-Amoun, le premier des dieux égyptiens, avait pour femme Neith, fut père de Fta et aïeul de Fré, enfans, ou émanations dans lesquels il se confond tour-à-tour.
Neith, femme de Knef, n’est autre que son dédoublement ou Knef femelle et passive : c’est l’intelligence, la volonté, l’énergie ; elle est postérieure et inférieure à Knef, qui agit, crée, tandis que Neith, forme, pétrit, ordonne, harmonise et engendre sous ses ordres. On la représente avec la forme d’une femme assise et quelquefois à genoux, ayant des ailes, coiffée du pcheut, et placée sur la dépouille d’un vautour, emblème de la maternité.
Fta ou Phtha, seconde personne de la trinité des égyptiens, était fils de Knef et de Neith et époux d’Ator. Fta est le feu ; mais le feu dans l’acception la plus étendue ; il est donc une émanation de Knef. On le représente debout, avec un air immobile et dans l’attitude d’une colonne dont la tête est composée de quatre corniches, semblables à celles qui surmontent ordinairement la colonne du nilomètre. Sur la deuxième corniche, sont deux yeux d’une forme singulière. Sa coiffure est composée de deux cornes de bouc, d’un petit disque et de deux plumes ou feuilles accolées l’une à l’autre. On le représente aussi accompagné d’un lion et d’un crocodile. Il laissa pour enfans ou du moins se scinda et donna naissance à To ou la Terre, supposée ainsi être un mâle, et à Potiri ou le Ciel, regardé alors comme un être femelle.
Athor, célèbre déesse égyptienne, est fille et épouse de Fta ou même de Fré, son fils-époux. Elle est supposée avoir été l’immense réservoir ou s’élabora l’univers encore fœtus ; c’est la génératrice humide unie à Fta, c’est-à-dire au feu par excellence. On donne à Athor pour emblème le vautour, signe de la maternité, et l’ourée, symbole de la puissance ; elle a des oreilles de vache et quelquefois des oreilles humaines ; on la représente presque toujours de face ; elle est la nourrice mystique des dieux.
Fré ou Phré ou Piré, est la troisième personne divine de la trinité égyptienne ; c’est le fils ou une émanation de Fta, ou du feu, dont il est une spécialisation immédiatement inférieure, car les Egyptiens en firent le dieu-soleil ou fils du feu. On lui donne pour épouse la lune ou soleil gumide, d’où résulte un principe éminemment fécondateur ; Fré était spécialement adoré à Thèbes.
Les prêtres Egyptiens supposèrent ensuite que Knef, après avoir donné à Fta, ou principe vivifiant de la chaleur, la mission d’organiser le monde physique, ordonna à un autre Dieu supérieur, appelé Thoth premier, la mission d’organiser le monde immatériel ; pour lui en offrir les moyens, il avait créé les ames ; ensuite, il avait envoyé aux hommes, pour leur apprendre la vie civile, Osiris et Isis, assistés d’un autre Thoth, très-semblable au premier ; car ce Thoth fut l’intelligence {p. 386}divine qui leur suggéra tout ce qu’ils firent. Suivons donc maintenant ces civilisateurs égyptiens dans leurs travaux.
Osiris, le plus célèbre de ces Dieux civilisateurs de l’Egypte, épousa sa sœur Isis, dont il eut Haroeri et Harpokrat ; il fut le roi le plus célèbre de l’Egypte, et montra l’usage que l’on pouvait faire des fruits de la terre ; il substitua des lois douces et humaines aux coutumes cruelles et barbares des Egyptiens ; en un mot, il fut l’auteur de toute civilisation ; ce fut lui qui fit bâtir la ville de Thèbes, où il éleva un temple magnifique à un roi divinisé du nom de Jupiter, et régla tout le cérémonial du culte. Après avoir instruit et civilisé l’Egypte, il voulut faire participer le reste du monde au bonheur de ses sujets et répandre les lumières par toute la terre. Dans ce dessein, il confia le gouvernement de ses états à Isis son épouse, et lui donna pour conseiller le sage Hermès, et pour chef des troupes, le vaillant Djam ; ensuite il partit à la tête d’une armée nombreuse, mais dont les armes étaient simplement la musique, la poésie, les arts et le plaisir. Il passa d’abord en Ethiopie où les peuples se soumirent à ses lois ; avant de quitter cette contrée, il fit élever de fortes digues sur les bords du Nil ; de là, il fut en Arabie et jusque dans les Indes, toujours avec le même succès. En revenant dans ses états, il traversa la Thrace, dont il tua le roi, parce qu’il voulait s’opposer à ses desseins ; puis il vint en Macédoine, et y chargea Triptolème d’aller enseigner aux Athéniens l’art d’ensemencer les terres.
Pendant l’absence d’Osiris, son frère Typhon s’étant révolté, fut combattu et défait par Dyom. Quelque temps après cette victoire de Dyom, Osiris reparut au milieu de ses peuples, pour les combler de bienfaits nouveaux, aussi le reçurent-ils avec le plus grand enthousiasme. Typhon feignant de le revoir également avec un véritable plaisir, l’invite à un festin magnifique auquel assistent soixante-douze de ses amis, et la reine d’Ethiopie nommée Aso. Tandis qu’on se livre au plaisir, Typhon fait apporter un coffre d’un ouvrage admirable, et promet de le donner à celui qui le remplira de son corps : chacun essaya à son tour, mais en vain. Osiris à la fin imita les autres convives et se mit dans le coffre qui, secrètement, avait été fait exprès à sa grandeur ; aussitôt les complices de Typhon referment le couvercle sur Osiris et le jettent dans le Nil, dont les eaux l’entraînent dans la Méditerranée, sur les bords de la Phénicie, à côté de Byblos. Isis, son épouse, désolée de la perte d’Osiris, se met à la recherche du corps de ce malheureux roi, et finit, avec l’aide d’Anubis, par le retrouver. Alors elle l’emporte en Égypte, dans la ville de Bouto et le cache dans un endroit écarté. Cependant Typhon ayant appris cet événement, découvre pendant une nuit ce cadavre, le prend, le coupe en quatorze morceaux et les disperse en diverses contrées. Aussitôt Isis, infatigable épouse, restant fidèle à la piété conjugale, s’arme de courage contre le malheur, et se met en voyage, pour réunir les membres épars de son époux. Mais elle n’en put retrouver que treize, car le quatorzième qui était l’organe transmissible de la vie, avait été mangé par les poissons ; alors elle le remplaça par un morceau de bois de sycomore et recomposa en entier son corps sacré qu’elle ensevelit à Philes, à l’extrémité de l’Egypte méridionale, dans un tombeau de forme de bœuf.
Osiris, depuis le moment de sa première inhumation jusqu’à l’attentat de Typhon, {p. 387}sortait souvent du séjour des morts et semble avoir été doué de la vie ; car, dans cet intervalle, il rendit Isis mère d’un fils que l’on nomma Harpokrat et enseigna des préceptes utiles à son fils Haroeri ; il eut en outre d’Isis son épouse un autre fils nommé Macédo, et une fille nommée Poubasti, il eut même un dernier fils appelé Anébô, ou vulgairement Anubis, d’un commerce involontaire avec Nefté. Osiris était surtout honoré à Philes, il l’était encore à Busiris et à Abydos. A Philes on offrait sur le tombeau d’Osiris, chaque jour, trois cent soixante coupes de lait en accompagnant cette cérémonie de litanies. A Abydos, dans les cérémonies, on ne disait rien et les offrandes se faisaient dans un silence absolu.
Une fois dans son tombeau, Osiris changea de nom, car alors il fut appelé généralement Sérapis, et devint la plus puissante des divinités égyptiennes.
Osiris avait des fêtes très-nombreuses dans toute l’Egypte, tant pour célébrer sa mort, le 13 novembre, que sa recherche par Isis vers le solstice d’hiver, le jour qu’elle le retrouva, le 2 janvier, sa sépulture, sa résurection, et à la nouvelle lune de mars son entrée dans cet astre. On représentait Osiris avec un buste, surmonté d’une tête de buffle ou de taureau, coiffé d’une mitre, portant le sceptre à tête de coucoupha ou le bâton augural, et le van sacré ou la croix ansée, ou clef du Nil.
Séra pis, en effet, reçut les plus grands honneurs, principalement à Memphis, et surtout à Alexandrie. Son culte prit dans la suite une si grande étendue, qu’il éclipsa tous les autres Dieux. Ses oracles étaient infaillibles et même il ressuscitait les morts. Les offrandes abondaient sur ses autels, ses temples se nommaient Seraphies, ils étaient au nombre de quarante-trois, en Égypte, presque tous les peuples lui en avaient élevé. On le représentait enveloppé de la tête aux pieds ; Sérapis n’est donc autre chose qu’Osiris, mais Osiris au tombeau et semblant se ranimer.
Si l’on crut devoir donner un nouveau nom à Osiris au tombeau, on en fit tout autant à son ame. Alors le système de métempsycose admis, supposa que cette ame avait passé dans le corps d’un bœuf appelé Apis, qui devint un véritable dieu.
Apis, était donc un dieu-bœuf, célèbre dans l’ Égypte, où il était regardé comme l’incarnation de l’ame d’Osiris ; il était consacré à la lune et habitait Memphis. Le dieu Apis ne devait vivre que vingt-cinq ans ; aussi, lorsque ce temps était arrivé, si le taureau n’était pas mort, les prêtres le noyaient avec beaucoup de solennités dans les eaux du Nil, au milieu des chants et des hymnes. Ensuite, on cherchait avec le plus grand soin un nouvel Apis, il fallait qu’il eût 29 marques symbolysant le nombre des jours de la révolution lunaire ; mais il devait surtout avoir une tache blanche en forme d’amphycicle ou croissant sur l’épaule gauche, et l’image d’un Scarabée sous la gorge ; taches, du reste, que la peinture se chargeait probablement et le plus souvent de faire découvrir. Quand les prêtres avaient trouvé leur nouveau dieu Apis, ils le conduisaient avec de grandes cérémonies dans un temple, environné de gras pâturages, et chaque soir, on le ramenait à l’étable qu’il choisissait lui-même en entrant dans l’un des temples d’Osiris ou de Typhon, ce qui était de bon ou de mauvais augure.
L’Egypte comptait en outre trois autres dieux taureaux entièrement analogues à {p. 388}celui-ci ; on les appelait Mnévis, Bacis ou Pacis, Onuphis ou Omphis ; de plus, on connaissait une vache divine, Ahé, consacrée à Bouto, ou, pour mieux dire, au soleil.
Isis, sœur et épouse d’Osiris, lui avait été unie dès le ventre de leur mère, il en résulta qu’Isis se trouva enceinte d’Haroéri, même avant de naître ; elle régna conjointement avec Osiris sur l’ Égypte, et contribua avec lui à répandre dans cette contrée les bienfaits de la civilisation, et surtout l’agriculture, à laquelle elle donna particulièrement ses soins, tandis que son époux institua les lois, le culte et les arts. Ce fut Isis qui apprit à ses sujets à tirer parti du froment et de l’orge. Pendant l’absence de son mari, elle gouverna seule l’Égypte. On vient de voir que, pendant sa régence, Typhon, gouverneur de la Lybie se révolta, mais qu’elle le soumit, aidée par les conseils de Toth et par la vaillance du fidèle Dyom. Ayant appris à Chemnis, par les satires et les pans, que son époux avait été assassiné par Typhon ; elle jura de le venger, puis elle parcourut, comme nous l’avons vu, tous les bords du Nil, sans pouvoir réussir. Enfin, aidée par Anubis, elle trouva le coffre qui contenait le corps d’Osiris sur la plage de Byblos. Elle revint ensuite en Égypte chercher un endroit pour y déposer les restes inanimés de l’époux qu’elle ne cessait de pleurer, et choisit Bouto comme l’asile le plus solitaire. Là, elle fut tous les jours, pour consoler sa douleur, pleurer sur la tombe d’ Osiris qui, pour la consoler, s’anime d’une vie factice et la rend mère d’Harpokrat. Alors, nous le savons, Typhon ayant connu la demeure sépulcrale d’Osiris, l’enlève, et le lendemain Isis ne trouve plus qu’un tombeau vide ; et, privée de son époux, aussitôt elle monte sur une barque de Papyrus, retourne de nouveau à la recherche des morceaux épars d’Osiris, les réunit, puis elle ensevelit cet époux à Philes, où elle institue des fêtes en son honneur, et donne à son tombeau la forme d’un bœuf. Isis, après avoir satisfait aux mânes de son époux, veut le venger ; alors, Haroéri, son fils, rassemble des troupes, marche contre Typhon, le bat, et le fait lui-même prisonnier ; mais Isis lui ayant rendu la liberté, elle fâcha tellement son fils, qu’il lui arracha le diadème dont son front se trouvait orné. Cependant, quelque temps après, elle se réconcilia avec lui et continua comme auparavant à gouverner paisiblement l’Égypte. Quelquefois, on personnifiait Isis sous la forme d’une déesse souterraine, appelée Ambo ou Titrambo, et passant pour femme d’ Osiris, devenu dieu et juge des enfers.
Les fêtes d’Isis, que l’on regarde toujours comme une Cérès, ou comme la puissance divine qui fertilise les terres, étaient célébrées par les Egyptiens, à l’instant où ils la croyaient occupée à pleurer la mort d’Osiris, instant qui leur était indiqué par la crue du Nil, grossi, disaient-ils, des larmes de cette fidèle épouse. Ils représentaient cette déesse sous les traits d’une femme, avec les cornes d’une vache, symbole des phases de la lune et tenant dans la main droite un sistre, emblème du mouvement de la nature, et dans la gauche un vase, indiquant la fertilité du Nil ; on la peint aussi couronnée de tours ou de cornes droites, et ayant la terre sous les pieds, pour marque de sa puissance.
Haroéri, ou Orus, était le principal fils d’Osiris et d’ Isis ; il suivit son père en Éthiopie et aux Indes. Lors de l’assassinat {p. 389}d’ Osiris par Typhon, Isis cacha Haroéri chez Bouto, déesse égyptienne, qui le garda secrètement. Plus tard, ayant réuni une armée, Haroéri marcha contre Typhon, qui avait usurpé l’autorité suprême de l’Égypte, le vainquit et le fit prisonnier ; puis, après s’être fâché et raccommodé avec sa mère, il fut mis en pièces par les Titans. Isis, sa mère, ayant trouvé son cadavre dans le Nil, le ressuscita et lui donna l’immortalité, la connaissance de la médecine et le don de prophétie. Orus est donc le travail produisant la fécondité, ou autrement une espèce d’Apollon. On le représente la tête surmontée d’un épervier, ou le plus souvent sous les traits d’un enfant, ou emmaillotté, ou vêtu d’une tunique ou couvert d’un habit bigarré en losanges, et tenant un bâton, terminé d’un bout par une tête d’oiseau, et de l’autre par un fouet.
Bouto, cette nourrice d’Haroéri, était dans l’origine une divinité égyptienne du premier rang, elle existait même avant les dieux, auxquels les égyptiens ont accordé la sublime faculté de produire ; elle faisait le tout ou partie de cette immense intelligence qui préexistait à tout. Dans la suite, on la fit tomber de ces hautes régions et elle devint la simple nourrice d’Haroéri, qu’elle éleva secrètement dans une île flottante ; mais, malgré le rôle secondaire qu’on lui fit jouer, elle n’en conserva pas moins son caractère primitif de conserver et de produire. On représente Bouto embrassant Osiris ; elle avait un temple dans le grand Delta, à peu de distance de la mer, où les pélerins venaient la consulter sur l’avenir.
Har-Pokrat, issu d’Osiris et d’Isis, était le dieu du silence ; on le représentait un doigt sur la bouche ou bien on le voyait porté sur une barque de Papyrus, ornée à chaque bout par des fleurs de lotos. Les vieillards lui faisaient des offrandes de lait et lui avaient spécialement consacré le pêcher. On avait institué en son honneur une procession, dans laquelle on portait son effigie.
Agre passait encore pour fils d’ Osiris et d’Isis, c’était un génie égyptien qu’il faut prendre pour la personnification de la terre, en tant qu’elle est fécondante et qu’elle possède la faculté de produire.
Anubis, ou Anbo, on le sait, naquit des rapports involontaires d’Osiris et de Nefté, déesse des élémens. Etant venu au monde avant le terme, il fut exposé dans une forêt. Isis, sachant l’infidélité involontaire de son époux, se mit en marche pour sauver les jours de cet enfant dont elle prévoyait les dangers, et à l’aide de quelques chiens, elle le trouva dans les bois où sa mère l’avait abandonné ; elle le prit, l’emmena avec elle et lui prodigua les soins les plus tendres, l’éleva comme son propre fils, et plus tard en fit son compagnon et son gardien. Il suivit son père dans l’expédition qu’il fit pour conquérir le monde. Après la mort d’Osiris, il aida Isis à retrouver son cadavre ; puis il l’embauma et le plaça lui-même dans la tombe. Plus tard, il seconda Isis dans la recomposition du corps sacré d’Osiris, que Typhon, sans respect pour les morts, avait mis en lambeaux. Anubis fut surtout honoré à Hermopolis, la grande ; on voyait son image à l’entrée du temple d’Isis et d’Osiris ; on la portait avec beaucoup de pompe dans les processions de ces deux divinités ; on élevait des chiens en son honneur et même on lui en sacrifiait. On le représente avec un cou et une tête de chien, son corps est couvert, tantôt d’une cotte d’armes, tantôt d’un long manteau, sa chaussure lui monte jusqu’à mi-jambe {p. 390}d’une main, il tient un sistre, et de l’autre, un caducée avec deux épis ; on le voit quelquefois le pied posé sur un crocodile. Dans les temps les plus reculés, Anubis avait une tête de chakal au lieu d’une tête de chien.
Typhon, dieu célèbre des Egyptiens, était frère d’ Osiris, d’Isis et de Nefté. Typhon est la personnification de tout mal ; c’est le mauvais principe toujours opposé à Osiris et à Isis, personnifications du bon principe. Il épousa sa sœur Nefté, dont il n’eut aucun enfant. Il gouvernait les déserts orientaux de l’Egypte, mais son ambition, peu satisfaite de ce gouvernement, le fit aspirer au trône même de son frère. L’absence d’ Osiris, lui parut une occasion favorable. Aussitôt, il marche sur l’Égypte, dont il se serait emparé sans la vaillance de Dyom, qui le réduisit à une fuite honteuse ; cependant on le voit reparaître et saluer avec enthousiasme le retour d’Osiris, vainqueur des Indes et de la Grèce, qui le reçut avec des marques d’une amitié non équivoque. Typhon, pour mettre le sceau à cette réconciliation, invita Osiris à un festin, où il avait convié soixante-douze complices de sa rebellion et de ses crimes, et de plus, Aso, la reine d’Ethiopie, sa concubine. On sait comment se termina cet infâme repas : Typhon, ensuite, mit Isis en fuite, s’empara de l’autorité et commanda sur l’Égypte jusqu’au moment où Haroéri, devenu homme, rassembla une armée et marcha contre Typhon et ses adhérens, les attaqua et les défit auprès de la ville d’Antéopolis ; alors, Typhon fut chargé de chaînes et conduit devant Isis, qui lui donna la liberté ; mais, ayant recommencé de nouvelles machinations, ayant dit que l’adultère avait souillé la couche d’Osiris, qu’Haroéri en était le fruit, il fut bientôt convaincu de mensonge, et ne se sauva des mains d’Haroéri qu’en prenant la forme d’un crocodile ; ensuite il reprit sa première forme et se mit à fuir monté sur un âne, qu’il dirigea sept jours de suite vers le nord. Arrivé au lac de Sirbon, il s’y plongea et fut cacher au fond de ses flots sa honte et ses crimes. Typhon avait eu pour concubine Aso, reine d’Éthiopie et Thouéri. On lui bâtit des temples, mais ils étaient toujours placés à côté de ceux des divinités bienfaisantes, et beaucoup plus petits. On les nommait Typhonium ; il y en avait un à Memphis, à côté de celui d’Osiris ; et, lorsque le bœuf Apis revenait des pâturages, les Égyptiens regardaient comme un malheur l’entrée du bœuf Apis dans le temple de Typhon. On représentait Typhon sous la forme d’un hippopotame ou d’un loup. Aussi, l’hippopotame, le crocodile et le jeune porc lui étaient consacrés.
Nefté, ou Nephté, ou Natfé, sœur d’Osiris, d’Isis et de Typhon et femme de ce dernier, forme, avec ce Typhon, le couple mauvais et stérile. Toutes les influences funestes sont des émanations de l’accouplement de ces deux déités ennemies de l’homme, de l’ordre et du bonheur. Nefté est plutôt une divinité passive qu’active. C’est la terre inféconde, mais que l’on peut féconder. Osiris eut un commerce furtil avec Nefté qu’il prit pour Isis, et il en résulta Anbo ou Anubis, ou dieu à tête de chien, dont nous appelerons les analogues par la suite du nom de Cinocéphale ; elle suivit Typhon, mais finit par déserter sa cause pour s’attacher au jeune Haroéri.
Thoth, ou Thaaut, ou Theuth, était un dieu Egyptien auquel les Grecs donnèrent le nom d’Hermès : il fut chargé par Osiris d’aider à son épouse à {p. 391}gouverner l’ Egypte pendant son absence. Il fut l’inventeur de l’écriture, de la grammaire, de la géographie. En Egypte, il adoucit le langage qui, jusqu’alors était grossier, il institua les castes et régla la hiérarchie sacerdotale. Les livres, qu’il laissa au nombre de quarante-deux, le firent regarder comme une incarnation de la divinité, possédant l’intelligence au suprême dégré. Il fut aussi la personnification de la caste sacerdotale, et on lui a attribué ce que les prêtres d’Egypte avaient fait ; aussi, pour récompenser sa mémoire, ces prêtres firent de ce dieu la personnification de l’ame intellectuelle du monde.
[n.p.]Bubastis ou Poubastis était fille d’ Osiris et d’Isis, elle participa à l’éducation première d’ Haroéri ; elle se confond quelquefois avec sa mère, dont elle n’est qu’une émanation : les Grecs ont vu dans cette divinité la fille de Latone, car, disaient-ils, elle aida sa mère dans l’éducation de son frère ; elle présidait aux accouchemens, elle est donc une Diane, ou déesse-lune. On la représentait sous la forme d’une biche, combattant Typhon, ennemi d’ Osiris.
En Egypte, les grands Dieux supérieurs déjà cités avaient au-dessous d’eux ceux qui étaient représentés au-dessus de chacun les douze signes du Zodiaque. Chaque signe en avait trois, et ces trente-six figures s’appelaient Decans, ayant chacune également au-dessous d’elle deux ministres moins puissans, qui avaient eux-mêmes, dit-on, cinq autres sous-ministres.
Les Décans étaient donc de vrais dieux secondaires, ayant chacun le tiers d’un des signes du Zodiaque sous son autorité. Chaque Décan occupant dix degrés de l’écliptique avait besoin d’environ dix jours pour être franchi par le soleil ; ils présidaient à l’horoscope et, suivant que l’homme naissait sous tel ou tel décan, il était heureux ou malheureux. Le décan, génie de l’homme venant de naître, était le décan qui montait sur l’horizon au moment de la naissance ; l’influence de ce décan, soit qu’il fût bon ou mauvais, ne l’abandonnait qu’à sa mort.
D’après Eratosthène, le premier Dynaste ou souverain Egyptien connu étant Ménès, nous allons donner les noms des décans que, tour à tour, selon Dupuis Gorres et d’autres historiens, on crut devoir rattacher à chacun de ces souverains, car on semble avoir voulu regarder chacun de ces souverains, depuis Ménès, l’an 2272 ou 2100 av. J.-C., jusqu’à Phrouron, comme ayant été divinisé et personnifié après sa mort dans le nom de l’un des décans dont voici la liste :
Ménès, le premier dynaste, suppose-t-on, a pour décan Chontacré, 1 ou Asiccan ou Soucho ou Sotis. Athothès 1, 2e dynaste, a pour décan Chontacré ou Sénacher, ou Ptéchout, ou Chontaré 1er, ou Sith. Athothès II, 3e dynaste, a pour décan, Seket, ou Asentacer, ou Chontaré, ou Chontacré, ou Chumis. Diabiès, 4e dynaste, a pour décan Chous, ou Asicat-Sicat, ou Stochnéné, ou Séchet, ou Charchumis. Semfo, 5e dynaste, a pour décan Ero, ou Viiroaso, ou Reinaor, ou Sesmé, ou Chous, ou Hépé. Tægar-Memchiri, 6e dynaste, a pour décan Rembomare, ou Artaxeamanor, ou Siémé, ou Ero, ou Phupé. Stèque, 7e dynaste, a pour décan Théosolk, ou Thésogar, ou Réno, ou Rembomare, ou Tomi. Gosormiès, 8e dynaste, a pour décan Onéré, ou Verasua, ou Sesmé, ou Theosolk, ou Ouestucati. Abarès, 9e dynaste, a pour décan Phuor, ou Tépisatosoa, ou Chommé, ou Onèré, ou Aphoso. Anoufé, 10e dynaste, a pour décan {p. 392}Sothis, ou Smat, ou Phuor, ou Soucho. Sirius, 11e dynaste, a pour décan Set, ou Sro, ou Sothis, ou Ptéchout. Chnoubi, 12e dynaste, a pour décan Chumis, ou Chnoum, ou Chnoumen, ou Isro, ou Sith, ou Chontaré. Raonosi, 13e dynaste, ou le 1er dynaste historiquement connu, a pour décan Charchumis, ou Chachnoumen, ou Ptiau, ou Chumis, ou Stochéné. Biouri, 14e dynaste, a pour décan Hépé, ou Aseu, ou Charchumis, ou Sesmé. Saofi, 15e dynaste, a pour décan Phupé, ou Ptébiou, ou Hépé ou Siémé. Sensaofi, 16e dynaste, a pour décan Toni, ou Thumis, ou Abiou, ou Phupé, ou Réno. Moskhéri, 17e dynaste, a pour décan Ouestucati, ou Topitus, ou Chontaré, ou Tomi, ou Sesmé. Mousthi, 18e dynaste, a pour décan Aphoso, ou Aphut, ou Ptibiou, ou Ouestucati, ou Chommé. Pamm-Arkhondé, 19e dynaste, a pour décan Soucho, ou Seruchut, ou Chontaré, ou Aphoso, ou Smat. Apappé, 20e dynaste, a pour décan Ptéchout, ou Chontacré, ou Soucho, ou Sro. Akkenkharé, 21e dynaste, a pour décan Chontaré, ou Arpien, ou Séket, ou Ptéchout, ou Isro. Nitocris, 22e dynaste, a pour décan Stochnénè, ou Sentacer, ou Chous, ou Chontaré, ou Ptiau. Myrtée, 23e dynaste, a pour décan Sesmé, ou Tépiseuth, ou Ero, ou Stochnéné, ou Aseu. Thyosimaré, 24e dynaste, a pour décan Siémè, ou Senciner, ou Rembomaré, ou Sesmé, ou Ptébiou. Thénell, Le 25e dynaste, a pour décan Réno, ou Eregbuo, ou Erébiou, ou Theosolk, ou Siémè, ou Abiou. Semfoukrat, 26e dynaste, a pour décan Sesmé, ou Sagen, ou Onéré, ou Réno, ou Chontaré. Zhouterlaure, 27e dynaste, a pour décan Chommé, ou Chenen, ou Phuor, ou Sesmé, ou Ptibiou. Mévri, 28e dynaste, a pour décan Smat, ou Hé[ILLISIBLE]eso, ou Cnat, ou Sothis, ou Chommé, ou Chontaré. Choma-Ephtha, 29e dynaste, a pour décan Sro ou Epanoa, ou Sith, ou Smat, ou Chontacré. Ankouni, 30e dynaste, a pour décan Isrô, ou Homoth, ou Chumis, ou Sro, ou Séket. Pentathor, 31e dynaste, a pour décan Ptiau, ou Oroasoer, ou Charchumis, ou Isrô, ou Chous. Stamen, 32e dynaste, a pour décan Aseu, ou Astiro, ou Hépé, ou Ptiau, ou Ero. Sistochichermès, 33e dynaste, a pour décan Ptébiou, ou Tépisatras, ou Phubé, ou Aseu, ou Rembomaré. Maris, 34e dynaste, a pour décan Abiou, ou Archatapias, ou Tomi, ou Ptébiou, ou Théosolk. Sïphoas, 35e dynaste, a pour décan Chontaré, ou Thopibué, ou Oaestucati, ou Abiou, ou Ouéré. Phrouron, 36e dynaste, a pour décan Ptebiou, ou Atembui, ou Aphoso, ou Chontaré, ou Phuor. Amouthantée, 37e dynaste, est douteux, et on le croit un surnom de Phrouron, car il a comme lui Ptébiou pour décan.
Après avoir donné la liste de tous ces décans, ou Dieux secondaires, nons allons présenter quelques détails sur chacun d’eux, en les prenant dans un ordre alphabétique.
Abiou, de Saumaise, ou Aboui ou Archatapias, de Firmicus, est le premier décan des poissons ; il est représenté dans les deux zodiaques tentyrites, sous la forme d’un génie à tête de chakal, et de plus, il porte à la main, dans le zodiaque rectangulaire, le sceptre des dieux bienfaiteurs ; on a vu qu’il était pris pour les 16, 25, 34 ou 35e dynastes. Aseu, de Saumaise, ou Astiro, de Firmicus, est le deuxième décan du verseau, il est représenté dans le zodiaque rectangulaire de Tentyra, par une femme coiffée simplement, dont la légende est liée à celle de Ptibiou, par une suite de 11 à 12 étoiles, pour indiquer que leur réunion forme une {p. 393}constellation considérable. Aseu correspond aux 14, 23, 32 et 33e dynastes.
Atemboui, de Firmicus, est le troisième décan des poissons et synonyme de Ptibiou II, de Saumaise.
Charchumis, de Saumaise, ou Chachnoumen d’ Origène, ou Chnoumen, ou Chumis, ou Aphruimis, de Firmicus, est le premier décan du lion dans le zodiaque de Tentyra ; il est dans le zodiaque circulaire avec des cornes de bouc, que surmonte le pcheut flanqué de deux urées ; mais dans le zodiaque rectangulaire, il n’a qu’un disque pour coiffure, et porte le bâton augural à la main ; il correspond aux 1, 3, 12, 13, 14, 30 et 31e dynastes.
Chommé, de Saumaise, ou Chénen, de Firmicus, est le troisième décan du sagittaire ; il est représenté dans le zodiaque de Tentyra avec une urée sur la tête ; il correspond aux 9, 18, 27 et 28e dynastes.
Chontaré I, de Saumaise, ou Asiccan, de Firmicus, passe pour le premier décan du bélier, il est représenté dans le zodiaque rectangulaire par un hiéracocéphale, coiffé d’un vautour et armé du sceptre des dieux bienfaisans ; mais, dans le planisphère, c’est un acéphale assis sur un trône, ayant deux cornes de bouc au lieu de cou et de tête, ou pour mieux dire, c’est Amoun, ouvrant l’année dans le signe du bélier ; il correspond aux 1, 2, 12 et 20e dynastes.
Chontaré II, de Saumaise, ou Arpien, de Firmicus, est le troisième décan de la balance, c’est un personnage discocéphale, placé au-dessous du monstre à corps de laie, à pattes de lion et à queue de scorpion ; il correspond aux 4, 21, 22 et 26e dynastes.
Chontaré III, de Saumaise, ou Archatapias, de Firmicus, est le deuxième dé[ILLISIBLE] des poissons, et l’ibiocéphale placé dans le zodiaque rectangulaire, entre l’hiéracocéphale et le dieu à tête de chakal ; il correspond aux 17, 28, 35 ou 36e dynastes.
Chontacré, de Saumaise, ou Sénacher, de Firmicus, est le second décan du bélier représenté dans le zodiaque rectangulaire, sortant du fleuve de Lotos, comme symbole d’un soleil levant ou nouveau ; il correspond aux 2, 3, 20 et 29e dynastes.
Chout, ou Chôout de Saunaise, ou Sicat ou Assicat, de Firmicus, premier décan du taureau, représenté dans le zodiaque rectangulaire de Tentyra, coiffé de cornes de bouc et de cornes de taureau, entre lesquelles s’élève une espèce de mitre, et il ne tient qu’un simple bâton à la main ; il correspond aux 4, 5, 22 et 31e dynastes.
Hépé, de Saumaise, ou Sithacer de Firmicus, deuxième décan du lion représenté dans le zodiaque rectangulaire, nu, s[ILLISIBLE]s sceptre, et portant la main vers la bo[ILLISIBLE]ne, pour exprimer un signe d’intelligence ; il correspond aux 5, 14, 15, 33e dynastes.
Isro, ou Homoth, troisième décan du capricorne, ne doit pas être confondu avec le second de ces décans. Isro correspond aux 12, 21, 30, 31e dynastes.
Ouestucati, de Saumaise, ou Thopitus, de Firmicus, deuxième décan de la vierge, représenté dans le zodiaque rectangulaire, portant à la main le sceptre des dieux bienfaisans, et pour coiffures deux cornes de bouc, surmontées de deux feuilles ; il correspond aux 8, 17, 18 et 35e dynastes.
Ptébiou 1e, troisième décan des poissons ; il suit Aseu, auquel il est lié par une suite de 11 à 12 étoiles, et correspond aux 15, 33 et 34e dynastes.
Ptébiou II, ou Ptébiou-Atemboui à {p. 394}Firmicus, est un autre décan, mais le troisième du verseau.
Ptiau, de Saumaise, ou Oroasoer, de Firmicus, est le premier décan du verseau dans le zodiaque rectangulaire ; il est coiffé d’une large feuille flanquée de deux urées, et d’un seul urée sur le devant de la coiffure ; dans le zodiaque circulaire, Ptiau est placé en avant d’un grand disque où se trouvent huit personnes à genoux ; il correspond aux 13, 22, 31 et 32e dynastes.
Rembomare, ou Remphomare, de Saumaise, ou Atarph, de Firmicus, ou peut-être Ramanor, d’Origène, est troisième décan du taureau ; il est représenté dans le zodiaque rectangulaire sous les traits d’un hiéracocéphale, coiffé du pcheut, et correspond aux 6, 7, 24 et 33e dynastes.
Réono, ou Rêno, ou Réoni, de Saumaise, ou Eregbuo, ou Erébiu, de Firmicus, est le premier décan du sagittaire, il suit dans les deux zodiaques le décan apocéphale Siémé, et n’a aucune espèce de coiffure ; il correspond aux 7, 16, 25 et 26e dynastes.
Sesmé 1e, de Saumaise, ou Tépiseuth est le deuxième décan du scorpion, représenté dans les deux zodiaques sans avoir rien d’humain, car, dans le rectangulaire, c’est une réunion de trois barres verticales, traversées horizontalement par une quatrième ; le tout est surmonté d’un bras, au-dessus duquel se voit en outre une tête ; mais, dans le zodiaque circulaire, cette figure de Sesmé est une tête de cynocéphale, coiffée d’un disque surmontant deux cornes de bouc, et elle est placée sur une espèce de piédestal. Sesmé 1er correspond aux 5, 14, 23 et 24 dynastes.
Séket, de Saumaise, ou Asentacer, de Firmicus, est le troisième décan du bélier, et il est assis dans le zodiaque rectangulaire, sur le Lotos, symbole du soleil levant ou nouveau.
Sentacer, de Firmicus, ou Stochéne de Saumaise, est le premier décan du scorpion ; seul des trois décans de ce signe du zodiaque rectangulaire, il a la forme humaine, et porte le bâton augural, et dans les deux zodiaques, sa main droite tient le van mystique, et le pcheut décore sa tête ; il correspond aux 4, 13, 22 et 23e dynastes.
Sesmé II, de Saumaise, ou Sagen, de Firmicus, est le second décan du sagittaire ; il est représenté par un hiéracocéphale, coiffé d’un disque, et correspond aux 8, 17, 26 et 27e dynastes.
Sièmé, de Saumaise, ou Senciner de Firmicus, est le troisième décan du scorpion ; il est représenté par un cinocéphale, assis au sud du scorpion, et correspond aux 6, 15, 24, 25e dynastes.
Sith, de Saumaise et de Firmicus, est le deuxième décan du cancer ; il est représenté dans le zodiaque rectangulaire, par un hiéracocéphale, coiffé du disque avec l’urée ou symbole du soleil, c’est donc un dieu Fré ; il correspond aux 2, 11, 13, 29e dynastes.
Souchoé, de Saumaise, ou Séruchuth, de Firmicus, est le premier décan de la balance. Le zodiaque rectangulaire le représente avec une tête de vautour, coiffée d’un disque orné de l’urée ; il répond aux 1, 10, 19 et 20e dynastes.
Sro, de Saumaise, ou Epima, de Firmicus ou Épanoa, est le deuxième décan du capricorne ; c’est une figure coiffée du pcheut dans le zodiaque rectangulaire, et dans le circulaire, c’est un hiéracocéphale avec sa coiffure ordinaire ; il correspond aux 11, 20, 29 et 30e dynastes.
{p. 395}Théosolk, de Saumaise, ou Thésogar, de Firmicus, est le premier décan des gémeaux ; il est représenté dans le zodiaque rectangulaire, avec la partie inférieure du pcheut ; il répond aux 7, 8, 25 ou 34e dynastes.
Viroaso, de Firmicus, ou Éro de Saumaise, ou peut-être Réianor d’Origène, est le deuxième décan du taureau ; il est représenté dans le zodiaque rectangulaire, avec deux cornes de bouc, que supporte une espèce de coupe et que surmontent cinq tiges de lotos, emblème de fécondité et de végétation ; il répond aux 5, 6, 23 et 32e dynastes.
Au-dessous des décans et sous-décans, venaient des dieux planétaires, divinités également du second ordre, auxquelles on a donné le nom de Treize-Douze. Ces dieux planétaires, tous correspondant à des Kaméphioïdes ou dieux supérieurs, formaient un groupe de douze personnages subordonnés au soleil, et ayant ce grand astre pour chef de file. Ce groupe se composait de six époux et de six épouses, que l’on a alliés de la manière suivante :
Djom ou Djem, espèce d’Hercule, ou soleil des Grecs, purgea les contrées de l’Égypte des malfaiteurs. Osiris, partant pour vaincre le monde, laissa Djom auprès de son épouse Isis, pour la soutenir pendant son absence. Aussi, le voit-on forcer Typhon à se retirer lorsque celui-ci veut se révolter. On le représente armé d’une massue. A sa mort, on fit de ce dynaste un être divin, que l’on appela Fré ou Piré que nous connaissons ; on le supposa allié à Illith ou Poubasti ; cette Illith ou Poubasti, véritable lune, Diane ou Sélène, devint, après sa mort, Pooh, ou Ioh, ou Ooh ou Ioh-Nsou. On la représentait comme androgyne, avec une [ILLISIBLE]ue barbe, pouvant être tour-à-tour fécondée et fécondatrice, épouse et époux de Fré. Du reste, ce Fré avait pour épouse, on le sait, une Athor II, émanation d’Athor première. Pooh est donc en réalité, dans le sens égyptien, un pouvoir fécondateur subalterne, ne présidant pas seulement au globe lunaire seul, mais à tout l’espace intermédiaire qui se trouve entre la lune et la terre ; et, par conséquent, ayant sous sa domination les cinq déesses, élémens que nous allons voir nommés Neith, ou l’éther, Amouke ou le feu terrestre, Bouto II, ou l’atmosphère ; Athor II, ou l’eau, et Nefté ou la terre. Quand on féminise Pooh, on lui substitue habituellement le nom de Souan, et alors il en résulte une espèce d’Ilithye grecque, ou de Lucine romaine. On représente Pooh avec une longue tunique collante, dessinant ses formes, une chevelure noire, très-bien tressée, ayant le cou entouré de trois ou quatre rangs d’un collier très-riche, ayant dans les mains, comme Fta, pour emblème le vase sacré avec lequel il stimule la terre, la colonne de stabilité à quatre plateaux, le sceptre à crochet et de plus un croissant, dont la concavité regardant le ciel reçoit un disque jaune et strié, différent, par conséquent, de celui du soleil, qui est rouge, vert ou blanc, avec un point au milieu ; enfin, on caractérise Pooh, en l’ornant de l’urée, ou de beaucoup d’autres manières, ainsi, souvent on en fait même un hiéracocéphale ou personnage à tête d’épervier.
Pi-Zeous ou Jupiter, était le second dynaste des treize-douze, il devint après sa mort le khaméphioide égyptien, ou dieu suprême Amoun, déjà connu. Sa compagne fut la dynaste Saté ou la Junon des Grecs, ou la déesse supérieure égyptienne appelée Neith.
Ertosi, le troisième dynaste, {p. 396}équivalant au Mars-Vulcain, était le dieu égyptien supérieur Fta ou du moins son incarnation sidérique ; on lui donne pour épouse Anouke, la dynaste, espèce de vesta grecque qui, en prenant rang parmi les divinités supérieures des Egyptiens, fut appelée Athor 1er.
Cette Anouke ou Anouki était représentée assise sur un trône, coiffée d’un diadème orné de lourée, emblème du pouvoir suprême, surmonté de plumes ou de feuilles de diverses couleurs ; tantôt, elle est couronnée de fleurs de lotos ou de feuilles de palmier, et tient un sceptre à fleurs de lotos dans ses mains ; on la voyait à Éléphantine, seule avec Pharaon lui présentant une corbeille de fleurs, tandis qu’elle élève une de ses mains sur lui en signe de protection.
Surot, ou le quatrième dynaste planétaire, correspond au Lucifer, soleil des Grecs, et porte, comme dieu supérieur égyptien, le nom de Fré. Il eut pour femmes : Athor, la dynaste planétaire, ou Anadyomène ou Vénus ou Amphitrite des Grecs, devenues, comme Diane, l’Androgyne égyptienne supérieure Pooh.
Piermôoii, le cinquième dynaste planétaire ou le Mercure grec, est le dieu supérieur Piromis ; on lui donne pour épouse la dynaste Bouto II, ou Latone grecque, transfiguration de la grande et supérieure déesse Bouto.
Remfa, ou Péthé ou Sovk, ou Réfan ou Remphan ou Saturne, le sixième dynaste planétaire grec, était une transition de Piromi à Amoun. Ce dernier des rois planétaires eut pour femme la dynaste Nefté ou Natfé, ou Rhée ou Cérès, ou la Terre des Grecs, déesse formant la transition de Bouto à Athor ; alors, Remfa et Nefté appartiennent bien à la famille des grands dieux égyptiens, mais n’en indique aucun spécialement.
Enfin, entre ces rois planétaires divinisés et ces déesses élémens, quelques auteurs ont placé Imuthis ou Imôouth, ou le ciel, ou l’Esculape des Grecs.
Après ces dieux et déesses, on connaissait encore en Égypte un grand nombre de divinités dont nous n’allons pourtant citer que les plus importantes ; tels étaient :
Agathodémon, dieu égyptien, auquel on donnait le rôle sublime de bienfaiteur. Le serpent inoffensif qui portait son nom, lui était consacré ; il était la personnification, l’emblème de la vie dans toute sa force et de la jeunesse, par suite de la nouvelle peau qu’il reprend chaque année. On figurait le dieu Agathodémon sous la forme d’un serpent se mordant la queue pour marquer l’éternité ; on mettait sur sa tête un ornement royal, et sa queue se terminait par des fleurs de lotos ou d’épis. Tantôt, ce dieu est porté sur des jambes humaines, tantôt, sa tête d’homme et quelquefois de femme, surpasse son corps roulé en longs anneaux. Agathodémon est le bon principe des Egyptiens ; aussi préside-t-il au fleuve Nil avec lequel il s’identifie souvent. Cependant, habituellement, on personnifie le Nil en un dieu appelé Noute-Feu, qui donna le jour à une fille du nom de Memphis et épouse d’ Epaphe.
Baal Tséphon était un dieu célèbre dans la théologie des Egyptiens ; on l’avait personnifié par une statue que les rois d’Egypte avaient placée sur les bords de la mer Rouge, pour avertir le pays de l’arrivée des ennemis, ou pour s’opposer à la fuite des esclaves égyptiens ; c’était une espèce de dieu terme, chargé de faire respecter la propriété égyptienne. {p. 397}On le représentait avec une tête de chien. Lorsque, à la prière de Moïse, toutes les statues des dieux tombèrent sous les coups de l’ange exterminateur, ce Baal-Tséphon seul resta debout, ce qui augmenta beaucoup la vénération des peuples pour lui, et lui valut un grand nombre d’offrandes de la part des pieux pélerins. Son culte était répandu dans toute l’ Egypte.
Bésa, divinité égyptienne, était adorée à Antinoopolys et à Abydos, où elle avait un temple célèbre à cause des oracles qu’elle y rendait. Ses réponses étaient données dans des lettres cachetées.
Enfin, nous terminerons cette nomenclature de divinités égyptiennes, par Emeth et Noétarque, divinités supérieures, essences suprêmes ; tandis qu’Emeth était l’intelligence divine, la dernière était l’intuitive, d’où toutes les intelligences émanent, et où toutes retournent comme dans un fleuve immense.
Nous ne rappellerons pas ici les dieux égyptiens que l’on a vus tour-à-tour adoptés par les Grecs et les Romains ; seulement, nous ajouterons que l’idée de la métempsycose, admise chez les Egyptiens bien avant l’arrivée d’Orphée chez ce peuple, leur firent adorer les animaux par respect pour les ames des morts, qu’ils pensaient devoir momentanément s’y trouver renfermés ; dès-lors, ici les loups étaient vénérés ; là, c’étaient les brebis ou les béliers ; plus loin, les chiens. L’on sait encore que la loutre, le vautour, l’ibis, le tadorne, la cigogne et la huppe, étaient vénérés dans toute la contrée. La belette et l’aigle, dans la Thébaïde ; le rat, dans la ville d’Hercule ; la musaraigne, à Alhoibis et à Buto ; la chèvre et la dorade, à Captos ; le bouc, à Mandès, à Thamis et à Panopolis ; les singes, dans les deux villes de Mercure et dans la Babylone d’Egypte ; les éperviers, à Hiéracoupolis ; la chouette, à Saïs ; la perche et la variole, à Latopolis ; la carpe, à Lépidotum ; le brochet, à Oxyrinchus ; le phoque, ou spare, à Syène ; les vaches et les chats, à Memphis, à Chuse et à Aphroditopolis. Le chat, surtout, était généralement considéré dans l’Egypte entière, comme un symbole d’Isis ; de même que l’hippopotame était celui de Typhon ; le scarabée, celui de l’Egypte, et le bœuf, sous le nom générique d’Apis, celui d’Osiris. Les Egyptiens regardaient en outre plusieurs plantes comme sacrées, et les consacraient à leurs dieux. Ainsi, le nymphée, le pavot, l’olyra, le papyrus ; l’absinthe, la moutarde sauvage, la perséa, l’acacia, et enfin, d’une manière toute particulière, l’ognon.
Nous pourrions nous étendre longuement sur le culte des Egyptiens, sur leurs emblèmes sacrés qui nous seraient fournis surtout par leurs monumens, tels que par exemple le sphinx, ou représentation symbolique composée de la vierge et du lion, pour indiquer la fécondation du pays par les inondations du Nil ; mais, nous dirons seulement que le Nil jouait toujours dans les cérémonies, le rôle positif, soit ouvertement, soit d’une manière détournée. Des processions publiques, dans lesquelles on portait en grande pompe les dieux supérieurs à la surface ou sur les bords du Nil, à l’instant de ses inondations, telles étaient les fêtes de l’Egypte, dont les prêtres furent pendant de longs siècles en puissance du gouvernement.
Afrique. §
Si de l’ Egypte, nous parcourons les côtes et l’intérieur de l’Afrique, nous trouvons d’abord sur la côte septentrionale, Carthage la brillante, ou aujourd’hui l’humble et modeste Tunis.
Sans nous arrêter à rappeler les noms des dieux que Carthage adorait, nous allons indiquer quelques divinités dont nous n’avons rien dit ; ainsi :
Achtoret, était la Vénus tyrienne ; mais, à Carthage, sa physionomie avait plutôt du rapport avec Junon, comme épouse du dieu suprême, du grand fécondateur, dont elle était la puissance passive et auquel elle servait de réservoir immense, où s’élaboraient toutes choses. A Carthage, on lui bâtit des temples magnifiques. Son culte n’était point sanglant : on lui offrait des gâteaux, des liqueurs, des parfums. Ses fêtes se célébraient avec beaucoup de pompe ; et, pendant ces fêtes, on voyait çà et là, de jeunes couples se perdre dans les bois qui environnaient toujours le temple, et aller chercher un doux ombrage pour se livrer au bonheur mystérieux de l’amour, dont la déesse était l’ame.
Les Abaddirs étaient des divinités africaines, qui avaient un grand rapport avec les Cabires. Ils étaient surtout honorés à Carthage, et les prêtres des Abaddirs se nommaient Encaddirs.
Baal était une divinité de premier ordre honorée à Carthage. On la regardait comme la force vitale du monde, la force motrice et vivificatrice, comme la sagesse universelle ; mais entrons dans quelques détails sur ce Dieu, auquel souvent les Juifs même sacrifièrent après la mort de Gédéon, en abandonnant les autels du vrai Dieu. Il porta divers noms suivant les contrées où il fut honoré ; ainsi, on l’appelait : Baal, Bel, Béel, Bélus, Bélis, Bélénus, Belathes, Balanus et Bolus dans toute l’ Asie antérieure ; c’est-à-dire à Babylone, dans l’ Assyrie et la Syrie.
Ensuite, il passa à Carthage, où il devint un dieu-soleil, un Hélios des Phéniciens, qui en firent un synonyme de Crone ; puis, les Crétois lui donnèrent le nom d’Abélios. Cependant Baal, dans l’origine, ne signifiait point soleil, et chez les Phéniciens et les Carthaginois, il ne signifiait encore que maître, roi, seigneur. Plus tard, ne Phrygie et dans tout l’Orient, on étendit sa puissance sur le foyer de la lumière des mondes, et alors, il devint Baal, le créateur, l’organisateur, Baal-soleil, Baal-planète ou Mélech, ou enfin l’idole puissante, qui souvent balança dans l’esprit égaré des Israélites le pouvoir du vrai Dieu. Bientôt, chaque peuple donnant à leur Baal tel pouvoir, dont il avait besoin pour sa prospérité, il en résulta une immense quantité de dieux portant ce nom. Mais pour éclaircir ce qui les regarde, voici comment on les a rangés : Baals-Palmyriens, Aglibel et Mélechbel ; Baals-Assyriens et Babylonniens, Baal-Bérite et Baal-Tharès, qui présidait aux villes, et était adoré à Sichen ; Baal-Hamman, Baal-Khousor et Baal-Samen, ou Baal-Chamen ou le dieu-soleil des Assyriens et de Carthage, mais dieu sidérique tout puissant. Baal par excellence, ou le soleil même, ou Melkarth ou Adonis ; puis, au-dessous de ce grand Baal, ou soleil, venait le Baal des Carthaginois, ou Saturne, ou Moloch, ou le Bel, des Babyloniens, ou Jupiter ; puis l’on connaissait Baal-Thurz, ou Mars, Baal-Pharas, ou la terre, et Baal-Gad ou {p. 399}Baal-tide, ou Vénus-Uranie, qui présidait à la fortune. Ensuite, comme n’étant plus dieux sidériques, on adorait Baal Péor, ou Baalphégor, ou Belphégor, dieu syrien des Moabites, des Madianites et des Amnonites, auquel les Israélites sacrifièrent dans le désert de Cettim ; espèce de dieu-soleil générateur, mais affaibli, soleil d’automne, ou enfin analogue d’Adonis, et dont La Fontaine a fait un démon. Enfin l’on trouvait Baal-Tséphon, ou Séphon, des Égyptiens, dieu terme à tête de chien, que nous connaissons ; Baal-Zéboub, ou Baal-Zébach, dieu chasse-mouche des Accaronites, ou Baal-Zébaoth, ou dieu des armées auquel les Juifs sacrifièrent aussi quelquefois ; puis Baal-Pharas, dieu syrien que l’on croit un génie funeste et Baal-Gad.
Les Philènes peuvent être considérés comme les dioscures de Carthage ; ils étaient chargés de veiller aux délimitations des pays. Lorsqu’il fallut poser les limites de l’empire de Carthage et de Cyrène, il fut convenu que de chacune des deux capitales et au même moment, partiraient deux coureurs et que le lieu où ils se rencontreraient, marquerait le point central de la délimitation. Les deux Philènes gagnèrent beaucoup sur leurs rivaux ; mais ceux-ci les injurièrent en leur disant qu’ils étaient partis avant le moment fixé. Alors, les Philènes, pour prouver le contraire, consentirent à perdre la vie, à condition que les limites de l’empire de Carthage viendraient jusqu’au lieu où ils étaient. On y consentit ; alors, on creusa une fosse et les deux frères y furent précipités vivans. On éleva sur leur tombe un autel qui servit de limite aux deux empires.
En passant de Carthage à Téréniffe, où l’on adorait beaucoup des dieux du continent nous trouvons :
Achgouaïa Xerax, dieu conservateur de Ténériffe, auteur de tout bien et comme tel ennemi de Gonaïotta, ou le principe du mal.
Tyrme, divinité adorée aux Canaries, son idole était placée sur la cime d’un mont, d’où ses fervens adorateurs se precipitaient dans un vaste gouffre, et croyaient que cette fin volontaire leur assurait la béatitude éternelle.
Si nous repassons sur le continent Africain, nous apercevons chez les nègres de la Sénégambie :
China, dieu de l’agriculture, est particulièrement honoré en Sénegambie et dans l’île de Casamanza. On le représente sous les traits d’un bouvillon ou d’un bélier. Tous les ans vers le mois de novembre, époque où l’on sème le riz, on transporte avec beaucoup de pompe cette idole au lieu où l’on doit faire le sacrifice, qui consiste à brûler du miel ; ensuite chaque nègre fait son offrande, et se met à fumer ; puis viennent les prières générales pour une bonne récolte. On retourne en silence remettre la statue sur l’autel d’où on l’avait momentanément enlevée.
Alors, nous arrivons dans les états de la Guinée, où les nègres adorent encore aujourd’hui quelques dieux spéciaux auxquels ils attribuent plus ou moins de puissance, tels sont :
Agoïe regardé chez les nègres de Guinée et de l’Ethiopie, comme le dieu du bon conseil ; aussi ses adorateurs ont-ils une grande confiance dans ses décisions qu’ils croient infaillibles ? On le représente haut d’environ dix-huit pouces, accroupi dans un vase creux ; sa couleur est noire ; mais le vase dans lequel il est, est rouge ; son cou est orné d’une bande de drap rouge, sa coiffure se compose d’un javelot, d’un lézard, d’un croissant, d’un fer de lance, {p. 400}entrelacés ensemble. Cette espèce de bonnet est environné de plumes de différens oiseaux et serpens. Cette statue est toujours dans la maison du prêtre principal sur une table où se trouvent trois écuelles de bois et une vingtaine de petites boules de terre qui servent, lorsqu’on veut le consulter sur un événement en les jetant dans des vases de bois ; si le nombre jeté dans les écuelles est impair, on est sûr de la réussite.
Bossom est le principe du bien chez les nègres de la Guinée, qui le supposent blanc, tandis qu’ils donnent la couleur noire à Démonio, le principe du mal.
Les nègres de la Guinée adorent souvent aussi la plupart des dieux connus au Congo. Voici les noms de ces divinités de cette partie de l’ Afrique :
Bombo, est une idole que les jeunes noirs du Congo honorent par des danses lascives. Bizarrement vêtus, et la tête ornée de plumes de diverses couleurs, ils agitent devant cette idole une espèce de crécelle, et se livrent à des mouvemens consulvifs effrayans.
Horéi, mauvais génie chez les nègres de la côte occidentale d’Afrique, accompagne de sourds mugissemens la cérémonie de la circoncision. Ce dieu est d’un appétit extrême : dès que les nègres croient entendre sa voix, ils préparent à l’instant des alimens sous un arbre, puis se retirent, et bientôt ces alimens se trouvent absorbés. Si le repas qu’on lui donne est abondant, il ne fait pas de mal ; mais si l’on a usé d’économie, alors il s’empare d’un des assistans non encore circoncis, et le garde dans son ventre jusqu’à ce qu’on lui donne des alimens en plus grand nombre.
Kikokko, dieu des indigènes du Loango, c’est lui qui veille au repos des ames, et empêche que les sorciers ne les évoquent par leurs conjurations. Il est de couleur noire et ses statues sont sur les tombeaux. Les temples qu’on élève en son honneur sont toujours sur les routes. C’est pendant la nuit qu’il apparaît à ceux qui l’invoquent ; alors il les remplit du don de prophétie et ils rendent des oracles. On l’honore en se frappant les mains à plusieurs reprises.
Les Kissi sont des fétiches que les habitans du Congo gardent et vénèrent avec beaucoup de soin, comme présidant aux besoins de la vie, et comme neutralisant les poisons que l’on pourrait mêler dans leurs alimens. On les représente hauts d’un décimètre, ayant le visage de forme humaine et fardé, la tête couverte d’un bonnet pointu et orné de plumes, le reste du corps est habillé, mais toujours extrêmement sale.
Kossi est un autre dieu fétiche du Congo, il préside aux pluies et au tonnerre, à la pêche et à la navigation. Kossi n’est autre chose qu’un sac rempli de terre blanche et surmonté de cornes, placé dans une petite hutte ombragée par des bananiers.
Makemba, au Congo, est un dieu chargé de présider à la santé du roi. La paix, la guerre, sont sous l’invocation de ce dieu. Le culte d’adoration qu’on lui rend, consiste dans une aspersion faite par un Ganga sur le roi et toute la noblesse ; la sainte liqueur qui sert à cette aspersion est rouge. Makemba est une natte bordée par l’extrémité supérieure d’une bande d’étoffe d’ou pendent des coquilles, des os, des plumes, des sonnettes et un petit panier.
Maramba est un dieu adoré par les peuples du Congo, du Loango, d’ Angola et de Maba. C’est lui qui préside à la {p. 401}chasse, à la pêche, à la santé des malades, et particulièrement aux sermens. Ceux que l’on suppose coupables sont obligés d’aller aux pieds de la statue et de dire : Maramba, ton serviteur vient se justifier devant toi. Si le prévenu est coupable, alors il tombe mort à l’instant. Si au contraire il est innocent, il se relève et rentre en bonne grace auprès de ses concitoyens. On porte l’image de ce Dieu à la tête des armées ; on lui offre le premier morceau et la première coupe de vin, qui sont servis sur la table du roi. On lui consacre les jeunes gens de douze ans auxquels on en[ILLISIBLE] de jurer fidélité à cette divinité, et de s’abstenir de certaines viandes, et d’observer certaines pratiques. Pour marque d’initiation, on leur fait sur chaque épaule une incision en forme de croissant ; puis on leur suspend au cou une petite boîte, contenant de petites images, représentant la statue du dieu. On le représente dans une attitude élevée contre le temple destiné à son culte et dans un panier ayant la forme d’une ruche.
Les Mokissos sont des dieux de second ordre, au Congo ; ils sont soumis à un chef nommé Zambam-Congo, qui les châtie et leur ôte même la vie selon sa volonté. La puissance de ces génies est telle, qu’il ne se passe rien dans le monde qu’un Mokisso ne s’en occupe. Chaque homme a son mokisso veillant à sa santé et à son bonheur ; pour empêcher que le mokisso ne s’éloigne, chaque personne doit faire des sacrifices en l’honneur de son mokisso. On les représente presque toujours sous des formes d’oiseaux ou de mammifères grossièrement taillés.
Moumbo-Ioumbo, dieu nègre, présidant à l’union conjugale au Congo et surtout à l’autorité des époux sur leurs femmes. Celles-ci ne manquent jamais d’obéir aux ordres qu’il donne ; le serment le plus sacré des nègres est de jurer par Moumbo-Ioumbo. On représente le dieu, haut de huit à neuf pieds, vêtu d’une écorce d’arbre et ayant sur la tête un chapeau de paille. Quand on se présente devant sa statue, il faut être couvert. Pendant le jour elle est exposée sur un poteau ; à l’entrée de la nuit on la transporte dans l’enceinte sacrée, où l’on va le consulter sur les affaires de ménage.
Ngoia-Chilvani, roi d’Angola, qui se fit rendre même de son vivant les honneurs divins. Les Singhiles, qui toujours ont conservé son culte, le regardent comme le conducteur de la foudre, et font couler sur ses autels du sang humain aussitôt qu’ils se croient menacés du moindre accident.
Orissa est regardé par les habitans de Benin comme l’être suprême, comme l’invisible créateur du ciel et de la terre, et comme souverainement bon. Ils ne lui rendent aucun honneur, parce qu’ils sont convaincus qu’il ne peut leur faire de mal ; mais ils ne cessent d’offrir des prières et de sacrifier au Diable, parce qu’ils ont tout à redouter de lui.
Onisara est aussi un être suprême chez le même peuple ; c’est l’auteur de tout ce qui existe ; il est infiniment bon : on ne l’invoque donc pas plus qu’Orissa, puisque, disent ces peuples, ce serait une chose inutile ; cependant on lui immole des victimes humaines. Les habitans de Benin croient que leur paradis et leur enfer est au milieu de la mer.
Les Zambi, ne sont d’autres divinités que les Mokissos.
Les habitans de la côte d’ Afrique appelés Hottentots, sont fort peu religieux ; à peine adorent-ils quelques-unes des divinités du Congo. Cependant, ils ont {p. 402}plusieurs dieux d’un aspect particulier ; ainsi :
Goundja Tikoa, est le dieu suprême des Hottentots, ils lui supposent une forme humaine. Ils disent qu’il habite par-de-là la lune, vivant tranquillement dans une délicieuse paresse, sans s’occuper aucunement des hommes. Aussi ne lui rendent-ils aucun culte.
Mourimo est aussi un dieu suprême chez les Hottentots ; ils le regardent comme le dispensateur des biens et des maux. Il possède donc plutôt un culte de crainte que d’amour à cause des maux qu’il envoie ou qu’il peut envoyer, car ces peuples sont peu attachés aux pratiques religieuses, et tiennent peu à avoir ou n’avoir pas de culte.
Noh et Hingnoh forment le premier couple primitif des Hottentots ; suivant eux, ils entrèrent dans le pays par une porte ou par une fenêtre, et mirent au monde plusieurs enfans, auxquels ils enseignèrent différens arts, mais surtout celui d’élever les bestiaux.
Tikoa ou Toukoa, est encore un dieu suprême des Hottentos, qui l’appellent l’être malfaisant sans en trop savoir la cause. Ils l’honorent en lui sacrifiant, soit un bœuf, soit un mouton, dont ils mangent la chair et dont ils prennent la graisse pour s’en frotter le corps.
En traversant la mer des Indes, nous ne trouvons guère à Madagascar, méritant de fixer notre attention, que les Malaigha du Madagascar, anges du premier ordre ; ils sont chargés de veiller aux étoiles et aux planètes, aux mouvemens des cieux et des saisons. Ils veillent également sur les hommes dont ils sont les anges gardiens.
Asie. §
Après avoir indiqué les dieux tant anciens que modernes des principales contrées de l’Afrique, nous allons faire également connaître ceux de l’Asie. Ainsi, dans l’Arabie, pays mixte, pour les mœurs, on trouve :
Allat ou Allata, déesse arabe, que l’on regardait comme l’une des filles du dieu suprême. Elle avait un temple à Taïe. Mahomet fit détruire cette idole au grand regret de ses adorateurs.
Al-Ouzza, était une déesse arabe honorée par les tribus de Koréich et de Kenanah ; une troisième tribu, celle de Gkatfam, l’identifiait à l’acacia ou au prunier sauvage, et l’honorait sous ce nom. L’idole de cette déesse fut détruite environ six cent vingt neuf ans av. J.-C. On lui sacrifiait des jeunes filles.
Dysares, dieu arabe, honoré surtout à Pétra et dans un canton de l’Arabie nommé Dysarène. La représentation de ce dieu était une pierre quadrangulaire et noire ; elle avait quatre pieds de haut et deux de large, et était posée sur une base d’or. On lui offrait des victimes humaines.
Hafedhah, dieu préservateur des Arabes ; on l’invoquait lorsqu’on commençait une entreprise difficile, et surtout lorsqu’on se mettait en voyage. C’était un des quatre dieux des Adites.
Lat, divinité à laquelle on avait élevé à Somenat un temple magnifique, soutenu par cinquante-six colonnes d’or massif. Au milieu de ce temple, était la statue de la déesse. Cette idole fut renversée par les mains mêmes de Mahomet.
Passant ensuite de l’Arabie en Assyrie, nous rencontrerons une foule de dieux {p. 403}dont plusieurs tenaient un rang important dans l’ancienne religion de ce pays, où était placée, on le sait, la Phénicie, cette contrée si riche, si populeuse, si commerçante, et qui fournit tant de divinités à la Théogonie grecque. Parmi les dieux assyriens, nous ferons remarquer non seulement Chrône, Cybèle, déjà connus, mais encore quelques divinités sur lesquelles nous allons donner de légers détails ; ainsi :
Kolpiah, était l’être par excellence des Phéniciens ; il épousa Baaut, la nuit primordiale, et ils donnèrent naissance à Protogone et à Eon, ou le temps qui naquit le premier et fut par là le premier développement de l’être absolu, de l’irrévélé. Auprès de Kolpiah, on remarque :
Agd ou Agdus, symbole de la matière brute et primordiale, regardée comme principe fécond, passif, actif et Androgyne ; mais Agd se scinde et devient ensuite purement passive ; elle est représentée comme un roc que le feu, Dieu suprême par excellence, amollit et féconde. De cette union, survint :
Agdistis, également androgyne, issue de l’union de l’être par excellence avec Agd, qui n’est autre que la Cybèle des Grecs ou la terre personnifiée.
Ce feu père d’Agdistis que nous avons vu naître d’une tout autre manière chez les Grecs, semble s’identifier avec l’un des deux personnages suivans :
Khouçor, dieu ouvreur ou première émanation de l’essence céleste, véritable dieu-feu qui se communique aux êtres manimés, et par là, les fait sortir de l’engourdissement, où ils resteraient éternellement ensevelis, si la chaleur ne venait les développer ; mais le grand dieu-feu, le dieu-feu tout puissant de l’Assyrie, était :
Baal ou Béel, Belus ou Belis, divinité que l’on regardait ordinairement comme le soleil ; il était adoré en Babylonie, en Syrie, en Assyrie et même à Carthage. Les peuples de ces contrées le considéraient comme l’être par excellence, et lui offraient même des sacrifices humains. Baal était fils de Nemrod ; il fut le fondateur de l’empire de Babylone ; il fit faire des travaux qui rendirent ces contrées fertiles et habitables. Il unit plusieurs fleuves au moyen de vastes canaux, entoura la ville de Babylone de murailles, et rendit par la de si grands services aux peuples de ces contrées, qu’ils le divinisèrent et lui élevèrent des autels.
Baal avait épousé Omorka ou Omoroka, antique déesse chaldéenne ; elle ne présentait à l’imagination que l’idée de la matière, encore informe. Aussi voyait-on dans ses temples, un grand nombre de figures gigantesques et monstrueuses. Mais, lorsque le temps de créer fut venu, Baal coupa Omorka en deux ; alors, la partie supérieure devint le ciel, et la partie inférieure fut la terre. De sa tête sortit l’espèce humaine. Omorka est l’œuf du monde personnifié.
Elagbaal ou Héliogabal, dieu-soleil, adoré surtout dans Emése, où il avait un temple magnifique ; il était fils d’Omorka et de Baal, car il représentait à lui seul le ciel tout entier. Il était le fécondateur par excellence, l’esprit organisateur, la force active ; aussi, Astarté, son épouse, était-elle regardée comme le vaste utérus, où tout s’organisait. Le culte qu’on rendait à Élagbaal était magnifique et voluptueux. Son image resta toujours dans sa simplicité grossière et primitive, ce fut toujours une pierre en cône plus ou moins aigu, l’on en porta une à Rome qui était d’un aspect ferrugineux.
Cette Astarté appelée aussi {p. 404}Addirdaga ou Addidag, et souvent Atergatis, était la plus célèbre déesse phénicienne ; elle était surtout adorée à Mabog, dans la partie arrosée par l’Euphrate. C'est sous le nom d’Astarté qu’elle est le plus connue. On lui donnait une naissance extraordinaire : un œuf, disait-on, tomba des cieux dans la mer ; les poissons le reçurent et le portèrent sur le rivage, où des colombes le couvèrent ; de là on fit Addirdaga qui, par suite de cette naissance, fut la grande déesse des poissons, et n’est autre que la Vénus des Phéniciens ; tandis qu’Astarté doit être considérée comme leur déesse de la production et de la reproduction.
Cependant, cette Astarté est encore souvent confondue avec Achtoret, divinité que l’on trouve en rapport avec Baal, et qui généralement est regardée comme la Vénus tyrienne. Pourtant, à Carthage, ses traits principaux se rapprochaient plutôt de ceux de Junon. Alors, comme Achtor, elle est fille d’Uranus et sœur de Chrône, qu’elle épousa et dont elle eut le deuxième Chrône, puis Jupiter-Belus, Apollon, Typhon et Nérée. Achtoret est l’étoile de Vénus, et, comme cette déesse, elle est la déesse de la beauté, mais elle est de plus la fécondatrice, la puissance passive, le centre créateur de l’univers. D'ailleurs, tous les attributs de la Vénus grecque sont les siens.
Plusieurs de ces déesses se perdaient, ou du moins se confondaient dans la personne
D'Anahid, grande déesse de la nature, embrassant en elle l’esprit et la matière ou le nombre immense des étoiles, et se personnalisant dans la planète Vénus ou la Lune. Son culte consistait en processions, qui avaient lieu au printemps et en automne ; on portait sa statue avec beaucoup de pompe, les femmes qui assistaient à cette fête, dansaient à la manière des bacchantes et poussaient le délire jusqu’à se frapper les unes les autres à coups de couteaux, qu’elles finissaient par diriger contre elles-mêmes. Ensuite elles se livraient aux prostitutions les plus cyniques. Ce genre d’adoration s’adressait également quelquefois à un dieu.
Quant à la déesse Addirdaga, on l’unissait toujours à Adad.
Cet Adad ou Adod était un des principaux dieux de l’Assyrie et de la Phénicie ; on le regardait même comme le roi des dieux, car il venait immédiatement après Chrône. On le représentait avec la partie inférieure de la tête entourée de rayons, semblant se diriger vers la terre.
Nous avons vu naître Eon et Protogone, d’Agd et du feu, ils formaient donc le premier couple de l’espèce humaine, Eon était la femme et Protogone le mari. Ils furent les chefs des Eons génies subalternes, préposés à certaines fonctions dans le gouvernement du monde, et dont la totalité réunie formait la puissance suprême.
Après ces dieux, nous voyons venir : Lunus, ou la lune-dieu, honoré à Carrhes, en Mésopotamie. On le représentait sous les traits d’un jeune homme, coiffé d’un bonnet phrygien ou d’un croissant ; ses attributs étaient un flambeau et même une montagne. Quand on voulait faire un sacrifice à ce dieu Androgyne, les hommes s’habillaient en femmes et les femmes en hommes.
Mammon ou Mammoun, dieu syrien célèbre par ses richesses, c’était le Plutus des peuples de la Syrie.
Marnas, haute divinité de Gaza, il était honoré en Syrie, où il avait un temple magnifique ; les cérémonies {p. 405}instituées en son honneur se célébraient par des jeux et des courses de char.
Melchom était une divinité des Ammonites à laquelle Salomon, roi de Jérusalem, éleva un temple dans la vallée d’Ennon ; plus tard, Manassès lui fit élever un autel dans le temple même de Jérusalem ; depuis, Josias détruisit le culte de Melchom.
Melkarth était l’hercule phénicien, ou la force réunie à la sagesse. Comme l’hercule de la Grèce, il fut vainqueur dans les combats qu’il entreprit. Il fut navigateur, guerrier et commerçant sur terre ; au ciel, il était le soleil. On le représentait armé d’un arc et de flèches, couvert d’une peau de lion, et tenant une massue. On voit quelquefois sa statue chargée de chaînes, emblême de la faiblesse du soleil, en hiver. On élevait des bûchers en son honneur, et souvent des victimes humaines lui étaient immolées ; on lui sacrifiait aussi des cailles.
Taaut, dieu phénicien, analogue au Thoth Egyptien, était placé au même rang que Chrône, le grand dieu des Phéniciens. Ce fut ce Taaut qui inventa l’écriture, les sciences et les arts. Il fit graver la loi sur des tables sacrées, par les sept cabires fils de Sidick. Il fit les images d’Uranus et de Chrône, de Dagon et d’autres dieux. Son nom se trouve ainsi à la tête de toutes les histoires humaines primordiales, comme le plus important personnage historien.
Ce Dagon qui nous est inconnu était un dieu moitié poisson et moitié homme ; il passait pour fils du ciel et de la Terre. Ce fut lui qui montra aux habitans de la Syrie à se servir de la charrue pour labourer la terre et la rendre fertile ; aussi le regarde-t-on comme présidant spécialement aux travaux agricoles. Il était hono[ILLISIBLE] surtout à Azoth, ville de la Phénicie.
L'on peut supposer qu’après le dieu civilisateur Taaut, il vint quelques autres souverains qui furent également divinisés, tels sont :
Oannès ou l’Hermès Babylonien, il fut un grand législateur, civilisa les peuples des contrées de la Babylonie, apprit aux hommes les lettres, les sciences, les arts, l’agriculture ; fit élever des temples, des villes et institua des fêtes. On le représente avec un corps de poisson, les pieds d’un homme et deux têtes, dont l’une est celle d’un poisson et l’autre celle d’un homme.
Xisutrus, chef de la dixième génération, apprit d’un dieu supérieur qu’un déluge détruirait le genre humain ; aussitôt, il écrivit l’origine, l’histoire et la fin de toutes choses, enterra dans la ville du soleil les mémoires qu’il venait d’écrire, construisit un vaisseau d’une grandeur immense, y fit entrer toutes sortes d’animaux et y entra lui-même avec sa famille et ses amis. Le déluge terminé, Xisutrus fit envoler des oiseaux qui d’abord revinrent bien vite, mais d’autres bientôt étant revenus les pattes remplis de boue et quelques-uns à la fin n’étant plus revenus, il ouvrit son vaisseau alors échoué sur une haute montagne, sortit, et ne revint plus. Ses amis furent à sa recherche, mais ayant entendu une voix qui leur dit : Xisutrus est dans les cieux où il jouit de la récompense due à sa piété ; quant à vous, marchez et vous trouverez, dans la ville du soleil, les saints livres que Xisutrus y a déposés ; ensuite, bâtissez Babylone au confluant du Tigre et de l’Euphrate, et adorez les dieux. Ils marchèrent, trouvèrent les livres et bâtirent Babylone.
Memroum est le grand organisateur Phénicien et le grand inventeur. C'est lui qui enseigna aux hommes à se couvrir de la peau des bêtes, donna l’essor aux arts, à {p. 406}la civilisation dans la Phénicie. On le regardait comme le premier homme, et on le supposait issu de ces êtres qui tiennent le milieu entre la divinité et l’humanité ; aussi, après sa mort et en mémoire des grandes choses qu’il avait faites, on lui éleva des autels, et on établit en son honneur des fêtes annuelles.
Thammouz, dieu-prophète des Assyriens, prit la forme humaine pour remettre les rois et les peuples dans la voie de la vérité. Il enjoignit un jour au roi d’Assyrie d’adorer les sept planètes et les douze signes du zodiaque. Ce roi impie l’ayant fait expirer dans les tortures les plus atroces, toutes les statues des dieux de l’univers vinrent se réunir dans le temple de Baal, pour pleurer la mort de Thammouz ; la statue du soleil se jeta par terre ; même le lendemain elles retournèrent dans leurs temples. Les Assyriens, en voyant ce deuil des dieux, instituèrent des fêtes en l’honneur du dieu-prophète.
Emoun est l’Esculape phénicien, ou le principe conservateur de la vie, c’est-à-dire la source du feu et de la chaleur ; il est fils de Sidik ou du dieu-soleil. Le père du dieu de la médecine ne pouvait être qu’un tel dieu, puisqu’en Phénicie, le feu en général était considéré comme purificateur. Ce Dieu présidait ou plutôt faisait naître les fontaines minérales et chaudes, dont les bains sont salutaires à la santé. Quoique principe purificateur et continuateur de la vie, Emoun n’en était pas lui-même plus robuste, car on le regardait comme jeune, mou, et presque efféminé. Son indolence le rendait indifférent ; aussi, pour le tirer de cette espèce d’apathie, il ne fallut rien moins que la brûlante déesse Astronoé, ou espèce d’Astarté, dont la passion fut telle, qu’elle ne cessa de l’obséder jusqu’à ce qu’il eût consenti à condescendre à ses vœux.
Après ces dieux, pour ainsi dire, bons principes, venaient :
Moloch, le plus célèbre et le plus terrible des dieux mauvais principes des Phéniciens. Il est probable qu’il fut d’abord un dieu-soleil, son culte fleurit surtout chez les Ammonites, qui sacrifiaient des enfans vivans en son honneur, et lui en donnaient aussi à dévorer, lorsque quelque malheur les accablait. Sa statue était creuse et d’airain et avait les bras étendus comme afin d’embrasser ses victimes. Pour donner à cette idole une horrible puissance, ses prêtres allumaient un grand feu dans l’intérieur de cette statue, alors la chaleur, se communiquant à ses bras, brûlait les chairs des malheureux enfans qu’on lui offrait. On dansait autour de cette affreuse idole, au son des cymbales et des tambours, pour étouffer les cris de ses victimes.
Enfin, les Assyriens, les Phéniciens, et toutes les peuplades asiatiques connaissaient encore quelques dieux lares, au nombre desquels nous mettons :
Les Patèques, dieux gardiens et défenseurs, dont les Phéniciens plaçaient les statues tantôt à la proue de leurs vaisseaux, pour les protéger contre les périls de la mer, tantôt sur leurs tables, à cause des dons qu’ils prodiguaient. On les représentait comme de petits nains, dont le ventre était sphérique, ce qui les faisait ressembler aux Canopes.
Adramelech était la grande divinité des Sépharoïtes. En Syrie, quand on voulait initier les enfans à ses mystères, on les faisait passer par le feu. Son cheval était un Pégase, placé sur le verseau, et lui était considéré comme la constellation de Céphée.
Pour terminer les dieux Assyriens, {p. 407}nous rappellerons qu’Abad passait pour le plus ancien roi d’un empire embrassant dans ses limites l’Assyrie, la Médée, la Perse et l’Inde ; qu’il institua, disait-on, quatre castes, et fut divinisé après sa mort. Peut-être lui devait-on une partie de la Théogonie de ces contrées.
[n.p.]Dieux Indiens. §
L'Indianisme ou le corps de doctrines religieuses des Indes se compose de plusieurs sectes, dont quatre dominent toutes les autres, savoir : Le Brahmaïsme, le Vichnouisme, le Sivaïsme et le Bouddhisme. Nous allons commencer par expliquer les doctrines de la première, comme étant celle dont le fondateur semble être regardé comme le premier législateur des Indes.
Brahmaisme. §
L'on donne le nom de Brahmaïsme à une secte toute puissante autrefois, mais actuellement peu nombreuse, si on la considère dans l’isolement de sa pureté originelle ; cependant comme elle réunit plusieurs dieux que d’autres adorent isolément, d’une manière toute spéciale, il en résulte qu’elle offre un ensemble encore tout puissant. Le Brahmaïsme est une religion mixte, matérialiste dans ses formes, spiritualiste dans nombre de ses détails et se complaisant surtout à recommander entre autre chose, d’une manière absolue, le respect pour ses prêtres ou Brahmes.
Brahm, ou Parabrahma, ou Bagavan, ou Souaïambhouva, ou Souaïambhou, est, dans l’Inde, l’être suprême, éternel, irrévelé, absolu, dont l’immensité embrasse le tout. Cet être suprême se divise en trois émanations, dont l’ensemble forme une trinité ou trimourti, composée des dieux Brahmâ, Vichnou et Siva. Brahm est tout en lui ; il n’agit point, il délègue ses pouvoirs à la trimourti et à une foule de divinités subalternes, préposées au gouvernement du monde. On le représente par un cercle dans un triangle.
Une partie du peuple indien croit à cet être suprême plutôt qu’il ne l’adore, et adopte la trinité entière ; mais des millions de sectaires offrent un culte spécial aux membres réunis ou isolés de la trinité : ainsi, quelques-uns adorent Brahmâ seul, ce qui forme le Brahmaisme, d’où le nom de Brahmes donné aux prêtres indiens ; d’autres réservent toute leur vénération pour Vichnou, d’où résulte le Vichnouisme ; et enfin, des troisièmes sectaires ayant foi dans Siva seulement, représentent les membres du Sivaisme.
Mais la secte la plus nombreuse, sinon dans les Indes proprement dites, du moins dans les contrées qui entourent cette partie de l’Asie, c’est la religion de Bouddha, que nous ferons connaître lorsque nous aurons parlé de tout ce qui se rattache à la trimourti, issue du grand être suprême indien. Du reste, nous ferons, avant tout, observer que la métempsycose forme le principe fondamental de chacune de ces différentes sectes ; ainsi, les diverses transformations ou émanations que l’on va rencontrer, ne sont que des conséquences et des développemens de ce principe.
Brahm eut pour femmes, Sakti ou Paraçakti, ou Adi-Sacti, laquelle par conséquent est la plus haute des déesses, ou plutôt l’unique déesse. C'est la grande énergie, la vitalité patente de ce qui existe.
Il en est de même de Maia, vrai synonyme de Sakti, épouse de Brahm. Maïa-Sacti-Paraçacti, est la mère de la trimourti ou trinité indienne, la mère universelle. {p. 408}C'est elle qui produit les mondes, c’est l’énergie productrice.
A la tête de cette trinité indienne, nous trouverons d’abord : Brahma, que l’on surnomme aussi Abaricédi ou l’illimité ; Achariri ou l’incorporel ; Açouara, ou le donné au dernier ; Adajavaïa, ou semblable à lui-même ; Adjaioni, Aham, Ahankara ; Ananda, ou sans commencement, ou l’infini ; Brahmanda ; Kamalaçana, ou assis sur le lotos ; Hiraniagharba ; Içouara, ou le seigneur ; Naraïana Parabara, ou l’excellent ; et même, comme Brahm, ou l’appelle : Parabrahmâ, ou le grand Brahmâ ; Parama, ou le bienfaiteur ; Paramaçouara, ou le seigneur très-haut ; Pradjapati, Souadacal et Souadaçatta, et Souaïambhou, ou qui est par lui-même ; Tchatouranana, ou aux quatre visages.
Ce Brahmâ, le premier membre de la trinité ou trimourti de la théologie hindoue, passe pour le créateur de toutes choses, et pour être issu lui-même de Brahm, par une série de transformations ou d’émanations restées inconnues. Né avec quatre têtes, ou suppose qu’il demeura long-temps immobile, muet, et absorbé dans la contemplation, assis sur l’humide kamala ou palma, autrement dit le lotos ou lotus, plante qui fut le théâtre de sa naissance. A la fin, une voix se fit entendre et le sortit de sa contemplation, en lui conseillant d’implorer Bhagavan qui, nous le savons, n’est autre que Brahm. Aussitôt, Brahmâ se mit en prière et Bhagavan lui apparut sous la forme d’un homme à mille têtes ; cette merveille transporte de joie Brahmâ, qui chante alors les louanges du très-haut. Ces chants flattent agréablement Bhagavan ; il veut récompenser son favori ; il chasse donc les ténèbres, lui fait voir tous les mondes gisant en germe et comme endormis, puis il lui donne le pouvoir de faire sortir ces mondes de ce lumineux abîme. Après avoir passé cent années divines, ou trente-six mille années humaines, à admirer ce panorama, Brahmâ se mit à l’œuvre de la création. D'abord, il produisit les sept souargas, ou sphères étoilées, éclairant les corps resplendissans des dévatas, ou dieux et génies, que nous allons voir naître et dont nous indiquerons plus loin les diverses catégories ; puis il créa Mritloka, ou la terre, avec ses deux luminaires, et enfin, il forma les sept patalas, ou régions inférieures, ayant pour flambeaux huit escarboucles, placées sur la tête de huit serpens. Ces Patalas, avec les Souargas, forment les quatorze mondes, dont nous allons voir la mythologie des Hindous parler si fréquemment.
Après la formation des mondes, Brahmâ voulut peupler l’immensité. En premier lieu, il s’occupe des purs esprits, dans le dessein de les faire servir à l’aider à ce gigantesque ouvrage. Mais après leur naissance, Mouni ou Lomus, les neuf Richis, parmi lesquels on remarque Naréda ou Nardman, se vouent à la vie contemplative, et refusent de coopérer à ses travaux. Alors il se marie à sa sœur, la belle Souraçouati, et en a cent fils, dont l’aîné, Dakcha, fit naître cinquante filles. Treize de ces filles s’unirent à Kaciapa, le premier Brahmane né de Maritchi, fils de Brahmâ. L'une de ces treize épouses, Aditi, enfanta les Dévatas, ou génies lumineux et bienfaisans ; puis Diti, sœur d’Aditi, enfante la foule des Daitias ou Açouras, ou génies funestes et amis des ténèbres et du mal.
Cependant la terre restait sans habitans ; alors, pour la peupler, Brahmâ, disent les uns, tira de lui-même Menou-Souaïambhouva ou Manou-Vaivasvata qui, suivant {p. 409}d’autres, fut au contraire formé avant Brahmâ et n’est qu’une personnification de Brahm. Quoi qu’il en soit, en adoptant cette création de Menou par Brahmâ, nous ajouterons que celui-ci lui donna en outre pour femme Sataroupa, et qu’il leur dit de croître et de multiplier.
D'un autre côté, la cosmogonie des Védams ou livres sacrés des Indiens prétend que Brahmâ ne peupla point ainsi la terre, mais qu’il donna naissance à quatre fils, Brahmân, Kchatriia, Vaicia et Soudra qui sortirent, le premier de sa bouche, le second de son bras droit, le troisième de sa cuisse droite, et le quatrième de son pied droit ; puis il leur donna pour épouse, savoir : une femme de la race impie des Açouras à Brahman ; Kchatriioni à Kchatrüa ; Vaciani à Vaicia, et Soudrani à Soudra : femmes dont les trois dernières étaient sorties de son bras, de sa cuisse et de son pied gauche, de là résulta la division de la race humaine en quatre castes ou tribus, savoir : les Brachmanes ou Brahmes, ou nobles nés de sa tête, et seuls capables d’enseigner la loi et de desservir les autels des Dieux ; les Radjahs ou Razeputes, ou rois nés de ses bras ou épaules. Les Banians ou Vaicihas, ou négocians nés de ses cuisses ou de son ventre, et les Artisans nés de ses pieds. Dès ce moment, dit-on, il défendit toute alliance entre les castes et écrivit sur le front de tous les hommes ce qui devait leur arriver depuis leur naissance jusqu’à leur mort ; doctrine fataliste, s’harmonisant fort bien avec l’indolence Asiatique et assez semblable à l’action du destin de la mythologie Grecque.
Pourtant la mythologie Hindoue donne aussi à Souaïambhouva, ou première émanation de Brahmâ, à la suite de son mariage avec un appelé Satadroupaï, une fille nommée Aghdi ou Dévaghdi, qui eut neuf filles et un fils qui porta le nom de Kapica ou Vichnou, puis Aghdi fit un pélerinage sur les bords du Bendou-Caraçou ou fleuve Bendou, marcha ainsi dans la voie de la perfection, ou Sandjiaioga, et obtint le Saïoutcham ou béatitude ; ensuite elle s’évapora et ne revint plus sur la terre.
Les filles d’Aghdi furent mariées à neuf des plus anciens patriarches, de sorte que Kali épousa Maritchi ; Annoucoui, Atteria ou Atri ; Strati, Angaraça ou Angiras ; Avirpouci, Paoulastia ; Kéti, Poulaia ; Krii, Krouta ou Kratou ; Kiati, Prougou ou Bhrigou ; Aroundati, Vacichta et Santi, Adarvan. De ces unions résultèrent les quatre castes fondamentales dont nous venons de parler.
Ce Brahman ou Ram était donc fils ainé de Brahmâ qui le créa par la bouche, tandis que ses trois autres frères et ses trois autres sœurs sortirent de membres moins nobles. Ce fut à lui que Brahmâ donna les quatre Védams ou Védas, ou livres sacrés comme les quatre paroles sorties de ses quatre bouches. Brahman d’abord, n’ayant pas de femme, s’en plaignit à son père ; celui-ci, fatigué de ses plaintes, lui en donna une de la race maudite des géans. C'est de ce lien que naquit la race des Brachmanes, prêtres fondateurs de la religion de Brahmâ, lesquels, avant d’enseigner aux Hindous la loi de dieu, écrite dans les védas, devaient, pendant 37 ans, se livrer aux plus rudes privations, garder le plus profond silence et même éviter de tousser, de cracher ou d’éternuer. Cependant on suppose leur origine antérieure à celle de Brahmâ qui n’aurait été qu’un de ces austères philosophes, que l’on dit avoir été chassés d’Egypte par Cambyse, et auxquels on attribue sinon l’invention, du moins l’importation {p. 410}aux Indes du dogme de la métempsycose. On suppose que l’ame de Brahman, après sa mort, passa successivement dans 80 corps différens, et finit par animer celui d’un éléphant blanc ; aussi, chez les Hindous, cette dernière transmigration est le bonheur le plus grand qui doit arriver aux mortels bien méritans.
En commençant l’explication du Brahmaïsme, nous avons dit que c’était une religion mixte, réunissant dans ses formes le matérialisme, tout en mêlant le spiritualisme à beaucoup de ses détails ; déjà l’on a pu se faire une idée de son matérialisme, mais l’on va pouvoir actuellement juger des bases spiritualistes de ce système des védas.
L'ancienne croyance des Brahmanes, dit l’Ouponischat, ou récit théologique des Védas, est la plus antique religion patriarchale ; elle est tout-à-fait exclusivement terrestre ; cependant, sur la terre, sous la terre, dans les cieux et dans les enfers, rien n’égale le pouvoir du Brahmane, il dompte la mort qui dompte tous les autres humains, et la parole est le glaive du Brahmane ; car, avec elle, il fait la conquête de tout, il domine sur tout, et, fils de Brahmâ, il est la parole de vie, ou Pranava ou verbe incarné, antérieur aux dieux et aux mondes, type du feu servant à allumer la flamme du sacrifice. De ce feu sont issus les Védas ou les sciences, les Dévas ou les dieux et les Lokas ou les mondes. Le Brahmane est donc le dieu Brahmâ en personne, l’être suprême, le créateur des mondes.
Suivant un poème appelé le Lathaka ou Panischat faisant également partie des védas, voici comme eut lieu l’origine des mondes :
Le dieu créateur étant un foyer immense, ce dieu jeta le Tapas ou embrasement de l’amour divin dans le cœur de Kama, qui produisit la semence de toutes les choses ; alors arriva la Bouddhi ou intelligence créatrice des mondes, qui devint le feu aux sept rayons, ou Saptartschir, et se manifesta par les sept Pourouschas, ou puissances créatrices, à l’ensemble desquels on accorde le Mahandscha, ou la grande splendeur.
Bientôt ce feu, qui avait tout embrasé dans son origine, enveloppa de ses flammes l’univers, et le replongea au sein des ténèbres universelles ; alors ce feu central devint le Vishvaroupa ou l’ame ignée de tous les êtres, de tous les mondes ; il fut le feu artiste, le Vishvakarman, ou le grand ouvrier de l’univers : c’est-à-dire, Brahmâ ou le dieu créateur, dont la caste des Shoudras ou Parias à fait un véritable Vulcain ; car ils supposent que le Tedschas ou la splendeur de ce dieu accompagne chaque être vivant à sa naissance et se retire à sa mort.
L'univers ayant été fécondé du souffle de ce feu divin, le Aum ou verbe créateur est apparu, poussé par Pranâ, ou le souffle inspirateur ; alors il dispersa les ténèbres primitives et dompta le Daitya, ou Titan primitif qui s’opposait à sa volonté ; car Aum, dans lequel résident les Pousourchas ou dieux des sens, c’est-à-dire, le dieu de la parole, de la vue, de l’ouie, du tact, de l’odorat, de l’organe central et interne, est le Manas, ou homme primitif parfait. Cependant il fut long-temps à devenir victorieux, car toutes les fois qu’il voulait entonner le Oudgitha, ou hymne de la création inspiré par Kalpana, ou l’invention, les Daityas ou Titans y mêlaient le Papma, ou désaccord, autrement dit le mal physique et moral, et empêchaient cet hymne de surgir avec tout son éclat. A la fin, le Pranava ou parole de vie {p. 411}souffla sur la création, et le verbe triompha dans le pur désintéressement et dans la pure humilité de l’existence ; alors, dit le poème, l’Aum enleva la parole, émanée du verbe, la transporta hors des atteintes de la mort, et la parole, ainsi dégagée, devint le feu qui éclaire et brûle ; seulement il la cacha dans le Gahanam, ou caverne, et dans le Souschiram ou cavité du cœur, autrement dit, dans le Gouha, ou le mystère.
Cette parole, ou feu de l’intelligence créatrice, se manifesta dans le Vishvakarman, ou grand ouvrier qui donna des formes à toutes les parties de l’univers et des corps à toutes les pensées.
Alors, sous la figure de Nara ou de Pourascha, ou de l’homme, cette flamme intelligente et créatrice entra dans les eaux pour les éclairer, ce qui fit naître les dieux appelés Taumâtras, ou molécules sensitives, dieux qui devinrent les élémens des Mahabhoutas, ou grands élémens que le Vikara anima de l’évolution interne, d’où résulta que le créateur incorporé dans les eaux prit la forme de Brahmanda, ou de l’œuf, ce qui produisit l’Hiraniagarbha, ou fœtus lumineux, d’où Brahmâ sortit enfin dieu parfait et dieu tout puissant.
Dès lors, ce Mahanâtma, ou grand esprit, déploia la Bouddhi, ou intelligence créatrice, et le soleil divin se leva ; dès-lors aussi, il fut le soleil des soleils, le Adhyakscha, ou œil suprême brillant dans l’éther, et le Parame Vioman, ou le feu brillant du cœur ; il fut le Vidyout Pourouscha, ou foudre animé et spirituel ; mais tout-à-coup, derrière ces grands actes de la création, apparaît la mort qui dévore tout sur son passage ; aussi, à son approche, tout pousse un cri d’effroi et s’enfuit. Cependant, Abhagam, ou l’être sans crainte, c’est-à-dire Brahmâ, se présente et fait fuir la mort elle-même. Alors il effulmine les mondes et laisse le Mouni ou le Kavi, ou l’homme sage, spectateur silencieux de ces grands combats ; mais ce sage possède un être divin, soleil qui brille invisible au dedans de son cœur ; c’est le verbe divin, sous la figure des Védas, c’est la loi divine, c’est la diversité, ou Nanatvam, qui, pour lui, représente cependant l’unité du créateur. Ce sage, armé de cette parole divine, fonda les cinq feux du sacrifice, ou les sacremens obligatoires pour les chefs de famille Brahmanique, sacrifices appelés : Ahouta, ou celui des sages ; Houta, ou l’oblation au feu, ou sacrifice des dieux ; Prahouta, ou sacrifice des esprits, composé des miettes du sacrifice des dieux, Brâhmyahouta, ou l’offrande de l’hospitalité, ou le sacrifice des hommes ; et le Prashita, ou Shraddha, ou offrandes destinées à apaiser les manes des ancêtres, et leur obtenir un séjour permanent dans l’orbe lunaire, d’où les sages ou sévères Pitris veillent sur leurs descendans ; telle est enfin l’origine spiritualiste du Brahmaïsme indien. Maintenant, indiquons avec le Mana Dharma Sastra, au recueil des lois de Menou, comment les Brahmes ont modifié cette cosmogonie des Védas.
Brahm, ayant un jour voulu, dit ce livre, se reproduire, se transforma en eaux primordiales, sur lesquelles bientôt on vit flotter Brahmanda, ou œuf d’or, qui donna naissance à Brahmâ, nommé pour cette raison Hiraniagharba, ou le moule d’or, et Nariana, ou le flottant sur les eaux. Dès-lors, Brahmâ devint le type du monde ou Macrocosme, et de l’homme ou Microscome. Puis il fut appelé Porch ou Pouroucha, ou homme créé par {p. 412}l’homme-dieu. Par suite de cette naissance, on vit se développer trois hautes émanations du grand être : Mana, ou l’intelligence indéfinie ; Ahankara, ou l’intelligence déterminée, ou le principe de l’individualité, et Mahanatma, ou la grande ame du monde, ou la vitalité universelle, escortées des cinq sens, vivifiés par Mahanatma et déterminés par Ahankara. De ces cinq élémens, Brahmâ-Mana forma tous les êtres inanimés ; alors on vit se dérouler successivement les dieux, les génies, le sacrifice, les védas, le feu, l’air, le soleil, la trinité éternelle, les temps et les divisions du temps, les étoiles, les planètes, les fleuves, les eaux, les montagnes et les quatre castes que nous connaissons.
Enfin, Brahmâ créa l’espèce humaine en divisant sa propre substance et en devenant de Pouroucha, qu’il était d’abord, Pouroucha Viradj, ou homme-femme. Cet hermaphrodite produisit Menou, qui devint ensuite créateur subalterne du monde visible.
Enfin, la Mimansa, ou philosophie supposée de ce même Menou, indique une troisième cosmogonie un peu différente des deux précédentes. Maïa, dit-il, fit sortir le très-haut de ses ineffables profondeurs, la mer de lait et de Kama, ou l’amour.
Brahm, devenu souaïambhou, prit encore le nom d’Adi-Bouddha, et donna lieu à cinq Bouddhas, dont chacun eut un fils, ce qui forma les dix génies célestes, dont l’un d’eux, grace à l’opération mystérieuse de Padma-Pani, donna naissance à la trinité hindoue ; seulement alors Brahmâ accapara le nom de Radja, ou roi ; Siva, celui de Tama, et Vichnou, celui de Saltona.
Après sa naissance, Brahmâ, par ordre de Padma-Pani, créa les ovipares, les vivipares, les Dévas, ou dieux, les Daïtias, ou démons, ou mauvais génies, et les Manoucha, ou hommes, et en même temps il forma le ciel pour les dieux, les lieux inférieurs ou Patalas, véritables enfers où les démons séjournent et châtient les ames des coupables, et les régions intermédiaires pour les autres créatures ; mais, au-dessus de ces diverses demeures, il éleva onze ou quatorze habitations, parmi lesquelles on remarque quatre espèces de paradis, ou demeures sacrées. Le premier est le plus élevé, il est appelé Brahmâ Locka, ou Sastialoka ; il est réservé pour Brahmâ et les Brahmes ; au-dessous, l’on trouve au midi, le Veikounta, ou demeure de Vichnou, promise à tous les sectateurs du Nahmann ; plus loin, on rencontre le Keilassa ou Kailaça, ou paradis de Siva, dans lequel les adorateurs de ce dieu se livrent aux plaisirs des sens, sous la direction de Nandry, le premier ministre de Siva et de Bringny, Bima et Kardourguyta, lieutenans de ce ministre ; puis enfin, dans la partie la plus basse, on tombe dans un cinquième paradis appelé Souarga ou Sorgon, c’est celui d’Indra ; c’est là que les dieux du second ordre s’abreuvent de l’amrita, et des doux breuvages que leur composent les deux fameux médecins Chinata et Komasa ; C'est là que les Gandarvas et les Apsaras, par leurs musiques et leurs danses, charment les dieux d’une voluptueuse mélodie ; puis, enfin, c’est autour de l’enceinte de cette demeure sacrée que la foule des Deutas se délecte à manger le fruit couleur d’or du délicieux kalpa, ou à boire le lait sans pareil de la vache Kamadenin ; enfin, au-dessous du Souarga, il plaça Bhouloka, ou Mritloka, autrement dit la terre.
{p. 413}Quant aux groupes principaux des créations de Brahmâ, du moins suivant le Brahmaïsme, ils sont au nombre de treize.
1° Les Menous primitifs : Menou Souaïambhouva, ou Souaiambhou, Souarot-Chicha, Outtama, Tamaça, Reivata, Tchakchoucha et Vaivaçouta. Les sept Menous secondaires : Souria-Savarni, Dakcha-Savarni, Brahmâ-Savarni, Harma-Savarni, Roudra-Savarni, Routchéia et Agni-Savarni, qui n’ont pas encore fait leur apparition.
2° Les sept Richis, les Maharchis, les Dévarchis et les Radjarchis, sur les noms et les caractères desquels règne la plus grande divergence.
3° Les dix Brahmadikas ou Pradjapatis, que souvent on considère comme analogues aux Maharchis.
4° Les huit Vaçous, protecteurs et régulateurs des huit régions du monde, appelés Indra, Iama, Nirouti, Agni, Varouna, Kouvéra, Vaïou, Içana.
5° Les huit ou dix Sactis, ou matris, nommés Brahmani ou Brahmi, Maheçouari, Kaoumari, Vaichnavi, ou Naraïani, Varchi, Kaouveri, Narasinhi, ou suivant d’autres aussi Tchamounda, Tchandika-Aparadjita.
6° Les sept Mounis, chefs des sept sphères célestes, souvent considérés comme prêtres ou Brahmanes, mais presque toujours regardés comme faisant partie des Richis.
7° Les douze Aditias, avec les Devas, les Dévatas, les Souras, d’une part, et avec les Daitias, les Danavas, les Rakchaças et les Açouras, d’autre part.
8° Roudra, sortant du front de Brahmâ et enfantant les onze Roudras.
9° Les trois cent trente-deux millions de divinités inférieures, peuplant tous les mondes et animart toutes les parties de la nature, parmi lesquelles se trouvent les sept belles Gopis, ou laitières nourrices et bien aimées de Krichna, dieu des pasteurs, autrement dit Vichnou.
10° Les Tchoubdaras, ou habiles ouvriers, au nombre desquels figure le divin architecte Viçouakarma.
11° Les Raginis ou notes musicales personnifiées, à la tête desquelles se trouve Mahaçouragrama.
12° Les Gandharvas, ou musiciens, à la tête desquels on remarque la belle Rambha.
13° Les six-cents millions d’Apsaras, ou sylphides légères, qui charment par leurs danses et leurs chants la cour délicieuse où règnent Indra et Indrani.
Après ces diverses créations, Brahmâ, enorgueilli de sa puissance, se crut, sinon l’égal de Brahm ou de Bhagavan, du moins le premier de la trinité ; il se proclame donc supérieur à Vichnou, insulte à Siva, le modificateur ou régisseur du monde, et s’approprie une partie de l’espace des mondes ; de sorte qu’après avoir placé au-dessus des Souargas les habitations divines, il n’y laissa plus de place où mettre Naraka ou Patala, ou l’enfer, qui dès-lors fut rejeté dans les lieux les plus sombres et les plus profonds.
Alors aussi Brahmâ s’éprit d’un amour incestueux pour sa sœur et fille Saraçouati, qui se déroba en vain à ses importunités sacriléges ; en vain demanda-t-elle un refuge aux quatre points cardinaux, partout elle retrouva son père. Cependant, à la fin, elle fut chercher ce secours dans les cieux, et aussitôt, pour l’y suivre, son père éleva une cinquième tête au-dessus des quatre qu’il possédait déjà, mais Mahadéva ou Siva, ou le grand dieu aux cinq têtes, s’irrite de voir qu’on veut {p. 414}partager avec lui cet honneur, et il abat cette tête ambitieuse. Dès-lors Brahmâ et sa demeure, Brahmaloka, sont précipités du haut des Souargas au fond des abîmes de Naraka ou des enfers ; puis, après s’être courbé sous les ordres du très-haut, Brahmâ est condamné à rester sur la surface de Mritloka ou la terre, comme dans un purgatoire, pour y subir quatre incarnations pendant le cours de quatre âges ; il apparaît donc successivement sous les traits de Kakabhousonda ou Caybossum, ou corbeau-poète, pendant le satiaiouga, ou premier âge ; il chanta alors la guerre entre Bhavani, femme de Siva, et les Daïtias, commandés par l’infâme Mahécçhaoura ; sous la figure de Valmiki, Paria, brigand et écrivain, il apparut pendant le Trétaïouga, ou second âge ; sous la forme de Viaça et de Mouni, poète et auteur, il vint pendant le Douaparaïouga, ou troisième âge du monde ; et enfin sous les traits de Kalidaca, ou le grand poète dramatique, il arriva pendant le siècle noir.
Ici, nous terminerons ce que nous avions besoin de dire sur Brahmâ, pour bien faire comprendre la cosmogonie et la théologie des Hindous ; seulement, nous ferons remarquer que ces incarnations de Brahmâ ont toutes un caractère matériel.
Les Brahmes, ou prêtres indiens, chefs des sectaires de Brahmâ, invoquent régulièrement ce dieu matin et soir, en jetant trois fois de l’eau avec les creux de la main sur la terre et vers le soleil, qu’ils adorent ensuite comme la plus belle image de l’éternel. A midi, ils renouvellent leurs hommages en offrant à Dieu une simple fleur, et dans le sacrifice du feu, ils lui présentent du beurre frais clarifié, en même temps qu’à Agni.
Les peintures hindoues représentent toujours Brahmâ avec quatre têtes, ayant de longues barbes et avec quatre mains, tenant dans l’une la chaîne mystérieuse à laquelle pendent les mondes et le livre de la loi, et le calame ou poinçon à écrire, dont quelquefois il se sert en traçant la parole divine sur une feuille de palmier ; dans une autre de ses mains, il porte un vase recouvert ; souvent il tient mollement sa sœur-fille-épouse, Saraçouati, ou bien il est posé sur une feuille de lotos, et presse, garde, ou semble couver l’œuf du monde ; mais le plus ordinairement il est monté sur le cigne-aigle Stamsa, dont la fantastique beauté réunit l’élégance du cigne aux serres puissantes et aux larges ailes de l’aigle. Quant aux rapports de Brahmâ avec les dieux grecs, romains, que nous connaissons déjà, ils sont trop sensibles pour avoir besoin d’être indiqués.
Maintenant passons en revue les treize groupes des différens êtres formés par Brahmâ ; puis, nous ferons connaître ensuite Vichnou et Siva, ainsi que tout ce qui se rattache à ces deux autres membres de la trimourti indienne.
Saraçouati, sœur, femme et fille de Brahmâ, résista long-temps aux désirs de Brahmâ, mais elle finit par succomber et le rendit père de Naréda, dieu de la sagesse, de Dakcha, et de six Radjas, ou rois ; Saraçouati, préside à la science, à l’harmonie, à la musique. On la représente dans les bras de son époux, ou bien seule, tenant un livre ou une lyre dans la main.
Menou ou Manou, fils de Brahmâ, est un être tout-à-fait imaginaire hors de la ligne des êtres réels, c’est la civilisation personnifiée. Aux Indes, il passe pour le législateur par excellence, c’est l’homme {p. 415}dans toutes ses phases et devenu civilisé ; c’est le premier homme, le premier législateur, le premier patriarche dont les Menous ne sont que l’efflorescence. Parmi ces Menous, on compte Souaïambhouva, Souarotcthica, Outtama, Tamaça, Raivata, Tchakchoucha, Vaivaçouata.
Les Richis, indifféremment appelés Mounis ou Pradjapatis ou Brahmadikas, c’est-à-dire créés par Brahmâ, sont des êtres surnaturels d’une sainteté parfaite, ayant dans les livres sacrés des Indiens une physionomie semi-humaine, semi-céleste ; ce sont donc des espèces de pénitens absorbés dans la divinité ; ils occupent, disent les Hindous, un espace situé à quatre millions quatre cent mille lieues par-delà la planète de Saturne. On connaît sept Richis célèbres, auxquels on donne les surnoms de Maharchis, ou grands Richis, de Devarchis ou Divins Richis, et de Radjarchis, ou rois Richis ; ils se nomment Kaciapa, Atri, Vacichtha, Viçouamitra, Gotama, Bharadouadja et Djamadagni. Après la chute de Tricankou, Viçouamatra créa dans la région du sud une autre Indra, une famille de Makchatras et sept autres Richis.
Nous devons faire l’observation que l’on regarde habituellement les Brahmadikas ou Pradjapatis, comme des génies particuliers, créés par Brahmâ pour participer sous ses ordres à la création et à l’ordonnance des mondes. Ils tiennent le premier rang après les quatorze Menous et ont pour subordonnés les Pitris, qui habitent la lune et qui exécutent les détails des opérations des Brahmadikas ou génies bienfaisans.
Les Vaçous, appelés aussi Achta-Dikon-Palagas, figurent presque immédiatement au-dessous de Brahmâ ; ils sont au nombre de huit, et chacun d’eux gouverne une des huit régions du monde ; on nomme ces Vaçous : Indra, Iama, Varouna, Nirouti, Aghni, Paoulastia, Pavana ou Vaïou ou Marouta, Içania ou Içana. Les trois premiers sont les plus grands de ces dieux secondaires.
Indra, le premier des huit Vaçous, gouverne la région de l’Est où se trouve l’Ether, les souargas, le jour et enfin les cieux visibles ; c’est le roi des bons génies ; c’est le maître des nuages. Il est fils de Kaçiapa et d’Aditi. Il épousa Indrani qui le rendit père d’une fille nommée Devani. Il habite Souarga, ou Paradis dans la ville aérienne d’Amravati, dont la beauté surpasse tout ce que l’on peut imaginer. De sa brillante demeure, il voit les contrées dont il est le gardien. On le représente avec quatre bras, ayant un bandeau sur les yeux et un croc à la main, habilllé de rouge, et monté sur un éléphant nommé Iravat, qui semble fier de ce divin fardeau, quelquefois il tient à la main une fleur de lotos.
Quant à Dévani, fille d’Indra, elle fut la rivale de Viliama, comme l’une des deux femmes de Kartikéia, ou Skanda, fils de Siva. Cette Dévani était chargée d’éloigner les maladies, les chagrins, les esprits malfaisans, et de faire avoir des enfans aux gens mariés. On lui donne un corps jaune, deux mains seulement, avec de riches bracelets et autres ornemens aux oreilles, aux bras, au nez, au cou, aux pieds, et autour du corps ; elle tient à la main la fleur appelée Tchankarinirpou. Son image, ainsi que celle de sa rivale, se voit toujours aux côtés de celle de son époux.
Iama, un des huit Vaçous, commande à la région du Sud, et il est le dieu de la nuit, de la mort et des enfers ; c’est lui qui juge les ames séparées des corps, et {p. 416}gouverne le Naraka, ou enfer, et les noirs esprits des ténèbres ; il est également fils d’Aditi et de Kaçiapa. L'endroit où il réside s’appelle Iamolaka ; c’est là qu’il juge si l’ame qui vient de se séparer du corps mérite d’aller dans les Souargas on dans l’abîme du Naraka. On le représente avec un visage enflammé et l’air menaçant, il est habillé d’étoffes de couleur jaune orange, et porté sur un buffle, en tenant à la main ou un bâton, ou un fléau, ou un glaive, attributs de la vengeance.
Varouna ou Pratchéta, est le Vaçou gardien de la région de l’ouest ; il préside à toutes les eaux. Aussi le regarde-t-on comme le bienfaiteur et le purificateur des hommes, l’irrigateur et le fertilisateur des terres et des plantes, et le protecteur de la navigation. Il retient, dit-on, captives au fond des eaux, les ames des pécheurs, qui ne doivent revenir sur la terre qu’après de longues épreuves, et lavées de toutes leurs souillures. Autour de lui se groupent des serpens et des crocodiles. On le représente vêtu de blanc, couronné d’un lotos, monté sur un crocodile ou sur un serpent qu’il frappe souvent d’un long fouet.
Niroutiah ou Nirouti est le Vaçou ayant sous sa garde la région du sud-est du monde, il préside aux génies malfaisans, est habillé de jaune foncé, et est porté sur les épaules d’un homme.
Aghni est le Vaçou dont l’empire s’étend sur la région du sud-ouest ; on le considère comme le dieu-feu, dans la plus grande étendue du mot ; c’est cette puissance calorifique qui existe dans les cieux et sur la terre. On le représente avec deux visages, l’un, symbole de la création, l’autre, de la destruction. Ses deux têtes sont couronnées de flammes. Deux de ses quatre bras sont armés de glaives. Il est habillé d’étoffes violettes et porté sur un bélier. On lui offre de l’huile de coco et du beurre clarifié.
Paoulastia, ou Kouvera, ou Koublia, Vaçous présidant au nord ; les trésors cachés sont sous sa protection ; il habite ordinairement à Laka, au centre d’une forêt épaisse. Les Iakchas et les Kinnoras sont ses ministres et les distributeurs de ses largesses. On le représente tantôt dans une grotte profonde, défendue par l’eau, le feu et les griffes de dragons, dont l’œil brille comme une fournaise. Il est habituellement monté sur un cheval ou sur un char nommé Pouchpaka, traîné par des chevaux blancs, magnifiquement ornés ; il est habillé de rose, sa tête est ceinte d’une couronne, et sa main porte le sceptre.
Pavana, ou Vaiou, ou Vahgon, ou Marouta est le Vaçou commandant au nord-est ; il préside à l’air, aux vents, aux sens, aux odeurs, et par suite aux sons et à la musique. Il pénètre toutes les créatures, embrasse toutes choses, est presque Mahanatma ou l’ame universelle. C'est le père d’un célèbre musicien appelé Hanouman et qui semble au fond s’identifier avec lui. Ce Pavana, ou Marouta-Pavana, a sous ses ordres un grand nombre de génies subalternes appelés Maroutas ; il est habillé de bleu et monté sur une gazelle.
Içania, ou Içana, ou Ishana est le Vaçou commandant au nord-ouest ; il paraît une véritable incarnation de Siva, que nous ferons connaître plus tard ; c’est-à-dire, il est un dieu modificateur du monde ; il est habillé de noir ou de gris, et monté sur un taureau.
Les huit Vaçous semblent être pourvus chacun d’une épouse, et l’on croit que {p. 417}l’ensemble de ces épouses appartient au groupe des Matris.
Ces Matris ou Sacris sont donc huit ou dix déesses ; elles sont sorties du sein de la haute Mahamaïa. Comme les fleurs d’une plante, ces divines efflorescences ne prirent naissance que lors de la fusion des cultes. Trois d’entr'elles Brahmi, Kaouméri, Kaouari, appartiennent au culte de Brahmâ ; Vaichnavi, Varahi, Naracigni ou Naraiani, appartiennent au culte de Vichnou. Mahéçouari, Tchamounda et Tchandika, sont des émanations de Siva. Aindri appartient à Vichnou et à Brahmâ.
Maintenant nous voici naturellement arrivés à parler des Aditias, génies solaires que l’on fait descendans de Brahmâ, d’après la généalogie suivante :
Brahma, créateur des idéalités prototypes, dut épouser Sacti, de ce que l’on donne souvent pour femme de Brahmâ, de cette Sacti, le créateur Brahmâ eut d’une part Maritchi ou la lumière, et d’autre part, cent fils, dont dix Pradjapatis, plus Dakcha.
Ce Dakcha, fils aîné de Brahmâ, est le premier enfant de la création, il sortit du grand orteil de ce dieu, dont il est le pontife par excellence. C'est lui qui lui offrit le grand sacrifice emblème de la création, et le soutint dans la lutte qu’il eut contre Siva. Celui-ci, après la lutte, épousa Sati, fille de Dakcha et de Praçouti. En effet, ce Dakcha eut pour femme Praçouti, Dévi ou Birini, fille du sage Bérana. Outre Sati, Dakcha eut encore quarante-neuf autres filles, parmi lesquelles Dachina, ou Souria, ou Savitri, ou le Soleil qu’il maria à la lune, d’où sortirent les Souriavansi et les Somavansi, qui sont des Tchoudravansi ou dynasties héroïques des Hindous. Un jour, Dakcha offrit un grand sacrifice auquel il invita toutes ses filles excepté Sati qui, pour se venger de cette offense, se précipita dans les flammes du sacrifice. Siva instruit de la mort de son épouse jura de la venger. Aussitôt il arrache de son front deux cheveux, lesquels se changent en géants, renversent le sacrifice, et détruisent toute la race de Dakcha, qui, dit-on, avait organisé le système planétaire ; aussi le nomme-t-on le père de l’astronomie. Quant aux filles de Dakcha, dix épousèrent Dherma, vingt-sept Tchandra, et treize Kaciapa.
Ce Kaciapa ou l’Espace, était né de Maritchi, ou la lumière ; il épousa treize filles de Dakcha, parmi lesquelles se trouvaient Aditi et Diti.
De cette alliance avec Aditi ou Adidi, analogue à Souria ou Savitri, ou véritable jour-soleil primordial, il résulta douze Aditias, ou Adidinanas, ou soleils mensuels, mais il eut avec Diti, douze Daitias, ou génies malfaisans et ténébreux.
Ces Aditias, au nombre de douze, sont regardés par les Indiens comme autant de soleils mensuels, opposés aux Daitias ; ce sont donc les analogues des treize douze d’Egypte, des douze grands Dieux de Rome et de l’Etrurie. Voici quels sont ces Aditias avec les mois et constellations Zodiacales, qui se trouvèrent sous leur pouvoir ainsi que les divinités Indiennes auxquelles chacun obéit, et les divinités Greco-Romaines, auxquelles ils répondent.
Varouna, soumis à Saraçouati, répond à Minerve, et préside à Tchaitra ou Mars, et à la constellation de Mécha, ou le Bélier. Souria, soumis à Lakchmi ou Sri, répond à Vénus et préside à Vaiçakha ou Avril, et à la constellation de Joava ou Vricha, ou Mahicha, ou le Taureau. {p. 418}Véani, soumis à Indra, répond à Apollon, et préside à Djiaichtha ou Mai et à la constellation de Métouna ou les Gémeaux. Bhanou, soumis à Bouddha, répond à Mercure, et préside à Achadha ou Juin, et à la constellation de Carkata ou l’Ecrevisse. Indra ou Devendren, soumis à Brahmâ, répond à Jupiter, et préside à Sravana ou Juillet, et à la constellation de Sinha ou le Lion. Ravi, soumis à Prithivi ou Gondopi, répond à Cérès, et préside à Bhadra ou Août, et à la constellation de Kania ou la Vierge. Goabhasti, soumis à Maïa, répond à Proserpine, et préside à Açouina ou Septembre, et à la constellation de Toula ou la Balance. Iama, soumis à Siva, répond au Dieu Mars, et préside à Cartika ou Octobre, et à la constellation de Vristchika ou le Scorpion. Souarnareta, soumis à Bhavani, répond à Diane, et préside à Margasircha ou Agrahaïana ou Novembre, et à la constellation de Dhanous, ou l’Arc, ou le Sagittaire. Divakara, soumis à Ganéja, répond à Vulcain, et préside à Psoucha ou Décembre, et à la constellation de Makara, ou le Capricorne. Mitra, soumis à Indrani, répond à Junon, préside à Magha ou Janvier, et à la constellation de Khoumba, ou de l’Urne, ou du Verseau. Vichnou, soumis à Vichnou, répond à Neptune, préside à Falgouna, ou Février, et à la constellation de Matsia, ou Mina, ou les Poissons.
Pour compléter l’explication de ce qui se rattache au temps annuel, mensuel ou hebdomadaire chez les Indiens, nous allons donner les noms des dieux hindous, et des jours auxquels ils président. Ainsi Souria préside à Souriadiraça ou Aditiadinam ou dimanche ; Soma à Somadivaca, ou Somadinam ou lundi ; Mangala à Mangaladinam ou mardi ; Boudha à Boudhadinam ou mercredi ; Vibraspati à Vribaspatidinam ou jeudi ; Soukra à Ouçadivaça ou Soukradinam ou vendredi ; et Sana à Sanidinam ou samedi.
Brahmâ, l’on doit s’en souvenir, créa, en même temps que les Aditias, les Dévas ou Dévatas, ou Dévétas, ou Dewtahs, ou Dewtas, ou Dewrkerts, ou Souras, dieux et genies bienfaisans ayant bu de la divine liqueur, appelée Amrita, Dieux que les Indiens divisent en plusieurs catégories, savoir : 1° Brahm et Maïa, sa femme, ainsi que les trois membres de la Trimourti et leurs épouses ; 2° les huit Vaçous ; 3° les quatorze Menous avec les Mounis ; 4° les dix Brahmadikas ou Pradjahatis ; 5° les Richis, Dévarchis, Radjarchis ; 6° les deux Marouas, avec les dieux fils des membres de la Trimourti ; 7° les Kimaras, génies qui chantent les louanges de la forêt d’Alaca où ils font leur séjour ; 8° les Gimbourouders et les Iakchas, génies qui distribuent les richesses de la même forêt ; 9° les Chidlers ; 10° les Vitiaders ou Vitiadharas ; 11° les Garoudas ; 12° les Gandhervas et les Apsaras ; 13° les Pidourdéradégats ou gardiens des morts ; 14° les Roudras ; 15° les Tchoubdaras ou ouvriers célestes travaillant sous les ordres de Viconnaitra ; 16° les Pitris ; 17° les Genies ou Planètes. Cependant quelquefois aussi l’on applique par extension la dénomination de Devatas, jusqu’aux mauvais génies connus sous le nom générique d’Asvapna.
Quant aux Daitias, ou Açouras, ou Achouras, ce sont des génies malfaisans, presque tous enfans de Diti et de Kaciapa, et qui ne purent arriver à boire de l’Amrita. Quoique dieux très inférieurs, on les voit lutter contre les dieux supérieurs. On les représente sous la forme de serpens à deux pieds et souvent sous d’autres formes très-bizarres. Ils habitent les sept {p. 419}Patalas ou régions inférieures du monde. L'un d’eux et le plus connu est Sambara, daitia voluptueux qui importuna Rati, veuve de Kama, par ses assiduites. Un jour ayant su que Kama avait été réduit en cendres par Siva et qu’il devait renaître sous la forme de Pradioumua, il enlève le nouveau-né, le jette dans l’Océan, puis il force Rati à satisfaire sa passion brutale. Mais Pradioumua une fois revena au monde, et instruit de l’infâme conduite de Sambara, s’empare de lui et l’extermine de ses propres mains.
Après les Daitias, viennent les Danavas ou Danous, également mauvais génies, mais fils de Danaou et de Kalanémi : deux fois ils firent la guerre à Indra, et le saisirent dans sa céleste demeure ; la première fois, il fut délivré par Vichnou, et la seconde par les flèches de Douchmantara, Radja ou roi d’Hastinagara.
Si nous passons actuellement aux Raginis ou Raguinis, ou nymphes musicales de l’Inde, nous arrivons aux systèmes musicaux des Hindous. Leurs systèmes fondamentaux sont au nombre de quatre et sont attribués à Içouara, Bharata, Pavana et Kallinatha ; ensuite on trouve les sons qui ne dépassent point six ou sept, et sont soumis à Souara et les Ragas ou modes musicaux indéfinis, mais dont six furent primitivement distingués et même divinises ; ils s’appellent Bhairava, Malava, Sriraga, Hindola ou Vaçanta, Dipaka et Méhga. Quant aux Raginis, ce sont des Ragas, devenus systèmes musicaux dont les premiers, au nombre de quatre, portent les noms de Içouara, Bharata, Pavana Kallinatha. Ces Raginis, inventrices et rectrices de la musique, marchent et agissent légèrement en cadence ; leur vie est toute rhythmique et elles sont l’image toute divine des sciences ; l’une des nombreuses peintures allégoriques du système musical, chez les Indiens, peintures appelées Ragamana, montre une Ragini dansant sur la margelle d’un puits, d’où s’épanche une nappe d’eau surabondante ; elle porte un vina ou espèce de lyre dans sa main droite, une balance ayant deux urnes en guise de bassins dans la main gauche ; on voit à ses pieds l’Emyde ou carapace de tortue, qui servit de premier vina, et elle est suivie de quatre Raginis.
Après les nymphes musicales, Brahmâ fit apparaître le peuple des Gandharvas, ou musiciens à la tête desquels il faut placer Gandharva, espèce d’Apollon lyriste, ou dieu-soleil musicien, c’est le chef des Gandharvas ou musiciens de second ordre, qui remplirent de leurs voix harmonieuses toutes les sphères. C'est Gandharva qui reçoit des mains de Souaiambhouva, la fiancée, et la remet au dieu Aghin, ou dieu du feu, pour qu’il la sanctifie avant qu’elle arrive dans les bras de son époux.
Si maintenant nous suivons les divinités subalternes échelonnées après celles qui viennent de précéder, nous trouvons :
Aienar, ou Aiena Rapen, fils de la belle Mohani-Maïa, le dieu et protecteur du bon ordre, c’était lui qui surveillait la police du monde ; il présidait à la prospérité des biens de la terre, et quoique dieu bienfaisant, c’est celui auquel on a offert le plus long-temps des sacrifices sanglans ; on lui en sacrifie encore ; on immole sur ses autels des coqs et des chevreaux. Les autels qui lui sont dédiés sont toujours dans les campagnes, ainsi que ses chapelles toutes ornées de chevreaux en terre cuite.
Amogha, épouse de l’ermite Santanou : un jour qu’elle se trouvait seule dans la grotte de son époux, Brahmâ s’étant {p. 420}déguisé en mendiant sacré, se présenta à elle et chercha à la séduire, tant il la trouva belle ; Amogha repoussa avec indignation ses propositions, et le menaça de la vengeance de Brahmâ ; alors le dieu voyant qu’il ne pourrait la vaincre, se retira. Lorsque son époux fut de retour, elle lui raconta ce qui s’était passé ; il la loua beaucoup de sa chasteté, puis lui dit qu’elle aurait pu, sans souiller la foi conjugale, céder aux instances, car c’était Brahmâ. Par la suite, vaincue par les raisonnemens de son mari, elle se trouva enceinte et mit au monde un fils au milieu des eaux. Santanou plaça le nouveau-né sur le bord du lac, d’où surgit un fleuve que l’on nomma Brahmâpoutra.
Andjani, jeune fille hindoue, d’une beauté merveilleuse, était presque toujours plongée dans la contemplation. Vichnou, ayant répandu sur l’oreille de cette jeune beauté de la liqueur prolifique, la rendit mère du célèbre dieu-singe Hanouman.
Arddhanari, dieu hindou, est représenté avec les deux sexes ; c’est l’hermaphrodite des Indes, c’est l’emblème de la divinité avant qu’elle soit divinisée.
Arouna, cocher du soleil chez les Hindous. On le représente assis au centre des signes du zodiaque, environné d’un disque dentelé, d’où jaillissent huit rayons principaux, qui se dirigent sur les huit régions du monde. Arouna siége à la partie antérieure du char, et suivi de milliers de dieux et de génies bienfaisans qui chantent ses louanges. Il avait épousé Arouni, qui quelquefois conduisait le cheval à sept têtes, attelé au char du soleil.
Atri ou Atterien, fut célèbre par la pénitence qu’il fit sur le mont Trikoudam. Un jour, les dieux Brahmâ, Vichnou et Siva, accompagnés de leurs femmes et portés sur leur monture sacrée, lui apparurent dans tout l’éclat de leur gloire, et lui dirent qu’il était une partie d’eux-mêmes. Il épousa Anouçouéi, puis celle-ci mit au monde Tibatérien, qui jaillit de l’essence de Vichnou. Ensuite, elle devint mère de Dourouvacen, par l’opération de Siva ; enfin, Brahmâ s’incarna dans le sein de cette épouse, qui donna le jour à Tchandra, ou dieu-lune.
Boudha, génie de la planète Mercure, ne doit pas être confondu avec Boudha, chef du bouddhisme. Celui dont nous allons parler, était fils de Tara et de Tchandra, dieu de la lune, qui avait enlevé Tara à son époux Vrihaspati. Celui-ci, aidé de ses mais, battit Tchandra, ravisseur de son épouse et la ramena chez lui, mais sans vouloir lui faire partager sa couche, car elle était enceinte des œuvres du ravisseur. A peine Boudha fut-il au monde, que Vrihaspati, charmé de sa beauté, l’adopte et lui enseigne la science des dieux. Au bout d’une année, Soukra s’empare de l’enfant et l’initie à tous les mystères des Daïtias. Boudha fit dans cette science de si rapides progrès, que les Daïtias se plaignirent à Sounda, leur souverain, qui ordonna d’éloigner l’enfant, mais Soukra s’y opposa de toutes ses forces. Alors, un Daïtia abattit la tête de Boudha ; aussitôt Soukra le rappelle à la vie ; un autre met Boudha en lambeaux, mais Soukra le recompose ; une autre fois les Daïtias réunis, l’enveloppent et brulent son corps, Soukra le ressuscite. Les Daïtias, génies malfaisans, réduisent ses os en poudre impalpable, et la présente à Soukra dans un breuvage qu’il but ; mais, s’étant aperçu de la fraude, il anime dans son propre sein Boudha, lequel pourtant ne pouvait sortir sans briser l’enveloppe qui le contenait, et {p. 421}donner inévitablement la mort à Soukra. Celui-ci, vaincu par les pressantes sollicitations de sa fille, qui brûlait d’amour pour Boudha, consent à apprendre à cet embryon des formules mystérieuses, et assez puissantes pour rendre la vie à un mort, et puis se déchire le sein. A peine Boudha est-il sorti du sein de son maître, qu’il lui rend la vie qu’il avait perdue pour lui. Boudha, ayant connu ensuite qu’il était sorti d’une noble origine, refusa la main de la fille de Soukra. Cette vierge, indignée de ce refus, le maudit, et c’est par suite de cette malédiction que Boudha ne jouit pas de toute la gloire qu’il mériterait parmi les dieux, et qu’il a tout simplement été chargé de conduire la planète de Mercure, et de présider au mercredi.
Brouin, divinité suprême chez les Geogbis, secte des Banians, qui prohibe le mariage et s’oppose à tout rapport entre l’homme et la femme. C'est lui qui a créé le monde ; il est toute lumière et nul œil ne peut supporter sa vue ; aussi ne peut-il être représenté. Cependant, il s’est manifesté sur la terre, en s’incarnant sous les traits de Mecis, fervent serviteur de la divinité.
Cintra-Poutrin est un dieu de la mort, qui tient registre des actes des ames.
Daçaratha ou Daçaraden, Deçaraden, ou Açaraden, roi hindou, possesseur d’un vaste empire, habitait la ville d’Aïodhia, capitale de l’empire. Il était de la race des enfans de la lune. Il épousa trois femmes, Kéikéii, Soumatra et Kaoukaliâ, qui le rendirent père de quatre enfans : Bharata, Lakchman, Satroughna et Sri-Rama ou Vichnou. Il fut obligé d’exiler Rama, ce qui lui causa tant de peine qu’il en mourut de chagrin.
Darmadère, bœuf que l’on fait aux Indes Dieu de la vertu.
Dévagi, fille de Dévoga, épousa Vaçoudéva. Elle mit au monde six fils, un septième nommé Balarama fut transporté de son sein dans le sein de Rogani, sa suivante. Vichnou voulant s’incarner dans son sein et naître par elle, remplit Vaçoudeva des rayons de sa gloire, et le fit s’unir avec Dévagi, qui lors des embrassemens de son époux et au moment de concevoir, devint brillante comme la lune à son lever. Le géant Kansa, que Vichnou devait faire périr, instruit du sort qui le menaçait, s’empara des deux époux, pour empêcher que Vichnou ne vînt au monde ; mais, malgré tous ses efforts, Vichnou naquit, et les Dieux Brahmâ et Siva descendirent des cieux pour lui rendre hommage. Dévagi et son époux étaient désignés dans leur ensemble sous le nom de Démavati.
Dhanouantara, ou Danavandri, sage des premiers temps, se rendit célèbre dans la médecine, dont on le regarde comme le dieu. Ce fut lui qui se lança de la cime du mont Mérou, tenant dans ses mains un baril rempli de la divine liqueur nommée Amrita. Ce sage n’a point de temple particulier, mais il est honoré conjointement avec Vichnou, dont il est une des faces.
Dhata et Vidahta, jeunes filles qui habitent le Nagaloka, ou demeure des serpens. Elles sont assises près d’un métier et s’occupent à tisser des vêtemens avec des fils noirs et blancs, près d’elles se trouvent 1° Une roue à douze crans, que six jeunes gens font tourner ; 2° Pardjamia, dieu de la pluie, monté sur Agni, dieu du feu, qui a pris la forme d’un cheval. Les fils blancs et noirs sont le jour et la {p. 422}nuit, la roue est l’année Hindoue, divisée en six saisons.
Dourga, déesse hindoue, est l’emblème de la sagesse armée et invincible. C'est elle qui triomphe du terrible Mahéchaçoura, qui, après un combat de cent jours s’était emparée du trône céleste d’Indra. S'étant retirée dans les eaux du Gange, elle y reçoit les nombreux dévots qui chaque jour courent après la mort, en se jetant dans ce fleuve sacré.
Dourouvaça, ou Durvasas. Fils d’Atri et d’Ançucoui sa femme, fut un saint très-célèbre, dont le caractère irascible le rendit fameux dans la mythologie hindoue. Un jour qu’il rencontra Indra monté sur son éléphant, il lui offrit une couronne ; Indra l’accepta et fit monter Dourouvaça sur son éléphant, lequel s’étant emparé de la couronne avec sa trompe, la jeta à terre et la foula aux pieds. Alors Dourouvaça, furieux, proféra d’épouvantables malédictions contre le roi des Vaçous qui perdit bientôt le trône des cieux.
Drouva, était fils d’Outanavata et de Sounati : à l’âge de cinq ans, voyant un jour son père caresser Outama, fils de la seconde reine, courut à lui pour partager ses tendresses. Repoussé par son père, il fut se cacher dans un désert pour y mener une vie contemplative ; Naréda l’instruisit et au bout de six mois il acquit un pouvoir miraculeux : Vichnou lui apparut et lui dévoila l’avenir. Ensuite il retourna chez son père qui le reçut avec la plus grande joie, et lui céda la couronne. Son règne fut glorieux, paisible et brillant, et dura vingt-six mille ans. Après ce temps expiré, Vichnou lui envoya un char brillant d’or qui l’enleva dans les cieux avec sa mère Sounati, au grand regret de ses peuples dont il était l’idole.
Gaourd, déesse de l’abondance ; on célèbre avec beaucoup de pompe à Odéi les fêtes instituées en son honneur. Ses adorateurs portent de petites statues de cette déesse, formées d’une certaine terre sacrée, gardée par des prêtres. Les initiés à ses mystères sont presque toujours des femmes. Le jour de la récolte de l’orge qui a été ensemencé par les prêtres, les femmes vont chanter des hymnes autour du champ sacré, emportent des épis, et les attachent au turban de leurs maris. Ensuite vient la procession, on porte la statue de la déesse, dont la tête est ornée d’épis et de pierres précieuses, tenant à la main un lotos, emblème de l’abondance. On va vers le rivage, les initiés descendent dans des barques, et vont aux diverses chapelles, élevées en son honneur pour implorer ses faveurs.
Mrithyou porte aussi les noms de Yama, ou le dompteur des hommes, de Shraddadéva, ou le dieu des holocaustes funèbres, et de Lokapala, ou l’un des quatre gardiens du monde visible, placés aux points cardinaux. Mrithyou est donc le dieu des enfers ; c’est le fils de Vivasvat, autrement dit le soleil ; c’est lui qui installe parmi les dieux ancêtres ou Pitris les ames auxquelles il fait traverser la Vaitarani, ou fleuve Styx des enfers Indiens Comme Yama, il est le frère de Manou Vaivasvata ou premier homme, et alors il règne avec Bhârya, sa femme, sur le midi dans l’Inde meridionale, séjour des démons ; et là, il gouverne et juge les morts, tandis que son frère Manou est le Dharma-Radscha, ou le roi de la justice, et gouverne et juge les vivans, au nord de la terre, dans l’Inde septentrionale, séjour des Dieux.
Mrithyou a pour ministres les Amatias, et pour messagers les Doûtas.
{p. 423}Nikchouba ou Kchouba, une des femmes de Martanda ou le soleil, elle était fille de Viçouamitra chef des Tchoubdaras. Kchouba ne pouvant supporter les regards éblouissans de son époux, s’enfuit et ne laissa que son ombre dans le palais de Martanda. Celui-ci s’adresse alors au père de son épouse pour la retrouver, Viçouamitra lui dit qu’elle ne rentrera chez lui que lorsqu’il aura permis qu’on lui coupe ses rayons. Cette opération dura cent ans, après quoi Kchouba revint chez son époux.
Pra-Mogla, un des deux disciples de Samanakodom est célèbre par sa charité. Ce fut lui qui, voulant apaiser les souffrances des damnés, chercha à éteindre les flammes en renversant la terre et en enlevant tout ce qui brûle dans les enfers, mais il ne put y parvenir. On met dans les temples sa statue, derrière celle de Samanakodom.
Ratoc Laout-Kidoul, déesse adorée à Batavia, surtout par les chasseurs qui se réunissent tous les vendredis dans ses chapelles situées ordinairement sur les rochers, et y brûlent de l’encens en son honneur et croient par ce moyen être à l’abri de tout accident fâcheux, pendant la récolte des nids, leur chasse habituelle.
Salagramma, pierre fétiche que les hindous adorent comme un vrai Dieu, et qu’ils conservent comme la plus précieuse relique.
Tévétat, ennemi de Samanakodom ; son frère ne cessa pendant sa vie entière de le persécuter et de lui tendre des embûches. Il possédait toutes les sciences à un suprême degré. Voyant que son frère, malgré toutes ses ruses, était devenu dieu, il nia sa divinité et le défia de prouver par un prodige le haut rang où ses adorateurs le plaçaient. Aussitôt, on vit s’élever dans les airs un trône d’or, enrichi de pierreries, des anges descendirent des nues et chantèrent les louanges de Samanakodom. Alors Tévétat forma une coalition de tous les animaux contre lui ; ne pouvant le vaincre par la force, il eut recours au charme du langage, et forma un schisme qui divisa le monde en deux parts. Tévétat finit par être englouti dans une mer immense que fit sortir de sa chevelure mouillée l’ange qui préside à la terre en défendant Samanakodom ; ensuite, il fut précipité dans les enfers où il est crucifié, grillé et couronné d’épines.
Sous le nom de Radjahs, on révère dans l’Inde plusieurs rois divinisés ; quoique ce nom soit celui qui génériquement indique la qualification de roi. Voici quelques uns de ces Rois-Dieux :
Aritchaudren, Radjah Hindou, fils du soleil et célèbre par sa sagesse, sa fidélité dans les engagemens, et son horreur pour le mensonge. Il possédait la vertu à un si haut degré que la perte de ses états, de son fils qu’il chérissait, de sa liberté, ne purent lui faire pousser un seul murmure. On le représente comme une pierre plantée debout et toujours devant le Chodeleth, ou lieu où l’on brûle les morts. Là, on dépose le cadavre devant cette idole grossière, on enterre à ses pieds quelques monnaies de cuivre, un morceau de toile de lin, une poignée de riz ; ensuite un paria dit à Aritchaudren qu’ayant reçu le tribut, il ne peut plus s’opposer au passage du corps.
Devadi ou Debadi, Radjah de la race des Tchandrapoutes, était fils de Pradiba ; il se distingua par ses mortifications pendant le règne de Sandana, son frère. Il avait la puissance de rendre la jeunesse et la force aux vieillards, par le seul attouchement. Indra, jaloux de ce beau {p. 424}privilége, empêcha une seule goutte de pluie de tomber pendant douze ans dans l’empire. Les Brahmes consultés sur ce manque de pluie, répondirent que Sandana qui n’avait pas voulu partager l’empire avec son frère, en était cause. Le roi offrit alors à Devadi la moitié de ses états que celui-ci refusa. Ensuite la pluie vint, et tout fut oublié.
Eiadia, Radjah fils de Nagoucha, conquit une grande étendue de terrain, qu’il distribua à ses enfans. Lorsqu’il fut devenu vieux, voulant revenir à la jeunesse, il pria conjointement avec son épouse Souta le dieu Soukra de lui accorder cette faveur. Le Dieu lui dit que cela ne pouvait être que temporaire, et qu’il ne l’obtiendrait que quand il aurait trouvé quelqu’un qui se chargerait de ses années ; ses enfans refusèrent, sauf Pourouvouça. Charmé de cette marque d’amour filial, et après avoir joui un peu de temps de ce brillant privilége, Eiadia abdiqua en faveur de Pourouvouça, et se retira dans la solitude.
Gaoutama, Radjah hindou, avait épousé la belle Ahalia. Les Richis lui firent subir les persécutions les plus terribles, et pour le perdre, ils furent trouver Ganéça et le prièrent d’aller sous la forme d’une vache tourmenter Gaoutama. Celui-ci, impatienté des tracasseries de cette vache, la frappe ; aussitôt elle tombe morte ; mais Siva, instruit de cette perfidie, purifia Gaoutama dans les eaux du Gange.
Indratouima ou Indradoumena, Radjah hindou, s’étant livré un jour aux délices de l’amour dans un bain avec son épouse, sans avoir avant tout offert ses hommages à Pradjapati-Agastia, fut changé en éléphant. Étant sous cette forme, tous les éléphans femelles cherchèrent et réussirent à lui faire commettre des infidélités à son épouse ; puis il soutint une lutte contre un gavial énorme, et il aurait succombé si Vichnou ne lui fût apparu et ne lui eût rendu sa forme primitive. Les brahmes qui répètent chaque jour la légende d’Indratouima, obtiennent le pardon de leurs péchés.
Sagara, Radjah célèbre d’Aïodhia, fils de Bahou et de Kalindi, reconquit les états que son père avait perdus dans une guerre contre les Kchatriias, et mérita par son équité le surnom de juste. Il épousa deux femmes, l’une Kessini, dont il eut un fils nommé Açamania ; son autre femme fut Soumati, dont il eut soixante mille enfans. Il avait offert quatre vingt-dix-neuf fois le sacrifice du cheval et se préparait au centième, quand Vichnou s’empara de la victime ; aussitôt il enjoignit à tous ses enfans de retrouver le cheval ravi ; mais il mourut au bout de dix mille siècles, sans avoir retrouvé le coursier. Son fils Açouman lui succéda.
Vaçoudéva, Radjah, fils des enfans de la lune, succéda à son père Souraçéna et épousa Dévaki, sœur de Kansa. Celui-ci connaissant que sa sœur mettrait au monde un fils qui serait funeste à son oncle, voulut égorger Dévaki le jour même des noces, mais son époux la sauva. Le mariage eut lieu ; cependant ils furent obligés de vivre sous les yeux du tyran, qui ne manquait pas de mettre à mort tous les enfans mâles de sa sœur ; à la fin, ils sauvèrent Krichna qui naquit le huitième.
Vichnouisme. §
L'esprit de la secte des Vichnouïstes ou adorateurs de Vichnou, est le spiritualisme ; ils admettent surtout le principe du statu quo ; ils sont donc essentiellement conservateurs.
Vichnou, vulgairement Visnou, {p. 425}Vuichnou et Vichnu, prend aussi les noms de Danouantari, Naraiana ou poisson, Varaha, Naracingh, Vamana ou Trivikrama, Paraçou-Rama, Rama, Krichna, Bouddha, Kalki, Kapila, Sakha.
Vichnou est la deuxième personne de la Trimourti hindoue, c’est le conservateur de la création tirée du néant par Brahmâ, et destinée à être replongée par Siva dans ce même néant. Vichnou doit s’incarner dix fois : déjà neuf incarnations ou avatars ont eu lieu, et la dixième viendra pour mettre un terme à la sinistre époque dans laquelle nous vivons. Ces dix incarnations ont lieu de mille en mille années divines, ou de trois cent soixante en trois cent soixante mille années humaines, auxquelles il faut toujours ajouter à la fin de chaque iouga ou période d’incarnations, le crépuscule de la dernière période et l’aurore de celle qui commence, d’où il résulte que les quatre iougas se composent du total de quatre mille, trois mille, deux mille et mille années divines ; la première période contient quatre incarnations ou transformations toutes en divers animaux ; la seconde période en contient trois ; la troisième deux et la quatrième une.
La première incarnation ou Matsiâvataram eut lieu sous le septième Menou-Vaivaçouata, et eut pour objet de rendre aux hommes et aux Dévas, les quatre Védas, dérobés à Brahmâ pendant son sommeil par le robuste Rakchaça-Haïagriva. Vichnou apparut sous la forme d’un petit poisson, à Satiavrata, lui annonça un déluge universel et lui conseilla de construire un vaisseau pour se sauver ; puis il devint poisson cornu et gigantesque, tua Haïagriva, et devint le septième Menou, appelé Vaivaçouata.
La deuxième incarnation ou Kourmâvataram, eut lieu lorsque les dieux et les Daitias se réunirent pour composer l’amrita, liqueur divine, qui devait donner l’immortalité ainsi que l’empire et le pouvoir des deux mondes. Vichnou prit la forme d’une tortue pour soutenir le mont Mérou, qui s’enfonçait déjà dans la mer, et empêcher que la terre changeât de face et s’abimât sous les eaux. Alors, trois déesses sortirent des eaux, savoir : Saraswadi, déesse des sciences et de l’harmonie, que Brahmâ prit pour épouse. Lakchini, déesse des richesses qui, étant parue la première, échut à Vichnou, le sauveur du monde ; puis, Mondévi ou la déesse de la discorde, laide et verte, dont Siva fut obligé de se contenter ; alors, l’amrita fut recueillie dans un vase et offerte aux dieux par Dhanouantari.
La troisième incarnation Couvaraha, Vataram ou Addhivarahâvataram, eut lieu pour empêcher le géant Érouniakacha d’abîmer le monde une seconde fois, et Vichnou se métamorphosa en un sanglier nommé Varaha. Alors, il souleva la terre sur ses défenses et l’arracha une seconde fois au gouffre de Samoudra.
La quatrième eut lieu pour vaincre le géant Erouniakaciapa, dont l’orgueil sacrilége avait provoqué le courroux de Vichnou. Cette fois, il prit la forme d’un homme-lion, appelé Naracingh, car ce géant ne pouvait être vaincu ni par un dieu ni par un homme, ni par un animal ; il l’étrangla sur le seuil du palais.
Dans la cinquième incarnation, Vichnou prit la forme d’un simple nain ou Trivikrama, ou aux trois pas, sous le costume du Brahme Vamana ; alors, il demanda à l’impie Bali-Mahabali, puissant Açoura qui voulait dominer les dieux, la concession de trois pas de {p. 426}terrain. Cet Açoura ayant eu l’imprudence de les lui accorder, aussitôt Vichnou, dans ces trois pas, embrasse la terre, le ciel et l’enfer. A cette vue, Bali s’avoue vaincu et se contente de régner dans les enfers.
La sixième eut lieu pour punir l’insolence des Souriavansas, ou fils du soleil ; devint Brahme et guerrier, prit le nom de Paraçourama et de la hache qu’il portait il détruisit la caste impie des Kchatriias, ou descendans de Kchatriia, fils de Brahmâ. Vichnou comble en même temps de bienfaits les Brahmes et fait sortir du sein des flots les côtes de Malabar.
Dans la septième incarnation, il prit le nom de Rama, et conquit le Lanka, ou Ceilan, et defit le tyran Ravana.
Dans la huitième, sous la forme de Krichna, il defit Kansa, Djaraçandha, Douriodhana, fit la guerre aux Pandous et aux Kourous, puis arriva la mort de ce Krichna, auquel succéda Bouddha, neuvième incarnation de Vichnou, personnage qui fut par la suite isolé du Vichnouisme et élevé au-dessus de la Trimourti, comme le grand dieu des dieux, et reconnu pour Adhibouddha, Mahadéva, Souïambhouva et Bahgavan. Quoi qu’il en soit, les Vichnouïstes ne l’admettent qu’en qualité de neuvième incarnation, du reste, qui sera toute puissante jusqu’à l’arrivée de la dixième et dernière incarnation de Vichnou, laquelle alors doit décider l’époque de la destruction du monde, et terminer le Kaliiouga, ou âge noir de nos temps ; alors, il apparaîtra sous la forme menaçante du cheval exterminateur Kalki, et d’un coup de pied il réduira le globe en poudre.
Vichnou figure encore dans une foule d’aventures mythiques de la religion Vichnouite. Ainsi, on le voit, sous les traits du gros et éternel Kapila, voler le cheval de Sagara et pulvériser d’un mouvement de ses narines, les 60 mille fils d’une citrouille. C'est lui qui, sous la forme de la ravissante Mohanimaïa, enlève des mains des Açouras la fiole divine qui contient l’Amrita ; c’est lui qui rend infidèle la belle Andjani, épouse du géant Jalendra en faveur de Siva et lui fait concevoir par l’oreille le singe miraculeux Hanouman.
Vichnou eut pour épouse la belle Lakchmi ou Lakchini et Mohanimaïa, qui se transforma aussi sous les diverses incarnations de Sita, Radha et Roukmini ; transformations que nous trouverons dans quelques pages plus détaillées à l’article qui concernera spécialement Lakmi et Moudévi sa rivale.
On groupe aussi comme assesseurs ou adjoints à la divinité de ce couple, et on les révère autant que lui, Sécha, ou la vache sacrée ; Garoudha, ou l’aigle fantastique ; Kamadhénou, ou le serpent céleste ; Hanouman, Songriva, Indra, ou le singe divin, les autres Vaçous, et Dhanouantari.
Nous n’avons vu dans ces diverses transformations de Vichnou que le deuxième membre de la Trimourti hindoue ; cependant, le Vichnouisme considère ce Dieu d’une manière bien plus étendue. En effet, tantôt Vichnou s’abaisse, se sacrifie pour sauver la terre d’une perte certaine, et s’incarne comme membre de la Trimourti ; puis il joue le rôle de Souria ou soleil et même celui beaucoup plus humble encore d’Aditia ou soleil mensuel, car Indra, ce dieu Brahmaïte, par sa pureté, sa bienfaisance, son éclat, sa tendance vers les cieux, sa cour brillante de danses et retentissante de chants, est en réalité Vichnou, et Vichnou à l’état de Dieu secondaire. Mais, d’un autre côté, Vichnou abandonne souvent l’humilité de ces rôles, et on le voit s’élever quelquefois même à {p. 427}l’égal de Brahma. Alors, dit Creuser, il est le Dieu par excellence, le représentant de l’être invisible duquel il a reçu sa mission : Puissant, juste et miséricordieux comme lui, faisant grace à ses ennemis et n’exigeant de ses adorateurs que foi, amour, mépris de la terre et abnégation de soi-même ; alors, à lui seul, il fait les saints, et donne la mouki ou la béatitude éternelle ; car alors il est Nara-iana, Bhagavan et même Brham, résidant au centre des mondes et se constituant l’unité dans le tout. En effet, il se trouve le premier né de la création, le premier et le créateur des autres Dévas, celui qui flotta sur les eaux primitives ou mers de lait sous le nom de Naraiana, mollement étendu sur la feuille d’Açouata, ou sur le vaste serpent Adicécha, c’est-à-dire la durée primordiale, autrement appelée Ananta ou sans fin, dont les têtes innombrables forment au-dessus de sa tête un cintre vivant ; enfin Vichnou est ce personnage mystérieux, oscillant sur les eaux, et du nombril duquel part une tige de Padma ou Lotos, à pétales effleuris du centre, desquelles on voit surgir Brahmâ, tandis que Roudra ou Siva-Roudra naît d’une goutte de sang qui vient de tomber du front de ce grand Dieu.
On représente Vichnou debout, ou près de Lakchmi, qu’il enlace dans ses bras. Son teint est bleu et ses quatre mains tiennent tantôt le Padma, ou Lotos, tantôt le Sankha ou espèce de Buccin, ou le Sceptre du monde, et tantôt le Tchacra, ou roue flamboyante et dentelée ; ou l’Agnéiastram ou flèche de flammes semblable à la foudre, ou la massue des Ramas ; d’autres fois ses mains sont élevées et vides, répandant des bénédictions sur les mortels. Ses yeux ressemblent à des fleurs de lotos, son visage brille d’une éternelle jeunesse. Sur sa tête on voit une couronne à trois étages, et de riches vêtemens couvrent sa taille élégante. Au milieu de sa poitrine étincelle le magnifique diamant Kastrola ou Kaoustoubhamani, talisman dont les feux illuminent toutes choses. Il a choisi pour demeure le Vaikhounta, paradis sublime, situé à l’orient ; sa monture est tantôt l’épervier, ou l’aigle, ou le fantastique Caroudha, brillant assemblage de l’homme et de l’aigle ; tantôt Hanouman. La grande abeille bleue lui est consacrée. Son culte est répandu dans l’Inde tout entière, et ses temples les plus célèbres sont ceux de Djagannatha et de Tchillambaram.
Si nous revenons maintenant sur tout ce dont nous avons parlé dans le courant de l’article général de Vichnou, et si nous entrons dans de plus grands détails, nous trouvons :
Satiavrata, radjah serviteur de Naraïana, ou de l’esprit flottant sur les eaux. Un jour que ce bon Satiavrata faisait ses ablutions dans le fleuve Kritamala, il prit un petit poisson qu’il mit dans un bocal ; au bout de quelques heures le bocal fut trop petit ; ensuite il le plaça dans une cuve ; bientôt la cuve fut trop petite, et il en fut de même d’un étang, d’un lac, d’un fleuve ; il fut donc obligé de le livrer à l’Océan. Alors le dieu poisson se mit à parler, et lui dit : dans sept jours, pour punir Haïagriva, qui a dévoré les Védas, tout sera submergé, mais tu verras un grand vaisseau dans lequel tu entreras avec des couples de tous les animaux, et des graines de toutes les plantes. Au bout de sept jours la prédiction s’accomplit, et quand les eaux furent retirées, Satiavrata fut choisi pour septième Menou et prit le nom de Vivaçouata.
Mais passons aux personnages que Vichnou eut à combattre et aux principales {p. 428}transformations de ce dieu ; le premier des ennemis de Vichnou que nous apercevons, c’est :
Erouniakcha ou Hiraniakcha, fils de Raciapa ou l’Espace, et de Diti : s’étant rendu maître du globe terrestre, Erouniakcha le précipita dans la mer. Déjà ce globe commençait à s’enfoncer et allait être perdu, et Souaïambhou, et Satadroupi, premier des couples humains, allaient être submergés, quand Vichnou, d’après l’ordre de Brahmâ, prit la forme d’un sanglier, se présenta à Erouniakcha, le mit en pièces, et ramena la terre au-dessus des eaux.
Erounia, ou Erounia-Raciapa, ou Erunyacacyapa, ou Hirania, ou Hirania-caciapa, était fils de Kaciapa et de Diti son épouse. C'était une espèce de géant-Titan. Il se révolta contre Vichnou, pour venger son frère Erouniakcha. Erounia dans l’origine était tellement dévot qu’il mérita d’obtenir des Dieux la faveur de n’être tué, ni par les Dieux eux-mêmes, ni par les hommes. Fier de ces prérogatives, il osa donc insulter Vichnou ; aussitôt ce Dieu prend la forme d’un homme-lion, se saisit de lui et l’immole sur le seuil de son palais, au crépuscule, car il ne pouvait être tué, ni pendant la nuit, ni pendant le jour.
Bali-Mahabali, ou Bali, était également un géant terrible ; il avait obtenu la souveraineté des trois mondes, ce qui le rendit tellement arrogant, qu’il se regardait comme supérieur aux Dieux. Cependant Vichnou, fatigué de cette arrogance, prit la forme du Brahme-Nain, Vamana, se présente à Bali et lui demande trois pas de terrain ; Mahabali sourit et les lui accorde ; aussitôt Vamana développe ses jambes immenses, mesure d’un pas la terre, de l’autre le ciel, et du troisième va embrasser les enfers. Alors Mahabili reconnaissant son infériorité, le reconnut pour son maître et l’adora ; et Vichnou, pour le récompenser de cette soumission, quoique tardive, lui laissa la souveraineté des enfers.
Quant à Rama, septième incarnation de Vichnou, il était fils de Daçaratha, roi d’Aïodhia, et de la belle Raouçalia, celle de ses femmes qu’il affectionnait le plus. Pourtant avec Soumatra, sa seconde femme, Daçaratha eut deux jumeaux, savoir : Lakchmana et Satroukna, et de la troisième, il eut Kéi-Keii ; mais de ces quatre fils, Rama fut le plus célèbre. Cependant, Vichnou ne s’incarna pas sans peine, car Ravana son ennemi, ayant appris ce projet d’incarnation, enleva Kaouçalia, pour la plonger dans l’Océan, mais Vichnou la sauva par miracle, et il put s’incarner. Une fois transformé, il eut pour instituteur le vénérable Vacichta, qui l’instruisit dans la connaissance des Védas ou livres divins et dans la morale. Rama y fit de prompts et de grands progrès ; pourtant Ravana n’abandonnant pas son projet de destruction, fit sortir de son front un serpent qui s’empara de Rama et allait le dévorer, quand l’aigle Garoudha arrivant à propos le mit en pièces. Pendant l’enfance de Rama, le célèbre corbeau Kaka-Bhouconda ou Brahmâ le servit sans relâche et fit passer dans les yeux du jeune enfant le fluide resplendissant qu’il lançait. Rama, arrivé à la puberté, suivit, malgré son père, le célèbre Brahmane Viçouamitra dans un long voyage, se perfectionna dans les sciences, et surtout dans l’art de la guerre où plus tard il se distingua : il tua d’abord un grand nombre de géans, et de plus le démon femelle Taraka, Souvahou et Maricha, officiers du despote Chingulais, puis il rentra victorieux {p. 429}à Lanka. Il délivra aussi Viçouamitra des Açouras et le suivit à la cour de Djanaka ; bientôt Sita, fille de ce roi, ayant été promise au plus adroit et au plus vigoureux, devint l’épouse de Rama, qui l’ayant emporté sur ses nombreux concurrens, conduisit cette belle et jeune épouse au palais de ses pères. Alors Daçaratha voulut lui donner l’empire, mais la reine Bharata voyant dans cet acte un passe-droit contraire aux intérêts de son fils Kéi-Keii, exige du roi l’exil de Rama, au nom d’un serment qu’il lui a fait d’accomplir la première grace qu’elle demanderait ; Daçaratha fut donc obligé d’exiler son fils pour douze ans. Rama se retira dans l’immense forêt de Dandaka suivi de son frère Lakchmana. Là, il extermina les géans qui infestaient les bois. Après avoir subi le temps de son exil, il revint à Aïodhia, refusa le trône et continua à poursuivre les Daitias jusque dans le Dekhan. Alors, Smourianaka, sœur de Ravana, devint amoureuse de Rama, mais celui-ci dédaigna ses vœux ; pour se venger, cette princesse irritée de son refus fit enlever Sita son épouse ; en vain Rama fit-il ses efforts pour la reconquérir, il lui fallut bien des années et même il ne put y parvenir qu’après de nombreux et de sanglans combats. Cette victoire remportée sur l’Açoura impie, que nul Dieu ne pouvait vaincre, Rama n’ayant plus rien à faire sur la terre, bâtit un temple sur la rive de l’Hanoumanou, en l’honneur de Siva, et remonta avec sa chaste épouse dans le Vaikounta, sa céleste demeure d’où il veille avec la belle Sita au bonheur des hommes.
Ce Ravana son ennemi était, ainsi que son frère Koumbhakarna, un célèbre géant ; Ravana avait dix têtes, et Koumbhakarna était toujours dévoré d’une faim insatiable. Dans leur audace, ils osèrent attaquer les cieux, mais Indra les repoussa. Ravana, honteux, se jeta dans les pénitences les plus rigoureuses, et consacra à Siva cent ans de son existence, ses dix têtes et dix mains. Siva les lui rendit et lui donna le privilége de n’être tué qu’après qu’il aurait perdu un million de têtes. Alors il reprit le cours de ses déprédations et de ses crimes, puis ayant su que Vichnou voulait s’incarner dans le sein de Kaouçalia, épouse de Daçaratha, pour triompher de lui sous la forme de son propre frère Koumbhakarna, il enleva cette reine et voulut la noyer ; mais Vichnou, on le sait, l’arracha de ses mains, s’incarna sous les traits de Rama, et précipita Ravana dans les enfers. Quant à Koumbhakarna, il dévora dès sa naissance cinq cents Apsaras, plus cent femmes de Mounis et un grand nombre de vaches et de Brahmes. A cette vue, Brahmâ le menaça de l’anéantir s’il continuait à dévorer ainsi tout ce qu’il rencontrait. Alors, Koumbhakarna se soumit et promit de ne plus rien dévorer pendant dix mille ans, promesse, disent les hindous, qu’il continue toujours à tenir.
Smourianaka ou Chmourianaka, était sœur de Ravana et gouvernait le Djanathana à la place de son père. Rama, poursuivant les Daïtias, arriva dans cette contrée ; aussitôt la reine s’éprit d’un amour brûlant pour le héros, et chercha par tous les moyens à lui faire partager ses feux ; mais Rama fut insensible à ses vœux et resta fidèle à son épouse Sita. Alors Smourianaka furieuse de cette insensibilité, jura de s’en venger sur celle qui en était cause. Elle fut donc trouver son frère Ravana, et, d’accord avec lui, ils enlevèrent Sita, et l’emprisonnèrent dans Lanka, capitale de la contrée, dont le {p. 430}gouvernement avait été usurpé par Ravana.
Krichna, huitième incarnation de Vichnou, naquit à Mathoura, de Vaçoudéva et de la belle Dévaki, de la race des Iadous. Cependant Kansa, frère de cette dernière, ayant appris de l’oracle qu’elle mettrait au monde un fils qui lui enlèverait la couronne et la vie, avait soin, lors de ses accouchemens, d’égorger ses enfans mâles. Déjà, il en avait égorgé sept. Enfin Vichnou vint au jour, mais de cette fois sa mère s’y prit si bien, qu’elle le déroba à la fureur de Kansa. Plus tard, il voulut le faire mourir, en l’enveloppant dans un massacre général des enfans en bas âge par les Daïtias ; pourtant cette cruauté n’eut pas les résultats que Kansa pouvait en attendre ; car, Krichna, quoique enfant, tua les Daïtias qui venaient pour exécuter les ordres de Kansa, son oncle. Malgré cette véritable victoire, Dévaki, craignant avec raison pour son enfant, le confia au roi pasteur Nanda et à son épouse Iachoda, qui l’emportèrent à Nandagrama, leur patrie. Là, les femmes des Daïtias, dont le lait corrompu n’était qu’un poison mortel, voulurent se venger de la mort de leurs époux, et s’offrirent à cet effet pour nourrir l’enfant ; mais, Krichna qui découvre leurs intentions, suce sans les avaler quelques gouttes de ce lait ; puis, entamant avec ses dents le sein de l’une de ces nourrices, il fait extravaser de ses veines ce terrible poison qui la tue à l’instant. Kansa envoya ensuite le serpent Kalinaga contre Krichna qui le tue également. Malgré les persécutions incessantes de Kansa, Krichna grandit et se fit admirer et aimer par ses prodiges et par sa beauté ; car pour lui, c’était un jeu d’immoler les plus robustes géans, de remuer du bout doigt les monts les plus élevés, de danser sur la tête de Kalinaja, et d’enchanter aux sons de la flûte qu’il avait inventée les hyènes et les chakals ; aussi les ravissantes bergères de Gokoulam, spectatrices de ces miracles, soupirèrent pour lui ; tous leurs rêves étaient pour lui, leur amour fut même si loin à la fin, qu’avec la permission de Bhavani, épouse de Siva, elles trahissent leurs maris en faveur de Krichna, qui, pourtant, les abandonna bientôt et retourna à Mathoura, où il fut reçu par Kansa avec des marques de bienveillance ; mais cet oncle perfide ne tarda pas à lui susciter de terribles et nombreux ennemis, que Krichna vainquit sans difficultés. Enfin, pour terminer cette guerre, il s’arma contre Kansa lui-même, et s’empara du trône pendant que son frère Bala-Rama immola tous les parens de Kansa.
Après un autre combat long et terrible contre Dantavaktra, Djaraçandha et Sichoupala aux cinq têtes, deuxième incarnation d’Hiraniakcha, Krichna épousa Roukmini, qui le rendit père de plusieurs enfans, parmi lesquels on remarque Praidoumna. Mais, tandis qu’il se livre aux délices de l’amour, la famille de Bharata, dans laquelle ce dieu a pris naissance, réclame son intervention, car Douriodhana, chef des Kourous, ou branche aînée des enfans d’Iadou, s’étant emparé de l’autorité, exerçait les plus affreuses persécutions contre les Pandous, ou branche cadette. Alors ces Pandous proscrits et livrés à l’indigence, se mirent à errer en invoquant la vengeance. Ce cri entendu de Krichna, ce dieu accourut à leurs secours et prit pour compagnon Ardjouna, l’un d’eux. Dès ce moment, le courage des Pandous est ranimé, et la grande guerre éclate au sein de MahaBharata, ou la grande Inde : Douriodhana, vulnérable seulement {p. 431}à la cuisse, tombe écrasé sous la massue de Bhima, l’aîné des Pandous ; alors, Iouddhichthira, l’un de ces Pandous, prend possession des états de son père, et Krichna, après s’être couvert de gloire, remonte dans les cieux porté sur un nuage lumineux ; mais d’autres disent qu’il expira cloué par une flèche perfide sur un arbre, du haut duquel il prédit les malheurs de l’âge noir, malheurs qui commencèrent à peser sur les Hindous, trente-six ans après la mort de Krichna.
On le représente enfant, ayant une main et deux pieds à terre ; tantôt il est dansant, tantôt méditant, tantôt cumulant les attributs de l’être suprême. Il est inutile de faire sentir les rapprochemens de Krichna avec plusieurs dieux gréco-romains. Chacun facilement reconnaîtra dans ce personnage Apollon-pasteur, Apollon-Python, Bacchus, Hercule et Jupiter, et l’on est même frappé de plusieurs analogies qui le rapprochent du Christ, dont l’histoire, du reste, fut très-bien connue par les Hindous dès les premiers siècles du christianisme ; aussi, est-il possible que leurs prêtres aient modifié la fable et les légendes de leurs antiques dieux, d’après les évangiles qu’ils venaient de recevoir. Quoi qu’il en soit, l’on ne peut nier l’ancienneté de la création fabuleuse de Krichna, ni les guerres qui ensanglantèrent l’Inde au sujet du Vichnou-Krichnaïsme et du Sivaisme. Les Grecs mêmes eurent connaissance de ces discussions religieuses. Mais terminons ce que nous voulions dire sur cette grande incarnation de Vichnou, et passons aux détails qui s’y rattachent.
Maintenant, pour éclaircir cette guerre des Pandous, il est bon de savoir que Iaiati mit au monde Iadou, le Sivaïte et aïeul de la dynastie solaire ; plus Kourou le Vichnouïte et aïeul de la dynastie lunaire, père de Santanou qui, avec Ganga eut Bhichama, et avec une seconde femme, devint père de Vichitraviria, lequel laissa trois fils, Dhritachtra l’aveugle, Vidoura et Pandou, héritier du trône, mais qu’il fut obligé de défendre contre ses cousins, les Kourous.
Ces Pandous dont nous venons de parler, et qui formaient la célèbre race de Kchatriias, tirent donc leur nom de Pandou, fils de Vichitraviria, époux de Madri, incarnation de Lakchmi, et mari également de Kounti, sœur de Vaçoudéva. Pandou eut cinq enfans, que l’on nomme Pandous, savoir : Bhima, Ardjouna, Iouddhichthira, Nakoula et Sahadéva. Ces cinq frères eurent aussi à soutenir une lutte très-longue avec les Kourous, leurs cousins, qui les forcèrent à s’exiler. Krichna, indigné de la victoire des Kourous, marcha vers Hastinapoura, siége de l’empire des Kourous, et dit à Douriodhana qu’il se présentait comme vengeur des Pandous. Aussitôt la guerre de se déclarer, et la victoire de couronner les efforts de Krichna et des cinq Pandous dans les plaines de Kouroukchatra ; puis, les cinq frères se réunirent et firent un sacrifice solennel à la grande Bhavani, et Iouddhichthira leur frère est déclaré roi.
Kalki, dont nous avons dit un mot, sera la dixième incarnation de Vichnou ; alors il apparaîtra brillant, d’une blancheur sans égale, sous l’attitude d’un cheval lancé au galop, dont trois pieds seulement poseront sur la terre ; le quatrième sera levé pour la vengeance. Dès qu’il le laissera tomber sur la terre, les pécheurs seront précipités dans l’abîme, la terre sera réduite en cendres, et la tortue qui soutient le globe se précipitera dans la mer, laquelle roulera {p. 432}elle-même dans le vide, et opérera l’annihilation complète du monde.
Hanouman, ou Hanoumanou ou Annouma, ou Pavana ou Marouta, ou roi des vents, ou vaïou, ou air pur. Cet hanouman était un dieu-singe. Il fut ministre de Sougriva, roi des singes, et marcha conjointement avec lui contre Ravana, roi usurpateur de Lanka ; il se distingua beaucoup sur le champ de bataille. Avant la victoire, il se mit aux genoux de Rama, qu’il venait secourir, et l’adora ; ensuite, il se mit à la queue des matières inflammables, et fut mettre le feu à la capitale de Lanka. On le regarde comme l’inventeur du troisième système de musique chez les Indiens. On le représente à la tête des singes bâtissant un pont de rochers qui devait les conduire à Lanka. Quand on le représente seul, il a ordinairement un éventail à la main ou une lyre. Il est quelquefois moitié homme et moitié singe ; il a une chapelle dans toutes les pagodes de Vichnou.
Nanda était un célèbre roi pasteur, ayant pour épouse Iachoda. Lorsque celle-ci mit au monde une fille, incarnation de Kali, les deux époux la changèrent contre le jeune Krichna qui venait de naître de Dévaki et de Vaçoudéva ; mais Kansa, auquel les enfans de Dévaki portaient ombrage, ayant voulu immoler cette jeune fille, Kali l’en empêcha. Nanda emmena Krichna dans son domaine, où son épouse le nourrit de son lait.
Quant à Kapila, dont Vichnou prit la figure pour voler le cheval destiné à être sacrifié par Sagara, c’est un vieillard sage, une émanation de Vichnou, un être éternel, infini. Kapila habite le centre du globe. C'est là que les soixante mille Ikchvakavas le trouvèrent absorbé dans une profonde méditation, auprès du beau coursier ; ils le frappèrent et l’injurièrent ; à la fin le vieillard ramené violemment sur la terre les foudroya d’un seul regard.
Satiadjit, adorateur du soleil, était d’une telle piété, que le Dieu lui donna en récompense une escarboucle magnifique. Krichna lui demanda cette pierre précieuse, mais il ne voulut pas la lui donner et la confia à son frère Praçana qui la mit dans les plis de son turban, puis s’en fut à la chasse et ne revint plus. Satiadjit alors accusa Krichna de la lui avoir dérobée ; celui-ci, pour se laver de ce soupçon, parcourt aussitôt avec Satiadjit les bois où était Praçana, retrouve l’escarboucle et la remet à Satiadjit qui, voulant le remercier de ce bienfait, lui donne sa fille Satiabhama pour épouse. Plus tard il mourut assassiné.
Si nous passons aux huit épouses ou amantes de Vichnou, la première qui se présente à nous, c’est :
Lakchmi, appelée aussi Sri ou la fortunée et mère du monde ; Kamala ou Padma, ou la fleur de lotos ; Padmalaia ou l’habitante du lotos ; Louki ou Lokadjanitri ou Lokamata, ou la terre ; Gaouri ou l’abondante ; Mohani-Maïa, ou la ravissante.
Latchmi, ou Lackchini, ainsi que Moudévi, sa rivale, naquit des flots de l’Océan lacté, battus, par les Dieux et les Daitias, réunis pour en extraire l’Amrita ; c’est la plus aimée des femmes de Vichnou. Le Manglier et le Lotos lui sont consacrés ; elle habite dans la gueule des vaches, et elle porte des mamelles remplies de lait avec une corde nouée à son bras. Son culte est lié à celui de Vichnou, et tous deux reçoivent les honneurs en commun ; on leur offre du riz et du lait. On la représente, la poitrine nue, la tête coiffée d’une mitre et la main chargée d’un lotos. Elle tient quelquefois un enfant {p. 433}dans ses bras et lui donne ses mamelles ; elle a aussi près d’elle un sac ouvert et semble verser sur la terre les richesses et l’abondance, comme une semence féconde, semblable en beaucoup de points à Cybèle, à Isis, à Vesta, et surtout à Vénus. Elle forme avec Saraçouati, femme de Brahmâ, et avec Bhavani, femme de Siva, une véritable Trimourti femelle, quoique pourtant l’on puisse la regarder aussi comme l’une des Matris-Saktis, ou émanation de Bavhani.
Moudévi, ou Sakti, ou Kali, ou la noire, ou Rondrani, ou la mère des larmes, seconde femme de Vichnou, et rivale de Lakchmi, est une déesse noire et funeste produisant la discorde et la misère ; elle défertilise les terres et dessèche les ames. Elle est la personnification de l’infortune, des rêves, du froid, de l’inertie et de la stérilité ; enfin c’est la mort. On la représente de couleur verte ; sa monture est l’âne ; sa main porte une bannière au milieu de laquelle un corbeau étend ses ailes sinistres. Cette glaçante déesse ne trouva point d’époux parmi les dieux ; cependant à la fin, dit-on, Vichnou s’en charga dans l’espoir d’améliorer son caractère, mais il perdit son temps, et toujours elle resta l’ennemie irréconciliable de sa rivale Lakchmi, et de tout ce qui est bon et beau, laborieux et productif sur la terre comme aux cieux. Aussi finit-elle par tomber dans les bras de Siva, qui fut obligé d’en faire une de ses femmes.
Les amantes de Vichnou, que l’on nomme Sita, Radha, Satiabhama Roukmini, paraissent de simples incarnations de Lakchmi ; car sous les formes de Sita, elle s’unit à Rama, et le rend père de Koucha, auquel il abandonne l’empire, et sous celles de Radha, c’est une de ces belles Gopis ou laitières, qui se laissèrent fléchir par le jeune Krichna.
Kouki ou Loki, déesse des graines et de l’abondance, est aussi une des formes de Lakchmi. On la représente entourée ou couronnée d’épis, et pressant aux pieds la racine d’une plante chargée de fruits qui passe par ses deux mains. On célèbre tous les ans deux grandes fêtes en son honneur.
Quant à Satiabhama, elle était fille de Satiadjit, et fut une des huit épouses ou amantes favorites de Vichnou-Krichna, dont elle disputait le cœur à Roukmini. Ce fut elle qui poussa son époux à combattre Indra pour lui enlever l’arbre de la sagesse, et qui lui fit prendre les armes contre les parens de Roukmini. Accompagnée du fils de Dévaki, elle fit le tour de l’Inde, de la terre et des cieux. Elle fut cause de la guerre dans laquelle le géant aux cinq têtes périt. Bhoumi ou la Terre éplorée, s’étant jetée à ses genoux en lui donnant un collier de pierreries, la pria d’intercéder auprès de Krichna, pour le fils de Bhoumaçoura, afin de lui faire obtenir le trône, dont son père avait été dépouillé en perdant la vie ; ce qu’elle fit et obtint.
De ces divers mariages ou alliances de Vichnou, il résulta plusieurs enfans, mais nous ne citerons que :
Pradioumna, fils de Krichna et de Roukmini, est aussi Kama, lorsqu’il fut réduit en cendres par Siva, irrite d’avoir été blessé de la flèche qui fait aimer. Sambara, terrible fils de la Terre, épris des charmes de Rati, veuve de Kama, jeta Pradioumna dans l’Océan ; bientôt un poisson l’avala ; mais ce poisson ayant été pêché, il fut offert à Rati qui l’ouvrit et découvrit l’enfant, l’éleva, et lui enseigna les moyens de triompher de Sambara ; {p. 434}alors, Pradioumna en vint à bout, puis il s’éleva au milieu des airs.
Dans le cours de cet article de Vichnou, il a été souvent question d’un aigle et d’un serpent.
Garoudha était le nom de cet oiseau : il porte Vichnou, son corps est celui d’un aigle, et sa tête celle d’un jeune homme ; son cou est orné d’un collier blanc. Aditi sa mère, et épouse de Kaciapa, devint enceinte de deux œufs. Impatiente de s’en débarrasser, elle en brisa un, et l’autre qui contenait Garoudha, ne vint à son terme que plusieurs siècles après. A peine fut-il né qu’il protégea sa mère contre les géans funestes, et lui apporta l’Amrita ou liqueur qui donne l’immortalité.
Quant au grand serpent mythologique des Hindous, il se nomme Adicecha, ou Adicéchen, Sécha, Ananta, Anarden, Vacoudji et Sarparadja, ou le roi des serpens. Il n’avait dans le principe que cinq têtes, dont deux formaient l’oreiller de Vichnou, deux autres supportaient ses mains, et la cinquième lui servait de siége. Plus tard, il lui vint une sixième tête : aussitôt Vichnou pose sur cette nouvelle tête une nouvelle main ; bientôt l’un et l’autre se multiplièrent jusqu’à mille, nombre auquel ils finirent par s’arrêter. Lors de la création du monde, les dieux, alors simples mortels, résolurent de faire une liqueur qui les rendît immortels, Adicéchen leur aida dans ce travail en portant le mont Mérou dans la mer de lait, et en le forçant par la pression de ses robustes anneaux à laisser tomber ses arbres, ses fleurs, ses fruits dans la mer, dont les eaux combinées avec leurs sucs précieux formèrent la divine Amrita. On représente Adicecha, tantôt prêtant une de ses têtes pour oreiller à Vichnou, tantôt ombrageant le chevet de ce Dieu, avec sept ou huit de ses têtes.
En parlant de Vichnou, il a encore été question de plusieurs divinités ou même de choses divines et réservées aux dieux ; ainsi tels sont :
L'Amrita, ou breuvage d’immortalité. Les Dieux qui, avant la confection de ce breuvage divin, étaient mortels dans l’origine, devinrent immortels, après en avoir bu. Pour composer cette divine liqueur, les Dieux transportèrent l’immense mont Merou jusque sur les bords de la mer de lait ; puis Vichnou - Maraiana le posa sur la tête de Garoudha, son oiseau chéri, qui le porta au milieu de la mer : alors, le serpent Adicécha le força, comme nous le savons, à se dépouiller de ses sucs précieux, lesquels, combinés avec les flots lactés, formèrent la divine liqueur nommée Amrita ou Ambrosie.
Assonasa, ou arbre de Dieu, ou Ficus religiosa, est un arbre fétiche, supposé avoir été envoyé du Nil par les Dieux pour abriter Vichnou-Tortue ou Bouddha, suivant les Thibetains.
Darra, herbe fétiche de la famille des boraginées, est une relique d’autant plus précieuse que les Indiens la croyent née de quelques poils de Vichnou Tortue.
Foulocky, plante fétiche de l’espèce des basilics, est regardée dans l’Inde comme l’épouse de Vichnou ; aussi, ses vertus conservatrices sont immenses, et l’offrir à Vichnou dans le mois de Cartica ou de Novembre, c’est lui faire un sacrifice préférable à cent mille vaches.
Dharma, d’Harmaradjah, roi sage, issu du sang des Tchandrapontes, était fils de Pandou et de Koundi ; il était l’aîné des Paudavas qu’il conduisit contre les Kourous qu’il vainquit à l’aide de Vichnou. Il avait épousé Gavarata ou Drovati, qui le {p. 435}rendit père de deux fils, Davaga et Vima.
Indradhioumna, roi d’Outkala, bâtit un temple à Krichna et d’après ses ordres : à la cérémonie de l’inauguration de ce temple, tous les Dieux furent invités et conduits auprès du roi par Brahmâ. Le lieu où fut bâti le temple se nomma Djagannâtha et, bientôt on y bâtit une ville du même nom, fréquentée par un grand nombre de pélerins qui s’y rendent de toutes parts, et dont la richesse des cadeaux est immense. On le représente de couleur bleue.
Maga, fils du soleil, habitait une région mystérieuse dans le pays des Saces. Samba, puissant dans l’Iambou, ayant été guéri par le soleil, il voulut par reconnaissance lui dédier une statue d’or, qu’il avait fait exécuter en son honneur, il fut donc chercher Maga, l’enleva sur l’aigle blanc de Vichnou, et le déposa dans Sambapoura. Là, Maga consacra la statue du soleil, et reçut en récompense la ville de Sambapoura, avec de grandes richesses.
Moutchou-Kountha, Radja de la dynastie des Souriavansi, aida les dieux à combattre les Daitias. Les Dieux lui donnèrent en récompense le privilége de dormir jusqu’à la venue de Krichna.
Rahou et Kétou, Açouras qui seuls aient pu goûter de l’Amrita. Vichnou, averti de cela par la lune et le soleil, au moment où la divine liqueur n’avait encore mouillé que les lèvres de Rahou, le décapita. Son corps resta sur la terre, mais sa tête s’éleva dans les cieux, où elle fait partie de la tête du dragon ; et là, se ressouvenant toujours de la délation du soleil et de la lune, il cherche à les dévorer ; aussi, c’est alors qu’il fait un nouvel effort qu’une éclipse se déclare.
Quoique le Sivaïsme ou l’adoration spéciale de Siva remonte à une haute antiquité dans l’Inde, et que le Vichnouisme ait même pris naissance bien après lui, cependant nous avons placé le Sivaïsme le dernier parce que dans la Trimourti hindoue, Siva est le troisième personnage, et surtout parce qu’il fut, comme on l’a vu, vaincu par Brahmâ et par Krichna. Du reste, le Sivaïsme est un panthéisme aux formes flamboyantes, colossales et sanglantes. Siva, comme Dieu feu, est l’esprit vital du monde ; alors il donne la vie aux uns, et détruit les autres ; tel est véritablement le fond de la croyance du Sivaïsme. Mais voyons les fables dont les Indiens ont entouré le dieu de cette secte importante, ou du moins le troisième personnage de la Trinité Indienne.
Siva, ou le grand dieu du Sivaïsme, porte les noms suivans : Baghis, ou le bienfaisant ; Bhava, ou qui fait exister Bhima, ou le terrible ; Bouddécha, ou le seigneur des sages ; Choulis, ou armé du trident ; Divanicha, ou le dieu des montagnes ; Gangadhara, ou portant le gange sur la tête ; Hara, ou le destructeur ; Ica ou Icha, ou le seigneur ; Içouara, ou le grand dieu phallique ; Kalabri, ou aux cheveux hérissés ; Mahadéva, ou le grand dieu ; Mahéça et Mahéçouara, ou le grand seigneur ; Mahioudjeia, ou le vainqueur de la mort ; Madha, ou le guerrier ; Nilakantha, ou qui avale le poison ; Ougra, ou l’horrible ; Ourchadradja, ou le producteur de pluie et d’orage ; Pachouvati, ou le mari de la vache ; Rhoudra, ou qui fait pleurer ; Sivalingha, ou le dieu phallique ; Tchandradhara, ou qui porte la lune sur la tête ; Trilotchana, ou le dieu aux trois yeux ; Tripourandaga, ou l’habitant des trois villes : le ciel, la terre et l’enfer ; Vamadeva, ou le dieu {p. 436}nain ; Viroubakcha, ou aux yeux hideux ; Vioma-Gécha, ou le seigneur du ciel.
Siva est la troisième personne de la trinité hindoue. On considère vulgairement ce dieu comme le destructeur, et par conséquent comme l’ennemi de Brahmâ le créateur, et de Vichnou le conservateur. Cependant, la destruction chez Siva n’est pas une annihilation complète, car cette destruction n’attaque réellement, ainsi que les formes l’objet détruit par Siva, change de forme et n’en existe pas moins sous une autre. Siva, par conséquent, tout destructeur qu’il est, n’en est pas moins producteur, mais producteur seulement de nouvelles formes ; il est donc le grand modificateur de l’univers, c’est la divinité vue du mauvais côté, le mauvais génie environné de tous les vices : voluptueux jusqu’à l’excès, il veut jouir de toutes les femmes, et cependant il tue Cama, qui l’avait enflammé des feux les plus puissans pour Bhavani, devenue son épouse et dont il a deux enfans, l’un Ganéça, dieu de l’année, de l’intelligence et des nombres ; l’autre Skanda, dieu de la guerre. Pour engendrer Ganéça, il se métamorphosa en éléphant et prit la forme d’un coq pour engendrer Skanda. Parmi les autres femmes qui furent ses maîtresses, on compte Andjani et Anga. Siva eut encore deux enfans : l’un Veirava, né de sa respiration ; l’autre Virabhadra, résultat de sa sueur. Il habite ordinairement le mont Mérou, appelé aussi Mahamérou ; Soumérou, Kailaça, Alaïa ou Souralaïa, un des points les plus élevés des Himalaïa.
Siva s’est incarné plusieurs fois, mais ses plus célèbres incarnations sont celles connues sous les noms de Markandéia et de Kandopa. Puis on lui attribue d’autres incarnations moins bien fixées, telles que celles appelées Mahécha et Mahéchaçoura, et Koumbhakarna, Irania et Iraniakcka, Kouça, Djaraçandha et Siçoupala.
Autour de Siva, l’on groupe en outre Aghni, ou l’esprit du feu ; Moudévi, ou la discorde ou la guerre, ou la mauvaise fortune ; Sana, ou planète sinistre ; Manarçouani, ou le protecteur des mois, des saisons et de l’année et Içania.
On donne à Siva cinq têtes, quatre mains et trois yeux à sa tête principale. Il est porté sur le taureau Nandi ; il tient d’une main le trident, de l’autre le Padma ; l’eau céleste tombe sur son front couvert de cheveux épais. Quand on le représente comme dieu du mal, on lui donne des dents aiguës ; alors le feu sort de sa bouche béante ; sur sa tête enflammée est un diadême formé de crânes humains ; son corps est ceint de serpens, ses mains sont armées de l’épée et de la flamme ; le tigre remplace le taureau ; enfin son corps est d’un blanc cendreux. Si nous voulons connaître l’entourage de Siva, commençons par étudier ses femmes et maîtresses ; la première se nomme Bhavani ou Parvati, ou la reine des monts ; Anjani, Anga, Moudévi ; Pakriti, ou la parfaite, ou, autrement dit, la femme ; Ardvisour, ou l’irrigation primitive ; Asadevi, ou Bhavani la vierge ; Bhagavati, ou la sainte ; Chiva, ou la bonne ; Dévi ou la déesse ; Dourga, ou la guerrière ; Ganga, ou le Gange ; Haimavati, ou la maîtresse d’Himala ; Icouari, comme analogue féminin de Siva ; Kali, ou le temps-Siva féminisé ; Kartiaiani, ou la faiseuse ; Maheçouari, ou analogue féminin de Siva ; Ouma, ou la maîtresse ; Narasacti, ou la grande énergie ; Roudrani, ou qui fait pleurer, comme femme de Siva-Roudra ; Sacti, ou l’énergie ; Sarvamangalam, ou la félicité universelle.
{p. 437}Bhavani, ou Parvati, c’est-à-dire la reine des monts, figure auprès de Siva, comme nous avons vu Lakchmi ou Sri et Saraçouati figurer auprès de Vichnou et Brahmâ ; Bhavani est donc l’une des trois hautes déesses dont l’ensemble forme chez les Indiens une véritable trinité femelle. Cette Bhavani est une sœur-fille-épouse de Siva ; aussi, quelquefois, de même que son mari, elle devient créatrice, et alors elle se rapproche de Sacti ; d’autres fois, elle est en même temps destructive et créatrice ; et enfin, dans son union avec Siva, elle forme l’ioni-hingam, ou réunion humaine des deux pouvoirs générateurs ; aussi préside-t-elle aux accouchemens, à l’exploitation des mines et à tout genre de production. Sous ce point de vue de génératrice des êtres, les Indiens la prennent encore pour la lune comme source de l’humidité primitive que la chaleur du soleil rend productive pour la terre féconde et pour l’eau caractérisée par le Gange, puisque, disent toujours les Indiens, l’union de l’eau et du feu engendre et perpétue le monde ; pour quelques-uns, elle se transforme en animal et se trouve la vache qui s’accouple à Nandi, ou taureau de Siva : plus souvent, c’est une Isis magicienne, jouant le rôle d’enchanter les jeunes mortelles qui plaisent aux dieux, et de les unir à ces mêmes dieux ; toujours principe d’activité, elle opère ou protége la production.
Par suite de son essence et de ses fonctions, Bhavani ne dut pas toujours se trouver d’accord avec Siva. En effet, voyons-là, elle faible femme, possédant simplement l’Ioni, ou le moule générateur femelle, armée de toutes pièces, montée sur un lion, sur un taureau ou sur le Lingam, ou Phalle indien. Elle terrasse le gigantesque Mahéchaçouara ; cependant, d’autres fois aussi, déesse redoutable, nous l’apercevons châtier les coupables et les précipiter dans les flammes de l’abîme ; mais pourtant observons qu’elle conserve toujours quelques germes de reproduction pour redonner naissance à qui lui plaît ; aussi la voit-on ivre de joie d’avoir été créée par Bramh, l’adorer comme dieu suprême, le célébrer dans ses hymnes en dansant et en donnant naissance elle-même à trois œufs, d’où sortirent, disent les légendes les plus accréditées, Brahmâ, Vichnou et Siva ; or, souvent on admet donc une Bhavani mère et antérieure au monde, à la création des trois grands dieux, et par conséquent à celle de tous les autres dieux ainsi que des hommes, des animaux et des êtres inanimés ; néanmoins, ce Bhavanisme, ou culte antique de Bhavani, dut se fondre avec celui des trois dieux, d’où vint l’union de Bhavani à Siva, lorsque pour pacifier les Indes, on réunit les trois cultes pour former une Trimourti mâle, comme symbole central de la religion des Hindous.
Nous ne ferons pas les rapprochemens qui existent entre Bhavani et Diane, Junon, Ilithye, Vénus, Ariadne et Europe ; ils sont trop sensibles ; nous consacrerons seulement quelques lignes à indiquer ses fêtes les plus célèbres ; elles ont lieu les 7, 8 et 9 de Tchaitra, ou mars-avril, c’est la fête du printemps, elle fut instituée par le roi Sourata, puis le 10 de Djiaichtha, ou mai-juin, ou l’anniversaire de la naissance de Ganga ; puis les 6, 7, 8 et 9e jours lunaires d’Açouina, ou septembre-octobre ; c’est la fête d’automne, elle est consacrée à Bhavani Dourgakali ; elle est remarquable par la quantité énorme d’animaux et surtout de buffles, que les {p. 438}Hindous immolent au pied de ses autels ; vient ensuite le 14 de Margasircha, ou novembre-décembre, fête en l’honneur de Bhavani-Gauri, pendant laquelle on mange force gâteaux de riz, et la fête du 4 de Maga, ou de janvier à février.
On représente Bhavani souvent sous la forme de son incarnation en Bhadrakali, ou monstre femelle que nous allons faire connaître dans le paragraphe suivant ; d’autres fois, on la voit représentée même sur le front des dieux par le signe de l’Ioni, composé de deux lignes blanches verticales et parallèles, au milieu desquelles s’aperçoit une troisième ligne rouge ; enfin, pour ornement, Bhavani porte souvent un long chapelet de têtes humaines qui descendent ovalement de son cou jusque sur ses genoux.
Bhavani est regardée par quelques écrivains comme une déesse qui portait aussi le nom de Bhadrakali ; cependant on fait encore un personnage distinct de cette Bhadrakali, également femme et fille de Siva ; seulement, on la fait jaillir de la tête de Siva, sans le concours d’aucune déesse ; sa vie ne fut pas sans orage, car le géant Darida qui avait reçu de Brahmâ un livre et des bracelets auxquels était attaché, tant qu’il en serait possesseur, le privilége de ne pouvoir être tué ni blessé par un homme, voulut combattre Içouara-Siva ; alors Içouara lui opposa une femme nommée Sarga, qui lui abattit aussitôt la tête ; mais à cette tête en succéda de nouvelles, et le géant fut encore plus audacieux. Içouara, fort embarrassé, se vit obligé d’aller demander conseil à Vichnou, qui fit alors sortir instantanément du front d’Içouara, par l’œil que l’on voit briller au milieu de cette partie de son visage, une femme gigantesque appelée Bhadrakali, ou Pétrakari Pagoda, ayant huit visages, seize mains noires comme du charbon, de grands yeux, des défenses de sanglier pour dents, un éléphant à chaque oreille pour pendans d’oreilles, des serpens entrelacés autour de son corps pour vêtemens, et des plumes de paon pour chevelure. Ses mains sont armées d’une épée, d’un trident, d’une jatte, d’un sabre, d’un javelot, d’une pique, d’un singe et de la Tchakra, ou roue mystique. Dès sa naissance, Bhadrakali se jeta sur le géant pendant sept jours, et lui fit une guerre acharnée, mais inutilement. A la fin, devinant qu’elle devait priver son ennemi de ses talismans, elle les fit adroitement enlever par Sarga de la demeure de Darida, et dès-lors il succomba. Enivrée de cette victoire, elle retourna vers son père qui, se trouvant au bain, ne voulut pas la recevoir. Cependant, forcé de paraître devant elle, il se coupa un doigt et lui donna à boire le sang qui s’échappa de cette blessure ; pourtant, peu satisfaite de cette réception, elle arrache la chaîne de globes d’or de son cou et la jette à la tête d’Içouara, dont la figure est aussitôt couverte de boutons. Alors Içouara, pour apaiser sa redoutable fille, lui donne deux suivans : Virapatra et Kouétrakouéla, plus un vaisseau de bois de Sandal, dans lequel elle pourra voyager sans être vue ; mais des chasseurs de singes l’ayant inquiétée dans son esquif, son père lui fit en outre cadeau d’un singe, dans le corps duquel séjourna quelque temps l’ame de Bhadrakali, puis elle épousa le fils du Radjah de Kouléta sur la côte de Malabar. Cet époux ayant été accusé de vol par un orfèvre de Pandi, et ayant subi le supplice du pal, Bhadrakali courut pour retrouver les restes de {p. 439}ce fidèle époux, elle interrogea les montagnes, les arbres, les oiseaux ; ceux-ci lui répondirent, mais un Manguier étant resté muet, elle le couvrit de malédictions et condamna son bois à servir de bûcher pour brûler les cadavres ; puis, un Paria lui ayant indiqué le palmier qui avait servi d’instrument de mort à son mari, elle combla de bénédictions et de cadeaux ce pauvre Paria ; ensuite, son père lui ayant donné une armée d’Açouras ou génies funestes, elle fut saccager Pandi et immoler l’orfèvre à sa vengeance.
Au Coromandel, la légende concernant Bhadrakali n’est plus la même ; dans cette contrée on lui donne le plus communément le nom de Mariatala, ou Renoudji ; elle est alors femme du pénitent Chmadigini ou Imadakni, et mère de Paraçou-Rama, ou sixième incarnation de Vichnou. Elle posséda, dit-on, le privilége d’emporter de l’eau sans cruche, sous forme d’un globe arrondi, jusqu’à l’instant où son cœur céda aux désirs de l’amour, en voyant les Gandharvas. Nous ne reviendrons pas sur la fable de Paraçourama, seulement nous ajouterons que Mariatale eut encore un autre fils appelé Ratavaréia, et qu’elle est l’impure Tchandalas, ou la grande divinité des Parias, qui se figurent qu’elle guérit surtout de la petite vérole. Mais tous les autres Hindous craignent plus Bhadrakali qu’ils ne l’aiment. Partout et même dans les lieux les plus retirés, les plus secrets, on voit la tête de cette déesse, tandis qu’on la figure par des statues sans tête, à la porte des sanctuaires. A côté de Bhavani nous voyons encore se présenter comme autant d’incarnations :
Asadavi, forme de Bhavani-vierge ; c’était la déesse des guerriers et des amazones ; elle était adorée à Crauncha.
Ganga, ou Ganga-Grannuca, ou le Gange personnifié ; ce n’est autre chose que la déesse Bhavani, ou du moins Mariatala, autant que rivière primordiale. Ganga est sortie du gros orteil de Vichnou. Le Gange est, pour les hindous, le fleuve sacré par excellence ; aussi, faire des ablutions dans le fleuve, mourir par ses ordres, y être inhumé, est la suprême félicité pour les fervens sectateurs de Vichnou, de Brahmâ et de Siva.
Kali ou Mahakali change de nom suivant l’emploi qu’on lui donne. Elle est Bhavani-Dourga, lorsqu’elle accompagne son époux Siva dans les enfers pour juger les ames, et si elles sont coupables les punir. On la voit siégeant sur le même trône que Siva-Roudra, et fouler avec lui les ames des pécheurs, et les précipiter dans les flammes. Sur terre, on leur offre des victimes humaines ; de cette Kali sont venues les Kalis ou déesses protectrices des villes.
A la suite de ces épouses de Siva, l’on peut grouper auprès les uns des autres.
Santarnou, bisaïeul des Pandous et des Kourous, et patriarche de la dynastie lunaire ; il avait d’abord été Gana, disciple de Siva ; dans les pélerinages qu’il faisait à ce Dieu qui régnait sur le Kailaça, il devint amoureux de Ganga, et celle-ci l’en récompensa ; Siva, piqué de cette flamme adultère, changea Gana en singe, et condamna Ganga à vivre loin de lui, Siva, époux outragé. Après qu’ils eurent subi tous deux une nouvelle transmigration, Gana vint à renaître sous la forme de Santanou, fils de Kourou, frère de Iadou, et Ganga trouvée sur les bords du fleuve qui porte son nom fut adoptée par le radjah de Canodje. Parvenue à l’âge nubile, elle épousa Santanou. Elle mit au monde six enfans et les noya aussitôt après leur {p. 440}naissance. Santanou sauva le dernier, l’éleva et lui donna le nom de Bhichma qui devint un des plus illustres héros de l’Inde. Lorsque Ganga se fut réabsorbée dans les eaux du Gange, Santanou épousa une seconde femme et en eut un fils nommé Vitchitraviria.
Johilla était suivante de Bhavani ; celle-ci ayant été demandée en mariage par Soana, Johilla fut envoyée par sa maîtresse vers ce Dieu pour examiner s’il était digne d’elle ; mais la jeune camériste devint amoureuse de ce Dieu et lui fit partager sa passion, en se faisant passer auprès de lui pour Bhavani. Cette déesse pour se venger de son esclave, la défigura, et jeta son amant dans les flots ; les larmes de Johilla formèrent une rivière qui porte son nom.
Kamou-Kama ou Cama, ou Kamaveda, ou Mammadin, est le Dieu Cupidon des Hindous, on le représente toujours jeune, portant sur ses épaules un arc fait de canne à sucre, et des flèches formées de fleurs ; il a pour épouse Rati. Après avoir été foudroyé par Siva, il ressuscita sous le nom d’Adhoioni, il devait d’abord le jour à Caciapa et à Maïa ; à sa seconde naissance, il dut le jour à Krichna et à sa favorite Roukmini. Ordinairement il est monté sur des perroquets ; cependant on le voit quelquefois placé sur un énorme éléphant.
Kaouciki vint au monde en sortant du sein de Bhavani, lorsque celle-ci se baignait dans les flots du Gange. Les géans et Tchanda Mounda l’ayant aperçue, furent aussitôt annoncer à Sonmbha l’apparition de la plus éclatante beauté qui eût encore paru. Le roi désira l’avoir au nombre de ses femmes et la fit demander à Bhavani par Sougriva ; la déesse lui répondit qu’elle ne serait l’épouse que de son vainqueur. Aussitôt la guerre a lieu, et Soumbha fut vaincu. Kaouciki se nomme aussi Ambika.
Ganécha ou Ganéca, ou Vigouaressa ou Pollear, Dieu de l’intelligence, de la prudence et de l’année, était fils de Parvati et de Siva ; il avait une tête d’éléphant, placée sur un corps humain ; c’est lui qui veille à la porte de la demeure céleste de Bhavani ; il s’opposa à ce que les Ganors, serviteurs de Siva, portassent des paroles de paix à Bhavani ; alors, il combattit seul contre les forces réunies de Siva et de ses alliés, et brisa le trident de l’époux de sa mère. Un jour qu’il voulait connaître ceux qui lui rendaient des hommages ou qui le négligeaient, il monta sur un rat et parcourut le monde. Dans une lutte qu’il eut avec Skanda, pour savoir lequel des deux serait le maître, il fit avec son rat le tour de la Trinité, tandis que Skanda s’amusa à faire le tour du monde ; après ce voyage assez facile, il dit aux Dieux, j’ai tourné autour du créateur, du conservateur, et du destructeur, j’ai donc fait le tour du ciel et de la terre, ainsi mon voyage est terminé. Skanda s’avoua vaincu, et ainsi Ganeça fut déclaré le souverain.
Skanda, ou Soubramania, est le Dieu de la guerre et fils de Siva et de Bhavani qui le mit au monde dans un bain. Il épousa Tchandaravali et Amourdavali, filles de Vichnou et de Lakchmi. Skanda, désolé du triomphe de son frère Ganéça, eut une rixe violente avec ses parens, et de dépit il quitta la brillante demeure de Kailaça, s’enfuit dans le pays de Kraouncha, et jeta son épée dans des montagnes qui hérissent cette contrée ; plus tard, on le vit reparaître dans Lauka comme un des Dieux supérieurs de l’île. {p. 441}On représente Skanda monté sur un superbe paon, on lui donne six têtes ; il habite ordinairement Kailaça, ou les monts de Kraouncha.
Verava ou Veiravert ou Vairavert est le troisième fils de Siva ; il naquit de sa respiration, c’est lui qui humilia Brahmâ lorsqu’il se proclama le plus grand des Dieux et lui coupa sa cinquième tête. Il reçut dans le crâne de la tête de Brahmâ le sang des Deverkels et des Mounis qu’il avait tués. On le représente de couleur bleue avec trois yeux et deux dents semblables à des défenses de sanglier. Il a un chapelet de têtes autour du cou, des serpens forment sa ceinture, ses cheveux roux ressemblent à des flammes dansantes, des clochettes garnissent ses pieds et ses quatre mains tiennent la tchankra, ou roue flamboyante, le tidi, une corde et le crâne de Brahmâ. C'est lui Vairava qui à la fin des siècles doit venir tout détruire par l’ordre de Siva.
Mahécha, ou Mahéchaçoura, est le grand seigneur des funestes génies que l’on nomme Açouras. Ce roi à tête de buffle attaque quelquefois les Dieux et les force à aller mendier sur la terre. Mais, en définitive, les Dieux viennent toujours à se venger de Mahécha, avec le secours des grandes divinités, telles que Brahmâ, Vichnou ou Siva, qui s’adjoignent la puissante Mahamaïa qui est haute comme une montagne.
Kansa, fils d’Ougracéna, roi de Mathoura, est une incarnation de Siva, et, par conséquent, l’antagoniste de Vichnou. Lorsqu’il fut monté sur le trône, l’oracle l’avertit qu’un fils de sa sœur serait un jour le maître de l’Inde. Alors Kansa, pour empêcher la naissance de cet enfant, voulut l’empoisonner ou le massacrer, ou le faire périr dans les combats. Enfin, après des milliers d’épreuves, Vichnou-Krichna le pétrifia et le tua.
Djaracandha, prince célèbre de la dynastie lunaire, régnait dans l’empire de Sikata ; il eut deux filles qu’il donna en mariage à Kansa qui périt dans la guerre qu’il soutint contre le lumineux Vichnou. A cette nouvelle, il offrit un sacrifice solennel à Mahadéva, et jura de ne prendre aucune nourriture avant d’avoir vengé Kansa ; alors il se mit à la tête d’une nombreuse armée, et fut assiéger les Iadous dans Mathoura ; mais il fut battu plus tard ; aidé d’un grand nombre d’alliés, il présenta de nouveau le combat et ne fut pas plus heureux ; enfin il succomba dans un combat singulier avec Bhima.
Vrindha, femme de Jalendra, est une espèce d’incarnation de Lakchmi. Un jour Naréda, impatienté de faire antichambre chez Vichnou, maudit Lakchmi qui devait l’introduire, et lui souhaita le malheur d’épouser un géant ; aussitôt Lakchmi naquit sous la forme de Vrindha. Mariée à Jalendra, sa chasteté fut telle que son mari lui dut d’être invulnérable et de ne pas tomber sous les coups de Siva ; mais Vichnou ayant pris la forme de Jalendra, il fit succomber Vrindha, fit perdre par là à Jalendra le privilége de l’invulnérabilité, et fut cause, par là, que Siva le fit mourir. Vrindha connaissant la fraude de Vichnou, le maudit.
Ce Jalendra ou Djalendra, était donc un géant resté invulnérable, tant que sa femme lui fut fidèle. Un jour il voulut que Siva lui cédât Bhavani : sur son refus, il le saisit et prétendit l’y forcer ; alors une lutte terrible s’engage entr'eux, et jamais Siva n’aurait pu le vaincre, si Vichnou lui-même n’eût pris la forme de Jalendra, et n’eût par ce moyen triomphé {p. 442}de la vertu de Vrindha ; alors Jalendra cessa d’être invincible, et Siva le tua.
Vrikcha, géant célèbre, obtint de Siva, en lui offrant le soma, en déchirant les lambeaux de son corps, en les brûlant sur son autel, enfin en se coupant la tête et en la jetant dans le brasier allumé en son honneur, une force décuple à celle qu’il avait auparavant, et le don précieux de réduire en cendres tout ce qu’il toucherait. Etant devenu amoureux de Parvati, il voulut essayer sur Siva lui-même, le pouvoir qu’il venait d’en recevoir, mais Siva, instruit de ses intentions, s’esquiva, et Vichnou vint au secours de Siva, en revêtant les traits de Parvati et en feignant de condescendre à ses vœux. Alors il le pose sur sa tête, et, par là, le fait se réduire en cendre lui-même.
Paraçou-Rama, fils de Djamadagni et de Renouka, était un célèbre Brahmane, et un zélé Sivaïste. Il montra beaucoup de valeur dès sa tendre enfance ; aussi Siva voulut être son précepteur. L'élève devint bientôt le séide de son maître, et se déclara contre Bhavani et contre sa propre mère à laquelle il trancha la tête, ainsi qu’à Ganeça, fils de Bhavani. Il combattit et vainquit les Kchatriias qui étaient cause de la mort de son père et de sa mère. Plus tard les Kchatriias l’ayant forcé à quitter sa patrie, il demanda au Dieu de la mer de lui accorder autant de terrain qu’une flèche lancée en pourrait parcourir. Le Dieu lui accorda cette faveur et la côte de Malabar s’élevant tout-à-coup, devint son apanage, d’où il chassa tous les Brahmes et les maudit.
Quenaradi, Dieu des artisans et du commerce. On le représente assis sur un ballot de riz et un marteau à la main ; en face de lui est un sac qu’il remplit de ce qu’il désire en agitant simplement son marteau.
Ces diverses sectes cachent, on le voit, au fond de leur doctrine, l’idée de la présence d’un dieu dans tout ce qui est, et d’une vie éternelle plus ou moins heureuse pour les ames à la suite de leurs transmigrations ; mais dans ces divers systèmes, le bienfait de l’égalité, même dans l’adoration des dieux, n’existe pas ; il est enlevé par la division des Castes ; ainsi l’artisan né des pieds de Dieu, ne peut se faire prêtre ou Brahme, né de la tête de Brahmâ ; aussi, l’influence de ces prêtres est tellement restée toute puissante sur les populations de l’Inde, que les gouverneurs anglais sont souvent obligés de mettre à profit cette influence pour faire rentrer les impôts dans les caisses de l’état.
Ces prêtres ou Brahmes qui ne peuvent dans aucune circonstance s’abaisser à devenir artisans, n’obtiennent pas le sacerdoce par le fait seul de la naissance ; ils sont encore obligés de l’acquérir en se rendant dignes, par une série de cérémonies qui commencent dès l’âge de cinq ans, du cordon mystérieux ; alors une fois possesseurs de ce talisman, ils le portent toujours avec eux et ils doivent se garder de toute souillure extérieure ; alors aussi ils sont chargés de déterminer les bons ou les mauvais jours, de détourner par des Mantrams ou prières les malédictions et maléfices, de purifier les souillures, de célébrer les mariages et les funérailles, de donner un nom aux nouveaux nés, de bénir les maisons, de tirer les horoscopes, de chasser les mauvais esprits, de publier l’almanach indien, d’offrir aux dieux le poutsche ou sacrifice, et de garder les mias ou temples.
{p. 443}Chacun des dieux de la Trimourti a ses Brahmes particuliers ; du reste, tous vont tête nue, sont très-pauvres, et habillés d’un simple pagne en toile, qui leur fait le tour du corps au-dessus des hanches, et dont un bout retombe par devant. Les premiers de ces prêtres sont les Gourous, ou patriarches. A part les Brahmes, l’on connaît encore dans l’Inde les Anachorètes, martyrs véritables de leur croyance, par les pratiques religieuses dures et cruelles auxquelles ils se soumettent ; ainsi viennent les Sâniâci, qui sont les plus anciens et les plus respectés ; on les croit les descendans des vieux Brachmanes et pauvres comme eux, ils vivent d’aumônes et s’habillent d’étoffes jaunes ; puis arrivent les religieux de Vichnou, appelés Pandaroux, Tabachi et Casé-Patié-Pandaroux ; les premiers se destinent au mariage, vivent d’aumônes, parcourent les rues un paquet de plume de paon sous les bras et la figure ainsi que la poitrine barbouillées d’ordure. Les Tabachi font vœu de chasteté et ne diffèrent des Sâniâci qu’en ce qu’ils vivent en société. Quant au Casé-Patié-Pandaroux, il ne parle jamais, demande l’aumône en se frappant les mains, va presque nu et mange sur place tout ce qu’on lui donne ; ensuite, on aperçoit les Santadaven, qui forment une caste à part, dans laquelle nul ne peut entrer, qui se marient entre eux et naissent religieux ; puis les Waichenavins allant demander l’aumône en chantant et en s’accompagnant d’un instrument ; ils forment également une tribu particulière et ne diffèrent des Santadaven que parce qu’ils portent sur la tête un vase en cuivre, dans lequel ils mettent les aumônes qu’on leur donne.
Tous ces religieux n’ont pas le même dieu spécial pour objet de leurs dévotions. Les uns se consacrent à Siva et les autres à Vichnou, ils se font entre eux une guerre assez vive. Quoi qu’il en soit, les religieux consacrés à Vichnou portent le nom collectif de Tadius, se couvrent de haillons et vont mendier en frappant sur un tambour ou sur des tringles de fer, ou en faisant entendre des clochettes suspendues à leur cou.
D'autres dieux ont aussi leurs religieux, tels sont ceux de Supramania, fils de Siva et surtout de Mariatala qui, par dévotion pendant une de ses fêtes, se font suspendre à un croc par les chairs du dos. Lorsque l’on connaît l’exagération des prêtres et des anachorètes, il ne faut pas s’étonner de la facilité avec laquelle les simples Hindous se torturent ou sacrifient leur vie pour leurs dieux ; aussi, pendant le Tirounnal ou fête du chariot, des pères, des mères, tenant en leurs bras leurs enfans, se précipitent pour être écrasés sous les roues du char sacré qui porte l’idole du dieu révéré, char que des milliers de dévots traînent pieusement à travers une foule enthousiaste. Mais il ne faut pas attribuer un même enthousiasme aux Suties ou épouses qui se font brûler avec les cadavres de leurs maris, car généralement elles y sont forcées par les brahmes ou par les parens du mort, et toujours elles sont ivres en allant à ce supplice. Les fêtes du Pongol et du soleil sont aussi très célèbres ; du reste, les idoles de ces dieux sont renfermées dans des temples appelés Pagodes ou mias, dont quelques-uns sont très-riches et très-brillans.
Thibet.
BouddhismeetLamaisme. §
Bouddha, le dieu suprême de cette nombreuse secte, porte les noms et surnoms suivans :
Arddhachiddhi-Gotoma-Chakiamouni-Bouddha ; Bourkan Bakchi, ou l’instituteur divin ; Bod, Bout au Thibet et au Japon ; Buda, Budda, Budha, Budzdo, Chaca, Chakia, Chakiamouni, ou le pénitent de la race de Chakia ; Chaman ; Fo et Foé, ou Bouddha à la Chine ; Gaoutama, Gautama, Goodam, Gotama, ou le pasteur des vaches ; Jaka, Narotama, ou le meilleur des hommes ; Paouti Ziat, ou seigneur Paouti de Mougolistan ; Pout, au Thibet et au Japon ; Saca Samana, ou exempt de passions ; Sammen, Sakhya, Shaaka, Siddharta, Sogde ; Somonokhodom à Siam ; Xaca.
On connaît de plus une innombrable quantité de noms, dont on en trouvera beaucoup indiqués dans le tome 9, page 183 des mémoires de l’Orient, de M. Abel Rémusat.
Le Bouddhisme auquel on donne en Asie seulement plus de 139 millions de croyans, c’est-à-dire le culte le plus répandu après celui de Jésus-Christ, en admettant le chiffre de M. Balbi, qui fixe à 260 millions le nombre des chrétiens, commença à une époque fort incertaine, car les uns font remonter la naissance de Bouddha à l’an 2099, ou 1369, ou 1029, ou 1027 ou 1022 av. J.-C. Quoi qu’il en soit, ce Bouddha, figure complexe, sur laquelle on semble avoir réuni une foule d’évènemens arrivés à divers individus de ce même nom, ou bien à d’autres personnages ayant des noms différens, que l’on a voulu faire passer comme autant de ses incarnations, n’est qu’une incarnation de Brahmâ ou de Vichnou, d’après les partisans de ces deux sectes. Sans nous arrêter plus long-temps sur ses origines incertaines, nous allons faire suivre la fable dont on a entouré ce personnage ; fable, comme on le verra, fort extraordinaire par les analogies qu’elle a avec l’histoire de Jésus-Christ.
Autrefois, dit cette fable, Saodouaodani, ou vulgairement Soutadanni, était le chef de la maison de Chakia ou Chaktcha, composée alors de cinq cents familles de Brahmes ou Birmahs Mogols, formant ainsi que de nos jours la première caste des Hindous. Ce Soutadanni, chef de la maison de Chakia, tenait à cette époque le sceptre de l’empire de Magadha, dans le Bahar méridional, empire qui comprenait toutes les provinces situées sur le Gange, et avait Khaberchara pour capitale.
Soutadanni épousa Mahamaia qui, par l’influence divine, conçut, en restant toujours vierge, un enfant dont elle accoucha au bout de trois cents jours, enfant qu’elle confia au roi Esroun-Tingri, ou incarnation Samskrit de Brahmâ, et qui fut baptisé sous le nom d’Arddhachidhi, en Mogol, ou de Siddharta en Samskrit, dans une eau divine, par un autre roi appelé Khourmousta-Tingri chez les Mogols, ou incarnation d’Indra.
Après sa naissance, Arddhachidhi fut regardé par le peuple comme un être miraculeux, et salué du titre de Déva en Samskrit, ou de Tingrien-Tingri, en Mogol ; c’est-à-dire de dieu des Dieux. Ses premières années furent confiées aux soins de soixante-dix vierges ; sept le mettaient tous les jours au bain ; sept l’habillaient, sept le berçaient ; sept {p. 445}veillaient à la propreté de ses vêtemens ; sept l’amusaient par leurs jeux, et 35 autres par leurs chants et la douceur de leur musique instrumentale. Lorsqu’il eut atteint l’âge de dix ans, il fut confié à des gouverneurs dont le plus distingué fut Babourénou-Bakchi, lequel lui apprit la poésie, la musique, tous les arts d’agrément et les sciences exactes. Il fit de tels progrès, qu’il ne tarda pas à surpasser tous ses maîtres dans tous les genres d’étude ; il apprit en peu de temps cinquante langues étrangères. A tous ces talens intellectuels, il joignait une beauté vraiment divine ; tous ceux qui le voyaient en étaient charmés, et lui offraient en signe d’adoration les fleurs les plus belles, les bijous les plus précieux. Sur les sollicitations de son père Soutadanna et de sa mère Mahamaïa, il ne consentit à se marier qu’à la condition qu’on lui présenterait une vierge parfaite. Ses parens, après bien des recherches, lui en trouvèrent une dans la famille de Chakia. Alors il voulut bien l’épouser, mais il fut obligé de la disputer à Devadat, oncle de cette belle, sur lequel il emporta le prix de sagesse et de grace ; il se maria donc et vécut avec son épouse dans la plus parfaite harmonie. Il avait vingt et un ans quand son épouse le rendit père d’un fils que l’on nomma Rakholi. Elle lui donna ensuite une fille. Bouddha, ou du moins Ardachidhi, passa presque toute sa vie dans la contemplation de la divinité et des vertus immortelles. Enfin il résolut d’aller prêcher sa doctrine par toute la terre, et de rendre les hommes meilleurs. Ni les pleurs de son épouse qu’il chérissait, ni son jeune enfant qu’il aimait, ni les menaces de son père ne purent le détourner de sa résolution. Il partit furtivement sur un cheval que Kourmousta-Tingri, ou Ingra lui amena ; il entraîna avec lui les gens de son service et les nomma ses disciples, arriva dans le royaume d’Oudipa, sur les rives du Naraçara ; aussitôt il institua la place sainte du dépouillement de tout ornement, se conféra lui-même le sacerdoce, prit le nom de Gotama et vécut six ans en contemplation dans une si grande frugalité, et en s’imposant tant d’austérités, qu’il se trouva bientôt dans un tel état de débilité, que ses parens craignirent pour ses jours. Mais il se rétablit en mangeant du lait, provenant d’un troupeau de cinquante vaches que son père Soutadama avait fait conduire auprès de son hermitage.
Parmi les amis qui le visitaient et dont il se fit autant de partisans, se trouva Khâkho Manson, ou le prince des grands singes. Malheureusement la joie de ce pieux animal fut si grande, en voyant Gotama arroser d’eau bénite les présens qu’il venait de lui offrir, qu’il bondit de joie, retomba dans un puits qui se trouvait derrière lui et se noya : d’où vint que Bouddha-Gotama institua la deuxième station, ou place des alimens offerts par le singe.
Alors arriva auprès de Gotama, un éléphant que son oncle Dévadat lui adressait dans l’espoir que cet animal, toujours en furie, déchirerait en pièces son neveu ; mais celui-ci n’eut qu’à lever cinq doigts de sa main, et soudain l’éléphant se calmant, se coucha humblement à ses pieds. Aussitôt, Bouddha-Gotama institua la troisième station, ou place de l’éléphant furibond et dompté.
Cependant ces tracasseries le détournant de ses méditations contemplatives, et son noviciat de six années étant terminé, il se retira dans une retraite encore plus sauvage, avec seulement deux de ses disciples, {p. 446}le fils de son précepteur Chari, et le célèbre Molon Toïn, quoique par la suite il ait compté pour disciples favoris cinq personnages célèbres appelés Djanchi-Godinia, Datol, Langba, Mingtsan et Jangdan. Pourtant il fut poursuivi dans cette retraite par deux incrédules, Labaï-Eriktou et Oucoun-Debeltoun, qui voulurent argumenter avec lui, mais ils furent vaincus par les deux disciples de Gotama. La sagesse de ce dieu se trouva bientôt dans le plus grand des dangers ; car quatre jeunes sœurs pleines de beauté se présentèrent à lui, vêtues simplement de leurs graces ; mais Gotama resta froid et impassible devant leurs séductions. Alors, furieuses de se voir ainsi humiliées, elles nièrent qu’il réunît en lui seul toutes les vertus éparses dans les saints qui l’avaient précédé. Aussitôt Gotama frappa la terre de son pied, et Okien Tingri, le génie tutélaire de ce globe, vint au contraire témoigner qu’il les possédait ; alors, les lascives beautés se courbèrent et adorèrent Gotama ; alors aussi celui-ci institua la quatrième station, qu’il nomma la place sainte de la victoire remportée sur le démon de l’impudicité.
Après cette victoire, Gotama se livra avec ses cinq disciples au jeûne de quarante-neuf jours. En vain Esroun-Tingri vint-il lui offrir dans son hermitage une Kourda ou roue à sorcières de mille rais ; en vain Makha-Ransa, lui présenta huit joyaux divins ; il voulut rester dans sa cellule, et il ne se décida à l’abandonner qu’après avoir vu Khourmousta-Tingri revenir l’en solliciter accompagné de trente-trois princes des génies, au nom desquels il lui remit un Doung ou espèce de coupe marine, dont on se sert comme instrument de musique dans les Pagodes Bouddhistes. Alors Djanchi Godina, au nom de ces disciples, le pria de prouver qu’il était le saint des saints en allant s’asseoir sur le trône des saints du temps passé qui était établi à Varanaçi ou Warnachi, actuellement Bénarès. Ne pouvant résister à ces diverses suppliques, il se mit en route, fit trois fois le tour de cette ville sacrée, et entra enfin dans cette cité sur laquelle avaient commandé successivement Ortchilongui-Ebektchi-Bourkhan, Altan-Tchidaktchi et Géril-Sakitkichi, fondateurs et princes des trois époques religieuses, antérieures de ce pays. D'où il résulta qu’après son entrée il institua la cinquième station appelée : la place du trône primïtif de tous les saints.
Dès ce moment, il développa sa doctrine au milieu d’un auditoire innombrable, composé d’individus de toutes les classes, et pour que ses paroles prononcées pendant ces prédications pussent être conservées, ses disciples les écrivirent scrupuleusement et en formèrent un corps d’ouvrage de cent huit gros volumes qui prit le nom générique de Gandjour, ou instruction verbale.
Le succès de ces prédications se répandit au loin ; alors, Dévadat, l’ennemi persévérant de Chakiamouni, son neveu, se mit à la tête des Sivaïtes ou partisans de Siva, entraîna dans sa coalition nombre de Radjahs de la péninsule de Bharatha, autrement dit, de l’Inde, et voulut pendant quinze jours opposer à l’éloquence du nouveau législateur, celle de six des plus habiles Ters, ou d’après les livres mongoles, les adorateurs Persans du feu. Malgré leur éloquence, leurs argumens et leur magie, ces Ters s’avouèrent battus, et au bout de quinze jours ils se prosternèrent et adorèrent Chakiamouni. Ce fut en mémoire de cette {p. 447}immortelle discussion, que les Bouddhistes instituèrent la fête des Ters vaincus.
A la suite de cette victoire, Bouddha posa comme bases pratiques de sa théorie, la règle des actions humaines sous forme d’aphorismes ou maximes fondamentales de toute morale, puis, à l’âge de quatre-vingts ans, il quitta la terre et son enveloppe corporelle pour se réabsorber en Mahanatma ou l’ame universelle qui est lui-même ; mais avant de s’évaporer, il prédit que sa doctrine durerait cinq mille ans, et qu’au bout de ce temps un autre Bouddha ou homme-Dieu apparaîtrait sous le nom de Maidari, mais que, du jour de sa mort à cette époque, ses sectateurs seraient persécutés, forcés de quitter Bharhata, ou l’Inde, et de se retirer sur les plus hautes cimes du Thibet.
Ces Aphorismes de Bouddha sont au nombre de dix et forment un décalogue que l’on croirait avoir été copié textuellement sur celui des chrétiens ; car il dit 1° tu ne tueras point, 2° tu ne voleras pas, 3° tu seras chaste, 4° tu ne porteras point faux témoignage ; 5e tu ne mentiras point ou, suivant un autre texte, tu ne boiras pas de liqueurs fortes ; 6° tu ne jureras pas ou, suivant la même légende, tu ne te parfumeras point, et tu ne te peindras pas le corps ; 7° tu éviteras toutes paroles impures, 8° tu seras désintéressé ou, d’après le second texte, tu ne te coucheras sur aucun lit élevé ; 9° tu ne te vengeras pas ou comme le dit l’autre texte tu ne mangeras pas après le temps des repas ; 10° tu ne seras pas superstitieux, et ne possèderas aucune idole.
La religion de Bouddha est donc une religion de paix, d’amour, de charité et de progrès, commandant la pitié, abolissant dans l’Inde la distinction tyrannique et abrutissante des castes, et appelant au salut et à la vie éternelle le monde entier ; tandis que les prêtres de Brahmâ, dans leur ascétisme mystique, défendent, il est vrai, d’écraser un insecte, ou de manger un morceau de vache, animal sacré dont il faut tenir la queue en mourant, pour monter suivant eux au Kailaça, ou au Souarga de Brahmâ ; mais ils tolèrent les sacrifices humains et ordonnent aux jeunes Suties de se brûler vivantes sur le bûcher de leurs époux. De plus, suivant les Brahmes, hors de la terre sacrée de Bharatha, ou de l’Inde, point de salut ; au contraire, la religion samanéenne ou de Bouddha, ne donne point de limites terrestres à ses élus, et bien lui en a pris, car l’Inde a expulsé le Bouddhisme de son sein, et l’Inde est restée ce qu’elle était, il y a trois mille ans, soumise à la caste des Brahmes et adoratrice de la Trimourti, des Vaçous, des Menous, des Pradjapatis et des Richis.
Ainsi, la doctrine du Bouddhisme adopte le principe qui suppose l’univers animé par un esprit unique, individualisé et sans fin. Cet univers existe en puissance dans son auteur révélé, et en figure par l’œuvre de Maïa ou l’illusion. Ensuite elle admet au-dessous la Trimourti, les trois feux, les trois couleurs, les trois mondes et les trois temps ; puis le chaos sous la forme d’un bœuf, s’élançant du père de tous les êtres, et donnant naissance au monde vivant, que l’on a personnifié par l’image d’un homme ou d’un grand animal. Quant au reste du système, il est le même que dans les autres sectes de l’indianisme ; là aussi l’on rencontre Mahanatma, ou la grande ame ; Pranatma, ou la petite ame, et Bhoutatma, ou l’ame du corps, distinguées, rapprochées et combinées. Chez les Bouddhistes, la {p. 448}métempsycose est aussi le dogme fondamental ; seulement, chez eux, il existe une hiérarchie pontificale, entièrement étrangère à la mobilité des prêtres sivaïtes, vichnouïtes et Bhavaniques, et n’ayant rien de l’aristocratie tyrannique de la corporation des Brahmes, ou prêtres brahmaïques. En effet, dans le Bouddhisme, on trouve une monarchie religieuse à étages multipliés, sur laquelle plane un chef unique à rayons innombrables, venant aboutir à un centre commun. Enfin, c’est dans le corps du premier de ces chefs, que s’incarnise continuellement l’ame universelle que la théologie bouddhique appelle Adibouddha.
Voici comme on explique l’histoire du Bouddhisme : dans l’origine, dit-on, l’essence suprême ou dieu chez les Hindous se nommait Bouddha, puis il fut surnommé Adibouddha, et il se révéla dans ses cinq fils appelés Bouddhas, d’où résulta d’autres enfans que l’on désigna du nom de Bouddhiçatoas. Alors, un d’eux, Padma-Pani, créa la Trimourti, d’où surgit le Bhramahisme, le Vichnouïsme et le Sivaïsme.
Cependant, d’un autre côté, prétend Rilter, il dut, à l’époque la plus reculée de l’Inde, exister un culte primitif de Bouddha, distinct du Bouddhisme proprement dit, suivant lui : le premier Bouddha était antérieur aux réformes, et par conséquent aux réformateurs, et de ce Bouddha primitif, survint le Bouddha-Brahmaïte, que nous avons vu s’incarner en Bouddha-Vichnouite.
Quant au vrai Bouddhisme, il surgit comme son chef, de l’an 1027 à l’an 887 av. J.-C., après avoir été élaboré successivement par trente-trois pontifes. Ainsi l’on vit le premier Bouddha, réformateur positif mourir l’an 950 avant J.-C. ; puis vint Maha-Ka ou Maha Kaciapa, de la caste Brahmaïque, vivant l’an 905 ; puis Kchatriia-Ananti vers l’an 879 ; Vaicia, mort en 805, et Soudra en 760 av. J.-C. Enfin arriva l’an 628, le Gaoutama-Bhoudou, des Chingulais, ou le Somonokodom, de la Péninsule Transgangétique, qui formula le vrai Bouddhisme primordial ; alors s’étendit rapidement le bouddhisme dans toutes les Indes, Bouddhisme qui emprunta aux cultes ses devanciers au moins une partie de ses mythes et de ses dogmes.
Cependant ces succès toujours croissans ayant de plus en plus irrité les Brahmes, l’un de ceux-ci que l’on symbolise par le nom de Vikrama, persécuta les Bouddhistes et obtint de Kali mille années de puissance. Au bout de ce temps, naquit de Vikrama le brillant Sakahala ou Salivahama, qui se fit Bouddhiste et fit taire momentanément le Brahmaïsme puis enfin arriva, vers le septième ou huitième siècle de Jésus-Christ, le Brahme Sankara Acharia, qui donna au Sivaïsme sa dernière forme, et expulsa définitivement les Bouddhistes du cœur de l’Inde.
Alors le Bouddhisme dit adieu à Magadha et à Varanaci, se réfugia vers le nord-ouest, fonda Khotan ou Koustana, ou Nabha, ou le nombril sacré, autrement dit Delphes de la Sérique. De là, il fut succéder, à Ceylan, aux cultes de Siva et de Vichnou ; puis il se répandit dans toute l’Inde, au-delà du Gange, et fut successivement admis à Siam, dans l’Armam, dans la presqu’île de Malaca, dans l’empire des Birmans, comprenant l’Ava et le Pégou, et dans la Chine, où, dès le deuxième siècle de l’ère chrétienne, l’on donna à Bouddha le nom {p. 449}de Foé ou Fô ; et enfin dans les îles du Japon en 552, où ce dieu reçut le nom de Bout ou Pout ; puis enfin, un peu plus tard, dans les plus hautes montagnes du Thibet, dans les steppes de l’Asie centrale et dans l’empire même de Kachemire, qui fut si long-temps le siége du Brahmaïsme, et jusque dans les vastes régions de la Sogdriane et de la Bactriane, où le Bouddhisme rencontra enfin le culte scandinave des ases avec lequel probablement plus tard il se fondit.
Puisque nous venons de parler du Thibet, commençons par suivre le Bouddhisme dans cette contrée.
Thibet. §
Dans le Brahmaïsme, le Vichnouïsme et le Sivaïsme, tout prêtre est égal, et la puissance aristocratique ne s’étend que du prêtre sur qui ne l’est pas ; au contraire, dans le Bouddhisme, on trouve une hiérarchie sacerdotale tout à fait graduée. Ainsi d’abord, l’ame universelle, autrement dit Adiboudha ou le grand Bouddha. Ce dieu homme mort, et monté au ciel tout en venant réhabiliter l’espèce humaine sur la terre, se localise dans le seul grand prêtre du Bouddhisme, grand-prêtre qui porte au Thibet le nom de Dalaï-Lama ; puis les cinq Bouddhas ou fils de Bouddha occupent les corps des cinq premiers Lamas, et les cinq Boddhiçatoas, ou fils des cinq Bouddhas, animent les corps des cinq Lamas suivans.
Ce Dalai-Lama, ou grand Lama souverain pontife du Bouddhisme au Thibet, habite Lahsa, grande métropole du culte, et exerca autrefois les pouvoirs spirituels et temporels au Thibet et dans toute la Mongolie, depuis le douzième siècle jusqu’en 1792 ; mais depuis lors, l’empereur de la Chine s’est permis de faire occuper militairement cette contrée, et de nommer à Pékin le Gioun Ouan, ou prince gouverneur du Thibet, sans même consulter le Dalaï Lama.
Quoi qu’il en soit, ce souverain pontife, pour faciliter son administration spirituelle des provinces, réunit autour de lui un conseil de Lamas supérieurs qui, à la mort de ce pontife, nomment entre eux son successeur à la manière de ce que l’on voit dans les conclaves des cardinaux catholiques, avec lesquels ces prêtres ont la plus grande ressemblance, même par les insignes.
Après le conseil des Lamas, viennent les Lamas secondaires, dont le nombre est en raison du besoin des provinces ; puis sous eux se trouvent les Gybous, ou vicaires ; les Tohbas, ou simples moines ; et les Touppas, ou frères servans et aspirans. Les corps des grands Lamas sont conservés précieusement dans des châsses, et ceux des Lamas inférieurs dans de petites statues de métal.
La Bandia, ou église Bouddhique, possède en outre divers ordres religieux. Ainsi, l’on trouve les Bhikchou, ou ceux qui renoncent au mariage et se vouent comme les Arhan à la contemplation et à la pauvreté ; seulement ils demandent, tandis que ces derniers reçoivent seulement les aumônes qu’on leur donne. Les Chrâvakas lisent les saintes écritures au public et vivent de ses libéralités. Les Tchaitakas n’ont d’autre souci que de couvrir d’un mauvais morceau de toile leur nudité. Tous ces ordres religieux sont des sous-divisions des Bhikchous et devraient rester célibataires ; cependant, au Népal, ils sont tous mariés ; quant aux Lamas, ils appartiennent à l’ordre des Arhan, puis viennent les {p. 450}Vadjra-Atcharias, ou religieux se destinant à la vie séculière.
Les prêtres du Bouddhisme vivent en communauté dans des couvens, et ne laissent jamais la divinité sans lui adresser des prières. Ces prières, de même que tout le système sacré du Bouddhisme, sont contenues dans une espèce de bible appelée Gandjour, formée de 108 volumes de texte, accompagnés de 108 autres volumes de commentaires prononcés par Chakiamouni, et augmentés de plus de 12 volumes de métaphysique, et de 4 volumes surnumémaires, le tout présentant une encyclopédie religieuse de 232 volumes appelée Dandjour, et dont la traduction en Mongol ne se vend pas en Chine, avec la permission de l’empereur, à moins d’une somme de 6 666 francs. Ces prières, à la rigueur, n’ont pas besoin d’être prononcées par les prêtres, et pourvu que des feuillets de cette bible soient mis en mouvement dans les Mias, ou temples, par le secours de moulins à eau ou de tout autre mécanisme au milieu de lampes allumées, la divinité s’en contente.
Du reste, ces temples sont soigneusement fermés à tout étranger. Quant aux fêtes du Bouddhisme au Thibet, elles ne semblent pas différer de celles qui se célèbrent dans l’Hindoustan, en l’honneur des dieux que nous connaissons.
Nous avons dit que le Bouddhisme, chassé de l’Hindoustan, s’était réfugié dans les autres contrées asiatiques ; mais dans cette transmigration, il s’est divisé en plusieurs sectes. Ainsi, au Thibet, il en est résulté le Lamisme, ou Lamaïsme, qui se divise lui-même en Lamas jaunes, et Lamas rouges, en raison de la couleur des pelleteries dont doivent être ornés leurs habits sacerdotaux ; mais l’empereur de la Chine donna sa protection au Lama jaune, qui obtint ainsi, depuis 1792, la prépondérance, mais perdit la puissance temporelle à la Chine. Le Bouddhisme s’est conservé assez pur, mais, au Japon, il s’est subdivisé en quinze Sios, ou sectes, et s’est mêlé à l’ancienne religion du pays, ou Sintoïsme.
L'on voyait et l’on voit encore au Thibet, comme antérieurs à Bouddha, ou comme souvent se groupant autour de lui, plusieurs dieux jouissant également de la vénération publique ; parmi ces dieux, nous ferons remarquer :
Ghongor ou Tsagan-Makhhah, un des principaux dieux malfaisans, qui n’en protége pas moins le monde, la religion et la foi. On le représente debout, monté sur un éléphant, ou couvert d’une tête d’éléphant où brillent trois yeux, et de laquelle jaillissent des flammes violentes ; quelquefois il a six bras, et des têtes humaines ornent son cou. Ses vêtemens sont composés en partie d’une peau d’éléphant, sur laquelle est une écharpe verte. Autour de lui sont des esprits aux formes hideuses.
Giam-Liang ou Giam-Iang, dieu de la sagesse, a pour séjour la lune. C'est lui qui apprit aux dieux que pour faire naître l’homme, il fallait qu’un dieu et une déesse prissent la forme d’un singe. On le représente en habit de prêtre tibetain et assis sur la lune.
Gné-Tséden est le cinquième des Ko[ILLISIBLE]loghiurfé-Ghielpo-gna ou les anciens souverains de notre globe. Son père était Tsédent, c’est-à-dire, le plus beau, qui le mit au monde par suite d’une enflure qu’il eut au bras droit. Gné-Tséden donna le jour à un fils sorti de l’une de ses hanches.
Gnia-Thrits-Thengo est le premier roi du Thibet, il était une incarnation {p. 451}de Tseureci, descendu dans le corps de l’épouse du roi Mang-Kiaba, pour sauver les hommes des enfers.
Lases, génies bienfaisans, formant neuf ordres incorporels, et représentés avec une haute taille et une jolie figure, ou avec des traits menaçans.
Prasrinpo et Prasrinmo, couple célèbre de singes, qui montra aux hommes l’art de procréer charnellement ; ce couple n’était qu’une incarnation de Tseuréci et de son épouse Kadroma, auxquels le Dieu lunaire Giam-Liang avait conseillé cette métamorphose. Le couple donna naissance à trois fils et trois filles.
Pirrids ou Birrids, nom donné aux ames des damnés. Ils habitent les trente-six brasiers qui sont les portes du palais de Ghougor, Dieu des enfers. Ces ames reviennent quelquefois sur terre pour annoncer des malheurs et pour effrayer les personnes faibles.
Samoundo est l’épouse d’Erlik Kan, Dieu suprême des enfers, dans la religion Lamaïque. Cette déesse est représentée ordinairement d’une couleur bleue claire, auprès de son mari, au teint bleu foncé.
San-Pan, essence suprême de Hopamé, ou le Dieu infini et irrévélé, est représenté avec trois têtes sur un seul corps. La tête du milieu plus élevée, est couverte d’une mitre, et les deux autres d’un petit bonnet rond. Sa main gauche tient un sceptre couché, et sa droite un cœur enflammé. Cette trinité tibétaine repose sur un tabouret auprès duquel est un arc, marque de la puissance.
Stogai ou Natigai, génies protecteurs, dispensateurs des biens ; on les sert les premiers à table, et on leur graisse la bouche ; chaque Stogai a sa femme à sa gauche, et ses enfans devant lui.
Tsangan-dara-eke, fille née par les yeux de Choutchi-Boddiçatoa, est une déesse protectrice, invoquée dans les dangers. Elle prit la forme humaine, régna sur le Thibet et eut un fils pour successeur. On la représente à côté de sa sœur, sur un trône porté par quatre lions. Elle a trois yeux dont l’un est au milieu du front, un autre dans la paume de la main, puis le troisième à la plante des pieds ; elle tient d’une main une fleur sur laquelle est un enfant.
Tordchipamo ou Dordjipamo, est une grande divinité adorée dans les lieux qui environnent le lac Samthéo. Sa prêtresse a sous sa direction tous les cloîtres des environs de sa résidence magnifique. On la fait quelquefois voyager en grande pompe jusqu’à Hlassa, assise sur un trône surmonté d’une vaste ombrelle et toujours au milieu d’un nuage d’encens, que le peuple fait brûler en son honneur sur sa route.
Garedu, ou Gardichabouhn, oiseau célèbre chez les Tibétains, qui a son nid dans un immense antre marin, que l’on nomme Paoucengi ; il ne vole que la nuit ; alors il enlève dans ses serres un tigre, un éléphant et un rhinocéros qu’il porte dans son antre, pour en faire son repas le soir suivant.
Chine. §
A la Chine, autour et au dessous de Foé ou Fô, autrement dit Bouddha, nous voyons se groupper les divinités suivantes qui, de même que Bouddha, ont leur culte desservi dans des temples appelés Pagodes, par des prêtres nommés Bonzes. Cependant tout prouve que, dans les temps les plus reculés, le culte des anciens Chinois reconnaissait un Dieu unique et tout puissant ; on lui donnait le {p. 452}nom de Chang-ti, et quatre fois l’an, pour le prier et le remercier, au commencement de chaque saison, on lui offrait des sacrifices sous des berceaux, en pleine campagne. Le souverain devint le grand prêtre de ce culte dont il reste encore beaucoup de traces dans cet empire, parmi surtout un petit nombre de fidèles aux anciennes coutumes.
Vers le temps de Confucius, l’on vit naître la secte des Tao-ssé, ou de la raison, à cause de la maxime célèbre de son chef Lao-kioum, disant que un a produit deux, deux ont produit trois, et de trois sont sorties toutes choses, mais soutenant aussi que l’ame périt avec le corps, et de plus, une morale et une métaphysique se rapprochant de celle d’Epicure.
Enfin, vers la seconde moitié du premier siècle de notre ère, l’idolâtrie de Fô ou de Bouddha et le Polythéisme hindou qui s’y rattache, s’introduisirent en Chine, en s’appuyant sur ce que ce culte n’était autre chose que la lumière que Confucius avait prédit devoir venir un jour de l’occident.
Bientôt la religion de Fô devint celle du peuple en général, mais il se forma tout autour de nombreuses sectes, assez mal définies, et rentrant plus ou moins dans l’ensemble des trois systèmes religieux précédens ; aussi, les Dieux et les idoles de la Chine sont très multipliés. Cependant nous n’indiquerons ici que les plus généralement adorés.
Tacki ou le ciel matériel est une divinité rappelant Isis, ou la nature des égyptiens.
Ousu, Housu, est une jeune fille chinoise, nommée la fleur attendue. Un jour qu’elle était à se promener sur les bords d’un fleuve, elle rencontra un éléphant, l’aspira, conçut et resta enceinte pendant douze ans ; au bout de ce temps, elle mit au monde un fils appelé Fohi.
Chang-ko est une déesse honorée des célibataires, et présente l’idée de la Minerve des Grecs.
Pouça ou Puzza est une autre déesse chinoise, que l’on croit la même que la Bhavanie des hindous, ou espèce de Cybèle. Etant allée avec deux nymphes ses compagnes se baigner dans une eau pure, tout-à-coup sur sa robe s’épanouit un Padma aux fruits de Corail. Alors Pouça en mangea un, et aussitôt elle fut enceinte et mit au jour un fils qu’elle quitta lorsqu’il fut parvenu à l’adolescence pour remonter dans les cieux. On la représente avec seize bras, assise sur une fleur de Padma, tenant dans ses mains des couteaux, des livres, des épées, des fruits et des fleurs.
Kang-i, ou Cang-y, est un Dieu des cieux inférieurs ; il dispose arbitrairement de la vie des hommes ; il a sous lui une espèce de trinité, composée de Tan-Kouan, présidant à la pluie et aux orages ; Tsoui-Kouan, qui gouverne les vaisseaux, à la mer, et de Tei-Kouan, ayant sous ses ordres la guerre, l’agriculture et les naissances.
Ti-Kang, dieu présidant aux enfers, a sous ses ordres huit ministres et cinq juges. Autour de sa statue placée dans les pagodes sur un autel, on voit ces treize personnages et à ses côtés sont les tables de la loi. L'un des cinq juges prononce la culpabilité, qu’il connaît en mettant dans une balance le criminel et les livres de prières qu’il a répétées pendant sa vie. Trois autres juges appliquent les peines ; le cinquième préside à la réintroduction de l’ame dans un corps nouveau. Aucune ame ne peut pénétrer dans le séjour des
[n.p.]{p. 453}bienheureux, que lorsqu’elle est munie d’un passeport signé par un Bonze.
Ensuite, après ces dieux, on en connaît beaucoup d’autres plus inférieurs encore ; ainsi, l’on trouve.
Chin-Hoan, dieu protecteur des villes et des provinces, ayant des pagodes particulières et étant adoré dans toutes les communes de l’empire.
Kang, divinité représentée par une idole de trente pieds d’élévation, dorée de haut en bas, revêtue d’habits magnifiques, et ayant la tête ornée d’une couronne brillante d’or et de pierreries.
Kouil-Kiabsti, dieu dont les dévots chinois n’approchent jamais qu’avec un saint frémissement, quoique ses fonctions soient inconnues. Cependant on lui a élevé une pagode à Kangton, toute remplie de lits pour les prêtres et les voyageurs ; deux énormes statues sont sous le vestibule ; l’une tient un serpent et une lance ; l’autre, armée d’un glaive, appuie son pied sur un homme de petite stature comme pour l’écraser.
Ninifo, dieu de la volupté et ayant de nombreux autels.
Kouang-In-Pou-Tsa, déesse de l’abondance ; elle est représentée avec plusieurs mains, comme pour prodiguer ses dons.
Lao-Kioum, dieu qui a été un des sages les plus illustres ; aussi les Chinois croient-ils que leurs sages sont des incarnations de ce dieu ; en conséquence, les surnoms les plus magnifiques lui sont donnés.
Lao-Tseu est ensuite le plus célèbre des sages chinois, et il est, dit-on, une incarnation de Lao-Kioum ; il est le fondateur d’une religion qui compte cent mille sectateurs ; ses livres formant une espèce de code de morale et de philosophie, existent encore. Voici comme les Chinois racontent sa naissance : une jeune et belle vierge, disent-ils, ayant avalé une bulle composée de l’essence du soleil, conçut et resta enceinte pendant quatre-vingt-un ans. Au bout de ce temps, cette vierge mit au monde, par le côté gauche, un enfant à la tête blanche, qui fut surnommé Lao-Tseu ; il naquit sous un arbre nommé Li, et s’écria, en le montrant de la main, voilà mon nom de famille.
Manipa est un dieu des Tangutains, qui célèbrent en son honneur une fête annuelle, pendant laquelle les jeunes gens armés, et en proie à un enthousiasme farouche et délirant, parcourent la ville en frappant tout ce qu’ils rencontrent. On représente ce dieu avec neuf têtes s’élevant en forme de pyramide.
Péroun, était un roi d’une île située près de celle de Formose. Les habitans de cette île étaient tellement corrompus, que les dieux se décidèrent à l’anéantir ; cependant, pour sauver Péroun et sa famille, ils l’avertirent dans un songe qu’il eût à fuir cette île odieuse, lorsqu’il verrait une tache rouge sur deux idoles. Ce bon roi en avertit ses sujets et les engagea à changer de conduite, mais ils ne voulurent pas l’écouter ; un d’eux osa même, la nuit suivante, marquer de rouge les deux idoles indiquées. A cette vue, Péroun s’embarque avec toute sa famille ; aussitôt après son départ, un affreux déluge noie l’île et ses habitans. Les Chinois de la plage où il débarqua instituèrent une fête en son honneur, fête qui se célèbre encore tous les ans à la Chine et même au Japon, le trois du cinquième mois de l’année, en exécutant des courses sur l’eau et en répétant souvent le nom de Péroun.
Phélo, homme célèbre, divinisé par suite de ses découvertes industrielles, au {p. 454}nombre desquelles on compte celle de l’usage du sel. Voyant l’indifférence de ses compatriotes, pour l’utile usage de cet assaisonnement de nos alimens, il quitta son pays pour jamais ; cependant les Chinois ayant plus tard mieux apprécié le mérite de Phélo, instituèrent en son honneur une fête dans laquelle ils montent sur des barques et courent de tous côtés comme pour le chercher : cette fête se célèbre au commencement de Juin.
Poussa est le Dieu chinois de la porcelaine. Il n’était dans les principes qu’un simple ouvrier, mais il fut divinisé à la suite de l’incident miraculeux que voici : Cet ouvrier, désespérant de pouvoir obtenir un morceau de porcelaine tel que l’empereur le demandait, se jeta de désespoir dans un fourneau enflammé, mais à peine y fut-il plongé, que son corps devint une pâte superbe et prit les formes voulues par l’empereur.
Djosie est une idole célèbre des Chinois de Batavia, et préside aux longs voyages ; aussi tous les navigateurs ont-ils soin d’en avoir une sur leur bâtiment et d’entretenir sans cesse du feu devant elle. Lorsque l’on débarque des marchandises, on commence d’abord par poser l’idole à terre en continuant toujours de faire du feu. Le soir, on brûle devant sa pagode du papier argenté. Cette divine idole est en or, et de quatre pouces de hauteur. Chaque année, les Chinois établis sur une terre étrangère renvoient leur idole pour en faire revenir une nouvelle.
Sariafing est le mauvais principe, suivant les habitans de l’île de Formose ; ils croyent que ce dieu se plaît à enlaidir l’espèce humaine par la petite vérole, et qu’il habite le nord. Les dévots à son culte l’invoquent plus souvent et avec plus d’ardeur que Tamagisanhach ou le bon principe qui, pensent-ils, n’a pas besoin d’être prié pour faire le bien.
Nous avons dit que les Bonzes étaient les prêtres chinois, ce sont eux en effet qui desservent le culte Fo-histe, à la manière des Brahmes et des Lamas ; ils sont ignorans, rusés et fanatiques, pourtant presque tous sont pauvres, tandis que les prêtres de la secte des Tao-ssé sont généralement riches ; aussi leur chef doit-il être grand Mandarin.
Japon. §
Le Bouddhisme, on le sait, avait fini par pénétrer au Japon, cependant il n’étouffa pas la religion consacrée aux anciens Dieux indigènes ; il fut même obligé d’adopter une partie des saints de cette vieille religion ; néanmoins, les partisans des anciennes doctrines firent secte à part, et, prenant le nom d’une ville, s’appelèrent Sintoïstes. De tous temps, ces vieux sectaires admirent dans leur culte une foule de pratiques superstitieuses, des pèlerinages, des abstinences de viande, des confréries des deux sexes, des couvents et des religieuses. Ces Sintoïstes reconnaissent un être suprême, mais d’une nature tellement élevée, qu’il ne peut recevoir les hommages des hommes, ni s’occuper de leurs intérêts. Ces Sectaires n’adorent, par conséquent, que des Dieux inférieurs, au nombre desquels figurent surtout les Kamis ; cette secte est la plus ancienne du Japon.
A côté des Sintoïstes se placent les Jenxuans, adorateurs de l’un des Kamis appelé Foben : ils ont une confession et des indulgences à la manière des chrétiens.
Enfin viennent les Boudsoïtes, ou adorateurs de Boudso, autrement dit {p. 455}Bouddha, qu’ils appellent aussi Xaca, secte dont les superstitions, leur dogme de la transmigration des ames, leur enfer et leur paradis rappellent, quoique d’une manière très-défigurée, le Bouddhisme Indien. Chez eux, le principal Dieu est Amida, puis autour de lui se rangent toutes les autres divinités.
Cette principale secte du Japon donne le nom de Daïri, ou Kenrei ou de Tensin, c’est-à-dire, de fils du ciel à son grand-Prêtre, qui est aussi honoré que le Dalaï-Lama, au Thibet : il peut être choisi homme ou femme, sa consécration le rend saint ; mais il est servi avec tant d’activité et de respect, qu’il ne peut ni marcher, ni bouger ; autrefois il était en outre maître temporel de l’empire.
Les Ten-sin-Sitsi-Daï sont au nombre de sept et sont de grand Dieux spirituels, de purs esprits qui ont habité le Japon pendant des siècles innombrables, et qui ont donné naissance aux Japonais. On les nomme 1er Kunitokodatsiinomikotto, 2 Kunisatzntsiinomikotto, 3 Toiokunnannomikotto, 4 Utsiininomikotto, 5 Ootonotsinomikotto, 6 Oomotarnomikotto, 7 Isanaginomikotto. Les trois premiers de ces Dieux ne s’étant pas mariés, voici les noms des femmes épousées par les quatre autres ; 4 Sufitsininomikotto, 5 Ootomafenomikotto, 6 Oosivotenomikotto, 7 Isanaminomikotto et à l’exemple de l’oiseau Sékir, ce furent Isanagi et Isanami qui, les premiers des élus vivans, eurent ensemble un commerce éternel. Après ces sept grands Dieux spirituels viennent :
Les Tsisingodaï, ou Dieux terrestres au nombre de cinq, qui apparurent à la suite des sept Dieux supérieurs précédens ces Dieux terrestres, précédèrent l’ordre commun des mondes, et commencèrent pourtant à sortir de l’indéfini et du vague, en offrant, quoique fort longues, des limites à la durée de leurs règnes. Ainsi Tensiodaïsin régna 250,000 ans ; Osivoninomikotto 300,000 ; Ninikinomikotto, 318,533 ; Fikooodeminomikotto, ou Deminomikotto, 637,892, et enfin Foukiavasedsunomikotto ou Avatsétsounomikotto, 836,042 ans.
Ten-sio-dai-tsin, ou Ama-tarou-on-kami, est ensuite la plus haute divinité Japonaise : elle était considérée comme hermaphrodite. Toutefois, le caractère femelle semble dominer. Cette première divinité céleste se dessine à la tête de la création et fait suite aux sept Dieux célestes, dont elle est la manifestation : elle avait reçu l’existence d’Isanagi, le dernier des Tensinsitsidaï, et donna le jour aux quatre Tsi-sin-Godai. Cette divinité est regardée comme la patronne et la protectrice de l’empire ; aussi, presque tous les temples lui sont-ils consacrés, ou au moins elle partage cet honneur avec les autres divinités. Ses adorateurs lui font parvenir leurs prières par l’entremise des Siou-God-Sin, ou divinités tutélaires et protectrices. On célèbre tous les ans, le seizième jour du neuvième mois, une fête solennelle en son honneur, dans tous les endroits de l’empire ; et en outre, tous les 16, 21, et 26 de chaque mois lui sont consacrés. Les statues de ce Dieu sont toujours accompagnées de ses deux chiens Toma et Inou, et de ses deux compagnons Iebison et Fatsman, qui marchèrent à ses côtés lorsqu’il se dirigea de Fionga vers Itsoumi, où il établit le siége de son pouvoir. Ce Dieu est vénéré par toutes les sectes, tant par les Bouddhistes que par les Sioultos ou Panthéistes, et à plus forte raison par les Sintoïstes. Son idole se trouve dans la plupart {p. 456}des Mias ou temples. Mais le plus beau temple consacré à Tensiodaitsin est à Iedo, et les trois plus célèbres sont à Icié : il y en a deux surtout, appelés Gekon et Naikon, très-remarquables, en ce que le premier est entouré de 80, et le second de 40 Macias, ou petits temples consacrés aux divinités inférieures. Cependant son vrai temple est Fongou ou Dorsinga, ou le temple du grand Dieu ou Iciémia ou le temple d’Icié ; c’est tout simplement une petite chaumière à toit surbaissé, dont les murs sont ornés de papier découpé et dans laquelle on voit un miroir en fonte polie.
Ociouvominomikotto, héros, fils de Tsensiodaitsin, se rendit célèbre par ses nombreux et glorieux exploits, parmi lesquels on distingue surtout le combat terrible qu’il eut à soutenir avec un énorme dragon qui ravageait toute la contrée. Après une lutte sanglante, il le fit tomber sous ses coups. Il perdit dans la suite, dans le Takamano-Farro, le glaive qui lui avait servi à immoler ce reptile gigantesque.
Fatsman, Dieu souterrain et frère de Tensio-daï-tsin, suivant les Sintoïstes qui célèbrent, tous les ans, une fête en son honneur, le vingt-cinq du huitième mois. On l’invoque surtout tous les quinze de chaque mois. Le plus remarquable de ses temples est celui de Boungo, il est nommé Ousa-fatsman.
Après ces grands Dieux viennent les Kamis, ou héros indigènes du Japon, auxquels leurs exploits et leurs bienfaits méritèrent l’immortalité. Ils sont forts honorés, surtout par l’ancienne secte des Sintoïstes, qui reconnaît pourtant un être suprême, dominant sur tous les Kamis. Au nombre de ces divinités on remarque particulièrement :
Xikouani, célèbre Kami, ayant sous sa protection les ames des enfans et des jeunes gens. On le représente jeune et beau, vêtu d’un costume parsemé d’étoiles brillantes, le corps armé de quatre bras ; le premier tient un enfant, le second un sabre, le troisième un serpent, le quatrième un anneau rempli de nœuds, et près de lui est un perroquet.
Tossitokou ou Kourokouci, est un Kami et l’un des quatre dieux protecteurs des marchands qui l’invoquent surtout au commencement de l’année. Il est représenté debout sur un rocher, enveloppé d’une large robe à grandes manches ; il tient un éventail dans sa main ; il a la barbe longue et le front ridé.
Topan, Kami chargé de présider au tonnerre et aux orages. C'est lui qui embrasa l’univers lorsque les hommes en furent venus à un tel état de perversité, qu’ils méprisaient même le maître des dieux ; il fit périr toute l’humanité, excepté une seule famille qui s’était conservée pure au milieu de la corruption générale. On le représente parcourant l’espace, la tête couverte d’un casque et la main armée d’une massue. Quand le tonnerre gronde, Topan est irrité ; alors les prêtres, pour l’apaiser, se couvrent la tête d’un feuillage sacré, et lui offrent en sacrifice des poissons.
Toranga, célèbre Kami, qui monta sur le trône de son pays en le délivrant d’un tyran à huit bras. On le représente armé d’une hache, sous ses pieds expire un horrible serpent. On met aux quatre coins des temples que l’on élève à cet illustre guerrier quatre bœufs dorés.
Foudo, Kami vérificateur des sermens. Lorsqu’un accusé veut prouver son innocence, il doit marcher à trois reprises différentes sur des charbons {p. 457}ardens : s’il se brûle il est coupable, s’il ne se brûle pas il est innocent et acquitté ; car Foudo, pendant qu’il était sur terre, restait des années entières dans une fournaise ardente sans être incommodé. Devant son image on fait brûler perpétuellement une lampe pleine d’une huile extraite d’une espèce de lézard nommé Inari.
[n.p.]Les Japonais, outre les Kamis, adorent encore une foule d’autres divinités, au nombre desquelles ils placent :
Bounsio, appelée ensuite Bensaïten, héroïne célèbre, était une fille d’un riche habitant des bords du fleuve Riou-Sa-Gava. Elle épousa Simmios-Daï-Miosin ; mais ne pouvant en avoir d’enfant, elle fut trouver les Kamis, qui la fécondèrent, et elle pondit cinq cents œufs, qu’elle renferma dans un coffret sur lequel elle avait écrit les mots : Fo-cia-rou, puis elle le jeta dans le fleuve Riou-Sa-Gava. Le coffret fut recueilli par un vieux pêcheur, qui fit éclore les œufs dans un four ; chaque œuf produisit un enfant. Plus tard, leur mère les reconnut publiquement, et témoigna la joie qu’elle éprouvait de les avoir retrouvés, par un festin magnifique ; ensuite elle fut admise, ainsi que ses fils, au nombre des Kamis ; alors elle prit le nom de Bensaïten. Elle préside à la richesse et à la population ; on célèbre en son honneur, le troisième mois de l’année, la deuxième des cinq grandes fêtes japonaises, et elle est appelée la fête des pèches. Ce sont les jeunes filles qui ont le plus de part à cette solennité, très-remarquable par le festin que l’on donne dans une salle remplie de jouets d’enfans.
Dabis ou Debis, dieu japonais de l’île de Niphon, où il a une statue colossale en airain et à forme humaine. Tous les ans, une jeune fille entre dans son sanctuaire et lui adresse certaines questions, auxquelles il répond avec complaisance, en comblant cette jeune vierge de ses faveurs ; les questions de cette jeune fille ont presque toujours pour but d’obtenir un mari.
Daikokou, dieu des Sintoïstes. Ses adorateurs sont surtout les artisans, parce qu’il préside au bonheur et à la richesse. On le représente assis sur un sac de riz, tenant en main le marteau du bonheur ; près de lui est un sac qui se remplit, soit de drap, de riz ou d’argent, suivant sa volonté, lorsqu’il le frappe avec son marteau.
Dina, dieu de la guerre, est le grand dieu d’une secte appelée des Xingovins.
Diodoo est le dieu des voyageurs.
Iebicon, dieu des eaux, et surtout de celles de la mer. Il est le protecteur des matelots et des poissons. On le représente assis sur un rocher, tenant une ligne dans la main droite et dans sa gauche le poisson Taï.
Jacousi, dieu de la médecine et père des Jakousis, esprits subalternes et malfaisans. On le représente debout sur une feuille de nymphéa, la tête entourée d’une auréole.
Jemao, divinité du monde souterrain et juge des ames séparées des corps. Ce juge terrible ne peut être fléchi en faveur des hommes, que par Amida seul. Près de sa statue, sont celles de deux esprits des ténèbres, qui sont chargés d’enregistrer ses jugemens.
Jène, dieu présidant aux ames des gens mariés et des vieillards. On le représente avec quatre faces et quatre bras ; il tient d’une main un sceptre terminé par un brillant soleil ; d’une autre, une couronne de fleurs ; dans la troisième, il porte une verge, et dans la quatrième, une cassolette remplie de parfums.
{p. 458}Kama, nom d’un instrument de chasse divinisé par les Japonais. Un jour, des voleurs prirent dans le plus beau Mia ou temple de Noumatsion, un Kama qui en faisait la gloire et l’ornement ; ils voulurent l’emporter ; mais le Kama, trop pesant pour eux, tomba dans l’eau, s’y fixa, et fut regardé, dans la suite, comme l’inspecteur et le chef de cette rivière nommée Noumatsi.
Dai-Mo-No-Gini, dieu auquel les Japonais ont élevé une statue, portée processionnellement, et avec la plus grande cérémonie, un des jours de juillet, au milieu d’un cortége nombreux d’infanterie, de cavalerie, de nobles, de prêtres et de femmes.
Daiboth, puissante divinité, représentée sous la forme d’une femme, ayant le sein nu, assise à la manière des orientaux, sur un autel peu élevé ; ayant des cheveux crépus et la tête ornée de rayons d’or, que surmontent des images de divinités inférieures ; ses mains en portent aussi quelques-unes. Elle a des oreilles très-larges et une flamme sur le front.
Denichi, dieu suprême des Chingovins, est une des trois divinités qui président à la guerre. Son corps garni de quarante bras, est surmonté par trois têtes, dont l’une est le soleil, l’autre la lune, et la troisième la masse des élémens.
Les Fotoah ou Fotoques, sont des dieux ayant beaucoup de rapports avec les Bouddhas. Le chef des Fotoques était représenté en or massif, et fut enlevé de Foung-O, par des voleurs qui le cachèrent si bien qu’on ne put le trouver ; mais Foutoque sortit, se mit sur les eaux et arriva ainsi dans l’île de Mitokama.
Gotsitemo ou Givon, dieu de la religion sintoïque, que l’on invoque pour être à l’abri des maladies, des chutes et des mauvaises rencontres. Les Sintoïstes ont établi, en son honneur, une fête annuelle qui se célèbre avec beaucoup de solennité à Nangasaki, le quinze du sixième mois. En outre, il a une fête tous les quinze de chaque mois. On place son image sur la porte des maisons.
Maristin, dieu de la guerre. Les Japonais célèbrent en son honneur une fête au mois d’avril ; dans cette fête, ils se divisent en deux troupes, qui se battent jusqu’à ce que l’une d’elles s’avoue vaincue. Chaque combattant porte sur l’épaule l’image de Maristin.
Mirokou ou Fottée, dieu présidant à la richesse et au bonheur des marchands. On le représente avec un ventre énorme. Les Sintoïstes, regardant une nombreuse famille comme une richesse, ne manquent jamais de lui demander des enfans.
Souva, dieu de la chasse. Le jour de sa fête annuelle, des musiciens nombreux précèdent une longue procession, composée d’abord de deux chevaux blancs très-maigres et d’un grand nombre de peuple. Ensuite viennent deux chevaux gras, suivis des prêtres et des grands. Toute cette troupe se dirige d’un point de la ville vers le Mia, ou temple de Souva.
Tiedebaik, dieu des Sintoïstes : sa tête de sanglier est environnée d’une couronne brillante de pierreries, son corps est armé de quatre mains, dont l’une tient un sceptre ; l’autre une tête de dragon ; la troisième, un cercle d’or, et la quatrième, une fleur. Sous ses pieds expire un monstre qui semble un génie funeste. A Osaka, ce dieu a une statue d’or et enrichie de pierreries.
Après avoir passé en revue les Dieux anciens du Japon ou du Sintoïsme, il nous reste fort peu de choses à dire sur les {p. 459}nouveaux Dieux ; aussi, ne parlerons-nous ici que d’Amida, de Gouannon, et de Kano,
Amida, père de Gouannon, est, d’après les Bonzes ou prêtres Japonais, le suprême roi des cieux et des régions de la Félicité. Il réunit en lui tous les attributs de l’être suprême, il est immatériel, immuable, impérissable et antérieur à la nature. C'est lui qui est le sauveur et le médiateur des hommes, en faveur desquels il intercède auprès de Jemma ou Jama, sombre roi du Dsigik ou enfer. Amida s’est incarné, et sous cette forme humaine il vécut près de deux mille ans. Ce fut pendant cette incarnation qu’il se rendit célèbre par ses nombreuses pénitences et par ses miracles. Enfin, fatigué de la vie, il se donna volontairement la mort, d’où vient que ses adorateurs se tuent sans difficulté, croyant par là faire un acte qui lui est agréable, et mériter ainsi la suprême félicité du Gokurak ou paradis. Pour plaire à Amida, il faut mener une vie sainte et pure, et se conformer à ses préceptes qui sont : de ne pas tuer, de ne pas voler, de ne pas se livrer à l’impudicité, de ne pas mentir, de ne point boire de liqueurs fortes. On le représente avec trois têtes coiffées d’une espèce d’étoffe, et monté sur un cheval à sept têtes. Il tient dans ses mains un anneau d’or, qu’il serre entre ses dents. Amida est donc un Bouddha défiguré, et habillé à la convenance du Japon.
Gouannon est fils d’Amida. Ses adorateurs lui rendent plus spécialement hommage, et récitent en son honneur de longues et nombreuses prières ; aussi se regardent-ils comme plus parfaits que les autres Japonais.
Kano, ou Kanon, Dieu des eaux et des poissons, et fils d’Amida, a créé le soleil et la lune. On voit son idole sortant de la gueule d’un énorme poisson de mer, dans un temple superbe, bâti à Osaka. La tête de cette idole est ornée d’une fleur ; son corps est armé de quatre bras, dont deux sont élevés en l’air, et les deux autres tombant ; une de ces mains est fermée, les trois autres portent une lance, une fleur et un sceptre ; son cou est environné d’un collier de perles. Devant lui est une corne de mer, de laquelle on voit sortir la partie supérieure d’un jeune homme nu et barbu.
Au Japon, le Sintoïsme et le Bouddhïsme reconnaissent un grand nombre de saints très-révérés ; nous nous bornerons à citer les suivans :
Fanna, Japonais célèbre par sa sainteté, est représenté dans ses temples, debout sur une fleur de Torata ; sur sa tête entourée d’un cercle d’or, est une coquille remplie à moitié de grains de riz ; il tient un sceptre dans sa main gauche. Les Japonais ont tant de respect pour lui qu’ils ne s’en approchent que la tête nue, et si, pendant qu’ils sont près de lui, ils entendent sonner une cloche ou retentir un vase, ils lui adressent leurs prières en se tenant les mains devant la bouche.
Inga, saint que les Japonais ont divinisé à cause des nombreux miracles qu’il faisait. Le plus remarquable fut celui qu’il fit pour faire cesser une sécheresse terrible qui désolait le Japon : la pluie, à sa prière, devint si abondante, que les ponts de Miako furent emportés par les eaux.
Kasja et Anna, deux saints Bouddhistes, auteurs d’un ouvrage nommé Fokekio, ou bible des Japonais. C'est dans cette bible formée de feuilles d’arbres qu’ils inscrivirent les plus belles maximes {p. 460}de Bouddha, et les principaux évènemens de sa vie.
Kobote, saint Bouddhiste, passant pour être du nombre de ceux qui emportèrent le Fokekio au Japon, où il arriva porté sur un cheval blanc. Aussi, la pagode qui fut élevée en son honneur immédiatement après son arrivée, s’appelle-t-elle le temple du cheval blanc.
Kombadaxe est un bonze, sous-incarnation de la divinité ; il fit bâtir, à l’âge de huit ans, un temple magnifique dans lequel il fit construire une caverne murée sur lui, et s’y endormit. Ce sommeil doit durer dix millions d’années.
Mokouris est un des premiers propagateurs du Bouddhïsme au Japon. Il commença sa mission sur les côtes du Malabar et du Coromandel ; puis il envoya des disciples dans l’intérieur des terres, pour y répandre sa doctrine, et fit parvenir ainsi le culte d’Amida, jusque dans la Chine et au Japon.
Sotoktais naquit à la cour de l’empereur Fintats. Sa mère avait été prévenue de son avenir par une voix divine qui lui dit même qu’elle était enceinte. En effet, au bout de huit mois, l’enfant parlait dans son sein ; quatre mois après elle le mit au monde. Son enfance fut merveilleuse et exemplaire par sa piété ; plus tard, les rois eux-mêmes vinrent le visiter et lui présenter leurs hommages. Un jour qu’il était dans la province de Jamatto, sur la montagne de Katajoka, Dharma lui apparut et eut une conversation avec lui. Sept ans après cette apparition, Sotoktais mourut.
Tenkadaï, Dieu prophète, auquel chaque mois on amène une jeune fille qui est remplacée un mois après par une autre. Ce Dieu, dans la mystérieuse entrevue avec cette jeune et belle fille, lui donne la solution de tout ce qui peut embarrasser les bonzes. Lorsque la jeune fille se retire, tout son corps est couvert d’écailles qui ressemblent à celles des poissons.
Xedor, saint célèbre, issu de race royale, donna, pendant sa vie, l’exemple de toutes les vertus. Après avoir perdu son épouse à laquelle il avait juré un amour et une fidélité éternelle, il se voua à l’enseignement de la philosophie et de la religion. En mourant, il ordonna qu’on lui rendît les honneurs divins, et dit de quelle manière on devait le révérer et invoquer sa protection.
Dieux des Parses,
ou
Des anciens Persans.
§
Magisme. §
L'Iran ou le pays d’Irac, ou l’ancienne Perse, adora des Dieux actuellement fort peu connus ; mais Zoroastre ou Zérétouchtro, en langue Zend, apparut dans le temps de Darius ; Hytaspe recueillit, dans le Zend-Avesta, la loi de Hom ou Hemmés, ou de ce premier homme-prophète ; supposa avoir reçu, dans le ciel, cette parole divine, et introduisit dans ces contrées le Magisme, système religieux basé sur le dualisme du bien et du mal, subordonnés à un être supérieur, immatériel et tout puissant.
Zervane-Akérène, ou le temps sans limites, est ce Dieu suprême, irrévélé, sans individualité, sans successivité ; c’est de lui qu’émanent les deux principes qui président au bonheur ou au malheur de l’ordre et du monde réel.
Quant aux deux grands Dieux qui, placés au-dessous de Zervane-Akérène, {p. 461}se balancent entr'eux les destinées humaines, ils sont appelés Ormuzd ou le bon principe, et Ahriman ou le mauvais principe ; puis, autour d’eux, se groupent une foule de Dieux inférieurs, dont un surtout méritera de notre part quelques observations, c’est Mithra, Dieu-soleil, figure mythologique, représentant chez les Parses le symbole mystérieux et caché de la fécondité et de la reproduction.
Cependant, cette religion si ancienne, qui vécut si long-temps brillante et entourée de respect, n’avait ni statues de Dieux, ni temples, ni autels ; les animaux formaient seuls les emblêmes de ses divinités, et le feu sacré que l’on entretenait sur les plus hautes montagnes, sans le discontinuer, était l’image du soleil adoré. Le plus grand respect était fidèlement accordé aux mages ou prêtres qui se divisaient en Herbeds ou disciples, Mobeds ou maîtres, et Desturs-Mobeds, ou maîtres parfaits, tous sous la conduite d’un archimage, ou grand-prêtre. Du reste, ils étaient fort intolérans, se faisaient largement payer, puisqu’ils percevaient un dixième des revenus et possédaient un dixième des terres. Leurs sectateurs fort puissans, sous l’ancienne monarchie, ne laissent pas d’être encore très-nombreux aujourd’hui, quoique divisés et méprisés par la population mahométane ; aussi les voit-on restant fidèles à leur croyance, prier devant le feu sacré, et attendre patiemment le triomphe d’Ormuzd. Ces partisans des vieilles doctrines de Zoroastre portent les noms de Parses ou Parsis, Guèbres ou Gaures.
Ormuzd, principe du bien et fils de Zervane-Akérène, reçut de son père l’ordre de créer le monde entier, et de le combler de tous les biens possibles. Pour exécuter ses volontés, Ormuzd créa des princes nommés Amchasfands, qui commandaient à des génies tutélaires nommés Izeds, qui tous devaient seconder Ormudz dans la noble mission qu’il avait à remplir, et lui aider à éloigner de l’homme Ahriman, principe du mal, et les Devs, funestes exécuteurs de ses volontés. Ormuzd doit avoir pour ennemi, pendant douze mille ans, cet Ahriman ; ces douze mille ans sont partagés en quatre âges. Ainsi, Ormuzd régna seul pendant le premier ; dans le second Ahriman fit sentir les funestes effets de son essence funeste ; dans le troisième âge, qui est l’époque où nous vivons, les deux principes ont un égal succès et le mauvais l’emporterait si Ormuzd n’eût ouvert son cœur à la pitié, et n’eût envoyé aux hommes un sauveur nommé Sosigch, pour les préparer à la résurrection générale. Ahriman voudra faire un dernier effort, mais il sera vaincu par Ormuzd, qui, dans l’embrasement général de l’univers, purifiera les ames et Ahriman lui-même, ainsi que les mauvais génies. Alors surgiront de ce vaste incendie un nouveau ciel et une nouvelle terre, dégagés de toute ombre, de tous crimes, et dont la durée sera éternelle. Ahriman cessant d’être un principe nécessaire et distinct d’Ormuzd, se confondra avec lui dans l’éternel, et l’univers jouira enfin d’un bonheur et d’un repos qui ne finiront jamais. La demeure d’Ormuzd s’apelle Béhecht, et son royaume Gorotman. C'est la plus élevée des trois sphères célestes ; le soleil roule au-dessous de son trône. On l’invoque toujours avant le soleil ; il préside au premier, au huitième, au quinzième, au vingt-troisième du mois.
Les Amchasfands ou Amchaspands, sont des génies célestes, créés pour veiller à l’organisation et à la conservation de {p. 462}l’univers ; ils sont au nombre de sept, à la tête desquels brille le puissant Ormuzd. Les six coadjuteurs de ces puissans Amchasfand sont Ardibéhecht, Bahman, Chahriver, Sapandomad, Kordad, Amerdad. Les Amchasfands sont les princes et chefs des vingt-huit Izeds, qui sont, ainsi que les Amchasfands, de purs esprits. A ces bons princes étaient opposés sept autres mauvais princes appelés Devs. Leur lutte commence et finit avec celle d’Ormuzd et d’Ahriman.
Bahman ou Bahaman et Bamen, est le deuxième Amchasfand, ou le premier après Ormuzd ; il est le régulateur et le roi du monde et de la lumière, le dieu de la paix, chef de tous les autres Amchasfands ; il est comme lumière et bonté, la plus haute et la plus sainte expression d’Ormuzd. Il donne l’abondance aux purs et purifie ceux qui aiment et adorent Ormuzd ; il protége surtout l’ame d’Aboudad, ou taureau primordial, duquel nous verrons naître Kaïomorts, ou le premier homme. Il introduit les ames des justes dans le séjour de la félicité, lorsqu’elles ont franchi, sous la conduite des Izeds, le Pont Tchinevad.
Ardibéhecht préside au feu, à la santé, aux productions de la terre et à la grandeur de l’univers, au dixième mois de l’année, appelé, en conséquence, Ardibéhecht ; il préside en outre aux 3, 8, 15 et 23e jours du mois ; il donne l’éloquence ; il est le Hamkar ou coopérateur du Gahs femelle Hapitan, et il a pour Hamkars ou coopérateurs, Seroch, Bheram et les Aderans, ou feux allumés dans l’Atechgah qui, tous avec lui, font la guerre au Dev de l’hiver et à Sapodiguer.
Sapandomad ou Sefendomad, ou Espendarmad ou Espendamar, est le quatrième Amchasfand ; seulement c’est une déesse, née d’Ormuzd ; elle préside à la terre et à l’agriculture, elle donne du courage aux hommes et de douces chaleurs à la terre ; elle recueillit les restes de Kaïomorts. On lui consacre le douzième mois, pendant lequel règne constamment une chaude température. Le cinquième jour de ce mois est spécialement sous sa protection.
Chahriver préside aux richesses métalliques et donne aux mortels tous les autres biens ; il a pour Hamkars Khor, Asman, Aniran et Mithra qui, tous avec lui, sont ennemis du Dev Savel.
Khordad préside au sixième jour des mois et au troisième mois de l’année ; c’est lui qui distribue aux purs l’eau de pûreté et donne des alimens aux hommes. Il a pour auxiliaires Tachter, Bad et Ardahfreoech, ennemis des Devs Tarik et Zaretch. Il passe aussi pour être le cinquième feu, c’est-à-dire le feu des plantes.
Amerdad fut créé par Ormuzd, à la fin du premier millenaire, pour présider à la végétation et aux troupeaux, éloigner la grêle, la foudre, la pluie, les vents et les maladies. Ses coadjuteurs chargés de l’aider à répandre ses bienfaits sont : Rachnérast, Achtad et Rémiad ; ils sont avec lui les antagonistes du Dev Tosius. Le septième jour du mois était consacré à Amerdad.
Les Izeds ou Yzeds, génies de deuxième ordre, viennent immédiatement après les Amchasfands, et comme eux ils président aux grands principes, aux grands phénomènes du monde, aux jours et aux mois de l’année. Ils furent créés par Ormuzd, au nombre de vingt-huit, les uns mâles, les autres femelles ; ils sont les Hamkars ou auxiliaires des Acmhasfands, et les aident à combattre les Devs. Les Izeds {p. 463}s’entresecourent les uns les autres ; puis ils ont sous eux les Fervers, ou espèces d’anges gardiens. Ces Izeds mâles ou femelles portent les noms suivans :
Aban, présidant à l’eau, aux arts libéraux et mécaniques.
Achtad, préside à l’abondance, aux fruits et aux moissons ; il donne la force de remplir ses devoirs.
Aver ou Aser, Ized du feu. Il le représente dans toute son étendue.
Anahid ou Anaïtis et Enyo, Ized présidant à Vénus-planète ou au feu des étoiles, nommé le feu Gouchasp, ou feu femelle, tandis que nous verrons Mihr ou Mithra présider au feu mâle, et Behram au feu de la foudre. Anahid, grande divinité orientale, eut un culte fort célèbre, surtout dans la région du Caucase et dans toute l’Arménie, d’où il pénétra dans la Perse du temps d’Artaxerce ; ses temples étaient magnifiques, les principales cérémonies de son culte consistaient en processions, pendant lesquelles on portait ses statues ; elles avaient lieu au printemps et à l’automne ; le grand prêtre avait la tête ceinte d’un diadème, les assistans suivaient, en célébrant leur joie par des danses armées, convulsives, pendant lesquelles ils se portaient des coups de couteaux et se livraient aux plaisirs les plus dissolus ; ainsi, l’on y voyait s’unir par d’horribles embrassemens, le père avec la fille, le frère avec la sœur, la mère avec le fils.
Aniran, Ized présidant à la lumière primitive.
Archéching, ou Arching, Ised femelle qui, conjointement avec Ard, Ized mâle, prodiguait aux humains la santé, les alimens et les plaisirs ; aussi son cortége se compose des jeux et des ris.
Cet Ard, Ized mâle, préside en outre au feu et à la lumière, en tant qu’illumination de l’intelligence ; il s’unit à Parvant, Ized femelle ; mais on peut admettre que l’assemblage d’Ard-Archeching devait présenter chez les Perses l’idée d’un être hermaphrodite, réunissant en lui le feu mâle et femelle de l’intelligence.
Ardviçour ou Ardvisour, Ized femelle, fille d’Ormuzd, présidait à l’eau primordiale et bienfaisante ; elle était chargée de rafraîchir les plaines et de procurer à l’ame des pensées lumineuses, des actions nobles et brillantes, et d’entretenir l’harmonie de l’univers.
Asman, génie tutélaire du ciel ou le ciel lui-même ; on l’invoque pour aller dans le Behecth, ou portion du ciel qu’habite Ormuzd.
Barzo, Ized présidant aux réservoirs des eaux.
Behram, espèce de Jupiter Grec, ou Ized qui préside au feu de la foudre et à la paix. C'est le plus puissant et le plus actif des Izeds, il est à la tête de tous les êtres. Il donne la santé, et combat toujours contre les Devs. Il prêta son secours à Feridoun, dans la lutte qu’il soutint contre Zohat. Il prend la forme d’un cheval, d’un sanglier, d’un chameau, d’un taureau aux cornes d’or, du vent, ou même celle d’un jeune homme.
Dahman, Ised le béatificateur du peuple céleste et des hommes qui ont été justes sur la terre ; c’est lui qui est chargé de recevoir les ames justes des mains de Seroch, autre Ized, et de les remettre dans le Béhecth. Aussi c’est Dahman que l’on prie pour les morts.
Din, Ized, génie de la loi, et présidant au dixième jour du mois.
Farfardin, Ized commandant aux Fervers, et présidant au dix-neuvième du {p. 464}mois et au premier mois de l’année qui portait son nom.
Goch, et quelquefois Drouasp, Ized mâle présidant à la force vitale et à l’existence des êtres organisés. Ce fut lui que seconda Dchemchid, dans toutes ses entreprises, et il accomplit les vœux de Féridoun. Le feu des éclairs, emblême de la force, est une émanation de Goch.
Gochoroun, Ized femelle, née du bras gauche de Kaïomorts immolé. Elle est le principe passif de la vitalité, dont Goch est le principe actif. C'est elle qui protége les troupeaux et généralement tous les animaux dont elle est l’ame ou la force vitale.
Khorchid, Ized pris pour le soleil lui-même, et habitant au centre du monde dans une partie de la demeure d’Ormuzd, appelée Korchidpai ; souvent on l’omet sur la liste des Izeds, car alors on le confond avec Mithra.
Mah, Ized de la lune, mais que la mythologie Zoroastérienne considère comme un être mâle.
Manresfand, ou Manrespand, Ized ou génie de la parole divine.
Nériocengh, Ized du feu, animant les rois ; Ized aussi de la paix, de la justice, et le gardien de la semence de Kaïomorts. C'est Nériocengh qu’Ormuzd adressa à Zoroastre, pour lui ordonner de convertir le monde à la loi Ormuzdienne.
Parvand, Ized dont les fonctions se trouvent encore assez mal définies.
Ramechné, ou Ramechnékharom, Ized présidant aux révolutions célestes, au temps, aux plaisirs durables. Il est d’une bienfaisance sans bornes ; aussi lui donne-t-on le nom d’oiseau protecteur du monde.
Rachné-Rast, Ized, génie du repos.
Séroch, ou Tachter, ou Tir, Ized qui préside aux eaux de pluie et à la terre. Il est sur terre ce qu’est Ormuzd au ciel ; aussi l’invoque-t-on après lui. Il habite avec Aom les cimes élevées de l’Albordj, d’où il veille sur le monde, purifie les provinces, protége les hommes contre les Devs, et s’oppose à Echem. C'est lui qui a révélé la loi aux sept Kechvars.
Cependant, pris comme Tachter ou Tir, il est chargé de puiser les eaux, et de les envoyer en pluie sur la terre. Il est tantôt sous la forme d’un cheval héroïque, tantôt sous celle d’un taureau à cornes d’or.
Vad, Ized présidant aux vents.
Venant, Ized qui préside à la santé.
Zémiad, Ized femelle chargée de présider à la terre.
Enfin, nous terminerons cette liste des Izeds par le grand, le sublime, le brillant Mithra, car la vénération dont il jouissait et qu’on lui a toujours conservée nous a semblé devoir lui mériter une place particulière ; en effet,
Mirh ou Mithra, était l’Ized du soleil ou le génie du feu-amour, le Dieu célèbre des Mages et des Parses ; c’est le soleil dans sa glorieuse majesté. Son culte était tout mystérieux. Pour être initié aux mystères de Mithra, il fallait subir des épreuves qui souvent mettaient la vie même des récipiendaires en danger ; les épreuves duraient de cinquante à quatre-vingt jours. Ensuite ils étaient baptisés ; puis on leur faisait sur le front certains caractères pour les consacrer au bon principe ; ensuite venait l’offrande du pain et du vin, et, à la fin, on mettait une couronne sur la tête du néophyte, qui la rejetait par-dessus son épaule, en disant : Mithra seul est ma couronne. Aussitôt on lui ceignait l’épée, et alors il était déclaré soldat de Mithra. Les {p. 465}offrandes que l’on faisait à ce Dieu, étaient du miel ; on lui immola même des victimes humaines.
Au-dessous des Izeds, on aperçoit dans le magisme, les Gahs, génies surnuméraires au nombre de dix, dont cinq, du sexe féminin, président aux cinq derniers jours complémentaires de l’année, et cinq autres, du genre masculin, commandent aux cinq parties du jour.
Les Gahs des Gathas, ou complémentaires, autrement nommés Epagomènes, sont : Honouet, invoqué avec les Fervers ; Ochtouet ; Séfendomad, présidant au troisième jour complémentaire ; Fohou-Khéchétré, c’est-à-dire le roi ou plutôt la reine de l’abondance, présidant au quatrième jour complémentaire ; et Féhechtoestoech, ou la très-excellente.
Les Gahs des cinq parties du jour se nomment : Havan, ou le bienfaiteur des rues, présidant à l’espace qui va du lever du soleil jusqu’à midi en été, et jusqu’à trois heures en hiver ; Rapitan, qui préside à la partie du jour de midi à trois heures pendant l’été, mais il disparaît en hiver ; il est remplacé par Havan ; quelquefois il figure au nombre des Izeds ; alors, il est le protecteur du midi ; Ociren ; Efesrouthrem préside depuis le coucher du soleil jusqu’à minuit, et est invoqué avec Havan et Tsour, et avec les Fevers et le feu. Ochen est enfin le dernier de ces Gahs.
Les Fervers ou Ferouers, dont nous avons souvent parlé, sont les prototypes des êtres ; leur nombre est immense. Ils sont purs, légers, impondérables, immatériels ; chaque être organisé en a un qui le précède et l’accompagne pendant son existence. Ce Ferver remplit auprès de lui les mêmes fonctions que l’ange du christianisme ; aussi on les invoque et on les prie d’intercéder auprès du grand Ormuzd. Ce sont les anges gardiens dans la religion de Zoroastre.
Après avoir fait connaître Ormuzd ou principe du bien, et toutes les divinités dont il se sert, et qui sont rangées au-dessous de lui pour combattre Ahriman, faisons connaître ce principe du mal.
Ahriman ou Arimane, fils aussi de Zervane Akérène, est l’antagoniste d’Ormuzd qui créa les Fervers, la lumière, l’Albordj, le soleil, la lune, les cinq autres planètes et les étoiles. Ahriman opposa à l’instant un nombre égal de créations funestes. Au commencement de la deuxième partie de la durée du monde, Ahriman voulut attaquer Ormuzd ; mais à la vue de son brillant adversaire, il retomba dans le noir empire dont il s’était élancé pour combattre, et il y est resté confiné pendant le reste du temps. En l’absence de ce mauvais principe, Ormuzd continua sa création, et donna naissance aux sept Amchasfands, aux vingt-huit Izeds et à Aboudad, taureau primordial, dans lequel il déposa les germes de toute vie physique ; après Aboudad, il fit naître Kaïomorts, ou le premier homme. Cependant, Ahriman ne resta pas oisif, il donna de son côté naissance aux devs, et à peine la troisième partie commença, qu’il s’élança à la tête des Devs, et voulut pénétrer dans l’empire d’Ormuzd, mais lui seul put y parvenir. A l’aspect de la gloire qui environnait son rival, il lui fut impossible de rester, et il redescendit sur la terre sous la forme d’un serpent ; alors, il souilla d’une fumée dévorante le taureau primordial, puis, à l’aide de lait de chèvre et de fruits, il séduisit le premier couple humain Meschia et Meschiane, et leur fit perdre le bonheur et l’immortalité. Le {p. 466}combat des deux principes dura pendant quatre-vingt-dix jours, et autant de nuits consécutives, sans que la victoire pût se déclarer. A la fin, les Devs et leurs chefs furent refoulés dans les profondeurs de Douzath. Au commencement du dixième millénaire, il revint à la charge, et cette fois, il remporta la victoire. L'homme périt, et les ames se mirent à errer, exilées et gémissantes dans l’empire d’Ahriman ; le monde fut en proie aux cruels Devs. Tout infailliblement aurait été anéanti, si Ormuzd n’eût envoyé un sauveur pour préparer la résurrection générale. Alors une comète, traversant l’espace, heurta la terre et l’embrasa : les ames aussitôt se purifièrent dans ce vaste embrasement et méritèrent après l’absolution de leurs crimes de jouir d’un bonheur parfait. Enfin, nous dit le Zend Avesta, Ahriman et les Devs tenteront un dernier effort contre la puissance d’Ormuzd, mais la flamme en les tourmentant les purifiera malgré eux. Ensuite, de ce vaste incendie, sortira un nouveau monde, un nouveau ciel plus parfait que ne le fut l’ancien, et destiné à durer éternellement ; les deux principes se confondront dans l’éternel, et chanteront les louanges de la lumière. Le Zend nous montre Ahriman, tantôt sous des formes humaines ayant une longue langue et des genoux secs et anguleux, et tantôt sous la forme d’un serpent.
Les Devs ou Divs sont par conséquent des êtres surhumains, de véritables démons auxiliaires du principe du mal : parmi eux, vingt-huit sont chargés de combattre les Izeds, et, comme ceux-ci, ils ont sept chefs en opposition aux sept Amschasfands. Ces sept princes ou chefs des Devs portent les noms qui suivent :
Achmogh est opposé à Bahman, le second Amschasfand. Sa science est si grande qu’il connaît parfaitement la vérité de la voix vivante, sortant des lèvres sacrées d’Ormuzd, mais sa discrétion est telle, qu’il se refuse à faire connaître ce qu’il sait et sent. Ce génie malfaisant fait tous ses efforts pour rendre la terre stérile, la couvrir de désastres, de plaies et de douleur, et tourmenter les hommes. On le représente sous la forme d’un serpent à deux pieds.
Echem ou Sor est le suprême mauvais principe : il est toujours opposé à l’Ized Séroch.
Eghech, Eghétech, Khévézo et Vasirecth, n’ont point de fonctions déterminées bien connues. Cependant divers Devs, portant encore d’autres noms, étaient censés combattre les Amschasfands ; ainsi, Sapodiguer était opposé à Ardibehect, Savel à Chariver, Tarik, et Zaretch à Khordad, et Tosius à Amerdad. Parmi les Devs, on cite en outre :
Déroudi, Dev opposé à Sapandomad, et aux Izeds agricoles ; il s’offense surtout lorsque l’on prive les domestiques de leur salaire, les animaux de leur nourriture, et les campagnes de leur eau d’arrosage.
Epéoché ou Epéocho, Dev puissant et ennemi acharné de Tachter, le génie de l’eau ; aussi Epéoché cherche-t-il sans cesse à troubler la limpidité et la pureté des eaux.
Nous avons dit qu’Aboudad, taureau primordial, avait, suivant les Parses, donné naissance à Kaïomorts, le premier homme ; cependant, celui qui parait avoir été le premier homme d’après cette religion, s’appelle Hom, et voici ce qu’en dit la tradition :
Hom était un Dieu-homme-arbre, émané de Zerdane Akérène ; il était l’incarnation la plus haute de Hanover, {p. 467}également émanation, mais sans forme positive du Dieu suprême. Hom était le révélateur par la parole et par les livres, il était même la loi vivante, il semble donc par conséquent ne pas différer de Zoroastre. On le compte parmi les Izeds, il est une des premières productions du taureau primordial. A lui seul, il récapitule tout le règne végétal. Il a un œil d’or, c’est le roi des astres ; c’est lui qui a créé l’oiseau divin qui ramasse les graines, tombant de l’arbre-homme, et les répand sur la terre. Dans les processions en son honneur, on prend des branches du vieil arbre que l’on suppose toujours être le véritable Hom-Arbre, planté dans le Kerman ou sa terre de prédilection ; deux Parsis sont chargés de cette mission, et les portent avec pompe.
[n.p.]Kaïomorts n’est plus un Dieu-homme, c’est simplement le premier homme sorti, assure-t-on, de l’épaule droite du taureau primordial Aboudad, au moment où celui-ci expirait sous les coups du cruel Ahriman. Kaïomorts devint aussitôt le but de la haine du Dieu du mal qui ne cessa de le poursuivre, et le fit périr à trente ans. La semence de ce premier homme tomba sur la terre, où le soleil la purifia ; l’Amchasfand Sapandomad en prit un tiers, l’Ized Nériocengh prit les deux autres tiers. Au bout de quarante ans, ils réunirent les trois parties dans un lieu où l’on vit pousser l’arbre Reivas qui porta dix couples humains, dont les principaux étaient Meschia et Méchiane.
Meschia et Meschiane formaient donc un couple primitif, auteur du genre humain, sorti de l’arbre Rivas. Ce couple, créé pour le ciel, vivait dans la pure innocence, ignorant le mal. Mais Ahriman lui fit boire le lait d’une chèvre, ce qui rendit malades l’homme et la femme, puis il leur présenta des fruits qu’ils acceptèrent, et alors ils perdirent leur innocence et leur bonheur. La femme fut séduite la première, à cinquante ans. Ils eurent deux fils Siahmak et Vechak, et vécurent encore cinquante ans. Après quoi ils furent dans l’enfer subir la peine due à leur péché, jusqu’à ce que la résurrection générale vienne les délivrer.
Fréfak, fils de Siamak, et de Bechak, épousa sa sœur Frevakein, qui le rendit père de quinze couples humains dont neuf, montés sur le taureau Sarécéokh, ne mirent pied à terre que sur les six Kechvars extérieurs du disque terrestres, les six autres se fixèrent dans le Kechvar central qui n’est autre chose que l’Iran.
Houchengh, fils de Fréfak, et petit fils de Kaimorts, chef de la dynastie des Pichdadiens, est, chez les Perses, le législateur-civilisateur par excellence. C'est lui qui enseigna l’agriculture, l’industrie, l’exploitation des mines. Il fit bâtir Sous ; il est l’auteur du code de la sagesse eternelle, il fut un conquérant célèbre. Sa monture ordinaire était un cheval à douze pieds, issu d’un crocodile et d’un hippopotame.
Dchemchid ou Djemchid, fils de Vivengham, premier roi et civilisateur de l’Irran ou Perse, régna six cent treize ans et six mois, et vécut cent ans après être descendu du trône. On le regardait encore comme un premier homme. Ce fut à lui qu’Ormuzd confia le soin de répandre ses lois, d’améliorer le sort des hommes et de veiller sur eux. Pour exécuter les volontés d’Ormuzd, il fit de son règne un véritable âge d’or. C'est lui qui posa les limites de peuple à peuple. Il reçut et répandit la lumière primordiale, peupla neuf cents contrées et les rendit fertiles, en montrant l’agriculture aux {p. 468}hommes. Il fonda la ville de Ver, capitale de l’Iran, et fut père d’Athvian.
Athvian, est le quatrième descendant de Siahmak et le père du héros Féridoun ; Ormuzd, lui accorda tous les biens qu’il désirait. Il a le surnom de Portouna, c’est-à-dire riche en troupeaux de bœufs. Son père était Dchemchid, fils de Tehmouret, né d’Houchengh, fils de Fréfak, qui avait Siahmah pour père.
Féridoun ou Afridoun, fils d’Athvian-Portouna, naquit dans Férène ou l’Iran, paradis terrestre, créé par Ormuzd. Féridoun en fut ensuite le roi. Féridoun fit régner sur ses sujets la paix et la concorde, combattit et chassa Zohak son oncle, noire incarnation du ténébreux Ahriman, ainsi que les Tatsiens. Dans ces combats, Féridoun fut porté sur la vache Pourmadje ; sa tête est ornée de la mitre solaire, et sa main est armée de la massue à tête de bœuf. Il régna cinq cents ans, puis il laissa l’empire à ses trois fils : Salm, Tour et Irets ou Iradj.
A part tous les Dieux que nous venons de citer, les Perses en connaissaient encore un assez grand nombre, mais nous nous contenterons de citer les personnages suivans :
Aman, ou Amane, ou Omane, était un Dieu adoré surtout à Zela, conjointement avec Anandate et Anahid. Son image était placée sur un autel où des hommes étaient chargés d’entretenir un feu perpétuel.
Bérécécingh, Bérésesingh ou Bérézelingh, ou Sade, ou Sède, est le feu primitif renfermé dans tout ce qui existe. De ce feu primordial émanent trois feux, le premier Gouchasp, est le feu des étoiles, le second Mihr est le feu du soleil, et le troisième Bersin est le feu de la foudre. On distingue encore trois autres feux, dont il est le principe : Behramon, ou le feu des métaux ; Khordad ou celui des plantes, et Neriocengh ou celui des animaux.
Bordj est le Dieu-montagne primordial qui représente toutes les montagnes, et, par suite, la terre ; il est l’emblème mâle de la génération. Cependant quelquefois on le regarde comme un Dieu inorganique.
Gouerchasp, surnommé Pahlvan, était fils de Afret, roi du Kaboulistan ; premier roi de la dynastie Kaïanide, Gouerchasp se souilla en tuant un énorme serpent qui dévorait les hommes. Aussi fut-il placé dans les enfers, d’où Zoroastre le retira, lorsqu’il descendit dans ces tristes lieux.
Goustasp ou Gouchtasp, quatrième prince de la dynastie des Kaïanides, était fils de Kaï khorou, auquel il succéda : il fut père d’Isfendiar qui fut un des libérateurs et des héros mythologiques de l’Iran. C'est sous son règne qu’eut lieu la révolution religieuse à laquelle il s’opposa d’abord, et qu’il favorisa ensuite, par tous les moyens en son pouvoir.
Houfracdmodad ou Peroderech, était un oiseau sacré, fameux comme prophète : il avait trois corps ; son courage, sa vigilance, et son air martial avaient beaucoup de célébrité, c’était l’oiseau de Feridoun. C'est le pur gardien du monde, veillant nuit et jour à la garde des hommes et éloignant de leurs demeures les noirs Devs. Son bec est une lance affilée.
Isfendiar ou Aspendiar, héros célèbre de la mythologie Iranienne, était fils de Gouchtasp, qui lui promit de lui céder sa place, s’il vengeait la mort d’Iérir, ce qu’il fît ; mais Gouchtasp ne voulut pas tenir sa parole. Long-temps après il fut mis dans les fers par ordre de Barzom, et il n’en sortit que pour trouver la mort sous les armes de Roustam.
Poeriodekech est le nom {p. 469}patronymique sous lequel on comprend toutes les populations de l’Iran ou de la Perse, qui précédèrent Zoroastre. Il était le troisième prince de la dynastie des Periodékéchan, le législateur et le prophète de la Perse. On le voit tantôt recevoir l’arbre-Hom des mains d’Ormuzd, tantôt il est Hom lui-même ; il était savant et juste, et prépara la voie à Zoroastre.
Gadjamoutcha ou Gadjamoutchaçoura, géant terrible qui n’employa son immortalité qu’à opprimer les hommes. Ganéça, indigné de sa conduite impie, arracha une de ses défenses d’ivoire, et la lança sur le géant : aussitôt sa peau se fendit et se transforma en souris. Gadjamoutcha, ainsi métamorphosé, voulut se jeter sur Ganéça, mais celui-ci lui sauta sur le dos, lui donna une meilleure ame, et s’en servit pour monture.
Les Gahanbars furent d’abord les six fêtes instituées en l’honneur de la création et de la lutte entre Ormuzd et Ahriman, ensuite on les personnalisa et elles furent regardées comme dieux, sans perdre toutefois leur origine primitive.
Dieux de la Sibérie. §
Si nous abandonnons la Perse, ainsi que ses Dieux et ses mages, ou prêtres, pour nous diriger vers la Russie, nous trouvons sur notre passage tous les peuples de la Sibérie avec leurs diverses croyances et leurs divinités. Voici celles de ces divinités qui méritent d’être connues.
Aghogok, dieu suprême des habitans des îles Aléoutiennes, qui croient l’espèce humaine née des chiens, d’après ses ordres. Aghogok voulut, disent-ils, que les chiens et les autres animaux aient précédé l’homme, et que le chien fût le seul animal se soumettant à notre volonté.
Aimak ou Tiis sont des dieux pénates, invoqués dans les calamités publiques et particulières. Les offrandes qu’on leur fait consistent en petits animaux, viandes ou cuirs.
Schkai, nom donné à l’être suprême, chez les peuples de la Russie Asiatique ou Mokchanes. Ces peuples le priaient et lui sacrifiaient des animaux dans les lieux isolés, le visage tourné vers l’orient ; pour eux il était Dieu unique, et n’ayant aucuns Dieux subalternes pour exécuter ses volontés.
Slata-Baba était une déesse adorée par les peuples, habitans des bords du fleuve Obi. On la représente tenant dans ses bras un gros enfant, elle est entourée d’instrumens à vent, rendant perpétuellement des sons. On l’invoquait dans les calamités publiques, et pour connaître l’avenir.
Koughas, dieux aléoutes, pour lesquels ces peuples ont une grande vénération, tout en accordant qu’ils se mêlent quelquefois de sortiléges, et se moquent de leurs amis, lorsqu’ils ne sont pas assez forts pour les sauver des poursuites de génies plus puissans qu’eux.
L'Obi, ou le vieillard de l’Obi, est le Dieu des Ostiaques de l’Obi qui l’invoquent comme favorable à la pêche. Son idole en bois a des yeux de verre, la tête surmontée de grandes cornes, le nez fait comme un grouin de pourceau et un crochet de fer qui lui passe dans les narines. S'il écoute les prières, il est chéri et vénéré, mais si la pêche est mauvaise, il est insulté et maltraité.
Sougaitoion, esprit malfaisant, maître de la foudre et ministre rapide des esprits du mal, chez les Iakoutes.
Balakitg, divinité Kamtchadale, fils de {p. 470}Khoutkhou, avait épousé Zavina. C'est lui qui préside aux vents.
Aar-toion, Dieu suprême des Iakoutes, est regardé comme le créateur de toutes choses ; on lui donne pour épouse la déesse Khoubé-Khatoun, c’est-à-dire brillante de gloire.
Khéçoubai-Toion, divinité bienfaisante des Iakoutes ; il intercède l’être suprême pour qu’il leur accorde des enfans, du bétail, d’abondans pâturages, de l’eau-de-vie, du lait et une bonne chasse. Son épouse est la déesse Aksit.
Bourkhans, divinités des Kalmouks et des Bourettes, se divisent en bons et méchans : les premiers sont représentés avec des traits rians et aimables, et sont presque tous assis sur des nattes, tenant d’une main un sceptre, et de l’autre une cloche. Les méchans Bourkhans sont représentés avec des formes monstrueuses et des traits horribles. Les Idoles des Bourkhans sont en cuivre, et contiennent dans leur piédestal un cylindre fait des cendres des saints dans le corps desquels a passé le Bourkhan que l’on adore.
Dia est la grande divinité de la Sibérie ; on la représente avec trois figures et six bras, assise, les jambes croisées sur un siége, ayant un arc à ses pieds, et tenant dans sa deuxième paire de bras, un cœur enflammé et un sceptre horizontalement placé ; dans sa troisième paire de bras on voit une tige de feuilles et de fleurs, et un miroir. Dia est une espèce de trinité.
Enachsis, déesse Iakoute, est l’ennemie des vaches et des veaux ; aussi, les Iakoutes lui font-ils souvent des sacrifices pour apaiser sa colère.
Ollondou-Eurgheucidjiksin-Khan, ancien arbitre suprême, chez les Tartares, du juste et de l’injuste, est chargé de punir les coupables. Le fils aîné du souverain des peuples lui succéda dans l’emploi difficile de juger les actions des hommes.
Ouchsit, Dieu chargé chez les Iakoutes de présenter à l’être suprême les prières des hommes et d’exécuter les volontés du Dieu irrévélé. Il se montre sous la forme d’un oiseau, ou sous celle d’un cheval.
Dieux Slaves. §
Une fois arrivés chez les Slaves qui jadis occupaient les pays connus aujourd’hui sous les noms de Russie, Pologne et Bohème, nous trouvons des peuples repoussant la fatalité, croyant à un seul Dieu et à l’immortalité de l’ame. Les forêts leur servaient de temples, et leurs prêtres réunissaient souvent l’autorité spirituelle et temporelle ; aussi le pouvoir du grand prêtre égalait celui du roi.
Voici quels étaient la plupart de leurs Dieux et divinités.
Bielbog, ou Beloibog, bon principe, chez les Slaves-Varègues était l’opposé du mauvais principe nommé Czernobog ou Tchernobog. Son visage ensanglanté était toujours couvert de mouches, qui se nourrissaient de son sang. Ce Dieu appelé aussi Boug, ou Belbog ou Bog, ou le Dieu blanc, était une espèce d’Ormuzd, ou l’être suprême, bon principe suivant ces peuples. Tandis que Czernobob ou Zéomébog, ou le Dieu noir était l’Ahriman ou mauvais principe.
Hysis, géant terrible, protecteur des chasseurs, était le destructeur des loups et des ours blancs.
Ilmarenen, frère de Vainamoinen, était une espèce de Vulcain, et l’inventeur de la forge. Ces deux fils de Vara, ou le Dieu suprême, furent toujours dans un {p. 471}accord parfait, s’entr'aidant mutuellement dans leurs opérations ou dans les luttes qu’ils soutinrent contre les mauvais génies.
Jaga Baba, déesse de la guerre, était une vieille sorcière, tour-à-tour bienfaisante et cruelle. On la supposait armée d’une barre de fer, avec laquelle elle s’efforçait de faire couler le socle sur lequel elle était placée. Ses pieds sont très secs, et sa taille colossale est d’une effrayante maigreur. Sa demeure n’a point de porte, et cependant il faut prononcer des mots magiques pour pouvoir y entrer.
Kaleda, Dieu de la paix. Sa fête que l’on célébrait le vingt-quatre décembre, était surtout remarquable par la vivacité avec laquelle les Slaves se livraient aux jeux et aux festins, en l’honneur du renouvellement de l’année.
Kiié vivait avec ses deux frères et sa sœur, sur trois montagnes, dont deux, du nom de ses frères, s’appelèrent Schekovitsa et Khorivitsa ; la troisième, qui servait de résidence à Kiié, était aux environs de Zboritchef : tous trois faisaient la guerre aux bêtes fauves des forêts des environs du Dnieper. Ils bâtirent une ville nommée Kiev, du nom de Kiié, leur frère aîné.
Koupalo, Dieu de la foudre, était le premier des Dieux après Peroun ; il présidait aux fruits de la terre ; il avait sa fête le vingt-quatre juin ; elle se célébrait en mettant le feu à des monceaux de paille ou de foin, et le peuple formait autour de ces feux des danses rustiques, et souvent ils sautaient par dessus ces feux en traversant les flammes.
Krodo, fils d’une déesse-terre, était le Dieu de l’air, du temps et des saisons. On le représentait sous les traits d’un vieillard à longue barbe et à longue chevelure. Il était ceint d’une bande de toile, sa main gauche tenait une roue, et sa droite un panier rempli de fruits et de fleurs ; sous ses pieds était un poisson soutenu horizontalement par une colonne.
Lado, et quelquefois Lada, était le Dieu de la Concorde, de l’amour, de l’hymen, de la gaité et de toute espèce de prospérité ; il était principalement adoré à Kiev et on lui offrait toujours des sacrifices, avant la cérémonie de l’hymen, pour se le rendre propice. Il eut deux enfans, l’un Éla ou l’amour, l’autre Poléla, ou l’amour mutuel, dont descendait Ziat, le génie protecteur des enfans.
Léchies, génies malins, espèce de Sylvains, de satyres, habitaient les forêts touffues ; ils avaient quelquefois une taille gigantesque, d’autrefois elle était petite et grêle. Leur plaisir, la nuit, lorsqu’ils avaient égaré quelque voyageur, était de le chatouiller jusqu’à ce qu’il mourût. On les représente ayant de la tête à la ceinture un corps humain, et de la ceinture en bas des pieds de bouc. Ils ont des oreilles pointues, de la barbe et des cornes. On les voit former dans les forêts des danses lascives, auxquelles les Roussalkis ou nymphes à chevelure verdâtre prennent souvent une part très-active.
Nehallenie était à la fois l’onde irrigatrice, la terre fertilisée, et la lune à lueur pâle et bienfaisante. On la représente avec l’air jeune, couverte d’un vêtement de la tête aux pieds. Tantôt debout, tantôt assise, elle a auprès d’elle une corne d’abondance, des fruits, un panier, un chien. On la voit quelquefois accompagnée du Dieu des mers, ce qui pourrait la faire regarder comme une déesse marine.
Niemiza ou Nemiza, était le dieu des vents et de l’air. On le représentait {p. 472}tantôt avec des ailes et couronné de rayons, tantôt avec le corps d’un oiseau et des ailes déployées.
Pogoda, génie du beau temps et du printemps, allait planer dans les airs avec des ailes, une robe et une couronne de fleurs bleue. L'on voyait toujours à ses côtés Simzerla ou la déesse des fleurs ; mais Zémargla, le Dieu de l’hiver et de la grêle, s’enfuyait à leur approche, ne pouvant soutenir leur présence.
Polkan, dieu dont on a fait un Volcan. On le représentait avec la forme d’un centaure, quelquefois cependant sa croupe et ses extrémités inférieures étaient celles d’un chien.
Porenets était un Dieu, représenté avec quatre têtes ; il avait en outre un visage sur la poitrine et tandis que sa main droite tenait son menton, de la gauche il touchait aux étoiles.
Prono était le dieu de la justice dans la Poméranie.
Radgast, dieu de l’hospitalité chez les Varingues, était la divinité tutélaire de leur capitale. Il tenait une lance de la main gauche ; sur sa tête était un coq aux ailes déployées ; sur sa poitrine était une égide sur laquelle on voyait la tête d’un bœuf. On immolait aux pieds de cette idole des chrétiens prisonniers ; le prêtre buvait de leur sang, puis faisait entendre des prophéties, dont personne n’osait douter. Ce sacrifice horrible était suivi d’un grand festin qui se terminait par des danses et de la musique.
Les Roussalkis étaient, nous le savons, des nymphes ; elles avaient la chevelure blonde ou verdâtre, habitaient ordinairement les fleuves, et quelquefois elles parcouraient les épaisses forêts, où elles formaient des danses avec les Léchies, ou espèce de satyres. Les Russes croient encore à leur existence.
Suantowith, dieu du soleil de la Poméranie.
Séva, ou Siva, ou Siba, déesse de la beauté et des végétaux ; elle était surtout adorée par les Varégues, qui la représentaient tenant d’une main une pomme, de l’autre une grappe de raisin. On lui sacrifiait des animaux et même des prisonniers. On la suppose fille de Silabe, roi des Gots.
Simzerla était, nous l’avons vu, la déesse des fleurs et l’amante de Pogoda, le Dieu du printemps ; elle répandait dans les airs un parfum de lys, et sa ceinture était parsemée de roses.
Tchernobog ou Tchernoibog, ou Czernobog, ou Zéomébog, était le Dieu mauvais principe, l’auteur du mal, du crime, de la mort, et l’ennemi du genre humain. Il était opposé à Bielgod, ou le bon principe. On le représentait avec des formes hideuses, on cherchait à l’apaiser par des offrandes et des sacrifices : dans les assemblées populaires, on buvait dans une coupe consacrée au génie du mal et au génie du bien.
Vainamoinen passait, chez les Slaves, pour le Dieu créateur du feu, il était fils de Rava, et frère aîné d’Ilmarénen. Après avoir créé le feu, il déroula en faveur des hommes toute la civilisation et fut un véritable Orphée ; car il inventa tous les arts, puis la lyre résonna bientôt sous ses doigts ; ensuite il construisit un navire, et aux sons harmonieux de la Kandela ou lyre, les meules de foin vinrent d’elles-mêmes dans les granges, les flots de la mer se calmèrent, le sable se changea en cristal, les arbres émus dansèrent en cadence, et les bêtes féroces firent taire leurs rugissemens pour l’écouter.
Vaizgantho était le Dieu du lin et du {p. 473}chanvre chez les Samogitiens, pour qui il fut un objet d’une vénération particulière ; on le consultait au moment des semailles pour savoir si les plantes viendraient à hauteur d’homme. La personne qui le consultait devait se tenir debout, un pied en l’air, et c’était un mauvais présage, si 'on venait à s’appuyer sur les deux pieds.
[n.p.]Zermagea, Dieu de l’hiver, était représenté avec un manteau de neige, bordé de givre et de verglas, il avait une haleine de glace et une couronne de grêle.
Dieux Scandinaves. §
Sous le nom de Dieux scandinaves, nous réunirons ici tous ceux qui se rattachaient aux religions primitives des Islandais, des Lapons, des Danois et des Suédois, tous descendant plus ou moins directement des Scythes. Le premier qui se présente dans la Cosmogonie des peuples du nord de l’Europe, c’est Alfra ou Alfader, ou le père universel, ayant donné aux hommes une ame qui doit vivre toujours, même après la dissolution entière du corps. Pour l’aider à gouverner le monde, Alfer créa les Alfrs ou Alfars, Alfes ou génies élémentaires des forces physiques ; leur demeure est l’Alfheim. On les distingue en Liosalfar, génies lumineux, bienfaisans, habitant spécialement Liosalfarheim, ou en Dockalfar ou génies obscurs, Svaltarfar ou génies noirs, Myrkalfar ou génies ténébreux, tous ennemis des Liosalfars. On comptait soixante-treize Alfars dont chacun présidait à une des soixante-treize pentades ou groupes de cinq jours composant l’année. Il y avait aussi des Alfes femelles, mais on ne les désigne que sous le nom de Dises, nom commun à toutes les nymphes favorables à l’homme. Les offrandes qu’on faisait aux Alfes bienfaisans se nommaient Alfablot, et si elles s’adressaient à leurs épouses on les nommait Disablot. On désigne encore en Islande, par le nom d’Alfafak, tous les Alfes ensemble.
Avant qu’Alfader eût créé la terre, le monde, disent les légendes Islandaises, était lumineux et inhabitable ; il s’appelait Muspelsheim, et était gouverné par Surtur ou Sourtour, ou le noir.
Ce Sourtour, disaient les légendes de ces peuples, est un génie funeste qui doit venir un jour, suivi des génies du feu, envahir le ciel, briser le pont Brifrost, écraser les Dieux appelés Ases, tuer un Dieu puissant nommé Frei et les Ases, et réduire le monde en cendres.
Ce monde primitif était en outre dans l’origine traversé par des fleuves nommés Elivages, qui roulaient du venin ; à la fin ils s’éloignèrent tant de leur source, que le venin se congela, mais Alfader envoya un souffle de chaleur sur cette glace et bientôt, de cette glace fondue, il se forma un géant nommé Ime ou Iimer, et une vache appelée OEdumia ou Audoumbla, dont les mamelles laissèrent écouler quatre fleuves de lait, qui nourrirent ce géant primitif.
Bientôt cette vache également primordiale, à force de lécher la glace, fit naître le premier homme appelée Bure ou Boure, qui de son côté eut Bore pour fils.
Ce Bore à son tour, ayant épousé Belsta, fille du géant Bergthoser, devint le père des trois Ases, ou dieux, Odin, Vilé et Vé ; aussi, pour avoir plus de droits au respect des hommes, les prêtres Scandinaves appelés Druides, prétendaient-ils descendre de Bore, en ligne directe.
Odin, ou Alldagautr, ou le gardien des anges, fils de Bar, et frère de Vilé et de Vé, était le plus grand des Ases ; il {p. 474}présidait conjointement avec ses fils ou ses émanations à tout ce qui se passe dans le monde, mais il avait particulièrement pris sous sa protection les naissances, les mariages, la mort, la guerre, les arts et la magie. Son caractère léger le faisait changer souvent de maîtresses. Il perdit son empire pendant dix ans, ensuite il eut une lutte fameuse à soutenir contre un roi appelé Gifle. Il habitait le superbe palais Valholl. Les merveilleuses épithètes qu’on lui donne sont au nombre de cent vingt-six. Il portait deux corbeaux sur ses épaules, afin de lui révéler continuellement le passé, le présent et l’avenir : l’un s’appelait Hougin, ou l’esprit, et l’autre, Mounin, ou la mémoire ; Odin était aussi possesseur de l’hydromel ou liqueur divine donnant l’immortalité ; lui seul avait droit d’en présenter aux dieux pour les faire vivre éternellement, ou aux poètes pour les inspirer, enfin, les Strophes de l’Havamaal ont été dictées par ce Dieu.
Odin et ses frères tuèrent Iimer, mais de ses plaies il coula une si grande quantité de sang que tous les géans de glace furent noyés, à la réserve du géant Bergelmer, fils de Throudgelmer ; il se sauva sur une barque, et fut ailleurs propager la race des géans de glace. Alors le monde actuel apparut, car les os d’Iimer firent les montagnes, ses dents les pierres, son sang les eaux et les fleuves, son crâne le ciel, ses sourcils la ville du milieu, et sa cervelle jetée dans les airs forma les nuages ; puis les trois frères mirent quatre nains aux quatre coins du monde pour en garder les côtés, est, ouest, sud et nord. Alors les trois fils de Bore firent surgir de leurs mains le premier homme appelé Aske ou Askour ; c’est-à-dire le frêne et la première femme désignée sous le nom d’Emla ou d’Embla ou l’aulne, qu’ils formèrent d’un gros bloc de bois ; puis Odin donna à ce couple la vie et l’ame, Vilé, la marche et la sagesse, et Vé, l’ouie, la vue et la parole ; ensuite les trois frères se construisirent au milieu du monde la forteresse d’Asgard, qu’ils destinèrent pour demeure à tous les Ases ou dieux leurs descendans, et à leurs familles. Enfin Odin se maria et il épousa :
Frigga, fille de Fieurgin ; elle le rendit père de quatre Ases Balder, Braga, Hermode et Thor.
Mais avant de continuer, faisons observer que ces Ases, ou dieux placés au-dessous d’Odin, étaient protecteurs du monde et ennemis des géans qui toujours cherchent à le détruire. Ces ases ou dieux Scandinaves étaient au nombre de trente-deux dont quatorze étaient dieux et dix-huit déesses.
Frigga connaissait l’avenir, mais elle ne le révélait à personne ; elle siégeait avec son mari sur le trône Hlidskialf, elle tenait aussi une assemblée des Dieux dans le palais Vingolf où les ames des justes devaient aller habiter un jour. Sa suivante est Foula ou Fylla, chargée du soin de sa chevelure, de ses vêtemens et de ses parfums ; Frigga, en outre, a pour messagère Gna. On la représente tenant entre ses bras son fils Thor. Les Suédois cependant préféraient à cette grande déesse :
Frey ou Freia, déesse de l’amour, fille de Niordr, et de la déesse Scada, et sœur de Fréir. Elle épousa Odour, c’est-à-dire l’irrité dont elle eut deux filles, la belle Hnossa, déesse de la perfection dont le nom servait à désigner les objets les plus précieux, et Gersemi. Freia, désolé de se voir abandonnée par son mari, alla le chercher de contrée en contrée. Le géant Thrim voulut l’avoir en mariage, {p. 475}mais cette belle abandonnée qui toujours pleurait, et dont les larmes étaient d’or, refusa de répondre à ses vœux. Elle avait le brillant privilége de métamorphoser quiconque lui demandait de changer de forme. Elle usa de son pouvoir en faveur de Loke et de Thor.
Ce Thor présidait à l’air, aux saisons, aux orages. Il lançait la foudre et protégeait les hommes en écartant les mauvais génies et les géans. Il livra de rudes combats au serpent Iormoungandour ennemi forcené du monde, et fils de Loke et de la géante Anghourboda, puis il le terrassa, mais il ne le tuera qu’au jour de la destruction du monde. Lui-même, Thor mourra immédiatement après, empoisonné par le venin que vomira le reptile en mourant. Ses deux fils Mod et Magour lui survivront, et après le vaste incendie qui détruira le monde, ils habiteront de nouveau les plaines d’Ida. Thor habite l’asile de la terreur, et a dans cette région un palais composé de cinq cents quarante salles ; ce dieu est porté sur un char traîné par deux boucs, ses mains sont couvertes de gants de fer, l’une d’elles est armée de la massue dite Iolmer, qui brise les têtes des géans et revient d’elle-même à son bras ; le baudrier de la vaillance, dont ses reins sont entourés, augmente en outre ses forces de moitié.
Braga ou Bragé, ou Asabragur, second fils d’Odin et de Frigga, ne fit parler de lui que comme Dieu de l’éloquence et de la poésie ; c’était l’Apollon des Scandinaves, et il était spécialement chargé de recevoir les guerriers admis dans le Valhalla, il avait pour femme Idoun ou Idouna, qui était chargée de garder une boîte renfermant des pommes d’or dont la vertu était de rendre la jeunesse aux Dieux ; en vain Loke essaya-t-il de la lui enlever, il fut toujours obligé de la lui rendre.
Balder, également fils d’Odin et de Frigga, était le plus beau des Ases. Son visage brillant était doué d’une sagesse sublime, sa demeure dans le ciel se nommait Breidablik, rien d’impur ne pouvait approcher de ce séjour lumineux. Balder, quoique Dieu et invulnérable, ne put résister à la blessure involontaire que lui fit au bras l’aveugle Hoder ou Hodour ou Haoudr avec une flèche de Mistilteir qui n’avait pas fait serment de respecter les jours de ce radieux Ase. Aucun des dieux n’osa venger sa mort, excepté Vidar, fils d’Odin. Presque tous les dieux, les déesses et les bons génies assistèrent à ses tristes funérailles. La noire Héla promit de rendre Balder au jour, si tous les êtres de la création versaient une larme sur lui, mais Thock seul ne pleura pas et Balder fut contraint de rester aux enfers.
Son épouse, nommée Nanna, mourut de chagrin, à la nouvelle de sa mort, et fut, ainsi que son nain, brûlée avec le cadavre de Balder, au milieu de la mer, sur un grand navire appelé Ringhorn.
Après sa mort, Balder laissa un fils appelé Forsète, dieu de la paix, de la concorde et de l’amitié, habitant au ciel le palais de Gletner dont le toit est d’argent et les murailles d’or massif.
Hermode, Ase, quatrième fils d’Odin, est le messager des Dieux et le grand médiateur. Il fut avec Braga chercher Baider privé de la vie dans le sombre empire d’Héla ; par prudence il est toujours couvert du casque et de la cuirasse.
A côté de ces fils légitimes, Odin devait en avoir plusieurs autres, et, en effet, ses enfans naturels étaient nombreux ; le plus remarquable d’entre eux était
{p. 476}Heimdall ou Heimdallour : ses surnoms sont Veurdour Gouda, ou le guerrier des dieux ; Seunour Niou Maedra, ou le fils aux neuf mères ; Goullintani, ou le dieu aux dents d’or ; aussi voilà pourquoi il est toujours représenté avec des dents d’or. Il était fils d’Odin et des neuf filles du géant Geirrendour appelées Angéia, Arla, Elgia, Gialpa, Greipe, Imrouçaa, Ourgiafa, Ourloufa et Sindar. La garde du pont Bifrost, ou arc-en-ciel, placé à l’entrée de la ville du ciel, était confiée à Heindal. On lui donnait la vue si perçante qu’il voyait à cent milles autour de lui ; son ouie était si fine qu’il entendait les herbes croître. Il avait une trompette dont les sons faisaient retentir le monde. Il en sonnera à la fin des siècles lorsque les enfans de Muspell escaladeront le ciel. Alors Heimdall succombera malgré le pouvoir de son épée nommée Goldtoppour et l’agilité de son cheval Hoffond. Heimdal eut trois enfans d’Hrall : Har, Ialnhar, Zhridi ou Zhrall. Ce Zhrall, par son fils Aparfi, donna naissance aux esclaves. Heimdall, ensuite, s’incarna sous la figure d’Afi, et épousa Amma, qui le rendit père de Karll, de sorte qu’il devint aussi la tige des hommes libres, et tint le milieu entre Aï, tige des esclaves, et Eadit tige des hommes nobles.
Si nous suivons la liste des Ases nous trouvons :
Niord, ou Niordr, ou Niordour, le premier des Vanes, et père de Fréia, la grande déesse suédoise. Il préside aux vents ; il calme les flots irrités et a sous son empire le feu central. C'est donc lui que les pêcheurs, chasseurs, navigateurs et mineurs invoquent. Il fut élevé à Vanheilmr ; mais les Vanes le donnèrent en otage aux dieux pour recevoir Hamer à sa place, ce qui rétablit la paix entre les Ases et les Vanes. Il habite Notan, et il passe avec son épouse Skada, fille du géant Thiasse, neuf nuits sur douze dans les montagnes, et Skada en passe trois de suite avec lui sur les bords de la mer.
Ces Vanes, ou Vasi, ou Vidars, étaient des génies suédois, sous la dépendance de Vane, ou Vidar, ou Vasi, fils d’Odin, qu’il vengera en tuant le loup Fenrir, lorsque Odin aura été déchiré par ce farouche animal. Ce Vane est si léger, qu’on ne l’entend pas lorsqu’il marche au milieu des airs. Quant aux Vanes, ou dieux du second ordre, ils présidaient, comme leur chef, au silence et à la discrétion.
Frei, ou Fréir, fils de Niordr et de Skada, est le dispensateur des pluies, du soleil, du beau temps, des fruits de la terre, des richesses et de l’abondance. S'étant épris de la belle Gerda, fille d’Umer et d’Aourboda, il envoya son fidèle domestique Skirner la demander en mariage ; mais ce fidèle serviteur ne put jamais faire partager l’amour de son maître, et Freir, privé de sa redoutable épée, qui combattait seule les géans, fut pendant ce voyage attaqué et vaincu par le géant Sourtour. La demeure de Freir, comme celle des Alfes lumineux, ses sujets, est l’Alfhémir.
Après ces Ases, ou dieux bienfaisans, nous placerons leurs ennemis, à la tête desquels se montre :
Loke, principe du mal : frère de Bilestour et d’Helbinde il était issu du géant Farbauta et de la méchante Lauféia. Il eut un commerce illégitime avec la géante Angourboda, messagère de malheur, qui le rendit père de trois enfans : le loup Fenrir, le grand serpent Iormoungandour, que nous connaissons, et Héla, déesse de la mort et du monde souterrain. Loke épousa encore la belle et vertueuse {p. 477}Signir, dont il eut un fils appelé Nare.
Tous les Ases s’étant un jour ligués contre lui, il leur échappa en se jetant dans l’eau sous la forme d’un saumon ; mais comme il sautait par dessus un filet, Thor le saisit par la queue ; alors les dieux le lièrent à trois rochers aigus, dont l’un lui presse les épaules, le second les côtes, et le troisième les jarrets. Ensuite, Escada suspendit sur sa tête un serpent dont le venin découle sur sa figure. Sa fidèle épouse Signir reçoit dans un bassin les gouttes de venin, et va les jeter lorsqu’il est rempli. C'est dans ces intervalles que le venin tombe sur son visage et lui cause d’horribles souffrances, qui lui font pousser de tels hurlemens que la terre en est ébranlée. La captivité de Loke ne sera pas éternelle ; un jour viendra où lui et les siens anéantiront l’univers. On le peint avec une jolie figure, la taille fine, les lèvres minces, l’esprit insinuant ; nul homme, nul dieu ne l’égale en science ; mais il n’use de tous ces dons que pour égarer ou séduire.
Fenrir ou Fenris, loup énorme, fils de Loke et de la géante Angourboda. Il fut élevé dans le pays des géans, et habita ensuite dans le palais des Ases, où Thor, l’un d’eux se chargea de sa nourriture. Des prophéties le faisant redouter, on l’enchaîna ; mais il brisa toujours ses liens ; pourtant les Alfes finirent par en forger de nouveaux qu’il ne put briser ; alors les Ases prirent un cable énorme qui tenait au rocher Gelgia, et y attachèrent ce monstre. Ils lui mirent ensuite dans la gueule une épée, dont le pommeau plonge dans son ventre, et dont la pointe sort de sa gueule pour l’empêcher de mordre le cable. De sa gueule sort une écume qui donne naissance au fleuve Vam. La captivité de Fenrir durera jusqu’au crépuscule des dieux, époque fixée pour la destruction du monde. Aussitôt il brisera ses fers et engloutira Odin, le roi des dieux et le père de tout. Puis, à son tour, il périra étouffé par Vidar.
Hel ou Héla est fille de Loke et de la géante Angourboda, et sœur du loup Fenrir et du serpent Iormoungandour ; elle est la déesse et la souveraine du Niflheim, ou monde souterrain, où elle fut précipitée par Odin, et où elle habite Elioud, ou palais de la misère. La porte se nomme le Principe ; son lit Keur ou le Souci et le vestibule Blikande ou la Malédiction ; sa table Houngour ou la Faim ; son couteau Soultour ou la Famine ; pour servante, elle a Gangleur ou la Lenteur ; Hel est moitié bleue et moitié de la même couleur que l’espèce humaine. Son aspect et son regard sont terribles. Une des trois grandes racines du chêne Iggdracil pèse sur la porte de son palais et la maintient immobile. Sous cette racine est la célèbre fontaine Houergelmer, où habitent une foule de serpens. Au devant de cet Elioud coule le Gioll, que l’on passe sur un pont d’or. Les femmes, les enfans et les hommes morts de maladie, entrent seuls dans la demeure d’Héla.
Nous trouvons encore dans les religions du nord de l’Europe, comme appartenant aux dieux ennemis des hommes et du monde, les personnages qui suivent :
Agnar fils de Geirrod, roi inhospitalier, qui eut l’audace de faire charger de fers Grimnir, ou Odin, descendu sur la terre. Alors Agnar, âgé de dix ans, présenta au dieu enchaîné un breuvage rafraîchissant. Alors aussi, pour le récompenser, Grimnir le bénit, l’instruisit dans la Cosmogonie et dans l’astronomie, et lui expliqua les divers noms sous les {p. 478}quels les hommes l’invoquaient, il lui dit même son nom véritable ; à ce nom redouté, Geirrod, saisi de démence, se perça le sein et Agnar lui succéda.
Alvaldi ou Allvaldi, géant puissant personnifiant l’hiver ; il était fort riche, et laissa en mourant tous ses trésors à ses trois fils, Thiassi, Idi et Gangr.
Anninga, ou la lune masculin, est frère de Malina, ou soleil féminin. Une nuit, dit-on, Anninga poursuivait sa sœur Malina ; mais celle-ci en s’échappant à toutes jambes, prit de la suite à une lampe et en frotta le visage et les habits de son frère pour le reconnaître dans le jour. Cependant, Anninga la poursuivant sans cesse, elle monta dans l’espace où elle devint le soleil. Anninga voulut l’imiter, mais il ne put arriver aussi haut, et resta depuis à rouler toujours vainement autour de sa sœur, dans l’espoir de l’atteindre. Ses taches sont les marques de la suie. Anninga se réjouit à la mort des femmes, et leur fait, pendant leur vivant, enfreindre les lois de la chasteté ; aussi leur est-il interdit de rester long-temps au clair de la lune, et surtout de fixer leurs regards sur cet astre lorsqu’il s’éclipse. Les Groenlandais, persuadés qu’il est descendu dans une habitation terrestre, mettent tout en œuvre pour le chasser ; ils regardent partout et frappent sur des chaudrons pour tâcher de l’effrayer, et le forcer à aller reprendre sa place dans les cieux.
Les Erkiglits, sont des génies présidant à la guerre ; ils habitent la côte orientale du Groenland. On les représente avec des têtes de chien, pour marquer leur méchanceté.
Erleursortok, esprit fatal, se tenant au milieu des airs, toujours en embuscade sur le passage des ames, pour les dépouiller et les dévorer.
Gigr ou Gigour, géante la plus remarquable de la mythologie Scandinave : elle habite la forêt de Iarnvidour. Elle eut un grand nombre d’enfans géans monstres, mais les principaux furent ceux qu’elle eut de Fenrir, et que l’on nommait Skoll et Hate.
Iabmé-Akko, l’une des déesses des enfers.
Iambek ou Iabmékérul, un des plus puissans esprits de l’intérieur de la terre ; il préside dans Iabmé-Aimo, ou séjour des ames, aux esprits inférieurs nommés Iambeks.
Mithothin, magicien modèle, qui s’empara du trône d’Odin, pendant l’absence qu’il fit pour courir après l’infidèle Frigga. Au bout de dix ans, Odin, consolé, revint au ciel et chassa Mithothin et ses adhérens.
Modgoudour, jeune fille gardienne du pont du Giaut, qui conduit dans le Niflheim, ou enfers, et sur lequel passent par jour vingt-cinq mille morts.
Perkel, l’esprit du mal, chez les Finnois, est une émanation de Rava, il s’oppose en tout au bon Ioumala. Il avait un fils nommé Horagalls, qui fut élevé par Ioumala.
Raesfelgr ou Hrhaesfelgr, géant terrible, habitant vers les limites septentrionales du ciel. Il a des ailes d’aigle d’une envergure si large, que lorsqu’il les agite, il met l’Océan en mouvement et fait saillir le feu du sein de l’espace ; aussi le regarde-t-on comme l’auteur du vent.
Les Saivos, esprits des cavernes reçoivent les ames des morts que Radien-Atcié dédaigne d’appeler auprès de lui dans sa demeure céleste. Aussitôt, les {p. 479}Saivos conduisent les ames devant la déesse Iabmé-Akko, qui leur fait infliger les supplices les plus cruels par Rota, l’exécutrice sévère de ses volontés.
Alrunes ou Runes, petites idoles de Mandragore, en bois, presque toujours de femmes, et dont la fonction était de protéger le toit domestique. On les mettait se reposer sur les lits les plus moelleux ; tous les jours on les lavait et on les parfumait ; on ne manquait jamais de leur offrir des alimens. Ordinairement ces idoles avaient six pieds de haut, et leurs prêtres portaient aussi le nom d’Alrunes, ainsi que les lettres de l’alphabet Scandinave.
Barara-Kied ou Radienkiedde, fils du dieu suprême Radien-Atcié des Lapons, qui le chargea de créer tout ce qui est nécessaire au monde. On le représente sous la forme d’une grande maison soutenue par de nombreuses colonnes, emblème de ses bras et de sa force.
Baiva est tantôt un dieu feu-chaleur-lumière et tantôt le soleil. Les Lapons le regardent encore comme Aijeke ou Tiermes ; ils l’invoquent pour mettre leur vie hors de danger, et pour se mettre à l’abri des attaques des démons.
Ce Tiermes des Lapons est le dieu protecteur de la nature vivante ; le culte qu’on lui rendait était un culte d’amour ; on lui sacrifiait des rennes mâles et adultes. La représentation de Tiermes, était un tronc de bouleau, au bout duquel on fixait, pour représenter la tête, un nœud de la racine du même arbre, à laquelle on attachait un marteau et une pierre à feu.
Brock, nain célèbre par le don qu’il fit, pour monture, au dieu Freir, d’un sanglier dont les soies étaient d’or, et dont l’éclat répandit la lumière de telle sorte, que celui qu’il portait y voyait aussi bien la nuit que le jour.
Dagour, ou le Jour, est fils de Nott, ou la Nuit, et de Dellingour, ou le crépuscule du matin. Allfadir lui fit présent du cheval Skinfaxe, à la crinière lumineuse ; quant à Nott elle parcourt l’espace montée sur Hrinfaxe, ou cheval à la crinière de glace.
Les Drottars sont les assistans d’Odin ; souvent, ils se dessinent avec des couleurs de plus en plus individuelles, planent dans l’espace, descendent dans notre atmosphère, et posent les pieds sur notre globe ; de là on leur donne trois rôles ; ils sont dieux, juges et pontifes.
Les Dvergars ou Douergars fils d’Ibalda, sont des génies innombrables habitant au milieu des rochers, et dont l’écho est la voix. Ils donnèrent naissance au sanglier, monture du dieu Fouri ; ils présidaient à toutes les sciences et à tous les arts, et les apprirent aux hommes. Parmi eux on cite : Modsigner, Dourenn, Daioun et Nalbi.
Einhériars. On appelait ainsi les héros qu’Odin recevait dans le Valholl, et auxquels il avait accordé l’immortalité. Ces héros passaient leur seconde vie en festins et en joûtes guerrières ; ils se nourrissaient de la chair du sanglier Serimner, et leur boisson versée par les Valkiries, était le lait de la chèvre Heidroun.
Freki, était un loup dévorant, dont la place était à côté d’Odin au festin des Einhériars, dans le Valholl ; il fut insatiable, et Odin ne put arriver à le rassasier.
Fro, dieu de l’air et des tempêtes. A Upsal, on lui immolait des victimes noires ; puis Balder lui fit des sacrifices humains, sous le règne de Hother.
Galar et Fialarr, Dvergars ou nains malicieux, immolèrent le sage Kouacer, {p. 480}et, avec son sang mêlé à du miel, ils préparèrent l’hydromel, liqueur divine, qui donnait l’imagination, la sagesse et l’inspiration poétique. Plus tard, Suttoung, fils de Kouacer, voulant venger la mort de son père, s’empara des deux nains et les précipita dans la mer ; mais il les en retira lorsqu’ils lui eurent promis de lui donner l’hydromel.
Gounlenda, fille du géant Souttoung, fut préposée par son père à la garde de l’hydromel poétique. Mais Odin l’ayant séduite par sa beauté et ayant partagé sa couche pendant trois nuits, la décida à lui laisser prendre trois gorgées de l’hydromel ; elle y consentit ; aussitôt il avala toute la liqueur, et se changeant en aigle, il retourna à la demeure des Ases et y déposa la plus grande partie de ce qu’il avait bu. Souttoung se changea bien aussi en aigle, mais il ne put lui reprendre la divine liqueur.
Gefeione ou Gefiona, était la déesse des vierges et de la virginité ; cette déesse qui connaissait l’avenir, recevait à son service toutes les femmes mortes vierges.
Houergelmer ou Houergemlir, est l’immense fontaine primordiale du milieu des nuages, qui surgit de l’énorme corne du daim colossal Eskthirnir, et donna naissance aux nombreux fleuves. Dans les profondeurs de ses eaux vivait le grand serpent Nidhogg, qui rongeait l’écorce des racines du chène Iggdracil.
Les Iniersoit ou Ingersoit étaient, chez les Groenlandais, des lutins ou génies du feu, se montrant souvent sous la forme de feux follets sur les bords de la mer.
Les Innouarolit, étaient des génies groenlandais très-petits, habitant les montagnes, où ils surveillaient les richesses minérales qu’elles renfermaient.
Iord ou la terre était fille de la Nuit et d’Annar, femme d’Odin et mère de Thor. Cette grande déesse était honorée comme la bienfaitrice suprême.
Iourmala, ou l’esprit du bien, était l’être suprême des Finois, des Biarmiens ou Permiakes, qui lui avaient bâti un temple magnifique resplendissant d’or et de pierreries. Sa statue était couverte de diamans. Aussi les corsaires ne manquaient jamais d’aller visiter, au moins une fois l’an, ce temple brillant.
Kolna, génie chassé d’Asgard par Odin ; il était chargé de marier les fleurs ensemble pour les faire se propager.
Kouan-in, déesse Finoise qui, disait-on, guérissait les femmes de la stérilité ; aussi on la représentait tenant un enfant dans ses bras.
Lif et Lifthrasour, couple qui repeuplera la terre lorsqu’elle aura été détruite par le feu. Après la destruction du monde, dit la légende, la terre, par la seule énergie de ce couple fécondant, qui se sera sauvé de l’incendie général, se mettra à produire sans avoir été cultivée, et il en sera de même des hommes et des femmes.
Mimir ou Mimis, géant célèbre, dieu mystérieux des forgerons, qui peut, en donnant un marteau magique, faire devenir instantanément artiste ; il habite dans les profondeurs de l’Océan où sont renfermés tous les trésors de la sagesse et de la création, et où Odin va lui-même puiser cette sagesse.
Nor, père de Nott ou de la Nuit, fonda le royaume de Norvège. Il était fils de Thorron. Sa sœur Goe ayant été enlevée, son père lui ordonna d’aller la chercher. Nor retrouva sa sœur dans le deuxième mois de l’année qui prit le nom de Goe. Nor chassa du pays ou assujétit à ses armes tous les petits princes de la contrée où ses recherches l’avaient amené.
{p. 481}Les Nornes étaient des déesses par excellence, de vraies parques ; mais elles ne filaient pas : elles disposaient de la vie et de l’être à leur gré ; elles prophétisaient, et leur puissance s’étendait sur la création entière. Elles étaient au nombre de trois : Ourda, ou le passé, Vérandi, ou le présent, Skalda, ou l’avenir. Skalda donna son nom aux Scaldes, prêtres Scandinaves qui prédisaient l’avenir.
Les Nans étaient des esprits médicinaux ayant la forme de mouches. Aussi les habitans du Lappland, en prenant ces insectes, croyaient-ils avoir des puissances préservatrices et les portaient-ils soigneusement avec eux dans des sacs de cuir.
Horagalls, dieu créé par Perkel, l’esprit du mal, fut élevé par Ioumala, l’esprit du bien. C'est un Jupiter fulmigateur, brisant les rochers, pulvérisant les magiciens, et dispensant à son gré les produits de la chasse et les fruits de la terre.
Paive, déesse du soleil, est une des trois divinités supérieures des Lapons. Quoiqu’elle n’eût pas de statues, elle avait sous ses ordres trois génies inférieurs, régissant le dimanche, le vendredi et le samedi.
Perkoun était le dieu du tonnerre, son temple à Kiev était hors de la cour Terimnoï sur un côteau très-élevé au-dessus du ruisseau Boutchov. Sa statue était de bois, sa tête d’argent, ses oreilles et ses moustaches d’or, ses pieds de fer.
Radien-athcié, dieu suprême, irrévélé, invisible, ne s’occupant jamais de ce bas-monde. C'est son fils Radien-Kieddé qui s’en occupe pour lui, mais fort légèrement. Aussi les invoque-t-on rarement. Ils demeurent dans le Vérald, espèce de paradis, où ils appellent, dit-on, les ames des justes. Ceux qu’ils abandonnent tombent dans les mains des Saivos, esprits des cavernes.
Raguar-Lodbrok, fils de Sigurd, tua l’énorme dragon Orm, ce qui lui fit épouser la belle Thora, fille de Herrand, avec laquelle il eut deux fils, Etrek et Aguar. Ayant perdu cette épouse, il laissa ses deux fils à la tête des affaires de l’empire du Danemarck, et recommença sa vie aventureuse qui toujours fut couronnée de nouvelles victoires.
Rava, dieu suprême des Finnois. Il ne tient l’être de personne ; il n’existe que par lui-même ; il a deux fils, Ilmarenen ou le dieu de l’air, et Vainamoinen ou le dieu du feu. Ioumala, le bon principe, et Perkel, le mauvais principe, émanent de lui.
Rimfaxe ou Hrimfaxe, cheval que monte la nuit lorsqu’elle marche devant le jour. Les gouttes d’écume qui s’échappent de la bouche de ce cheval forment au matin la rosée que l’on voit briller sur les fleurs.
Rhinthoussar ou Hrinthoussar, race des géans qui naquirent d’un homme et d’une femme, sortis du bras gauche d’Iimer, pendant un profond sommeil.
Skidner ou Srikner, écuyer, confident et messager du Dieu Fréi. Ce fut lui qui arracha à son maître l’aveu de sa tendresse pour la belle Gerda. Il fut chargé d’aller lui présenter douze pommes d’or pour la déterminer à donner sa main à Fréi, mais il ne put jamais en obtenir qu’un simple rendez-vous. Skidner garda toujours le glaive d’or, que lui avait confié Fréi, ce qui, un jour, disaient les légendes, sera la cause de la mort de ce dieu.
Soerimner, sanglier énorme servant de nourriture dans le Valholl aux héros admis après leur mort dans le palais d’Odin. C'est le cuisinier Andhrimner, {p. 482}qui tous les jours le fait cuire dans une grande marmite nommée Eldhrimner. On le mange tout entier tous les jours, et tous les jours il se retrouve dans la vaste marmite.
Sounna, déesse-soleil qui, pour échapper à la fureur du loup Fenrir, cherchant à la dévorer, est obligée de courir sans cesse avec rapidité. De temps en temps, cependant, Fenrir en attrape une partie dans sa vaste gueule ; de là viennent les éclipses. Avant d’être engloutie tout-à-fait par Fenrir, Sounna mettra au monde une fille brillante qui après sa mort éclairera l’univers à sa place.
Storiounkar, Dieu Lapon, et premier ministre de Thor. Les hommes, et principalement les animaux, se trouvent sous son empire. Les chasseurs l’invoquent et s’inclinent devant ses statues formées de pierres brutes ou grossièrement taillées que l’on orne deux fois par an, savoir : de branches de pin en hiver, et de bouleau en été ; les cérémonies de son culte consistent en festins et en sacrifices.
Les Valkiries sont des déesses habitant soit la Terre, où elles vont sur les champs de batailles trancher le fil des jours des guerriers, soit les voûtes du palais Valholl, où elles versent dans les coupes des héros l’hydromel et la bière.
Baarder-Snoefells-Aas, fameux géant, mari de la géante Hit, célèbre sorcière. Les peuples Islandais le regardaient comme un Dieu marin fort habile dans l’art de la sorcellerie. Il habitait la caverne de Baard. On le représentait d’une taille colossale, et portant une barbe épaisse.
Dieux Germains
et
Gaulois
§
Si la place nous le permettait, nous pourrions entrer ici dans une foule de suppositions relativement aux dieux des Gaulois et des Germains, mais forcés de nous restreindre dans des bornes très-étroites, nous profiterons de l’obscurité qui régne sur la religion de ces peuples, et nous ne ferons qu’indiquer les noms de quelques-uns de leurs dieux ; cependant nous ajouterons que leurs divinités avaient la plus grande analogie avec celles des Scandinaves. Ces peuples croyaient à la magie, aux sorts, aux présages et légèrement à la métempsycose. Leurs prêtres, appelés Druides, avaient un pouvoir immense ; leurs prêtresses, portant le nom de Druidesses, avaient également un caractère sacré, et il en était de même des Senae, ou prêtresses qui desservaient l’oracle lunaire de l’île de Sain, vis-à-vis la province de Cornouaille. Les forêts leurs servaient à placer leurs autels, pour adorer leurs dieux, et l’on ne vit de temples dans ces contrées qu’après l’introduction du polythéisme Romain. La fête la plus brillante de ces peuples était la cérémonie de la cueillette du Gui, qui se faisait le sixième jour de la lune de Décembre. Ici nous bornerons les généralités qu’il était utile d’indiquer relativement au culte obscur et souvent sanguinaire de ces divers peuples, et nous passerons de suite à leurs dieux, dont le plus élevé probablement était l’Alfader des Scandinaves.
Tuiston, Dieu celte, adoré par les {p. 483}Gaulois et les Germains, était fils de la terre. Il avait sous sa domination la terre, les lieux souterrains, le sombre empire et la mort. Enfin, il partageait l’empire du monde avec Taran, dieu de la lumière et du tonnerre, qui lui était opposé. Après ces deux grands dieux, venaient :
Mannus, espèce de dieu-Mars, ou de Cybèle.
Hertus ou Heria, ou la divinité présidant à la terre chez les Suèves, qui lui portaient le plus grand respect.
Tanfana, déesse Germaine, qui avait un temple chez les Marses ; elle présidait à la divination par les baguettes d’un arbre fruitier, que l’on peignait au hasard, et dont la disposition des couleurs indiquait l’avenir.
Tarvos-Trigaranos, dieu gaulois, représenté sous la forme d’un taureau d’airain, était placé dans un lac du même nom. Ceux qui avaient des difficultés entr'eux, allaient au milieu du lac et déposaient des gateaux sur une même planche ; mais comme les oiseaux ne manquaient pas de venir manger ou déranger quelques-uns de ces gâteaux, on supposait que celui dont les gâteaux étaient mangés avait eu tort, et alors il perdait son procès.
Rasdi, fils de Vata, était le Janus des peuples qui habitaient la Hongrie.
Pouster, dieu Germain, que les prêtres consultaient devant tout le monde, lorsqu’ils avaient envie d’avoir quelques présens. L'idole de ce dieu était de bronze ; elle avait deux pieds un pouce de hauteur, elle était creuse et percée à la bouche et à la main droite qui se trouvait placée sur sa tête. Ses prêtres la remplissaient d’eau et de combustibles, bouchaient exactement les deux trous, puis mettaient l’idole sur le feu. Bientôt, par suite de la vapeur qui transsudait à travers les pores du métal et se condensait à sa surface, l’on croyait y voir des gouttes de sueur ; puis lorsque la chaleur avait besoin de se détendre, alors les trous se débouchaient avec bruit, alors aussi les crédules adorateurs qui croyaient le dieu irrité, ne manquaient pas d’enrichir les prêtres, et faisaient de nombreuses offrandes à leur dieu.
Irminsul ou Irmensaeule était le dieu suprême des habitans de la ville d’Eresbourg, où il avait un temple magnifique qui était desservi par des prêtres et des prêtresses. Les premiers s’occupaient des sacrifices et du choix des victimes ; les secondes prophétisaient. C'étaient les prêtres d’Irminsul qui constituaient les juges des Teutons et les nommaient aux emplois. Lorsqu’on marchait au combat, les prêtres portaient la statue de ce dieu au milieu des batailles et lui immolaient les prisonniers que l’on avait faits. Dans quelques cérémonies, on voyait des guerriers couverts de leurs armes faire des évolutions autour de la statue de leur grand Irminsul. On le représentait tantôt avec la figure d’un guerrier, tantôt sous la forme d’une colonne d’un marbre rouge-brun, grossièrement équarrie, placée sur un banc en pierre de tuf.
A côté de cet Irminsul, on trouvait : Asminius, espèce d’Hermès chez les Chérusques, dont les prêtres, tous fanatiques, étaient armés d’une puissance temporelle inflexible.
Néhallénie, espèce de déesse mère, présidant à la lune, à la navigation, et dont on croit que les prêtresses étaient les mêmes que les devineresses appelées Néhalennia.
Pepenouth. Les Saxons l’adoraient comme le dieu de la guerre. Il avait un temple où l’on nourrissait un cheval sacré {p. 484}sur lequel ils croyaient qu’il montait pour les assister pendant les batailles.
Teut ou Teutat, ou Teutatès, dieu germanique qui présidait au commerce, à l’intelligence, à la parole, aux combats. Les Druides, ses prêtres, et les Druidesses, ses prêtresses, le regardaient comme le principe actif du monde. On l’adorait sous la forme d’un javelot lorsqu’on lui demandait la victoire, et sous la forme d’un chêne lorsqu’on le priait d’inspirer de sages avis. Ses fêtes avaient lieu pendant la nuit au milieu des forêts ; le clair de lune ou la lueur des flambeaux servaient de lumière. La cérémonie la plus remarquable était la réception du Gui qui avait lieu au renouvellement de l’année ; les cris : au Gui ! l’an neuf ! retentissaient de toutes parts. On sacrifiait à Teutatès des chiens ; excepté dans les grandes circonstances, alors on lui sacrifiait des victimes humaines.
Almane, espèce d’Hercule ou de Mars germanique que le peuple invoquait en partant pour les combats.
Fost, dieu Frison qui avait à Forteland un temple dont les environs étaient sacrés. Ainsi l’eau de sa fontaine ne devait être bue ni affectée à des usages profanes, et les animaux nourris dans une petite prairie de son enclos, étaient aussi sacrés que le terrain.
Porevith présidait aux combats chez les Vandales qui le représentaient tantôt avec deux têtes, tantôt avec six, dont l’une était sur la poitrine. Autour de son piédestal étaient des épées, des lances et autres armes.
Pennin, dieu suprême des montagnards des Alpes pennines. Sur le piédestal de sa statue, on voyait ces mots : Optimus, Maximus, avec une colonne sur laquelle était une escarboucle nommée œil de Pennin.
Maroun ou Marunus, dieu tutélaire qui présidait dans les Alpes à la sûreté des voyageurs sur les chemins.
Ogham, ou Ogmios, ou Ogmius, dieu Hercule et en même temps dieu de l’éloquence chez les Celtes, qui le représentaient sous les traits d’un vieillard à tête chauve, le front sillonné de rides profondes, le teint olivâtre, les épaules chargées de l’arc et du carquois, tenant dans ses mains une massue ; de sa langue partaient des fils d’or et d’ambre avec lesquels il attirait les hommes qui semblaient le suivre volontairement.
Onouava, déesse celte dont on représentait la tête seule ornée de deux larges écailles en place d’oreilles ; au-dessus de sa tête étaient deux grandes ailes déployées et deux serpens, dont les queues se perdaient dans les airs.
Hennil, dieu terme des Vandales. Cependant il différait de celui des Romains, car ce dernier restait immobile, tandis que Hennil, lorsque les Vandales étaient menacés de quelque danger, était porté processionnellement en criant : Réveille-toi, Hennil. On le représentait sous la forme d’un bâton, avec une main et un anneau de fer.
Heu ou Heus, dieu de la guerre chez les Celtes, était invoqué avec plus de crainte que les dieux supérieurs. On lui immolait des victimes humaines. Il était représenté avec une serpe ou une hache ; tantôt s’apprêtant à couper le gui sacré ; tantôt dans l’attitude de frapper.
Taran ou Taram était, chez les Celtes de la Gaule, le tonnerre personnifié ; il présidait aux météores ignés, aux pluies et aux tempêtes. Taram était le principe du mal ; on lui immolait même des victimes {p. 485}humaines ; on l’opposait à Tuiston, dieu du sombre empire et de la mort, ou le principe du bien.
Rhin, grand fleuve divinisé par les Gaulois, qui le supposèrent présider à la fidélité conjugale ; aussi, les pères avaient-ils l’usage d’exposer dans ses flots les enfans dont ils se méfiaient : alors si l’enfant était adultérin, il trouvait infailliblement la mort : au contraire, les flots s’empressaient de rendre à la mère fidèle le fruit de ses chastes amours. On représentait le Rhin sous les traits d’un vieillard à longue barbe, assis au pied d’un massif de montagnes, tenant un roseau à la main ; tantôt, penchant une corne pleine d’eau ; tantôt, s’appuyant sur un navire.
Aesus, ou le seigneur, véritable Odin dont on a voulu faire un dieu Mars.
Dis ou Pluton Gaulois qui avait un temple à Autun.
Kernunos, dieu de la chasse chez les Gaulois ; il était représenté avec des cornes et des oreilles de bête fauve, et chaque corne portait un grand anneau.
Bouljane, divinité adorée chez les Nannettes, dans l’Armorique, dont les habitans allaient trois fois par an à Nannettes, ou Nantes, pour rendre hommage à son idole.
Belis, dieu d’Aquilée ; des autels lui avaient été élevés en reconnaissance de la belle défense qu’il avait faite de cette capitale de l’Illyrie. Ils le représentaient sous les traits d’un jeune homme ayant la tête couronnée de rayons.
Bélénus, semblable au Balder Scandinave, était une divinité de quelques parties de la Gaule, c’était le Balatucadua d’Angleterre, regardé comme un Appollon bienfaisant, jeune et plein de vigueur.
Belisama ou Belisana, grande déesse Gauloise, inventrice des arts. Elle était honorée surtout à Cussi, comme force-énergie, comme cause créatrice. On la représentait avec un casque surmonté d’une aigrette, vêtue d’une tunique sans manches, les pieds croisés et la tête penchée sur sa main droite.
Bergine, dieu des Cénomans ou manceaux, avait un temple à Brixia et une prêtresse. On le représentait avec les traits d’un jeune homme, revêtu de la toge romaine.
Vourchaito, dieu domestique des anciens habitans de la Prusse, présidait aux chevaux, aux bêtes de somme et à tous les quadrupèdes.
Roth ou Rothou, Vénus des Véliocasses, peuples qui habitaient la Neustrie. Ces peuples donnèrent le nom de cette déesse à leur capitale, qui s’appela Rothomagna.
Proudéno ou Broudéno était regardé chez les Pruczes comme le premier des pontifes suprêmes, qui furent les chefs de ce peuple. Il vivait vers le cinquième siècle et était frère de Vaidevant.
Pikollos, dieu des morts, apparaissait toujours lorsque la mort voulait prendre une victime : à sa troisième apparition, un sacrifice ordinaire ne suffisait plus, il lui fallait du sang humain. Aussitôt que le prêtre avait tiré quelques gouttes de sang à celui qui avait négligé de lui faire un sacrifice lors de ses apparitions, on entendait dans le temple un petit bruit qui prouvait que Pikollos était satisfait. On lui consacrait la tête d’un homme mort, et l’on brûlait du suif en son honneur.
Potrimp était le dieu de la terre et de tout ce qui a vie, et avec Pikollos et Perkoun ou Péroun, dieu du tonnerre, il formait une trinité divine chez les Pruczes.
Perdoit, dieu des eaux et des vents ; {p. 486}il était le protecteur des mariniers pêcheurs Pruczes qui, pour obtenir sa protection, lui offraient dans une grange un dîner magnifique en poissons.
Pergoubrios, dieu de la végétation chez les Pruczes. Au commencement de l’année, on célébrait en son honneur une fête dans laquelle le prêtre remplissait de bière une coupe et en jetait le contenu par-dessus sa tête ; ensuite, tous les assistans suivaient son exemple.
Esterelle, déité des Voconces ou des Ligures, avait le brillant privilége de prévenir la stérilité des femmes ; aussi ses prêtres gagnaient-ils beaucoup d’argent en donnant à boire aux femmes affligées de cette infirmité des breuvages magiques, et en faisant pour elles de nombreux sacrifices à cette divinité.
Edd ou Aedd, dieu suprême des Ploégriens, dont le culte passa des bords de la Loire inférieure dans la Grande-Bretagne et s’établit dans la Péninsule de Galles. On a fait de Edd le chef de la colonie druidique des Éduens.
Andaté était en outre la déesse de la victoire dans toute la Grande-Bretagne.
Bouii ou Boun, principe du mal chez les Toungouses, était le plus puissant des dieux après Boa. Il avait sous ses ordres tous les êtres malfaisans, soit animés, soit inanimés ; ses prêtres, appelés Chamans, anéantissaient sa cruauté par des prières et des sacrifices.
Les Alcis étaient de grandes divinités naharvales, filles de l’être suprême. Ces déesses, toujours brillantes de beauté et de jeunesse, guérissaient les maladies physiques et morales, et prêtaient l’appui de leur puissance à ceux qui le réclamaient. Dans les hommages qu’on leur rendait au fond des forêts-vierges de la Germanie, le prêtre était revêtu d’habits de femme.
Andaté, déesse de la victoire, était surtout honorée par les Trimobantes, habitans des comtés d’Essex et Middlessex, qui lui sacrifiaient des prisonniers dans un bois sacré.
Habis, civilisateur des Cynètes, en Espagne, était fils de Gorgoris et auteur des lois qui réglaient les emplois ; il abolit l’esclavage, bâtit sept villes, et fit fleurir les arts et l’industrie ; ces peuples adoraient aussi la Mort, ou Hercule, sous le nom de Nethon.
Plius, dieu vandale, était honoré dans la Lusace. Les habitans de cette contrée croyaient qu’il rendait la vie aux morts : aussi cette superstition donnait un courage audacieux à leurs guerriers. On le représentait par une énorme pierre qui figurait la mort couverte d’un long drap, et ayant une peau de lion sur les épaules, en même temps qu’un bâton à la main. Radégaste, idole de la même contrée, portait une tête de bœuf sur la poitrine et un aigle sur la tête ; ils adoraient enfin Siéba, espèce de Cérès ou Pomone, et Trigla, véritable Hécate.
Dieux Irlandais. §
La religion des peuples primitifs de l’Irlande semble n’avoir adopté pour dieux que les hommes les plus habiles ou les plus courageux, ou les plus despotes des temps anciens : ainsi, dans la liste de ces dieux, nous trouvons :
Eirgeadmhar ou Airgiomdhar, fils de Slirlamb à la longue main, ainsi nommé à cause de son habileté dans les arts. Eirgeadmhar avait pour fils Badhurn, {p. 487}Diomain, Fionutan, que l’on surnommait les trois frères Iriens.
Badhurn, fils d’Eirgeadmhar, eut un fils nommé Aodhmadh, ou le rouge.
Diathorba ou Diarba, fils de Diomain, gouverna l’Ulster pendant sept ans, et mourut ensuite à Eamahainmacha, laissant cinq fils, Baoth, Buadhach, Bras, Vallach, Borcha, qui ne lui succédèrent pas, car ce fut Kimbaoth, son cousin, qui fut son successeur, d’après un accord fait avec lui.
Aodh-Madh, ou le rouge, mort en se noyant, était fils de Badhurn : d’accord avec ses deux cousins Diatkorba et Kimbaoth, il gouverna à son tour la contrée de l’Ulster, pendant vingt et un ans. Aod-Madh eut une fille nommée Macha.
Kimbaoth ou Cimbaoth, fils de Fionntan, disputa long-temps à ses deux cousins Aod-Madh et Diomain l’empire de l’Ulster. Les trois rivaux, pour mettre un terme à leurs dissentions, convinrent de gouverner chacun pendant un temps donné. Leur règne fut si doux et si juste que leurs sujets prolongèrent de sept ans le temps qu’ils avaient limité pour leur règne.
Nemeed, fils de Dnamhain, époux de Macha qui le rendit père de quatre fils. Nemedh est la personnification des Némèdes, et sous ce rapport, on le voit émigrer, puis revenir et paraître sous la domination des Afrighs, jusqu’à l’arrivée des Firbolgs.
Poghmhorrices ou Afrighs, pirates Africains qui les premiers envahirent l’Irlande, sous la conduite des cinq chefs des Firbolgs ; ensuite ils furent vaincus et mis en esclavage par Némed, qui les employa à bâtir des habitations pour les Némèdes et des temples pour leurs dieux. De ces Africains une partie secoua e joug et fut se réfugier dans l’Ulster, où ils fondèrent un empire.
Mongh-Ruadh, ou Macha, héroïne Irlandaise et déesse des Némèdes, l’une des premières races de l’Irlande ; elle était fille de Aodh-Madh, roi de l’Ulster ; elle eut beaucoup de difficultés pour s’emparer du gouvernement, mais ayant forcé ses cinq frères nommés Luighaidh a lui laisser l’empire, elle leur fit bâtir un palais qui fut ensuite la demeure des rois. Cette déesse est la seule femme qui ait gouverné l’Irlande. Elle adopta encore enfant Ugainemore, roi puissant, qui porta ses armes jusque dans la Gaule et l’Ibérie. Elle épousa Nemed, et le rendit père de quatre fils nommés Si-tiearna, Aixinn, Jarbhainiel-Faid, et Tuatha-Fergusleathdearg. Elle est l’amazone de l’Irlande et la divinité suprême de la race sacerdotale des Tuathadadan.
Bath ou Baath, dieu suprême, est considéré d’abord comme Androgyne, et, sous ce rapport, il est quelquefois Ire, ou la matière, et donne naissance à la force vitale renfermée dans son sein ; d’autres fois il est le principe mâle, réel, organisateur et auteur de la matière. Enfin on les considère aussi comme isolés l’un de l’autre, mais co-existant et apparaissant en même temps sur deux lignes parallèles. Dans tous les cas, Bath est regardé comme l’auteur de tout, soit qu’on lui adjoigne ou non Ire. On le regarde en outre comme la personnification de toute la race Irlandaise.
Keasar, ou Kesaire, fille, femme, sœur et mère de Bath. C'est la grande déesse de la force génératrice même, lorsqu’elle apparaît comme mâle ; alors elle prend le nom d’Ir, et, sous cette forme, elle peuple l’Irlande, puis est immolée ; ce {p. 488}qui donne naissance à toutes les guerres qui ont succédé.
Fodhla, seconde déesse primitive de l’Irlande, était en Irlande la muse par excellence, petite fille de Bath ; elle eut deux sœurs, Banba et Ir, mais s’étant fixée dans Sliabh-Eibhline, qui prit le nom de Fodhla, elle en devint la déesse principale, de même que de toute l’Irlande.
Banba, petite fille de Bath, avait pour sœurs Eire et Fohlda, avec lesquelles elle forme une trinité opposée à Dadan, grande divinité de la tribu Irlandaise des Thuatha-Dadans. Les époux de ces trois sœurs furent Éathoir, Céathoir et Téathoir. Ces trois couples furent détronés par les Miléads ou guerriers, dont la domination donna naissance en Irlande à l’époque héroïque.
Fenius-Farsa, personnification des fins, était né de Bath, et fut père de deux fils appelés Nionnuall et Nioul Fenius était un savant que ses oracles faisaient respecter.
Nionnuall, ou le fils de l’héritage, était fils aîné de Fenius-Forsa, ce qui lui donne un rapport presque identique avec les Fatochda, ancêtres de Bortalam. Nionnuall et ses descendans furent opposés à Nioul son frère. Violent et fougueux, Nionnuall représente et personnifie la race belliqueuse et farouche des temps primitifs.
Enfin Nioul, ou Niul, ou Null, second fils de Fenius-Forsa, par suite d’un caractère tranquille devint la personnification des tribus paisibles et demi-civilisées qui peuplèrent ensuite l’Irlande. Il émigra et fut père des Scots : on le regardait comme très-profond dans les sciences. Ce fut lui qui détruisit le système sacerdotal des Tuatha-Dadans, pour établir un autre culte.
Dhna ou Adhna, fils de Bath, était le messager intermédiaire entre le dieu son père et les êtres humains. D'autres supposaient que Dhna et Bath son père avaient été les chefs des premiers peuples établis en Irlande.
Les Firbolgs, ou belges, sont regardés comme ayant été les vainqueurs des Nemedhs ; ils avaient cinq chefs nommés Slainge, Rughraidhe, Gann, Seangann, Geanann. Ces chefs établirent dans diverses contrées de l’Irlande de petites principautés qui furent détruites dans la suite par les Tuatha-Dadans. Lorsqu’ils eurent abattu les Nemedhs, ils forcèrent ces vaincus à extraire du minerai, les placèrent sous la garde des Firgaillans, et leur donnèrent le nom de Fin-Domhnan. Ces mineurs se croyaient protégés dans leurs travaux par des génies qu’ils appelaient Knokkers, génies dont la voix se faisait continuellement entendre tant qu’ils travaillaient ; aussi a-t-on supposé qu’ils ne devaient être en réalité que les échos de leurs souterrains.
Slainge et Rughraidhe étaient des dieux irlandais, que l’on croit avoir été chefs des Firbolgs, et qui avaient sous leur domination les contrées appelées l’Enbher Kolpa, l’Ulster et le Drobhain, jusqu’à Drogheda.
Ith, fils aîné de Bréoghan, était le Dieu suprême des Milésiens. Il était à peine descendu sur les bords de l’Irlande, qu’ayant été pris pour arbitre par trois rois Tuathadaniques, il eut l’imprudence de vanter beaucoup trop la beauté et la bonté de cette contrée ; alors les trois rivaux l’assassinèrent. Les compagnons d’Ith et ses enfans prirent son cadavre, l’emportèrent sur leur navire et le déposèrent aux pieds de Milèse, qui arma aussitôt un {p. 489}vaisseau, traversa la mer et vint punir les assassins.
[n.p.] [n.p.]Milèse ou Miless, Spain, était donc un héros fameux, époux de la grande déesse Scota, dont il eut Amrgin, Ir, Kolpa, Erreamhon et Eibhear-Fionn. Ses victoires en Irlande eurent lieu dans le temps du meurtre d’Ith, dont il vengea la mort ; puis il devint le fondateur patronymique de la race guerrière des Mileads ou Milésiens.
Scota ou Scuith était par conséquent la grande et unique déesse des Miléadhs Irlandais, dont elle fut la mère ; elle est aussi regardée quelquefois comme une reine d’Irlande.
Les Tuatha-Dadans, sous la conduite de Erreamhon, après avoir vaincu Ith, le chef des Firbolgs, abolirent la royauté ; alors Erreamhon rétablit l’ancienne forme sociale Irlandaise, et le culte primitif, qui avait pour grands dieux et déesses, Bath, Kéalos et Macha, Fodhla, Banba et leurs familles ; plus tard les Irlandais y ajoutèrent des idées cabiriques, et de plus quelques dieux et déesses parmi lesquels on rencontre :
Téa, fille de Luighaidh, descendant d’Ith et femme du roi Erréamhon. On lui attribua la fondation de la cité de Téamhuir.
Dadan ou Danan devint grande divinité Irlandaise des Tuatha-Dadans : elle était fille de Déal-Baoith ou Bath, et donna le jour à trois fils, Brias ou Uar, Juchor et Juchorba, appelés aussi Jurka, Jurbata, Ces trois frères, dont le chef était Brias, conduisirent dans l’Irlande, où ils s’établirent, une colonie de Tuatha-Dadans ou d’un peuple auquel ils donnèrent le nom de leur mère.
Luighaidh-Lamhfada, de la race Tuathadanique, épousa Taille, qui alors était veuve, et qui passe souvent pour avoir été sa nourrice et pour lui avoir enseigné la magie et l’art difficile de régner : on le confond souvent avec le père de Téa, mais il n’est pas facile de savoir s’ils diffèrent en réalité l’un de l’autre.
Quonn et Tsithneallach étaient deux Tuatha-Dadans qui voulurent un jour lutter de puissance ; mais Tsithnéallach fut vaincu ; Car Quonn couvrit en un instant tout le pays d’une neige épaisse, ce que son antagoniste ne put faire.
Mogha-Nuaghat, de la race des Eibhears, chassa du Munster les Earnacis, défendus par Quonn. Alors l’Irlande fut partagée en deux grandes parties principales : l’une au sud, fut la partie de Mogha, l’autre au nord, fut celle de Quonn.
Siorlamh, fut aussi un célèbre Tuatha-Dadan ; il était fils d’Eibtéar-Fionn. Il avait les bras et surtout les mains si longues que, quoique debout, il pouvait toucher la terre avec ses doigts sans se baisser.
Kafa, Laighne et Louaçat, étaient trois pêcheurs venus d’Espagne, ou grands dieux des Tuatha-Dadans, qui les regardaient comme étant androgynes et émanant de Keasar. Ils peuplèrent l’Irlande, et y répandirent la civilisation.
Meibdh, reine du Conaught, était fille de Eochaidh-Fiedhlioch, le grand législateur, et de Benia, fille de Criomthan, de la race d’Erreamhon. Elle se laissa séduire par ses trois frères, et elle eut un fils de cette liaison criminelle. Meibdh eut trois époux ; le premier fut Tinne, le second Oilioll, dont elle eut sept fils que l’on nomme les sept moines ; mais ce second mari ayant été tué dans un combat par Konnall, héros de l’Ulster, elle épousa Qonnor, puis, après la mort de ce dernier, elle mourut d’une blessure que lui fit à la tête une pierre lancée par Jorbuidhe, pendant qu’elle se baignait.
{p. 490}Cochhaid, le plus ancien législateur de l’Irlande, fut tué dans un combat par les Tuatha-Dadans.
Ollam Fodhla, père de trois fils qui régnèrent sur l’Ulster d’après leur rang d’ancienneté, et dont le chef de la race fut Fionn Sneachta, fils d’Ollam et frère de Fâchtna-Fathach, père du roi Qonnor. Il sortit de sa province, et sous sa domination, le Clan de Rughraidhe eut le privilège d’envoyer ses chefs siéger à Téamhair, résidence des pontifes suprêmes.
Néaça, fille d’Eochaidh-Salbindhe, avait épousé la femme de Fachnta et mère de Qonnor ; elle fut violée par ce fils et devint, par suite de cet acte criminel, mère de Qormaq Qonlingios.
Béanna, Lamha et Glaisue, étaient fils de Néaça et frères de Qonnor ; ils moururent sans postérité : seulement, Béanna donna son nom au comté de Béantry, Lamba au canton de Lamdhuidhe, et Glaïsue à celui de Glaisruidhe.
Qonnor, ou Konnor, ou Connor, le plus illustre des princes de l’Ulster, devait le jour à Fachtna Fathach, fils de Rughraidhe le grand, et à Néaça. Il eut un grand nombre de frères qui moururent sans postérité. Un jour d’ivresse, il viola sa mère et devint par là père de Qormaq. Qonnor sauva les jours de Déirdre, fille de Feidhlim, au moment de sa naissance, et la confia aux soins d’une de ses femmes nommée Léabhorcham ; son intention était de l’épouser dans la suite ; mais elle lui fut enlevée par un fils d’Ouisneach. Sous son règne, parurent trois héros célèbres, qui lui furent funestes quoique issus de sa race : Laoghrebuadhach, qui corrompit son épouse favorite ; Qonnall, qui séduisit sa fille, et Qouqoulin qui lui joua une foule de mauvais tours ; enfin Qonnor mourut d’une blessure qui s’était rouverte.
Ouisneach est le feu sacré ou la personnification du soleil. C'est aussi le point de réunion des cinq divisions de l’Irlande ; l’on y entretenait un feu perpétuel, et le siége principal du culte Druidique y résidait. Plus tard, les rois et les pontifes suprêmes y firent leur résidence.
Naois, fils d’Ouisneagh, inspira de l’amour à la jeune Deirdre, qu’il enleva à Qonnor et conduisit en Écosse, d’où il fut obligé de sortir ; car le roi des Scots voulait lui enlever sa maîtresse ; alors il fit demander à Qonnor, roi d’Irlande, la permission de rentrer dans ses états ; mais le roi, tout en ayant consenti, donna secrètement ordre à Eogan de tuer Naois et de faire prisonnière sa belle épouse : ce qu’il exécuta ponctuellement.
Cette Deirdre était fille de Fiehim, né de Dill ; elle vint au monde pendant le séjour de Qonnor, roi d’Ouladh, chez son père. A peine fut-elle nubile, que Naois, un des fils d’Ouisnéach, pénétra dans la tour où elle habitait, l’enleva et la conduisit en Écosse. Alors le roi de ces contrées voulut la lui ravir ; ensuite Qonnor permit à Naois et à Deirdre de revenir dans son royaume ; puis il fit tuer Naois pour posséder Deirdre ; mais celle-ci ne voulant point écouter les vœux de l’assassin de son époux, se précipita la tête sur un rocher et mourut.
Qormaq Qonlingios, fruit de l’inceste de Qonnor avec Néaça, sa mère, restait à la cour de l’Ulster. Son père l’ayant donné en otage, viola son serment ; alors Qormaq irrité, se mit à la tête de trois mille soldats, ravagea la contrée de Crioch, et faillit détrôner son père.
Qonnal-Tséarnach, un des trois héros de la branche rouge chez les Erses, jeta {p. 491}la division dans son pays ; fut le meurtrier du géant Meisgéadhra et le ravisseur de la belle Feidhlim-Nathkrotack, fille de Qonnor et épouse de Quairbre-Niadfar.
Laoghre Buadhach, l’un des héros par excellence de l’Irlande, mourut en voulant sauver les jours d’Aolds qui fut jeté dans un lac après avoir par ses chants séduit l’épouse de Qonnor, roi de l’Ulster.
Amrgin, ou Amhrgin, ou Amhergin, était Druide Mileadh, ou un pontife irlandais, fils de Milese ; il avait, on le sait, un frère nommé Eibhear-Fionn, guerrier célèbre. Ils se réunirent tous deux pour soumettre les nations, l’un par les armes, l’autre par la persuasion, et pour venger la mort d’Ith. Amhrgin épousa Seine, qui de tout temps fut adorée par les ennemis des Tuatha-Dadans.
Cet Eibhear-Fionn, fils de Milèse et de Scota, est la personnification des Scots, guerriers qui, un peu avant l’arrivée de César dans les Gaules, l’aidèrent, par les armes, à vaincre son frère Erreamhou, chef des Tuatha-Dadans, et à établir le culte druidique sur les ruines du culte des Tuatha-Dadans, qui n’était alors qu’un véritable magisme,
Bartolam, chef d’une colonie qui fut s’établir en Irlande. Il commença par opprimer les habitans de ces contrées soumises aux druides milésiens, et détruisit l’empire des Foghmhorraioo, pirates qui ravageaient l’Irlande. Malgré la dureté de son usurpation, il laissa subsister le culte qu’il avait trouvé. Les légendes irlandaises lui donnent quatre fils : Er, Arbha, Fearon et Feargua.
Enfin Kaiker fut un prophète guerrier et chef des Scots, qui établit en Irlande l’élection dans le sacerdoce, et détruisit les priviléges que quelques familles avaient, de pouvoir seules fournir des prêtres au service des autels.
Dieux Américains. §
Amérique du Nord. §
Il reste fort peu de documens sur les dieux primitifs de l’Amérique septentrionale ; cependant nous allons recueillir et grouper ici quelques-uns de ces dieux, sans exposer la théorie religieuse des peuples de cette contrée ; car la plupart n’en avaient pas, si toutefois nous en exceptons les Mexicains, sur le culte desquels nous nous étendrons un peu davantage. Ainsi, en commençant notre voyage théocratique du nouveau monde par les premières terres américaines que l’on rencontre dans l’Océan, nous trouvons :
Les Zèmes, dieux malfaisans des Antilles, auxquels la crainte offrait des gâteaux sacrés, des fleurs, des fruits, au milieu de fêtes somptueuses où les Caciques ou rois étaient obligés d’assister. Leurs temples étaient des cabanes, et leurs idoles des figures hideuses.
Attabéira était la mère de l’être suprême chez les habitans de l’île d’Haïti. Les dieux de la chasse, de la pêche, de la santé, des saisons étaient soumis à ses ordres. On l’appelait aussi Guacarapita, Guacamonoan, Momona, Tiella.
Toïa, était dieu du mal à la Floride. Quand on célébrait quelque fête en son honneur, les mères déchiraient cruellement leurs filles et en offraient le sang à Toïa, en prononçant trois fois son nom. Pendant ces fêtes, trois prêtres s’enfoncaient dans la forêt pour consulter le dieu ; ils y restaient deux jours, pendant lesquels les assistans se livraient aux danses les plus bizarres, aux macérations les plus dures {p. 492}et au jeûne le plus rigoureux ; ensuite venaient les réjouissances.
Kiouasa était le dieu des Virginiens : directeur des affaires humaines, souvent il apparaissait sous les traits d’un bel homme lorsqu’on l’invoquait, mais il fallait quatre prêtres pour que les conjurations fussent efficaces, et jamais il ne faisait connaître sa volonté que quand ces jongleurs étaient au nombre de huit ; on le voyait dans toutes les habitations sur un petit autel. Dans les temples, cette idole avait une pipe à la bouche et fumait le tabac dont elle était chargée.
Totam est un génie bienfaisant, qui veille au bonheur de l’homme. Suivant les Américains, chaque individu a son Totam ; mais ces Totam étant incarnés dans le corps d’un animal, il faut bien prendre garde de faire du mal, même involontairement, à l’animal, dont son Totam a pris la forme, car ce serait un crime irrémissible, et l’on s’exposerait à perdre la vie à l’instant.
Kiouchtan ou Kichtan, dieu suprême des sauvages de la nouvelle Angleterre. Il est le créateur du monde ; il reçoit après la mort les ames des justes dans son palais, et en écarte celles des méchans, qu’il condamne à aller subir au fond des enfers des supplices éternels.
Manitou est le grand esprit ou l’être suprême de la plupart des sauvages de l’Amérique septentrionale, qui le confondent avec le soleil. Ils appellent aussi Manitous les divinités inférieures, qu’ils supposent veiller à la conservation de la santé et au bien-être des êtres vivans
Matchi-Manitou, ou la lune, est le dieu malfaisant des Américains du nord ; c’est lui qui excite les orages ; et comme ils le croient habitant le fond des eaux, ils jettent dans les flots, lors des tempêtes, tout ce qu’ils ont de plus précieux pour apaiser ce dieu méchant.
Ataenlsic est la femme primordiale des Hurons. Elle eut un fils qui devint père du bon principe. Ataenlsic est la déesse du mal, et elle préside à la mort. Elle fut, dit la tradition, chassée du ciel, à cause de sa méchanceté. Elle devint la reine des mânes qui doivent déposer à ses pieds tout ce qu’on ensevelit avec leurs corps. Cette fatale déesse les oblige en outre à la divertir par des danses, qui sont le seul plaisir des ames bienheureuses.
Niparaïa, principe bienfaisant de la Californie, passe pour le créateur du ciel et de la terre ; mais bientôt Touparan, ou le principe du mal, vint l’attaquer ; mais celui-ci fut défait et plongé, ainsi que ses partisans, dans un antre profond, dont la garde est confiée aux baleines. Cependant Touparan exerce encore sur les cœurs des hommes une influence qui les porte à se déclarer la guerre ; et l’espèce humaine périrait infailliblement si Niparaia ne refusait l’entrée du séjour des félicités à ceux qui meurent par la flèche ou par l’épée. Niparaia épousa la belle Anaikondi, et la rendit mère de Qaïaïp.
Qaïaïp est le plus jeune et le plus beau des trois fils de Niparaia ; il avait pour mère la belle Anaikondi qui le mit au monde sur les montagnes, d’où bientôt il vint dans la plaine enseigner aux sauvages habitans l’art de l’agriculture, de se construire des cabanes, et de se soumettre à des lois. Pour le récompenser, ils l’assassinèrent et lui posèrent sur la tête une couronne d’épines. Son corps disparut, et les Périkouers, en Californie, le représentent avec une chouette qui lui parle à l’oreille.
Qiarou, fétiche spécial à chaque {p. 493}individu. Chez les Iroquois, on le choisit après l’avoir vu en songe. C'est alors que ce talisman a les propriétés de pouvoir transporter ou transformer ceux qui le portent, à leur volonté.
Mexique. §
L'ancienne religion des Mexicains qui croyaient à un grand esprit, à un esprit méchant, à la punition des ames après la mort, à leur récompense par leur transmission dans le corps des oiseaux les plus beaux et à la plus belle voix, était un polythéisme fort grossier. Ces Mexicains avaient conservé une tradition sur le déluge et sur la confusion des langues, fait assez remarquable qui porte bien à supposer que le continent américain n’a pas toujours été séparé de nos vieilles contrées d’Europe, d’Asie et d’Afrique.
Ces anciens peuples du Mexique admettaient parmi leurs dieux :
Théotl, ou le grand Dieu sans forme et invisible, nom auquel ils ajoutaient les épithètes d’Ipalnémaani, ou celui par qui l’on vit, et de Tloquenahuaque, ou de celui qui est tout par lui-même.
Flacatékolototl était l’esprit méchant ennemi des hommes, ne descendant sur la terre toujours sous la figure d’un hibou savant, que pour effrayer les hommes ou leur faire du mal.
Miclantemcli, époux de Lancihuati, était le dieu du Miclan ou enfer, placé au milieu de la terre : il recevait les ames des coupables, tandis que celles parfaitement pures des soldats morts en combattant, ou des femmes mortes en couches, allaient jouir de quatre années de plaisirs indéfinissables dans la maison du soleil, puis revenaient animer les nuages ou les corps des oiseaux pour chanter et se nourrir du suc des fleurs.
Après ces divinités, venaient au Mexique les douze grands dieux suivans :
Ométeuchtli, qui veillait sur les hommes, écoutait leurs prières, réalisait leurs désirs, et habitait dans une grande ville du ciel avec son épouse, Omécihuati, dont la fonction était de s’occuper des femmes.
Cihuacoahuati, ou le serpent-femme, était regardé comme la mère des humains, et en raison de cela fort révérée et dépeinte avec un nourrisson sur le dos.
Tonatricli était la déification du soleil, et Metzcli, celle de la lune. Tous deux furent le résultat d’un géant jeté dans un grand feu par ses compagnons, d’après l’ordre d’Ométeuchtli, leur père, auquel ils avaient demandé ces deux astres pour les éclairer.
Tlaloc était le dieu des montagnes, et on le représentait par une grosse pierre ; sa femme qui régnait sur l’eau, portait divers noms, et entr'autres celui de Matlacuezc, ou vêtue de vert.
Xinteuchtli était le maître de l’année, de l’herbe, et le dieu du feu : aussi célébrait-on trois grandes fêtes en son honneur.
Centéocl était une véritable Cérès Mexicaine, fort révérée.
Joalteuctli présidait à la nuit, et souvent passait pour être la lune.
Joalticitl était la déesse du berceau ; aussi les mères lui recommandaient-elles leurs enfans pendant la nuit.
Vitslibochtli, le plus célèbre des dieux Mexicains, était le dieu de la guerre et de la divination. Ce fut, dit-on, sous son égide que ses adorateurs, autrefois errans, firent après de longues souffrances la conquête du Mexique, encouragés pendant leur campagne par les miracles {p. 494}de leur dieu, que quatre prêtres portaient dans une arche en roseaux. Sa mère Koatlikoé le conçut en cachant dans son sein un bouquet de plumes qui volait dans les airs. Les fils de cette pieuse mère, excités par leur cruelle sœur Koïolkhhaouqui, se déterminèrent à la tuer, croyant que cette grossesse les deshonorait ; mais au moment où le glaive était levé sur sa tête, Vitslibochtli parut armé de pied en cap, et il tua tous ses frères, ainsi que leur cruelle sœur. Son idole était représentée sur un autel entouré de rideaux ; elle avait une forme humaine, était assise sur un trône, soutenu par un globe d’azur, d’où sortaient quatre bâtons terminés en forme de serpent ; sa tête était couverte d’un casque de plumes de diverses couleurs en forme d’oiseau, avec le bec et la crête d’or bruni ; son visage était affreux et sévère, une ligne bleue était peinte sur son front et sur son nez. Sa main droite s’appuyait sur une couleuvre ondoyante, la gauche portait quatre flèches et un bouclier. On le représente aussi avec de vastes ailes semblables à celles de la chauve-souris, attachées à ses épaules, et avec des pieds de chèvres.
Tezcatlipoca, ou Teskatlibochtli, ou Tlaloch, ou le miroir brillant, était le dieu vengeur des crimes, le régulateur de la vie pénitentiaire ; c’était lui qui était chargé de punir les hommes, en leur envoyant soit la famine, la peste ou des épidémies. Ce dieu redoutable était cependant moins puissant que Téotl, l’être par excellence ou l’irrévélé, avec lequel pourtant il se lie intimement dans les croyances populaires. On supposait que Teskatlibochtli était la manifestation de l’immatériel Téotl. On le représentait orné de rubans, la lèvre inférieure chargée d’anneaux d’or et d’argent, avec un tuyau de cristal, d’où sortait une plume verte ou bleue ; sur sa poitrine était un énorme lingot d’or, et ses bras étaient chargés de chaînes d’or ; il avait sur le nombril une large émeraude, sa main droite portait quatre flèches ou un javelot, et sa gauche un miroir d’or, d’où sortaient des plumes de diverses couleurs, formant un éventail, ou un bouclier orné de cinq pommes de pin, entourées de quatre flèches ; sa chevelure longue était dorée, et au bout de cette chevelure était une oreille, symbole de l’attention. La principale des fêtes celébrées en son honneur avait lieu le 19 mai.
Ilamateuchtli était la déesse de la vieillesse au Mexique. On célébrait sa fête par le sacrifice d’une femme : ensuite venaient des jeux ; puis le soir, les prêtres couraient les rues et frappaient les filles et les femmes avec de petits paquets de foin.
Quetsalcoatl était l’Hermès du Mexique, et plus spécialement de la vallée de Cholula. C'était le dieu de l’air, le législateur de cette région, et le fondateur de la ville de Cholula ; il présidait au commerce, à la guerre, à la divination ; il avait prophétisé l’arrivée des Espagnols dans le Mexique, et la chute de l’empire des Aztèques. On l’implorait en partant pour les expéditions guerrières. Chaque année, ses adorateurs célébraient sa fête principale avec beaucoup de solennité, en lui offrant des sacrifices humains. L'une de ces victimes pendant quarante jours avait autant de puissance que le souverain lui-même : tous les plaisirs lui étaient accordés ; puis, le jour de la fête, on l’immolait en offrant son cœur à la lune, et son corps était précipité du haut en bas de la grande pyramide appelée Téocalli, au milieu des chants et des danses. Les {p. 495}adorateurs de ce dieu se faisaient des blessures à la manière des corybantes. Son temple était de forme ronde, et avait sa porte taillée en gueule de serpent.
Les Mexicains avaient encore une foule d’idoles présidant à la pêche, à la chasse et au commerce ; toutes plus hideuses les unes que les autres, quoique faites souvent avec les matières les plus précieuses.
Les prêtres Mexicains étaient, pour ainsi dire, autant adorés que les dieux ; aussi étaient-ils fort nombreux. A leur tête, on voyait le Maître-divin et le Grand-Prêtre, véritables oracles, sans l’avis desquels rien ne pouvait être entrepris ; un autre grand-prêtre veillait à l’exécution des lois, et aux écoles ecclésiastiques ; puis, en sous ordre, venaient les prêtresses, et les différens ordres religieux, dont les membres se prétendant approcher spécialement de quelque divinité, étaient tous plus ou moins révérés.
Amérique du Sud. §
Si nous passons dans l’Amérique du sud et que nous longions l’isthme de Panama, nous apercevons :
Dabaiba, mère des dieux chez les habitans de Panama ; elle vint sur la terre pour montrer et inventer toutes les choses nécessaires au bonheur et à la vie des hommes ; puis elle fut transportée aux cieux, où elle préside spécialement à la foudre ; aussi l’invoquent-ils dès qu’ils voient les éclairs. La principale cérémonie en son honneur était précédée de trois jours de jeûnes, de gémissemens et d’extase, et se terminait par un holocauste d’esclaves.
Maboia était le principe du mal chez les Caraïbes, l’auteur des tempêtes, du tonnerre, des maladies et des apparitions fâcheuses. On le représentait avec les formes les plus hideuses ; pour l’honorer, on se déchirait le corps à coups de couteaux, et pour le fléchir on portait au cou de petites figurines qui lui ressemblaient.
Opoiam était au contraire le dieu bienfaisant des Caraïbes, il n’était honoré que par des sacrifices faits sur de petites tables de roseau dans les cas de maladie.
Pérou. §
Nous voici maintenant dans les contrées où le culte des astres et du soleil était dans toute sa puissance ; aussi les Incas ou dieux-prêtres passaient-ils auprès des Péruviens comme les enfans des fils du soleil. Du reste, le culte de ces rois pontifes était doux et pastoral. Ils regardaient Mancocapac comme le premier homme ; c’était donc le législateur et le premier sage du pays ; on adorait en outre au Pérou :
Patchakamak ou le dieu-soleil des Péruviens et, de plus, le créateur et le conservateur du monde ; il avait un temple magnifique où de jeunes filles lui consacraient leur virginité ; il formait avec Virakotcha et Mamakotcha, la trinité péruvienne.
Cependant Interrapa ou Illapa, est encore désignée comme étant une des trois divinités de cette trinité ; elle recevait en sacrifices à Cusco de jeunes enfans. On la représentait tenant d’une main une fronde ou une massue, et de l’autre la pluie, la grêle et la foudre.
Koupai était un esprit malfaisant au Pérou. Les habitans de cette contrée ne prononçaient jamais son nom sans avoir d’abord craché à terre. A la Floride, on regardait ce dieu comme le souverain du {p. 496}monde inférieur et on le croyait toujours opposé au dieu du monde supérieur.
En parcourant les autres contrées de l’Amérique du sud, nous rencontrons encore :
Alvée, mauvais esprit chez les habitans du Chili ; c’est le destructeur et le dévastateur de tous les biens ; il donne la mort à tous les êtres vivans.
Gouénoupillan, ou l’ame du ciel, est l’être suprême des Araucaniens. Sous lui apparaissent Méoulen, principe du bien, qui a pour antagoniste Houékoub, le principe du mal ; puis viennent le soleil et son épouse Antoumalgouen et Epounamoun, le dieu de la guerre. Gouénoupillan n’a point de temple.
Ce Houékoub, principe du mal des Araucaniens, est le créateur des rats et des vers qui ravagent les biens de la terre et les plantes. Lorsque ces peuples veulent se rendre favorable Houékoub, ils se masquent, mettent plusieurs de ces animaux dans un sac, puis se frappent rudement les uns les autres avec des roseaux, et finissent par tourner leur fureur sur les animaux qu’ils ont pris.
Kamachtlé était le plus célèbre des dieux des Tlascaltèques. Ses prêtres, pour l’honorer, jeûnaient et se faisaient avec des couteaux de nombreuses blessures à la langue.
Khiappen, dieu de la guerre, était adoré surtout chez les Tuniates. Ses prêtres, avant de l’interroger, s’abstenaient de sel et de l’approche des femmes pendant deux mois. Après la bataille, ils lui sacrifiaient des prisonniers, et teignaient sa statue du sang des victimes.
Botchica, ou Memquetheba ou Zouhé, est le législateur et le civilisateur du vaste plateau de Bogota. Les Mozcas le disaient fils du soleil ; il apparut dans ces contrées sous la figure d’un vieillard, ayant avec lui une femme très-belle, nommée Chia, ou Houithaca, ou Ioubécaigouaia, dont le caractère méchant cherchait à contrarier en tout le bien que faisait Botchica, son époux. Elle fit enfler la rivière de Founzha, dont les eaux engloutirent la plus grande partie des habitans de la vallée de Bogota. Botchica, furieux contre son épouse, la chassa de la terre. Elle, par son art magique, s’éleva dans les airs et devint la lune. Botchica fit alors écouler les eaux, bâtit des villes, institua le culte du soleil, et civilisa le reste des habitans sauvé de l’inondation ; puis, après avoir fait un grand nombre de prodiges, il se retira dans la vallée d’Iraca, où il vécut deux mille ans ; ensuite il disparut d’une manière mystérieuse. Les pieux sectateurs de Botchica se rendaient en foule en pélerinage à Iraca, et jouissaient en tous les temps de la protection des divers partis.
Tatousio était le dieu des Maguacikas, anciens habitans du Paraguay ; il était chargé de garder jour et nuit un pont de bois, jeté sur un grand fleuve, où se rendaient les ames des morts. Là il purifiait les unes avant de les laisser passer au séjour des bienheureux, et précipitait les autres dans l’abîme.
Aguian était un mauvais génie chez les Brésiliens : il enlevait furtivement de la terre les corps inhumés, si les parens du défunt n’avaient pas eu la précaution de mettre des alimens autour de la fosse, alimens que de pieux fainéans ne manquaient jamais d’aller enlever secrètement pendant la nuit.
Marakas était le dieu protecteur des maisons et il était invoqué dans les affaires importantes par les Brésiliens ; on le représentait sous la forme du fruit du Tamaraka orné de plumes ; les prêtres {p. 497}mettaient aussi ses images au bout de longs bâtons qu’ils enfonçaient en terre, et ordonnaient aux villageois de lui apporter des vivres.
Toupan, l’esprit du tonnerre, était chez les Brésiliens le seul être surnaturel qu’ils connussent. Ils croyaient qu’il présidait à l’agriculture.
Dieux de la Polynésie. §
Sans nous arrêter à chercher si les peuples de la Polynésie ont des idées religieuses se rattachant à un culte unitaire, nous allons simplement, pour terminer cet ouvrage, indiquer quelques-uns des dieux qu’ils adorent. Dans ce nombre on trouve :
Barhalamaicapal, ou le dieu créateur et fabricateur chez les habitans des îles Philippines, dont l’esprit grossier fait un dieu de tout ; aussi adorent-ils les animaux, les astres, les caps, les rochers, les rivières, et surtout les vieux arbres ; c’est un fétichisme universel.
Etoua-Rahai est l’être suprême par excellence à Otaïti, où il est également appelé Ta-roa-teai-étoumou. Sa femme O-té-papad est d’une nature matérielle et inorganique contraire à la sienne ; de leur union naquit une fille nommée Ohina, qui donna le jour à trois fils, Te-ouettou-matarai, Oumar-Ceo, Orre-Orre. Ces trois frères forment une Trimourti de dieux supérieurs qui se partagent le monde. Le premier est le créateur et le maître des étoiles, le second règne sur la mer à laquelle il a donné naissance, et le troisième préside aux vents. Cette Trimourti se réabsorbe en Etoua-Rahai, que l’on regarde aussi comme l’excitateur des tremblemens de terre, ce qui lui fait prendre le nom de O'Maouve. Après la naissance d’Ohina, Etoua-Rahai créa les dieux inférieurs et toutes les parties de l’univers, ainsi que ce qui le peuple. Enfin il finit par précipiter son épouse dans la mer, où elle forma, après s’être brisée dans sa chute, les divers écueils et les îles de la Polynésie. Une énorme partie de O-té-papad resta vers l’est et forma l’Amérique.
Fouttafoua ou Fouttaféhi est la divinité par excellence des mers de l’Archipel des amis. Ce dieu a pour épouse la déesse Faikava Kadjiha, et pour subalternes Vaha-Fonoua, Tariava, Mattaba, Evarou et quelques autres. On croit qu’il protége particulièrement le district de Mona dans l’île de Tongatabou. Chaque année, on célèbre en son honneur une fête le jour des semailles, et une autre à l’instant de la moisson.
Goulého, dieu de la mort chez les habitans des îles des Amis ; il habite un empire appelé Boulerta.
Kaléaoko, déesse honorée dans les îles Sandwich ; on la représente tantôt assise, tantôt accroupie ; un linge rouge enveloppe un partie de son corps et de ses cuisses. Un ornement formé de deux longues bandes s’élève du bas des reins de la déesse jusqu’au-delà de son front.
Ligobound, divinité bienfaisante, fille de Saboukour et d’Halmael, ou le couple divin primordial ; elle descendit sur la terre alors stérile, et la rendit productive ; car sa présence la couvrit soudain d’hommes, de femmes, de verdure, de riches moissons, de fleurs et d’animaux. Mais Aigiregers, funeste génie, détruisit tous ces biens.
Mahanna est le soleil, suivant les Otaïtiens, et les habitans de l’île des Amis ; il apparut sous des formes humaines, et, comme tel, il prend le nom d’Euroa Faboa, septième fils de Tane et de Terra ; {p. 498}il épousa d’abord Tanna, sa sœur, dont il eut les treize mois, (Papiri, Ovnounou, Paroromoua, Paroromori, Mouriha, Héacha, Hourororera, Houriama, Taoa, Téaire, Tetai, Ouéaho, Ouéa) ; ensuite il épousa Popoharra Haréha, ou la roche personnifiée, qui le rendit père de Tetouba-Hamatou-Hatou. Enfin s’étant incarné sous la figure d’un homme, il se métamorphosa un jour en poussière.
Les Mamakouns sont des fétiches des habitans des Moluques, protégeant contre les esprits des ténèbres, et prédisant également le résultat des guerres. Ces fétiches sont des brasselets trempés dans le sang d’une poule immolée à la nouvelle lune ; le succès de la guerre, sur laquelle on les interroge, dépend de la nuance que le fétiche a prise.
Mau, divinité des îles Sandwich, est représenté avec une énorme bouche, dont le gouffre semble menacer d’engloutir ses adorateurs ; sa tête est entourée d’une coiffure dentelée.
Les Nitoès sont des génies des îles Moluques, invoqués au commencement des entreprises, de peur qu’ils ne les mènent à mal. Chaque famille a un Nitoé, quelle invoque en allumant des cierges en son honneur, et au son d’un petit tambour ; puis on lui sert un dîner que les assistans font disparaître.
Ohira-Rine-Mouna, divinité polynésienne, était fille de Ti et d’Osira. Après la mort de sa mère, elle épousa Ti, et le rendit père de trois fils, Ora, Vanou et Titou, et de trois filles, Hennatou-Monourou, Hénaroa, et Nouna.
Opira, sœur et épouse de Ti, était fille de Tétouba-Amatou-Hatou et du sable de la mer. Etant tombée malade, elle supplia son époux de la guérir, mais il la laissa mourir, après en avoir eu deux enfans, savoir : un autre Ti et Ohina, laquelle devint la seconde femme de Tétouba-Amatou-Hatou.
Pélé, déesse des volcans, fort redoutée, dans les îles Sandwich. Sa statue est revêtue de tissus en coton. Lorsque l’on célèbre ses fêtes, la prêtresse jette dans le cratère du volcan de Kérouia, de la nourriture et des habillemens, et dans tous les temps on met souvent des alimens devant sa statue.
Po, ou la nuit, est, suivant les peuples qui habitent la Polynésie, le plus ancien des êtres, la source du tout, la mère des dieux ; aussi les nomment-ils Fampô, ou enfans de Po.
Takchanpada, déesse de la pluie, chez les habitans de l’île de Formose. C'est par les voix de la foudre qu’elle gourmande son époux Tamagisanhach, lorsqu’il refuse de la pluie aux hommes.
Tanatéa, déesse des îles Sandwich, est représentée la figure tatouée, les narines laides, les yeux peu sensibles, la bouche grande, la tête entourée d’une espèce de coiffure, et ayant le cou plus gros que les deux cuisses réunies.
Tane, le dieu suprême, suivant les habitans de l’Archipel de la Société. Tarra, son épouse, le rendit père de Po, ou la nuit ; de Arié ou le ciel ; d’Avié ou l’eau douce ; d’Alié ou Temide ou la mer ; de Matai ou le vent ; et de Taunou-Mahanna ou le soleil appelé aussi Euroa-Taboa, lorsqu’ils la considèrent comme incarnée sous la forme d’un homme. Après la naissance de tous ces enfans, Tane et Tarra quittèrent le ciel pour habiter la terre, excepté Taunou.
Les Tavides sont des êtres surnaturels adorés aux Maldives. Ce sont des espèces de talismans préservant ceux qui les {p. 499}portent de tout malheur, de toutes maladies, et inspirant de l’amour.
Les Ti ou Tée sont de véritables lares chez les Taïtiens, méchans et bons. Chaque famille en adopte un, et le place dans son Morai, où elle l’adore comme un dieu. Les Ti bienfaisans, protecteurs des hommes, s’opposent toujours aux Ti malfaisans.
Le Tiamaarataao est le premier homme, suivant les habitans des îles des Amis ; il naquit Androgyne et sortit d’une grotte, dès que les ténèbres du cahos furent remplacés par la clarté du jour.
Ici nous terminerons cette longue énumération des principaux Dieux adorés jadis ou encore actuellement sur la terre ; elle n’est pas aussi complète que nous aurions désiré pouvoir la donner, mais il nous a fallu nous limiter et nous nous sommes bornés à indiquer les divinités qui nous étaient indispensables pour faire comprendre les systèmes des diverses religions fabuleuses que nous avons fait connaître.
Explication
et
Placement des planches.
§
En regard de la page 14, l’on voit une planche portant le chiffre 3 pour numéro. Elle représente Saturne et Cybèle, et au-dessous de ces divinités on voit l’enfance de Jupiter.
La pl. n° 7 en regard de la page 26 représente l’instant où Jupiter foudroie les Titans.
La pl. 5 en regard de la page 41 montre Mercure au lieu de Vulcain, désigné seul dans le texte, attachant Prométhée sur son rocher.
La pl. 1 en regard de la page 58 représente Junon, réclamant sa grace de Jupiter, lorsque celui-ci lui fit la malice de ne montrer à ses yeux qu’un tronc d’arbre, au lieu de Platée.
La pl. 11 en regard de la page 67 offre le combat de Mars contre le géant Pélore.
La pl. 6 en regard de la page 86 montre Diane, partant pour la chasse.
La pl. 8 en regard de la page 94 offre Apollon sur le char du soleil, et au-dessous de lui, on aperçoit les Muses et Pégase sur le haut du Parnasse.
La pl. 25 en regard de la page 100 montre Apollon faisant écorcher Marsyas.
La pl. 15 en regard de la page 115 représente Amphion, bâtissant les murs de Thèbes, aux sons de sa lyre.
La pl. 2 en regard de la page 140 nous montre Cérès aux pieds de Jupiter, le priant de lui rendre sa fille Proserpine, dont plus bas on aperçoit l’enlèvement.
La pl. 13 en regard de la page 152 représente Flore caressée par le souffle amoureux de Zéphir.
La pl. 17 en regard de la page 167 {p. 500}montre la mort d’Adonis, à l’instant de l’arrivée trop tardive de Vénus.
La pl. 4 en regard de la page 181 est une Vénus écoutant son fils qui la prie de faire grace à Psyché que l’on voit sur la droite, gémissante et enchaînée.
La planche 14 en regard de la page 204 montre Minerve faisant sortir l’olivier près des murs d’Athènes.
La pl. 9 en regard de la page 219 est une Bacchanale, dans laquelle Bacchus se fait promener en triomphe par les satyres et les bacchantes.
La pl. 10 en regard de la page 236 représente Hercule, vainqueur d’Hippolyte, reine des Amazones.
La pl. 26 en regard de la page 241 nous montre Hercule sur son bûcher, et son ami Philoctète, ramassant son arc et ses flèches.
La pl. 16 en regard de la page 266 représente Neptune et Amphitrite.
La pl. 23 en regard de la page 295 montre Hippolyte, fils de Thésée, poussant au monstre que viennent de faire naître pour son malheur les vœux imprudens de son père.
La pl. 28 en regard de la page 330 montre les Danaïdes, occupées à leur interminable travail.
La pl. 21 en regard de la page 343 représente Achille vainqueur, traînant Hector autour des murs de Troie.
La pl. 22 en regard de la page 353 représente le cyclope Polyphème, des mains duquel Ulysse s’échappe.
La pl. 20 en regard de la page 391 nous montre les trois principaux dieux Egyptiens.
La pl. 19 en regard de la page 407 est une fausse représentation de Brahm et de la Trimourti Indienne.
La pl. 27 en regard de la page 453 est l’idole Chinoise Tchinhoang.
La pl. 18 en regard de la page 465 représente le serpent Ahriman, étouffant le taureau primordial, dont sort l’homme primitif.
La pl. 21 en regard de la page 473 montre l’ensemble des dieux scandinaves.
La pl. 30 en regard de la page 193 est l’idole Mexicaine, Flacaté-Kolototl.
FIN
Table. §
Pour la plus grande facilité des recherches, nous devons prévenir que nous avons admis dans cette table les diverses orthographes de la plupart des auteurs. Cependant quand on ne trouvera pas un nom à A, par exemple, il faudra le chercher à l’une des syllabes correspondantes, soit à E, OE ou HÉ, et vice versâ pour OE, HÆ et HŒ.
Aanius, 106.
Aar, 470.
Aas, 482.
Aba, 108.
Abad, 407.
Abaddirs, 398.
Abadir, 19.
Abalidès, 225.
Abantiade, 258.
Abarbarées, 307.
Abarès, 391.
Abaricédi, 408.
Abas, 42, 44, 112, 267, 280, 269, 332, 348.
Abdéra, 69.
Abdère, 242.
Abdir, 19.
Abellion, 89.
Abérid, 5.
Abhagam, 411.
Abie, 89.
Abler, 358.
Abœus, 86.
Aboui, 392.
Abresse, 20.
Abretam, 20.
Abrétie, 308.
Absire, 347.
Absyrte, 286.
Absirthe, 90.
Absyrthe, 127.
Acacallis, 120, 121, 126, 131, 133, 252, 301.
Acacès, 249.
Acacessius, 249.
Acacetus, 249.
Acalanthis, 98.
Acale, 257.
Acalide, 127.
Acallis, 121.
Acamaïs, 68.
Acamanthis, 332.
Acamarchis, 303.
Acamas, 26, 111, 294, 295, 336, 350, 358, 366.
Acantho, 90.
Açaraden, 421.
Acasis, 121.
Acaste, 92, 237, 282, 287, 303, 346.
Acchide, 45.
Acécidas, 66.
Acélus, 245.
Acessamène, 300.
Acersecomes, 86.
Acésios, 86.
Acésos, 129.
Acéso, 129.
Acestor, 86.
Acharia, 448.
Achariri, 408.
Achéloé, 268.
Achéloïs, 94.
Achémone, 97.
Achéron (l’), 55, 92, 140, 299, 302, 320, 329.
Achgouaïa, 399.
Achille, 17, 56, 106, 263, 304, 336, 343.
Achiroé, 68.
Achlys, 3.
Achmogh, 466.
Achœa, 202.
Achon, 320.
Achouras, 418.
Achta-Dikonpalagas, 415.
Achtheia, 135.
Acibadie, 157.
Acidalis, 157.
Acinète, 245.
Acœus, 228.
Aconte, 45.
Acontée, 260.
Açouara, 408.
Açouina, 437.
Açoura, 426.
Acragas, 56.
Acratophore, 211.
Acratopole, 211.
Acréphée, 125.
Acrisìonéis, 55.
Acrisionide, 258.
Acrisius, 258.
Acritas, 87.
Acron, 373.
Acronoée, 355.
Acta, 208.
Actéenne, 135.
Acteus, 87.
Actiacus, 87.
Actiaques, 103.
Actios, 87.
Actis, 126.
Actius, 220.
Actœa, 135.
Actor, 68, 133, 305, 243, 260, 267, 282, 287, 346.
Actorion, 287.
Actoris, 356.
Actyle, 66.
Acus, 65.
Adagoüs, 6.
Adad, 404.
Adajavaïa, 408.
Adam, 42.
Adamanus, 228.
Adamas, 358.
Adamarte, 372.
Adamète, 303.
Adamus, 67.
Adarvan, 409.
Addhivarahâvataram, 425
Addidag, 404.
Addirdaga, 404.
Adephagie, 225.
Adelphagus, 228.
Adès, 310.
Adhna, 488.
Adhyakscha, 411.
Adiante, 331.
Adicéchen, 434.
Adidi, 417.
Adidinanas, 417.
Adikos, 157.
Adimante, 49.
Adi-Sacti, 407.
Aditi, 408, 415, 416, 417, 417, 434.
Aditia, 426.
Aditiadinam, 418.
Adjaioni, 408.
Adma, 303.
Admète, 44, 91, 237, 242, 261, 287, 296, 349.
Adod, 404.
Adonidies, 164.
Adonies, 164.
Adonis, 51, 89, 98, 158, 160, 165, 398.
Adporine, 5.
Adrameleck, 189.
Adramelech, 406.
Adramus, 189.
Adrastée, 329.
Adraste, 358, 358, 125, 131, 44, 245, 272, 273, 296.
Adrasties, 103.
Adresque, 299.
Adulta, 56.
Adulte, 20.
Adyte, 331.
Æbalus, 248.
Aedd, 484.
Aedicula, 175.
Ædificialis, 20.
Ægénétès, 87.
Ægiros, 307.
Aellope, 268.
Æneas Silvius, 112.
Ænomas, 333.
Ænome, 308.
Ænopicon, 291.
Ænops, 112.
Ænos, 302.
Aellopus, 72.
Ærera en Argolide, 78.
Aerienne, 56.
Aesus, 483.
Aetes, 122.
Aethalidès, 287.
Æthlius, 82.
Ætœ (les), 55.
Ætole, 68.
Afer, 376.
Aferigh, 487.
Affliction, 323.
Afret, 468.
Africana, 135.
Africus, 278.
Afridoun, 468.
Agaleis, 202.
Agamédide, 247.
Agamemnon, 20, 106, 333, 335, 336, 338.
Aganipe, 248.
Aganipides, 94.
Agapénor, 335.
Agaptolème, 332.
Agastrophe, 358.
Agathirne, 277.
Agathodémon, 396.
Agathyrsus, 245.
Agatostéos, 379
Agavé, 37, 213, 270, 304, 331, 357.
Agd, 403.
Agdus, 403.
Age d’airain, 18.
Age d’argent, 18.
Age de fer, 18.
Agéla, 202.
Agélaüs, 245.
Agénor, 43, 69, 70, 76, 134, 189, 193, 197, 267, 269, 275, 282, 358, 366, 332.
Agénorie, 376.
Agerochus, 281.
Agéronie, 376.
Agéroque, 239.
Agésandros, 310.
Agésilas, 310.
Agètes, 123.
Aghdi, 409.
Aghin, 419.
Aghogok, 469.
Agidies, 10.
Agieus, 20.
Agis, 372.
Aglamorphe, 211.
Aglaophème, 354.
Aglaophone, 354.
Aglaüs, 362.
Aglibel, 398.
Agloope, 354.
Agmon, 336.
Agnar, 477.
Agnéiastram, 427.
Agni, 413.
Agnian, 496.
Agni-Savarni, 413.
Agnite, 24.
Agnus, 283.
Agoïe, 399.
Agonales, 71.
Agorœus, 249.
Agoréa, 78.
Agorée, 20.
Agre, 389.
Agrée, 123.
Agrestis, 220.
Agréus, 125.
Agrianome, 261.
Agriate, 87.
Agrié, 87.
Agriode, 81.
Agrionies, 217.
Agriope, 318.
Agrios, 168.
Agrios ou Agrius, 34.
Agrius, 34, 35, 127, 348, 340, 220, 357.
Agroliter, 78.
Agrotère, 78.
Agius, 332.
Aguar, 481.
Agyeus, 87.
Agyrme, 144.
Agyrtes, 10.
Ahalia, 424.
Aham, 408.
Ahoudaa, 467.
Ahouta, 411.
Aï, 476.
Aica, 327.
Aïdonée, 310.
Aidos, 32.
Aiena Rapen, 419.
Aienar, 419.
Aigenetès, 87.
Aigiregers, 497.
Aigle, 259.
Aijeke, 479.
Aimak, 469.
Aimocharès, 67
Aindri, 417.
Air, 176.
Airain de Dodone, 110.
Airgiomdhar, 484.
Aius-Locutius, 111.
Aixian, 487.
Ajax Télamonide, 346.
Ajax, 228, 261, 297, 335, 336, 347.
Ajaxties, 347.
Akhée, 269.
Akkenkharé, 392.
Aksit, 470.
Alabande, 3.
Alagonée, 56.
Alagonie, 198.
Alaïa, 436.
Alalcoméde, 204.
Alalcomène, 204.
Alalcomeneis, 202.
Alba, 375.
Albana, 56.
Albanée, 113.
Albani, 71.
Alba-Silvius, 112.
Albion ou Bergion, 35, 65, 234, 367, 275.
Albogalerus (l’), 54.
Alcathoüs, 43, 297, 333, 346, 349, 358, 369.
Alcander, 111.
Alcé, 81, 228, 245, 261, 267, 376, 230.
Alcesta, 202.
Alchymios, 249.
Alcida, 5.
Alcidamas, 171.
Alcidamie, 252.
Alcidéme, 202.
Alcimaque, 202.
Alcime, 336.
Alcimus, 228.
Alcines, 241.
Alcinoé, 261.
Alcmaon, 336.
Alcmène, 31, 55, 190, 230, 231, 261.
Alcménon, 332.
Alcmon, 252.
Alcon, 65, 68, 209, 263, 296, 333.
Alcona, 376.
Alcter, 128.
Alcyone, 27, 43, 267, 268, 277.
Alcyonée, 34, 35, 120, 132, 235, 260, 301.
Alcyonie, 56.
Alebius, 275.
Alectryon, 160.
Aléennes, 206.
Alées, 206.
Alégénor, 336.
Aleméon, 126.
Alémone, 74.
Alenthoé, 221.
Aléo, 249.
Alès Deus, 249.
Ales, 176.
Alès Tegeaticus, 249.
Alestor, 358.
Alète, 372.
Aletes, 247.
Alétès, 248.
Aletie, 325.
Aleuromantis, 87.
Aleus, 210.
Alexandra, 362.
Alexandros, 56.
Alexânor, 129.
Alexiare, 245.
Alexiarès, 63.
Alexicacus, 87, 131, 228, 263.
Alexiroé, 365.
Alexithoé, 308.
Alèze, 376.
Alfablot, 473.
Alfafak, 473.
Alfars, 473.
Alfes, 473.
Alfra, 473.
Alfrs, 473.
Alia, 157.
Alicnoé, 308.
Alié, 498.
Aligenès, 157.
Aliger, 176.
Aliger Arcas, 249.
Alilat, 83.
Alinis, 100.
Aliphère, 45.
Aliphœrea, 202.
Alirrhotius, 275.
Alise, 20.
Alitharia, 444.
Alithersus, 275.
Alittat, 158.
Alivromantis, 87.
Almane, 486.
Almène, 287.
Almeus, 68.
Almus, 20.
Aloas, 135.
Aloea, 135.
Aloéennes, 149.
Aloées, 149.
Aloennes, 218.
Aloïdes, 67.
Aloïs, 135.
Alope, 36, 137, 267, 268, 275, 276, 305.
Aloties, 206.
Al-Ouzza, 402.
Alphée, 52, 83, 282, 298, 299.
Alphénor, 76.
Alrunes, 479.
Alsar, 327.
Altan, 446.
Altercatio, 325.
Althaca, 239.
Althaea, 239.
Altor, 311.
Alus, 332.
Alvée, 496.
Alysius, 211.
Alyxotoé, 308.
Alldagautr, 473.
Allfadir, 479.
Alloprosalos, 67.
Allvaldi, 478.
Alycmios, 249.
Amalthée, 24, 25, 26, 113 114, 308.
Aman, 468.
Amane, 468.
Amarenthia, 78.
Amarynthies, 85.
Amarysia, 78.
Amarysies, 85.
Amathée, 304.
Amathie, 304.
Amathontès, 157.
Amathus, 245.
Amathusie, 157.
Amatias, 422.
Amatou, 498.
Amazonius, 87.
Ambarvalies, 150.
Ambasinée, 357.
Ambiguus, 187.
Ambika, 440.
Ambition, 376.
Ambo, 388.
Ambalogra, 157.
Ambracia, 126.
Ambras, 126.
Ambrasce, 124.
Ambrax, 372.
Ambroisies, 218.
Ambule, 20.
Ambulia, 202.
Ambulii, 225.
Ambulius, 20.
Aménane, 301.
Aménébir, 385.
Amenthes, 311.
Amenthi, 314.
Amerdad, 466.
Amhergin, 493.
Amhrgin, 493.
Amiene, 300.
Amisodar, 97.
Amithaon, 273.
Amma, 476.
Ammé, 110.
Ammonia, 56.
Ammonium, 394.
Amnase, 366.
Amnisiades, 306.
Amogha, 419.
Amouke, 395.
Amour (l’), 3, 4, 32, 33, 160, 175, 176, 177, 283.
Amour bienfaisant, 177.
Amour-Davali, 440.
Amour maternel, 184.
Ampelle, 307.
Ampharée, 336.
Amphiaraüs, 17, 111, 124, 126, 272, 273, 287, 296.
Amphicide, 296.
Amphiclé, 358.
Amphictète, 211.
Amphictionis, 135.
Amphictyon, 209.
Amphidamas, 89, 210, 232, 261, 346, 358.
Amphidame, 287.
Amphidique, 274.
Amphiétès, 211.
Amphiyeis, 63.
Amphilocque, 126.
Amphilogie, 325.
Amphiloque, 111, 272, 273, 336, 335.
Amphinée, 363.
Amphinome, 124, 282, 304, 355.
Amphion, 56, 76, 77, 78, 115, 209, 238, 263, 287, 336.
Amphirrhoé, 303.
Amphise, 309.
Amphios, 348.
Amphipyre, 78.
Amphipyros, 78.
Amphitémis, 120, 121, 82, 126.
Amphitriomadès, 228.
Amphitrion, 31.
Amphitrite, 396, 32, 33, 75, 161, 267, 268, 304.
Amphitros, 304.
Amphotémus, 126.
Amphotère, 358.
Amphyon, 191.
Amphytrion, 230.
Amphise, 124.
Amphiste, 126.
Amphysius, 87.
Ampix, 112.
Ampia, 292.
Ampycus, 260, 282, 29[ILLISIBLE]
Amravati, 415.
Amycle ou Mélibée, 77.
Amyclee, 101.
Amyclœus, 87.
Amycus, 372, 112, 132, 166, 236, 267, 268, 275, 293, 358.
Amyre, 275,
Anabasmée, 357.
Anacée, 287.
Anaces, 225, 226, 263, 354, 333.
Anacées, 226.
Anachiji, 254.
Anacis, 226.
Anactés, 226.
Anactor, 261.
Anaédia, 377.
Anagogies, 169.
Anaikondi, 493.
Anaitis, 158.
Ananché, 254.
Ananchorienne, 78.
Ananda, 408.
Anandate 458.
Anaphé, 87.
Anapis, 313.
Anarchie, 326.
Anarden, 434.
Anathamus, 267, 27
Anathole, 94.
Anathrippe, 127.
Anathroppe, 120.
Anatolê, 16.
Anaxarite, 157.
Anaxibie, 44, 59, 60, 91, 120 187, 282, 331, 347, 350.
Anbo, 389.
Ancarie, 377.
Ancée, 125, 247, 267, 275, 287, 296, 336.
Ancharie, 326.
Anchémore, 373.
Anchesmius, 20.
Anchiale, 301.
Anchinoé, 331.
Anchistée, 287.
Ancholie, 336.
Ancien (l’), 14.
Ancilies (les), fêtes de Mars, 71.
Ancior, 45.
Ançuconi, 422.
Ancules, 377.
Ancyclomète, 14.
Ancylômètès, 18.
Andaté, 4870
Andès, 5.
Andhrimner, 487.
Andirine, 5.
{p. 505}Andjani, 420, 426, 436.
André, 111.
Andrée, 322.
Andrié, 323.
Andrès, 174.
Androclè, 277.
Androctasée, 325.
Androgéonies, 257.
Androgyne, 313.
Andronice, 70.
Androphone, 157.
Andros, 126.
Androthoée, 226.
Anébô, 387.
Anemotide, 202.
Auergen, 67.
Anesidora, 135.
Anétistos, 56.
Anga, 436.
Angaraça, 409.
Angéia, 476.
Angelaüs, 132.
Angéle, 78.
Angeleia, 118.
Angélia, 252.
Angeronne, 377.
Anghourboda, 475.
Angiras, 409.
Angitas, 78.
Angola, 341.
Anguile, 139.
Anguipèdes, 34.
Anguis, 128.
Anguitemus, 131.
Anigrides, 306.
Anio, 300.
Anion, 323.
Anis, 123.
Anitus, 5.
Anjani, 436.
Ankouni, 392,
Anninga, 478.
Annoncoui, 409.
Annouma, 432.
Anomates, 244.
Anosie, 157.
Anouçouéi, 420.
Anoufé, 391.
Anouke, 396.
Antée, 34, 36, 97, 234, 268, 275, 357, 373, 358.
Antesphories, 315.
Anteverta, 74.
Anthas, 275.
Anthé, 36.
Anthée, 79, 140, 211, 267, 362, 366, 372.
Anthéis, 248.
Anthèles, 378.
Anthemusie, 263.
Anthénon, 358.
Anthesphora, 313.
Anthestéries, 218.
Anthion, 46.
Anthippe, 239.
Anthius, 211.
Anthœa, 6.
Anthaque, 125.
Anthore, 372.
Anthracie, 308.
Antias, 255 ; 252.
Anticle, 336.
Antiagre, 242.
Antidus, 245.
Antiléon, 245.
Antiloque, 17, 245, 281, 335, 336, 347, 350.
Antimachie, 244.
Antimachus, 261.
Antimaque, 231, 245, 247, 293, 332, 336, 358.
Antimène, 247.
Antioche, 236.
Antiochus, 125, 245, 247, 261, 332.
Antiope, 55, 115, 191, 209, 236, 239, 263, 267, 279, 281, 282, 300.
Antios, 357.
Antipaphe, 332.
Antiphale, 44.
Antiphas, 367.
Antiphème, 117.
Antiphone, 357.
Antithées, 378.
Antodia, 333.
Antodice, 332.
Antœa, 198.
Antoniani (les), 71.
Antonoé, 69.
Antonomé, 304.
Antonoüs, 358.
Antophoros, 56.
Antoque, 123.
Antoumalgouen, 496.
Anxïtrophes, 306.
Anx[ILLISIBLE] 16.
An[ILLISIBLE], 174.
Anysidore, 78.
A[ILLISIBLE]yte, 26.
Aodh, 487.
Æoclus, 267.
Aœdé, 94.
Aolds, 493.
Aon, 275.
Aones, 211.
Aonides, 94.
Aonie, 211.
Aonius, 211.
Aore, 308.
Aorse, 78.
Aourbada, 476.
Apalexicacus, 131.
Apappé, 392.
Aparadjita, 413.
Aparfi, 476.
Apâténor, 20.
Apaturia, 157.
Apertus, 87.
Apesantios, 20.
Aphacitès, 157.
Aphanisme, 164.
Aphatas, 63.
Aphéliotès, 278.
Aphésiens, 225.
Aphesios, 20.
Aphetor, 87.
Aphictor, 20.
Aphidna, 226.
Aphiphantes, 86.
Aphitrite, 303.
Aiphius, 100.
Aphné, 67.
Aphnéus, 68.
Aphneuson Eropus, 68.
Aphώ, 87.
Aphrodisies, 169.
Aphrodisium, 170.
Aphrodite, 4, 32, 156, 157, 158.
Aphruimis, 393.
Aphthas, 63.
Aphut, 392.
Aphytis, 108.
Apia, 3.
Apis, 56, 81, 194, 210, 301, 387.
Apisaon, 349.
Apodiogme, 147.
Apollinaires, 103.
Apollinea Pralos, 128.
Apollon, 30, 33, 33, 75, 7[ILLISIBLE], 89, 90, 112, 116, 128, [ILLISIBLE]1, 154, 160, 189, 273, 37[ILLISIBLE].
Apollon Carnéen, 112.
Apollon le Divin, 112.
Apollon-Lycoctone, 54.
Apollon, ou le Soleil, 32.
Apollon-Philesius, 126.
Apomios, 20.
Apostrophes, 329.
Apostrophia, 157.
Apotropécos, 131.
Apotropes, 131.
April, 377.
Apscude, 304.
Aptalé, 252.
Aptère, 55.
Aquilies, 53.
Aquilon, 193.
Arabie, 402.
Arabius, 192.
Arabus, 121.
Arachnée, 205.
Aracynthias, 202.
Arane, 248.
Aratrios, 20.
Arbelus, 332.
Arbias, 357.
Arbitrator, 20.
Arbha, 493.
Arbius, 20.
Arcas, 45, 56, 80, 82, 123, 128, 192, 210.
Arcadiques, 217.
Arcadius, 220.
Arcanas, 126.
Arcania, 332.
Arcé, 72.
Arcéophon, 157.
Arceus, 372.
Archagète, 128.
Archandre, 332.
Archebatès, 45.
Archédée, 245.
Archée, 76.
Archegenetès, 87.
Archélaüs, 187, 261, 331, 366.
Archemaque, 245.
Archeménide, 372.
Archenor, 76.
Archesimolpès, 94.
Archétèlès, 242.
Archétéus, 373.
Archia, 303.
Archias, 247.
Archidamas, 52.
Archi-Galle, 10.
Archigenetle, 145.
Archiloque, 358.
Archiptolème, 358.
Archiroé, 308.
Architèle, 332.
Architis, 157.
Archonte-Roi, 146.
Arcilyque, 358.
Arciteuens, 87.
Arctoi, 86.
Arctus, 293.
Arcule, 378.
Arddhachidhi, 444.
Arddhanari, 420.
Ardéa, 56.
Ardescus, 298.
Ardoine, 78.
Ardulus, 65.
Ardvisour, 436.
Arécie, 285.
Areius, 67.
Arène, 248.
Aréopage, 68.
Arès, ou Mars, 32.
Aresthana, 128.
Arésus, 44.
Arété, 383.
Aréthuse, 28, 83, 124, 127, 140, 236, 267, 269, 299, 304.
Aréthuse de Sicile, 129.
Arétée, 281.
Arétiade, 285.
Arétophyle, 80.
Arétoüs, 128.
Areuta, 157.
Argalus, 248.
Argée, 123, 125, 238, 242, 261, 333, 358.
Argées, 14.
Argéla, 239.
Argempasa, 157.
Argenne, 336.
Argentin, 378.
Argestès, 278.
Argia, 78.
Argiceraunus, 20.
Argienne, 56.
Arginase, 157.
Arginde, 249.
Argiphonte, 249.
Argirotoxos, 90.
Argius, 332.
Argiva, 56.
Argo, 284.
Argonautes (les), 36, 168, 189, 226.
Argoos, 87.
Argriope, 115.
Argus, 56, 188, 195, 196, 210, 231, 260, 287, 288, 301.
Argyphie, 331.
Argyrotoxos, 87.
Aribas, 336.
Aricinia, 78.
Arié, 498.
Arielycus, 358.
Arimane, 465.
Arimes (les), 49.
Aripasa, 157.
Aristarchos, 20.
Aristée, 81, 116, 123, 125, 214, 270.
Aristechme, 130.
Aristbène, 123.
Aristobula, 78.
Aristodème, 245, 247, 340, 357.
Aristomaque, 44, 247, 274, [ILLISIBLE]40, 333, 336, 362.
Aristomène, 247.
Aristone, 332.
Aritchaudren, 423.
Aritée, 78.
Arius, 293.
Arkondé, 392.
Arla, 476.
Armaïs, 331.
Armata, 157.
Armène, 287.
Armipotens, 202.
Armymone, 331.
Arna, 198.
Arnus, 111.
Aroé, 79.
Aroée, 211.
Arogos, 378.
Arohémaque, 357.
Aropus, 101.
Aroserpélie, 307.
Arouna, 420.
Aroundati, 409.
Arouni, 420.
Arpa, 378.
Arpha, 378.
Arpiatres, 275.
Arrachion, 52.
Arréiens (les Jeux), 71.
Arréphories, 206.
Arrétèphories, 206.
Arrhète, 357.
Arriphe, 83.
Arsinoé, 121, 128, 129, 131, 248, 307, 339, 349.
Arsinomé, 132.
Arsinoüs, 350.
Arsippe, 128.
Arsiteneus, 78.
Artaxeamanor, 391.
Artémicha, 100.
Artémise, 74, 80, 83, 112, 124, 170, 198.
Artémisies, 85.
Arthénia, 56.
Arthémis ou Diane, 32.
Arthenus, 78.
Artimpasa, 157.
Arunticès, 217.
Arysogone, 258.
Aquilon, 278.
Asabragur, 475.
Asadavi, 439.
Asadevi, 436.
Asbamée, 20.
Asbule, 111.
Ascalabe, 138.
Ascalaphe, 68, 69, 140, 287, 320, 335, 336.
Ascaphale, 68.
Ascèee, 130.
Aschus, 34.
Asclépias, 44.
Asclepios, 127.
Asclépius, 130.
Ascolies, 218.
Ascra, 267.
Aséate, 45.
Aseu, 392, 392, 392, 392, 392.
Asgagne, 375.
Asgard, 474.
Asicat, 391.
Asiccan, 391.
Asie, 27, 42, 298, 306, 308, 402.
Asine, 300.
Aske, 474.
Askour, 474.
Asminius, 485.
Asope, 27, 47, 58, 68, 125, 189, 190, 191, 196, 210, 267, 276, 300.
Asopis, 239.
Asos, 20.
Aspendiar, 468.
Asphalion, 263.
Asphaliée, 263
Aspis, 300.
Asporine, 5.
Aspropotamo, 299.
Assaon, 77.
Assé, 336.
Assesia, 202.
Assesine, 202.
Assicat, 393.
Assonasa, 434.
Astarté, 4, 83, 158, 165, 403, 403, 404.
Astarté (l’) des Syriens, 61.
Astérie, 4, 29, 36, 55, 97, 121, 190, 230, 236, 331.
Astérius ou Anax, 34.
Astérius, 36, 193, 194, 257, 288, 332
Astérodée, 308.
Astérodie, 82.
Astérope, 27, 43, 55, 68, 236, 300.
Asthyochée, 77.
Astiagée, 46.
Astinomé, 127.
Astinomée, 121.
Astinoüs, 165, 357
Astioche, 302.
Astioché, 362.
Astoarché, 158.
Astralogus, 228.
Astrapa, 236.
Astrapeos, 20.
Astratée, 78.
Astrée, 4, 17, 28, 29, 30, 260, 333.
Astronoé, 406.
Astronoüs, 162.
Astur, 372.
Astyagée, 132.
Astyale, 358.
Astyanasse, 343.
Astybias, 245.
Astycratie, 77.
Astynomie, 121.
Astyochus, 277.
Astyrène, 78.
Asva, 304.
Asvapna, 418.
Asylée, 378.
Ata, 379.
Atabyrios, 20.
Ataentsic, 493.
Atalante, 68, 160, 167, 210, 236, 274, 288, 296.
Atarph, 394.
Atchié, 479.
Atembui, 392.
Athamas, 43, 102, 216, 270, 277, 283.
Athénagor, 139.
Athénées, 206.
Athènes, 170.
Athéras, 139.
Athès, 68.
Atheus, 220.
Athios, 20.
Athir, 84.
Athon, 312.
Athous, 20.
Athymne, 193
Atlantée, 307.
Atlantiade, 249.
Atlantide, 249.
Atlas, 4, 26, 27, 48, 81, 120, 227, 236, 303.
Atlite, 332.
Ator, 385.
Atracis, 333.
Atreneste, 66.
Atreus, 281.
Atrides, 333.
Atrium Vestœ, 14.
Atromas, 245.
Atropies, 131.
Attabéira, 493.
Attale, 9.
Attène, 300.
Atteria, 409.
Atterien, 420.
Attique, 208.
Atys, 3, 6, 99, 112, 245, 260, 274, 302, 272, 375.
Auchméeis, 220.
Audoumbla, 473.
Augê, 16.
Augias, 89, 124, 126, 133, 232, 288.
Aulète, 372.
Auli, 198.
Auloniades, 306.
Aulonias, 128.
Aune, 373.
Aurea, 198.
Auréole, 34.
Aurigène, 258.
Aurore (l’), 4, 28, 118, 131, 162.
Ausia, 188.
Auster, 228.
Autésion, 272.
Authronius, 372.
Autocratires, 329.
Autolas, 128.
Autolée, 331.
Autoléon, 347.
Autolycus, 210, 252, 288, 351, 352, 121.
Automate, 331.
Automatie, 379.
Automédon, 336.
Autonée, 81.
Autonoé, 125, 213, 270, 304, 332, 355.
Autonous, 336.
Auxète, 20.
Auxetès, 221.
Auxilium, 379.
Auxithales, 135.
Auxomène, 78.
Avatars, 425.
Aventine, 78.
Averruncès, 131.
Averrunci, 131.
Avié, 498.
Avirpouci, 409.
Avistupor, 186.
Axieros, 66.
Axile, 358.
Axiocers, 313.
Axiocersa, 66.
Axiocersus, 66.
Axion, 357.
Axiopœnas, 202.
Axios, 300.
Axiôthée, 42.
Axitès, 211.
Axur, 20.
Ayctée, 279.
Azésia, 313.
Aziz, 67.
Azoze, 288.
Baalphégor, 399.
Baals, 398.
Baal-Semen, 89.
Baal-Tide, 398.
Baaltis, 83.
Baarder, 482.
Baath, 487.
Baaut, 403.
Babactès, 211.
Babata, 157.
Babourénou, 445.
Babylon, 276.
Babylone, 121.
Babys, 100.
Bacchans, 219.
Bacche, 212.
Bacchémon, 261.
Bacchia, 216.
Bacchipean, 211.
Bacchipœan, 212.
Bacchis, 247.
Bacchus, 5, 17, 30, 32, 33, 36, 59, 83, 123, 123, 138, 154, 160, 166, 174, 195, 211, 212, 314.
Bacchus-Bassarœus, 219.
Bagavan, 407.
Bagée, 20.
Baghis, 435.
Bagoé, 113.
Bahman, 466.
Bahou, 424,
Baih, 487.
Baiva, 479.
Balakitg, 469.
Balanè, 307.
Balanus, 398.
Balatucadua, 483.
Balétie, 244.
Balens, 243.
Bali, 428.
Balios, 265.
Balte, 308.
Baoith, 489.
Baoth, 487.
Bar, 473.
Barara, 479.
Barbatus, 211.
Barbu, 128.
Barca, 375.
Barga, 244.
Bargalus, 245.
Bargas, 245.
Bargyte, 97.
Barhalamaicapal, 497.
Bartolam, 493.
Barzom, 468.
Bascycle, 332.
Basiles, 19.
Basilìs, 157.
Basilissa, 157.
Bassarides, 219.
Bassarœus, 211.
Bassès, 87.
Batailles, 325.
Bathylle, 29.
Batie, 351.
Batthyllas, 282.
Baubo, 138.
Bacchanales, 218.
Bacchantes, 219.
Bacchus, 222.
Baulus, 228.
Bdella, 245.
Beanna, 490.
Béblycée, 332.
Bechak, 468.
Bée, 353.
Beelphégor, 89.
Behramon, 468.
Bela, 87.
Bélate, 292.
Belathes, 398.
Belbog, 470.
Belesicharès, 87.
Bélides, 331.
Bellipotens, 67.
Bellerus, 96.
Beloibog, 478.
Belphégor, 399.
Belsta, 473.
Bélus, 267, 276, 331, 375, 398, 403.
Bendidies, 86.
Bendis, 86.
Bénédictus, 20.
Béneficium, 379.
Benevolus, 87.
Benia, 489.
Benin, 341.
Bensémélée, 268.
Bentésémélée, 267.
Bentisicyme, 267.
Béote, 258.
Béotie, 202.
Beotius, 211.
Bérécécingh, 468.
Bérécynthe, 6.
Bérésésingh, 468.
Bérézelingh, 468.
Bergelmer, 474.
Bergine, 483.
Bergios, 276.
Bergthoser, 473.
Bergyon, 234.
Bérite, 398.
Bersin, 468.
Bésa, 397.
Besychides, 330.
Bhadrakali, 438.
Bhagavan, 427.
Bhagavati, 436.
Bhairava, 419.
Bhanou, 418.
Bharadouadja, 415.
Bharata, 419, 419, 421, 429, 430.
Bhâryæ, 422.
Bhava, 435.
Bhavani, 418, 431, 433, 436, 436, 437, 437.
Bhichma, 440.
Bhoudou, 448.
Bhouloka, 412.
Bhoumaçoura, 433.
Bhoumi, 433.
Bhoutatma, 447.
Bhrigou, 409.
Biante, 357.
Biarcée, 211.
Biarcéus, 211.
Bibésie, 224.
Biche (la) aux cornes d’or et aux pieds d’airain, 231, 232.
Bicorniger, 211.
Bicornis, 211.
Bicrota, 67.
Bielbog, 470.
Bielgod, 472.
Bienne, 13.
Biennos, 20.
Biénor, 358.
Bifrost, 476.
Bigaé, 113,
Bilestour, 476.
Bima, 412.
Birgion, 267.
Birini, 417.
Biscornis, 78.
Bisthis, 68.
Bisthon, 68.
Biston, 96.
Bistonides, 219.
Bisultor, 67.
Bithyne, 68.
Bithynis, 267.
Bitias, 372.
Biton, 63.
Blandiloquus, 249.
Blanire, 336.
Boa, 484.
Boarnia, 202.
Bod, 444.
Bœdromios, 87.
Bœtia Numima, 94.
Bœtte, 357.
Bœtyles, 19.
Bœus, 245.
Bog, 470.
Boius, 245.
Bolée, 244.
Boline, 121.
Bolus, 398.
Bombo, 400.
Bon-Dieu, 379.
Bonne-Déesse, 223.
Bon succès, 150.
Bonus Deus, 379.
Boopis, 56.
Borcha, 487.
Bordj, 468.
Borée, 28, 38, 40, 71, 83, 242, 278.
Boréasmes, 279.
Bors, 297.
Borésines, 279.
Bortalam, 488.
Bosios, 20.
Bossom, 400.
Botchica, 496.
Bosée, 308.
Botrès, 101.
Botryochète, 211.
Bouddécha, 435.
Bouddha, 407, 418, 425, 428, 444, 444, 448, 448, 448, 464, 448.
Bouddhiçatous, 448.
Boudhadinam, 418.
Boug, 470.
Bouii, 484.
Boulerta, 497.
Bouljane, 483.
Boun, 484.
Boure, 473.
Bourkhan, 446.
Bourkan, 444.
Bourkhans, 470.
Bout, 444.
Braesie, 168.
Brahmâ, 407, 408, 411, 418, 425.
Brahmadikas, 413, 415, 415, 418.
Brahmaïsme, 407.
Brahmaïte, 448.
Brahmatoka, 414.
Brahmâ-Mana, 472.
Brahmani, 413.
Brahmâpoutra, 420.
Brahmâ-Savarni, 413.
Brahmi, 417.
Brâhmyahouta, 411.
Branchide, 87.
Brangas, 302.
Bras, 487.
Brauronie, 78.
Brauronies, 86.
Breidablik, 475.
Brémie, 213.
Brentus, 245.
Bréoghan, 488.
Brettus, 245.
Brham, 427.
Briaré, 30.
Brias, 489.
Brichia, 157.
Brigion, 276.
Bringny, 412.
Brisa, 213.
Briséis, 338.
Brisès, 344.
Briseus, 211.
Brisonnius, 357.
Brito, 78.
Britomarte, 56.
Briton, 5.
Britovius, 67.
Broch, 479.
Brœsie, 162.
Bromé, 213.
Bromia, 28.
Bromios, 211.
Bromius, 332.
Bromos, 293.
Brontée, 263.
Bronteos, 20.
Bronton, 20.
Brothé, 65.
Brothée, 65.
Broudéno, 483.
Brouin, 421.
Brumale, 211.
Brumales, 218.
Brumus, 211.
Bubastis, 391.
Bucentanies, 126.
Buclope, 379.
Bucornis, 211.
Buda, 444.
Budda, 444.
Budée, 202.
Budha, 444.
Budzdo, 444.
Bunée, 56.
Bunus, 253.
Buphage, 80.
Buphagus, 228.
Buphonas, 235.
Buphone, 53.
Buphonies, 53.
Buraïcus, 228.
Bure, 473.
Burranica, 154.
Busiris, 112, 237, 267, 276, 332.
Bussa, 205.
Butès, 40, 160, 166, 209, 235, 279, 288, 372.
Butis, 157.
Byas, 27.
Byblia, 157.
Bythinus, 56.
Bythis, 56.
Byzène, 276.
Cabales, 224.
Cabardienus, 202.
Cabarne, 140.
Cabiria, 135.
Cabirides (les), 65.
Cabiries (les), 66.
Cabirique, 135.
Caca, sœur de Cacus, 36.
Caca, 65.
Cacaüs, 65.
Caciapa, 440.
Cacus, 34, 36, 36, 65, 229, 234.
Cadmée, 211.
Cadmillus, 249.
Cadmus, 37, 69, 125, 139, 141, 193, 194, 213, 217, 269, 282.
Caduccator, 249.
Caducifer, 249.
Caïque, 372.
Calabrus, 379.
Calame, 301.
Calamées, 149.
Calaoïdies, 86.
Calaüs, 7.
Colaxès, 56.
Calchas, 111, 112, 112, 336, 340, 347.
Calchinia, 282.
Calchus, 356.
Cale, 257.
Calendaria, 56.
Calendes romaines, 104.
Calenus, 276.
Caletor, 347.
Calétor, 358.
Calésius, 358.
Caliadne, 331.
Calisto, 55, 59, 80, 83, 188, 221.
Callianasse, 304.
Callianire, 304.
Calliare, 261.
Callias, 247.
Callicée, 332.
Callicopis, 216.
Callidice, 137.
Callidie, 332.
Callimaque, 20.
Callinique, 228.
Calliope, 95, 116, 121, 133, 367.
Calliphée, 308.
Callipige, 157.
Callirhoé, 5, 38, 68, 77, 267, 268, 276, 361.
Callistagoras, 379.
Calliste, 78.
Callistées (les fêtes), 62.
Callistées, 169.
Callistho, 45.
Callithéa, 61.
Callthoé, 137.
Calpet, 375.
Calpetus, 112.
Calva, 157.
Calybé, 61.
Calyce, 267.
Calydon, 68.
Calydonius, 211.
Calypso, 281, 303, 304, 354, 356.
Camasène, 382.
Camerte, 373.
Camèse, 382.
Camesène, 382.
Camiles, 73.
Camilus, 65.
Camillus, 249.
Camises, 382.
Campé, 5.
Campus Sceleratus, 14.
Camule, 67.
Canabe, 267
Canace, 81.
Canacé, 121, 122, 125, 267, 277, 283.
Canchurus, 99.
Candale, 126.
Candaréna, 56.
Candibe, 43.
Candiope, 216.
Canéphores, 164.
Canephories, 86.
Canèthe, 45.
Canicada, 84.
Cannius, 176.
Canobe, 336.
Cantor, 211.
Cancer, 102.
Canus, 14,
Cæneus, 20.
Capané, 69.
Capanée, 44, 49, 128, 272, 274, 351.
Caper, 221.
Caphaurus, 82.
Caphyre, 303.
Capitole (le), 54.
Capitoline, 157.
Capitolins (les jeux), 54.
Capporitas, 20.
Capre, 379.
Caprée, 275.
Caprices, 159.
Capricorne, 51, 102, 221, 378.
Capripède, 221.
Capripedes, 222.
Caprotine, 56.
Caprus, 379.
Capta, 202.
Capys, 112, 166, 367, 369, 372, 375.
Car, 3.
Caranus, 247.
Carax, 352.
Cardée, 379.
Cardinea, 379.
Cardo, 379.
Carée, 20.
Carès, 108.
Cariatide, 78.
Caris, 56.
Caritis, 56.
Carmanor, 101.
Carmé, 192.
Carmènes, 327.
Carmenta, 252.
Carmentales, 252.
Carmentœles, 114.
Carmentes, 252.
Carmentis, 252.
Carmibus, 66.
Carmo, 379.
Carmon, 216.
Carne, 225.
Carnéen, 87.
Carnées, 103.
Carnabuta, 139.
Carnos, 112.
Caroudha, 427.
Carpog, 87.
Carpogenetle, 87.
Carpophore, 135.
Carrousels, 103.
Cartéron, 45.
Caryes, 86
Caryste, 293.
Casamanza, 399.
Castalie, 131.
Casé, 443.
Casmillus, 249.
Casphora, 313.
Casquée, 135.
Cassandre, 122, 339, 347, 362, 368.
Cassiope, 260.
Cassioppée, 192.
Cassotie, 98.
Cassus, 332.
Casta, 313.
Castalides, 94.
Castor, 17, 33, 56, 121, 197, 225, 228, 231, 288, 296, 372.
Castyanire, 362.
Catagogies, 169.
Catanensis, 135.
Cataon, 87.
Catascopie, 157.
Catébate, 20.
Cathares, 379.
Cathèdre, 164.
Catius, 379.
Catuliana, 202.
Caucase (le berger), 36.
Cauchate, 235.
Caucon, 45.
Caumas, 293.
Causius, 128,
Caurus, 278.
Cauthus, 288
Cautius, 379.
Caybossum, 414.
Céathoir, 488.
Cébréen, 300.
Cebrenis, 300.
Cecropia, 202.
Cécropides, 208.
Cécropie, 208.
Cécrops, 5, 50, 68, 143, 155, 209, 252.
Cécluse, 308.
Cédalion, 26.
Cédreatis, 78.
Cégluse, 267.
Celena, 6.
Célène, 45.
Célénée, 261.
Céléno, 27, 44, 68, 120, 121, 127, 236, 267, 268, 280, 332.
Célès, 245.
Celtine, 244.
Celtus, 245.
Céleustanor, 245.
Celeutor, 358.
Céleuthée, 202.
Cella, 362.
Celme, 66.
Celmis, 66.
Cenchréis, 168.
Cencrias, 83.
Cenchris, 168.
Cenchrius, 268.
Cenchrius de Pyrène, 276.
Cénéen, 22.
Centaure-Chiron, 16.
Centéocl, 493.
Centiceps, 322.
Centimanes, 30.
Centimanes (les), 3.
Céphale, 17, 43, 118, 162, 165, 253.
Céphalion de Tritémis, 131.
Céphalion, 126.
Cephalon, 211.
Cephé, 68.
Céphée, 59, 189, 210, 288, 296.
Cerame, 216.
Céramicies (les) à Rome, 64.
Céramicies à Athènes, 64.
Céramique, 145.
Céraos, 211.
Cérasos, 214.
Cérassus, 214.
Cérastes, 167.
Céraste, 26.
Céryces, 147.
Cercaphe, 43, 125, 127, 278, 299.
Cercès, 332.
Cercyon, 34, 36, 65, 137, 276, 290.
Cercyre, 276.
Cerdemporus, 249.
Cerdis, 66.
Cerdans, 87.
Céréales, 149.
Céréalies, 149.
Céréate, 87.
Cérès, 4, 11, 33, 51, 55, 135, 136, 155, 267, 372, 396.
Cérès Eleusine, 226.
Céreste, 372.
Ceriphete, 65.
Cerix, 253.
Cerone, 292.
Ceruleus Frater, 263.
Céryces, 253.
Céryne, 247.
Céryx, 252.
Ceste (le), 52.
Cestrine, 366.
Cestus, 172.
Cétès, 283.
Céto, 3, 4, 5, 29, 259, 268, 276, 282, 304.
Ceus, 190.
Ceuthonyme, 322.
Chaca, 444.
Chaktcha, 444.
Chalcédon, 332.
Chalcées 206.
Chalciope, 127.
Chalcidice, 202.
Chalciœcies, 206.
Chalciœcos, 202.
Chalcipus, 63.
Chalcixos, 202.
Chalcon, 358.
Chaldéna, 55.
Chalibe, 68.
Chaliniste, 202.
Chalis, 214.
Chaman, 444.
Chamen, 398.
Chamiris, 121.
Chamyne, 135.
Claométis, 239.
Chaon, 357.
Charaxe, 292.
Charchumis, 391, 392, 392, 392, 393.
Chari, 446.
Charibée, 367.
Charicle, 293.
Chariclo, 17, 59, 91, 113, 127.
Charidotès, 249.
Charisies, 175.
Charisius, 20.
Chariver, 466.
Charmé, 55.
Charmes, 159.
Charmon, 20.
Charope, 336.
Charops, 228.
Charopsalès, 211.
Charriot (le), 80.
Charron, 127.
Charthasius, 20.
Chasseur, 87.
Chasteté, 379.
Charybde, 235.
Chef Noufi, 394.
Chélonée, 58.
Chéloué, 308.
Chelxionée, 94.
Chenen, 392.
Chénen, 393.
Cléodoz, 77.
Chera, 56.
Chérimachus, 261.
Cheron, 127.
Chersidamas, 357.
Chésiade, 78.
Chersibius, 245.
Chetus, 331.
Chevaux (les) de Diomède, 231, 235.
Chevelure de Bérénice, 17.
Chidlers, 418.
Chimérœus, 42.
China, 399.
Chinata, 412.
Chio, 303.
Chioné, 81, 101, 133, 142, 186, 195, 279.
Chitonia, 78.
Chitonies, 86.
Chiva, 436.
Chizias, 78.
Chloé, 135.
Chloiennes, 149.
Chloré, 112.
Chloris, 77, 98, 112, 152, 238, 350.
Chmadigini, 439.
Chmourianaka, 429.
Chæ, 218.
Chœreas, 157.
Chœron, 125.
Choma, 392.
Chommé, 391, 392, 392, 392, 393.
Chontacré, 391, 391, 392, 392, 393.
Chontaré I, 393.
Chontaré, 391, 391, 392, 392, 392, 392, 392, 392.
Choopotès, 211.
Chôout, 393.
Chorias, 229.
Choricus, 49.
Chorion, 202.
Choronis, 250.
Chospiter, 468.
Choulis, 435.
Choumis, 394.
Chout, 393.
Chrethron, 336.
Chriseis, 239.
Chromia, 82.
Chromis, 222, 245, 260, 293, 358, 372.
Chromius, 239, 281, 336, 348, 358.
Chronius, 85.
Chronophile, 215.
Chrysaoré, 20.
Chrysaoros, 135.
Chrysas 300.
Chrysegis, 202.
Chrysès, 106, 122, 127, 241, 256, 276, 322, 338.
Chrysippus, 332.
Chryso Belemnos, 87.
Chrysocomos, 87.
Chrysogénie, 267.
Chrysolas, 357.
Chrysolaüs, 357.
Chrysonoé ; 242.
Chrysoparos, 258.
Chrysorrhapis, 249.
Chrysostronos, 56.
Chtonia, 135.
Chthonies, 148.
Chthonii-Dei, 310.
Chthonius, 5, 20, 211, 249, 268, 270, 276, 293, 311, 332.
Chnoubi, 392.
Chnoum, 392.
Chnoumen, 392.
Chumis, 391, 392, 392, 392, 393.
Chysopelée, 307.
Chytres, 255.
Chytri, 218.
Cicinnia, ou Cincinie, 173.
Cidon, 121.
Cidonia, 202.
Cihuacoahuati, 493.
Cilleus, 87.
Cillus, 333.
Cimbaoth, 487.
Cimméris, 6.
Cinas, 336.
Cincta, 56.
Cindiade, 78.
Cingula, 56.
Cinocéphale, 390.
Cintra-Poutrin, 421.
Cinxia, 56.
Cinyrades, 165.
Cœos, 26.
Ciones, 379.
Circée, 17, 84, 90, 114, 222, 125, 125, 127, 356.
Circéis, 303.
Cinyre, 171.
Cirrha, 308.
Cirrheus, 87.
Cissa, 98.
Cissos, 214.
Cistaphores, 145.
Cisus, 216.
Citaride, 183.
Cithériades, 94.
Cithérides, 94.
Citheriona, 56.
Cithéronides, 306.
Cithéronius, 20.
Citonie, 209.
Cladée, 300.
Clara Dea, 72.
Clarien, 87.
Clarios, 87.
Clarius, 87.
Clarus, 372.
Clathra, 379.
Clausus, 373.
Clavigera, 289.
Clée, 308.
Clelius, 372.
Clémence, 379.
Cléobé, 239.
Cléobis, 63.
Cléobule, 122, 131, 193, 210, 242, 252, 277, 279, 336, 347, 358.
Cléochus, 121.
Cléode, 345.
Cléodice, 267.
Clèogène, 220.
Cléonie, 362.
Cléonis, 123.
Cléonyme, 358.
Cléopâtre, 193, 242, 248, 279, 332.
Cleotère, 210.
Clésonyme, 358.
Clète, 28.
Clétor, 45.
Clias, 67.
Clie, 236.
Climène, 4, 27, 55, 66, 115, 122, 127, 168, 171, 210, 236, 247, 274, 289, 295, 309, 311, 343, 350, 352, 362.
Climenides, 127.
Clinis, 101.
Clisidice, 137.
Clitas, 242.
Clité, 332.
Clitie, 309.
Clitius, 362.
Clitodora, 276.
Clitomne, 300.
Clitonée, 336.
Clitor, 45.
Clitumne, 300.
Cloacine, 379.
Clodones, 219.
Clonie, 82.
Closter, 205.
Clotès, 327.
Cluacine, 157.
Clusins, 381.
Clymène, 44, 131, 187, 217, 260, 276, 288, 303, 304.
Clysonyme, 358.
Clyta, 213.
Clytemnestre, 197, 225, 373, 339.
Clythippe, 239.
Clytius, 34, 35, 64, 260, 277, 281, 357, 372, 373.
Clytotechnès, 63.
Clytus, 56.
Cnagie, 78.
Cnat, 392.
Cneph, 394.
Cner, 394.
Cnide, 170.
Cnidie, 158.
Cnidienne, 157.
Cnosie, 342.
Cnoubis, 394.
Cnouf, 394.
Cnoumis, 394.
Cnouphis, 394.
Coalème, 379.
Cocher, 132.
Cochaid, 490.
Cocytia, 330.
Cocyties, 315.
Coddine, 6.
Cœcias, 278.
Cœculus, 65.
Cœcus, 67.
Cœdès, 325.
Cœléno, 267.
Cœrdoüs, 249.
Cœlispex, 87.
Cœsia, 202.
Colénide, 78.
Coliade, 157.
Collastrica, 379.
Collatine, 379.
Collina, 379.
Collini, 71.
Colocasia, 202.
Colonnes d’Hercule, 234.
Colophôme, 34.
Colophonie, 209.
Colymba, 98.
Colyte, 243.
Colœnoüs, 261.
Comasis, 174.
Combats, 325.
Comète, 340.
Comeus, 87.
Comito, 81.
Comminus, 67.
Commoties, 306.
Compernès, 78.
Compitales, 254.
Complainte (la), 3.
Concorde (la), 30.
Condiléatris, 78.
Conditor, 150.
Conférentes, 187.
Conisale, 187.
Conisalte, 187.
Conjugalis, 157.
Conon, 170.
Connor, 490.
Conso, 379.
Consentes, 32.
Consenties (fêtes appelées), 33.
Consevius, 150.
Consternation (la), 71.
Consuales, 266.
Contestations, 325.
Convector, 150.
Conios, 20.
Coon, 358.
Coos, 366.
Cora, 313.
Coraces, 339.
Coraopius, 228.
Cordace, 78.
Coreste, 202.
Coré, 313.
Corées, 315.
Coresus, 219.
Corétas, 109.
Coréthon, 45.
Coribas, 9.
Coricides, 94.
Corinthe, 46.
Corinthienne 157.
Corne d’abondance, 25.
Corniger, 211.
Cornuta, 157.
Corone, 292.
Coronie, 91.
Coronis, 28, 69, 121, 123, 128, 129, 132, 213, 279.
Cortinipotens, 87.
Corus, 278.
Corybantiques, 13.
Corybée, 372.
Corydon, 34.
Corymbiter, 211.
Coryphagère, 202.
Corythaïx, 67.
Corythalienne, 78.
Corythe, 364.
Corythée, 135.
Cos, 126.
Cotittis, 315.
Cotylée, 128.
Cotytties, 315.
Cotyttis, 173.
Convaraha, 425.
Crainte (la), 71.
Cranaé, 209.
Cranaus, 209.
Cranechme, 209.
Cranea, 202.
Cranto, 304.
Crantor, 292.
Cranus, 382.
Crastie, 202.
Cratée, 257.
Cratéis, 114.
Crathé, 239.
Cratie, 350.
Cragalé, 126.
Crédulité, 379.
Créhuse, 209.
Créius, 28.
Crénées, 306.
Crénis, 304.
Créobore, 322.
Créontiadès, 245.
Crépitus, 379.
Crésus, 85.
Créta, 43.
Crète, 49.
Créthée, 43, 44, 238, 277, 281.
Crétides, 306.
Creuse, 43, 123, 126, 132, 166, 248, 252, 309, 362, 369.
Criase, 3.
Crinacus, 227.
Crinaque, 56.
Crinée, 292.
Crinise, 300.
Crinisus, 277.
Crioboles, 8.
Criomthan, 489.
Criophore, 249.
Crisie, 303.
Crisus, 282.
Critolas, 358.
Critomédia, 332.
Crocale, 83.
Crocas, 94.
Crocos, 184.
Crœsmus, 359.
Croessa, 267.
Cromus, 45.
Crone, 398.
Crotale, 333.
Croticus, 281.
Croton, 242.
Crotope, 125.
Crotos, 94.
Crottus, 222.
Crytidas, 235.
Ctésycte, 171.
Cuba, 74.
Cuculus, 20.
Cumane, 113.
Cuméenne, 113.
Cumène, 94.
Cumenès, 94.
Cumϟs, 87.
Cuna ou Cunina, 74.
Cunctalis-Lar, 263.
Cunina, 74.
Curœ, 324.
Cupenque, 373.
Cupidon ou l’Amour, 32, 65, 176, 177, 182.
Cupra, 57.
Cura, 380.
Curatius, 382.
Curinus, 67.
Curiosité, 163.
Curzole, 299.
Cyamite, 151.
Cyane, 313.
Cyané, 140.
Cyate, 242.
Cybébée, 5.
Cybebées, 8.
Cybèle, 3, 5, 6, 32, 33, 33, 99.
Cybelées, 8.
Cycinnis, 222.
Cyclades, 306.
Cycnus, 68, 124, 127, 135, 238, 267, 276, 336.
Cydaris, 135.
Cydippe, 63, 123, 126, 303, 304.
Cydragore, 350.
Cydragores, 339.
Cygée, 235.
Cygnus, 68.
Cyllare, 203.
Cyllarus, 220.
Cyllènes, 309.
Cyllenios, 246.
Cyllenis harpe, 249.
Cyllenis, 49.
Cyllios, 249.
Cyllopode, 63.
Cymaduse, 303.
Cymantoleghé, 304.
Cyme d’Asie, 236.
Cymiles, 293.
Cymo, 304.
Cymodoce, 303.
Cymothoé, 304.
Cynéthée, 20.
Cynire, 162.
Cynisca, 52.
Cynnade, 236.
Cynœthe, 45.
Cynorthès, 101.
Cynosargès, 228.
Cynosurios, 249.
Cynthia, 78.
Cynthias, 87.
Cynure, 261.
Cyparissia, 202.
Cypra, 57.
Cyprigena, 157.
Cyprine, 157.
Cyprio, 81.
Cypris, 157.
Cyra, 135.
Cyrène, 68, 69, 81, 123, 125, 133, 233, 309.
Cyrnus, 56, 187, 196, 227, 246.
Cyprien (le), 227.
Cythereus, 176.
Cytheriades, 306.
Cytus, 227.
Da, 135.
Dabaiba, 494.
Dachina, 417.
Dactyles Idéens, 66.
Dadan, 489.
Dagon, 485.
Dagour, 479.
Daira, 303.
Daitès, 225.
Daitias, 408, 412, 413, 417, 418.
Daitya, 410.
Dakcha-Savarni, 413.
Daléno, 332.
Dalia, 355.
Dalios, 87.
Damase, 359.
Damasis, 340.
Damasichton, 76.
Damaste, 290.
Damastoride, 355.
Damatrion, 378.
Daméon, 243.
Damèthe, 129.
Damichalès, 139.
Dammamencos, 87.
Damna, 313.
Damnaménée, 66.
Damnameneos, 90.
Damnas, 262.
Damno, 269.
Damœnson, 263.
Damone, 332.
Danacé, 320.
Danaide, 188.
Danaïdes, 332.
Danaou, 419.
Danaüs, 331.
Danavandri, 421.
Daneïus, 258.
Danouantari, 425.
Dantavaktra, 430.
Dapalis, 20.
Daphné, 112, 113, 123, 124, 301.
Daphnéphorus, 103.
Daphneus, 87.
Daphnitès, 87.
Daphnogétés, 87.
Dardamas, 359.
Dardanides, 361.
Dardanus, 28, 56, 188, 193, 227, 361.
Dardion, 187.
Darida, 438.
Darmadère, 421.
Darra, 434.
Dascylus, 280.
Dasylle, 211.
Datal, 446.
Daulies, 53.
Daulis, 309.
Dauphin, 265.
Davaga, 434.
Dea, 135.
Dêal, 489.
Debadi, 423.
Décans, 391.
Decaraden, 421.
Décatéphore, 87.
Décéarte, 45.
Décele, 226.
Dédale, 257.
Déesses sévères, 329.
Déesses vengeresses, 329.
Defensor, 228.
Deidamire, 97.
Deiléon, 243.
Deiloque, 246.
Deimas, ou la Terreur, 71.
Deinome, 366.
Deiobe, 142.
Deion, 43, 43, 118, 246, 277, 281, 292.
Deione, 133.
Deiopète, 357.
Deioque, 336.
Déiphobe, 113, 113, 342, 343, 357, 365.
Déïphobe, 68.
Déirdre, 490.
Déjanire, 44, 233, 240, 244, 295, 385.
Déliades, 107.
Déliastes, 291.
Delios, 87.
Dellingour, 479.
Délos, 108.
Delphes, 108.
Delphidia, 332.
Delphimes, 103.
Delphinica, 78.
Delphinien, 87.
Delphinion, 378.
Delphinios, 87.
Delphique, 113.
Delphusius, 87.
Delphyne, 37.
Déménète, 128.
Démêtes, 135.
Démétries, 149.
Démios, 20.
Demnosie, 362.
Demo, 137.
Demodestas, 332.
Démogorgon, ou génie de la terre, 3, 380.
Démolée, 326.
Démon, 380.
Démonio, 400.
Démophile, 113.
Démophon, 138, 294, 294, 295, 336.
Démoptolème, 359.
Démothée, 362.
Démuque, 359.
Dên, 19.
Dendrephories, 224.
Dendritis, 342.
Dendrophore, 224.
Dendrophories, 218.
Denuxippe, 296.
Deois, 313.
Déoptolème, 355.
Depulsor, 20.
Deradiote, 87.
Deradioteos, 87.
Derceto, 158.
Dercyne, 276.
Dercynus, 234.
Déro, 304.
Deroudi, 466.
Désénor, 359.
Dète, 224.
Deto, 309.
Deucalion, 12, 42, 43, 49, 51, 112, 170, 188, 203, 227, 246, 257, 288, 349, 359.
Deuil, 326.
Décima, 327.
Deus Féralis, 311.
Deus Niger, 311.
Deus Oniensis, 229.
Deus Tartareus, 311
Deutas, 412.
Déva, 444.
Devadat, 445.
Devadi, 423.
Dévaghdi, 409.
Dévagi, 421.
Dévanï, 415.
Dévatus, 408.
Devendren, 418.
Deverrona, 224.
Dévétas, 418.
Deviana, 78.
Devius, 111.
Dévoga, 421.
Devorona, 150.
Devs, 466.
Dewrkerts, 418.
Dewtahs, 418.
Dewtas, 418.
Dexamène, 233, 293, 293, 303, 304.
Dexicreontique, 157.
Dexius, 336.
Dhanouantari, 421.
Dharma, 434.
Dharma-Radscha, 422.
Dhata, 421.
Dherma, 417.
Dhna, 488.
Dhritachtra, 431.
Dia, 43, 45, 46, 63, 292, 470.
Diable, 341.
Diabies, 391.
Diacorystès, 332.
Diactorus, 249.
Diagorite, 332.
Diamartigoses, 86.
Diamène, 274.
Dianaste, 309.
Diane, 31, 32, 33, 33, 36, 68, 73, 74, 75, 78, 80, 156, 173, 198, 378, 395.
Diane-Pelasgique, 45.
Diarba, 487.
Diasies, 53.
Dibutade, 42.
Dicane, 34.
Dictœus, 20.
Dictynna, 79.
Dictynne, 198.
Dictys, 42, 213, 267, 276, 293.
Dictynnies, 86.
Didynua, 79.
Didymées, 104.
Didymœus, 87.
Dies, 94.
Diespiter, 20.
Dieu, 22.
Dieux aériens, 32.
Dieux allégoriques, 33.
Dieux américains, amérique du nord, 493.
Dieux choisis, 33.
Dieux connus, 33.
Dieux divers, 376.
Dieux (les) de la mer, 33.
Dieux de la Polynésie, 497.
Dieux (les) de la terre, 33.
Dieux (les) d’élite, 32.
Dieux (les) de l’enfer, 53.
Dieux américains, 491.
Dieux asiatiques, 402.
Dieux chinois, 451.
Dieux de Sibérie, 469.
Dieux egyptiens, 391.
Dieux gaulois, 482.
Dieux germains, 482.
Dieux (grands), 33.
Dieux enveloppés, 32.
Dieux inconnus, 33.
Dieux indiens, 407.
Dieux indigète, 33.
Dieux irlandais, 484.
Dieux lies (les), 32.
Dieux japonais, 454.
Dieux mitoyens ou demi-dieux, 32.
Dieux naturels, 33.
Dieux nuptiaux, domestiques et tutélaires, 33.
Dieux olympiens, 33.
Dieux mexicains, 493.
Dieux publics, 33.
Dieux perses, 478.
Dieux péruviens, 495.
Dieux polynésiens, 497.
Dieux subalternes, ou Dii minores, 33.
Dieux subalternes, 33.
Dieux supérieurs, 33.
Dieux scandinaves, 473.
Dieux slaves, 470.
Dieux thibétains, 444.
Digénès, 211.
Digonos, 211.
Dii inferni, 33.
Dii majores, 33.
Dii minores, 33.
Diipolies, 53.
Dii superi, 33.
Dijouvis, 20.
Dikaspolos, 20.
Dill, 490.
Dimanche, 378.
Dimater, 211.
Dimator, 211.
Dimorphos, 211.
Dindyméne, 6.
Dinétor, 357.
Dinon, 259.
Dio, 135.
Diodas, 229.
Diogénée, 137.
Diogenès, 211.
Diogme, 147.
Diome, 243.
Diomède, 17, 44, 68, 69, 101, 112, 118, 233, 240, 248, 274, 275, 295, 295, 335, 336, 344, 348.
Dionyse, 263.
Dioné, 28, 55, 75, 194, 303, 304.
Dioné d’Antémusie, 76.
Dionée, 332.
Dionyoes, 211.
Dionyse, 189.
Dionysiaques, 217.
Dionysies, 217.
Dionysiodote, 87.
Dionysius, 89.
Diopatra, 244.
Diorès, 277.
Dios Boes, 53.
Dioscures (les), 56, 225, 226, 227, 333, 334.
Dioscuries, 226.
Dios Rôdion, 144.
Dinxippe, 124, 131, 236, 332, 372.
Dipaka, 419.
Diphyès, 211.
Dipue, 225.
Dircé, 94, 122, 209, 213, 280.
Dires (les trois), 55, 323, 329.
Dirphya, 57.
Disablot, 473.
Discens, 87.
Discincta, 79.
Discorde (la), 3, 55, 176, 323, 325.
Dises, 473.
Dispute, 325.
Disque, 2.
Dithyrambogénes, 211.
Dithyrambus, 211.
Divakara, 418.
Divanicha, 435.
Divi, 33.
Divination, 107.
Divipotes, 32.
Divs, 466.
Divus salutaris, 311.
Dixithée, 374.
Djalendra, 441.
Djam, 386.
Djanaka, 428.
Djanchigodima, 446.
Djam, 395.
Djemchid, 467.
Djiaichtha, 437.
Djom, 395.
Dnamhain, 487.
Dolos, 5.
Domatitès, 263.
Domicius, 185.
Domi Duca, 57.
Dorcé, 81.
Doryclée, 242.
Doricle, 357.
Doriens, 43.
Dorion, 332.
Doris, 4, 5, 33, 83, 279, 303, 304.
Doristide, 157.
Dormeur (le) de Latuca, 82.
Dorsane, 229.
Dorus d’Alope, 276.
Dos, 137.
Dosane, 229.
Dosithée, 303.
Dothée, 342.
Doto, 304.
Douchmantara, 419.
Douergar, 479.
Douleur, 325.
Doung, 446.
Dourgakali, 437.
Dourouvaça, 422.
Dourouvacen, 420.
Doutâs, 422.
Douzath, 466.
Doxo, 309.
Dockalfar, 473.
Dodon, 198.
Dodonecn, 20.
Dœta, 313.
Dœmon, 211.
Dolichée, 20.
Doiichène, 380.
Dolios, 20.
Dolique, 142.
Dolopion, 302.
Dracio, 91.
Dracius, 336.
Dracon, 236.
Dracoutaltès, 87.
Dragon (le) des Hespérides, 29, 38, 259, 282.
Dragon (le) de Colchos, 38.
Dragon (le) Scylla, 38.
Drèse, 373.
Drimaque, 256.
Drimo, 36.
Dromas, 81.
Drosos, 383.
Drouva, 422.
Drovati, 434.
Druides, 482.
Druidesses, 482.
Dryalus, 293.
Dryas, 112, 216, 217, 223, 292, 293, 296, 309, 332.
Drymas, 362.
Drymo, 304.
Dryope, 124, 124, 126, 126, 223, 309, 309, 309, 372.
Dryopes (les), 240.
Duellona, 72.
Dumilès, 323.
Dupos, 238.
Durvasas, 422.
Dvergar, 479.
Dyctéennes, 306.
Dymas, 359.
Dymon, 254.
Dyna, 244.
Dynamis, 254.
Dynaste, 239.
Dyonisios, 314.
Dyras, 300.
Dyrrhaque, 276.
Dysares, 402.
Dysie, 94.
Dysis, 16.
Dysnomia, 325.
Dysnomie, 326.
Dysponte, 333.
Ea, 309.
Eacus, 54.
Eadit, 476.
Eani (les), 71.
Eantées, 347.
Eantide, 347.
Eanus, 382.
Eanus ou Janus, 71.
Eaque, 33, 56, 139, 190, 227, 246, 322.
Ear, 154.
Earnacis, 489.
Eathoir, 488.
Eatus, 246.
Ebektchi, 446.
Ebon, 211.
Ecastor, 216.
Ecbasus, 210.
Echasius, 87.
Echéchirie, 380.
Echem, 466.
Echème, 247.
Echète, 357.
Echétlée, 380.
Echéphron, 245, 246, 281, 350, 336.
Echépolé, 369.
Echepron, 357.
Echidna, 5, 38, 41, 97, 271, 259.
Echine, 112.
Echion, 34, 35, 216, 252, 253, 270, 288, 296.
Echmagoras, 246.
Echonyme, 332.
Eéhthera, 143.
Ecrevisse, 377.
Edd, 484.
Edésie, 224.
Edonides, 219.
Edonius, 211.
Educa, 380.
Edulia, 380.
Edusa, 380.
Eéta, ou Eétés, 90.
Eétes, 128.
Eétès, 84, 122, 133, 283, 288.
Eétion, 363.
Efesroutherem, 465.
Effroi (l’), 71.
Ega, 24, 25, 31, 51, 55, 187, 188, 221, 228.
Egalios, 49.
Egea, 157.
Egéa, 43, 209, 232, 236, 257, 267, 289, 296, 300.
Egéonée, 357.
Egérie, ou Lucine, 74.
Egeste, 300.
Egens, 263.
Eghech, 466.
Egétech, 466.
Egialée, 44, 124, 131, 174, 274, 275, 301, 329, 348, 348.
Egialéus, 274.
Egiéis, 36.
Egime, 247.
Egimius, 243.
Eginétide, 57.
Egipan, 31, 37, 51, 56, 211, 228.
Egisthe, 334.
Egla, 124.
Eglète 87.
Egléis, 248.
Egnie, 276.
Egnatie, 380.
Egophage, 57.
Egophore, 57.
Egoceros, 221.
Egriope, 261.
Egyocus, 20.
Egyptius, 20.
Egyptus, 123, 210, 281, 331, 332.
Eiadia, 424.
Eibtéar, 489.
Eilapinaste, 20.
Eimarmène, 327.
Einhériars, 479.
Eione, 304.
Eiphys, 288.
Eire, 488.
Eirgeadmaar, 484.
Eirgeadmhar, 487.
Ela, 471.
Elagbaal, 403.
Elaïa, 106.
Elaïs, 126.
Elaphébolie 79.
Elaphébolies, 86.
Elapheia, 79.
Elaphéion, 79.
Elaphion, 80.
Elare, 76.
Elas, 359.
Elase, 355.
Elatrée, 357.
Eldhrimner, 482.
Elea, 202.
Elecius, 20.
Electre, 5, 27, 29, 55, 69, 72, 141, 227, 268, 303, 332, 335, 338, 339, 341.
Electrion, 125.
Electryon, 190, 230, 243, 261.
Electryone, 127.
Eléen, 20.
Eléléen, 87.
Eléléïdes, 219.
Elelen, 211.
Eleleus, 211.
Elentérus, 268.
Eléobuline, 68.
Elète, 94.
Eléto, 248.
Eleusinne, 135.
Eleusis, 252.
Eleusinus, 282.
Eleusion, 253.
Eleusson, 252.
Eleutho, 73.
Eleuther, 127.
Eleuthérie, 380.
Eleuthéries, 183.
Eleutherius, 212.
Elgia, 476.
Elime, 372.
Elion, 87.
Eliops, 56.
Elios, 87.
Elissaon, 45.
Elivages, 473.
Ellops, 228.
Elos, 79.
Elpe, 353.
Elpis, 380.
Elvina, 135.
Elyce, 260.
Elymeen, 20.
Emathius, 372.
Embla, 474.
Embrasé, 93.
Emeth, 397.
Emla, 474.
Engthion (le Centaure), 231.
Emonide, 352.
Emoun, 406.
Empanda, 380.
Empolens, 249.
Empyrée (l’), 31.
Enachis, 470.
Enagonios, 249.
Enasphore, 242.
Encaddirs, 398.
Endaïhtya, 202.
Endéis, 227, 239, 297, 305, 309.
Endoque, 258.
Eddymion, 228.
Eneas, 157.
Enée, 17, 72, 112, 160, 166, 176, 223, 369, 369, 375.
Enesius, 20.
Enétus, 49.
Enfant, 20.
Enfer, 315.
Enfer des Latins, 313.
Enfer des méchans, 316.
Engaitrymithes, 107.
Engonase, 229.
Engonasis, 45.
Enhodia, 84.
Enhodios, 249.
Enbolmos, 87.
Enipée, 300.
Ennua, 135.
Ennice, 309.
Ennios, 249.
Ennome, 112.
Ennosichton, 263.
Ennosigens, 263.
Enome, 242.
Enope, 124.
Enopion, 216.
Enops, 336.
Enorchos, 227.
Entelidès, 246.
Entétis, 239.
Entétides, 239.
Enthyme, 53.
Ento, 282.
Entozie, 15.
Enudus, 275.
Enyalos, 67.
Enarète, 48.
Eoclus, 267.
Eogan, 490.
Eole, 33, 43, 72, 96, 118, 121, 132, 248, 277, 277, 277, 299, 372.
Eoliens, 43.
Eoüs, 93.
Eone, 239.
Eorpata, 236.
Epachthes, 149.
Epacrius, 20.
Epacteus, 263.
Epagomènes, 465.
Epalius, 243.
Epanoa, 394.
Epaphe, 45, 56, 156, 228, 323.
Epaphus, 3, 131, 196, 267, 279.
Epanoa, 392.
Epanlins, 243.
Epérie, 309.
Epéoché, 566.
Epérite, 352.
Ephaptor, 211.
Ephémères, fruits particuliers, 38.
Epéocho, 466.
Ephésies, 86.
Ephestios, 20.
Ephialtès, 279.
Ephidatie, 308.
Ephidamas, 238.
Ephore, 144.
Ephocus, 279.
Ephoéns, 267.
Ephtha, 392.
Eplbame, 146.
Epibaterius, 87.
Epicarpius, 20.
Epichrenée, 149.
Epicle, 347.
Epiclès, 359.
Epicœvnius, 20.
Epidote, 20.
Epidaurie, 146.
Epidaurios, 128.
Epidaurus, 210.
Epigée, 336.
Epigées, 306.
Epigie, 305.
Epigone, 275.
Epilaïs, 239.
Epilénies, 218.
Epilymbie, 157.
Epima, 394.
Epimelèses, 146.
Epimélides, 307.
Epimélies, 307.
Epimelius, 249.
Epiphanès, 20.
Epipole, 357.
Epipontia, 157.
Epipyrgis, 202.
Episcopos, 79.
Epistatérius, 20.
Epistius, 20.
Epistor, 359.
Epistrophia, 157.
Epithalamite, 249.
Epitragie, 157.
Epitymbie, 164.
Epochus, 210.
Epolte, 359.
Eponc, 380.
Epopée, 191, 209, 267, 279, 289.
Epopéus, 126.
Epopte, 144.
Epounamoun, 496.
Epunda, 380.
Epytide, 372.
Epytus, 249.
Equiries (les), ou courses de chevaux, 71.
Er, 493.
Erase, 303.
Erasippe, 246.
Eraté, 332.
Erato, 28, 95, 123, 239, 246, 304, 309.
Eratus, 246.
Erebennis, 323.
Erebenthinos, 211.
Erébiou, 392.
Erébiu, 394.
Erèce, 309.
Erecépé, 211.
Erès, 380.
Erésichton, 283.
Erestus, 253.
Eretmée, 357.
Erétrié, 29.
Ergane, 202.
Ergastres, 244.
Ergaties, 244.
Erginus, 110.
Ericète, 372.
Erichthonius, 65, 204, 206, 209, 227, 263, 361.
Erichton Vandore, 329.
Erichton, 209.
Ericopée, 211.
Eridan, 300.
Eridanatas, 229.
Erigdaupas, 293.
Eriktou, 446.
Erimys, 4.
Erinnides furieuses, 329.
Erinnys, 135.
Erionnios, 349.
Eriope, 261.
Eripe, 213.
Eriphe, 308.
Eriphée, 308.
Eriphie, 28.
Eriphise, 44.
Eris, 325.
Erithe, 260.
Erix, 160, 170, 176, 176, 279, 235.
Erkiglits, 478.
Erleursortok, 478.
Eroé, 300.
Eros, 176, 176, 177, 183, 254.
Erosanthies, 183.
Erostrate, 85.
Erotidies, 184.
Eroties, 184.
Eronnia, 428.
Erouniakaciapa, 425.
Eronnia-Raciapa, 428.
Erpinus, 231.
Erreamhan, 489, 489, 489, 489.
Ertosi, 395.
Erunyacaciapa, 428.
Eryale, 359.
Erycine, 157.
Eryclymène, 267.
Eryctibios, 88.
Erygdoupos, 20.
Erymante, 300.
Eryme, 81.
Eryopis, 369.
Eryphile, 126.
Erysibie, 135.
Erythéis, 236.
Erythie, 28.
Erythios, 87.
Erythréenne, 113.
Erytus, 253.
Escada, 477.
Eschréis, 239.
Esculape frère de Mercure II, 131.
Esculape Fororthos, 131.
Esculape, 17, 33, 44, 127, 129, 288.
Esculapies, 130.
Esculape, roi de Memphis et frère de Mercure I, 131.
Esculape serpent, 129.
Esculape, fils d’Arsippe, 131.
Esèpe, 359.
Esès, 327.
Esile, 236.
Eskthiruir, 480.
Esuroun, 129.
Espérance, 41.
Esterelle, 884.
Estrées, 14.
Esymnète, 211.
Eta, 385.
Etables (les) d’Augias, 231, 235.
Etalion, 56.
Eté, 376.
Etéocle, 44, 174, 174, 272, 331.
Etéonée, 357.
Eternité, 200.
Etésiens, 279.
Etésippe, 245.
Ethasippe, 252.
Ethalidès, 253.
Ethemon, 260.
Ethéoclées, 175.
Ether (l’), 3, 5, 31, 176, 323.
Ethex, 382.
Ethionome, 362.
Ethiopis, 331.
Ethlétères, 228.
Ethlétires (les), 56.
Ethodée, 77.
Ethodie, 77.
Ethrius, 20.
Ethron, 367.
Ethyia, 202.
Ethylle, 362.
Etias, 374.
Etnée, 20.
Etoiles (les), 33.
Eton, 46.
Etona-Rahai, 497.
Etrek, 481.
Ettira, 303.
Eubée, 57, 239, 279, 252, 308.
Euboté, 239.
Eububée, [ILLISIBLE]35.
Eubulé, 211.
Eubulie, 380.
Euché, 380.
Euchloos, 135.
Eucléa, 79.
Eucraté, 304.
Eudémon, 145.
Eudémonie, 380.
Eudora, 304.
Eugenasis, 229.
Eugénès, 211.
Eugénie, 380.
Eugérie, 74.
Euhius, 211.
Euholnie, 108.
Eulimène, 304.
Eumée, 356.
Eumélus, 349.
Euménides (les) ou Furies, 55, 159, 313, 330.
Euménutis, 336.
Eumidès, 246.
Eumite, 337.
Eumolpe, 117, 138, 142, 231, 267, 279, 279, 304.
Eumolpides, 147.
Eumolus, 333.
Eumon, 45.
Eunice, 304.
Eunome, 242.
Eunosto, 279.
Eunymos, 277.
Euphémie, 94.
Euphorion, 345.
Euphrate, 300.
Euphronne, 323.
Euphrosyne, 134.
Eupinyte, 76.
Eupléa, 157.
Eupolamon, 296.
Eupolème, 253.
Eupolénice, 252.
Eupompe, 304.
Euporie, 94.
Euprytone, 332.
Eurato, 304.
Eurgheucidjiksin, 470.
Euribée, 346.
Euribios, 239.
Euribie, 28.
Eurinome, 303.
Euriops, 245.
Euripidice, 131.
Euripyle, 82.
Euristhée, 261.
Euroa, 498.
Euroa-Faboa, 497.
Europe, 47, 55, 63, 112, 189, 190, 192, 193, 210, 225, 227, 262, 267, 269, 298, 303.
Europome, 332.
Europs, 230.
Euros, 278.
Euryade, 355.
Eurybie, 4.
Euryale, 60, 82, 88, 242, 274, 275, 288, 333, 337, 357, 372.
Euryanassa, 135.
Eurybios, 247.
Euryce, 239.
Eurycœpès, 246.
Eurydamas, 112, 288, 332, 355, 358.
Eurydice, 82, 116, 248, 267, 281, 304, 332, 350, 374.
Eurygamie, 272.
Euryle, 373.
Euryléon, 372.
Euryloque, 332.
Eurymanthe, 372.
Eurymas, 372.
Eurymède, 295.
Eurymédon, 29, 34, 59, 65, 223, 256, 258, 263, 322, 337.
Euryméduse, 55, 174, 188, 258.
Eurymène, 239.
Eurymne, 225.
Eurynome, 55, 122, 124, 131, 174, 174, 188, 267, 293, 331, 332, 355.
Eurynomie, 16.
Euryphyle, 239.
Euryphaesse, 27.
Eurypile, 112.
Eurypidice, 122.
Eurypide, 122.
Eurypyle, 239, 246, 267, 279, 349, 349, 559.
Eurysternos, 5.
Eurysthée, 190, 229, 230, 231.
Eurysthénides, 247.
Euryte, 34, 35, 43, 124, 124, 133, 231, 240, 240, 242, 265, 281, 288, 292, 293.
Euryté, 242.
Eurytèle, 239.
Eurytémis, 239.
Eurythemiste, 332.
Eurythion, 231, 233, 234, 238, 288, 293, 296, 372, 405.
Eurytre, 323.
Eusébie, 380.
Eusire, 279.
Euthémis, 248.
Euthyme, 52.
Euthymie, 380.
Eutresitès, 88.
Evadné, 44, 121, 210, 267, 268, 302, 317.
Evagre, 292.
Evan, 211.
Evandre, 18, 97, 229, 243, 252, 253, 262, 367, 373.
Evangèle, 109.
Evanné, 69.
Evannés, 69.
Evanthe, 106.
Evâmérion, 129.
Evarné, 304.
Evarou, 497.
Eve des Hébreux, 41.
Evémon, 45, 57, 112, 337, 349.
Eveneos, 20.
Evénus, 69, 240, 248, 268, 301.
Evintégres, 380.
Evippe, 97, 124, 134, 174, 296, 293, 349, 356, 359.
Evippé, 332.
Eviterne ou l’Eternité, 3, 32.
Evins, 211.
Evodius, 249.
Exole, 239.
Exopolis, 157.
Expédition des Argonautes, 283.
Exsuperantissimus, 20.
Ezée, 44.
Fabia, 309.
Fabiens, 222.
Fabius, 246.
Fabulinus, 380.
Fabulus, 380.
Fâchtnas, 490.
Fadus, 373.
Faikavakadjiha, 497.
Falacer, 150.
Falcifer, 14.
Falciger, 14.
Familiares, 254.
Fampô, 478
Fanisques, 223.
Fanœ, 306.
Faœnatrix, 202.
Farbanta, 476.
Farnus, 380.
Farsa, 488.
Fascelina, 79.
Fascelis, 79.
Fascinus, 187.
Fatales, 427.
Fatidicus, 88.
Fatidiques, 223.
Fatochda, 488.
Fatua, 223.
Fatuela, 223.
Fatuelius, 223.
Fatum, 3.
Fatum (le) des Latïns, 32.
Fatuœ, 306.
Fatuus, 223.
Faunalies, 223.
Faunes (les), 33, 220, 223, 299.
Faunigènes, 223.
Faunigentes, 223.
Faustitas, 150.
Faustus, 17.
Faveur, 380.
Favonius, 278.
Feargua, 493.
Fearon, 493.
Fébralis, 57.
Fébrua, 57.
Fébruales (les), 62.
Fébruns, 380.
Féhechtoestoech, 465.
Felicitas, 380.
Félicité, 200.
Felix, 17.
Féralies, 318.
Feralis, 84.
Ferentine, 380.
Feretrius, 20.
Fergusleathdearg, 487.
Foricule, 380.
Féronia, 313.
Ferouers, 463.
Fervers, 465.
Fessonie, 380.
Fésule, 213.
Fête des torches, 332.
Fetries, 380.
Fialarr, 479.
Fidélité, 380.
Fides, 380.
Fiedhlioch, 489.
Fiehim, 490.
Fieurgin, 474.
Fièvre (la), 17.
Fileuse (la) à la quenouille d’or, 73
Filles d’enfer, 329.
Filles d’Hercule, 245.
Fils de Neptune, 269.
Fin-Domhnan. 488.
Fins, 488.
Fionn, 489, 489, 490, 493, 493.
Firbolgs, 488.
Firgaillans, 488.
Fureur (la), 71.
Flacatékolototl, 491.
Flamine-Diale (le), 54
Flamine quirinal, ou patricien, 71.
Flammeum, voile couleur de feu, 54.
Flammipotens, 6
Fleuves (les), 4.
Florales, 152.
Florifera, 135.
Florida, 57.
Fluonie, 380.
Fluviales, 306.
Fo, 444.
Foé, 444.
Foghmhorraioo, 493.
Fohlda, 488.
Folie, 177.
Fontinales, 308.
Fontus, 382.
Forcule, 380.
Fordicidiès, 154.
Forensis, 20.
Formido. 71.
Formidalosus, 102.
Fornax, 380.
Forone, 283.
Forsète, 475.
Fortune (la), 3, 32, 153, 198.
Fossor, 228.
Fost, 486.
Foula, 474.
Foulocky, 434.
Founzha, 496.
Fourmis (les), 228.
Fouttafehi, 497.
Fouttafoua, 497.
Fovia, 309.
Fovins, 246.
Fréfak, 467.
Freki, 479.
Frevakein, 468.
Frey, 474.
Fritopatrée, 314.
Fro, 479.
Frœnalis, 202.
Fructesia, 150.
Frugerie, 150.
Frugi, 157.
Frugifera, 135.
Frutes, 157.
Fuga, ou la Fuite, 71.
Fulgens, 20.
Fulgur, 28.
Fulgurator, 20.
Fulmigateurs, 32.
Fulminans, 20.
Fulminateurs, 26.
Fulminator, 20.
Furies (les), 15, 33, 196, 329, 329.
Furies (les), ou Euménides, 55.
Furieuses (les), 219.
Furine, 331.
Fylla, 474.
Gabia, 57.
Gabina, 57.
Gadès, 229.
Gaditanus, 229.
Gadjamoutcha, 469.
Gadjamoutchaçoura, 469.
Gahanam, 411.
Gahanbars, 469.
Gahs, 465.
Galanthis, 59.
Galanthia, 190.
Galar, 479.
Galasie, 174.
Galatès, 246.
Galaxaure, 303.
Galaxies, 104.
Galaxios, 88.
Galée, 131.
Galéné, 304.
Galéote, 131.
Galéotès, 131.
Galiacon, 249.
Gamelia, 57.
Gaméléon, 378.
Gamèles, 73.
Gamélies (les), 62.
Gameliœ Deœ, 73.
Gamelius, 20.
Gana, 439.
Hermopan, 250.
Hermosiris, 250.
Heros, 254.
Herrand, 487.
Hersa, 252.
Herse, 252.
Herséphories, 206.
Hertus, 485.
Hésione, 41, 55, 92, 129, 231, 233, 332, 351, 362.
Hesper, 28.
Hespere, 138.
Hespérides (les), 3, 28, 236, 323.
Hespéris, 28.
Hespérius, 236.
Hesperos, 4.
Hestia, ou Vesta, 4, 5, 13, 32.
Hésychia, 239.
Hétérius, 21.
Heu, 484.
Hennil, 484.
Heures (les), 29, 57, 159, 213.
Heurippe, 79.
Heus, 486.
Hevrères, 165.
Hibou (le), 39.
Hiérocerix, 145.
Hierokeria, 146.
Hieropoloi, 146.
Hierra, 79.
Hirkésius, 21.
Hilaine, 77.
Hilée, 293.
Hindola, 419.
Hingnoh, 402.
Hiperios, 69.
Hipla, 202.
Hippa, 213.
Hippalque, 333.
Hippeus, 246
Hippia, 202.
Hippie, 57.
Hippios, 263.
Hippius, 67.
Hippo, 303.
Hippocentaures, 126.
Hippocoon, 129, 242, 296, 359, 372.
Hippocorius, 263.
Hippocorystès, 332.
Hippocraties, 266.
Hippocrenès, 94.
Hippodamas, 268, 280, 299, 358.
Hippodamie, 69, 97, 239, 292, 332, 333, 369.
Hippodète, 229.
Hippodice, 332.
Hippodoé, 60.
Hippodome, 355.
Hippodromus, 246.
Hippoletis, 202.
Hippolochée, 245.
Hippoloque, 97, 357, 366, 367.
Hippolyte, 17, 34, 35, 69, 83, 128, 233, 235, 236, 292, 294, 294, 332.
Hippomaque, 337.
Hippoméduse, 332.
Hippone, 150.
Hipponoé, 304.
Hipponome, 260.
Hipponoris, 49.
Hippotagus, 216.
Hippothéon, 280.
Hippothoé, 236, 261, 268, 282, 304.
Hippothoüs, 267, 296, 332, 358, 359.
Hippotraque, 358.
Hippozigus, 246.
Hipsénor, 337.
Hirania, 428.
Hirania-Caciapa, 428.
Hiraniakcha, 428.
Hircipes, 224.
Hirie, 309.
Hirtensis, 157.
Hirtuosus, 221.
Hishon, 373.
Histeries, 169.
Hit, 482.
Hiver, 376.
Hlidskialf, 474.
Hnossa, 474.
Hoder, 475.
Hodour, 475.
Hoérps, 176.
Hoffond, 476.
Hom, 466.
Homade, 238.
Homagirios, 21.
Homertès, 211.
Homicide, 325.
Homogyne, 21.
Homolies, 53.
Homolippe, 246.
Homorios, 21.
Hongin, 474.
Honouet, 465.
Hop'opheros, 157.
Hoplophore, 67.
Hoplosmia, 202.
Horcios, 21.
Horei, 400.
Horée, 16.
Horios, 88.
Hormé, 381.
Hormène, 242.
Horta, 381.
Horus, 89.
Hostiles, 254.
Hostilina, 150, 254
Hospès, 21.
Hospita, 157.
Hospitalis, 21.
Houchengh, 467.
Houergemlir, 480.
Houfracdmodad, 468.
Houithaca, 496.
Houriama, 498.
Hourovorera, 498
Honta, 4[ILLISIBLE]1.
Hrall, 476.
Hrhaesfelgr, 478.
Hrinthoussar, 481.
Hyacinthides, 248.
Hyacinthies, 104.
Hyagnis, 99.
Hyale, 83.
Hyantides, 94.
Hybridisme, 188.
Hybrie, 188.
Hybris, 55.
Halia, 304.
Haliagmon, 301.
Halies, 104.
Haligène, 157.
Haliphron, 42.
Halirothius, 67.
Hallen, 227.
Halmael, 497.
Halocrate, 246.
Hals, 357.
Halyrothius, 68.
Halytherse, 112.
Hamaton, 498.
Hamer, 476.
Hamman, 398.
Hamopaon, 359.
Hannus, 246.
Hanover, 466.
Hanouman, 416, 420, 426, 427, 432.
Hanoumanou, 432.
Haoudr, 475.
Har, 476.
Hara, 435.
Hararies, 254.
Harécha, 498.
Harmaradjah, 434
Harma-Savarni, 413.
Harmonia, 69.
Harmonie, 56, 141, 160, 160, 175, 194, 269.
Harpa, 100.
Harpale, 81.
Harpedophore, 249.
Harpé (la), 4.
Harpès, 3.
Harpyes (les), 5, 29, 81, 137, 285.
Hate, 478.
Havamaal, 474.
Havan, 465.
Haziz, 67.
Heacha, 498.
Hebdomagène, 88.
Hébèse, 373.
Hébon, 211.
Hébre, 372.
Hécabé, 332.
Hécale, 257.
Hécalésies, 53.
Hecalos, 88.
Hécamède, 350.
Hécate, 4, 29, 79, 80, 84, 328.
Hécatébélia, 79.
Hecatebole, 88.
Hecatebolia, 79.
Hécatèse, 20.
Hécatésies, 85.
Hécatombe, 85.
Hécatombées, 104.
Hecatos, 90.
Hegémaque, 79.
Hégémonies, 86.
Héiconius, 20.
Heidroun, 479.
Heimdall, 476.
Heimdallour, 476.
Hel, 477.
Helacate, 243.
Hélas, 261.
Helbinde, 476.
Helcite, 332.
Hélégerys, 135.
Hélène, 56, 160, 167, 197, 200, 225, 335, 341, 342.
Hélénor, 359.
Helespontine, 113.
Héliaques, 104.
Hélicon, 93.
Héliconiades, 94.
Heliconius, 263.
Helicos, 45.
Hélime, 293.
Héliogabal, 403.
Helion, 89.
Héliopolite, 20.
Hélios, 4, 20, 75, 83, 87, 89, 90, 189, 232, 398.
Hélis, 283.
Hellanodices (les), 52.
Hellen, 42, 43, 48, 267, 277, 280,
Hellénios, 21.
Hellespontique, 186.
Hellotia, 193.
Hellotide, 202.
Helloties, 206.
Hélops, 293.
Helos, 135, 373
Helvétik, 246.
Hémeros, 94.
Hemeso, 392.
Hémithée, 381.
Hémogyre, 140.
Hémone, 24.
Hémus (le mont), 38.
Henaroa, 498.
Hénicée, 362.
Héniopé, 357.
Hennatou, 498.
Henniocha, 57.
Hépheste, on Vulcam, 32, 64, 209.
Hephestiennes, 64.
Hephestine, 331.
Hephestos, 63.
Hephetous, 21.
Hepios, 21.
Héra ou Junon, 4, 32, 55, 56, 57, 61, 267.
Héraclammon, 229.
Héraclées, 244.
Hera-Phosphoros, 73
Hératélées (les), 62.
Herbifera, 135.
Hereios, 21.
Hercule, 17, 31, 33, 34, 35, 41, 42, 51, 56, 63, 69, 139, 154, 189, 190, 191, 228, 230, 231, 233, 234, 236, 237, 238, 288.
Hercule Gardien, 243.
Hercyne, 309.
Hérèbe, 176.
Hereditas, 176.
Hérées (les), 61
Hérès Martea, 381.
Heria, 485.
Hermammon, 249,
Hermanubis, 249.
Hetmapokras, 249.
Hermapollon, 249.
Hermaphrodite, 160, 166, 176, 253.
Hermathêne, 249.
Hermées, 255.
Hermenos, 378.
Herméracle, 249.
Herméros, 249.
Hermès, ou Mercure, 32, 248, 255, 386, 390, 485.
Hermine, 372.
Hermione, 56, 69, 269, 340, 342, 343, 363.
Hermippe, 258.
Ganga, 436.
Gangadhava, 435.
Ganga-Grannuca, 439.
Gangleur, 477.
Gangr, 479.
Gann, 488.
Gaourd, 422.
Gaouri, 432.
Garamantis, 131.
Garamantie, 188.
Garamontès, 262.
Gargase, 349.
Garmontales, 252.
Garnos, 111.
Garoudas, 418.
Gâthémis, 16.
Gautama, 444.
Gavarata, 434.
Gazozia, 79.
Géa, 3.
Geanann, 488.
Géans, 4.
Géaochus, 263
Gefiona, 480.
Gefeione, 480.
Gègénès, 209.
Geirrendour, 476.
Geirrod, 477.
Gélasinos, 160.
Gélon, 246.
Gélonie, 244
Gélos, 160.
Géminus, 382.
Génesius, 263.
Geneta, 74.
Généthlios, 20.
Génethliûs, 263.
Génétor, 45.
Genetrix, 157.
Génetyllide, 157.
Genitrix, 157.
Gennaïdes, 307.
Gephyrisme, 146
Géphyrrée, 135.
Géréres, 148.
Gerestins, 263.
Géreties, 266.
Gergythius, 88.
Géril, 446.
Géris, 3.
Géronthres (les), 71.
Gersemi, 474.
Geryon, 5, 231, 234, 235, 252, 259, 259.
Gerys, 135.
Gialpa, 476.
Gifle, 474.
Gigantalès, 88.
Gigantolètès, 211.
Gigantomachie, 34
Gigantophontès, 202.
Gigès, 25.
Gigour, 478.
Gigir, 478.
Gimbourouders, 418.
Gingris, 162.
Gloll, 477.
Giva, 383.
Gkatfam, 402.
Glaisue, 490.
Glanus, 246.
Glauca, 17, 80, 236, 304, 332.
Glaucippe, 332.
Glauconome, 304.
Glaucopis, 202.
Glaucos, 67, 242, 257, 267, 268, 279, 379, 367.
Glancothoé, 304.
Glaucus, 48, 96, 128, 167, 279, 288, 366, 372.
Glenos, 246.
Glycizonête, 246.
Glyphies, 307.
Goabhasti, 418.
Goe, 480.
Golgia, 157.
Gonaïotta, 399.
Goodam, 444.
Gopis, 413.
Gordius, 99.
Gordys, 196.
Gorgée, 44.
Gorgithion, 358.
Gorguis, 211.
Gorgon, 259.
Gorgones (les), 5, 29, 202, 259, 282.
Gorgonie, 202.
Gorgonienne, 202.
Gorgophone, 101, 202, 202, 248, 261, 261.
Gorgoris, 484.
Gorphone, 332.
Gortyn, 323.
Gortys, 323.
Gosormiès, 391.
Gouchasp, 468.
Gouda, 476.
Goudopi, 418.
Gouénoupillan, 496.
Goua, 411.
Gouleho, 497.
Goullintani, 476.
Gounapée, 88.
Goundja, 402.
Gouné, 337.
Gounlenda, 480.
Gourous, 443.
Goustasp, 468.
Grâces (les), 41, 94, 115, 134, 160, 160, 176.
Gragalée, 100.
Grande Déesse, 326.
Grand Prêtre, 494.
Grands Lares, 254.
Gravidius, 67.
Grées (les), 5, 29, 259, 259, 282.
Greipe, 476.
Grimnir, 477.
Grundules, 381.
Grune, 359.
Grylle, 353.
Gryne, 124.
Guacamonoan, 493.
Guacarapita, 493.
Guerre de Troye, 336.
Gumide, 385.
Gylippe, 373.
Gymnasiâ, 16.
Gynécie, 6.
Gynécothoüs, 67.
Gynée, 246.
Gynis, 211.
Halcyone, 277.
Hallirhotius, 275.
Harpa, 236.
Harpyes, 268.
Hasione, 188.
Habis, 484.
Habragétès, 88.
Hadès, ou Pluton, 4.
Hadrée, 150.
Hafedhah, 402.
Hagnitas, 128.
Hagni, 24.
Haiagriva, 425.
Haïdes, 310.
Haimavati, 436.
Haine, 159.
Haladé Mystœ, 144.
Hydè, 3.
Hydissus, 97.
Hydre (l’) de Lerne, 38, 97, 231, 232, 259.
Hydriades, 305.
Hydrophories (cérémonies des), 42.
Hyemales, 218.
Hyès, 212.
Hyétios, 21.
Hygiaca, 203.
Hygie, 129.
Hygiea, 129.
Hylactor, 81.
Hylate, 88.
Hylonome, 309.
Hymen, 160, 160, 166, 175, 185.
Hymétius, 21.
Hymmagere, 88.
Hymnie, 79.
Hymnus, 17.
Hynodoter, 129.
Hyone, 138.
Hypanis, 359.
Hypatus, 21.
Hypénor, 359.
Hyperbios, 69.
Hyperbius, 332.
Hyperboréen, 88.
Hyperchirias, 57.
Hypérénor, 120, 132, 270, 359.
Hypérion, 3, 4, 26, 26, 88, 89, 90, 118, 358.
Hypérie, 332.
Hypéripna, 82.
Hypermenes, 21.
Hypermnestre, 124, 126, 239, 273.
Hyperphas, 272.
Hyperphiale, 293.
Hyprocrisie, 159.
Hyppermnestre, 332.
Hyppodamie, 344.
Hypsibrémétas, 21.
Hypsicéraunos, 21.
Hypsus, 45.
Hyrmine, 232.
Hyrneste, 247.
Hyrnéto, 247.
Hyrpace, 279.
Hyrtaques, 359.
Hyrtius, 359.
Hysios, 88.
Hysis, 470.
Hytius, 347.
Iacchos, 5, 138, 145, 212, 314.
Iaiti, 431.
Iambé, 137.
Iamides, 132.
Iamolaka, 416.
Iamus, 132.
Ianira, 304.
Ianiscou, 129.
Ianita, 303.
Ianthé, 303.
Iao, 311.
Iapis, 101.
Iarbe, 375.
Iase, 372.
Iaso, 129.
Iasus, 101.
Ibérie, 67.
Ibis, 251.
Ica, 435.
Icaria, 79.
Icarion, 355.
Icarius, 15, 215, 355, 340, 352.
Icarre, 210.
Icarus, 112.
Icèle, 325.
Icésios, 21.
Icha, 435.
Ichnobate, 81.
Ichnée, 326.
Ichthyocentaure, 280.
Iclimène, 279.
Icouari, 436
Idalia, 157.
Idas, 66, 226, 248, 260, 288, 296, 332.
Idea, 332.
Idée, ou Mygdonia, 6, 55, 188, 193, 227, 309, 343, 351, 358, 359, 365, 372.
Idéen, 22.
Ideus, 227.
Idi, 478.
Idmon, 112, 112, 120, 121, 123, 132, 205, 242, 284, 285, 288, 332.
Idœen, 21.
Idomène, 44.
Idothéa, 279.
Idoun, 475.
Idonna, 475.
Iedepol, 226.
Iéra, 304.
Ieus, 88.
Ignigena, 64.
Ignipotens, 64.
Ignorance, 378.
Ikchvakavas, 432.
Ilamatenchtli, 492.
Ilapinate, 236.
Ileus, 88.
Ilia, 203.
Ilion, 361.
Ilissades, 307.
Ilissiades, 94.
Ilithye, 57, 63, 72, 73, 156, 170, 313.
Ilithye Héra ou Junon, 74.
Ilithye Latone, 74.
Ilithye Lucine, 74.
Illapa, 494.
Illicides, 94.
Illith, 395.
Illyrus, 270.
Ilus, 47.
Imadakni, 439.
Imaoni, 373.
Imbraque, 372.
Imbrase, 359.
Imbrasia, 57.
Imbrée, 293.
Imbrios, 359.
Imbrius, 347.
Imbros, 332.
Immarade, 142.
Immare, 142.
Ime, 473.
Imôouth, 396.
Imporcitor, 150.
Imrouçaa, 476.
Imuthis, 396.
Inachus, 44, 194, 196, 210, 265, 298, 301.
Inceste, 5.
Incubones, 381.
Index, 229.
Indus, 298.
Indra, 413, 415, 415, 418, 426.
Indradhioumna, 435.
Indradoumena, 424.
Indratonima, 424.
Inferna, 57.
Ingénicole, 74,
Ingenicule, 229.
Ingersoit, 480
Iniersoit, 480.
Iniquité, 325.
Injure (l’), 55.
Injustice, 325.
Innouarolit, 480.
Inquiétude, 324.
Insitor, 150.
Intempérance, 323.
Intercinda, 224.
Intercidons, 223.
Intercidores, 151.
Intercidua, 74.
Interduca, 57.
In errapa, 494.
Innus, 187.
Inventor, 21.
Inverecundos, 212.
Io, 22, 45, 55, 59, 192, 212, 228, 251, 301.
Io-Callithye, 61
Iobate, 97.
Iobès, 246.
Iocchos, ou Bacchus, 212.
Iochera, 79.
Ioh, 395.
Iolées, 244.
Ion, 21, 43, 123, 132, 188, 198.
Ionides, 307.
Ioniens, 43.
Iope, 309.
Iophossa, 42.
Iophosse, 309.
Iormoungandour, 475, 476, 477,
Ioubécaigouaia, 496.
Iouddhiehthira, 431.
Iouga, 425.
Ioulis, 171.
Ioumbo, 341.
Iourmala, 488.
Iov, 21.
Ipalnémaani, 491.
Iphate, 358.
Iphée, 359.
Ipoctones, 229.
Iphthime, 355.
Iphianire, 245.
Iphidamas, 359.
Iphigénie, 72, 79, 85, 106, 338, 340, 340.
Iphillus, 230.
Iphimédie, 39, 267, 267, 267, 279, 283.
Iphiméduse, 332.
Iphinoé, 60
Iphione, 60.
Iphionée, 244.
Iphition, 359.
Iphitus, 52, 241, 281, 288, 288.
Ipthime, 252.
Iraca, 496.
Iradj, 467.
Irania, 436.
Iraniakcka, 436.
Iravat, 415.
Ire, 487.
Irène, ou la Paix, 16, 30, 94.
Iret, 467.
Irinx, 222.
Iris, 5, 29, 72, 217, 268, 276.
Iritus, 288.
Irmensaeule, 485.
Irminsul, 485.
Isandre, 97.
Ischenies, 253.
Ischenus, 252.
Isée, 304.
Isfendiar, 468.
Ishana, 416.
Isis souterraine, 329.
Ismarète, 243.
Ismarus, 69.
Ismène, 76, 113, 195, 210, 272, 276, 300.
Isménia, 203.
Ismenides, 307.
Isménien, 88.
Isopale, 238.
Isoras, 79.
Issa, 124.
Issé, 124.
Ister, 332.
Isus, 358.
Itémale, 271.
Ithmios, 263.
Ithomate, 21.
Ithôme, 24.
Itome, 82.
Itonia, 203.
Itonide, 203.
Itonus, 203.
Ityle, 210.
Iule, 166, 370, 372, 374, 375.
Ivresse, 381.
Ixios, 88.
Jabmé, 478.
Jabmekériel, 478.
Jaga, 471.
Jaka, 444.
Jalousie, 159.
Jalnhar, 476.
Jangdan, 446.
Janisque, 275.
Japygie, 258.
Jarbhainiel-Eaid, 487.
Jardanus, 241.
Jase, 337.
Jasis, 307.
Jasius, 56.
Jason, 60, 90, 112, 139, 273, 277, 282, 283, 288, 296.
Jasion, 56.
Jasus, 210.
Jérir, 468.
Jeudi, 378.
Jeux, 175.
Jeux floraux, 152.
Jeux isthmiques, 266.
Jeux pythiques, 90.
Jealteuctli, 491.
Joalticitl, 491.
Jocaste, 270.
Jocastus, 278.
Jocus, 382.
Jochilla, 440.
Jope, 278.
Jorbuidhe, 489.
Jorge, 295.
Josion, 5.
Jov, 21.
Jovialis (les), 53.
Jovis, 22.
Juga, 57.
Juchor, 489.
Juchorba, 489.
Jugalis, 57.
Jugatinus, 185.
Juno, 56.
Junon, 4, 11, 29, 30, 32, 33, 33, 55, 56, 57, 74, 80, 94, 174, 395.
Junon-Argiva, 61.
Junonigena, 64.
Junon Lacinia, 235.
Junon-Stygienne, 328.
Junonies (les), 62.
Junxia, 57.
Jupin, 23.
Jupiter, 4, 6, 11, 14, 19, 20, 26, 33, 33, 41, 49, 74, 80, 90, 112, 160, 174, 176, 197, 240, 377, 378, 386, 395, 398.
Jupiter Ammon, 22.
Jupiter Asiérius, 22.
Jupiter Apis, 22.
Jupiter Assabinus, 22.
Jupiter Belus, 22.
Jupiter Chronos, 22.
Jupiter père d’Hercule, 23.
Jupiter Libérateur, 53.
Jupiter-Latiaris, 54.
Jupiter Milichios, 144.
Jupiter-Milichius, 53.
Jupiter Olympien, 22.
Jupiter Pappée, 22.
Jupiter-Policus, 53.
Jupiter-Prœtus, 22.
Jupiter-Sérapis, 22.
Jupiter-Tantale, 22.
Jupiter Taranis, 22.
Jupiter Thebain, 22.
Jupiter Uranus, 22.
Jurbata, 489.
Jurita, 382.
Jurka, 489.
Jusjurandum, 382.
Juve, 311.
Juventus, 63.
Kaciapa, 408, 415, 410, 417, 428, 434.
Kaiker, 493.
Kaïkhorou, 468.
Kaïomorts, 465, 466, 467, 468.
Kakabhousonda, 414.
Kalabri, 435.
Kalanémi, 419.
Kaléoko, 497.
Kaleda, 471.
Kali, 409, 432, 433, 436, 439, 448.
Kalidaca, 414.
Kaliiouga, 426.
Kalinaga, 430.
Kalindi, 424.
Kalis, 439.
Kalpana, 410.
Kalpa, 412.
Kama, 410, 412, 419, 433, 440.
Kamachtlé, 496.
Kamalaçana, 408.
Kamadenin, 412.
Kamadhénou, 426.
Kamaveda, 440.
Kamo[ILLISIBLE], 440.
Kandapa, 436.
Kaouari, 417.
Kaonciki, 440.
Kaoukaliâ, 421.
Kaoustoubhamani, 427.
Kaouméri, 417.
Kaouveri, 413.
Kapa, 489.
Kapica, 409.
Kardourgnyta, 412.
Karll, 476.
Kartiaiani, 436.
Kartikeia, 415.
Karya, 307.
Kastrola, 427.
Kavi, 411.
Kchatriia, 409.
Kchatriia-Ananti, 448.
Kchatriioni, 409.
Kchouba, 423.
Kéalos, 489.
Keilassa, 412.
Kenanah, 402.
Kéraon, 224.
Kerman, 467.
Kernunos, 483.
Kesaire, 487.
Kessini, 424.
Kéti, 409.
Kétou, 435.
Khan, 470.
Khatoun, 470.
Khâkho Manson, 445.
Khé, 471.
Khéchétré, 465.
Khécoubal, 470.
Khevézo, 466.
Khiappen, 496.
Khorivitsa, 471.
Khoubé, 470.
Khouçor, 403.
Khourmousta-Tingri, 444.
Khousor, 398.
Khoutkhou, 470.
Kiati, 409.
Kichtan, 493.
Kidoul, 423.
Kied, 479.
Kieddé, 481.
Kikokko, 400.
Kimaras, 418.
Kimbaoth, 487.
Kinnoras, 416.
Kiouchtan, 493.
Kiousa, 493.
Kiris, 162.
Kissi, 400.
Kissos, 214.
Klédona, 108.
Knokkers, 488.
Koatiikoé, 492.
Koïolkhhaouqui, 492.
Komasa, 412.
Kolna, 480.
Konnall, 489.
Konnor, 490.
Kolpa, 489.
Kolpiah, 403.
Koreich, 402.
Koréich, 402.
Kossi, 400.
Kouan-In, 480.
Koublia, 416.
Kouacer, 479.
Kouça, 436.
Koucha, 433.
Kouétrakouéla, 438.
Koughas, 469.
Kouki, 433.
Koundi, 434.
Kountha, 435.
Kounti, 431.
Koupai, 494.
Koupalo, 471.
Kourmâ-Vataram, 425.
Konrmousta, 445.
Konx Ompax, 146.
Kramiou, 307.
Kraton, 409.
Krickha, 442.
Krii, 409.
Krodo, 471.
Krouia, 407.
Labaï, 446.
Labdacus, 270.
Labradcus, 21.
Labraude, 21.
Labras, 81.
Lacédémone, 247.
Lacédémonia, 57.
Lacédémoniens (les), 55.
Lacha, 32.
Lachné, 81.
Lacinie, 57.
Lackchini, 432.
Lacon, 81.
Laonome, 261.
Lactens, 150.
Lacton, 311.
Lactucie, 150.
Lactucine, 150.
Lactunus, 150.
Lada, 471.
Ladès, 372.
Lado, 471.
Lagore, 162.
Lagus, 373.
Laighne, 489,
Laïus, 270.
Laka, 416.
Lakchman, 421.
Lackmana, 428.
Lalaria, 252.
Lalle, 74.
Lamaisme, 444.
Lamha, 490.
Lamhvada, 489.
Lamia, 55.
Lamire, 373.
Lamius, 246.
Lampadephorie, 145.
Lampétie, 27, 122, 124, 129, 131, 132, 309.
Lampétuse, 309.
Lampsacène, 186.
Lampter, 212.
Lamptéries, 218.
Lanagère, 135.
Lanassa, 345.
Langba, 446.
Langueur, 159.
Lanigera, 135.
Lanka, 426.
Lauomène, 246.
Lanuvinie, 57.
Laodamas, 359.
Laodamie, 297.
Laodice, 194, 303, 309, 341, 362, 368.
Laodocus, 44, 125, 189, 261, 288.
Laoduc, 132.
Laoghre, 493.
Laoghrebuadhach, 490.
Laogone, 359.
Laogoras, 240.
Laomède, 246.
Laomédie, 304.
Laomédon, 60, 92, 118, 233, 246, 302, 361.
Laonome, 261.
Laonomène, 239.
Laosas, 203.
Laout, 423.
Laphiste, 21.
Laphria, 79.
Laphries, 86.
Laphystius, 212.
Laphysties, 219.
Laphyra, 203.
Lapis, 21.
Lara, 252.
Laranda, 252.
Lares (les), 33, 187, 253, 328.
Laride, 373.
Larina, 236.
Larismus, 21.
Larisse, 267.
Larissée, 203.
Larnasse, 42.
Larthy, 34.
Larysies, 218.
Lasios, 333.
Lat, 402.
Latag, 372.
Latchmi, 432
Latéragus, 382.
Lathaka, 410.
Lathoé, 112.
Latialis, 21.
Latiar (le), 53.
Latinius, 127.
Latiuus, 112, 223, [ILLISIBLE].
Latius, 21.
Latium, 54.
Lato, 4.
Latobis, 128.
Latogénès, 88.
Latoius, 88.
Latone, 4, 31, 55, 59, 72, 74, 74, 75, 90, 194, 396.
Latramis, 216.
Latrée, 293.
Lauféia, 476.
Launia, 374.
Laurentales (les), 53.
Lausus, 373.
Lavations, 8.
Lavinie, 371.
Léabhorcham, 490.
Léanire, 210.
Learque, 270.
Lécheate, 21.
Léchies, 471.
Léchoris, 174.
Legifera, 135.
Léis, 267.
Léite, 337.
Leitus, 288.
Lélégéides, 307.
Lemnia, 203.
Lemniades, 167.
Lemnicola, 64.
Lemnius, 64.
Lémuries, 319.
Lênées, 218.
Lénéon, 378.
Lénéus, 220.
Leneus, 212.
Léodamas, 275.
Leodatus, 43.
Léodicé, 69.
Léonte, 123.
Léontiade, 246.
Lepréas, 242.
Lernées, 218.
Leschenor, 88.
Lesyzone, 158.
Létheus, 176.
Leucade, 355.
Leucanthès, 14.
Leucapis, 372.
Leucas, 353.
Leucatée, 100.
Leucippe, 70, 79, 112, 112, 121, 123, 128, 217, 239, 239, 246, 246, 248, 276, 296, 303, 362.
Leucite, 246.
Leucon, 81.
Leuconès, 239.
Leucophryne, 79.
Leucos, 337.
Leucosis, 354.
Leucothée, 270.
Leucothoée, 122, 124, 134, 304, 310, 355.
Leucyante, 212.
Leucyppe, 226
Levana. 74.
Lexios, 88.
Liagore, 304.
Libentine, 158.
Liber, 212,
Libéra, 313.
Libérales, 218.
Liberalis, 21.
Liber Pater, 212.
Liberthrides, 94.
Libitina, 313.
Libitine, 223.
Libraria Deûm, 327.
Libyenne, 113.
Libyssa, 135.
Libyssinus, 88.
Limnades, 307.
Limniades, 307.
Licas, 157.
Lichès, 340.
Licniiès, 212.
Licynnius, 242.
Lif, 480.
Lifthrasour, 480.
Liger, 373.
Ligobound, 497.
Ligyron, 305.
Ligyste, 132.
Lilée, 308.
Lima, 382.
Limenatis, 79.
Limentin, 382.
Limentine, 382.
Limmorie, 304.
Limnacides, 307.
Limnades, 307.
Limnatidies, 86.
Limnatis, 79.
Limnées, 307.
Limnésia, 158.
Limniades, 307.
Limniques, 307.
Limnœus, 212.
Limonides, 307.
Lindienne, 203.
Lindius, 229.
Linus, 95, 96, 115, 116, 125, 125, 133, 261.
Lion (le) de Némée, 38, 97, 102, 231, 232, 259, 377.
Liosalfar, 473.
Liparœus, 641
Liparus, 277.
Lips, 278.
Lircis, 372.
Lisyanasses, 304.
Litê, 16.
Lites (les), 55.
Lixus, 332.
Lausus, 112.
Locka, 412.
Lodbrok, 481.
Lœbasius, 212.
Lœlaps, 119.
Logios, 249.
Loïnius, 88.
Lokajanitri, 432.
Lokamata, 432.
Lokapala, 422.
Lokas, 410.
Loki, 433.
Lomus, 408.
Longanico, 52.
Loodice, 295.
Lotis, 269.
Lotos, 124.
Louacat, 489
Louki, 432.
Lua, 382.
Lubentie, 158.
Lucétie, 57.
Lumière (la), 3.
Lundi, 378.
Lune (la), ou la Diane du ciel, 4, 4, 33, 73, 79, 80, 378, 385, 395.
Luperces, 222.
Lupercus, 221.
Luperques, 222.
Lusia, 136.
Lustrations, 65.
Lustria, 65.
Lusus, 214.
Lux, 73.
Lybas, 353.
Lybyca, 113.
Lycabas, 213, 260, 29[ILLISIBLE].
Lycaon Ier, 44.
Lycaon II, 44, 54, 80, 122, 189, 192, 236, 239, 250, 337, 258.
Lycaste, 23, 69, 256, 279, 288, 322.
Lycea, 79.
Lycégénès, 88.
Lycégétès, 88.
Lyceus, 221.
Lychas, 241.
Lycidas, 293.
Lycimnius, 261.
Lycisce, 81.
Lycius, 45, 123, 239, 246, 256, 331.
Lycoatis, 79
Lycoctone, 88.
Lycogène, 88.
Lycophron, 337.
Lycorée, 123.
Lycorias, 304.
Lycorus, 133.
Lycosure, 44.
Lycotas, 293.
Lyctios, 21.
Lyctos, 45.
Lycurgue, 44, 53, 168, 210, 216, 246, 333.
Lycus, 42, 69, 118, 150, 168, 191, 209, 209, 209, 242, 267, 280, 289, 203, 331, 349, 358, 372.
Lyda, 79.
Lydos, 246.
Lygée, 309.
Lygodesma, 79.
Lympha, 150.
Lyncée, 226, 239, 246, 288, 296, 332, 332, 372.
Lyncyde, 260.
Lyncus, 139.
Lyœus, 212.
Lyrie, 248.
Lyrns, 166.
Lysandre, 359.
Lysandries (les), 62.
Lyse, 239.
Lysiades, 307.
Lysidie, 239.
Lysinoüs, 261.
Lysite, 230.
Lytérius, 221.
Lyzizonos, 57
Maba, 400.
Maboia, 494.
Macarée, 45, 121, 124, 124, 133, 227, 267, 277, 293, 353.
Macarie, 245.
Macédon, 216.
Macédonia, 201.
Macédonie, 189.
Macedne, 45, 45
Macès, 171.
Maceutria, 57
Machaon, 17, 129, 335, 349, 349, 351.
Machèré, 346.
Machinatrix, 202.
Maciste, 229.
Macrocosme, 411.
Maensam, 263.
Madagascar, 402.
Madh, 487.
Madha, 435.
Madri, 431.
Maedra, 476.
Maemactès, 21.
Maergetès, 21.
Magalortos, 136.
Magarsis, 203.
Magna Mater, 6.
Magnesia, 203.
Magour, 475.
Magus, 373.
Mahabharata, 430.
Mahabhoutas, 44.
Mahaçouragrama, 413.
Maha-Ka, 448.
Maha-Kaciapa, 448.
Mahakali, 439.
Mahamérou, 436.
Mahanâtma, 411, 412, 416, 447, 447.
Mahandscha, 410.
Mahéca, 435.
Mahécchaoura, 414.
Mahéçouara, 435.
Mahioudjeia, 435.
Maïa, 27, 31, 72, 73, 156, 210, 223, 407, 412, 418, 440.
Maïa-Sacti-Paraçacti, 407.
Maidari, 447.
Maios, 378.
Maître-Divïn, 494.
Maius, 21.
Maleus, 21.
Makchatras, 415.
Makemba, 400.
Makha, 446.
Mala, 199.
Malaigha, 402.
Malampodium, 273.
Malaphere, 136.
Malava, 419.
Malic, 245.
Malina, 478.
Mama-Geneta, 74.
Mamakotcha, 494.
Mamakouns, 498.
Mamers, 67.
Mamertus, 67.
Mammadin, 440.
Mammon, 404.
Mammosa, 146
Mammonn, 404
Manarçouani, 436.
Manas, 410.
Mancocapac, 495.
Mana Dharma Sastra, 411.
Manducus, 382.
Manès (les), 33, 33, 318, 318, 318.
Mangala, 418.
Mangaladinam, 418.
Manis, 318.
Mannania, 318.
Mannus, 485.
Manoucha, 412.
Manticlus, 229.
Mantinée, 45.
Mantis, 112.
Manto, 87, 111, 112, 113, 113, 124, 302.
Mantrams, 442.
Mantus, 311.
Maraina, 434.
Marakas, 496.
Maramba, 400.
Marathon, 279, 289
Mardi, 378.
Mardonius, 53
Mar[ILLISIBLE]sircha, 438
Marica, 223.
Maricha, 428.
Marine, 158.
Marinus, 21.
Maris, 392.
Markandéia, 436
Marmarinus, 88
Marmax, 333.
Marnas, 404.
Maron, 106.
Maroneus, 212.
Marouas, 418.
Maroun, 486.
Marpésie, 236.
Marpesse, 248.
Mars, 31, 31, 33, 33, 39, 46, 47, 51, 58, 63, 67, 102, 123, 160, 265, 377, 378, 378, 378, 396.
Marse, 357
Marsé, 239.
Martanda, 423.
Martia, 57.
Martiales (les), 71.
Martiaux (les feux), 71.
Martius, 21.
Marunus, 486.
Mascula, 199.
Massique, 373.
Mastor, 112.
Matai, 498.
Matera, 203
Materès, 136.
Matlacuezc, 491.
Matrales, 310.
Matres, 327.
Matres sacrorum, 103.
Matris Saktis, 433.
Matronales, 19.
Matrones, 327.
Matsiâyaram, 425.
Mattaba, 497.
Mau, 498.
Mavors, 67.
Mecastor, 226.
Méchanéen, 21.
Mechanica, 203.
Méchiane, 467.
Médebronte, 246.
Médée, 48, 84, 90, 114, 127, 133, 160, 167, 261.
Médéide, 213.
{p. 532}Médésicaste, 362, 362.
Medica, 203.
Médicarius, 249.
Medicus, 88.
Médioximes (les), 32.
Médius, 69.
Méduline, 217.
Médusson, 290.
Mégatrontès, 242.
Mégalarte, 140.
Mégalasties, 148.
Mégate, 57.
Mégalésies, 8.
Mégaletor, 88
Mégalitor, 100.
Mégalomaze, 140.
Mégamède, 239.
Mégamène, 239.
Mégapenthe, 60, 261, 337, 342,
Mégarus, 248.
Mégas, 337.
Mégasclépiades, 130.
Mégès, 337.
Mégiste, 45.
Méhga, 419.
Meibdh, 489.
Meisgéadhra, 491.
Mélagitnies, 104.
Mélanégis, 212.
Mélampe, 44, 60, 81, 113, 217, 243, 243, 263, 273, 281.
Mélampus, 333.
Mélampyge, 229.
Mélanée, 43, 81, 133, 260, 269, 293, 337.
Mélanippe, 69, 81, 106, 106, 274, 274, 276, 290, 293, 358, 359.
Mélanope, 115.
Mélanthe, 209, 267, 355, 360, 367.
Mélanthie, 43.
Melanthode, 212.
Melaphore, 136.
Melaque, 332.
Mélas, 43, 213, 240, 274, 280.
Mélathe, 349.
Melehone, 405.
Méléagre, 17, 44, 239, 240, 274, 288, 295, 295.
Mélech, 398.
Mélechbel, 398.
Mélénée, 293.
Mélénion, 17.
Mélété, 94.
Mélia, 220.
Mélibœus, 350.
Mélichios, 21.
Mélides, 307.
Mélies, 4, 112, 124, 132, 134, 267, 303, 304, 307.
Mélissœos, 21.
Mellone, 151.
Meline, 239.
Mélios, 229.
Mélissa, 12.
Mélita, 245.
Mélïtéus, 56.
Mélobosis, 303.
Mélœna, 136.
Melphis, 347.
Melpomène, 95.
Melpomenos, 38.
Meltas, 247,
Mémactéries (les), 54.
Mémas, 360.
Membliar, 269.
Memchiri, 391.
Mémonie, 43.
Memquetheba, 496.
Memroum, 405.
Men, 83.
Ménades, 219.
Ménalcès, 45.
Ménalippe, 69, 55, 236, 268, 277, 295, 309.
Ménane, 301.
Mendès, 385.
Mèné, 83.
Mênéchus, 252.
Ménècle, 277.
Ménédème, 229.
Ménélas, 242, 331, 333, 335, 337, 341.
Ménéleptolème, 337.
Ménéphiras, 33.
Ménès, 391.
Menestho, 303.
Ménestre, 337.
Ménète, 372.
Méni, 83.
Ménies, 307.
Ménippide, 24[ILLISIBLE],
Ménipie, 239.
Ménios, 45.
Ménœtius, 27.
Ménos, 6.
Ménou, 360, 408, 412, 414, 418.
Menous primitifs, 413.
Menous secondaires, 413.
Menou Souaïambhouva, 413.
Menou-Vaivaçouta, 425.
Mens, 282.
Mensalis, 57.
Mensonge, 326.
Menthe, 321.
Méonius, 212.
Méoulen, 496.
Mephitio, 57.
Méphitis, 382.
Mer (la), 4.
Mer de lait, 412.
Mercedone, 256.
Mercredi, 378.
Mercure, 11, 33, 33, 37, 39, 41, 49, 49, 50, 119, 133, 154, 160, 235, 248, 377, 378.
Mercuriales, 255.
Meretrix, 158.
Mérion, 349.
Mérope, 27, 48, 119, 127, 216, 236, 257, 309.
Mérops, 34, 50, 122, 210, 372.
Méros, 213.
Mesopontius, 263.
Messatis, 79.
Mesembriâ, 16.
Messène, 210.
Messénie, 247
Messies, 151,
Messor, 151.
Mester, 360.
Métabe, 373.
Métacle, 332.
Métagitnios, 88.
Métanire, 137.
Métanoéa, 382.
Métempsycose, 321.
Métharme, 162.
Méthès, 375.
Méthyne, 224.
Métiaduse, 209.
{p. 533}Métis, 11, 14, 31, 45, 134, 303.
Métisque, 373.
Métra, 155.
Métragyrte, 10.
Métrès, 375.
Metzcli, 491.
Mévri, 392.
Mexique, 491.
Mézence, 373.
Micalesienne, 139.
Micène, 210.
Miclan, 0 0
Miclantemcli, 491,
Microscome, 411.
Migonitide, 158
Migonotis, 343.
Mihr, 468.
Miléadhs, 489.
Miléards, 488.
Milesia, 136.
Milesius, 88.
Mlless, 489.
Milétis, 121.
Milichios, 212.
Milichius, 21.
Militi, 83.
Militia, 79.
Militta, 313.
Millet, 108.
Milon, 53.
Milon de Crotone, 52.
Milta, 79.
Milytta, 158.
Mimallones, 219.
Mimansa, 412.
Mimas, 5, 34, 35, 67, 277, 293,
Mimir, 480.
Mimis, 480.
Minéides, 217.
Minervales, 206.
Minerve, 31, 33, 33, 35, 56, 59, 60, 65, 124, 134, 143, 187, 202, 233, 377.
Minerve Pallas, 205.
Mingtsan, 446.
Minos, 23, 33, 56, 82, 119, 119, 121, 133, 141, 193, 241, 247, 256, 262, 291, 322.
Minyas, 210, 258, 267, 276, 281, 289.
Misée, 213.
Misma, 138.
Mistiltenr, 4[ILLISIBLE]5.
Mithon, 117.
Mithotin, 478.
Mlthriques, 102,
Mitra, 418.
Mitylène, 268.
Mitylénies, 104.
Mnémée, 94.
Mnémonides, 94.
Mnémosyme, 53.
Mnémosynides, 94.
Mnèse, 360
Mnésilas, 226.
Mnésimaque, 233, 274
Mnesthée, 372.
Mnestra, 332.
Mnésis, 388.
Mod, 475.
Modgondour, 478.
Modius, 69.
Mœra, 55.
Mœragètès, 311r
Mogha, 489.
Mogostokos, 57.
Mohani-Maïa, 426, 426, 419, 432.
Moira, 327.
Moirageaès, 21.
Mokissos, 341.
Molesse, 346.
Molione, 133.
Molios, 360.
Molou Toïn, 446.
Molorchus, 243.
Molpadia, 216.
Molpée, 354.
Molphée, 260.
Molpo, 354.
Molus, 43.
Momona, 493.
Mondévi, 425.
Moneta, 57.
Mongh-Ruadh, 487.
Monœcos, 229.
Monophagies, 266.
Monopolos, 118.
Monourou, 498.
Montagnes (les), 5.
Montano, 79.
Montin, 382.
Monychus, 293.
Mopsus, 124, 288, 293, 296, 348, 374.
Morai, 499.
Morius, 21.
Moron, 220,
Morpho, 158.
Mort (la), 3, 48, 49, 323, 377.
Morta, 327.
Moskhéri, 392.
Mrithyon, 422.
Motone, 295.
Moudévi, 426, 432, 433, 436, 436.
Moumba, 341.
Mouna, 498.
Mounda, 440.
Mounin, 474.
Mouriha, 498.
Mourimo, 402.
Mouséa, 16.
Mousiâ, 16.
Mousthi, 392.
Moutchou-Kouutha, 435.
Muliebris, 199.
Mulier, 199.
Munychies, 86.
Munichlon, 370.
Munichus, 111.
Munotor, 67.
Munychia, 79.
Munychus, 295.
Muran, 373.
Murcia, 379.
Murcie, 158.
Mursia, 326.
Musaris, 212.
Musées, 98, 115, 116, 117, 142
Muses (les), 33, 93, 94, 135, 213
Musia, 94.
Musicale, 203.
Muspell, 476.
Muspelsheim, 473.
Muta, 252.
Mutine, 186.
Mutini, 187.
Mutinus, 187.
Muto, 186, 187
Muttune, 186.
Myagre, 249.
Myagorus, 249.
Mycetas, 263.
Mychia, 57.
Mydion, 242.
Mygdon, 236.
Mygdonia, 6.
Myia, 310.
Mylès, 140.
Mylinus, 49.
Mylius, 49.
Mynès, 344.
Myrinus, 88.
Myrionyme, 136.
Myrmex, 228.
Myrmidons, 56, 139, 188, 228, 258.
Myrtée, 392.
Myrtie, 158.
Myscellus, 243, 24q.
Myscius, 139.
Mysie, 79.
Mysiennes, 148.
Mythidice, 274
Nafté, 396.
Nagoucha, 424.
Nakoula, 431.
Nanatvan, 411.
Nandi, 436.
Nanda, 475.
Nannac, 112.
Nannap, 112.
Nanos, 352.
Nans, 481.
Nara, 411.
Naracigni, 417.
Naraiana, 408, 425, 427, 427, 427.
Naraïani, 413, 417
Narasacti, 436.
Narasinhi, 413.
Narcé, 216.
Narbisse, 184.
Nardman, 408
Nare, 477.
Nariana, 411.
Narotama, 444.
Nasamon, 82.
Nascio, 382.
Naste, 360.
Nathkrotack, 493.
Natio, 382.
Naule, 320.
Naulochus, 242.
Nausithoüs, 268, 281, 303, 355, 357.
Nautès, 372.
Nauzinoüs, 303.
Navatis, 88,
Néamas, 360.
Néanthe, 117.
Nébride (le), 145.
Nébrophon, 81.
Necropompe, 249.
Nectar (le), 33.
Necys, 67.
Nedusia, 203.
Nédymne, 293.
Néelie, 373.
Néère, 27, 56, 124, 137, 189, 248, 30[ILLISIBLE],
Nef, 393.
Nefté, 387, 389. 390, 395, 396.
Néhallenie, 471.
Néhalennia, 485.
Néhalenntia, 485.
Neithée, 204,
Nélecta, 332.
Nélée, 44, 60, 77, 79, 238, 268, 281, 281, 282, 288, 308, 350, 363.
Néléides, 86.
Néléius, 239.
Néleste, 158.
Nemaronum, 203.
Némeed, 487.
Néméen, 21.
Némésis, 3, 56, 184, 173, 197, 201, 323, 326, 329, 329.
Némester, 21.
Nemestrinus, 223.
Némétès, 21.
Némétor, 21.
Nemiza, 471.
Némorales, 86.
Némorensis, 79.
Nénasine, 226.
Néoménies, 104.
Néoménius, 88.
Néoméris, 304.
Néomertès, 304.
Néonies, 218.
Néophron, 50.
Nepenthès, 88.
Néphélée, ou la Nuée, 47, 283, 270.
Néphélêgéléta, 21.
Nephos, 246.
Nephté, 390.
Nephtys, 158.
Neptunales, 266.
Neptune, 4, 11, 14, 26, 30, 32, 33, 33, 60, 91, 119, 208, 233, 263, 378.
Nérée, 4, 5, 33, 83. 237, 303, 343, 364.
Néréïdes (les), 5, 33, 59, 303, 303, 308.
Nérine, 68.
Nerite, 352.
Nésia, 304.
Nessus (le centaure), 301.
Nestès, 147.
Nestor, 17, 77, 239, 281, 296, 337, 347, 350.
Nethon, 484.
Nev. 394.
Ngoia-Chilvani, 341.
Niadfar, 493.
Nicéa, 222.
Nicée en Grèce, ou la victoire des Romains, 4, 28, 55, 245, 308.
Nicéphore, 21.
Nicétéries, 207.
Nicodrome, 246.
Nicothoé, 268.
Nictelius, 212.
Nidhog, 480.
Niemiza, 471.
Nifteim, 477.
Nigra, 136.
Nikchouba, 423.
Nil, 396.
Nilakantha, 435.
Nilée, 260.
Nimbe, 34.
Ninyte, 76.
Niobée, 47, 56, 76, 77, 125, 125, 210, 258, 263, 301.
Niocrate, 106.
Niord, 476.
Niordour, 476.
Niou, 475.
Niphate (le mont), 36.
Niphe, 373.
Niphée, 388.
Niroutiah, 416.
Niscostrate, 252.
Nisyreus, 263.
Nitocris, 392.
Nitoès, 493.
Niul, 488.
Nixi Dii, 74.
Nocturnus, 323.
Nodinus, 151.
Nodotis, 151.
Nodotus, 151.
Noduterensis, 151.
Noduterus, 151.
Nodutus, 151.
Noémon, 360.
Noétarque, 397.
Noh, 402.
Nomia, 382.
Nomie, 310.
Nomios, 21, 88, 90, 133, 151, 249.
Nona, 327.
Nonacriatês, 249
Nones Caprotines (les), 62.
Nor, 480.
Norax, 255.
Noricus, 246.
Nornes, 481.
Nossa, 304.
Nott, 476.
Nottou, 480
Notus, 38.
Noub, 394.
Nouf, 394.
Noum, 394.
Nouma, 498.
Nouna, 498.
Noute, 396.
Nouv, 394.
Novella, 57.
Novenciles, 941.
Nrotoméduse, 304.
Novices, 144.
Nson, 395.
Nuaghat, 489.
Nuit (la), 3, 55, 176, 176, 323, 325, 329.
Null, 488.
Numérie, 382.
Nundina, 74.
Nychiâ, 57.
Nycté, 00, 192, 209, 232, 267, 270, 270, 280, 281, 312, 337.
Nycteis, 270.
Nyctélies, 218.
Nyctis, 270.
Nyctée, 191.
Nymphées, 306.
Nymphémonée, 57
Nymphenomène, 57.
Nymphiâ, 57.
Nymphœ, 16.
Nyrkalfar, 473.
Nyséïdes, 213.
Nysene, 212.
Nysiades, 213.
Nysios, 212.
Nysd, 361.
Nysus, 209.
Oaestucati, 392.
Oannès, 405.
Oaxe, 133.
Oaxès, 301.
Oaxus, 301.
Obarator, 151.
Obi, 459.
Obrémo, 313.
Obstination, 323.
Occasion, 381.
Occator, 151.
Occupo, 249.
Océan (l’), 3, 3, 4, 33, 57, 122, 124, 192, 298, 298.
Ochèse, 337.
Ochimus, 126.
Ochtouet, 465.
Ociren, 465.
Ocmé, 332.
Ocnus, 112.
Ocridian, 126.
Ocrisia, 65.
Ocyale, 236.
Ocypode, 268.
Ocyrhé, 100.
Ocyrrhoé, 17, 113, 125, 127, 133, 303.
Odios, 360.
Odite, 293.
Odoëdocus, 261.
Odour, 474.
Odrysius, 212.
OEagre, 116.
OEagras, 99.
OEante, 310.
OEbale, 215.
OEbalus, 101.
OEchalie, 124.
OEdumia, 473.
OElla, 236.
OEnée, 125, 216, 249, 273, 295, 332, 348.
OEneus, 242.
OEnia, 300.
OEnoatis, 79.
OEnoé, 24.
OEnope, 268.
OEnopium, 82.
Oénops, 337.
OEnus, 124.
OEta, 240.
OEteus, 229.
OEtra, 226.
Ofolus, 281.
Ogham, 486.
Ogmios, 486.
Ogmius, 486,
Ogoa, 263.
Ogypès, 192, 204, 253, 268, 269, 281.
Ogypie Néère, 77.
Ogygius, 212.
Ogygus, 253.
Oiarou, 493.
Oïlée, 261, 288, 289, 347, 360.
Oilioll, 489.
Oinos, 216.
Oiseaux (les) de Stymphale, 231.
Okien-Tingri, 446.
Olbie, 268.
Olbios, 145.
Olbodotira, 136.
Oleria, 203.
Oléries, 207.
Olivarius, 229.
Ollam, 490.
Ollondou, 470.
Olympase, 239.
Olympe ou le Ciel, 17, 31, 99, 220, 239, 246.
Olympiades, 94,
Olympie, 52.
Olynthe, 246.
Omadius, 212.
Omane, 468.
Omaouve, 497.
Ombre, 318.
Ombrioa, 21.
Oméciuhati, 491.
Omen, 108.
Ométeuchtli, 491
Omnivaga, 79.
Omophagies, 218.
Omorka, 403.
Omoroka, 403.
Omphacite, 212.
Omphis, 388.
Ompina, 136.
Onceatès, 88.
Onchesties, 266.
Onchestius, 264.
Oncos, 133.
Onésippe, 246.
Onisara, 341.
Onomacrite, 117.
Onouava, 486.
Onuphis, 388.
Oogenès, 176.
Ooh, 395.
Opante, 258.
Operaria, 203.
Opertum, 9.
Ophéleste, 360.
Ophieus, 131.
Ophionée, 50.
Ophite, 246.
Ophtalmetis, 203.
Opifex, 64.
Opigenia, 57.
Opinion, 382.
Opira, 498.
Opis, 57, 74, 83, 115, 119, 304.
Opite, 337.
Opiter, 21.
Opitulator, 21.
Opitulatus, 21.
Opoiam, 494.
Oponte, 258.
Opsigonos, 229
Opsophage, 88.
Optiletis, 203.
Optimus maximus, 21.
Opuns, 258.
Orakail, 212.
Oraxe, 120.
Orbona, 74.
Orchame, 124.
Orchamus, 122.
Orchéloque, 347.
Orchestès, 88.
Orchime, 125.
Orchimus, 133.
Orchoméne, 56, 175, 187, 188, 229, 258.
Orchoméniens (les), 231.
Orci, 320.
Orea, 307.
Oréas, 246.
Orée, 136.
Oresta, 79.
Oreste, 72, 85, 106, 299, 308, 337, 337, 338, 339, 360, 368.
Oreus, 212.
Orgeanes, 219.
Orgiophantes, 219.
Oria, 239.
Oribaze, 81.
Orichamène, 45.
Origène, 394.
Orimen, 108.
Orissa, 341.
Orythye, 24, 83, 118, 193, 209, 236, 248, 279, 304,
Orm, 481.
Orneate, 186.
Orneus, 186.
Orobanie, 114.
Orode, 372.
Orodemniades, 308.
Orope, 45.
Oroute, 372.
Orphée, 46, 115, 116, 121, 288.
Orre-Orre, 497.
Orsédice, 162.
Orseis, 43.
Orsès, 372.
Orsiloque, 337, 352, 360, 360.
Ortchilougui ; 446.
Orthane, 186.
Orthée, 380.
Orthésie, 74, 94
Orthione, 79.
Orthopolis, 122.
Ortygia, 79.
Ortygios, 373.
Orythe, 187.
Osogo, 263.
Oscophories, 149.
Osène, 187.
Osies, 80.
Osira, 498.
Ossilégo, 74.
Ossipaga, 74.
Ostase, 5.
O-té-papad, 497.
Othréra, 69.
Otos ou Otus, 337.
Otrée, 166.
Otréis, 248.
Otrère, 68.
Otryonée, 368.
Ouçadiva[ILLISIBLE]a, 418.
Ouchsit, 470.
Oucoun-Debeltoun, 446.
Oudgitha, 410.
Ouéa, 498.
Ouéaho, 498.
Ouéré, 392.
Ouestucati, 391, 392, 392, 393.
Ougra, 435.
Ougracéna, 441,
Ouma, 436.
Oumar-Ces, 497.
Oupis, 80.
Ouponischat, 410.
Ouranos, ou Uranus, 3.
Ourchadradja, 435.
Ourda, 481.
Ourgiafa, 476.
Ourloufa, 476.
Ourse (grande et petite), 80.
Outama, 422.
Outanavata, 422.
Ovide, 38.
Ovnounou, 498.
Oxiderce, 203,
Oxilus, 69.
Oxinthès, 209.
Oxipore, 162.
Pachouvati, 435.
Pacis, 388.
Pactola, 94.
Pactole, 301.
Pactolides, 308.
Padma, 432.
Padmalaia, 432.
Pacon, 128.
Paconius Draco, 128.
Pagaseus, 88.
Pagasitis, 88.
Pagona, 438.
Pagodes, 443.
Pahlvan, 468.
Pakriti, 436.
Palamède, 17, 252, 281, 337, 350, 52.
Palamnée, 331.
Palantho, 244.
Palata, 413.
Palathie, 244.
Palatini (les), 71.
Palatinus, 88.
Palémète, 118.
Palémo, 310.
Palémon, 65, 65, 238, 246, 288, 310.
Paléno, 332.
Palénus, 267.
Palestines, 328.
Palestre, 255,
Palilies, 154.
Palinure, 372.
Palladium, 106, 205, 207, 361.
Pallas, 4, 26, 28, 34, 35, 35, 45, 203, 205, 209, 230, 243, 244, 246, 289, 321, 373.
Pallenis, 203.
Pallantias, 118.
Pallénée, 68.
Palma, 408.
Palme, 372.
Palmis, 360.
Palœstra, 49.
Palotho, 244.
Paludamentum, 71.
Pambéotès, 207.
Pambotanos, 136.
Pamise, 301.
Pamm, 392.
Pammérope, 137.
Pammon, 358
Pamphague, 81.
Pamphanès, 64.
Pamphila, 133.
Pamphiloque, 126.
Pampholyge, 298.
Pamylies, 217.
Pan, 3, 31, 33, 33, 51, 82, 99, 138, 151, 186, 188, 189, 214, 220, 220, 228, 255.
Panacée, 129.
Panachéenne, 136.
Panacheis, 203.
Panagée, 79.
Panathénées, 206.
Panathénos, 206.
Pandanator, 64.
Pandarus, 209.
Pandies (les), 54.
Pandion II, 54, 69, 193, 209, 209, 239, 242, 279, 289, 304, 332, 337.
Pandios, 21.
Pandore, 4, 65, 41, 42, 210, 248, 348.
Pandore furie, 330.
Pandous, 426, 450, 431, 431, 434.
Panerius, 21.
Pangeus, 69.
Panhellenies (les), 54.
Panhellenius, 21.
Panismos, 21.
Panionies, 266.
Panis, 151.
Panischat, 410.
Panisques, 222.
Panogue, 246.
Panomphé, 21.
Panothée, 106.
Panphile, 332.
Panthée, 360.
Pantidye, 197.
Paonti-Ziat, 444.
Paphia, 158.
Paphienne, 158.
Paphlagon, 357.
Paphos, 170.
Papiri, 498.
Papma, 418.
Paposilène, 220.
Parabara, 408.
Paraeaktl, 407.
Paraçou-Rama, 425, 426, 439, 442.
Parale, 291.
Parama, 408.
Paramaçouara, 408.
Parame, 411,
Parammon, 249.
Parca, 242.
Parès, 154.
Paresse, 382.
Parhaon, 43.
Pâris, 60, 61, 72, 226, 345, 354, 358, 364.
Parnasses, 93.
Parnassides, 94.
Parnetius, 21.
Parnapios, 88.
Paronia, 79.
Paroromoua, 498.
Paroromori, 498.
Parques (les), 3, 3, 15, 29, 38, 137, 313, 323, 327.
Parrhase, 45.
Partes, 74.
Parthénès, 175.
Parthenius, 372
Parthéno, 125.
Parthénon, 122.
Parthénope, 133, 239, 245, 275, 298, 354.
Parthénopée, 44, 125, 274, 274.
Parthéon, 272.
Parvi, 254.
Pasiphaé, 119, 122, 123, 124, 125, 160, 167, 233, 256, 317.
Pasithée, 6, 134, 174, 209, 303, 304.
Patareus, 88.
Patchakamak, 494.
Patelena, 151.
Patellarii, 224.
Patèques, 406.
Patrensis, 136,
Patres, 103.
Patrices, 33.
Patricius, 382.
Patro, 239.
Patrocle, 239, 263, 305, 335, 337, 344, 346.
Patulcius, 382.
Pausanias, 73.
Pauvreté (la), 33.
Pécunia, 200.
Pédase, 359.
Pedias, 209.
Pedicrate, 235.
Pédophile, 136.
Pédrotophe, 136.
Pégasides, 94.
Pelasgie, 158.
Pelagique, 136.
Pelasgis, 136.
Pelate, 260.
Péléades, 110.
Pelée, 17, 178, 227, 265, 288, 296, 297, 297, 302, 343, 498.
Peleiai, 110.
Pélethronius, 293.
Pélias, 60, 91, 237, 238, 268, 281, 282, 283, 300, 344, 372.
Pélion, 34,
Pélipète, 293.
Pellène, 79.
Pellénis, 79.
Pélopides, 334.
Pélops, 47, 69, 76, 186, 231, 261, 263, 331, 332.
Pélorien, 21.
Pelories (les), 21.
Pempléldes, 94.
Pempléennes, 94.
Pencète, 349.
Pénée, 123, 123, 125, 298, 301.
Pénélope, 115, 170, 210, 221, 248, 352, 355, 356.
Pénérés, 297.
Pénetrales, 254.
Pénétralia, 254.
Pénia, 176.
Pennin, 486.
Pentathor, 392.
Penthésilée, 360.
Penthile, 340.
Penus, 14.
Péonia, 203.
Péor, 399.
Pepenouth, 483.
Péphrédo, 259.
Peplum, 206.
Pérate, 282.
Perbère, 259.
Percopes, 241.
Perdicéa, 81.
Perdoit, 483.
Perdrix, 257.
Pérée, 189.
Perephata, 136.
Peréphate, 313.
Péréphaties, 315.
Perfica, 173.
Perfidie, 159.
Pergoubrios, 484.
Péribéc, 44, 44, 83, 240, 248, 268, 271, 733, 281, 295, 297, 300, 310, 340, 346, 355.
Pericionios, 212.
Périclymène, 237, 239, 265, 267, 273, 274, 281, 288.
Périmèdes, 193, 261, 277, 299, 293, 353.
Périmèle, 43, 46, 132, 268, 277, 280.
Preiodékéchan, 469.
Périphas, 21, 46, 50, 132, 293, 295, 295, 331, 337, 372.
Périphème, 337.
Périphène, 360.
Peripnoos, 241.
Péripolte, 112.
Péristère, 160, 170, 175, 178.
Pèristhène, 332.
Permessides, 94.
Pernus, 65.
Peroderech, 468.
Pérou, 494.
Péroun, 483.
Péroune, 471.
Persa, 90, 125, 127, 127, 133, 303.
Persée, 28, 56, 96, 112, 127, 192, 196, 230, 251, 258, 281, 301, 350.
Persephase, 313.
Persephone, 313r
Persès, 4, 26, 28, 118, 125, 133, 162.
Perses (les), 53.
Persique, 113.
Personne, 353.
Persuasion, 175.
Pertunda, 173.
Pervilies, 169.
Pérygone, 290.
Petasatus-Deus, 249.
Pétase, 256.
Péthé, 396.
Pétories (les), 19.
Pétra, 402.
Pétrakari, 438.
Pétreus, 264.
Pétrœa, 303.
Pettalus, 260.
Pétulance, 323
Peur panique, 221.
Phace, 352.
Phaéton, 5, 26, 113, 118, 120, 122, 125, 127, 162, 165, 228.
Phaétuse, 27, 122, 124, 131, 133.
Phagésies, 218.
Phagesioposies, 218.
Phagre, 186.
Phalac, 310.
Phalées, 360.
Phalère, 288.
Phaléros, 293
Phalès, 186.
Phalis, 367.
Phaloé, 310.
Phalsinie, 269.
Phanée, 88.
Phanetas, 60.
Phantase, 325.
Phantès, 332.
Phanus, 288.
Phaole, 28.
Phaon, 170.
Pharès, 255.
Pharetra Dea, 79.
Pharia, 136.
Pharigée, 57.
Pharnak, 79.
Pharos, 137.
Pharté, 332.
Phase, 133.
Phaselis, 85.
Phassa, 313.
Phaton, 29.
Phéa, 290.
Phéacie, 281.
Phéax, 267.
Phébée, 3, 4, 65, 75, 78, 79, 80, 122, 131, 190, 307,
Phédime, 76.
Phèdre, 160, 167, 257, 291, 294, 317.
Phégia, 345.
Phêmen, 108.
Phémius, 355.
Phenéatiques, 148.
Phénée, 348.
Phénéon, 274.
Phénicie, 282.
Phénius, 339.
Phénix, 162, 189, 192, 193, 210, 296, 337, 344, 346.
Phénix Cadmus, 269.
Phénodamas, 362.
Phénon, 243.
Phénops, 243.
Phéomis, 34.
Phère, 313.
Phérè, 44, 237, 287, 288, 372.
Phérècle, 360.
Phéronia, 57.
Phersis, 259.
Phéruse, 304.
Phidippe, 337.
Phigale, 45.
Phila, 158.
Philaletès, 21.
Philalexandros, 88.
Philammon, 98, 114, 115, 121, 133, 288.
Philas, 84.
Philaxis, 121.
Philènes, 399.
Philergé, 332.
Philesius, 88.
Philète, 366.
Phileus, 88.
Philippie, 236.
Phillis, 295.
Phillo, 245.
Phillodocée, 304.
Phillyre, 113.
Philoctète, 288, 289, 335, 350.
Philoctus, 65.
Philodamée, 252.
Philogée, 93.
Philolas, 128.
Philomède, 362.
Philomèle, 66, 70, 139, 200, 209, 343, 3462
Phllomélide, 360.
Philomneis, 158.
Philonomé, 68, 68, 69, 69, 261.
Philonoé, 97.
Philos, 88.
Philostephanos, 57.
Philote, 77.
Philotes, 176.
Philyre, 16.
Phinée, 193, 193, 242, 260, 260, 285.
Phixélios, 21.
Phixios, 21.
Phlasiens (les), 49.
Phlégéton ou Pyriphlégéton, 302, 320, 321, 321.
Phlégon, 93.
Phlégrée, 46.
Phlégyas, fils de Mars, 46, 65, 69, 69, 123, 128.
Phlionte, 82.
Phobétor, 325.
Phocrys, 373.
Phœas, 288.
Phœbades, 107.
Phœbas, 108.
Phœnia, 199.
Phœo, 28.
Phœsile, 28.
Phonolénis, 293.
Phorbas, 88, 100, 124, 132, 139, 220, 232, 260, 271, 283, 293, 301, 344, 374.
Phorcis, 26.
Phorcydes, 259.
Phorcynides, 259.
Phorcys, 3, 4, 5, 29, 282, 360.
Phormion, 243.
Phoroné, 44, 168, 171, 194, 258, 301.
Phosphoros, 4.
Phôtagogie, 145.
Phrague, 248.
Phrasios, 112.
Phratrios, 21.
Phré, 385.
Phrixa, 24.
Phromia, 43.
Phronie, 141.
Phrontis, 337.
Phronron, 392.
Phrygienne, 113.
Phrysès, 267.
Phryxos, 251.
Phryxus, 283, 288
Phtas, 90.
Phtha, 538.
Phthie, 189.
Phthios, 45, 282
Phthius, 43.
Phtia, 125.
Phtonia, 17.
Phubé, 392.
Phyalé, 83.
Phygale, 71.
Phylandre, 121, 121, 126, 133.
Phylaque, 289.
Phylas, 85, 125, 240, 247, 247.
Phylea, 296.
Phyllis, 301.
Phyllone, 245.
Physicus, 21.
Phytale, 139.
Phytalmius, 264.
Phytia, 125.
Pi, 395.
Pichdadiens, 468.
Pictus, 305t
Pidourdéradégats, 418.
Pidyte, 630.
Pièle, 346, 363
Pienesta, 65,
Piéres, 342.
Piérides, 97.
Piérie, 331.
Piermôouh, 396.
Pieros, 98.
Pieté, 383.
Pigas, 234.
Pilargé, 332.
Pilumnns, 224.
Pinarius, 244.
Pindare, 38.
Pion, 247.
Pione, 304.
Piranthe, 61.
Piranthus, 210.
Piras, 61.
Piratus, 210.
Pirène, 300.
Pirithoüs, 132, 237, 288, 292, 296, 311.
Pirus, 360.
Piryroüs, 305.
Pisandre, [ILLISIBLE], 337, 355, 360.
Pisénor, 293.
Pisidice, 43, 46, 68, 69, 277, 268, 281, 282, 310, 344, 350.
Pisinoé, 354.
Pisione, 46.
Pisos, 278.
Pistius, 21.
Pistor, 21.
Pithée, 333.
Pitho. ou la persuasion, 3, 41, 134, 174, 175, 175, 185, 236, 303.
Pithœgia, 218.
Pittacus, 117.
Pitthée, 289.
Placiana, 6.
Placida, 158.
Placidus, 224.
Placie, 362.
Plaisir, 377.
Planètes, 418
Plansepion, 378.
Plato, 180.
Plébéia, 174.
Pleia, 28.
Plenmée, 142.
Plémochoé, 146.
Plésaure, 304.
Plexanor, 303.
Plexaure, 303.
Plexippe, 293, 242, 279, 296, 332.
Plexipus, 49.
Pliste, 123.
Plius, 484.
Plota, 56.
Plote, 47.
Ploto, 189.
Ploutodotira, 136.
Plusios, 21.
Pluton, 4, 11, 14, 26, 32, 32, 33, 33, 47, 49, 51, 237, 240, 310, 311.
Plutus, 30, 139, 141, 199, 199.
Pluviéuses, 28.
Pluvius, 21.
Pnocus, 46.
Pocris, 317.
Podagra, 79.
Podarge, 268.
Podès, 360.
Podoga, 472.
Pœan, 88.
Pœmenis, 81.
Poena, 383.
Poené, 383.
Pœnia, 203.
Pœonius, 88.
Pœriodekech, 468.
Prœstès, 203.
Poghmorrice, 487.
Pogoda, 472.
Polasgue, 258.
Poléla, 471.
Polémon, 358.
Poliade, 203.
Polias, 295.
Poliées, 104.
Polieus, 21.
Polino, 331.
Polinoé, 304.
Polinome, 304.
Politès, 212.
Polius, 88.
Polixène, 345.
Polixo, 28, 191, 236, 307, 332.
Polkan, 472.
Pollear, 440.
Pollentio, 383.
Pollux, 17, 33, 56, 121, 197, 225, 228, 231, 288, 296.
Polos, 150.
Poltis, 243.
Polyalus, 246.
Polybe, 252, 255, 271, 275, 279, 342, 355, 360.
Polycaon, 280.
Polyctée, 245.
Polydamna, 352.
Polydegmenos, 311.
Polyide, 360.
Polydémon, 260.
Polydora, 303.
Polydore, 69, 236, 270, 270, 270, 274, 275, 358, 366.
Polygone, 242, 282
Polyhimno, 28.
Polyme, 214.
Polymède, 282.
Polymnie, 95,
Polyphagus, 229.
Polyphidée, 121.
Polyxo, 332.
Pomélo, 261.
Pompile, 100,
Pronaus, 203.
Pongol, 443.
Poul, 444.
Pontïa, 158.
Pontina, 74.
Pontégénia, 158.
Pontomédon, 264.
Pontoporée, 304.
Popoharra, 498.
Populaire, 158.
Populonia, 57.
Porcès, 367.
Porch, 411.
Porenets, 472.
Porevith, 486.
Porphyrtan, 229.
Porrima, 74.
Porsymne, 57.
Porthée, 346.
Porthméos, 320.
Portitor, 320.
Portuta, 74.
Posidon ou Neptune, 4, 32, 208
Poson, 82.
Posthume, 375.
Postulio, 311.
Postverta, 74.
Pota, 74.
Potamides, 308.
Potamon, 332.
Poteriophoros, 136.
Potestas, 383.
Pothios, 160.
Potica, 74.
Potiri, 385.
Potitino, 244.
Potrimp, 483.
Pouchpaka, 416.
Poudreux, 21.
Poulaia, 409.
Pourascha, 411.
Pourouaha-Viradj, 411, 412, 412.
Pourouschas, 410.
Pouronvouça, 424.
Pourouschas, 410.
Pouster, 485.
Praçana, 432.
Praçouti, 417.
Pradiba, 423.
Pradice, 28.
Pradjahatis, 418.
Prahouta, 411.
Praidoumna, 430.
Pra-Mogla, 423.
Pranâ, 410.
Pranatma, 447.
Prashita, 411.
Pratchéta, 416.
Praxilhée, 310.
Praxithée, 209, 209, 239, 257.
Préléon, 119.
Prema, 173.
Présages, 108.
Preugène, 85.
Prévoyance de l’avenir, 40.
Priam, 60, 111, 118, 122, 166, 339, 362, 362, 372.
Priape, 23, 56, 67, 160, 166, 176, 186, 220, 265, 279.
Priapées, 186.
Priapœus, 88.
Priassus, 285.
Prienne, 236.
Prithivi, 418.
Proacturies, 148.
Proarosies, 149.
Procharistéries, 207.
Proclides, 247.
Proclus, 97.
Procyon, 215.
Prodigialis, 21.
Prœdator, 21.
Prœpes, 176.
Prœpotens, 158.
Prœsès-Juventutis, 249.
Prœsnl, 70.
Prœtides (les), 59, 68, 160, 167.
Prœtus, 60, 97, 192, 261, 273, 332.
Profundus-Jupiter, 312.
Prolès, 289.
Promachus, 249.
Prométhée, 4, 26, 27, 29, 40, 41, 64, 139, 237, 303.
Promylé, 383.
Pronacte, 44.
Pronax, 274.
Prondus, 249.
Prono, 472.
Pronoœa, 203.
Pronoüs, 360.
Pronuba, 57.
Prooptius, 88.
Propatôs, 21.
Propétides, 160, 167, 167, 388.
Propyleus, 249.
Prorsa, 74,
Prosclystius, 264.
Proserpine, 5, 32, 33, 33, 51, 55, 80, 156, 156, 237, 263, 313.
Prostasis, 136.
Prostaierius, 88.
Prostropœos, 21.
Prosymna, 148.
Prosymne, 136.
Protée, 112, 125, 188, 242, 282, 332.
Proténor, 260.
Prothée, 296.
Prothénor, 337.
Prothoé, 236.
Prothoos, 45.
Protogène, 42.
Protogénie, 43, 55, 63, 69, 156, 227, 228.
Protogone, 13, 18, 176, 176, 403, 404.
Protomélie, 304.
Protoos, 337.
Protrygées, 266.
Proudéno, 483.
Prougou, 409.
Providence, 383,
Prudence, 384.
Prylis, 255.
Prymno, 303.
Prytanis, 372.
Psalacanthe, 216.
Psamathée, 125, 134, 210, 227, 282, 304.
Psila, 212.
Psityros, 158.
Psophis, 245.
Psychagogue, 249.
Psychagopompe, 249,
Psyché, 178.
Psythiros, 176.
Ptébiou I, 392, 392, 392, 393.
Ptélea, 307.
Ptelée, 307.
Ptiau, 392, 392, 39[ILLISIBLE].
Ptibiou, 392.
Publici, 254.
Pudicité, 173.
Pudique, 173.
Puella, 57.
Purparéus, 34.
Puta, 151.
Pyanepsies, 104.
Pyctès, 88.
Pygmalion, 375.
Pygmêes, 234.
Pylachante, 360.
Pylagore, 136.
Pylémène, 360.
Pylis, 255,
Pylœa, 136.
Pylon, 281.
Pylos, 69.
Pylus, 43.
Pyracme, 293.
Pyracmion, 26.
Pyranistes, 380.
Pyrechme, 242.
Pyrées, 14.
Pyrène, 68, 68, 83, 98, 245, 268.
Pyrigène, 212.
Pyrodos, 67.
Pyronia, 79.
Pyroûs, 93.
Pyrrha, 4, 42, 42, 43, 51, 227, 278, 344.
Pyrrhus, 305, 337, 340, 342, 345.
Pyrson, 332.
Pysandre, 800.
Pytanis, 360.
Pythyée, 134.
Pythie, 108.
Pythiens, 104.
Pythiques, 104.
Pythis, 127.
Pythoctone, 88.
Pythonisse, 108.
Qaiaip, 493.
Qonnor, 489, 490, 490, 490, 490, 490, 490, 493.
Quadratus, 224,
Quadriceps, 249.
Quairbre, 493.
Quenaradi. 442.
Quetsalcoalt, 492.
Quiétalis, 311.
Quinquatries, 207.
Quintiliens, 222.
Quintilis, 377,
Quirina, 57.
Quirinales (les), 71,
Quirinus, 67.
Quiris, 57.
Ra, 385.
Raccommodemens, 159.
Radamanthe, 56
Radégaste, 484.
Radgast, 472.
Radja, 412.
Radjas, 414.
Radienkiedde, 479
Raesfelgr, 478.
Ragas, 419.
Raguar, 481.
Raguinis, 419.
Rahou, 435.
Raivata, 415.
Rakchaça, 425.
Ram, 409.
Rakholi, 445.
Ramales, 218.
Ramanor, 394.
Rambha, 413.
Ranza, 446.
Raonosi, 392.
Raouçalia, 428.
Rapitan, 465.
Rasdi, 485.
Ratavaréia, 439.
Rætoc, 423.
Rakchaças, 413.
Ravi, 418.
Razeputes, 409.
Réa-Silvia, 68.
Recticordia, 158,
Redarator, 151.
Réfan, 396.
Regina, 57.
Reinaor, 391.
Reivas, 367.
Reivata, 413.
Rambomaré, 391, 391, 392, 392, 394.
Remfa, 396.
Remphan, 396.
Remphomare, 394.
Rémule, 373.
Rémuries, 319.
Rémus, 69.
Renommée (la), 55.
Renoudji, 439.
Renonka, 442.
Réoni, 394.
Réono, 394.
Réthénor, 337.
Révérentia, 383.
Rhacios, 112.
Rhadamanthe, 33, 56, 190, 193, 231, 262, 322.
Rhadius, 281.
Rhamnusis, 326.
Rhamnutia, 326.
Rhapsodies, 218.
Rhapsodon, 218.
Rharia, 136.
Rharion, 144.
Rhétée, 68.
Rhéné, 252.
Rhétie, 283.
Rheîa, 10.
Rheionia, 57.
Rhénêe, 347.
Rhœo, 381.
Rhéodotion, 216.
Rhésus, 96, 348, 352, 360, 367.
Rhîa ou Rhéa, 4.
Rhia ou Cybèle, 3.
Rhin, 483,
Rhinocolustès, 229.
Rhinthoussar, 481.
Rhodès, 125, 125, 131, 133, 332.
Rhododactylos, 118.
Rhodope, 268.
Rhoudra, 435.
Richesse, 141.
Ridens, 158.
Rïdiculi, 175.
Ridiculus, 383.
Rimgaxe, 481.
Rinacrie, 283.
Rine, 498.
Riodora, 135.
Riouri, 392.
Ripheus, 278.
Robigalies, 151.
Robigo, 151.
Robigus, 151.
Rœcus, 293.
Rogani, 421.
Rama, 374.
Ramana, 57.
Rome, 53.
Rome (la déesse), 55.
Romé, ou la Force, 69
Ros, 383.
Rosea Dea, 118.
Roséè, 83.
Rota, 478.
Roth, 483.
Rothou, 483.
Roudra-Savarni, 413, 413, 427.
Roustam, 468.
Routchéia, 413.
Rubigo, 151.
Rubona, 150.
Rumia, 75.
Rumanées, 74.
Rumeina, 151.
Rumina, 75.
Rumisca, 75.
Ruminus, 21.
Runes, 479.
Rupinie, 151.
Rurales, 254.
Rurine, 151.
Rusina, 383.
Rusine, 151.
Rusor, 151.
Rutine, 151.
Sabasien, 212.
Sabasius, 195.
Sabon, 383.
Saboukour, 477.
Sabus, 383.
Saca-Samana, 444.
Sacris, 417.
Sade, 468.
Sagaris, 114.
Sagittaire, 102.
Sahadéva, 431.
Saintès, 203.
Saïoutcham, 409.
Saïs, 203.
Sakha, 415.
Sakahala, 448.
Sakhya, 444.
Salacie, 267.
Salagramma, 423.
Salambo, 158.
Salaminius, 21,
Salbiudhe, 490,
Salète, 203.
Salganeus, 88.
Saliares Dapes, 71.
Saliens (les douze prêtres), 70.
Saligena, 158.
Salisubsolus, 67.
Salius, 372.
Salivahama, 448.
Silm, 467.
Salmacis, 310.
Salmaus, 166.
Salmonée, 43, 44, 48, 277, 281, 331.
Salpinx, 203.
Saltator, 88.
Saltona, 412,
Salsipotens, 264.
Salus, 129.
Salutifer Puer, 128.
Salvizona, 57.
Samba, 435.
Sambète, 311.
Samedi, 378.
Samen, 398,
Samie, 301.
Samienne, 113.
Samiques, 266.
Samius, 264.
Sammen, 444.
Samoudra, 425.
San, 383.
Sanadinam, 418.
Sanct, 383.
Sancta, 313.
Sancus, 380.
Sandana, 423.
Sandjiaioga, 409.
Sang, 383.
Sanglier de Calydon, 91.
Sanglier (le) d’Erymanthe, 231, 232.
Sâniaci, 443.
Senkara, 448.
Santadaven, 443.
Santarnou, 439.
Santi, 409.
Sao, 304.
Saodcuaodani, 444.
Saofi, 392.
Saotès, 21.
Sapho, 170.
Sapodiguer, 466.
Saptartschir. 410.
Saraçouati, 413, 414, 417, 433.
Saraswadi, 425.
Sarde, 247.
Sardessus, 21.
Sarécéokh, 468.
Sarga, 438.
Saronies, 86.
Sarparadja, 434.
Sarpédon, 56, 97, 188, 193, 238, 243, 262, 283, 347, 367.
Sarpédonia, 79.
Sarritor, 151.
Sastialoka, 412.
Sarvamangalam, 436.
Satadroupaï, 409.
Satadroupi, 428.
Sataroupa, 409.
Saté, 395.
Satelles, 320.
Sati, 417.
Satinies. 360.
Sator, 151.
Satroughna, 421.
Satroukna, 428.
Saturitas, 383.
Saturne, 4, 14, 19, 32, 33, 33, 89, 378, 396.
Saturnia, 57.
Saturnie, 15.
Saturnigena, 21
Satyres, 220, 220, 222, 252, 255.
Sauros, 242.
Saurotochnos, 88.
Saüs, 252.
Savarni, 413.
Savel, 466.
Saxanus, 229.
Scabies, 383.
Scada, 474.
Scamandrios, 360.
Scaphisias, 115.
Scéa, 332.
Schédius, 335, 337
Schkai, 469.
Schekovitsa, 471.
Schénée, 167.
Sciatis, 79.
Scillius, 21.
Sciron, 278.
Scirophorion, 378,
Scotia, 84.
Scotius, 21.
Scaith, 489
Scylla (le monstre), 5, 29, 38, 235, 238, 257, 280, 282.
Scyllurtès, 260.
Scyphios, 000.
Scyron, 290
Scytalosagitti peltiger, 229.
Scythès, 246.
Scythitès, 212.
Scython, 187.
Sdeus, 22.
Seanganu, 488
Secespite, 312.
Sécha, 426, 434
Séchet, 391.
Sécrétus, 21.
Sède, 468.
Séfendomad, 465
Segetia, 151.
Ségétius, 151.
Segnities, 332.
Seïa, 151.
Seine, 493.
Séis ; 310.
Selecti, 32.
Sélemne, 171.
Sélène, 395.
Sélinonte, 283.
Selinuntius, 89.
Semalens, 21.
Semel, 89.
Sémélée, 56, 59, 69, 123, 275, 192, 194, 213.
Semfo, 391.
Semfoukrat, 392.
Semi-Caper, 221.
Semina, 151.
Semi-Pater, 380.
Sémivires, 9.
Semones, 33,
Senac, 482.
Sénélé, 221.
Senius, 383.
Sénoé, 221.
Sensaofi, 392.
Sentia, 75.
Sentine, 75.
Sept chefs, 168, 272
Sépharoïtes, 406.
Séphon, 399.
Sepsa, 101.
Séra, 151.
Sérapis, 139, 194, 262, 311, 387.
Sérénator, 21.
Sérénus, 21,
Sergeste, 372.
Serimner, 479.
Serpent, 139.
Serpentaire, 131.
Servator, 21.
Sésara, 137.
Sessies, 151.
Set, 392.
Séta, 68.
Seunour, 476.
Séva, 472.
Sextilis, 377.
Shaaka, 444.
Shraddadéra, 422.
Shraddha, 411.
Siamck, 468.
Siba, 472.
Sicelides, 94.
Sichée, 375.
Siculus, 283.
Sicyone, 66.
Sicyonia, 203.
Siddharta, 444.
Siéba, 484.
Siémé, 391, 392, 392, 392, 394.
Siga, 204.
Sigillaria, 19.
Signir, 477.
Sigurd, 481.
Silènes, 213, 214, 220, 220, 222.
Silvains, 220.
Silvanus, 67.
Silvia, 5.
Simèthe, 299.
Simœthée, 223r
Simoise, 360.
Simulacrum, 318.
Sindar, 476.
Sinis, 290.
Sinoé, 310.
Sinœcies, 207.
Sinope, 69, 125, 236, 300, 134.
Siorlamh, 489.
Siphoas, 392.
Sipyle, 77.
Sipylêne, 6.
Sirius, 392.
Sisichthon, 264.
Sysiphe, 43, 48, 96, 190, 277, 256, 281, 331, 351.
Sistochichermès, 392.
Sisyphide, 352.
Sisyphon, 27.
Sitabe, 472.
Sithacer, 393.
Si-Tiearna, 487.
Sito, 136.
Siton, 151.
Siva, 407, 413, 413, 415, 418, 435, 436, 472.
Sivalingha, 435.
Siva-Rondra, 427.
Skada, 476.
Skade, 476.
Skalda, 481.
Skidner, 481.
Skinfaxe, 479.
Skirner, 476.
Skoll, 478.
Slata, 469.
Slirlams, 484.
Sminthé, 106.
Smintheus, 89.
Sneachta, 490.
Snoefells, 482.
Soana, 440.
Socigena, 57.
Soerimner, 481.
Sœva déa, 79.
Sogde, 444.
Solanus, 278.
Soleil (le), 3, 4, 33, 66, 174, 378, 385.
Soloon, 302.
Soma, 418.
Somadinam, 418.
Somadivaca, 418.
Somavansi, 417.
Somenat, 402.
Sondon, 229.
Sophax, 246.
Sor, 466.
Soranus, 311.
Sorgon, 412.
Sororia, 57.
Soscrate, 243.
Sosianus, 89.
Sosipolis, 21.
Soteres, 225.
Sotis, 391.
Souadacal, 408.
Souadaçatta, 408.
Souaïambhou, 407, 408, 413, 428.
Souaïambhouva, 407, 408, 415, 419.
Souan, 395.
Souara, 419.
Souarnareta, 418.
Soubramanïa, 440.
Souchoé, 394.
Soucis, 324.
Soudra, 409.
Soudrani, 409.
Sougaitoion, 469.
Soukradinam, 418.
Soumbha, 440.
Soumérou, 436.
Sounda, 420.
Sounna, 482.
Sounati, 422.
Soupçons, 379.
Soupirs, 159.
Souracéna, 424.
Souracouati, 408.
Souralaïa, 436.
Souria, 413, 417, 417, 417, 418, 426.
Souriadiraça, 418.
Souriavansas, 426.
Souriavansi, 417.
Sous, 468.
Souscbiram, 411.
Souta, 424.
Soutadanni, 444.
Souttoung, 480.
Souvahou, 428,
Sovk, 396.
Spain, 489.
Sparta, 101.
Sparte, 248.
Spartée, 263.
Spartes, 269.
Spermo, 106.
Spes, 380.
Sphalie, 212.
Sphingius, 471.
Sphinx (le), 59, 97, 234, 259.
Sphragitides, 308.
Spicifera, 136.
Spinensis-Deus, 151.
Spio, 304.
Splanchnotomos, 225.
Spondé, 16.
Spondius, 89.
Spodius, 89.
Sponsor, 21.
Spumigena, 158.
Srikner, 481.
Sriraga, 419.
Srirama, 421.
Stamen, 392.
Stamsa, 414.
Staphyle, 125, 215, 216, 288, 291, 294.
Staphylite, 212.
Stata, 383.
Statina, 75.
Statinus, 75.
Statolas, 275.
Stator, 21.
Stellio, 138.
Sténébée, 210.
Sténélé, 127.
Sténélus, 301.
Stentédice, 245.
Stentor, 337.
Stèque, 391.
Sterculinus, 151.
Stercutius, 151.
Stérope, 3, 26, 65, 68, 69, 236.
Steroppegérête, 21.
Sterquilinus, 262.
Sthénies, 207.
Sthênios, 22.
Sthénélas, 360.
Sthénélus, 44, 231, 261, 332, 351.
Stichios, 243.
Stictèque, 81.
Stilbio, 249.
Stimula, 383.
Stiritide, 136.
Stiritis, 136.
Stochnéné, 391, 392, 392, 392.
Storiounkar, 482.
Strati, 409.
Stratobote, 261.
Stratonice, 239.
Strenia, 383.
Strimon, 298.
Stygné, 332.
Stygïus-Jupiter, 311.
Stymphale (le lac), 123, 125, 133, 210, 233.
Stymphalie, 79.
Styrautis, 89.
Styx, 4, 28, 30, 34, 55, 140, 303, 315, 320, 321, 322.
Suantowith, 472.
Subruncator, 151.
Subruncinator, 151.
Subsolanus, 278.
Succincta, 79.
Suniade, 203.
Suniarate, 264.
Supinalis, 22.
Supramania, 442.
Surot, 396.
Surtur, 475.
Suties, 443.
Suttoung, 480.
Svaltarfar, 473.
Syagre, 114.
Sycée, 29.
Syké, 307.
Sylcus, 242.
Syléa, 290.
Sylla, 55.
Syme, 279.
Symmachie, 158.
Symmachie, 158.
Synallaxis, 307.
Sylvestris, 67.
Sylvius, 375.
Sypyle, 76.
Syria, 158.
Syrius, 215.
Syrna, 351.
Taaut, 405.
Tabachi, 443.
Taboa, 498.
Tachter, 466.
Tacita, 383.
Tadius, 443.
Tagès, 381.
Tailte, 489.
Takghanpada, 498.
Talthybius, 337.
Talyra, 226.
Tama, 412.
Tamagisanhach, 498.
Tanacé, 79.
Tanaide, 158.
Tanatéa, 498.
Tanfana, 485.
Tanius, 239.
Tanna, 498.
Tantale, 47, 56, 76, 77, 139, 189, 194, 263, 331, 334.
Tantale II, 334.
Tantalides, 334.
Taoa, 498.
Tapas, 410.
Taphos, 268.
Tara, 420.
Taraka, 428.
Taras, 283.
Tardipes, 64.
Tarenteus, 22.
Targélien, 378.
Targélios, 90.
Tarik, 466.
Tariava, 497.
Ta-roa-teai-étoumon, 497.
Tarpéia, 14.
Tarpéiens (les jeux), 54.
Tarpeïeus, 22.
Tarquin-le-Superbe, 54.
Tarquitus, 223.
Tarsus, 22.
Tartareus, 322.
Tartius, 22.
Tarvos, 485.
Tatousio, 496.
Taumâtras, 411.
Taureau de Marathon (le), 102, 231.
Taureus, 264.
Tauricephale, 212.
Tauriceros, 212.
Tauricornes, 212.
Tauriformis, 212.
Taurione, 79.
Tauroboles, 84.
Taurocephale, 112.
Taurocholies, 266.
Teuromorphe, 212.
Taurophages, 298.
Taurophane, 212.
Taurophonos, 229.
Tauropolis, 216.
Tavides, 498.
Taxicrate, 239.
Taygète, 27, 56, 56, 189, 236, 263, 263, 332.
Tchacra, 427.
Tchaitra, 437.
Tchanda, 440.
Tchandalas, 439.
Tchandaravali, 440.
Tchankarinïrpon, 415.
Tchandradhara, 435.
Tchatouranama, 408.
Tchernorbog, 472.
Tchidaktchi, 446.
Tchoudravansi, 417.
Téaire, 498.
Teatame, 194.
Téathair, 488.
Tébée, 68.
Tebennis, 57.
Tecmesse, 347.
Tedschas, 410.
Tée, 499.
Tegatès, 127.
Tégyre, 142.
Tégyreus, 89.
Téhmouret, 467.
Télamon, 17, 93, 227, 288, 296, 297, 346, 351.
Telchin, 66.
Telchines, 9, 12, 66, 124, 134.
Telchinia, 403.
Telchinius, 89.
Téléboas, 45.
Télédame, 357.
Télégone, 34, 36, 99, 127, 196, 242, 282, 354, 357.
Teleidia, 204.
Teleios Gamos, 58.
Télémène, 24.
Téléphassa, 269.
Téléphasse, 193.
Télessigamos, 57.
Télesphore, 129.
Telestho, 303.
Télètes, 144.
Teleutagoras, 239.
Télia, 57.
Telifer, 176.
Tellumo, 311.
Tellurus, 151.
Telmesse, 134.
Telmessiens, 89.
Tembrius, 89.
Téméliouque, 264.
Temenitès, 89.
Téménus, 57.
Teucer, 335.
Temide, 498.
Tempérance (la), 30.
Tempête, 383.
Tenarus, 56.
Teneatès, 89.
Ténèbres (les), 3.
Ténée, 57.
Ténérus, 124.
Tenites, 327.
Téotl, 492.
Te-ouetton-matarai, 497.
Tepisatosoa, 391.
Tépisatras, 392.
Terambe, 283.
Térènc, 68.
Terensis, 151.
Téridaé, 342.
Termère, 238.
Terminales, 224.
Termïnalis, 22.
Terpsicratie, 239.
Terra, 5.
Terre (la), 3, 3, 5, 33, 118, 141, 176, 268, 385, 396.
Terre-Loi (la) des Grecs, 29.
Ters, 446.
Tertame, 194.
Teskatlibochtll, 492.
Telai, 498.
Tête de Méduse, 35.
Térhys, 57, 192, 240, 298, 303, 304.
Teucer, 188, 227, 228, 338, 346, 351, 361.
Teucris, 361.
Teut, 486.
Teutat, 486.
Teuthis, 338.
Teuthras, 239, 338, 347, 360, 368, 372.
Tévétat, 423.
Tezcalipoca, 492.
Thalassia, 158.
Thalassius, 185.
Thalaüs, 60.
Thalès, 245.
Thalie, 96, 125, 134, 174, 188, 303, 304.
Thalma, 158.
Thalpe, 338.
Thammouz, 406.
Thamyras, 113.
Tharzé, 398.
Thargelios, 89.
Tharops, 116.
Thase, 50.
Thasiens, 53.
Thasius, 229.
Thassala, 246.
Thaumantia, 72.
Thaut, 250.
Théa, 118.
Thaaut, 390
Théagène, 52.
Thébée, 42, 44, 56, 56, 69, 188, 189, 201, 269, 380.
Thébes, 49.
Thelessigania, 158.
Thélie, 65.
Thelphissa, 239.
Telxiépie, 354.
Thelsine, 282.
Thémir, 360.
Thémis, 3, 16, 26, 30, 30, 55, 75, 90, 134, 166.
Thémis (la Titanide), 29.
Thémistiades, 308.
Thénell, 392.
Théodamas, 34, 35, 113, 242, 284.
Théœnies, 218.
Theœnus, 212.
Théogamia, 313.
Théogamies, 315.
Théognète, 282.
Théophanies, 105.
Théores, 291.
Théosolk, 391, 391, 392, 392, 395.
Théolt, 491.
Théoxènies, 105.
Théra, 77.
Théramène, 310.
Théras, 295.
Thérimaque, 246.
Théritas, 67.
Thermesia, 136.
Therminus, 89.
Thermodon, 302.
Thermona, 309.
Thersanon, 134.
Thersippe, 360.
Thersite, 348.
Thésée, 17, 36, 48, 49, 83, 139, 208, 214, 226, 236, 280, 289, 296, 331.
Théséium, 294.
Thesmia, 136.
Thesmophore, 136.
Thesmophories, 147.
Thespia, 300.
Thesprotus, 126.
Thessalie, 48.
Thestius, 43, 70, 124, 197, 239, 273.
Thestor, 111, 112, 112, 347, 360.
Thétis, 30, 41, 41, 178, 236, 304, 343.
Theuth, 390.
Thiasse, 476.
Thiassi, 478.
Thié, 45.
Thioneus, 212.
Thisbé, 300.
Thisoa, 24.
Thoantea, 79.
Thoas, 44, 85, 162, 166, 216, 239, 335, 338, 360, 373.
Thock, 475.
Thoane, 45.
Thonis, 342.
Thoos, 29.
Thopibué, 392.
Thopitus, 393.
Thouéri, 390.
Thourios, 67.
Thous, 81.
Thora, 481.
Thorius, 89.
Thorron, 480.
Thrace Athéniens, 279.
Thracie, 70.
Thrassa, 168.
Thrax, 70.
Threix, 212.
Thries, 90.
Thris, 105.
Thrim, 474.
Thritta, 69.
Thrittia, 68.
Throudgelmer, 474.
Thaumas, 268.
Thuatha, 488.
Thumis, 392.
Thurius, 67.
Thurz, 398.
Ths, 469.
Thyas, 36, 56, 89, 120, 121, 126, 127, 141.
Thycée, 45.
Thyella, 268.
Thyène, 28.
Thyiades, 219.
Thyias, 219.
Thyies, 219.
Thymbreus, 89.
Thymbris, 221.
Thymète, 360.
Thymethès, 209.
Thynnies, 266.
Thyonœus, 216.
Thyosimaré, 392.
Thyrhenoletès, 212.
Thyrœus, 89.
Thysia, 189.
Tiamaarataao, 499.
Tiase, 301.
Tibatérien. 420.
Tibériades, 308.
Tibérines, 308.
Tibérinides, 308.
Tibérinus, 112.
Tiburnus, 246.
Tiburtine, 113.
Tiburtus, 246.
Tiella, 493.
Tiermes, 479.
Tigasis, 246.
Tikoa, 402.
Timarate, 236.
Timor, 71.
Timber, 373.
Tindare, 197.
Tinga, 245.
Tingrien, 444.
Tinne, 489.
Tiodamas, 113.
Tiphon, 394.
Tiphys, 283.
Tirésias, 59, 113, 113, 124, 184.
Tiro, 268.
Tirounnal, 443.
Tiryntius, 231.
Tisie, 113.
Titania, 79.
Titanis, 204.
Titanocrator, 22.
Titanomachie, 34.
Titarise, 293.
Titée, ou la Terre, 3, 5, 128.
Tithie, 66.
Tithion, 128.
Tithonia Conjux, 118.
Tithorée, 307.
Tithrone, 203.
Tithrambo, 329.
Titou, 498.
Titrambo, 388.
Tityas, 188.
Titye, 34, 56, 76, 188, 263, 331.
Tloquenahuaque, 491.
Tmarius, 22.
Tmole, 17, 36, 47, 56, 70, 83, 99, 263, 282.
Tmolus, 241.
To, 385.
Tœditera, 57.
Tœgar, 391.
Tœdifera, 136.
Togata, 57.
Toion, 470.
Tonatricli, 491.
Toni, 392.
Tonnens, 22.
Topitus, 392.
Tortor, 89.
Tosius, 466.
Totam, 493.
Toukoa, 402.
Touparan, 493.
Toupan, 497.
Tour, 467.
Toxée, 296.
Toxeus, 281.
Toxophore, 89.
Tragebon, 212.
Tragephore, 221.
Tragius, 89.
Tragocelès, 221.
Trambele, 346.
Transports, 159.
Trapèze, 45.
Trasymède, 350.
Treize Douze, 395.
Trestonie, 383.
Trézène, 333.
Triambus, 212.
Triballe, 70.
Tricankou, 415.
Tricoœus, 128.
Triceps, 249.
Triclaria, 79.
Tricterides, 219.
Tricteriques, 219.
Trictiries (les), 71.
Trictyes (les), 71.
Tridentiger, 264.
Triennales, 219.
Trifaux, 322.
Trigaranos, 485.
Trigemina, 84.
Trigla, 484.
Trigone, 128.
Trilotchana, 435.
Trinoctius, 229.
Trioditis, 84.
Triopas, 39, 139, 155, 210, 267, 283, 301.
Triope, 134.
Triopius, 89.
Triplices, 327.
Tripourandaga, 435.
Triptolème, 138, 139, 139, 386,
Tritémis, 126.
Tritentifer, 264.
Trito, 204.
Tritogénia, 203.
Tritogénie, 276.
Tritons (les), 33, 203, 204, 205, 280, 298.
Tritonis, 203
Tritopators, 263.
Trismégiste, 249.
Trisocephale, 84.
Tristes, 28.
Triumphalis, 229.
Trivius, 249.
Troceopeplos, 118.
Tronismos (le), ou intronisation, 66.
Throphonius, 22, 54, 108, 109, 110, 249.
Tropœa, 57.
Tropœophorus, 21.
Tséarnach, 490.
Tsithnealloch, 489.
Tsour, 465.
Tuatha-Dadan, 487, 488, 489, 489, 489.
Tuathadadna, 487.
Tufolie, 252.
Tumulte, 71.
Tuna, 203.
Turax, 67.
Turnus. 112, 252, 262, 371, 373, 376.
Tusculus, 246.
Tutela, 151.
Tutelina, 151.
Tutivi, 187.
Tutulina, 151.
Tybrès, 139.
Tychis, 254.
Tydée, 44, 125, 240, 272, 273, 288, 295, 336, 348.
Tydides, 274.
Tyndarée, 341.
Typhée, 34.
Typhoé, 26, 36, 41, 58, 63, 63.
Typhon, 5, 34, 58, 97, 234, 271, 386, 390.
Typhonium, 37.
Tyrbé, 217.
Tyrésias, 112.
Tyrie, 331.
Tyrinthius, 229.
Tyrme, 399.
Tyre, 44, 48, 68, 91, 238, 277, 281, 300.
Tyrus, 158.
Tytival, 311.
Uar, 489.
Udée, 270.
Ufence, 373.
Ugainemore, 487.
Ulysse, 17, 79, 112, 115, 210, 335, 338, 351.
Ulius, 89.
Umbro, 373.
Umbrum, 318.
Umer, 476.
Unigena, 203.
Uragus, 311.
Uranie, 96, 125, 133, 158, 158, 303, 305.
Urbani, 554.
Urius, 22.
Utérina, 75.
Vaçanta, 419.
Vaciani, 409.
Vacoudéva, 421, 424, 430, 431, 432.
Vacoudji, 434.
Vagitan, 75.
Vaha-Fonoua, 497.
Vahgon, 416.
Vaichenavins, 443.
Vaichuavi, 417.
Vaicihas, 409.
Vaikhounta, 427.
Vaitarani, 422.
Vaivasvata, 408.
Vaizgantho, 472.
Valenti, 131.
Vallach, 487.
Vallones, 308.
Vallonia, 380.
Valmiki, 414.
Vamadeva, 435.
Vane, 476.
Vanou, 498.
Varaha, 425.
Varahi, 417.
Varchi, 413.
Varron, 229.
Vasi, 476.
Vasirecth, 466.
Vataram, 425.
Vates, 105.
Vaticanus, 111.
Vautour de Prométhée, 38, 259.
Vé, 473.
Véani, 418.
Véchak, 467.
Védams, 409.
Veientana, 57.
Veikounta, 412.
Veirava, 436.
Veiravert, 441.
Vejor, 312.
Vejow, 22.
Vendemiales, 219.
Vendredi, 378.
Vénus, 4, 5, 33, 35, 41, 51, 55, 60, 65, 68, 73, 94, 100, 156. 157, 158, 164, 173, 174, 176, 268, 269, 377, 378, 396, 398
Vérandi, 481.
Vérava, 441.
Vergilies (les), 27.
{p. 549}Vérité (la), 17, 56, 201.
Vertïcordia, 158.
Vertumnales, 153.
Vesta, 4, 11, 13, 28, 33, 236, 378, 396.
Veurdour, 476.
Vestales, 14.
Vestalies, 14.
Vesta Prisca, 13.
Vésuve (le mont), 38.
Vervactor, 151.
Viaça, 414.
Viales, 254.
Vibilie, 383.
Vibraspati, 418.
Vichitraviria, 431.
Vichnou, 407, 409, 413, 418, 421, 424, 434.
Vichnouite, 448.
Vichnouïstes, 424.
Vichnu, 425.
Vicilinus, 22.
Vicouakarma, 413.
Victa, 383.
Vidahta, 421.
Vidars, 476.
Vidoura, 431.
Vidua, 56.
Vidyout Pourouscha, 411.
Vie, 377.
Vierge blanche, 83.
Vigouaressa, 440.
Viroasa, 391.
Vikara, 411.
Vikrama, 448.
Vilé, 473.
Viliama, 415.
Villicus, 67.
Vima, 434.
Vioman, 411.
Vioma-Gécha, 436.
Vindima, 245.
Virabhadra, 436.
Virago, 203.
Virakotcha, 494.
Virapatra, 438.
Virginalie, 173.
Virginensis, 173.
Virginiouris, 173.
Virgo, 330.
Viriplaca, 185.
Viroaso, 395.
Virousakcha, 436.
Vishraroupa, 410.
Vishvakarman, 44.
Visnou, 424.
Vitchitraviria, 440.
Vitiaders, 418.
Vitiadharas, 418.
Vitslibochtli, 491.
Vitumne, 75.
Vivaçouata, 427.
Vivasvat, 422.
Vivengham, 467.
Volumnus, 185.
Volutine, 151.
Volutrine, 151.
Vourchaito, 483.
Vribaspatidinam, 418.
Vrihaspati, 420.
Vrindha, 441.
Vuichnou, 425.
Vulcain, 12, 31, 33, 40, 41, 55, 56, 58, 61, 63, 68, 176, 198, 209, 378, 396.
Vulcanales, 64.
Vulcani, 289.
Vulcanus, 63.
Vulturius, 89.
Vulturnus, 278.
Xaca, 444.
Xantée, 236.
Xanthione, 129.
Xanthis, 244.
Xantho, 304.
Xenia, 203.
Xénoclée, 241.
Xenodrice, 257.
Xerax, 399.
Xeuxo, 303.
Xinteuchtli, 491.
Xiphephores, 136.
Xisutrus, 405.
Xudân, 349.
Yama, 422.
Yphtimé, 222.
Zacinthe, 243.
Zacore, 260.
Zagrée, ou Bacchus, 5, 212, 263, 314.
Zambam, 341.
Zambi, 341.
Zan, 22.
Zaretch, 466.
Zatheus, 89.
Zavina, 470.
Zarie, 94.
Zéa, 84.
Zébach, 399.
Zébaoth, 399.
Zéboub, 399.
Zeidora, 136.
Zémargla, 472.
Zèmes, 493.
Zémie, 148.
Zénogonos, 22.
Zéomébog, 472.
Zeous, 395.
Zéphyre, 28, 38, 101, 176, 180, 278.
Zéphiritis, 158.
Zéphirs, 118.
Zermagea, 473.
Zéthus, 56, 77, 191, 209, 263.
Zev, 22.
Zevs Phyxios, ou Jupiter de la fuite, 42.
Zeuv, 22.
Zeuxidia, 57.
Zews, 4.
Zhoutertaure, 392.
Zhrall, 476.
Zhridi, 476.
Ziat, 471.
Zidora, 136.
Zigiâ, 57.
Ziva, 383.
Zodiaque (le), 226.
Zohak, 468
Zonè, 172.
Zoogones, 383.
Zoogonos, 22.
Zosterius, 89.
Zoteatès, 89.
Zotelistès, 89.
Zouhé, 496.
Zygie, ou Junon janxia, 574.
FIN.