Correspondances écrites et reçues par Jean Paulhan (1925-1936 et 1950-1958), éditées en collaboration avec l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC, Caen) et la Société des lecteurs de Jean Paulhan (SLJP).

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Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).

Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :

  • 1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
  • 1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…

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  • Pour obtenir des informations biographiques sur Jean Paulhan, ou se renseigner sur les activités de la Société des Lecteurs de Jean Paulhan, consultez le site de la SLJP.
  • Pour consulter les archives-papier originales de Jean Paulhan à l'abbaye d'Ardenne, inscrivez-vous à l’IMEC.

1936/1958

Fernand Baldensperger à Jean Paulhan

Correspondance (1936–1958)

2016
Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL, 2016, license cc.
Source : IMEC, fonds PLH, boîte 97, dossier 020089
Ont participé à cette édition électronique : Clarisse Barthélemy (Responsable éditorial), Camille Koskas (Responsable éditorial), Simon Battistella (Transcription) et Anne-Laure Huet (Édition TEI).

Fernand Baldensperger à Jean Paulhan (1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 97, dossier 020089 – 1936.
Mon cher confrère

Facile à réparer, la bizarre intervention de l’imprimeur : le monde n’est pas encore assez à l’envers pour que vous condamniez Vigny, déjà si maltraité par le sort, à venir à reculons, et à traverser 1853 avant 1852.

J'espère que le déchiffrage Thibaudet sera terminé avant mon ré-embarquement pour l’Amérique le 21 août : ce serait dommage que son « hoirie » ne puisse être créditée de ce travail s’il y avait quelque chose à en tirer comme je persiste à l’espérer. Nous aurions eu l’occasion d’échanger quelques vues au sujet du XVIIè siècle, si rétréci par les histoires littéraires à la Nisard, si digne d’être remis dans son vrai jour – ce qu’il comptait bien faire …

Croyez, mon cher confrère, aux sentiments très sympathiques de

votre dévoué

F Baldensperger

Fernand Baldensperger à Jean Paulhan (16 juin 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 97, dossier 020089 – 16 juin 1936.

14 rue de l’Abbé de l’Épée, V

Cher Monsieur

Votre dactylographe a-t-elle pu faire taper les hiéroglyphes d’Albert Thibaudet ? Je serais heureux, et de pouvoir faire mon estimation de son « avoir », et de lui donner un continuateur pour les zones non converties par son ingéniosité – et j’avoue que, réduit à mes propres moyens, je n’aurais guère été capable de déchiffrer cette cursive. Vous rappelez-vous [nom illisible] Eliot qui, convertie à la religion de la solidarité humaine, commença donc par réformer son écriture ? Combien de nos contemporains devraient prendre des cours du soir de calligraphie – y compris peut-être parfois votre dévoué

F Baldensperger

[au recto de la carte postale]

Monsieur Jean Paulhan

NRF

Rue de Beaune

Paris

Fernand Baldensperger à Jean Paulhan (14 août 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 97, dossier 020089 – 14 août 1936.

14 rue de l’Abbé de l’Épée V

Cher Monsieur

Bravo Thibaudet ! Son inaptitude à tout travail en équipe, qui allait de son tenace célibat à sa mauvaise écriture, ne pouvait guère manquer de lui jouer un tour comme celui que vous m’avez signalé : la seule secrétaire en mesure de le lire empêchée, par la naissance d’un bébé, de faire son travail de déchiffrage ! Je viens de passer à la NRF, de retour, hélas ! du plus douloureux des pèlerinages, et comme personne ne peut me renseigner en dehors de vous, je m’excuse de rompre des vacances bien méritées. Trois mois s’ajoutant à une forte année de retard, c’est un peu gênant pour une « organisation » : comme je retourne aux États-Unis à la fin du mois, il me faudra bien aviser à remplacer notre érudit impressionniste, et j’en suis désolé. Mais que faire ? J'ai sous les yeux les lettres où Thibaudet était « d’accord », finalement, pour le mois de mai : la mort, ici, en a décidé autrement, comme pour bien d’autres choses, mais ne faut-il pas, surtout en ce temps, songer à la vie et à l’action ?

Votre dévoué, et en hâte

F Baldensperger

Fernand Baldensperger à Jean Paulhan (25 février 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 97, dossier 020089 – 25 février 1958.
Cher Monsieur,

Mon père, le Professeur Fernand Baldensperger, est mort hier à Paris et sera enterré jeudi à Saint-Dié.

Je me permets de vous envoyer, ci-joint, quelques notes qui vous permettront, si cela vous est possible, de rappeler ce qu’ont été ses activités essentielles.

Veuillez recevoir, cher Monsieur, l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Pierre Brive

FERNAND BALDENSPERGER

Fernand Baldensperger vient de mourir, à l’âge de 86 ans. Né dans les Vosges, à Saint-Dié, où fut baptisée l’Amérique, il se montra, durant les cinquante années qu’il consacra à l’enseignement supérieur, un artisan efficace et étonnamment modeste du rapprochement intellectuel de la France avec tant d’autres pays.

Il avait fait ses études à l’école primaire et au collège de Saint-Dié, puis à Paris, au lycée Louis le Grand. Agrégé à vingt-et-un-ans, il entra directement dans l’enseignement supérieur, après avoir fait son service militaire au 26e de ligne, à Nancy.

Sa carrière universitaire ne fut interrompue que par la guerre de 1914, au cours de laquelle il obtint la Croix de guerre, puis se vit chargé de mission en Scandinavie (1916) et aux États-Unis (1917-1919, Université Columbia, à New-York) : il fut professeur à la Faculté des Lettres de Nancy (1894-1900), de Lyon (1900-1910), de Paris (1910-1935), détaché à l’Université de Strasbourg (1919-1923).

Chaque année, il était appelé à l’étranger : tous les pays d’Europe, l’Extrême-Orient, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud connurent ses cours et ses conférences, dont la littérature comparée était le thème essentiel. En 1935, il fut demandé par l’Université Harvard, à Boston, et y resta jusqu’en 1940. Il fut alors nommé à l’Université de Californie (Los Angeles) et ce fût là qu’il attendit la fin des hostilités.

Lorsqu’il rentra en France, il tint à rester à Paris, pour être près de la Sorbonne, près surtout de l’Institut de Littérature comparée et de la revue qu’il avait fondée en 1921 avec l’un de ses plus glorieux élèves, Paul Hazard.

C'était cela qui comptait avant tout pour lui : que devenait cet édifice dont il avait été la clé de voûte pendant cinquante ans ? Du monde entier, fidèles à la générosité affectueuse de leur maître, d’anciens élèves lui donnèrent jusqu’aux dernières années de sa vie cette immense satisfaction : la littérature comparée continuait, s’affirmait, progressait.

« Goethe en France », « Orientations étrangères chez Honoré de Balzac », « Le Mouvement des Idées dans l’Emigration française », « Études d’Histoire littéraire », sont les ouvrages de base pour l’étude de ces problèmes. Et bien d’autres œuvres essentielles, des milliers d’articles, ne sauraient faire oublier que Fernand Baldensperger, grand humaniste, fut également mêlé à la vie musicale, à Lyon notamment, et qu’il se délassait de son travail écrasant en écrivant des poèmes ; ceux-ci parurent sous le pseudonyme de Fernand Baldenne, raccourci de son nom qu’employaient ses amis, parmi lesquels George Clémenceau, Maurice Barrès, l’ambassadeur Jules Cambon.

Des décorations, bien sûr (officier de la Légion d’honneur, des ordres de maints pays), l’honorariat de quantité d’Universités, l’Académie des Sciences morales et politiques, plusieurs académies étrangères, mais le titre auquel il tenait certainement le plus, était cette fidélité de ses anciens étudiants, plus durable et plus profonde que toutes les étiquettes officielles.