Correspondances écrites et reçues par Jean Paulhan (1925-1936 et 1950-1958), éditées en collaboration avec l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC, Caen) et la Société des lecteurs de Jean Paulhan (SLJP).

Il semble que ce soit votre première visite de notre site (cookie non trouvé). Nous vous invitons à lire la description du projet, afin de comprendre les négociations délicates et fragiles qui ont permis de donner accès à ces documents. Un bouton vous est proposé au bas de cette page pour exprimer votre acceptation des conditions d’utilisation, avant de poursuivre votre navigation.

Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).

Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :

  • 1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
  • 1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…

L’OBVIL, dont l’accès et la consultation en ligne sont libres, constitue cependant une base de données protégée, au sens des articles L341-1 et suivants, du code de la propriété intellectuelle française. Il est donc convenu que :

  • La diffusion sur le site de l’OBVIL des lettres, quoiqu’ayant été autorisée par les ayants-droit des auteurs concernés, demeure soumise aux règlementations en vigueur sur les droits d’auteur.
  • Pour toute citation d’une lettre ou diffusion d’une image, dans le cadre d’une utilisation privée, universitaire ou éducative, il doit être fait mention de la source [« Labex OBVIL »]
  • Pour toute citation ou diffusion dans le cadre d’une utilisation commerciale, il faut obtenir l'autorisation préalable des ayants-droit concernés.

L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur.

*

  • Pour obtenir l’autorisation de reproduction d'un document du site HyperPaulhan, contactez la représentante des ayants-droit de Jean Paulhan, soit Claire Paulhan.
  • Pour obtenir des informations biographiques sur Jean Paulhan, ou se renseigner sur les activités de la Société des Lecteurs de Jean Paulhan, consultez le site de la SLJP.
  • Pour consulter les archives-papier originales de Jean Paulhan à l'abbaye d'Ardenne, inscrivez-vous à l’IMEC.

Pierre-André Benoît

1950/1954

Pierre-André Benoît à Jean Paulhan

Correspondance (1950-1954)

Sorbonne Université, Labex OBVIL, license cc.
Source : IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057
Ont participé à cette édition électronique : Clarisse Barthélemy (Responsable éditorial), Camille Koskas (Responsable éditorial), Nikolas Behaghel (Transcription), Anne-Laure Huet (Édition TEI) et Nolwenn Chevalier (Édition TEI).

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (2 octobre 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 2 octobre 1950
Monsieur Jean Paulhan
5 rue des Arènes
Paris
5

de Tarbes ces [fleurs] dans l’eau de Lourdes pour qu’elles arrivent fraîches.
Il pleut,
Peut-il pleuvoir des miracles ?

de tout cœur
PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (2 décembre 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 2 décembre 1950

Mercredi je vous ai attendu un moment puis – presq [presque] sûr que vous ne viendriez pas – je suis parti. J’aurais attendu plus si j’avais été seul. Je supporte si mal la présence des hommes importants, q [qui] sont légion à Paris. Des ces hommes q [qui] croient en eux, sérieux comme des papes – même [lacune?] sait plus lire ni pleurer. Le public est un enfant mal instruit. Les femmes ne sont pas meilleurs guides q [que] les hommes et pour excuse déclarent la femme sans passé. Vos yeux vont mieux j’espère… Enfin qu’aurions-nous dit ? J’ai pensé depuis q [que] je n’avais rien à vous dire, surtout quand il y a tant de gens q [qui] veulent vous parler.

De tout [cœur] P

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (31 juillet 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 31 juillet 1950

Si ma plume glissait
sur un papier glacé
un long fil dessinerait
blanc sur noir
mon plus secret espoir
mon rêve tant rêvé
et peut-être se réaliserait
ce q [que] je n’ose plus souhaiter.

[horizontalement, en haut à droite] jusqu’à ma plume
tout est contre moi

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Voulez-vous faire envoyer au Beau Temps 2 ex [exemplaires] de « La Métromanie ».
Déménagement
Aménagement
Agacement
Cordialement

PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Pour rien

pour rien
pour le plaisir
par amour, bien sûr, avec « le moindre effort » pour peupler le désert et découvrir ce q [qui] s’offre à nous avec tant d’abandon.

Tout ce q [qui] ne compte pas – à vos yeux – existe quand même, c’est l’essentiel puisq [puisque] gratuit.

Ce q [qui] se paie n’est qu’un échange.

Pour rien, luxe des luxes. Le luxe n’est q [que] superflu, mais à quoi compte le nécessaire sinon comme nécessité. Le reste, surcroît : ce q [qui] comble et fait sourire, ce q [qui] touche et fait jouir. C’est aussi tout l’inattendu l’impossible réalisé, le rêve q [qui] se [déroule?] dans ce monde.

Pour rien, surabondance de vie et si la vie n’abonde pas, elle se retire

Pour rien pour vivre.

RÉVEILLEZ-VOUS

PAB

décembre 1950

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

suite
je n’ai pas voulu lire son article. À partir d’aujourd’hui toute ma vitrine est consacrée à Jouhandeau. Je viens aussi de lire Chroniq [Chronique] d’une passion et relire de l’Abjection. Votre « petit guide » relié est une merveille. Je vais faire un 1er chèq [chèque] pour Dubuffet. Après cette digression, j’ai hâte de lire votre article sur ce sinistre Rousseaux (dans le Littéraire j’espère le [voir?]). Vos yeux vont mieux j’en suis heureux les miens ont besoin de lunettes. « Préface à toute critique » est un très bon titre je dis ce q [que] je pense parfois même trop. Je vais dans la semaine penser au poème de B. Quand se reverra-t-on ? En allant sur la côte faites un petit crochet et arrêtez-vous. car je suis esclave et ne peux plus partir, pourtant [je?] voudrais partir (sans savoir où). Je vous attends pour un grand concours de boules.
Nous languissons
R. [Robert] est plus gentil mais j’ai bien peur de ne pas le sauver,
Votre lettre celle de Picabia aujourd’hui remplaceront le soleil absent.
Puisq [Puisque] vous écrivez écrivez moi qq [quelque] chose. autrement dit un rien.

Très cordialement vôtre
PA

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

J’ai été surpris de recevoir hier votre lettre car vous êtes terriblement pris et je ne mérite pas la moindre attention. – je n’existe pas – Votre geste m’a évidemment touché et peut-être aussi fait regretter de me découvrir, après ce voyage, beaucoup plus bête qu’avant. Je vais tâcher de faire mon métier de libraire de mon mieux, désormais c’est ma seule ambition. Il y a dix ans je voulais écrire, et j’ai désiré après : dessiner, peindre faire naître des [livres?]. Aujourd’hui je sais q [que] je suis incapable d’écrire une lettre de tracer un trait de faire jouer deux couleurs de concevoir une édition. Tout cela est éclatant dans cette phrase, ce poisson…. Je suis vide. Cependant j’ai mille projets en tête c’est peut-être à cause de la vie. J’appellerai ma librairie « Le beau temps » car le beau temps est pour moi indispensable. Et un jour trouverez-vous un moment pour m’écrire une page sur Alès. je pense beaucoup faire un mince cahier souvenir pour ceux q [qui] ne connaissent pas ce petit coin.

Je ne sais quand je retournerai à Paris mais pour moi Alès c’est surtout le 10 rue Léon Peyre et là q [que] vous le vouliez ou non vous êtes présent.

Cordialement
PAB

P.S. Pour ma librairie j’aimerais un portrait même officiel de vous peut-être la N.R.F. [Nouvelle Revue Française] pourrait me combler.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Bien petite surprise de recevoir un petit livre fort heureusement illisible qui vous est dédié.

Mais il est dit q [que] la plus belle fille du monde etc.

Oui décidément il faudrait s’amuser.

cordialement
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

J’ai fait une tournée et le jeu
n’étant q [que] de trente-deux s’est vite épuisé
Voici tout ce q [qui] me reste.
Content
si vous êtes content.

Mais soyez sûr q un [qu’un] ex [exemplaire] de la Métromanie est pour moi. Si je comprends vous ne voulez pas q [que] je fasse un nouveau chèque, je n’accepte qu’à la condition q [que] vous veniez me la dédicacer.

Je ne cherche pas à faire fortune, je n’ai aucune notion de l’argent. Il sert et me servirait en ce moment. Robert va partir et il s’éloigne chaque jour. C’était ce qui me faisait supporter les sots et ignorants alésiens. J’ai peur d’être lâche et il se peut que je plaque tout pour entrer au couvent. Je ne suis pas fier de moi. Voyez comme je suis insupportable et décevant. Alors…

Décidez aussi J. [Jouhandeau?] à m’envoyer un petit texte. Je sais que le travail me sauverait si j’étais capable de faire un bon travail.

de tout cœur
PAB[enoit, ajouté en rouge]

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Sous l’uniforme militaire j’ai été de long mais météorologiste. Le beau temps est prévu pour le 4 mai. Mais avec le beau temps on risque aussi des formations orageuses… Je suis d’ailleurs sujet aux craintes. Et, dernier soubresaut avant la mort, avec déchaînement des mauvais instincts, je me cabre impuissant devant la résignation. J’ai honte de penser tout cela mais c’est un fait, [rature] qui plus est je découvre q [que] je ne suis pas exempt de folles prétentions et je ne suis plus assez jeune pour q [que] ces sentiments me soient pardonnés.

L’échec peut continuer, et je tremble de ne pas pouvoir être une librairie quelconq [quelconque]. Et le beau temps risq [risque] d’être cuisant. Je vais passer qq [quelques] heures à Nîmes. J’espère fermement q ce q [que ce que] vous m’annoncez : votre passage ici, se réalisera tôt ou tard.

La photographie est excellente, grand merci, mais un peu petite pour mettre à côté des « Causes célèbres » dont des ex. [exemplaires] seront en bonne place début mai. Mais ne cherchez pas je suis tellement navré d’être exigeant. Vous pouvez écrire sur le papier ci-joint un genre de bénédiction pour cette malheureuse librairie q [qui] a besoin du secours de tous.

Votre bonté ne cesse de m’émouvoir, car la bonté est rare comme les beaux jours q [qui] nous font trouver la vie belle.

cordialement
  votre PAB

Une femme qui s’appelait la vie
Ô vous q [qui] vouliez tant et tant
ô vous q [qui] faites mon printemps
ô vous q [qui] n’avez pas été mon été
ô vous à q [qui] je pense encore car trop vite les feuilles se dorent
ô vous q [qui] devenez pourtant, je vous aime farouchement
en cet hiver ma nostalgie
ô vous q [qu’]enfin je vois jolie.

J’écris parfois et c’est pour ne pas regretter de ne pas écrire

[première page, horizontalement, en bas à droite] Mais oui j’imprimerai le poème d’E. Boissonas [Édith Boissonnas?] surtout si cela vous amuse.
Les cartes pour un jeu [d’amour?].

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Il faudrait pouvoir se guérir mais hélas la guérison est sévère.

à mercredi tout [cœur] P

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

« Homme secret » serais-je un miroir
Transparent je n’ai ni secret. ni légende.

Pourquoi « secrètement » toute [voix?] secrètement, comme elle trouble !..

Voulez-vous venir prendre le thé au grand jour du 1er étage de Rumpelmayer ([9?] Fg. St Honoré [Faubourg Saint-Honoré] samedi 16 courant à 17h.

Pour vous dire adieu, je vais [12d] partir bientôt je ne sais où, à quoi bon le savoir

[signature]

[12c] Rien ne paraît plus mensonge q [que] la vérité, et q’est-ce q [qu’est-ce que] la vérité….

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (13 septembre 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 13 septembre 1950

je n’ai jamais fait ce q [que] j’ai voulu.

Je suis ici avec maman et ce n’est vraiment pas une existence de « milliardaire » q [que] je mène.

Quand Alès a su q [que] j’étais pédéraste (les gens en savent plus q [que] soi) mes parents l’ont appris. Ils en ont fait une maladie et je me dois de faire faire à maman sa cure.

Je languis (c’est fréquent) en attendant une lettre de la Pierre q [qui] Vire où je voudrais me retirer. Je n’en ai pas envie, mais chassé d’Alès, une telle population n’accepte pas les gens de ma sorte, incapable de gagner ma vie il n’y a guère q [que] le couvent ou mourir de faim. Le couvent est plus la solution la plus facile. C’est peut-être un peu lâche mais qu’importe. À l’avant-veille de commencer ma trentième année je me dis désormais il n’y a q’ [qu’] à attendre la fin. Je ne suis pas très porté vers les chauves-souris mais q [que] ne donnerais-je pas pour avoir un beau garçon apprivoisé. Lundi nous avons pensé à vous, [rature] Madame Morin-Pons [rature] et moi, ma seule consolation ici est de la [remontrer?] qq [quelques] fois.

Ce q [que] c’est q [que] d’écrire des livres vous parlez comme eux « courage »[,?] vous croyez aussi q [que] je suis nécessaire, oui pour embêter qq uns [quelques-uns], seulement ce rôle ne m’intéresse plus peut-être parce q [que] j’ai trop embêté Robert. Ces jeunes garçons ont de la chance ils savent tout, n’ont besoin de rien… et moi je voudrais outre un peu savoir et être aimé, me savoir croire utile. Si un jour j’avais su ce q [que] j’avais à faire ?.. si un jour j’avais pu faire n’importe quoi, n’importe quel enfant… Je suis impuissant à vivre je le sais, c’est même la seule chose dont je suis sûr. Impuissant à vivre seul, avec Robert je serais allé au bout du monde…

Je dois avouer q [que] ne pouvant pas faire des petits livres ou même des dessins j’écris. J’ai commencé 3 ou 4 carnets sans résultat. C’est si difficile d’écrire. J’avais en tête le désir de bien écrire pour composer l’éloge des beaux garçons. Puis je me suis dit « le plus bel éloge c’est de les aimer ».

Chasser le noir avec du noir si noir qu’il ne serait plus rien.

Quelle serait la bonne recette pour manger sa vie sans indigestion ?

Lassitude [du?] rêve q [qui] souhaite la moindre réalité ne serait-ce q [que] pour mourir

Un jour, deux jours… le temps passe

passe-temps.

si l’amour n’était illusion,

quelle consolation !

de tout cœur
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Je ne deviendrai jamais libraire parce que je ne saurai jamais rien faire pas même conduire une automobile. Je me demande pourquoi cette nuit je n’ai pas fait la chose la plus banale : me tuer. J’ai besoin d’être aimé et je ne le suis et ne le serai sans doute jamais. J’ai peur de la solitude et hier soir tous mes espoirs ont croulé. Il n’y a rien à faire c’est terrible. Et terrible d’arriver à trente ans de ne pas pouvoir gagner sa vie, un cœur. « Attendre la fin » me dit Becker mais l’attente est pour moi une angoisse profonde. Je me reproche de vous écrire ceci. Maintenant q [que] tout est perdu je regrette de n’être pas comme tout le monde, j’envie la puissance pour exercer ma tyrannie, l’argent car si Robert part c’est faute de situation avec de l’argent j’en faisais mon secrétaire et j’étais sauvé, q [qui] plus est lui aussi, j’envie l’abjection q [qui] me sortirait de moi. Dire qu’il suffirait d’un rien pour être heureux. J’ai peur de la solitude parce q [que] je ne suis ni sage ni créateur. Toutes les fatalités pèsent sur moi. Je suis fou, Ah ! q [que] ne suis-je comme tout le monde.

[mardi?].
La vie recommence peut-être. Ce q [qui] est promis est promis voici les cartes, les jeux sont faits malgré la mort dans l’âme. Je serais content si vous donniez un ex [exemplaire] à Dubuffet, à J. [Jouhandeau?] si cela l’amuse.

De tout cœur
PA

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950
Cher Monsieur,

Je crois ne pas vous avoir dit merci pour les Causes Célèbres. Et j’ai encore à le faire mille fois pour toutes vos gentillesses à mon égard. Vous avez en effet bien gâté le petit provincial q [que] je suis, ignare et cependant curieux. Je ne crois pas avoir fait une bonne impression à Madame Gould ce qui est la chose la plus naturelle du monde et le seul regret q [que] j’aurais serait de l’avoir importunée. Cela m’a fait un grand plaisir [mots raturés] de voir Jean Dubuffet, croyez-le bien.

Nous nous sommes vus, désormais à votre nom s’attachera un visage. Votre curiosité doit être comblée, car je ne sais pas me travestir.

Je suis très heureux et pourtant sans avoir des illusions après ce voyage je me trouve tout désemparé. J’ai [rature] conscience, sans espoir aujourd’hui, d’être un imbécile propre à rien.

Merci de votre bonté, mais je ne mérite plus rien.

C’est une sorte de mort, c’est triste, triste… je ne saurai même pas être libraire.

Votre souvenir restera vivant en moi

PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Vous m’avez envoyé une bien belle feuille sur laquelle vous avez ouvert l’œil le plus clément

Merci – J’écris à Monsieur Hirsch –

Vous me dites aimer bien les 4 premiers vers il s’agit je pense du poème d’E. [Édith] Boissonnas. J’ai tourné et retourné l’enveloppe mais pas de poème. Vous avez dû l’oublier ou je le recevrai directement de l’auteur.

Le temps passe très vite. L’autre jeudi une jeune femme fit raconter à Florence G. [Gould] une histoire. Un jeune journaliste prit des notes q [qu’] il me donna mais c’est informe et de plus cela pourrait attirer de petits ennuis à Jouhandeau sans quoi j’aurais trouvé très amusant d’imprimer
UNE HISTOIRE
DE FLORENCE GOULD
Ci-joint le pauvre squelette

Cordialement vôtre
PAB.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Il est très rare que je reçoive des livres. J’attends les Causes qui sont sans doute des fables. J’attends avec plus d’impatience le moment de partir, 10, 12 jours encore, et j’espère bien cette fois vous rencontrer. Si vous allez tous les jours à la N.R.F. [Nouvelle Revue Française] dès mon arrivée je [pourrai?] vous téléphoner, à [moins?] q [que] vous ayez le T. [temps?] rue des Arènes. Je regretterai moins de vous faire perdre un petit moment : vos yeux se reposeront, mais d’ici là vos yeux et vos activités d’avant n’aurez-vous pas retrouvés.

de tout cœur
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Vos yeux vont beaucoup mieux sans doute puisq [puisque] vous avez fait la route du retour et ce jour

20 février 50
est je crois celui de la naissance de votre dernier livre. Mes vœux pour l’enfant Voici mon dernier né. quel bébé !

___

Le temps va vite dans 15 jours un mois au plus je serai à Paris. J’espère vous voir. Et puis ce sera noir je me vois forcé d’ouvrir une petite libraire à Alès. Adieu les jeux…

[Inscrit dans le dessin] VIVE BRAQUE
PAB

un peu trop la mort dans l’âme parce q [que] j’eus aimé vivre.

de tout cœur
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

En revenant de Lourdes j’ai planté, n’y tenant plus, la famille, si chère à Gide, à Montpellier. Mais où aller ? j’ai trouvé asile à la campagne chez une vieille dame pleine de tendresse. Si j’avais la moindre occupation la vie peut-être serait tolérable. Je dis peut-être parce q [que] Robert existe et q [qu’] il est perdu pour moi juste au moment où je pouvais avoir une lueur d’espoir. Je paie bien cher ma faiblesse d’avoir cru à l’amour. Pour tenir ces gamins il faudrait de l’argent q [que] dis-je peut-être même du prestige. Cette génération est incompréhensible et pourtant attirante à cause sans doute du mystère. Robert va jusqu’à me plaindre, je suis le pauvre type, [rature] à sauver, mais ces jeunes dieux ne savent pas ce q [que] c’est q [que] la grâce…

Je n’ai q [que] les yeux pour pleurer
La langue pour gémir…

Ce serait sans doute amusant d’inventer qq [quelque] chose, oui mais pour qui, pour quoi. puisq [puisque] tout compte fait la vie est impossible.

de tout cœur
PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Ma famille, aveugle, a voulu me faire soigner et depuis plus de 3 semaines je suis dans cette clinique, enfermé comme en prison. On m’a fait des chocs électriques et j’ai perdu : la mémoire, le goût de toute chose et j’ai gagné des maux de tête insupportables. Tout est vendu, le beau temps n’est plus. Je ne peux d’ailleurs plus vivre à Alès. Dans cette ville je suis montré du doigt, depuis des mois on parle de ma conduite. Et puis Robert y vit… J’adore les livres et cet amour est tellement moins décevant q [que] celui pour un garçon. Je ne les abandonnerai pas, pour l’instant c’est la vie q [qui] m’abandonne. J’espère quand même sortir dans qq [quelques] jours, mais encore je ne peux pas penser…

Votre pensée touche mon cœur

croyez-moi bien vôtre
PABenoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Carnet
d’un non don juan

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

D’abord je suis antipathique.

Je ne suis ni beau ni laid, mais ma physionomie est répulsive.

- Ai-je une tête d’inverti

- Non vous avez une tête d’enfant (mon docteur)

Mes cheveux me donnent un aspect dur, je suis en réalité très autoritaire. Mes yeux, autrefois, contrariaient maman.

On devine mon anormalité. Les uns disent : « il est homosexuel », les autres « il est pur ». Ceux-ci devinent ma virginité, les premiers mon penchant.

Les jeunes et les médiocres ne me supportent pas. Ils ont peur…

Car j’ai des amis, des deux sexes. Ils ont au moins 20 ans de plus q [que] moi et sont des êtres d’exception.

Mon impuissance à séduire un être jeune est cuisante. [rature] Un torrent de tendresse [rature] est refoulé.

Avoir au moins l’impression d’être aimé.

Je suis l’indésirable pour tous ceux q [que] je voudrais aimer

Enfant, durant les récréations je restais seul. Tous les écoliers se tutoyaient. Je leur disais « vous » et ils ne me disaient pas « tu ». Ce « vous » était une distance entre eux et moi. Eux, le monde. Quand Robert accepta de me tutoyer je [rature] connus une brève joie sans borne.

Robert que j’adore

Et si un jour on m’aime, m’aimera-t-on pour moi.

Je n’ai rien à faire pour un monde auquel je suis hostille [hostile].

Ma haine q [qui] n’est q [que] de l’amour impuissant.

Il faudrait peut-être apprendre à plaire. J’ai en face de moi un beau garçon. Je n’ose pas le regarder. R. [Robert?] me dirait fixez-le sans cesse.

Mes yeux sauraient-ils parler.

Essayer.

Je n’ai pas d’assurance et puis j’ai peur, peur de l’échec. Je le regarde à la dérobée. Cette nuit je le retrouverai et il sera bien à moi puisq [puisque] je le recréerai.

Une réalité pour détruire ou fertiliser mes rêves.

Être un autre en écrivant, littérature

Quand on s’aime vraiment peut-on se lasser.

Je croyais en Robert pour croire en moi cela n’aurait été q [que] si à son tour il avait cru en moi.

Ne plus penser à Robert[.?] L’avoir en moi, un autre, sage et fidèle : mon Robert.

Robert q [qui] a refusé la grâce.

Je n’ai jamais pu dire : « mon chéri »

On est séduit puis le dégoût s’en mêle on se sépare ou l’on s’aime.

Si j’ai dit non à la chair est-ce parce q [que] je n’ai pas vaincu le dégoût.

L’autre jour je souhaitais ce q [que] jamais je n’avais désiré : des lèvres.

Quel plaisir n’ai-je pas [eu?] à 8 ou 10 ans en caressant les fesses d’une petite fille. Plaisir très partagé.

J’ai honte de croire q [que] j’ai des mains faites pour toucher avec [rature] délice.

La chair est de qualités très différentes. Viande de 1ère qualité etc...

Il passe, repasse et je n’arrive point à voir ce q [qui] pourrait me le faire détester

 

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Puisque vous ne pouvez ni lire ni écrire je peux, et j’en profite, vous envoyer un mot sans crainte.
MAIS
je ne
sais q’ [qu’] écrire q [que] vos yeux aillent mieux avec eux on [jouit?] tant et tant parfois même en lisant ou en écrivant car vous pouvez voir quand même un ciel blême des arbres nus et noirs un soleil moqueur et des yeux dans lesquels on lit le secret des cœurs et des subtiles envies. Je cesse ce bavardage et j’espère lire dans le journal bientôt, q [que] c’est un mauvais rêve.

PAB

[horizontalement, en bas à gauche] mais la jeune tricoteuse continue son tricotage.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

sur ce bleu de nuit
je vous écris
le beau temps est fini
Il est vendu
je crois aussi
q [que] tout est perdu.

Je suis
ici
avec maman fatiguée
puis
je ne sais où j’irai
Il n’y aura
même pas
un vent mauvais pour m’emporter.

Rejeté de la vie il reste peut-être une abbaye pour me recevoir je ne voulais pas devoir me rendre à cette évidence
je voulais
me prouver
mon existence

Je voulais…
les astres me sont défavorables
je ne peux
mais je peux

Vous dire quand même q [que] je suis cordialement vôtre

PA Benoît

[verticalement, à gauche] Hôtel de Barcelone
20 rue de Paris Vichy

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

L’ENFER
J. [Jouhandeau?] croit q [que] le mien a qq [quelques] douceurs à côté du sien. Dieu q [que] c’est triste
comme bêtes je n’aime que les hommes, quelle idée car ils sont impossibles à apprivoiser
Mais vos yeux vont mieux
ESPOIR

Si je savais de quoi je souffre je trouverais bien le remède. J’ai hélas en moi le goût de l’impossible . Je sais q’ [qu’un] grand amour ou q’ [qu’] une forte occupation ce q [qui] revient au même : se donner tout entier me sauverait. Je suis en somme en chômage. Du côté du cœur Robert [rature] ne pense plus à moi. La librairie est fermée pour les vacances mais ce ne sera jamais une assez forte occupation. Il faudrait peut-être q [que] je trouve en moi des ressources, mais je sais q [que] je suis vide. Voilà le malheur. Sinon par [chaude ?..] j’entrerais dans le jeu. Je reste ici, dans le calme le plus languissant, jusqu’à mon retour à Paris. Mon docteur de loin espère. Je n’espère rien. Je crois q [que] je mourrai vierge, et martyr de mon impuissance intel cérébrale, sans être hélas un saint au cas où Bloy aurait raison. Oui peut-être avec le temps, mon docteur m’a dit q [que] je n’avais q [que] 15 ans et [rature] cet âge est je crois dit critique. Quel misérable phénomène je suis. J’ai la tête très vide, se remplira-t-elle un jour ! Et un jour dirai-je de n’importe quelle façon ce q [que] je me figure idiotement avoir du plaisir à dire.

De tout cœur
PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

J’ai eu qq [quelques] regrets de ne pas vous revoir en particulier. Je n’ai pas osé suivre les conseils de Jouhandeau et comme conclusion à mon retour de Paris j’ai tenté d’en finir, le lendemain j’ai perdu la raison et l’on ma conduit ici où je m’ennuie ce n’est rien de le dire. Je cherche un autre moyen d’en finir je ne vois rien d’autre à faire. Robert n’est q’ [qu’] un gamin insipide et ce n’est pas ici q [que] je trouverai un petit ami pour me faire prendre patience, si des jours meilleurs doivent venir. Je n’y crois pas. Je ne crois à rien.

cordialement vôtre
PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

J’ai reçu hier le second ex [exemplaire] de la Métromanie. merci.
je devais partir aujourd’hui faire une retraite dans une abbaye mais ma santé ne me le permet pas et lundi je passerai sur la table d’opération. Ce sera d’ailleurs fini quand vous recevrez ce mot. Je serai comme tout le monde mais je me demande si cela me donnera la bonheur. Pendant près de trente ans à cause d’un petit rien je n’ai pas pensé et agi comme j’aurai pu ou dû, et aujourd’hui c’est la cause de troubles q [qui] sous peu m’auraient coûté la raison. Je me demande si je vais être un homme nouveau. C’est très bête ce q [que] je vous écris là, naïf et ignorant. Je n’ai pas le courage de recommencer à vivre parce q [que] je n’ai pas d’espoir. Vous avez dû recevoir les derniers ex [exemplaires] des « cartes ». Ici elles me disent q [que] tout va mal pour moi mais q [que] la victoire est proche : argent gloire succès. Croyez-vous aux cartes ? Une cartomancienne m’a dit q [que] j’avais du génie, mais elle ne sait pas ce q [que] c’est, une autre q [qui] est aussi astrologue m’a dit q [que] je serais le Louis XIV des lettres elles ont de ces expressions, dans ce cas vous auriez un bien triste successeur. Mais tout cela ne m’amuse même pas et pour l’instant je ne rêve q [que] d’un couvent avec des cloches. Vous voyez c’est une lettre de fou.

Follement avec vous
PAB.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950
Cher Monsieur,

je vous remercie de vos vœux et à mon tour je vous souhaite une bonne année. Ce q [que] vous me dites est très gentil mais par principe je ne m’intéresse pas à ce q [que] je fais et le considère comme rien. Ce q [qui] ne m’empêche, ah ! q [que] nous sommes compliqués, d’avoir des regrets. C’est sans doute non par manq [manque] de simplicité mais parce q [que] les limites me gênent.

J’ai bien reçu les 3 livraisons de 1949. Ces cahiers de la Pléiade sont très beaux, je ne pensais pas q [que] tant de n°s [numéros] avaient vu le jour, le temps passe si vite.

J’ai eu de vos nouvelles par Madame [Cerutti?]. Je ne compte guère aller à Paris qu’en octobre, mais si dans l’été vous venez à Nîmes faites-moi signe. Je serais certes très heureux de vous rencontrer, mais comme pour vous cela ne peut être sujet q [que] d’ennui j’aurai toujours la crainte de vous faire perdre « [tout?] un peu » de ce temps précieux.

Croyez bien q [que] mon cœur ne vous oubliera pas durant cette année

PA Benoît

P.S. Vous avez excusé je [pense?] dans [l’envire?], l’huître…

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

J’ai pu sortir de la prison et j’ai même la liberté de vivre à Paris.

Mais q [qu’] y faire… cette journée est sans fin.

Il faut dire que je suis très malheureux, à cause de mon cœur et de la pensée de n’être plus capable de rien.

Bien à vous
PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950
P [19]50

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Le rêve s’est enfui
il reste une image

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

Jeu des « Causes Célèbres »
TARBES
[à droite, dessin de clé] POÉSIE

[dessin central, sur la couverture] LA GUÉRISON SÉVÈRE

le lecteur « appliqué »
[Hain-Temps??]

PAB
[19]50

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1950

La marguerite

on m’effeuille
et je ne meurs pas

PAB
[19]50

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Pour amuser Delteil je viens d’imprimer une vingtaine de prospectus-télégrammes. si cela peut les amuser aussi donnez-en un à Dubuffet et un à Jouhandeau.

Que se passe-t-il dans le monde ? Ici, le désert l’ennui le temps gris le froid la pluie et l’on dit q [que] c’est le printemps. Madame Morin-Pons m’a écrit q [qu’] elle vous avait trouvé en bonne forme.

Je voudrais partir loin et je ne [rature] fais q [que] me rapprocher un peu plus de moi dont j’ai assez.

Cordialement
PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

EST-CE QUE LES LETTRES NE SONT PAS DANGEREUSES ?

paulhan

nous inaugurons notre boutique « La Pédale » samedi DELTEIL venez donc déjeuner JEAN HUGOT en bonne humeur LURÇAT avec joie d’êtres des vôtres COCTEAU me flatte beaucoup MATISSE désir que j’ai de vous être agréable JOUHANDEAU j’attends que ma femme revienne DUBUFFET je serais heureux d’en avoir deux ÉLUARD et en grande hâte GLEIZES un collage ARP comment ai-je pu y penser ? PICABIA affectueusement ROBERT

pab

P.S. J’ai fort peu goûté l’absurde élucubration de ce monsieur CLAUDEL

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

voici 3 ex [exemplaires] de 7 pensées de B. [Braque?]
un pour vous un pour lui un pour moi vous aurez la gentillesse de lui faire parvenir le sien et savez-vous q [que] j’aimerais qu’il signe mon ex [exemplaire]. Je me demande si Braque sait [rature] s’amuser, mais dites-lui q [que] j’aime bien ce q [qu’] il fait. Certes il ne ferait jamais 3 petits dessins pour ma revue q [qui] publiera les [9?] pensées dont ci-joint l’épreuve On ne peut s’amuser q [qu’] avec ce q [qui] existe le reste ne tient pas le coup. Volupté d’une page imprimée. Quel texte mettre à côté de ce singe de Picabia. « Hymne au singe. » Je voudrais ne plus languir, langoureusement comme une langouste sans [goût?]…… Comment allez-vous ?

P.

P.S. si un si petit tirage d’une grande page vous tente il est évident q [que] vous n’avez q [qu’] à m’envoyer une brève page, je n’ai guère plus de ces [gras?] caractères q [que] pour composer la valeur de ces 7 pensées.

Pour l’équilibre de ma page j’aimerais ajouter l’année 19 (?) Je suis navré de vous laisser la charge de me retourner mon ex. [exemplaire] merci.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Connaissez-vous un remède contre la solitude ?

*

Il y a des morts q [qui] semblent étranges. Et pourquoi certains meurent alors q [que] je n’arrive pas à mourir.

*

Merci pour les pensées de Braque q [qui] me plaisent beaucoup. Elles paraîtront en mai, à moins q [que] d’ici là je leur prépare un sort. Mais je n’ose plus rien faire tant mon travail me déçoit. (C’est pourquoi la solitude m’est intolérable à présent).

Ȼ.

Voici un petit livre pour les enfants, mais savent-ils encore s’amuser.

*
de tout cœur
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Voici les deux premiers nos [numéros] de cette revue, la plus petite sans doute. Vous avez sans doute reçu Fumerolle.
Sans doute, je ne [sais?] pas mais je me prends à espérer.

*

Q’ [Qu’] écrire est difficile et imprimer aussi.

*

Gide vient donc de mourir

*

Marcher sur la corde raide m’épuise

*

Q [Que] vivre est difficile et mourir aussi

*

Ne m’oubliez pas

*
de tout [cœur] P

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

je ne sais plus quoi lire et n’ai-je pas lu tous les qq [quelques] livres qui m’entourent. Et pourrais-je lire autre chose q [que] ce q [que] désire ma fantaisie, comme un malade ne mange q’ [qu’] un soupçon du fruit le plus juteux ou suce un petit morceau de glace. Ne suis-je pas malade malade à être déjà mort à votre vie et j’aurais goût d’un livre inconnu inattendu, de quel livre grand Dieu ! et j’aurais envie aussi d’un livre q [que] je ne trouve pas : les poésies de Whitman traduites pas Gide

Qu’ai-je fait aux uns et aux autres pour me trouver seul au moment toujour [toujours] le plus angoissé, q’ [qu’] ai-je fait pour ne plus pouvoir écrire ce q [qui] m’oppresse je n’ai plus un ami je n’ai plus un seul correspondant, même lointain dont on ignore le visage, à q [qui] l’on [rature] [crie?] comme devant le désert. Q’ [Qu’] ai-je fait ? Je le sais je vous ai trop aimé et je n’ai pas plié aux exigeances [exigences] relatives. J’ai voulu l’absolu, comme d’autres q [qui] n’ont pu après q [que] gémir. [rature] Aurai-je donc à vivre ce q [que] je n’ai pas souhaité, une vie de chien hurleur ayant ni repos ni trêve. Faudra-t-il que j’apprenne à écrire et q [que] je [mendie?] sans cesse q [que] je déloge alors que j’eus tant voulu un chez moi avec l’indépendance dont j’ignore même le goût et [mot illisible] de la beauté sous toutes ses formes.

J’ai erré cet été d’un couvent à un autre et là aussi j’ai été rejeté. Et dire q [que] j’aurais tant aimé être aimé. Je me découvre indésirable. Quelle rigueur du sort. Même la mort me fuit. Mais q’ [qu’] ai-je donc de si repoussant…

Je me figure q [que] vous allez bien q [que] vous passez de bonnes vacances et q [que] le bonheur ne vous abandonne pas.

bien à vous
PAB

P.S. J’ai eu de vos nouvelles par Béalu q [qui] est passé me voir il y a qq [quelques temps]

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Oui il faut brûler toutes les lettres
et ne conserver que l’or du cœur.

Je fais des vœux pour que la grippe passe.

Je vais passer qq [quelques] jours à la montagne – mes nerfs n’en peuvent plus.

Ce mois-ci je n’ai eu le courage de faire q [que] ce petit livre. Dès mon retour j’imprimerai cette minuscule revue etc... Avez-vous reçu l’épreuve du plus long texte de Bousquet ?

Le bonheur viendra peut-être. Après de cruelles discussions j’ai gagné pour bientôt mon indépendance. Ma famille va m’installer à la campagne – enfin seul – Certes il faudra gagner sa vie mais il vaut mieux la misère et avoir la liberté.
Plus de voyages
Plus de livres sauf ceux q [que] j’imprimerai
Plus de tableaux etc. etc...
Il vous faudra venir me voir
Le Gard reste quand même votre patrie.
Et je ne sais, malgré tout, ce q [qui] me rapproche de vous.
Je voudrais plus vous connaître, plus me connaître.
Et surtout s’amuser.
Il y aurait un livre à faire : AMUSEMENTS POUR PASSER SA VIE

cordialement vôtre
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Mes compliments
Le temps est long
dans l’angoisse
je pense à une minuscule
revue. Voulez-vous
revoir l’épreuve de qq [quelques]
pensées de J.B.

Je les trouve très émouvantes. Évidemment je publierai avec joie un petit texte de vous. Vous [voyez?] le format le nombre de pages sera limité un peu [longue rature] plus encore q [que] celui des ex [exemplaires]…

Ne m’oubliez pas comme je ne vous oublie pas

de tout [cœur] P

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Il faisait froid à la montagne

Il pleut ici et je supporterais la pluie si en même temps il pleuvait du plaisir ; 1.000 petits plaisirs.

Je voudrais être enchanteur. Je voudrais être enchanté.

Le travail me désespère parce q [que] la perfection me fuit. Voici 2 ex [exemplaires] de cette fumerolle. Aimez-vous les fantômes ? Écrivez-moi un petit texte j’aime tant être gâté comme je gâte les autres. seulement on tombe toujours à côté mes petits livres ne sont pas bons messagers
mais q [que] faire pour avoir le plaisir de faire
Plaisir.

Pour le plaisir et l’amitié
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

FÊTE DE L’ESPRIT

Nous avons un [printemps?]
décevant
si souvent
il pleut
et si peu
de pluie de bonheurs
car mon cœur
recherche toujours
d’impossibles amours.
Je voudrais
avoir le courage de m’amuser mais

j’ai l’impression q [que] tout le monde [dort?]
Voulez-vous prendre un cor et réveiller la terre endormie
Comment ronfle Paris et comment allez-vous.
Chaq [Chaque] jour un peu plus [fait?] d’ennui d’oisiveté
Q [Que] faire tout est fait
Et j’ai tant hésité q [que] je ne ferai jamais
d’amour.

Pensez-vous un jour venir dans le midi.

Il est midi
bon appétit.

PA Benoît

Croyez-vous que Maurice [Sachs?] soit bien mort ?
et Genêt court-il encore ?
voyez-vous Edith ?
q [qu’] est-ce q [qui] s’édite ?
Quoi de nouveau
du côté Jouhandeau?
[Gouttes?] de pluie

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Parce q [que] j’entends encore la voix de Bousquet me parlant de vous je vous envoie les épreuves de ce petit texte. Ayez la bonté de les corriger Ce texte est sans titre il lui en faut un. « Fumerolle » ? En souvenir de Bousquet c’est pour vous q [que] j’imprimerai ces qq [quelques] pages q [que] j’aime beaucoup et vous.

à vous
PAB

[verticalement, à gauche] vous avez dû recevoir des épreuves de qq pensées de B. q [que] j’espère.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

… SILENCE …
l’hiver il fait FROID

*

Les 2 phrases m’avaient frappé. Voulez-vous chasser la coquille. Plus tard vous me direz si vous êtes fâché. si mes lettres ne sont pas gentilles. Vous avez dû recevoir des épreuves Bousquet aussi

*

et ce q [que] vous [privez?]

*

Dans l’attente de vous lire bientôt veuillez agréer etc. etc...

*
de tout [cœur] PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

tout s’échappe de mes mains, et la vie comment donc.

Je voudrais dire adieu à TOUT et plus encore à moi-même. M’oublier car de moi à moi il n’y a q [que] moi.

Je vais chercher une situation quelconq [quelconque] et ce sera une fin. Je n’étais qu’un leurre.

Voici le n° [numéro] 5 j’aurais aimé arriver jusqu’à 10 avant de m’arrêter mais je n’ai plus de textes. Vous voulez m’envoyer une petite page…

Vous allez bien j’espère.

cordialement
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Les preuves fatiguent la vérité

À rechercher le fatal, on découvre soi-même.

Qui écoute le tambour entend le silence.

Le désespérant éternel.

Au jour le chemin faisant.

Les démocraties remplacent le faste par le luxe.

Partir du plus bas pour avoir chance de s’élever.

La force supprime la justice et l’injustice.

Georges Braque

Autour de moi, tout est sommeil.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1951

Rien à imprimer
Rien à espérer
Rien à vivre
Rien à lire
Rien à chanter
Rien à aimer
Vide complet
un escargot de mon désert
et la dernière herbe q [qui] a poussé.
sans oublier mon amitié

PAB.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1952

Vous avez fait sans doute un beau voyage. J’ai prié Béalu de nous apporter 5[quelques?] parce q [que] j’ai pensé q [que] cela nous amuserait qq [quelques] minutes. Becker a dû aussi nous donner le livre q [que] je lui ai imprimé « Les Pouvoirs de l’amour ». Voici un n° [numéro] de ma revue q [qui] a comme moi toutes les peines du monde à vivre. À l’occasion du livre de Becker j’ai lu une ou 2 fois le Figaro Littéraire. Et dans l’un j’ai lu votre réponse. J’en aime le ton la largesse et bien sûr la justesse et ce n’est pas sans qq [quelque] énervement q [que] j’ai lu l’article q [qui] suivait votre texte. Je crois de plus en plus q [que] l’intellectualisme n’ouvre pas forcément les yeux de l’esprit[,?] et nous vivons parmi les aveugles. Certes certains savent écrire très bien et puis… Je comprends Léautaud disant dans ses entretiens q [qu’] il n’était pas revenu de tout ce q [qui] s’était passé… Je ne sais pas au juste ce q [qui] s’est passé, ce q [qui] se passe, enfermé dans un rêve parce q [que] rejeté de partout et par tous, mais je sens q [que] certains devenus puissants par je ne sais quelle machination rendent la vie impossible, sauf celle de l’intérieur, mais je vous assure q [que] parfois on a besoin de s’extérioriser un peu, de sentir q [que] l’on n’est pas seul. Il y aurait peut-être une petite confrérie à organiser.

de tout cœur
PAB.

P.S. Si j’ai [… ligne illisible] livre q [qui] a donné lieu à la polémique du F. L.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1952

Je vous remercie de m’avoir envoyé votre « Lettre aux chefs de la R. » [Lettre aux directeurs de la Résistance?] Il fallait en effet q [que] cela soit dit, crié dans le désert, c’est fait. Mais la génération actuelle est désespérante, son esprit a été faussé au point de ne plus entendre le langage le plus clair. Toute sa vue n’est qu’un petit trou par lequel certains, puissants, leur font voir ce q [qu’] ils veulent. Il n’y a rien à faire le troupeau ne mérite que l’abattoir. Votre geste est un de ceux q [que] je place très haut car il est fait pour rien, parce q’ [qu’] il doit être fait, tant pis si cela en [coûte?] après. Et les histoires de ce Martin C. [Louis Martin-Chauffier?] n’ont pas manqué.

de tout cœur
PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1952

La médiocrité obtient plus de suffrages q [que] la qualité. Le nombre des connaisseurs est rare néanmoins il s’élargirait si on ne laissait pas la médiocrité envahir. C’est aux puissants d’agir.

Ne passerez-vous pas par ici, avec dans vos bagages un peu de vie nous connaissons la mort dans toute sa splendeur, ce n’est peut-être q [qu’] un sommeil mais alors q [qui] nous réveillera ?

cordialement
PA Benoît

P.S. et q [que] devient M.J. [Marcel Jouhandeau]

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1952

si j’étais caméléon je ne grimperais que sur l’arbre de la joie.
Je ne sais si elle me fuit ou si c’est moi q [qui] ne sait pas la voir, mais si vous lisez ces qq [quelques] lignes vous penserez qu’il fallait être bien désenchanté pour les écrire et fou à lier pour les imprimer. La faute en revient surtout à Becker, c’est très désagréable de s’ imprimer mais je n’aurais jamais pu trouver un éditeur. C’est ce q [qui] me retient aussi d’écrire pourtant c’est le moyen de vider des abcès (qui sont peut-être la source de mes malaises). C’est l’été depuis Pâques j’espère qu’il vous enchantera, vive l’été.

de tout cœur PA Benoît

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1952

Sensible à votre pensée qui déchire quelle solitude !..

On ne me reverra pas à Paris de longtemps les voyages sont trop chers. Je vous ferai parvenir un petit dossier q [que?] j’imprime textes et lithos de Picabier il y a des choses q [qui] vous plairont. Quand j’aurai le temps je m’imprimerai qq [quelques] poèmes. Je renonce à chercher un éditeur pour ces 300 vers, seulement ce n’est pas drôle de s’éditer. Je me demande si ma revue est morte ou si elle dort seulement. Elle manque d’aliments. Ce serait gentil si vous m’écriviez qq [quelques] lignes il faut si peu de chose. Ce serait amusant de faire un petit imprimé très curieux. On ne s’amuse pas assez et la vie est si lourde à vivre.

de tout cœur
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1952

et la naissance de mille joies en 1952

PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1953

Faut-il souhaiter les anniversaires ?
et des vœux pour la nouvelle N.R.F. [Nouvelle Revue Française] puisq [puisqu’] il paraît q’ [qu’] elle renaît.
Paris est loin
Quand nous reverrons-nous ?
[verticalement, centré] ce petit imprimé pour les 25 ans de Picabia.
[verticalement, à gauche] q’ [qu’] il fait froid…

Je croyais q [qu’] il n’y avait q [que] les enfants q [qui] savaient bouder et il paraît je le tiens d’un R. Pere q [que] les grandes personnes s’amusent aussi à ce jeu-là. Si encore elles savent bien s’amuser à tout…

de tout cœur
PAB
53

À côté du mot littérature peut-on ajouter ce titre « Le ciel privé d’étoiles »… C’est au grand astronome q [que] vous êtes de répondre.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1953

XXXX
Parce q [que] je ne crois pas
en moi
les autres ne croient pas
en moi

X

Si je croyais en moi
Je n’aurais plus besoin
des autres
et les autres
se presseraient
autour de moi

X

Je ne crois pas en moi
parce q [que] cela
me pèserait
c’est le poids
q [qui] attire les autres

X

Eh bien
je n’ai rien
ni talent ni mérite
vous avez raison
de ne pas vous intéresser
à moi
mais vous avez
peut-être tort
de ne pas me regarder

X

Vous ne me regardez pas
parce q [que] vous
vous [vous?] regardez
et quand je vous regarde
cela vous trouble
pourtant je vous regarde
avec amour
Votre refus
éclaire en vous
cet amour
c’est ce q [qui] fait la haine

X

Je n’ai pas de talent
le peu q [que] j’ai
je vous le donne
très maladroitement

X

Je me figure
q [que] vous savez reconnaître
le vrai
du fabriqué
si je me trompe
c’est vous
q [qui] êtes dupes

X

L’essentiel
c’est ce q [qu’] il y a derrière.
Ce q [que] l’on montre doit être perméable
décousu par endroit
pour q [que] passe
ce q [qui] est caché.
Le vide
a besoin
d’une solide façade
Le vide consenti
est rempli
du meilleur q [qui] se donne
par tous les biais.

X

Je me suis
longuement détruit
et chaq [chaque] jour
je ronge ma pierre
pour laisser passage
à ce q [qui] n’est pas moi
je n’ai aucun mérite
c’est pourquoi
j’ose
vous le dire
YYYY

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1953

Char un jour m’a dit de n’avoir pas honte de ma poésie. Aujourd’hui je crois bien… mais q [que?] puis-je croire à travers le silence. Personne n’aime ce q [que] j’écris peut-être tout simplement parce q [que] ce n’est pas écrit mais je ne saurai jamais écrire. Voilà un informe poème à sang chaud. Pour vous dire q [que] si vous avez pour votre NNRF [nouvelle Nouvelle Revue Française] trop de copies de qualité je suis très en peine pour mon n° [numéro] 3 et pourtant je n’ai besoin q [que] de 3 poèmes ou de qq [quelques] pensées. Si vous avez qq [quelque] chose sous la main… Par hasard j’ai vu chez un ami votre n° [numéro] d’octobre. Vous avez publié le texte de mon dernier minuscule HOMO POETICUS je pense q [que] Char n’y voit pas plus d’inconvénient q [que] moi.

cordialement
PAB

[horizontalement à gauche de la première page, réponse de Jean Paulhan] Cher ami pourq. [pourquoi] ne dem. vs [demandez-vous] pas un poème à Édith Boissonnas ? Ou bien voulez-vs [vous] que je vs [vous] envoie un petit poème (très beau) de Norge ? Amitié

j’ai bien aimé votre poème. Merci.

[horizontalement en bas de la deuxième page] Norge ses plaq. [plaquettes] à Thomas

M. Norge 38 av. [avenue] Emil Duray Bruxelles Belg. [Belgique]

Ch. [Cher] ami

Puis-je vous prier d’env. [envoyer] vos dern. [dernières] plaquettes à [rature] Henri Thomas (chez M. Tao, Ville Haute, Calvi. Corse) Je serais cont. [content] qu’il pût en parler dans la nrf [Nouvelle Revue Française]. Avez-vs [vous] reçu ma dern. [dernière] lettre ? [Vous] seriez gentil de me fixer au plus tôt.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1953

je suis navré de tout ce qui m’arrive et c’est sûrement tant mieux car personne ne s’en plaindra. Après m’être bien démené et malgré votre envoi (les poèmes de Norge m’amusent follement) je ne peux arriver à continuer outre le Peignoir de Bain d’imprimer. Personne ne veut être imprimé par moi (je n’en connais pas la raison, est-ce si laid que ça!) et personne n’aime ce q [que] je fais. Le cercle est complet impossible de forcer la ronde pour m’y incorporer. Je n’ai jamais beaucoup écrit ou peint mais de ces domaines je n’aurais jamais dû vouloir pousser la grille. Depuis lundi j’ai un petit emploi bureaucratique chez mon père, en aurai-je trouvé un ailleurs ?.. Je vous écris donc après l’enterrement. Voilà un livre microbe c’est peut-être lui qui m’a tué. Voici le dernier poème. Et merci d’avoir pensé à moi, c’était un remède mais le mal avait déjà gagné tout le terrain au galop…

Vôtre
PA Benoît

Sans bruit
je referme la porte
et je ne verrai plus
le théâtre
où je voulais montrer
le bout du nez

Adossé au battant
je ne suis
q’ [qu’] un mur sombre
contre lequel
sans fin
je me heurterai

La nuit a commencé
le rêve
est prisonnier du rêve
et le sommeil
est sans pouvoir

Nulle aide pour tromper
l’attente la plus longue
qu’il faudrait transformer
sans doute
en désir

pab

point de mire

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1954

La solitude augmente chaq [chaque] jour.
Q [Qu’] est-ce q [qui?] comblera le vide ?
Le silence devient un affreux bruit de tempête
Les étoiles se sont éteintes
Q [Que] voyez-vous à l’horizon

cordialement
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1954

je vais passé [passer] la semaine dans le Tarn : Albi, En Calcat, j’apercevrai le fils de Jacques Rivière, et peut-être qq [quelques] rivières riantes. Avant de partir voici l’épreuve du texte de Dubuffet.

Ah ! que je regrette de n’avoir pas mon portrait [fait?] par Dubuffet

2 collages un pour vous un pour lui. À cause de la matière buvard imprimé et maculé.

cordialement
PA

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1954

lundi traversant Tarbes je voulais voir s’il restait qq [quelques] fleurs vous les avez toutes cueillies. Le long des routes moins longues q [que] celles des pensées. Mais les pensées ne sont-ce pas des fleurs ? À Maux Lebrau était absent. Il voyageait sur une autre route. Et j’ai rayé de la carte une ville q [que] j’aimais : Carcassonne – depuis que Bousquet l’a quittée. À la fin de la semaine je commence à tirer les réponses. Voulez-vous, le texte étant assez long, relire cette épreuve [Je?] ne voudrais pas mutiler d’un frisson cette poésie par le poids d’une coquille. Je ne sais quand je reverrai Paris et peu à peu le silence s’installe mettant sans doute chaque chose à sa place…

cordialement
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1954

On ne s’amuse pas trop. Des livres agréables naissent-ils avec ces pluies ? Qu’avez-vous lu cet été avec plaisir. Vous savez que rien n’arrive jusq’ [jusqu’] ici. Paris oublie la Province ; La Province oublierait Paris cela ne changerait rien… Alors vaille q [que] vaille et encore ce petit signe.

cordialement
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1954

je fais de votre tas d’amitiés un bouquet pour la chambre de mon cœur.

Merci d’être le messager et remerciez Dubuffet pour sa jolie réponse. En temps utile si besoin est je vous adresserai une épreuve.

Je devine Dubuffet en pleine forme. Si sa plume voulait encore être fidèle à sa pensée un éclair sinueux ! Je serais heureux avec ce nouveau produit de faire un livre très très petit. Et pourquoi pas vous ne feriez pas un petit dessin !

Je ne vais pas bien, angoisse, peur, du plomb sur la tête etc... je pense aller qq [quelques] jours à Albi prendre un peu d’air nouveau. Mais je rentrerai vite quand même. Je verrai M. J. [Ruston?] je me demande où en sont ses travaux sur Bousquet.

cordialement vôtre
PAB

Pas encore vu « Confidences » de M.J. Ici on ne voit rien et on s’emmerde.

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1954

C’est le printemps paraît-il. J’aurais bien voulu voir l’exposition Dubuffet. Je voudrais ressusciter sous une autre forme ma petite feuille et je pose une question

cordialement
PAB

Pierre-André Benoit à Jean Paulhan (1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 100, dossier 095057 – 1954

Mais bien sûr pourquoi ne croiriez-vous pas en Dieu, Ne serait-ce que pour s’opposer à Lui et projeter une lumière noire…

Sans nouvelles depuis très très longtemps d’Édith B. [Boissonnas]

Soyez gentil « tyrannisez » J. [Jean] Dubuffet en le mettant à la question.

Je ne voudrais après ne faire plus q [que] répondre aux autres, et ce sera vraiment le temps des vacances

de tout cœur
PAB