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Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).
Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :
1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…
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Ont participé à cette édition électronique : Clarisse Barthélemy (Responsable éditorial), Camille Koskas (Responsable éditorial), Simon Battistella (Transcription), Anne-Laure Huet (Édition TEI) et Nolwenn Chevalier (Édition TEI).
Je viens moi aussi de quitter Paris pour près d’un mois, n’y pouvant plus demeurer pour de
diverses et multiples raisons. Le médecin interdit absolument à ma femme de demeurer 94 rue St
Louis. Vous ai-je dit que j’attendais un enfant ? Où aller ? Si j’ai le prix Fénéon cela me
donnera juste l’avance nécessaire pour l’achat d’une petite maison. Ce serait bien. Il y a des
organismes de prêt qui, je crois, à partir de là, me fourniraient le reste.
Je dois aussi beaucoup réfléchir à ce qu’il faut faire de « 84 » dont c’est maintenant le
départ. S’il y a des bouleversements ou des décisions à prendre ce sera pendant ce mois-ci.
N’auriez-vous pas quelques idées à ce sujet ? Je voudrais bien. - Dites moi si vous acceptez de
figurer dans le jury du prix de poésie de « 84 » ? Je vous enverrai en leur temps les divers
poèmes. Tout ici est couvert de neige. Les enfants, les luges courent dans les champs. Je
travaille à la traduction de Trelawny.
Pensez-vous quelque chose de Truman Capote ? J’ai rêvé que vous étiez en train de faire de la
peinture : une grande toile représentant une sorte de grande baie. C’était beau. Mon adresse
est jusqu’à des circonstances favorables 24 rue de la Résistance, Lunéville Meurthe et
Moselle.
Henri Thomas m’a dit que vous aimiez beaucoup la pluie et voici comme je commence à vous
écrire qu’il se met à pleuvoir très fort. J’aurais déjà dû vous écrire depuis longtemps, mais
je mène une vie très détraquée en ce moment et je ne sais combien de temps cela va encore
durer. Je n’ai pas bougé de Paris. Catherine attend son enfant pour demain ou après. J’ai
réussi à consolider la maison que j’ai achetée et j’espère que vous pourrez y venir souvent à
la rentrée. Ce n’est qu’à cinquante kilomètres de Paris. Me voilà avec des dettes considérables
qui m’affolent un peu et surtout dans quelques jours un grand nombre de factures à payer qui
risquent de peut-être me forcer à revendre la maison. Je vais sans doute me remettre professeur
dans une école libre à la rentrée. Aimez-vous les chiens ? J’en ai acheté un l’autre jour au
rabais au marché aux puces de St Ouen. C’est un peu fou car nous n’avons à Pelleport qu’une
petite pièce où l’on peut à peine bouger et où le berceau entre à peine. Jusqu’ici cela va,
mais quand l’enfant viendra, s’accommodera-t-il du chien ?
Je vous écris surtout pour vous demander quelque chose pour le prochain numéro de « 84 »
(celui d’octobre) pour lequel je dois remettre les textes à l’imprimerie à la fin de ce mois.
Vous savez que « 84 » a dû subir quelques améliorations. Je vais essayer de le faire paraître
mensuellement. Que diriez-vous d’une chronique politique ? Ou apparentée ? C’est une importante
nécessité. À moins que vous ne préféreriez nous donner un texte ou des notes ou que sais-je ?
J’y tiens beaucoup et je suis sûr que vous ne me le refuserez pas. Cela vous fait quinze grands
jours pour me l’envoyer. Car il y a des chroniques dans « 84 ». Il y a même une rubrique
intitulée « la Rue » Foires, Cirques etc... Le numéro déjà prêt de septembre paraîtra le 5.
Peut-être si tout est terminé pourrais-je vous en envoyer un exemplaire avant la fin du mois.
Il est bien dommage que nous n’ayons plus eu de nouvelles des ballets de l’Opera. Et le
journal ? Faut-il envoyer quelque chose de précis pour une date prochaine ? J’achève tout
doucement ma traduction de Trelawny. Je passe tous les jours trois heures dans le métro et cela
m’impressionne encore plus que cela ne me fatigue. Je n’ai pas une minute pour toucher à mon
roman. Ni à l’anthologie sur laquelle pourtant je voudrais m’acharner. Pourvu que Jeanne
paraisse bien vite à la rentrée. J’en ai grand besoin ?
Il est très tard, je suis fatigué. Pardonnez moi de ne pas corriger les fautes de frappe.
C’est un travail que l’on ne peut faire que le matin.
Toute mon amitié cher Jean Paulhan et j’espère vous voir très bientôt.
Monsieur Marcel Bisiaux 84, rue St Louis-en-l’Ile Paris (4e)
Vendredi
Cher Marcel
Je me demande si c’est très délicat de faire en ce moment des dettes, dont vous savez très
bien (avec les baisses à venir) que vous ne rembourserez que le quart ou le cinquième. Mais
enfin, c’est une affaire entre vous et votre conscience. Moi aussi j’a dû en faire (pour
réparer le toit de ma maison : le plus bel échafaudage qu’on ait vu dans la rue.)
Ø
Mais je n’ai rien à vous envoyer en ce moment ! Donnez-moi quelques semaines. Quand sort le
premier n° de la nouvelle série ?
Vous ne donnez pas vous adresse de Belleport. Comment va votre femme ? Êtes-vous déjà père ?
Vous sentez-vous (tous deux) changés ?
O
De l’opéra et du journal, je ne parviens à rien savoir. Nous rentrons à Paris vers le 15
septembre. Finalement, j’ai été malade, cet été, plus souvent qu’il n’est raisonnable. Mais
écrivez !
Ste Genevivèe-Petit-Fercourt 1 rue du Placeau Oise
Nuit du quatre août 51
Bien cher Jean Paulhan
Je ne sais si vous êtes à Paris. Je suis allé passé une quinzaine de jours dans le beau
château de madame Heurgon, avec ma femme, à Cerisy la Salle en Normandie. Je pense que cela a
dû me reposer. J’ai un peu travaillé et fait de bonnes parties de boules et ping pong avec
Georges Lambrichs déchaîné. Depuis je repique des salades, je lis et corrige le Michelet de la
Pléiade. Quant je le puis, je viens un jour à Paris. Tout est plus dur que jamais, mais le
jardin est plein de légumes. Je trouve fort édifiants les mémoires d’Harriet Wilson. Je vous
envoie un texte dont la première partie avait paru dans Botteghe Oscure. Peut-être y
ajouterais-je un ou deux textes plus courts du même vent. Je ne sais. J’ai écrit quelques
contes aussi. Travaillé un peu, par discipline, à un roman que je n’aime pas beaucoup. Mais
j’ai peur de devoir abandonner tout cela bientôt. Il faudrait fabriquer quelque miracle de vie.
J’ai peur que la fatigue l’emporte, malgré les sursauts. Et les stimulants sont des farces.
Même bons à prendre. Je serais bien content, si, un jour, vous passiez par le département de
l’Oise.
Je vous dis bonjour cher Jean Paulhan et à bientôt.
Marcel Bisiaux.
Marcel Bisiaux à Jean Paulhan (27 septembre 1951) §
Connaissez-vous les petites villes d’Alsace en dehors des grand’routes ? Ce sont des
merveilles d’où l’on n’a plus envie de s’en aller. D’ici quinze jours, je vous passerai
quelques contes que j’ai rassemblés. Je suis en train d’écrire les souvenirs de ma vie
militaire. Ce sera peut-être un très gros livre (je viens à peine de le commencer). Il y a
certains moments de honte qu’il est fort pénible d’avouer et de raconter. Mais ce livre pourra
peut-être servir de guide aux futurs soldats.
Que pensez-vous de cette phrase de Michelet parlant de Louis XVI investi aux Tuileries par la
foule des faubourgs, et coiffant, par diplomatie, le bonne rouge :
« Ce bonnet, trop petit pour entrer sa tête » Histoire de la Révolution (p.922), tome I.
D’autre part, ceci m’a embarrassé : (il s’agit de la mort)
Michelet écrit : « La sienne, faillit ensuivre »
Gérard Walter l’a corrigé en mettant : « La sienne faillit s’en/suivre »
Je pense que rien n’est bon là dedans, et qu’il écrire : « La sienne faillit s’en
suivre »
Ou peut-être : « La sienne faillait s’en ensuivre » ?
Je ne sais à quoi me résoudre, que pourriez-vous me conseiller ?
Michelet appelle les prostitués : « des nuées de femmes vouées aux libertés de la
nature »
Je passe seulement quelques jours à Lunéville, et rentrerai à Paris au début de la semaine.
Je vous verrai peut-être vendredi à la N.R.F.
Je ne sais ce que sera « 84 » cette année. Je ferai l’impossible pour la faire paraître très
rapidement.
À très bientôt cher Jean Paulhan. Je vous dis toute mon amitié.
Monsieur Marcel Bisiaux 1, rue du Ponceau Sainte-Geneviève (Oise)
3 oct. 51
Cher Marcel
À votre place, je laisserais ensuivre. C’est ce que disent tous les vieux
historiens (ou ensevre, ou ensivre ) et il est stupide
d’avoir rajouté une s’.
C’est très curieux, « pour entrer dans sa tête ». En tout cas 1/ c’est très clair. 2/ les
cheveux (même très abondants et ébouriffés) font partie de la tête. Or le bonnet entre dans les
cheveux.
Je ne sais où vous écrire : Marie Dormoy essaie de retourner la terre pour avoir votre
adresse, pour le Prix Fénéon. J’ai présenté « Jeanne » et « l’Oeil de la Tempête » (j’avais
déjà produit un manuscrit de Jeanne il y a deux ans, mais c’était en plus des Pas Contés, et je
n’étais pas candidat l’an dernier). Il y aura beaucoup de choses dont il faudra que nous vous
parlions à votre retour. Je suis curieux de votre voyage, de ce que vous m’en direz.
Je travaille. J’ai retrouvé une certaine manière de me sentir, certain stimulant né
d’inimitiés qui m’aide énormément. Quelque chose de bon doit en sortir à « Une peine
nourricière ... »
Connaissez-vous le livre de P. Herbart sur Gide ? Je ne puis m’empêcher d’être touché par
cette sévérité d’Herbart. J’aime ce livre, malgré le continuel besoin de justification.
Je suis très déçu par « Pas de quatre » de Prokosch. Le Bavardage étouffe tout. Mais les
personnages savent toujours se rencontrer dans les livres de Prokosch.
Plus de neige à partir d’aujourd’hui. Mais il a fait bien froid ces jours passés. Maintenant
il pleut.
Merci. Je suis heureux d’avoir pu résoudre, grâce à vous, une grosse partie des difficultés.
Me voici enfin convenablement logé. Le secrétaire de Debu-Bridel, M. Krieg, a pu faire une
demande efficace tout du moins quant à l’accélération, et j’ai déménagé dimanche. Quel artiste
qu’un chef déménageur ! Il fait tout mettre devant lui sur la route. Il monte alors sur son
camion, et médite quelques instants. Puis c’est l’enchantement. Pas de paroles. Il fait un
signe que seules ses aides comprennent, et les objets, gros et petits viennent et se placent,
presque d’eux-mêmes dans le camion. J’étais émerveillé.
Je vais tenter de me tirer des très graves ennuis d’argent dans lesquels je suis. J’ai été
contraint de faire un terrible emprunt à très court terme. Enfin, puisque tout a bien marché
jusqu’ici ! Si Gallimard m’avait consenti l’avance que je lui ai demandée, je serais maintenant
en train d’écrire ce roman pour bientôt le lui remettre. Mais il me contraint de ce fait à
travailler pour les éditions de Minuit à cette collection des réussites françaises. Je suis en
train d’écrire de courtes biographies de Georges Carpentier, Jean Taris, Marcel Cerdan, Suzanne
Lenglen etc. Ensuite un livre sur les images d’Épinal. Ensuite, une histoire de la bicyclette.
Ensuite, le roman ? Je n’arrive pas à faire plus d’une chose à la fois. Et pourtant, mon seul
but est de l’écrire. L’ennui est peut-être juste d’avoir un trop grand éditeur, mais où je peux
trop tard [sic]. Quand se découvrent les impossibilités, aveugle que l’on était par une sorte
de confiance admirative et tellement naïve, et que l’on voudrait bien garder, on ne sait
pourquoi. De toutes façons, on est pris au piège.
Pardon de cette lettre décousue. Je suis tellement déçu d’avoir à toujours débrouiller taut
de fils pour ne jamais avoir finalement le temps d’écrire la moindre page que je puisse aimer.
Ô je sais bien que j’y arriverai quand même mais alors, que de temps perdu et de projets
abandonnés.
Je serais heureux de vous voir très bientôt. Il faudrait aussi que je vous parle de la
radio : une nouvelle émission sur des faits divers. Et j’espère qu’un jour, vous voudrez bien
venir jusqu’ici. Je vous dis toute mon amitié.
Marcel Bisiaux 1 rue du Placeau Ste Geneviève Oise 7 rue Bernard Palissy
Paris – 5
Bien cher Jean Paulhan
Je voudrais bien avoir le Prix Fénéon. Comme je vous l’avais dit, j’ai déposé une
candidature, pour « Jeanne » et aussi pour ce recueil de contes et récits que j’ai intitulé
« l’oeil de la Tempête » titre que vous m’aviez conseillé pour l’une des nouvelles du recueil.
J’ai eu bien du mal à composer quelques manuscrits. Je n’ose vous en envoyer un si loin. À
votre retour, Marie Dormoy vous en remettra un.
Je suis bien las en ce moment de quelques misères diverses. Des changements sont en cours
dont nous vous parlerons à votre retour.
Je ne savais pas que les serpents pouvaient s’empoisonner eux-mêmes en se mordant la queue
par erreur, et mourir dans d’atroces convulsions. C’est ce qui vient d’arriver en Australie.
Vous avez-je cité cette autre phrase de Michelet ? « Danton avait déjà dit pieds dans la
Terre ; Robespierre lui tendit la main, il eut dix pieds de plus. » J’ai noté aussi : « Huit
nuits de suite » - « Il se hâta lentement (sous l’intention de [nom illisible]) - » les chances
que l’armée de Jemmapes avait contre elle ».
Je vais demander un autre travail à Gallimard, soit de corrections encore, soit autre chose
qu’il voudra bien me proposer.
Je pense que vous êtes heureux d’être en Afrique.
À très bientôt cher Jean, et croyez à toute mon amitié.
Voici. C’est dans le tome I de la Pléiade, livre VII, chapitres 5&6 depuis la page 1066
jusqu’à la page 1090.
La scène exacte dont vous parlez est contée page 1075 et se passe à la prison de
l’Abbaye.
Pages 1081 et 82 se trouve le troublant récit de la mort de madame de Lamballe.
On me dit que vous êtes malade, et couché. Serait-ce d’un mal ramené d’Afrique ?
J’aimerais bien vous voir quand vous le pouvez.
Il y a très peu de choses drôles dans Alphonse Allais.
Parny est terriblement ennuyeux. Malfillâtre (1) l’est moins.
Quant à Platon ..
Voilà mon travail en ce moment.
À ma droite, mon voisin lit du russe. À gauche, l’autre voisin lit de l’allemand. En face est
une jolie indochinoise qui, malgré tous mes efforts, ne m’a pas encore adressé, depuis de
longues heures, le moindre coup d’oeil (ou regard). (Je suis à la Bibliothèque Nationale).
À très bientôt cher Jean P. et toute mon amitié pour vous.
Il y a trois semaines, Robert Gallimard me faisait parvenir un chèque de 25.000 francs pour
le livre de contes « L’oeil de la Tempête ». Cela faisait des années que je n’avais pas eu
devant moi cette petite somme qui permet de respirer, de se dire pendant quelques jours : rien
ne m’empêche d’écrire. J’ai aussitôt laissé toutes les besognes de côté, et je me suis mis à ce
livre auquel je songeais depuis longtemps, sorte de roman-journal : « les mauvais jours ». J’ai
écrit plus de cent pages. Me voici de nouveau obligé de m’arrêter, de perdre le fil. J’ai
dépassé les jours libres, les besognes en retard se sont accumulées, les vrais « mauvais
jours » sont là. Pour combien de mois, ou peut-être à nouveau d’années ? Personne n’y peut
rien Le livre ? C’est l’histoire en gros d’un personnage pris par l’envie d’écrire, mais
qui ne parvient pas à le faire, gêné par tant de choses, et qui attend. Finalement il semble y
parvenir, mais c’est pour écrire le journal de ces « mauvais jours » qu’il vient de passer.
J’ai quand même refusé un travail de re-writen que l’on m’a proposé à « Radar » ces jours
derniers. Il y a dans ce journal une malhonnêteté qui m’a quand même amené à prendre contact
avec elle.
Je ne sais si vous avez aimé le petit conte « Dehors la nuit » que je vous avais envoyé, en
pensant un peu au « temps, comme il passe ». J’ai eu du plaisir à l’écrire.
Je voudrais bien quitter un peu Paris. Ce soleil me fait déjà regretter cette maison de
campagne abandonnée, pour quoi finalement, pour d’autres besognes ? Peut-être quand même pour
ces cent pages déjà écrites ces derniers jours.
Je suis allé voir plusieurs fois Armen Lubin. C’est une extraordinaire sympathie dès qu’on le
voit. Je l’aime beaucoup. Que faire pour lui ? Pour qu’il reste près de Paris ? Pour qu’il ait
tout au moins, dans n’importe quel établissement une chambre à lui ? Depuis dix ans il n’a
jamais été seul. On ferme sa lampe tous les soirs à 9h, et pendant la nuit, il griffonne au
hasard quelques mots sur un bout de papier.
Henri Thomas va peut-être venir passer quelques jours à Paris.
Je vais me remettre non pas au roman que je viens de quitter avant de vous écrire, mais à
l’histoire des « messieurs catholiques’ », abandonnée depuis trois semaines, hélas payée
d’avance. Puis à quelques lectures de manuscrits pour le Club du livre et les Éditions Stocks.
Mais si peu. Ne pourrais-je obtenir des lectures à faire chez Gallimard ? C’est encore le
travail le moins sot malgré le temps qu’il prend. Je voudrais bien. Cela permet au moins
d’attendre.
Vous me pardonnerez cette lettre subite. Je vous dis toute ma meilleure amitié.
Marcel Bisiaux
C’est surtout pour vous dire que j’ai pu travailler que je vous écris.
2 Avenue de la Porte Brunet Paris 19e Bolivar 64 84
Paris, 6/7/54
Bien cher Jean Paulhan,
Très pressé, je n’ai pu que vous laisser en courant, avant hier le manuscrit de « Les Petites
Choses », enfin terminé et je crois, bien terminé. J’attends ce que vous en penserez et ce que
vous m’en direz. Je suis content de ce livre, qui, il me semble, prolonge les autres. Un
nouveau roman est en route. Il sera cette fois entièrement à la troisième personne. Quand
sera-t-il achevé ? Peut-être l’avancerais-je beaucoup si je prends quelques vacances vers la
fin de l’été. Je pense pouvoir passer vous voir très prochainement. J’ai de bonnes nouvelles
d’Henri Thomas, heureux de son enfant.
À très bientôt Jean Paulhan et je vous dis toute ma meilleure amitié
Marcel Bisiaux 2 Avenue de la Porte Brunet Paris 19e Bolivar 6484
16 août 1954
Bien cher Jean P.
Je veux vous demander un petit conseil. J’avais eu déjà cette idée, puis l’avais abandonnée
et je pense maintenant qu’elle est bonne : celle de mettre un titre sur chacun des nombreuses
parties de « Les Petites Choses ». Un titre court qui marquerait bien les différences entre les
périodes de ce faux journal qui ne sont pas forcément des jours qui se suivent. Qu’en
pensez-vous ? Il me semble qu’ainsi, ou bien de hacher plus encore un livre déjà très découpé,
ces titres (placés par exemple en haut à droite de chaque petit chapitre) aideraient par leur
succession à l’unifier davantage ; qu’ils aideraient, uniquement consacrés à l’action, à en
mieux marquer la progression. Je ne sais. Je jure que ce serait bien. Festy m’a téléphoné pour
me dire que ce serait d’un bel œil typographique on quelque chose d’approchant, que le livre
serait plus aéré …
J’aimerais bien que vous me disiez ce que vous pensez de cette petite chose. Vous ne m’en
voudrez pas de vous importuner aussi.
À très bientôt cher Jean P et je vous dis ma très vive amitié.
Je ne vous ai pas vu depuis longtemps. C’est vrai. La faute en est surtout à des horaires
inhabituels auxquels un travail parfois amusant, souvent fastidieux et mal organisé m’oblige.
Et puis d’autres choses et ennuis aussi. Une grande fatigue depuis un an. Mais je viendrai vous
voir bientôt. Aussi pour vous remettre le roman. Je l’ai gardé assez longtemps. Je vais le
relire encore une fois, mettre au point quelques petites choses. Quelques jours de calme
simplement à trouver pour y parvenir.
Je pense parfois à 84. J’aurais bien voulu que la revue parût de temps en temps comme
autrefois. Mais peut-être faudrait-il revenir à la première formule des tout premiers numéros,
avant les allures trop ambitieuses et impersonnelles du [mot illisible] aux Éditions de Minuit.
Voilà d’ailleurs bien huit mois que je ne suis plus allé aux Éditions de Minuit. Je vois de
temps en temps Marcel Arland, aux émissions de radio, Bremmer, Kern. J’ai rencontré l’autre
fois Lambrichs. C’est à peu près tout et je pense que c’est bien. Lorsque j’ai quelques heures
de liberté, sans fatigue, alors je lis, je reprends un peu le roman et je travaille au suivant,
un livre de voyages. Je ne vous ai pas dit grand chose mais c’est pour vous souhaiter une bonne
année que je vous écrivais, et vous redire mon amitié.
Marcel Bisiaux 2 Avenue de la Porte Brunet Paris 19e
Cher Jean P.
Ce n’est qu’un amical petit mot de vacances. Courtes vacances cette année encore, une dizaine
de jours dans une campagne des Charentes où l’on se souvient à la ronde de Fénelon, de Corot et
des assassins, plus que des victimes, d’Oradour. Entre Limoges et Angoulème. Le grand vent des
tempêtes y apporte parfois une odeur de mer.
J’aimerais vous voir beaucoup plus souvent. Je crois que je le pourrai mieux cette nouvelle
année. Tout s’est assez bien stabilisé pour moi à Paris-[mot illisible]. Peut-être voudrez vous
m’aider pour une courte tâche qui approche enfin ce que je voulais faire depuis longtemps : je
me suis mis d’accord avec Pierre Horay pour m’occuper avec lui des Éditions de Flore, à la
suite du départ de Jean Le Marchand. J’aurai beaucoup de conseils à vous demander. Qu’en
pensez-vous ? Je suis heureux de cette nouvelle « activité » qui, je pense, sera bientôt pour
moi la principale, sinon la seule.
Le nouveau roman se trace lentement. Mais il ne sera pas terminé avant de longs mois, à moins
d’un élan soudain et imprévu. Mais certain aspect du livre m’oblige à des travaux de
documentation.
Je suis heureux de la prochaine parution de « Les Petites Choses », heureux de ce que vous
m’avez dit. Croyez bien que je vois tout ce qui est définitif dans ce livre, c’est-à-dire
matière morte, bonne seulement pour le lecteur. Mais à partir de certaines zones claires je
sens bien ce qui se prolonge dans mon travail d’aujourd’hui. Je verrai. Vous verrez.
Je suis curieux de ce que vous allez publier dans la NRF, de ce que vous choisirez. Je me
demande si je n’en suis pas plus content que de la parution du livre lui-même.
J’ai reçu de bonnes nouvelles d’Henri Thomas. Cela m’ennuie de ne pas l’avoir vu depuis si
longtemps. Je vous redis toute ma vraie amitié, cher Jean P, et à très bientôt.
Monsieur Marcel Bisiaux 2, avenue de la Porte Brunet Paris
(13) 24 rue de la Résistance Luneville
23 mai
Cher Marcel B
Henri Thomas, que j’ai vu hier m’a paru navré de vous avoir manqué ! (Il ne restait que deux
jours à Paris, où il était venu voir son avocat. Il a, comme disent les gens, forci. D’une
force qui lui va en tout cas très bien, et les nouvelles de Jacqueline et de Pascale sont
bonnes). Je ne savais rien de votre opération. (Je serais bien sûr venu vous voir.) Vous
sentez-vous à présent tout à fait remis ? J’imagine que vous êtes en pleins champs.
Impatient de lire le manuscrit que vous me promettez. Ce n’est pas gai de se voir si peu, et
de si loin en si loin. Puis cela permet (en général) à toute sorte de bruits et d’histoires de
vous lever entre les pieds comme des lapins. Il y avait, du temps de 84 (et
des Cahiers ) une amitié plus simple. Peut-être la rattrapera-t-on quelque
jour. Enfin je le voudrais. Mais je crains que l’article (immonde) de Guérin dans la Parisienne ait de nouveau fâché Henri et, en tout cas (s’il l’a lu) André Dh.
contre Marcel Arland.
Je voudrais, moi aussi, vous revoir. Je me suis aperçu de quelques défauts, et j’ai dû
recommencer toute ma Peinture moderne. Drôle de vie. D’autre part, ma femme a
été très gravement atteinte, est loin encore d’être remise. Mais j’ai confiance dans les mois
prochains.
Monsieur Marcel Bisiaux 2, avenue de la Porte Brunet E.V. (19)
Paris, le 18 janvier 1954.
Mon cher ami,
Il faudrait tout à fait que vous consentiez à faire une petite visite à Marie Dormoy à la
Bibliothèque Doucet (Bibliothèque Sainte-Geneviève, place du Panthéon) quelque mardi ou jeudi
entre 2 et 5 heures. Pour faire acte de candidature.
(Je ne voudrais pourtant pas trop vous ennuyer.)
Vous n’avez avez pas encore 35 ans, n’est-ce-pas ?