Correspondances écrites et reçues par Jean Paulhan (1925-1936 et 1950-1958), éditées en collaboration avec l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC, Caen) et la Société des lecteurs de Jean Paulhan (SLJP).

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Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).

Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :

  • 1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
  • 1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…

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  • Pour consulter les archives-papier originales de Jean Paulhan à l'abbaye d'Ardenne, inscrivez-vous à l’IMEC.

Marie-Anne Comnène

Jean Paulhan

Germaine Paulhan

1928/1958

Jean Paulhan, Germaine Paulhan & Marie-Anne Comnène

Correspondance (1928–1958)

2016
Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL, 2016, license cc.
Source : IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878
Source : IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536
Ont participé à cette édition électronique : Clarisse Barthélemy (Responsable éditorial), Camille Koskas (Responsable éditorial), Véronique Hoffmann-Martinot (Transcriptrice) et Anne-Laure Huet (Édition TEI).

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (20 mars 1928) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 20 mars 1928.

[Enveloppe manuscrite, cachet du 20 mars 1928 rue de Vaugirard, adressée à]

Madame Marianne CrémieuxI

29, rue des Favorites

E. V (15°)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (1929) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 1929.

[Carte postale « L’homme à la casquette » de Vincent Van Gogh]

 

Chère amie, ce que Benj[amin]III n’a pas dû vous dire, c’est la joie que lui a donnée ma blessure.

Il était vraiment triomphant. Mais ne pensez pas que vous ayez couru un danger. J’avais eu envers elleIV des torts assez graves. (Je lui avais mis une ceinture).

Nous l’avons rendue pour 2 mois au Muséum où sa vieille mère, de joie, a fait pendant dix minutes, sans s’arrêter une sorte de saut périlleux en arrière. C’était très touchant.

Nous sommes heureux de vous savoir si heureuse à CargèseV, et nous vous envoyons de grandes amitiés.

Jean P.

Germaine Paulhan à Marie-Anne Comnène (1er février 1929) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1er février 1929.

[Lettre de Germaine Paulhan à Marie-Anne Comnène]

Chère amie, non, je ne veux pas résister à votre invitation et montrer tant d’ingratitude. Alors, je suis heureuse non pas – pardonnez-moi – de la chose elle-même, mais de la joie que cela a pu procurer à ce Jean trop gâté par ses amis.

Comment allez-vous maintenant ? Je voudrais vous savoir tout à fait guérie.

Cette « dramatique » affaireVII, comme vous dites, nous tourmente et nous voudrions bien la voir arrangée au mieux, pour tous. Oui, quelques heures de bonne causerie auraient été précieuses pour nous, mais quand ? Irez-vous samedi au C[ ?] I[ ?] ? Jean voudrait m’y emmener et j’en serais heureuse – surtout si je devais vous y rencontrer ! Mais je crains fort que le violent mal de gorge dont je souffre en ce moment, ne m’en empêche.

De toute façon, à bientôt.

Nous vous envoyons à tous deuxVIII de grandes amitiés.

Germaine

Germaine Paulhan à Marie-Anne Comnène (1er septembre 1929) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1er septembre 1929.

[Carte postale de Germaine Paulhan – Au recto : « Ile de Port-Cros (Var) – « Ce ciel et cette mer, ces montagnes et ces grèves ont la même nuance de lumière transparente que l’Attique ou le Péloponnèse » Voyageuses (Paul Bourget) » ; au verso : « le Parc de l’Hostellerie provençale – Bateaux quotidiens par les Salies d’Hyères – Gare et correspondance PLM »]

Chère amie,

FrancisX en ce moment aplanit le petit chemin de la poudrière. Il est plein d’entrain et de vigueur, et il est toujours prêt à arracher des herbes ou à grimper. Demain nous irons à Porquerolles en petit bateau et à partir d’après-demain il prendra régulièrement des bains avec les enfants SupervielleXI. Je crois qu’il se plaît bien ici. Ne viendrez-vous pas ? Nous serions heureux de vous avoir aussi. BenjaminXII travaille. Il a terminé son feuilleton des Annales hier soir. Enfin, on n’est pas trop mal à la Vigie, et vous devriez bien y venir.

Bien des amitiés de nous deux.

Germaine

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1931) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1931.

Cher ami, je suis heureuse plus que je ne saurais vous le dire que VioletteXIV ait votre amitié. Je ne lui souhaitais pas de frères plus sensibles ni plus difficiles et elle entre dans le monde accompagnée de l’attention la plus précieuse. Je voudrais qu’elle la mérite entièrement et si je le pouvais je me sacrifierais de grand cœur. [Magdala ?] Mais vous saurez n’est-ce pas cher ami que c’est à peu près impossible et que si nous n’avons nul besoin de M[agdala ?] le roman, lui, en a besoin. Il a besoin de ce réactif, de cette salutaire irritation qu’apportent la sottise et la vanité de M[agdala ?] à Violette, à Marinier, au lecteur de bonne volonté. La refondre ? Oui, je vais essayer et je vais aussi réduire très sérieusement là [où on peut ?].

Vous m’aviez promis, cher ami, un livre de votre pèreXV. Je ne pars pas, j’aurais aimé faire alterner la correction de mes épreuves avec une lecture difficile, enrichissante.

Vous devez être après cette dure quinzaine plus près de lui… et moins habitué que jamais. Ces sortes de douleurs creusent chaque jour leur place et jusqu’à ce qu’elles se soient vraiment fixées. Leur cruauté est sans égale. J’imagine ces attaques contre vous et leur long et consciencieux travail et je voudrais déjà le savoir terminé.

Si vous pouviez travailler ?

Mais n’êtes-vous pas trop fatigué pour entretenir avec votre père une conversation, [dont?] votre écriture sur le papier blanc serait la preuve matérielle et qui vous le rendrait plus vivant que jamais ? Il doit être bon père [pour ?] re-parcourir lentement tous les domaines de sa pensée qui elle du moins pourra toujours vous tenir compagnie et ne s’absentera jamais.

Je ne voulais pas remettre le plaisir de vous dire merci. Pardonnez-moi si je le fais un peu brièvement et si ce merci ne dit pas tout ce qu’il avait à dire. Essayez de vous reposer n’est-ce pas et croyez-moi très fidèlement votre amie

Marianne C.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (1931) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 1931.

[Lettre]

Chère amie,

Nous voici près du retour, et jamais le temps n’a été assez beau pour nous permettre d’imaginer avec assurance la Corse, et vous dans la Corse. Nous nous y sommes pris autrement. Où en est Violette MarinierXVII ?

Et Benja[min] ? Quand rentre-t-il à Paris, et comment s’est passé son voyage, et n’a-t-il été pris dans aucune révolution ? Nous avons reçu de lui un mot très réconfortant – mais il était encore, à ce moment, sur le bateau.

A bientôt. Je pense que SaliesXVIII a fait du bien à Germaine. C’est un bien qui ne se révèlera que peu à peu. Nous vous envoyons nos amitiés très vives.

Jean Paulhan

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (1934) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 1934.

[Enveloppe non timbrée et sans cachet de la poste, datée 33/34XIX et adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V.

 

[Lettre en-tête 29, avenue Jean Jaurès Chatenay-Malabry (Seine)]

Bien chère amie,

Ce qui me frappe dans le BonheurXX c’est la qualité du détail : peut-être fallait-il, dans Rose ColonnaXXI, une page pour éprouver ce que nous donne à présent une ligne ou un mot. Je crois que vous pénétrez enfin jusqu’à votre style.

Je vous en parlerai mieux. J’ai demandé à Henry DérieuxXXII qui est sensible et fin, de parler à la fois dans la NRF, de Rose, de Violette et du Bonheur. Il doit les aimer. Ne voulez-vous pas que nous donnions son étude sans la lire ?

Beaucoup d’amitiés pour tous deux.

J.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (3 juillet 1934) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 3 juillet 1934.

[Enveloppe manuscrite, cachet du 3 juillet 1934, rue Cler Paris (VII°), adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V (V°)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (29 octobre 1934) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 29 octobre 1934.

[Enveloppe cachet du 30 octobre 1934 rue Cler, Paris (VII°), adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (V°)

 

[Lettre en-tête 29, avenue Jean Jaurès Châtenay-Malabry (Seine)]

Chère amie,

Je voulais vous dire, l’autre soir (mais vous étiez inaccessible) que l’on me parle beaucoup d’ArabelleXXIV, d’une façon qui me plaît. Aussi que PierreXXV prépare sérieusement son second bachot à Poitiers. (Merci encore d’avoir songé à lui, si gentiment). C’est bien l’an prochain, n’est-ce pas que cette fois vous viendrez jusqu’à Port-Cros (dont voici quelques rochers

Groeth[uysen]XXVI….

AlixXXVII……………

Germaine….

Et notre amitié

Jean Paulhan

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (25 décembre 1934) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 25 décembre 1934.

[Lettre dactylographiée en-tête NRF Paris, 43 rue de Beaune – 5 rue Sébastien Bottin (VII°)]

Chère amie,

Pardonnez-moi de vous écrire machinalement (à la machine). Je ne suis pas tout à fait guéri.XXVIII

Le second conte me semble très beau. Le premier un peu moins (Pourquoi Elie Moïsseitch s’y appelle-t-il tout d’un coup Farbman ? Pourquoi tant de petites négligences de traduction ?) Le dernier est un peu confus. Ne pensez-vous pas que ChuzevilleXXIX pourrait reprendre le tout, les bien fondre ensemble. Naturellement, je voudrais beaucoup le donner dans la N.R.F. Mais tout cela est si léger et si fin que la moindre petite faute de traduction le déchire d’un bout à l’autre. (Si seulement on pouvait la faire revoir par FargueXXX, mais il n’y a rien à espérer de ce côté).

Nous vous envoyons bien des amitiés.

Jean PXXXI

Il me semble qu’il y a quelque chose dans le ton de la traduction, qui va contre le sujet : je ne sais quoi de pincé, de contraint, d’un peu glacé. Ne le pensez-vous pas ?

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1935) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1935.
Cher ami

Je crois que je me souviendrai toujours comme vous avez été bon pour RemizovXXXIII.

Merci. Voici encore tout ce qui reste libre en 6 16-66-76-86.

Me donnerez-vous les noms correspondants aux numéros ou préférez-vous le secret ? Pourtant si l’un d’eux gagnait !

Peut-être devriez-vous me donner un jour ou une soirée pour déjeuner ou dîner tous deux à la maison, ce serait plus commode pour parler de R[emizov]. N’importe quel soir ou midi de la semaine prochaine sauf dimanche et mardi. Merci encore.

Votre Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (31 janvier 1935) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 31 janvier 1935.

[Enveloppe cachet date illisible 1935 postée rue des Saint-Pères adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5°)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (29 mars 1935) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 29 mars 1935.

[enveloppe cachet du 29 mars 1935, rue des Saints-Pères, adressée à]XXXIV

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (V°)

 

[lettre 2 feuillets en-tête NRF Paris, 43 rue de Beaune – 5 rue Sébastien Bottin]

Port-Cros par les Salins d’Hyères (Var)

Chère amie,

Je pensais bien venir vous demander une tasse de thé, et puis j’ai été terriblement surmené, depuis une semaine. Enfin, nous quittons ce soir Paris.

C’est pour y rentrer dans un mois environ. Et vous, quels projets de vacances ? Je voudrais bien lire la lettre de RemizovXXXV. (FrédéricXXXVI me semble s’être assez bien tiré de son écrit).

Recevez tous deux notre amitié.

Jean Paulhan

Faut-il qu’HélèneXXXVII soit si bonne ? cela n’affaiblit-il pas ce qu’il y a en elle de tout de même irréductible, de tranchant, d’extraordinaire ? (N’insistez-vous pas un peu trop sur sa patience à recevoir les gifles).

Lucile et Jacques sont tous deux admirables et vrais (jusque dans cette façon d’être doubles, et cependant opposés par leur sorte particulière de duplicité dualité).

Maurice ne me paraît pas très nécessaire. Mais à vous non plus, je pense. Faut-il tout à fait qu’Hélène se tue ?

Avec amitié

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (5 avril 1935) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 5 avril 1935.

[Enveloppe manuscrite, cachet du 5 avril 1935 19h30, rue Cler Paris (VII) adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5°)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (9 décembre 1935) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 9 décembre 1935.

[Enveloppe cachet du 9 décembre 1935 boulevard Saint Germain, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (V)

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1936.

[Lettre en-tête 40, rue Denfert Rochereau, Ve]

Cher ami, je ne peux pas croire que G[abriel] M[arcel] ait prononcé des paroles aussi stupides et malveillantes. Je vous promets en tout cas que je tirerai la chose au clair. Ses boutades contre la NRF n’ont certainement jamais eu d’autre importance que celle qu’il faut donner aux boutades de tout ordre. Non je ne crois pas que le désir de réconciliation de G[abriel] M[arcel] soit intéressé ! Il y a déjà 6 mois que son livre a paru !!XXXIX Ce que je crois c’est qu’une nervosité de plus en plus maladive l’empêche de se contrôler et qu’il lui est peut-être arrivé de répéter à tort et à travers ce qu’il a entendu dire dans les milieux trop purs !! qu’il fréquente. C’est un pauvre être croyez-moi mais un pauvre être de bonne volonté et qui ne demande qu’à voir clair et surtout qui est lentement détruit par tout ce que la vie lui refuse. Je sais bien que vous avez tout à fait le droit de vous révolter quand sa mauvaise humeur contre la NRF s’exprime avec tant de parti-pris mais je suis bien persuadée que ce parti-pris n’a jamais été jusqu’à vous identifier au symbole NRF et qu’il a pour vous la plus sincère et profonde amitié. Vous ne pouvez être absolument rendu responsable de tout ce qui s’imprime dans votre revue. Je continue à penser que la note de ce M[onsieur ?] G[uérin ?XL] tendre [sans doute ?] et un peu nuageuse lui ferait de la peine, qu’il en décuplerait l’ironie, qu’il n’en verrait pas la justesse ; précisément parce qu’il est naïf et qu’un éloge ou même un refus d’éloge direct le [contente ?] mieux que trop de fleurs épineuses. Enfin vous verrez ! D’autre part, j’avoue que c’était dans la NRF qu’il donnait le meilleur de lui et que certaines de ses études notamment celle sur LawrenceXLI me sont restées gravées dans le [souvenir ?].

Peut-être viendra-t-il me voir un de ces jours et j’essaierai d’être subtile pour savoir la vérité. Au besoin oui je lui laisserai lire la 2ème page de votre lettre !

Notre pauvre PirandelloXLII ! Avez-vous vu ce testament ? Cette humilité dans la mort et comme il avait peu d’amis. Je commence à trouver trop long cet emprisonnement mais je crois qu’il touche à sa fin. Partirez-vous pour la Noël ? J’espère à bientôt et merci pour ce que vous me dites de la [illisible].

Votre amie Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1936.

Cher ami, G[abriel] Marcel est venu me voir tout à l’heure. Et nous avons longuement parlé de l’imprudence qu’il y avait à prononcer des paroles en l’air. Comme je m’en doutais, vous n’êtes nullement en cause, ce propos qu’il aurait tenu il y a quelques 8 mois ou 10 s’adressant aux éditions non à la revue ; il m’a répété à plusieurs reprises avoir admiré au contraire la liberté et l’indépendance que vous aviez montré en publiant Grenier, etc… Il a pourtant reconnu qu’il avait eu tort de dire des choses dont il ne pouvait être sûr et qui lui avaient été inspirées par l’opinion d’une de ses amies [russes ?]. Voilà. Il était vraiment confus et attristé en lisant les 2 pages de votre lettreXLIV et d’autant plus qu’il est parfaitement convaincu que non seulement vous êtes au-dessus de tout soupçon mais que l’argent n’a pour vous aucune importance. Je puis vous affirmer qu’il était profondément sincère quand je lui ai demandé devant qui il avait prononcé de telles hérésies, il a cherché un grand moment à se le rappeler ; je puis vous affirmer aussi que ce n’était pas devant F[ernandez]XLV mais devant un imbécile quelconque dont il ne m’a pas dit le nom et qui sans doute l’a répété à sa manière, amplifié encore et déformé par la 2ème édition. Peut-on vraiment condamner quelqu’un sur d’aussi superficielles déclarations ? Il m’a dit aussi se trouver horriblement gêné parce que comme il pensait un certain nombre de choses très favorables sur L’Homme est-il humainXLVI quand son article paraîtrait il aurait l’air d’appeler sur sa pièceXLVII l’article de F[ernandez] dont il ne peut nier qu’il le préférerait à tout autre article.

Voilà : vous savez tout. Je crois Marcel incapable de mentir ; il est imprudent, emporté et naïf mais il est toujours sincère. Je crois aussi que dans la mesure où la chose est possible il ne faut pas trop l’abandonner. Serez-vous à Paris le mardi 29 ? Peut-être pourrions-nous dès à présent retenir ce soir-là pour que vous veniez dîner à la maison avant que l’année finisse. Je suis à peu près sûre qu’il ne restera plus autour de moi la moindre odeur de grippe, ni la moindre contagion. Nous serons entre nous.

Pour la M[aison] H[aute]XLVIII, je vais essayer de deviner ce qu’il me paraît utile de rectifier et d’allonger et je vous enverrai une nouvelle 2ème partie. Si je ne devine pas, ne voudriez-vous pas vous-même rectifier ? Vous me dites qu’il s’agit de traits simples que je changerais sur épreuves ? Peut-être que les quelques mots que vous voudriez bien ajouter vivants et vifs remplaçant ceux qui vous paraissent morts ou languissants seraient pour moi d’un enseignement plus efficace que n’importe quelle démonstration. Et ça me ferait tant plaisir de distinguer ces grains de blé dur au milieu de mon orge pâle.

Au revoir, bon noël à vous deux et mon amitié.

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1936.

Merci cher ami. Non je n’ai pas voulu cette gaucherie de la 1ère partie, mais c’est un fait qu’elle existe, qu’elle m’a gênée aussi sans que j’aie réussi à la réduire. Je crois que j’ai eu tort de trop bien me souvenir de cette [Francesina ?], de cette [Del Monte ?], de ces discussions sur Dante [10 ou 12 ?] choses réelles). Il me semblait que cela préparait autrement sans doute mais avec vérité la découverte de la vraie [Concettina ?]. Pourtant non vous avez raison, j’aurais dû les fondre et les imposer mieux ; c’est ce que je vais essayer de faire avec l’œil lucide de la maladie. La fin de cette grippe me privera de vous retrouver tous deux au [Champs-Elysées ?]. Mais vous viendrez dîner à la maison je l’espère dès que je me sentirai un peu ressuscitée.

Je vais retravailler les 6 premières pages et je vous les enverrai raccourcies. Gardez le ms [manuscrit]. J’aimerais beaucoup que La Maison hauteL me devînt dans son ensemble assez sympathique pour que vous la donniez dans la NRF. Je vous enverrai dès que possible son nouveau début : je suis contente que vous en aimiez la fin, c’est pour elle que toute la nouvelle a été écrite _ mais ai-je besoin de vous le dire ?

Comme c’est bien d’avoir dressé déjà une statue à ClaudelLI. Est-ce que ça ne va pas le faire mourir ? On m’a dit qu’il était si malade.

Toute ma vieille amitié

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 1936.

[Lettre 2 feuillets]

Chère amie,

Nous voici rentrés, Germaine encore très lasse de ses cures et qui ne pourra sûrement pas d’ici quelques semaines reprendre sa vie d’avant les vacances.LIII

J’ai travaillé. (C’était très compliqué. Voici la question : c’est que, si les Fleurs de T[arbes]LIV sont justes, elles doivent donner réponse à tout problème qui ait touché au langage, depuis HermogèneLV et CratyleLVI. Mais c’était plus difficile que je ne pensais.)

Nous entendions les nouvelles de la TSF au bord de l’Adour, tout près du geyser où les empereurs romains envoyaient leurs femmes se baigner. Cela faisait un peu lointain.

La course de taureaux a été médiocre, et OrtegaLVII prétentieux.

Que vous êtes heureuse d’avoir vu Sanary (peut-être y êtes-vous encore). Comment était-il, comment y était le soleil ?

Mon fils assure qu’au bachot l’on va être indulgent.LVIII Non, si les inquiétudes s’en vont. A Dax, les bourgeois répétaient les articles de Gringoire, c’était assez décourageant. Mais il arrivait à l’homme de la rue de s’enchanter des perspectives d’une rapide campagne, d’une rapide victoire en Espagne.

Avez-vous travaillé ? J’ai beaucoup entendu parler de GraziaLIX.

Recevez toute mon amitié.

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (2 mars 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 2 mars 1936.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 2 mars 1936, postée rue des Saints-Pères adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5°)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (3 avril 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 3 avril 1936.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 3 avril 1936, postée rue des Saints-Pères adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5e)

 

[au verso de l’enveloppe de la main de Marie-Anne Comnène ?]

Nous ne [trois mots illisibles] que nous-mêmes.

Emeraude

Diamant

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (9 avril 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 9 avril 1936.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 9 avril 1936 postée à Pontrieux (Côtes du Nord) adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (V)

 

[Lettre en-tête NRF]

Chère amie,

Bien sûr. Mais il est évident qu’il s’agit là de potins : « on racontait… qu’une ménagerie (mais ce n’est pas une ménagerie) … quelle que fût la leçon (donc on ne sait pas quelle a été la leçon) ». Enfin, j’aurais deux fois tort parce que j’avais assuré au traducteur que personne ne croirait au lion (en anglais, on n’y croit pas du tout). Et je serais bien ennuyé d’avoir deux fois tort. Mais tant pis. Et merci pour ArabelleLX, et pour la soirée de vendredi qui était bien délicieuse.

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (17 mai 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 17 mai 1936.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 17 mai 1936, postée à Chatenay-Malabry adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (V°)

 

[Lettre en-tête NRF]

Chère amie,

Il arrive au M[inist]ère de l’E[ducation] N[ationale] une « note » d’un inspecteur qui s’appelle, je le crains, Pou, mais qui estime, de votre frère, qu’il est « le véritable ambassadeur de la France en Egypte, subtil, sagace, généreux ». (Note secrète, bien entendu).

Nous avons vu hier une vieille dame un peu percluse, mais délicate et charmante, mère de Pierre LièvreLXI, et qui a une grande passion pour ArabelleLXII.

Bien des amitiés

Jean P.

(Vous lirez (ou ne lirez pas) les Fleurs de Tarbes dans la prochaine NRF : il y a une surprise, mais qui n’arrive guère qu’au 3ème numéro.LXIII

Savez-vous que « Contre-attaque »LXIV est dissous, et Breton et Eluard à jamais brouillés ?)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (3 juin 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 3 juin 1936.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 3 juin 1936 postée avenue d’Orléans XIV° adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (V)

 

[lettre 1 feuillet]

Chère amie,

Vous nous avez manqué hier. Il y avait une fort belle chienne (à G[aston] G[allimard]) avec des oreilles en feuilles de sensitive, et Ramon FernandezLXV, fort étonnant (Marion LXVIet DrieuLXVII une fois éliminés, il devient une sorte de proconsul de Doriot pour l’Afrique). Mais Gaston G[allimard] prétend que F[ernandez] ne s’intéresse plus sérieusement à la NRF, et n’a guère droit à nos réunions. Qu’en pensez-vous ? Guérissez-vous vite tout à fait et recevez notre amitié.

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (12 octobre 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 12 octobre 1936.

[Enveloppe cachet du 12 octobre 1936 postée à Port-Cros (Var) adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (V°)

 

[Carte postale Bateaux quotidiens par les Salins d’Hyères – Gare et Correspondance P.L.M]

Lundi

Chère amie,

Une petite baleine (ou tout au moins un gros cachalot) saute depuis ce matin le long des côtes. Il annonce, paraît-il, un grand beau temps. Mais il nous faut rentrer tout à l’heure, et nous n’aurons guère eu qu’orages et que pluies.

Quelles nouvelles des voyageurs ? Nous dormons ici, au FortLXVIII, sous un grand portrait romantique de JulioLXIX, q[uel]q[ue] ch[ose] comme un « Supervielle aux orages » qu’ils ont oublié, exprès je pense.

Ma cousine m’écrit qu’elle vous aime beaucoup.

Je suis content que la fin des FleursLXX vous ait intéressée. Merci de me l’avoir écrit. Mais si la raison peut reprendre à la mystique son bien, s’il peut y avoir une sur-raison émouvante et joyeuse, cela non plus, je pense, ne pouvait aller sans orages. Recevez toute mon amitié.

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (16 décembre 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 16 décembre 1936.

[Enveloppe cachet du 16 décembre 1936 postée rue des Saints-Pères adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (V)

 

[Lettre 2 feuillets en-tête NRF]

Chère amie, je me demande à présent si l’histoire ne faiblit pas un peu, à partir de la p[age] 15 (peut-être avez-vous un peu trop confiance dans votre ton, dans votre accent. Peut-être vous faudrait-il un peu plus d’humilité pour nous faire croire à la réalité des évènements. L’oblat, par exemple, s’il disait, au lieu de ce trop simple « Pendant vingt ans je me suis reproché… » je ne sais pas, quelque chose comme : « On dit beaucoup de paroles légères quand on est jeune. Plus tard, on s’en veut de les avoir dites. Sais-je si je reviendrai jamais de cette Afrique où je vais m’enfoncer ? Alors, avant mon départ, puisque mon chemin passait par Florence… » enfin quelque chose de plus atténué, de plus vraisemblable. Et dans la suite, ne faudrait-il pas quelques phrases indiquant que les villageois s’étonnent et pourtant ne jasent pas qu’un supérieur commençant un avertissement avait bafouillé ne trouvant rien à dire ; que lorsque le père Frank prenait la résolution de partir, de mystérieux contretemps venaient l’en empêcher ; que cette étrange situation finissait par sembler naturelle, et voulue par Dieu… bref, envelopper tout cela d’une atmosphère qui renie le récit croyable…

Vous seriez gentille de vous laisser persuader.LXXI Merci de votre lettre, et grand merci pour MarcelLXXII.

Nous vous envoyons notre amitié.

Jean P.

Voilà ce que je veux dire ; ne vous abandonnez pas trop encore à votre autorité. [Dans la marge, à gauche, verticalement]

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (18 décembre 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 18 décembre 1936.

[Lettre en-tête NRF 4 feuillets]

Chère amie,

Merci. A présent, le début me paraît excellent.

Je ne crois pas avoir jamais changé de sentiments à l’égard de Marcel. Il s’est montré avec moi, à deux reprises, d’une violence parfaitement injuste (la première, pour se plaindre à nos amis communs d’une réserve que j’avais faite – dans une lettre à lui adressée – sur le Monde casséLXXIII ; la seconde fois, pour se plaindre du retard avec lequel paraissait dans la NRF la note sur ce même MondeLXXIV – que j’avais demandée, sur son conseil, à Julien LanoëLXXV). Cela, sans aucune importance. Mais voici qui en a un peu : c’est le ton sur lequel il semble que Gabriel Marcel parle ordinairement de la N.R.F. Par exemple :

X – La note de la NRF sur RégnierLXXVI était ignoble.

Marcel – Attendiez-vous donc autre chose de la NRF ?

ou bien

« Je n’ai, pour moi, aucun doute sur ce point : la Nouvelle Revue Française reçoit de l’argent de Moscou. »

Ainsi de suite. (Et à peine ai-je écrit ces mots, qu’il me devient tout à fait impossible de croire qu’il ait pu accepter, ou répéter – fût-ce sur le ton de la plaisanterie – une calomnie aussi idiote. Ce qui m’embarrasse le plus, c’est le sérieux, la conviction de ceux de nos amis qui me rapportent – et justement avec indignation – ces fragments de conversation. Mais vous le savez comme moi. Et puis, je me dis que Marcel n’est pas moins naïf qu’il est violent, que sa critique littéraire entre autres (et je ne parle pas de son occultisme) se précipite avec joie dans les pièges les plus grossiers, et qu’enfin il n’est pas tout à fait incapable…

Au fait, si vous lui montriez les deux premières pages de cette lettre ? (Je le voudrais bien.)

Avec beaucoup d’amitié.

Jean P.

M. SavinLXXVII est professeur – vingt-cinq ans – ami et disciple d’Alain – normalien – petit et trapu. Mais non, sa note n’était pas aigre. (Elle m’a paru beaucoup trop tendre.)

Je ne voudrais pas du tout être méchant mais c’est toujours quand il vient de publier un livre que G[abriel] M[arcel] montre le désir de se réconcilier avec la NRF.LXXVIII

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (24 décembre 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 24 décembre 1936.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 24 décembre 1936, postée Boulevard Saint-Germain et adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V (5°)

 

[Lettre en-tête NRF 2 feuillets]

Chère amie,

Merci. (Il me faudra vous demander quelques mois, peut-être, de patience mais, si vous l’aimez mieux, je puis faire composer la Maison hauteLXXIX tout de suite.)

Elle est tout à fait belle.

Je me demande si « les docteurs d’année en année lui laissent espérer… » est bien une phrase « dite » (ou qui le semble). Cela a l’air un peu explicatif, un peu « inventé pour ». D’où vient sans doute la gêne que vous donne tout le passage. Mais vous déciderez mieux sur les épreuves si vous le gardez ou non.

A bientôt, et toute notre amitié.

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1950.
Cher ami

Merci. Non vous ne m’aviez pas dit. Bon midi ! reposez aussi votre esprit.LXXXI Regardez la mer à travers les oliviers et les palmiers à l’heure où le soleil décline. Cela m’a guérie du même mal cet été.

J’ai le petit papier [ou ?] F[ ?]. Ce serait horrible. Mais est-ce vrai ? Si vous le pouvez envoyez-moi votre Liberté de l’espritLXXXII pour que je puisse à l’occasion rétablir la vérité. Que je vous envie d’aller voir du bleu !

Votre Marie-Anne amie

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1950.

Non cher ami, CécéLXXXIV est une pièce très spontanée, et nous avons tous connu des menteurs comme lui ; un menteur sicilien c’est toujours plus amusant qu’un menteur nordique ; l’habileté me paraissant plutôt se trouver dans Je rêvais si l’on peut appeler habilité l’ambition de sonder le cœur d’un jaloux et celui d’une femme qui finit d’aimer, il aurait fallu une mise en scène aussi habile que l’idée était géniale. Mais tous ces jeunes acteurs sont [2 mots illisibles] pleins de talent quant au Kafka imbuvable et prétentieux.LXXXV Pourquoi diable voudriez-vous le [donner ?] en bouquet ? Pour décourager à jamais le pauvre public ? qui ne vient tout de même pas pour ces histoires de revenants plus faciles à admettre dans un récit que sur une scène dans l’espace d’une demi-heure ? Le spectacle en tout cas est un très grand succès et je suis contente que vous ne vous soyez pas trop ennuyé.

Bonnes vacances à vous deux.

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (19 janvier 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 19 janvier 1950.
[Lettre dactylographiée en-tête NRF]

Je souffre des yeux, et l’on me défend de lire et d’écrire. Mais je voulais vous dire que j’ai été bien content des élections d’hier. Et aussi vous envoyer le petit papier ci-joint. N’est-ce pas contre cela précisément que BenjaminLXXXVI a lutté toute sa vie.

Avec amitié

Jean P.LXXXVII

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (27 février 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 27 février 1950.

[Lettre dactylographiée en-tête NRF]

Chère Marie-AnneLXXXVIII,

Je suis rentré à ParisLXXXIX, mais guère brillant encore, et promis à pas mal d’analyses, et examens (du sang et autres). D’ailleurs, honteusement éloigné des livres, papiers, lettres, qui tout de même tenaient place dans ma vie. Ces accidents des yeux vous ôtent jusque la fierté d’être malade.

Voici la petite lettre sur l’EuropeXC,

Et toute mon amitiéXCI

Jean P.XCII

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (mars 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – mars 1950.

[Lettre en-tête NRF]

Chère Marie-Anne

Merci de votre lettre. Je suis content que vous aimiez cette petite EuropeXCIV : dites-le, je vous prie, à qui vous disait qu’elle était intolérable.

Maurras : non, vous êtes mal renseignée, là aussi. Je n’ai jamais rien écrit sur Maurras. Mais vous me donnez grande envie de le faire. Le premier essai sera pour vous, si j’y parviens.

(Mais je souffre toujours des yeux, assez gravement. Les « Lettres françaises » – MarcenacXCV, je suppose – expliquent que c’est pour avoir regardé « de trop près les mœurs contre-nature des mouches ». Je vous en prie, ne demandez pas aux L[ettres] F[rançaises] de vous renseigner sur votre ami.

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (14 avril 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 14 avril 1950.

[Enveloppe cachet du [ ?] avril 1950 postée Austerlitz adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (5)

 

[Lettre format carte]

Chère Marie-Anne avec grande joie jeudi. Moi je déjeunerai volontiers avec AvelineXCVI, mais lui ? (je pense que vous l’avez prévenu).

Amitié

Jean P.

Mes yeux ne vont pas trop mieux.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (19 avril 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 19 avril 1950.

[Enveloppe en-tête Librairie Gallimard – NRF cachet du 20 avril 1950 adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (5)

 

[Lettre format carte]

Chère Marie-Anne

Donc, à jeudi 27. Guérissez vite.

Avec toute l’amitié de

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (29 mai 1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 29 mai 1951.

[Enveloppe cachet du 29 mai 1951, rue des Ecoles, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (5)

 

Chère Marie-Anne

Moi, je ne vois personne. Mais je demande à Jean DuvalXCIX de chercher. Je serais bien surpris s’il ne trouvait pas le jeune professeur que vous cherchez.

Je pars tout à l’heure pour Venise, où m’emmène un ami (Pilotaz).C Je ne suis pas de ces gens heureux qui connaissent Venise : c’est la première fois. Me voici bien impatient.

A bientôt, et avec toute l’amitié de

Jean Paulhan

Avez-vous vu l’expo[sition] de CampigliCI (à la Galerie de France) ? Il faut la voir. Aussi, chez Pierre, celle de sa femme (Judith Scalini).

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (18 juin 1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 18 juin 1951.

40 rue Denfert Rochereau

Paris

Cher ami

Vous qui pouvez tout puisque VeniseCII vous a sûrement bien conseillé, ne pouvez-vous pas m’obtenir un rendez-vous avec mon éditeur G[aston] G[allimard] sinon « ça va mal finir » et je ne le voudrais pas. HirschCIII m’écrit son « chagrin ». Mais que diable, ce n’est pas du chagrin de H[irsch] qu’il s’agit mais de la vie d’ArabelleCIV, de Grazia, et mon dieu de moi-même.

Je n’ai jamais rien su de M. J[ean ?] Duval.CV Tant mieux peut-être pour les libres vacances de mon jeune lycéen.

Pardonnez le crayon et croyez-moi votre fidèlement

Marie-Anne

Dois-je [reprendre ?] vos lettres maintenant que AvelineCVI a fait paraître les authentiques ?

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (10 septembre 1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 10 septembre 1951.

[Lettre 2 feuillets datée une première fois 48/49 ? puis barré par une autre écriture qui a ajouté : Cf. 1951-1952 ? cf. in Cahiers de la Pléiade le vol XIII : automne 1951 – printemps 1952, p.17 Marcel Arland : B. Constant et Cécile ; pp. 93 et 108 M. Bro.d : Lettres de Kafka et le Château]

Chère Marie-Anne

Oui, CargèseCVII doit être bien beau, et je voudrais le connaître. Je n’ai pas bougé de Paris (nos enfants sont absents, et je ne pouvais laisser Germaine seule). Il est vrai que Paris y a mis du sien : août a été frais, septembre tourne au glacé. Et que de belles avenues désertes, où seul un Danois, de temps à autre, agite ses cheveux rouges.

Avez-vous aimé les derniers CahiersCVIII ? Il me semble que le dernier chapitre du Procès est assez passionnant (et comme l’on comprend que Kafka ait finalement renoncé) ; et les conditions que pose Benjamin Constant à ses fiancées assez passionnantes aussi. Pour ne parler que des morts.

Les derniers… dans tous les sens, j’en ai peur. G[aston] G[allimard] voudrait ressusciter la NRF. (Est-ce très nécessaire ? Je suppose qu’en ce cas Arland la dirigerait avec moi. Mais…)

Au revoir, Marie-Anne. Avec mon amitié

Jean P.

Je n’ai guère travaillé, en Août qu’à ma « peinture moderne ». Enfin, j’ai recommencé sept fois le même chapitre (le dernier). Quelle vie !

Je voudrais montrer dans les « papiers-collés » moins des tableaux que des machines à voir (qui répliquent, après cinq siècles, à la petite « machine à perspective » de Brunelleschi, d’où est sorti tout l’art des Renaissants. Ce n’est pas si facile : vous en jugerez par la carte ci-jointe, de la période où Braque et Picasso faisaient des toiles d’après leurs papiers-collés.

A quoi travaillez-vous ?

Il fait gris et froid. Mais dites mille choses gentilles, de ma part, à votre soleil.

J.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1952.
Cher ami

C’est bien pour le mercredi 12 à 9h¼ soir que vous avez ma baignoire.CX J’ai comme l’impression que j’ai mis 13 au lieu de 12. Vous aurez certainement rectifié. Aucun fauteuil d’orchestre n’était libre d’ici longtemps. Le succès et la location d’avance [sont] si énormes qu’ils n’ont plus rien avant avril, je n’ai pu vous donner que ma baignoire où vous ne serez peut-être pas aussi bien qu’à l’orchestre. Les [mots illisibles] pour ne pas obliger vos amis à se rendre au théâtre en même temps que vous-même pour qu’ils vous retrouvent tout de même. Vous me direz leur nom à votre gré. Je [mot illisible] à que tout soit pour la meilleure soirée.

Votre Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1952.

[verso manquant ?]

Cher ami,

Si je puis me permettre de vous donner un tout petit conseil – pressant puisque contre la mort à 3 [jours près ?] – ce qui pourrait le mieux ennuyer et faire taire trop de gens qui parlent pour parler… en vous laissant dans votre ligne véritable « J’ai été résistant, je le suis encore »CXII

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1952.
Cher ami,

Vous me donnez beaucoup de joie depuis votre retour de GuinéeCXIII et le moins grand n’est pas celui de savoir que vous avez aimé [Pauline?]CXIV parce qu’elle veut dire tant de choses que je ne sais exprimer…

Dieu veuille que vous ne tardiez pas trop à me demander à déjeuner ou à dîner. Nous savons trop hélas que notre vie est courte et [mots illisibles].

Merci merci

Votre Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1952.
Cher ami

J’ai été au plus pressé. J’ai mis un second télégramme à PlastirasCXV à Athènes ; le mien était parti mardi : [Acceptez ?] ma protestation et mes vœux pour la grâce de BeloyannisCXVI et de ses camarades.

Jean Paulhan

Pardonnez ce style télégraphique qui n’était pas votre style et j’ai écrit à L’Huma[nité ?] ceci : veuillez ajouter à vos protestations en faveur de B[eloyannis] celle de Jean Paulhan qui vient de signer mon second télégramme à Plastiras.

J’espère n’avoir pas agi maladroitement mais je suis sûre que votre nom fera pencher la balance du côté de la justice. Bien sûr il y a toujours quelque ridicule à intervenir mais la vie de huit innocents vaut bien comme vous le ditesCXVII ce ridicule d’une minute.

Je vais tâcher de vous avoir des places aux Six personnages… pour la Vème représentation qui se donnera après le 12. Je ne sais encore si ce sera le 14 ou le 15. Je vous le dirai dès que possible.

Et vous m’avez donné une grande joie. Merci.

Votre Marianne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1952.
Cher ami

Mais non je ne crois pas que nous nous soyons trompésCXIX… et le peu que nous avons obtenu hélas ! mériterait presque que nous nous soyons trompés.

Je n’ai pas « suivi » ce jugement comme il convient ; peut-être a-t-on raison de moquer notre crédulité ; ce que je sais, c’est que si ces pauvres fusillés avaient consenti à renier leur parti on les aurait graciés ! C’est donc bien les partisans qu’on a condamnés ! Je ne puis absorber cette notion de haine ; si jamais un jour j’y arrivais, je crois que cela me ferait un effet de poison violent et que j’en mourrais subitement. Ah ! que tous ces préjugés et ces juges nous font souffrir !

Cher ami nous entrons dans une semaine sainte bien solitaire mais peut-être sans loisirs pour vous.

Si manger maigre avec moi le jour du vendredi saint ne vous effraie pas, venez à 1 heure ou seulement le lundi de Pâques si vous préférez les jours gras.

Je vous redirai merci d’avoir signé même si nous nous sommes trompés. Il sera toujours atroce que les hommes aient le droit de supprimer d’autres hommes. C’est déjà abusif de la part de Dieu !

A bientôt n’est-ce pas et pardonnez-moi mes illusions…

Votre Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1952.
Cher ami,

Je reçois aujourd’hui seulement cette Lettre aux directeurs de la RésistanceCXXI qui vous a valu un tel concert de désapprobations, d’injures, et tout au moins de réflexions désagréables.CXXII Je la trouve quant à moi si semblable à vous-même qu’elle ne m’étonne ni ne me déçoit ; elle poursuit simplement avec [mes ?]CXXIII cette recherche de votre vérité qui n’est pas évidemment celle de vos contradicteurs et c’est là qu’est tout le problème. Mais la recherche de la vérité a toujours valu aux sages de tous les temps les pires accusations, la plus noire incompréhension, quelque fois la gloire et d’autres fois la cigüe, il faut vous résigner.

Par ailleurs, votre incorrigible besoin – et pourquoi en effet corriger un besoin, c’est-à-dire sa propre nature ? – de [mot illisible] les difficultés risque d’enténébrer ce qui est tout clair pour qui vous connaît ; pouvez-vous espérer que chacun vous connaisse assez ? Pouvez-vous exiger que chacun devienne à la fois juste et subtil en vous lisant ? N’avez-vous pas un peu trop le mépris des blessures encore trop vives et qui rendent l’esprit soupçonneux en l’obscurcissant. Pourquoi ne pas vous laisser aller à votre généreux [ ?] envers les êtres que vous voulez instruire ? Ne vous écouteront-ils, ne vous comprendront-ils pas ? Mais ils [sentiront ?] que vous les plaignez encore. A bientôt. Quand serez-vous de retour de votre AfriqueCXXIV ? Et croyez-moi votre fidèle

Marie-Anne

P.S. : Il me semble que ce que les moins suspects de vos lecteurs ont le droit de vous dire : soit, la patrie, c’est selon le code, le gouvernement mais vous avez prouvé que l’on avait parfois le droit de considérer que le gouvernement cessait d’être la patrie puisque vous êtes entré dans la Résistance.

A quoi vous répliquez, oui et je continue à résister contre ce que je trouve injuste ou arbitraire.

Sans doute mais ce n’est plus la patrie qui est en cause et cette résistance contre l’injustice et l’arbitraire est celle de tous nos instants et de toute notre vie présente ou passée ; comment la contrôler, la codifier, l’imposer aux autres ? Autant dire que vous voulez imposer la délicatesse, l’intelligence, la bonté. Hélas !

Ah ! ce n’est pas simple de se faire entendre, ni d’être bon, ni d’être juste surtout ; il faut tout de même essayer et que les contresens soient évités au moins par les meilleurs. Quand vous serez à Paris, dites-le moi pour que je vous envoie des places pour Six personnagesCXXV

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1952.

Pardonnez-moi cher ami cet empressement à vous fatiguer. J’espère que TropicCXXVII ne va pas devenir tout rouge en voyant son maître défaire un nouveau paquet … mais plutôt bien noir si vous lui expliquez le destin de la pauvre PanoriaCXXVIII. C’est à cause de ma [petite ?] étudiante sétoise qui passant devant chez vous veut bien vous porter ces feuilles – que je vous donne si vite le souci de PaulineCXXIX. Que quelque chose en elle vous déplaise ou vous ennuie, n’allez pas jusqu’au bout. Remettez-les à G[aston] G[allimard] que je ne crois plus rencontrer qu’au Paradis et pensez que je suis toute tranquille parce que vos mains détiennent ou retiennent les longues heures qui ont vu naître ce livre.

A bientôt peut-être.

J’ai eu bien du plaisir à vous retrouver en si joyeuse et parfaite santé.

Votre Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1952.
Cher ami

Il me semble que ce n’est pas très gentil pour TropicCXXXI d’être malade, ni pour moi. Mais c’est méchant je crois une sciatiqueCXXXII et les douleurs « limitées » sont encore de trop pour nous pauvres mortels dont les joies ne sont pas illimitées. J’espère que les trois semaines ne seront pas dépassées et que je vous aurai bientôt à ma table devant quelques fruits de mer.

Oui n’est-ce pas VenezioCXXXIII est un grand écrivain ; une prose si tranquille, limpide aussi, argentée et par éclairs toute bleue un peu comme un fleuve qui aurait la nostalgie de la mer… et voudrait y être déjà.

Soyez vite guéri et venez

Votre Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 1952.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du [3 ?] juin 1952, rue de l’Epée de bois adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V (5)

 

[Lettre 1 feuillet en-tête NRF]

Bonnes fêtesCXXXIV, Marie-Anne. J’ai bien aimé la JarreCXXXV. Que c’était près, que c’était loin ! Il me semble que vous lui avez très bien donné (ou maintenu) ce caractère éternel. On s’attendait à les entendre aussi bien parler grec ou assyrien que français. (Et les acteurs et actrices, charmants.)

Spartacus m’a paru sombre et stupide.

Pour GeronimoCXXXVI, eh bien, je préférerais la semaine prochaine. On ne me permet qu’une sortie tous les sept jours et j’ai promis d’aller jeudi soir voir la ParodieCXXXVII.

Avec toute l’amitié de

Jean P

Je vais rappeler à G[aston] G[allimard] votre œuvre. Il m’avait promis de vous écrire dans les sept jours.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (18 janvier 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 18 janvier 1952.

Oui cher ami, je crois que mon frère était arrivé au sommet de la sagesse et de la bonté ! Il avait passé presque toutes ses vacances à Paris avec moi. Il ne pouvait se détacher. Ce pays qui l’avait si bien reconnu et qu’il avait si profondément aimé et compris, c’était tout de même pour lui l’exil de Paris qu’il préférait à tout et l’exil de moi-même qui ai toujours été sa meilleure amie. Il emporte à peu près tout ce qui me restait de confiance et d’espoir dans [l’humain ?] et je ne crois pas du tout qu’on puisse remplacer de tels êtres.

J’espère que vous allez bien et que Germaine résiste toujours à sa méchante maladie.

Faites-lui mes amitiés fidèles et recevez les miennes.

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (5 mars 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 5 mars 1952.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 5 mars 1952 postée rue des Ecoles, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (5)

Chère Marie-Anne

Comme il est donc gentil et généreux à vous de m’avoir écrit. J’avais grand peur que cette lettreCXXXIX ne vous déplaise.

D’ailleurs il est toujours difficile et dangereux de rappeler aux Politiques la Mystique qu’ils défendaient jadis. Peu importe. Je vous assure bien que Martin-ChauffierCXL en sera pour sa courte honte.

(peut-être aurais-je dû prendre simplement pour titre : « … aux Directeurs de l’Epuration » - puisque c’est d’eux qu’il s’agit. Le malheur est que ce sont les mêmes.)

Me voici rentré d’AfriqueCXLI : et pas mal écrasé sous une petite montagne de lettres, de livres et d’injures. Il me semble du moins que le vrai Résistant, celui qui n’a pas tiré profit de la Résistance, me comprend et m’approuve. Mais on en reparlera.

Avec ma vive amitié.

Jean

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (6 mars 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 6 mars 1952.
Cher ami

Je suis ennuyée de n’avoir pas osé vous bousculer pour les quelques places de générale qui me restaient ce soir. Dites-moi simplement quel soir vous aimeriez aller [aux ?] Six p[ersonnages en quête d’auteur]CXLII et à quelle matinée et je vous ferai laisser des places au contrôle. Vous avez fait une mise au point des plus persuasives dans CombatCXLIII. Il faudrait en finir avec ces malentendus… La vie est [plusieurs mots illisibles]. Affectueusement.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (7 mars 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 7 mars 1952.

[Pneu cachet 7 mars 1952 rue Saint Romain adressé à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (5)

Vendredi
Chère Marie-Anne

La vérité est qu’un Français qui intervient en ce moment dans le monde, pour une question de justice, se rend (à mon sens) ridicule.CXLIV J’ai expliqué pourquoi parce qu’il est trop facile de lui répondre : regardez ce qui s’est passé – ce qui se passe – chez vous. Cela dit – si vous croyez que je puis contribuer à quelque bien – je me rends joyeusement ridicule. Disposez de mon nom. Je serais content qu’il ne fût pas trop loin du vôtre. A vous.

Jean P.

Pour les Six personnagesCXLV…je serais bien content. Est-ce que le 12, le 14 ou le 15 mars, par exemple ? (ou un peu plus tard.)

[1952CXLVI]

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (11 mars 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 11 mars 1952.

Cher ami, je vous envoie ces deux cartes qui vous permettront d’occuper ma baignoireCXLVII (n°6 ou 8). Le contrôle vous l’indiquera car elle change de n[uméro] selon les soirs.

Pour que vous ne risquiez pas d’y être en compagnie désagréable, je vous laisse le choix de vos compagnons. La baignoire est soi-disant pour 5 mais vous y serez mieux à 4. En tout cas, elle est toute à vous.

A bientôt et toute mon amitié pour vous deux.

Marie-Anne

Si ce mercredi ne vous allait pas, dites-le moi. Je vous trouverai un autre soir.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (16 mars 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 16 mars 1952.
Cher ami

M[artin] Ch[auffier]CXLIX se plaint de ce que vous ne lui répondez pas mais à vrai dire il ne vous répond pas non plus ; vous êtes l’un et l’autre si pleins de votre vérité que la vérité du contradicteur vous échappe, ou plutôt vous le traitez légèrement et non à fond comme il serait urgent me semble-t-il de le faire dans un débat aussi vital. Au moins êtes-vous resté à peu près constamment sur les hauteurs de la justice pure. Certes s’il est vrai que cent cinquante mille Français aient été condamnés sans jugement et tués sans enquête, il y a de quoi avoir honte pendant des siècles d’être français. Mais est-ce possible ? Est-ce sûr ? Oh, mon Dieu, est-il donc vrai que les hommes ont besoin de haine moi qui m’obstine à penser qu’ils n’ont besoin que d’amour !

2 ou 3 fois seulement vous avez laissé le gouvernail à votre démon de l’ironie 1) le vieux capitaine 2) le chrétien de service 3) et toujours le récit de la même bataille ? etc, etc cela forcément qui a rendu votre contradicteur « sentimental » c’est un peu dommage ; vos arguments de seule justice étaient déjà allés très loin. Enfin, tout cela est bien passionnant mais aussi bien triste à cause des malentendus qui demeurent. Mais enfin… puisque ce dialogue n’est pas épuisé. Rien n’est plus pénible à l’amitié que ces contresens où s’obstinent parfois les meilleurs esprits… du moins aurez-vous je crois à peu près donné tout ce qui peut être donné comme arguments éternellement valables.

Je suis contente que vous ayez retrouvé sans ennuis les Six personnages et que vous ayez passé une bonne soirée tous cinq.CL

Peut-être viendrez-vous un jour jusqu’à la maison pour que nous parlions de tout cela et surtout pour me donner de meilleures nouvelles de Germaine.

Un lundi ou un vendredi, vous me feriez plaisir en partageant mon déjeuner 1h¼ ou mon dîner 7h½.

Dites-moi quel lundi ou quel vendredi dans un mot ou au téléphone Odéon 07 67 car c’est là toute la nouveauté de ma vie.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (27 mars 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 27 mars 1952.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 27 mars 1952 adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

Paris (V)

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (31 mars 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 31 mars 1952.

Hélas cher ami nous n’avons pas évité l’horreurCLII et il me semble que les affreux temps de J[acques] DecourCLIII, [un mot ?] recommencent mais il est bien doux à l’esprit de penser que les meilleurs étaient à nouveaux réunis. Puissent-ils l’être toujours devant le crime et que les mauvaises paroles s’envolent pour ne laisser que les intentions et les actes.

Quelle désolation tout de même !

A vous de tout cœur, votre

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (5 avril 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 5 avril 1952.

[Enveloppe en-tête NRF cachet 5 avril 1952 postée avenue du général Leclerc adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri Barbusse

Paris (5)

 

Chère Marie-Anne

La note ci-jointe me trouble un peu.CLV Etes-vous sûre de n’avoir pas signé pour de simples espions ? Avez-vous suivi le détail du procès ?

Merci encore de ce gentil déjeuner. Avec grande amitié.

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (10 avril 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 10 avril 1952.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 10 avril 1952 rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

Paris (5)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (3 mai 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 3 mai 1952.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 3 mai 1952, rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri Barbusse

E.V. (5)

 

[Lettre format carte]

Oui, c’est bien ainsi que l’on voudrait mourir. (C’est ainsi que l’on meurt parfois, en rêve.) Evidemment, il était, au sens des juges, coupable.

Comment sont morts mes amis russesCLVII : MirskyCLVIII, BabelCLIX, PilniakCLX (pour ne parler que des célèbres – de ceux que j’aimais le moins) ? J’ai peur que cela n’ait été plus sombre : sordide. Il est affreux de mourir dans un fond de cave.

Un petit essai de sortie ne m’a guère réussi (bien que très timide). Je n’aurai mon lombostat – c’est un corset – que dans cinq jours.CLXI

La Corse doit être merveilleuse. Faites un beau voyage, et à bientôt.

Amitié

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (10 juin 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 10 juin 1952.
Cher ami

Ferreira de CastroCLXII est le plus grand écrivain du Portugal – dit-on – il est sûrement un grand, un charmant écrivain et un homme délicieux, grand voyageur, ami du soleil et des bêtes et ressemblant lui-même si étrangement à quelque petit lion échappé du désert qu’on s’éloigne d’instinct de ses gestes enveloppants comme s’il s’apprêtait à ne faire de vous qu’une bouchée, il faudrait dire une gueulée ou une goulée ?

Il a écrit une dizaine de romans, a été cette année proposé pour le prix Nobel. Les plus célèbres en France sont Forêt vierge, Les Emigrants, Terre froide, tous chez Grasset. Si vous voulez, je peux vous les envoyer dès demain.

Il est très prudemment un homme de gauche et s’il n’a pas d’ennui avec son gouvernement fasciste c’est parce qu’il est illustre et que son pays est trop fier de lui pour s’en priver.

Il est si brave qu’il va je crois s’appuyer le congrès des Pen-Clubs pour y représenter son pays.

A bientôt dès que j’aurai arrangé cette petite rencontre. J’aurais aimé demander quels jours vous préférez. Un simple mot pour me le dire et [aussitôt ?] je vous envoie les bouquins qui sont de longs et beaux romans.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (12 juin 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 12 juin 1952.
Cher ami

Je suis un peu ennuyée d’être obligée d’avoir recours à vous pour ce jeu de cache-cache où s’obstine G[aston] G[allimard]. Il n’est jamais là quand je téléphone et ne répond pas à mes lettres. J’ai pourtant besoin de savoir avant mon départ ce que je dois faire de P[auline] A[gyropoulos]CLXIII. Libre à la NRF de préférer tous les écrivains qu’elle veut mais il faut que je trouve à mon dernier livre un éditeur moins dérobant.

Je ne sais pas du tout ce que G[aston] G[allimard] vous a dit ni ce qu’il compte faire mais je ne puis rester éternellement en suspens. Voudriez-vous le lui faire comprendre ?

J’espère que je serai là encore pour le retour de FerreiraCLXIV et que je me verrai avec lui à la maison. Vous savez que vous pouvez me téléphoner toujours de 10h à 12h. je suis généralement à la maison Odé[on]-07-67.

Je suis très ennuyée de vous déranger ainsi.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (juillet 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – juillet 1952.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 15 juillet 1952 postée rue des Ecoles, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

Vittel-Palace

Vittel (Vosges)

[carte postale représentant « The Russian Flags » et un feuillet manuscrit]

 

(mais j’ai peur qu’il ne s’agisse d’une vieille carte)

Chère Marie-Anne, je vous envoie une petite brochure (sur le procès BeloyannisCLXV) que je viens de recevoir. Merci de la belle carte de Vittel. Reposez-vous bien !

Affectueusement,

Jean P.

Je crois que nous ne pourrons pas prendre de vacances. Mais Paris est en ce moment très plaisant.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (7 août 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 7 août 1952.
Cher ami

Ma vieille maisonCLXVI me pardonne ma longue absence et ses poutres ne sont pas du tout vermoulues, et aucun rat n’a mangé les NRF que j’y recevais en l’année 1931. Ce n° où Aragon, Eluard, Tzara, Ribemont, etc. s’y formaient en vous donnant du Monsieur tout court et où vous les [écoutiez ?] si gentiment.CLXVII

Je croyais que rien ne pouvait dépasser en grandeur et en grâce l’arrivée par bateau dans le port d’Ajaccio… mais non l’arrivée en avion est plus belle encore à l’heure du couchant. On voit toute la Corse, ses montagnes et sa mer en même temps.

Ma maison m’enseigne la simplicité : si peu meublée, elle possède tout ce qu’il faut pour y vivre avec le maximum de liberté d’esprit et aucune douceur ne vaut celle du paysage marin et humain que je regarde en vous écrivant. Deux églises qui se sourient peut-être ? au-dessus de la mer qui baignent clapote paresseuse contre les murs du cimetière.

Toute l’amitié de votre

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (22 décembre 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 22 décembre 1952.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 22 décembre 1952 rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5)

 

21 XII 1952CLXVIII
Chère Marie-Anne

Finalement, je n’ai pu atteindre personne aujourd’hui dimanche. Les téléphones ne répondaient pas. Mais Claude [Gallimard ?] et [André ?] CornuCLXIX, auront demain toute l’affaire en mains.

Naturellement, la note est hypocrite et absurde. Que reproche la Police à Kedros ? Il est évidemment communiste. A-t-il fait de l’espionnage ? C’est toute la question, et il n’est pas seulement injuste, il est maladroit de la passer sous silence.

Passez de bonnes fêtes. Avec toute mon affection.

Jean

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1953.

Cher ami. Il me semble qu’il eût mieux valu pour le livre que quelqu’un de plus froid en parlât : l’enthousiasme n’étant pas toujours le meilleur serviteur ; mais puisque le temps presse et que la lecture du livre est assez longue, je ne puis guère songer à ne pas vous faire cette note.CLXXI Vous en excuserez à la fois la gaucherie et l’incomplète information. Je serais heureuse si elle donnait aux lecteurs de la NRF l’envie de lire le livre. Je vous écris cela en courant. Et je n’ai malheureusement ni machine, ni dactylo sous la main. Je pars ce soir pour 2 jours. Pardonnez ces pages manuscrites que je me suis appliquée à [faire lisible ?].

Fidèlement

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1953.

[Carte postale – Marc Chagall « L’œil vert »]

2/CLXXIII

Ce que je deviens ? A vrai dire pas grand’chose puisqu’on ne devient que ce que l’on est. J’ai envie de travailler et je travaille parfois moins que mon excellente santé physique et morale devrait pourtant m’inviter à le faire. Je crois que je paie assez durement mon goût de liberté totale. Je me suis p[res]q[ue] consolée du et des refus de G[aston] G[allimard], refus pour PaulineCLXXIV (malgré votre belle écriture sur la page) et refus de réimprimer mes [12 ?] livres épuisés.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1953.
Cher ami

Je ne suis pas très à l’aise pour parler de l’EtymologieCLXXVI, le commentaire grammatical ayant été toujours ma partie faible. Mais il me semble que vous arrivez à rendre la grammaire piquante, aimable et naturellement un peu scandaleuse. Oui PerrosCLXXVII est très étonnant dans les notes et la note. Je ne regrette qu’une chose : « l’esprit de fuite » et non pas tant à cause du calembour mais parce que fuir a toujours été pour moi le contraire de connaître. Il faut se laisser un peu ennuyer par les gens et les choses pour arriver à voir clair en eux… et souvent en soi-même par rapport à eux. Toujours sans nouvelle de l’heureuse étudiante en médecine qui habiterait à volonté sous votre toi [sic] ou sur celui d’un couvent. Peut-on rêver chance plus grande [pour ?] la prochaine révolution ?

Je suis encore ici pour 10 ou 15 jours et n’ai pas du tout l’humeur voyageuse. Sans doute est-ce cela vieillir ?

Votre Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1953.
Cher ami

Un peu déçue par le JouhandeauCLXXIX. Le grand récit n’est pas son affaire. Je l’aime mieux dans GalandeCLXXX ou autres [pointes vives ?]. Ici, il est pesant et terne ; ça ne lui arrive guère et on est tout mal à l’aise comme si on le voyait couver une grippe.

Votre « peinture critique »CLXXXI elle n’est pas pesante elle est joyeuse et légère dans le meilleur sens et vous avez dû beaucoup vous amuser en l’écrivant. « Rappelez-vous » que vous m’en apprenez de belles sur votre petite rue !! Mais ne saviez-vous pas que les petits antiquaires ne vivent qu’en vendant aux gros antiquaires ; j’ai eu la joie tristeCLXXXII de voir un pot bleu de Nevers que la vieille petite marchande de la rue des Feuillantines affichait 150 francs revendu 15 000 rue de la Boétie. Votre comparaison avec les boulangers n’est pas raisonnable… mais quand on joue aux osselets !

Combien les vers de Romains donnent l’accent et l’indécise couleur du tragique de notre époque ! Je continue à préférer R[omains] poète à R[omains] prosateur. Ce Blanchot est étonnant.CLXXXIII Froid et compassé le P[aul] Morand. Vraiment ce dialogue [pour ?] en arriver au plus spécieux des monologues ! Savoureuse petite note sur Pirandello et combien juste !

Cher ami, j’espère que vous allez toujours bien.

J’ai eu ces jours derniers un grand chagrin. Ma sœur aînée dont vous aviez un jour aimé et confisqué la lettre est morte à Cargèse. Elle n’était pas jeune puisqu’elle avait dix-huit ans de plus que moiCLXXXIV mais je l’avais trouvée cet été si vaillante, si lucide et si vivante que je ne puis croire à sa mort. Me voici maintenant seule survivante d’une nombreuse et tendre famille de plus en plus irremplaçable !

Recevez toute mon amitié fidèle.

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (16 mars 1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 16 mars 1953.

[Enveloppe cachet du 16 mars 1953 rue de l’Epée de bois adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5)

 

[Carte postale représentant un tableau de Braque « La table de toilette »]

Chère Marie-Anne, merci de votre gentil mot. On a rudement besoin de sentir un peu d’amitié autour de la nrf !CLXXXV et je suis content que le ColetteCLXXXVI vous ait plu. Lisez-vous le roman de DhôtelCLXXXVII ? Il me paraît très beau (évidemment écrit par des anges.)

Je rentre de Suisse, pas du tout guéri de ma sciatique. Il ne me reste à essayer qu’un remède arabe : on vous perce une veine du pied. Quand le sang s’est écoulé, on est guéri. Je verrai bien.

Avec grande amitié

Jean

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (2 juillet 1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 2 juillet 1953.

[Carte postale : Raoul Dufy – « Marseille – Le vieux port »]

Cher ami, la NRF se renouvelle surtout par sa critique, ses notes n’est-ce pas ? Laissons Claudel et AmroucheCLXXXIX mais oui PerrosCXC est très bien – adorable le Pierre Brisson et le Rilke. J’ai beaucoup aimé aussi les [lis ?] de mer dont les plages de Cargèse abondent et beaucoup beaucoup votre Papier colléCXCI. J’ai l’impression que le succès de la n[ouve]lle NRF va croissant. Je serai à Paris tout juillet. Peut-être viendrez-vous partager mon déjeuner quelques jours ? Je ne sais encore quand j’irai en Corse. J’espère que vous êtes guéri et que Germaine ne souffre pas.

Votre Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (17 juillet 1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 17 juillet 1953.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 17 juillet 1953, rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri Barbusse

E.V (5°)

 

Chère Marie-Anne,

Que vous dire ? A votre place, je donnerais PaulineCXCII à Aragon, sans hésiter. Il me semble que vos romans sont assez autonomes et ont assez de puissance pour ne pas craindre d’être mal interprétés. Vous donnez votre bien, et le reste importe peu. (Mais bien sûr, c’est à la NRF que j’aurais voulu la voir.)

Me voici rentré. Du côté sciatiqueCXCIII, pas le moindre progrès. Tant pis. Je serais bien content de vous revoir avant votre départ.

Avec l’amitié de

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (24 juillet 1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 24 juillet 1953.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 25 juillet 1953, rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5°)

 

Chère Marie-Anne

Bien sûr avec grand plaisir. Je viendrai donc vous demander à déjeuner le jeudi 30.

Et merci de la carteCXCV (si merveilleusement choisie) qui m’est utile.

Amitié

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (31 juillet 1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 31 juillet 1953.

Cher ami, est-ce que votre SadeCXCVI n’est pas une de vos plus belles études ? Et n’est-ce pas aussi ce qui a été écrit de plus important sur Sade ? Les discussions n’importent guère et cet écrit plus d’une fois difficile à saisir est clair et riant comme l’eau courante. Qui dira les vertus d’un langage aussi bien baigné et frictionné pour amener le lecteur à la compréhension des choses difficiles ? Bien entendu, ce corps « admirable » devait avoir quelque secrète imperfection et ce cerveau si lucide quelque fêlure bien cachée ? Or c’est cela qu’il vous faudra découvrir un jour ; vous y êtes engagé à l’honneur. Mais j’aimerais aussi qu’un jour votre Justine nous révélât ce qu’elle seule pourrait nous dire sur le « divinCXCVII », même si Justine c’est Sade !

Mais ne soyons pas trop exigeante et soyons pour le moment toute à la gratitude d’une si belle et nouvelle pierre dure enchâssée dans le fronton granitique de la philosophie méditerranéenne.

Si je retrouve mon étudiante en médecine, je vous l’enverrai un mercredi mais je ne voudrais pas immobiliser votre si gentille proposition au-delà de la fin août. Et il faudrait que vous disposiez du refuge si elle n’est pas allée vous voir d’ici là.

Demain, je lirai la Preuve par l’étymologieCXCVIII. J’ai eu grand plaisir à vous retrouver toujours semblable à vous-même et j’espère que vous allez convertir vos docteurs aux bains de soleil.

J’espère aussi de meilleures nouvelles de Germaine et vous envoie à tous deux toute mon amitié.

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (12 octobre 1953) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 12 octobre 1953.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 12 octobre 1953, rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5°)

 

[Lettre en-tête NRF]

Chère Marie-Anne

Evidemment, tout cela est de ma faute. J’aurais dû me rendre compte (et vous dire) qu’il était peut-être impossible de parler directement (de but en blanc) d’un roman soviétique. Que peut-être fallait-il montrer d’abord comment il pouvait échapper – et échappait en fait – aux dangers de la commande, du sujet obligé, etc.

Enfin j’ai été sot, et j’en suis très ennuyé. Avec amitié

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (3 février 1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 3 février 1954.

[Enveloppe cachet du 4 février 1954 rue de l’Epée de bois adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (V)

 

[Carte postale « Portrait de Nush Eluard par Pablo Picasso – Musée d’Art moderne, Paris »]

Chère Marie-Anne

Merci. Quel gracieux livre souriant. Et que j’aime vos cols, vos nuits étoilées, votre café grec et la discrétion de vos héros.

Bonne année, Marie-Anne. Bonne année !

Jean P

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (30 mars 1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 30 mars 1954.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 30 mars 1954 rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5)

 

[Lettre en-tête NRF]

Chère Marie-Anne

Ah, je suis pris ce lundi. Mais si par hasard vous vouliez bien encore de moi un autre jour par exemple le lundi suivant, je serais bien content de vous revoir – et de voir OraziCC.

UngarettiCCI est à Paris (mais peut-être étiez-vous, l’autre soir, à la Hune ?)

Amitié

Jean

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (31 mars 1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 31 mars 1954.

Pauvre CingriaCCII ! Mais est-ce vraiment irrémédiable ? La cirrhose du foie se guérit parfois (FerreiraCCIII en est sorti après 3 interventions). Et puisqu’il est bien soigné ! Oui je l’admire. Je ne veux pas encore parler au passé et je fais mille vœux pour que sa vie soit prolongée. 72 ans, ce n’est pas vieux, non, pour un homme aussi joyeux. Donnez-moi, je vous prie, de ses nouvelles. Si vous venez déjeuner avec moi ce lundi 1h, je vous montrerai de très beaux tableaux d’OraziCCIV, peintre romancier que j’admire beaucoup et qui me semble-t-il devrait vous intéresser.

J’espère que vous allez toujours très bien.

Votre
Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (1er avril 1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 1er avril 1954.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 1er avril 1954 rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V (5°)

 

Savez-vous que Charles-Albert CingriaCCVI est mourant ? Cirrhose du foie, œdème et le reste. C’est Mme Guevara-Guinness (la fille de la bière) qui l’a pris chez elle et veille gentiment sur lui, mais sans espoir.

Il a (l’on sait enfin son âge) soixante-douze ans.

J’en ai beaucoup de peine. Jamais personne ne l’a admiré comme il le méritait.

(Mais vous l’admiriez, je crois.)

Je suis content de ce que j’ai lu ici et là (et surtout dans les L[ettres] Fr[ançaises]) de Pauline A[rgyropoulos]CCVII.

Avec amitié

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (6 avril 1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 6 avril 1954.
Cher ami,

Voulez-vous le mercredi 14 ou le vendredi16 ?CCVIII De la semaine sainte ? A 1h. Je n’ai pas eu les cartons de Marigny assez tôt, mais je pense que MorphéCCIX vous a bien envoyé les places pour la générale de Pir[andello]CCX du jeudi 8 avril et que si vous n’êtes pas libre ce soir-là vous n’hésiterez pas à lui téléphoner pour lui demander un autre jour.

Et CingriaCCXI ? J’aimerais qu’il vous reste encore un peu et à nous tous.

Votre Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (14 avril 1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 14 avril 1954.

[Enveloppe Pneu cachet 14 avril 1954, rue des Saints-Pères, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5)

 

Chère Marie-Anne

Pardonnez-moi pour ce vendredi. Il vient d’arriver à Germaine un accident grave : une chute et l’on ne sait encore si le fémur n’est pas cassé. De toute manière, la voici étendue dans un lit, qu’il a fallu monter en hâte (c’est un lit spécial qui permet de la soulever). Et moi forcé de la veiller du plus près et le plus longuement que je puis. Pardonnez-moi donc.

A vous, avec amitié

Jean P

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (3 août 1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 3 août 1954.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 4 août 1954 avenue du Général Leclerc, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V.    (5°)

 

Chère Marie-Anne

Sans doute avez-vous appris déjà la mort de Charles-AlbertCCXIV. Ce n’est pas gai, et j’avais beau ne pas le voir très souvent, je sens très bien qu’il me manque.

Je n’ai pas oublié comme vous me parliez de lui, il y a longtemps déjà, vers 1922.

Amitié

Jean P.

Germaine va un peu mieux, mais je le crains, ne pourra plus jamais se lever, ni marcher.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (25 novembre 1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 25 novembre 1954.

[Enveloppe cachet du 26 novembre 1954 Var adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (5)

 

[Carte postale « Ile de Port-Cros (Var), Au cœur de la baie – Face au large : l’Hostellerie de l’Ile d’or »]

 

Chère Marie-Anne

Avez-vous été contente de la vente du vélodrome ? N’était-ce pas trop fatigant ? C’est la première fois que je reviens à Port-Cros, j’ai beaucoup songé à Benjamin (qui ne l’aimait qu’avec quelques réserves) à Francis – à la Corse, à votre Corse (enfin, je ne voudrais pas vous fâcher.) Pleut-il parfois en Corse ? Hélas, ici, cela n’arrête guère, une pluie aigre qui ressemble à de la neige fondue. De notre Vigie, il ne reste rien, que des bâtiments sans toits.

Avec amitié

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.

Cher ami, en relisant ce conteCCXVII je n’ai pas été non plus très contente de mon poème « Carco ».CCXVIII Pourquoi s’est-il trouvé là ? A vrai dire, toute l’œuvre de CarcoCCXIX me paraissait devoir lui être pardonnée à cause de quelques–uns de ses poèmes de jeunesse authentiques et touchants, m’a-t-il semblé : je venais de les relire. Je n’ai peut-être pas cité le bon. J’étais ennuyée qu’on n’en parlât jamais. Mais je suis contente que le petit conte vous ait plu – sauf le Carco qu’il est bien facile de remplacer. Si pour conserver la musique de la phrase, je mettais : « moi je donnerais tout le lot pour une chanson de Mao » - ce que j’ai eu envie de faire – on me reprocherait de faire un Père Noël communiste ! Et pourtant je suis sûre que les poèmes de Mao Tsé ToungCCXX par leur brièveté et leur poids devraient plaire au Père Noël et entrer en tout cas dans l’esprit du conte, tout naturellement.

Oui la pauvre IsabelleCCXXI ! Elle ne se trouvera pas trop chez elle ! Mais en repensant à vos ennuis de la « brigade mondaine »CCXXII, j’ai été très ennuyée d’avoir peut-être ri un peu trop vite et sottement au lieu de me demander d’une manière plus attentive en quoi ils pourraient dégénérer vraiment… Je ne pense pas que l’on puisse en regardant de près toute votre œuvre vous accuser [de tant ?] complaisances… Mais tout de même ne me laissez pas dans l’ignorance… Toute l’amitié de

Marie-Anne

La Tour Eiffel « coquetterie »CCXXIII ? Oui parce qu’elle se mire dans les eaux de la Seine, je crois. « Elle se regarde au miroir ». Ne voyez nulle faiblesse cher ami dans le fait que je changerais volontiers Carco en Mao ; c’est que ce qui compte pour moi ce n’est pas d’avoir l’air de faire donner un bon point par le Père Noël à tel ou tel contemporain – ce qui après tout serait de ma part assez prétentieux – mais de lui faire opposer une poésie simple et accessible, mais vraie, au fatras des dissertations lourdes et fausses bien souvent imposées de force aux lecteurs. Si pour contenter ma puérilité de vouloir conserver mes deux syllabes avec l’accent tonique sur la 2ème [illisible] vous me dénichiez un grand poète contemporain, je dirais amen tout de suite… et d’autant plus volontiers qu’il serait plus négligé – et obscur. Mais pour Mao on serait sûr de pouvoir citer quelque chose de très bien. Je vais chercher.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.

ComnèneCCXXIV

Cher ami, oui mais êtes-vous vraiment poursuivi ? Et sous quelle forme ? Ce serait excellent pour l’Histoire d’O. On la tirerait à cent ou deux cent mille exemplaires. Non, je ne vois pas là le moindre « outrage » ni « public », ni privé à la pudeur. Si je voudrais discuter quelque chose, ce serait plutôt certains étonnements de Jean Paulhan. « Il est peu d’hommes qui n’aient rêvé de posséder une Justine, mais pas une femme que je sache n’avait encore rêvé d’être une Justine » dit notre auteur, p[age] 3.

Mais si ! D’abord la plupart des prostituées : ce goût de l’esclavage en effet très antique chez la femme est toujours à base de prostitution dans le commerce que la femme fait de sa propre chair, élire un maître, un vrai patron qui ait sur elle tous les droits et d’abord celui de la battre et de la torturer est l’unique preuve d’appartenance et donc pour elle d’amour qu’elle puisse espérer et en-dehors des prostituées, j’ai connu, je connais encore une femme qui ne reçoit et ne souhaite recevoir de l’homme avec qui elle vit depuis 12 ou 15 ans que les distributions de coups de pieds, gifles et autres gentillesses dont il la régale avec régularité ; il ne peut guère lui accorder autre chose en récompense de services purement ménagers qu’elle lui rend car il ne la supporte pas physiquement : ces « miettes » comme elle dit lui suffisent et elle parle simplement de se suicider le jour où elles lui manqueraient.

P[age] 10 : je ne crois pas que les femmes qui ne sont pas de l’espèce esclave-prostituée pensent que la beauté féminine est plus grande que la beauté virile. C’est le contraire qui se produit je crois chez toute femme qui regarde.

L’homme est infiniment plus beau que la femme. Précisément plus secret, plus discret et plus fermé comme il convient à ce qui doit dominer toujours et ne jamais se livrer tout à fait.

Mais j’aime (page 15) votre définition de l’Amour – elle me paraît entièrement juste et que certaines [suppliques ?] et tremblements de l’âme valent bien le fouet et les anneaux dans la chair [mots illisibles] p[ages] 17-18.

Ah ! bien sûr tout comprendre ne saurait jamais signifier tout pardonner, mais n’était-ce pas ainsi toujours ? « Celui qui augmente sa science augmente sa douleur »CCXXVI. Pourquoi le cœur et la chair de la femme y échapperaient-elles [sic]. N’entrons pas dans l’horrible nécessité du mensonge, autre esclavage ou marque [un mot illisible] auquel les femmes … et quelques hommes se soumettent si volontiers.

Mais bien entendu, je voudrais lire maintenant ce livre de Pauline Réage. Je n’en avais pas entendu parler du tout et j’ignorais jusqu’à votre préface. Chez qui a-t-il paru ? Je vais me le procurer.

Cher ami, merci de tout cela et à bientôt.

Votre fidèle
Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.

Cher ami, peut-être à l’extrême rigueur – le pourrais-je, « écrire la petite chanson »CCXXVIII. Mais ce ne serait pas mieux non, ne tentez pas la vanité humaine ! Elle prend la bonne habitude de n’être presque plus tentée ; et le nom de l’auteur préféré a bien peu d’importance dans l’histoire ! Oui pour garder à la phrase son petit ronflement, on pourrait bien mettre « moi, je donnerais tout le lot pour une chanson de C…o en lisant cé – o et laisser quand même le texte de Carco, s’il le reconnaissait ce serait pour lui un bien meilleur plaisir – parce que secret.

Merci cher ami de penser ainsi à ce conte ; j’avais voulu vous faire rire et je m’aperçois qu’il n’y avait pas en effet de quoi rire ; je crois que plus exactement, j’avais pensé que chez vous il eût été mieux à sa place que n’importe où (ce conte) mais si je me suis trompée vous savez que vous sauriez m’en persuader très vite ; il m’est déjà bien précieux et réconfortant que vous l’ayez aimé pour lui-même.

Etiez-vous à cet hôtel la Colomba d’oro ? A Vérone ? En quel mois, de quelle année ? Mais je dois être indiscrète.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Décembre n’est pas un mois triste ! Mais les malades, hélas, sont toujours malades ! Et j’y pense affectueusement. J’ai aimé beaucoup dans la dernière NRF NovalaiseCCXXIX et MontherlantCCXXX. BoissonnasCCXXXI serait bien si elle était un peu détendue.

PS : Mais on pourrait aussi renoncer à la petite cadence et pour nous mettre profondément d’accord changer de poète [encore ?].

Moi je donnerais tout le lot pour une chanson d’Eluard que le Père Noël après tout pourrait paternellement appeler Paulo.

Ceci est un bateau

Qui va sur une rivière douce

Il porte des femmes qui jouent

Et des graines qui patientent.

(ou bien)

Un matin qui disperse des lampes de rosée

Pour éveiller les champs

Ceci est une ombrelle

Et ceci la toilette

D’une dentellière plus séduisante qu’un bouquet

Au son des cloches de l’arc-en-ciel

(La Rose publique [?])

Il faudrait simplement un [mot illisible] au mot [mot illisible]

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.
Cher ami

Vous ne m’avez pas trouvé le grand poète inconnu ? Et moi nul Mao qui mérite à la fois le Père Noël et l’adolescent. Si on gardait Carco ! Il est vrai qu’on peut chercher encore.

Qu’il est difficile de reléguer quelque [chose ?] ou quelqu’un qu’on avait accueilli ! sans trop savoir pourquoi… ce vieux besoin d’aimer les humiliés, je crois. Depuis sa maladie Carco a un air humilié qui dans toutes les photos où il s’attarde, où on l’obstine [ ?], si je puis dire, me rend tout à fait triste.

Mais si vous le voulez on pourrait changer la strophe, qui correspondait à mon état d’âme le jour où j’ai cherché des poèmes, par celle-ci qui est plus simple encore et plus touchante… plus chanson [non ?]

« Les tilleuls, les lilas d’Espagne et les sureaux

Sous l’averse chaude d’avril

S’épanouissent. Quand le soleil brillera-t-il ?

Ah ! Quand chanteront les oiseaux ? »

Mais nous sommes en plein dans la semaine de décembre qui vous vit naîtreCCXXXIII et c’est des vœux que je dois vous envoyer pour que la « brigade mondaine » vous laisse tranquille avec O et pour que son éditeur vous abreuve d’autant de millions qu’il vous a laissé abreuver d’injures. Comme c’est étrange que les années passent puisque l’on ne change jamais.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.
Cher ami,

Salut dans votre Port-CrosCCXXXV. Mais j’ai en vain cherché PreuveCCXXXVI – rien ne fera que je ne sois en profond désaccord, non pas avec votre préface mais avec l’esprit du livre si l’on peut dire.CCXXXVII Mais avec ce que vous y ajoutez pour convaincre le pauvre patient que je suis.

Ce qu’avait été la « Prostitution sacrée » ?! Et dites-moi ce que pourrait être aujourd’hui encore la Prostitution ?! » Ne voyez-vous pas que nous retournons aux époques basses. Vous pouvez donc un instant admettre que la Prostitution doive encore exister ?! A notre époque ? Que des femmes qui ont un corps mais aussi un cœur et une âme doivent faire commerce de ce qu’il y a justement de plus sacré, de plus indivisible et pour la femme de plus inséparable de l’amour.

Allez-vous me dire qu’il faudrait pour elle aussi initiation et science acquise ? Non car c’est le seul domaine où la nature et l’instinct aidés de l’intelligence et surtout de l’amour se passent de tout enseignement et de toute démonstration. Voulez-vous tuer la tendresse et tout ce qu’elle peut inventer même pour le plaisir de qui elle aime. Voulez-vous mécaniser la seule chose où l’invention demeure libre et authentique parce que non divulguée, en un temps où la femme tend à trouver sa vraie place ? Voulez-vous maintenir des îlots d’esclaves, de parias, de déchues, de méprisées, etc ? Ah ! non je vous assure que le Christ était un juste et en cela infiniment plus intelligent que mes ancêtres les Grecs. N’oubliez pas que toutes les aberrations de l’instinct sexuel ne sont condamnables que si elles deviennent à la portée de tous. Nous ne pouvons décidément cette fois nous entendre.

Profitez bien de votre repos [mistralien ?] et de votre VigieCCXXXVIII – qui je crois ne veille plus sur rien. Saluez ma Corse où vous ne voulez pas aller.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.

Moi je vous croisCCXL et comme l’arbre et son oiseau d’orCCXLI m’ont déjà presque tout à fait guérie, je voudrais bien que vous puissiez venir ce samedi 12 à 1 h[eure] déjeuner avec moi. Le pourrez-vous ? Je l’espère et je vous écouterai me faire un portrait de Pauline R[éage]. Si jamais photo publicitaire s’imposait, c’était bien celle-là ! Non ?

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.

Merci cher ami, peut-être obscurément ai-je souhaité que vous me rassuriez et je veux bien croire que cette lampe de mineur que vous avez sans le vouloir sans doute promené dans le noir où je demeure pour certaines choses n’était pas allumée pour moi. Merci encore.

Je regrette que vous ne songiez pas sérieusement à la Corse… mais si un jour vous décidiez d’y aller vous savez que même sans moi la petite maison vous accueillerait avec qui vous accompagnerait. Il me suffirait de le savoir pour que je prévienne [Santina ?] la bonne sarde.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.

Cher ami Bien sûr vous allez me pardonner cette lettre qui va vous embarrasser. Pourtant il faut que je vous dise que vous avez eu au moment où vous m’avez demandé si je pouvais vous montrer une photo de J[ ?] un regard si urgent… qu’il me trouble encore. Avez-vous appris quelque chose qui me donnerait enfin la clé du tourment qui plus d’une fois hélas… me vient de ce côté-là à la pensée que je laisserai un jour mon pur F[rancis]CCXLIII entre des mains impures ? Ce ne sera pas la première fois que vous auriez sur ma vie profonde un pouvoir éclairant. Et j’ai trop de preuves personnelles … de certaines imperfections… pour ne pas me tenir en alerte. Mais je sais que tant de hardiesse de ma part ne vous sera acceptable que parce que vous avez deviné mon inquiétude.

Ce serait bon de se trouver en Corse ensemble et nous pourrions très bien prendre le même avion si vous décidez vraiment d’y venir et que vous acceptiez la modeste hospitalité de ma petite maison.

Pardonnez-moi. Les mères sont parfois abusives… puissent-elles toujours se tromper quand elles se méfient.

A vous fidèlement

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1955.

Cher ami. Vous êtes revenu de Port-CrosCCXLV ? Bien sûr que si le livre était de vous !... Et je viens de lire cet article apologétique de MandiarguesCCXLVI qui m’a tout de même infiniment moins persuadée que votre préface. Il y a là un parti pris d’enthousiasme qui me refroidit et il n’est même pas étonné le cher André Pierre ! Vous êtes, vous, du moins assez surpris, d’une surprise par instants délectable et vous ne tentez – d’ailleurs très discrètement – que de nous faire passer de la surprise à la délectation : une délectation sévère comme il convient à votre vision mystique, autant que mystifiée. Que cette femme soit un écrivain – est-ce une femme ? Je voudrais la voir nue – c’est indéniable. Qu’elle ait de l’imagination aussi. Mais que vient faire ici la Religieuse portugaise dont la passion était purifiante, exaltante, orgueilleuse et toute d’âme ? Si Pauline est une femme, elle a un cerveau, des curiosités, des vices masculins ; si elle est un homme, elle a des avachissements, des complaisances dans l’esclavage, charmes qui sont d’une femme ; hermaphrodite, elle serait plus compréhensible ; son style n’est ni mâle, ni femelle : il est actif et porte loin ce qu’il exprime. Puisse-t-elle ou il parler un jour de choses moins limitées.

J’espère que Port-Cros vous a reposé et réconforté ; il faudra venir bientôt me demander à déjeuner et dès que cela vous fera plaisir.

A la semaine prochaine j’espère et toute l’amitié de

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (4 avril 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 4 avril 1955.

[Pneu, cachet du 4 avril 1955, rue de Grenelle, adressé à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (23 mai 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 23 mai 1955.

[Enveloppe en-tête NRF cachet du 23 mai 1955, rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V (5°)

 

Ah, j’ai horreur du Caravage. Personne n’a poussé plus loin les trucs de la perspective, la magie artificielle. Je brûlerais volontiers tous ses tableaux.

Chère Marie-Anne, je suis très content que vous aimiez Dickinson; et aussi Cailleux.CCXLVIII Nous avons de très beaux DonneCCXLIX, vous allez voir.

Avec amitié

Jean P.

Le VoyeurCCL, n’est-ce pas que c’était très beau ?

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (8 juillet 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 8 juillet 1955.

Cet hommage est fort curieux et autant qu’un hommage puisse être « réussi »CCLI

Mais rien ne me touche plus que la correspondance avec JahierCCLII et surtout ce qu’écrit Jahier, et… le masque mortuaire qui a vraiment gardé la ruse, la hauteur, la certitude et l’étroitesse de sa vie avec en plus l’admirable paix on ne sait si de la mort, du néant ou de l’espoir en Dieu.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (2 août 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 2 août 1955.

Comme il m’est agréable de penser que vous avez vu ces merveilles et pourquoi faut-il qu’elle soit du VI° siècle cette basilique qui est en tous points le modèle de maison où travail, amour, et méditation sauraient se rencontrer sans jamais se gêner.CCLIII

Si je vais à Cargèse ce ne sera guère avant septembre, je crois que je devrai passer tout mon mois d’août avec OlivierCCLIV (mon livre) et qu’il ne me lâchera que dans une trentaine de jours. Mais le mois d’août est si beau à Paris et si vous avez un midi de trop vous viendrez peut-être partager mon déjeuner ?

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (2 août 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 2 août 1955.

[Enveloppe cachet du 2 août 1955 adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

E.V. (5)

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (10 septembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 10 septembre 1955.

Oui cher ami avec grand plaisir je vous attendrai vendredi : mais venez à l’heure si vous le pouvez, vous partagerez mon déjeuner. Si c’est oui, pour 1 h[eure] ne prenez pas la peine de me répondre.

Je vais relire le Blanchot.CCLV Je l’aime beaucoup en général et Jaccottet aussi.

Ce sacré Claudel ! On lui a fait quand même la bonne mesure qu’il méritait certes mais Péguy, qui méritait autant que lui sinon plus, est bien loin d’avoir reçu autant de tous ces hommes qu’il aimait lui d’aussi près que Claudel les méprisait de loin.

Toute la fidèle amitié de

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (15 septembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 15 septembre 1955.
Chère Marie-Anne

Il vient de se produire une petite aggravation de l’état de Germaine, qui nécessitera, j’en ai peur, l’intervention d’un chirurgien.CCLVI Et de toute façon il me faut rester près d’elle. Pardonnez-moi demain, je vous prie. Ne voudriez pas de moi, à la place, dimanche pour le café ? Je m’excuse, et vous envoie mon amitié bien vive.

Jean P

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (24 septembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 24 septembre 1955.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet 24 septembre 1955, rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V.     (5)

 

Chère Marie-Anne, eh bien je vous laisserai le livre la semaine prochaine.CCLVIII Mais je crains qu’il ne vous paraisse horrible, ou simplement ridicule.

(Il a dû rapporter à son éditeur quelque dix-huit millions – dont je ne pense pas qu’une grande part soit parvenue jusqu’à Pauline Réage.)

Tout ce que vous me dites est très passionnant. Je vous en reparlerai. Amitié

Jean

Le livre est considéré comme un outrage etc. Outrage dont je suis tenu pour complice ayant, par ma préface, « appelé l’attention ».CCLIX

« … n’avait rêvé » oui, je voulais dire, bien sûr : en littérature (il me semblait que l’allusion à Justine suffisait).

J’aurais dû l’ajouter.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (10 octobre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 10 octobre 1955.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 10 octobre 1955, Ile de Port-Cros – Var, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

Paris (5°)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (3 novembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 3 novembre 1955.

[Enveloppe cachet du 3 octobre 1955 rue des Ecoles, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5°)

 

Chère Marie-Anne

Je suis fâché de vous avoir fait ainsi de la peine. Vous me rendrez ce méchant livre, n’est-ce pas.CCLXI

Sur le fond, bien sûr, je crois que vous vous trompez. (Mais c’est peut-être par amour-propre que je préfère croire à l’enthousiasme d’André Breton (dans Medium), de Mandiargues (dans Critique), de Georges Bataille (dans la NRF), de J[acques] Laurent (dans la Parisienne) et, ces jours-ci encore, d’Aimé Patri dans Preuves (octobre).CCLXII Peut-être aurais-je dû mieux préciser ma pensée, mieux marquer qu’il s’agit d’un ouvrage mystique, où la descente aux enfers évoquerait plutôt la vie de Marie AlacoqueCCLXIII que les romans de Sade… Ah, je tâcherai d’y revenir.

Avec amitié

Jean P

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (7 novembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 7 novembre 1955.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 7 novembre 1955 rue de l’Epée de bois, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5)

 

[Lettre sur laquelle est scotchée une plume noire et un dessin d’oiseau ?]

Je vous envoie un petit arbre pour vous aider à guérir, chère Marie-Anne. Ne croyez pas les bruits qui courent : songez que pendant trois mois le livreCCLXV a été attribué à Pieyre de Mandiargues ; et puis à Malraux ; et puis… (mais personne ne lit personne.) Moi, j’ai bien rencontré Madame Pauline Réage, cinq ou six fois. Mais quoi ! elle était toujours habillée. Sitôt que je pourrai vous faire visite, dites-le moi, je vous prie. Amitié

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (10 novembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 10 novembre 1955.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 10 novembre 1955, avenue d’Italie, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5)

 

[Lettre en-tête NRF]

Oui. Mais enfin, si étranges que soient les fantaisies des amants, il me semble qu’elles n’atteignent pas en étrangeté l’amour tout simple.

Et si étrange aussi que soit cet amour, il me semble qu’il n’atteint pas en étrangeté la vie toute simple, telle qu’elle nous est donnée « avec un corps et une âme ».

Peut-être me direz-vous que le rôle des fantaisies (celle de votre bandit corseCCLXVI est bien curieuse) est justement de nous rappeler cette étrangeté fondamentale. Oui, je crois aussi. C’est une raison de plus, sinon de les admirer, de les estimer.

Avec amitié

Jean P.

Evidemment, l’habitude nous fait oublier l’étrangeté de l’amour (je veux dire à la fois physique et sentimental). Mais il suffit bien de se rappeler comment nous le voyions avec des yeux purs de parti-pris, nos yeux d’enfant.

Comme c’est beau l’histoire du bandit corse et du sel (du sel gemme ?). Comme c’est beau, et déjà près du mythe. En savez-vous d’autres ?

Il y avait une allusion à ces étrangetés dans Rose ColonnaCCLXVII : une allusion rapide et comme épouvantée.

Nous vivons, dites-vous, dans une époque qui a tout fait pour donner à la femme… oui, et à l’enfant et à chaque citoyen. Et nous savons tous qu’en effet cette époque a plutôt mal fini, qu’elle est en train de plus mal finir encore. (Mais c’est ce que je tâche de dire à la fin de ma petite introduction.)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (15 novembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 15 novembre 1955.

[Pneu du 15 novembre 1955 rue de Vaugirard adressé à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5°)

 

[Lettre en-tête NRF]

Chère Marie-Anne

Je suis consterné : un grand ami à moi se trouve dans une situation très grave (ou qui lui paraît telle : il s’agit d’un procès).CCLXVIII Il fait appel à mon témoignage demain mercredi, de façon si pressante que je ne puis lui manquer, vers midi et demie.

Pardonnez-moi, je vous prie. Ne voudriez-vous pas de moi pour déjeuner, à la place jeudi ? (Je me permets de vous le demander parce que vous m’aviez d’abord donné le choix entre ces deux jours-là.)

Je vous embrasse

Jean P.

Il s’agit de Marcel Jouhandeau.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (21 novembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 21 novembre 1955.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet illisible avenue d’Italie, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5°)

 

[Carte postale, Paris – La Tour Eiffel « Coquetterie »CCLXIX

Chère Marie-Anne

Je n’ai pas ri, je crois, mais j’ai trouvé votre conte très émouvant, très enchantant. Surtout, il le devient de plus en plus, à mesure qu’on avance. (Le poème de CarcoCCLXX, à vrai dire, me semble faux, chiqué, enfin horrible. Mais je tâcherai de me corriger, et puis il faut se mettre à la place du Père Noël, qui n’a pas à partager nos scrupules.) Merci, et merci aussi de ce gentil déjeuner. Amitié

Jean P.

Isabelle de Bavière… pauvre dame, elle va bien s’ennuyer.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (9 décembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 9 décembre 1955.

Enveloppe cachet illisibleCCLXXI avenue d’Italie adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V (5)

 

[Carte postale Vue aérienne de la Tour Eiffel]

Chère Marie-Anne

Mais si vous écriviez vous-même cette petite chanson, ce serait bien mieux.

J’ai prêté le conte de NoëlCCLXXII à Marcel A[rland ?] (avec votre permission).

J’aime bien cette Tour en dentelle.

Ayez de bonnes fêtes.

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1956) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1956.

Je n’ai pas envie de vous rendre ce livreCCLXXIV, non. N’était-ce pas un cadeau ? Mais bien sûr si vous en êtes à court, je peux vous le prêter.

Bien entendu tous les panégyristes que vous me citez sont des hommesCCLXXV ; c’est peut-être un livre uniquement pour homme, surtout pour hommes fatigués. Avouez que ce n’est pas un livre pour une époque qui a tant fait après le Christ pour donner à la femme des droits à la justice et à l’égalité en amour, en esprit, en force et en beauté. Ces sortes de barbaries et d’asservissements n’ont rien de mystique quoique vous en pensiez ; je peux vous en citer d’inédits inventés par le dernier bandit corse qui ait pris le maquis vers 1935 (un assez sale bougre). Il exigeait que sa maîtresse, une jeune fille de 23 ans qu’il avait enlevée à ses parents, se roulât dans la grotte où il l’enfermait sur une couche de sel marin jusqu’à ce qu’elle fût ensanglantée et prête ainsi à le rendre heureux. D’autres témoignages et nombreux ne sauraient me faire admirer, ni comprendre l’esclavage heureux de la femme sans cette honte, c’est contre cela seul que tout en moi proteste et se révolte car chez les êtres saints la joie n’a pas besoin de sacrifice de cet ordre : elle n’est belle que si elle rit librement [et consenti ?].

Pardonnez-moi ce désaccord et bonnes vacancesCCLXXVI

Marie-Anne

Mais le surprenant, c’est que votre préface ne fait absolument pas soupçonner ce qu’est ce livre : c’est donc évidemment que vous l’avez lu avec [des yeux mystiques ?]

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1956) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1956.

Dommage que la Poupée soit finie ! Si vous avez laissé la SavoieCCLXXVIII, dites-moi si je peux ajouter votre nom et [quels ?] autres de gens très bien ? à la liste de ceux qui protestent contre les assassins des deux [chypriotes ?]CCLXXIX ?

Un jeune grec le voudrait savoir pour lundi. Donc pardonnez-moi ce pneu et à bientôt

Votre
Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (7 février 1956) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 7 février 1956.
Cher ami,

Je reçois d’une écriture qui n’est pas la vôtre ce conte déchiré contre lequel je devais vous envoyer le vrai et je n’ose plus le faire pensant que vous n’êtes pas à Paris ou que vous êtes bien souffrant ou fâché – je ne sais pourquoi – pour n’avoir pas vous-même répondu à ma lettre.

Enfin donnez-moi si possible de vos nouvelles, et remerciez l’aimable messagère en me croyant toujours

Votre Marie-Anne

Me voilà pourtant rassurée. J’apprends à l’instant par votre téléphone que vous n’êtes pas malade et que je pourrais si je le voulais vous appeler à 8h ce que je ne ferais que si je comprenais quelque chose à ce désir – le vôtre – de silence et si je ne croyais plus [mot illisible] le respecter !

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (13 mars 1956) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 13 mars 1956.

[Enveloppe cachet du 13 mars 1956, rue des Ecoles, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (V)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (16 mars 1956) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 16 mars 1956.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 16 mars 1956, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (13 mai 1956) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 13 mai 1956.

[Enveloppe cachet 4 mai 1956, avenue d’Italie, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri Barbusse

E.V. (5)

 

Chère Marie-Anne

J’aurais bien voulu pouvoir accepter. Mais :

1. Qui suis-je pour signer ?CCLXXXI Quelle est, dans ces matières, mon autorité ? (Je trouve horribles ces signatures qui n’engagent à rien).

Et si j’avais quelque autorité

2. eh bien, je crois que je serais du côté des Anglais – qui ont eu mille fois tort de se retirer d’Egypte, qui auraient mille fois plus tort encore d’abandonner Chypre. C’est de là que risque de venir – ou plutôt : c’est par là que risque de passer – la prochaine guerre. Si nous n’étions pas de faibles niais, Nasser aurait déjà été arrêté, et envoyé à AntsirabéCCLXXXII et les Israéliens ne seraient pas sous la menace d’une attaque arabe, et la guerre d’Algérie serait déjà finie. Que les Pacifiques tiennent Chypre du moins, à défaut du canal de Suez !

Pardonnez-moi, et très affectueusement.

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (14 mai 1956) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 14 mai 1956.

Cher ami, mais je n’ai pas à discuter vos certitudes politiques. Nous ne parlons pas de la même chose. Moi je voulais simplement dire que tant que les politiciens n’auront pas trouvé d’autres moyens pour prouver qu’ils ont raison que de pendre des innocents, il vaudra mieux ne pas se sentir très fier d’être vivants ni « d’hanter la terre des bourreaux », ni de respirer le même air. Je serai éternellement – si l’on peut dire – du côté des victimes.

Votre
Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1957.
Cher ami

Je reçois aujourd’hui cette gentille lettre de Lietta (la fille de Pirandello) ; elle m’envoie aussi 2 journaux de 1936, du lendemain de la mort ; tout y est relaté comme je vous le disais ; l’un de ces journaux dit expressément : Non una parola, non un grido Pas un mot, pas un cri.

Le corps a été brûlé au Verano et les cendres ont été transportées à Agrigente, jetée au vent en faible partie, gardées dans une très belle urne au musée en plus grande partie. Mais Lietta m’envoie traduit en italien un article de H. Mercadier paru dans le Messagero du 11/12/36CCLXXXV qui lui aussi dit qu’il était le seul français à Rome ayant assisté aux funérailles et j’y trouve une grande ressemblance avec l’itinéraire suivi par la dame qui chanteCCLXXXVI. Nul doute qu’elle ne s’en soit inspirée – et qu’après 20 ans elle ait oublié bien des choses.CCLXXXVII

Je vais lire à loisir ces articles et vous les traduirai à l’occasion, mais ils ne vous diront rien que vous ne sachiez déjà. Si vous publiez, il faudra lui faire rectifier.CCLXXXVIII

En tout cas, je crois que les articles de Pitoeff dans l’Humanité, de [ ?] dans Paris-Soir, de BenjaminCCLXXXIX dans Excelsior en disaient plus long et plus vrai en 36 que la radio de la dame en 56. Bien entendu la vérité toujours si difficile à établir me paraît indiscutable ici.

Au revoir cher ami.

Retournez-moi un de ces jours ces lettres si touchantes.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1957.
Cher ami

J’ai lu De mauvais sujetsCCXCI. Il y a à la dernière ligne de la page 5 un Je me trouvais tout étonné qui donne tout le ton du récit, qui est d’une malice si présente et si irrésistible qu’on est secoué de rire et nullement menacé de mystification mais d’intelligence pure, si pure qu’on a peur de se perdre. A vrai dire, c’est tout le temps d’une vérité qui n’a que l’air simple et limpide mais qui est escarpée et attirante comme tout ce qui est très haut… bien sûr on se demande ce qu’on trouvera quand on aura fait l’effort de grimper… mais je pense que vous voulez donner cette impression de vertige et d’insaisissable… et qui pourrait vous le reprocher ?

Pourtant ce récit ne se présente pas comme une chose finie en soi, mais me semble-t-il comme un chapitre de mémoires où il prendrait sa vraie place et serait éclairé par ce qui précéderait et ce qui suivrait.

Et pourquoi ne pas les écrire ces mémoires ? Quel livre ce serait ! Même s’ils restaient seulement dans le domaine des aventures de l’esprit ! Merci beaucoup de m’avoir donné à lire ce qui n’est pas encore à tous. Mais je n’ai pas encore compris pourquoi Jean Paulhan et Marcel Arland ne publient pas très vite et dès le n[uméro] de mars ces Mauvais sujets dans leur NNRF.

 

Pour l’anonyme cantatrice, son récit est certes tentant pour le public. Je voudrais pourtant m’assurer de 2 choses 1/ que son propre exhibitionnisme est indispensable à la mort de Pirandello 2/ que Pirandello repose à Agrigente sous une pierre tombale. Mon [un mot ?] non ! Ceci est une [interprétation ?] de chanteuse. Les cendres de Pirandello, après la crémation, ont été dispersées comme il l’avait souhaité devant la mer de son village natal et quelques-unes ont été gardées et sont conservées dans l’urne cinéraire qui est dans le musée Pirandello à Agrigente.

J’ai écrit à Fausto pour qu’il m’écrive avec précision le détail de tout cela et je vous communiquerai sa lettre. Par ailleurs ce qui a tant bouleversé cette femme – le cri de 13 ( ??) personnes qui ont assisté à la levée du cercueil, c’est probablement ce qui aurait le plus irrité Pirandello s’il avait pu l’entendre car de toutes les cérémonies obligatoires qui accompagnent le mort, c’est la plus barbare et la moins profonde ; la tradition du cri poussé à l’unisson par la famille du mort demeure dans les Iles de la Méditerranée, en Sicile, en Sardaigne, et en Corse ; je me souviens encore de l’impression artificielle que me donna le cri de mon père (respectueux de toutes les traditions) à la minute même où mon grand-père mourut. Et pourtant je savais sa peine. Mais ce n’est pas ce cri obligatoire qui pouvait l’exprimer.

Il y a eu et il reste encore des cris d’usage dans le malheur, comme il reste des pleureuses, des charivari pour le mariage des veufs et des hourrah…

Je veux dire que ce hurlement à la mort n’avait rien que d’antique tradition et se serait produit même si Pirandello n’avait pas été Pirandello.

Si vous le voulez bien attendez la lettre de Fausto. Il serait trop ennuyeux d’avoir mis 20 ans à dire des choses approximatives ; il est vrai que l’artiste seule serait responsable mais …

J’ai eu bien du plaisir à vous retrouver.

Au revoir et à bientôt et

Toute la vieille amitié de

Marie-Anne

Si jamais vous allez en Sicile et que vous ayez la curiosité de vous rendre au musée d’Agrigente, les conservateurs vous montreront l’urne, dont ils vous donneront aussi la photographie, où reposent les cendres de Pirandello. Ils vous montreront aussi au loin le petit village où il est né ([ ?]) ou Empédocle que l’on voit de la terrasse du musée avec cette mer sur laquelle [plusieurs mots illisibles à cause du cliché]

Ultima verba

Et je veux encore ajouter ceci cher ami.

Toutes ces ridicules erreurs – aussi bien d’ailleurs à la Radio – ne se seraient pas produites, si G[aston] G[allimard] avait réuni en volume les études de Benj[amin] sur Pirandello comme je l’en ai prié une dizaine de fois depuis 1948. Sa négligence et son inertie vont probablement me forcer à donner ailleurs ce petit livre où je serai forcément appelée à parler de la vie et de la mort de Pirandello. Mais j’aurai encore la patience d’attendre la parution du volume VIII (qui contient les dernières trad[uctions] de Benj[amin] [mots illisibles].CCXCII

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 1957.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet partiellement illisible, seule la date 1957 et avenue d’Italie (13°) sont lisibles, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5)

 

Chère Marie-Anne

Les InstantsCCXCIV, n’avez-vous pas aimé. Il me semble que c’est une des plus belles choses que j’aie jamais lues.

LignérisCCXCV : oui, il s’agit peut-être d’une revanche sur l’Histoire d’O. (Un autre livre de même ordre vient de paraître : Aux pieds d’OmphaleCCXCVI (sic). D’ailleurs, pas du tout nul.) Mais ce qui m’a surtout touché dans F[ort] F[rédérick], c’est cette absolue chasteté.

(C’est aussi une curieuse méchanceté).

Mais j’étais bien sûr de vous avoir remercié ! La lettre a dû s’égarer. Oui j’ai bien reçu tous les renseignements sur les obsèques de PirandelloCCXCVII et bien sûr j’ai renoncé au témoignage (un peu sophistiqué) de Mme L. D.

Je vous disais (dans la même lettre) combien j’avais aimé votre adieu à LarbaudCCXCVIII. Et comme vous y parlez bien de Maria NebbiaCCXCIX !

Du côté de la NRF, rien ne va très bien, et Dominique ArlandCCC glisse de la névrose à la démence, déchire sans raison la figure des honnêtes citoyens de Brinville qu’elle rencontre, enfin est en pleine persécution. Pour l’instant, barricadée dans le logis de la rue St Romain d’où elle a chassé père et mère.

Bonsoir Marie-Anne. Je vous embrasse.

Jean P.

Travaillez-vous ? Moi tant que je peux, mais c’est diablement difficile. Mon fils Fréd[éric]CCCI, j’espère, va bientôt rentrer d’Algérie.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (3 janvier 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 3 janvier 1957.

Enveloppe cachet du 7 [janvier ?] 1957 adressée à Madame Marie-Anne Comnène, 40 rue Henri Barbusse, E.V (5) et redirigée à Agrigente]

[Carte de vœux représentant une femme portant un chapeau avec une plume]

 

Chère Marie-Anne, recevez, bien sûr, tous les

MEILLEURS VŒUX POUR
UN JOYEUX NOËL (1957, évidemment)CCCIII

ET UNE HEUREUSE ANNEE de Germaine et de Jean Paulhan

Avez-vous lu, dans Vie et LangageCCCIV, l’article sur Cargèse ? Peut-être que non. Je vais vous l’envoyer. (Je m’aperçois que je songe souvent à Cargèse. D’où Henri ThomasCCCV est parti – laissant, je le crains pas mal de dettes – pour regagner Londres. A ce propos, avez-vous lu sa Nuit de LondresCCCVI ? Cela me paraît une très grande chose.) Merci d’OlivierCCCVII. J’en aime beaucoup la passion – une passion qui s’exprime avec tant de délicatesse. Ah, parfois aussi il me semble que les bons sentiments vous abusent : je veux dire qu’il y manque la face noire qui leur donnerait leur relief, leur épaisseur (on la trouvait très bien dans Rose ColonnaCCCVIII. Mais bonne année, Marie-Anne. Je vous embrasse

Jean P.

Germaine va un peu mieux : en ce sens qu’elle s’organise dans la maladie, n’est plus livrée sans défense à ses rêves.

UngarettiCCCIX vient d’arriver à Paris. Je le vois tout à l’heure.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (7 janvier 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 7 janvier 1957.

Cher ami, je reçois votre Vie et langageCCCX qui pour moi n’a que l’intérêt d’une resucée de petits livres mal informés consultés par M. MonnotCCCXI ; mal informés et partisans. La vérité est ailleurs, là où M. Monnot n’a pas su la trouver. J’espère qu’il est meilleur grammairien qu’historien et là encore je le prends en défaut car il n’a pas su découvrir que ce nom de Ragazzacci, italien en effet et qui veut dire (mauvais garçons), conservé par des familles authentiquement grecques à l’état civil ne pouvait être qu’un surnom et c’était précisément le surnom donné au lendemain des lettres patentes accordées par Louis XVI à Démétrius (frère de la mère de la duchesse d’Abrantès) à ceux qui à Cargèse auraient eu (d’après ces lettres et leur parenté directe avec Démétrius le droit de porter le nom de Comnène). C’était à la fois un surnom de rage et de vengeance (les hommes sont vaniteux), et comme le maire de cette époque s’en trouvait frustré il l’avait d’autorité fait inscrire sur tous les extraits de naissance des Stephanopoli d’alors (Stephanopoli frère d’Etienne, devenant synonyme de Comnène).

J’ai fait sur cette question mon diplôme d’études supérieures et ai pu consulter à Gênes toutes les archives des [liasses grecorum ?] de 1676. Il n’y a pas une preuve de ce qu’avance si légèrement M. Monnot que « la descendance Comnène serait fantaisie pure » mais toutes les indications au contraire pour que les preuves apportées par Démétrius au généalogiste du roi aient été de vraies preuves.

Notez que cette méfiance est un phénomène insulaire et Napoléon lui-même l’a exprimé dans le Mémorial. [Or ?] on sait pourtant qu’amoureux de Panoria PermonCCCXII et prêt à l’épouser il était ébloui alors par la possibilité d’entrer dans le sillage des Empereurs d’Orient. Tout cela est bien léger, bien vain. Il y a une noblesse autrement solide et grande à voir comment ces quatre chefs Stephanopoulos sortant des persécutions des Turcs ont approuvé les mauvais traitements des Corses ; et c’étaient des princes à n’en pas douter si nous donnons à ce mot la signification [mots illisibles]. L’idée qu’ils seraient allés se chercher une noblesse supplémentaire et qu’ils auraient inventé [d’être ?] Comnène ?! Pourquoi comment, plutôt que PaléologueCCCXIII par ex[emple].

Mais M. Monnot commet d’autres fautes et un oubli que je puis cette fois contrôler moi-même avec tous mes contemporains de Cargèse. C’est qu’après M. [Phardis ?] (1887), il n’y a pas eu d’enseignement de grec à Cargèse ; or le professeur de grec qui a succédé à M. [Phardis ?] en 1887 était mon père qui a enseigné le grec de 1887 à 1921, c’est-à-dire jusqu’à sa mort et qui était arrivé à quelque chose de beaucoup plus remarquable que [Phardis ?] puisqu’il avait obtenu du gouvernement français, oui de l’éducation nationale, des appointements réguliers donc une reconnaissance d’utilité publique de cet enseignement.

Mais comme M. Monnot a copié le livre d’un commis-voyageur qui n’était pas du parti de mon père (lui républicain) il l’a passé sous silence. Et voilà comment on écrit l’histoire [Et ce n’est pas seulement beau ?] J’espère que ce M. Monnot n’est pas de vos amis. Si oui, dites-lui de mieux s’informer à l’avenir.

Mais à bientôt n’est-ce pas.

Votre
Marianne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (7 janvier 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 7 janvier 1957.
Cher ami

Je suis contente des bonnes nouvelles que vous me donnez de GermaineCCCXIV. Quel dommage que le soleil de Cargèse ne tente pas sur elle ses miracles. Je pense y aller avant la fin de l’hiver. Vous devriez y venir, ou y aller même en mon absence. Les clés sont toujours à votre disposition avec la brave femme sarde qui vous ouvrirait la porte et vous ferait votre ménage.

Non je n’ai rien lu sur Cargèse de ThomasCCCXV et pas encore sa Nuit de Londres.

Je suis très touchée par ce que vous me dites d’OlivierCCCXVI et plus encore que vous ayez gardé le souvenir de Rose ColonnaCCCXVII ; mais savez-vous que vous me disiez déjà il y a 27 ans que dans Rose Colonna il y avait trop de bons sentiments. C’est donc la preuve qu’ils sont, chez l’auteur, irrémédiables puisque 27 ans d’une vie pas tellement rose ne les a pas tournés au noir !

Tout de même, trouvez-vous que les sentiments de la jeune Dorothy envers Pauline sont de bons sentiments ? Il faudrait alors donner à la haine le titre de bon sentiment.

Hélas, bien sûr, Gallimard devrait réimprimer Rose Colonna et si vous vouliez vraiment vous amuser à user de votre pouvoir vous devriez obtenir de son fils ClaudeCCCXVIII qu’il en donne la permission ou le conseil à son papa. Mais cette famille a décidément juré de ne plus rien faire de juste sur la terre.

J’aime bien cette LaurencinCCCXIX dans ce que Jouhandeau et surtout Suarès en ont dit.

 

Mais savez-vous que les membres du CNE[Comité national des Ecrivains] non communistes ne sont pas forcément des innocents de village ?CCCXX

En résumé vous avez raison : il y a la « face noire » des choses. Je ne le sais que trop ; je me dis seulement que tant que j’aurai la force de m’en détourner, j’aurais encore quelque plaisir à vivre.

Au revoir chez ami, à bientôt. Ne laissez pas passer le mois de janvier sans me demander à déjeuner et bonne année à vous, à Germaine, à vos meilleurs projets.

Votre
Marie-Anne

Si vous venez un jour déjeuner, voulez-vous prier UngarettiCCCXXI de venir avec vous ?

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (9 janvier 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 9 janvier 1957.

[Enveloppe cachet du 9 janvier 1957, avenue d’Italie, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V.    (5)

 

[Lettre avec phrase dactylographiée en exergue – graphie respectée]

LE THIBETAIN SANS

REPONDRE SORTIT SA

Trompe à appeler l’orage ET

NOUS FUMES COPIEU-

SEMENT MOUILLES

SOUS DE

GrAnDs EcLaIrS

Chère Marie-Anne, je me trouve pris le 18. Mais voudriez-vous bien de moi à déjeuner le vendredi 25 ? Si oui, ne me répondez pas. Amitié

Jean P.

Mais vous devriez répondre à Vie et LangageCCCXXII ! (J’avais lu l’article bien légèrement, content seulement d’entendre parler de Cargese.)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (14 janvier 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 14 janvier 1957.

[Enveloppe cachet du 14 janvier 1957 rue Saint Romain (6°) adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5)

 

[Lettre avec phrase dactylographiée en exergue – graphie respectée]

LE THIBETAIN SANS

REPONDRE SORTIT SA

Trompe à appeler l’orage ET

NOUS FUMES COPIEU-

SEMENT MOUILLES

SOUS DE

GrAnDs EcLaIrS

Chère Marie-Anne

« innocent de village » : voici ce que je voulais dire. J’ai définitivement quitté le C[omité] N[ational] [des] E[crivains] le jour où j’ai appris que toutes nos réunions de Comité se tenaient en double, les Communistes procédant, la veille de la séance, à une sorte de répétition générale où étaient mis à l’essai les propos, les arguments, les résolutions qu’ils devaient tenir le lendemain. Or, je ne pouvais dire de qui je tenais ce secret (d’un communiste, évidemment). Je n’avais donc qu’à m’en aller. J’ajoute qu’innocent de village était un euphémisme.

Hélas, UngarettiCCCXXIV ne restait à Paris que trois jours.

Merci pour CargèseCCCXXV. Amitié

Jean P.

Je vais alerter G[aston] G[allimard] bien sûr.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (7 février 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 7 février 1957.
Cher ami

Après les lettres de Fausto et LiettaCCCXXVI que je vous ai communiquées, je reçois aujourd’hui une lettre de [Enzio ?] Scipioni contenant un article de Corrado AlvaroCCCXXVII qui, avec les articles du Giornale d’Italia et du Messagero parus le 11 décembre 1936 (le lendemain de la mortCCCXXVIII), donne je crois un tableau aussi complet que possible de ces deux journées mémorables.

NardelliCCCXXIX écrit à la dernière page de L’homme secret : « Pirandello laisse un testament je le sais, je n’en connais pas les termes mais j’en connais le sens. Il dit que quand il sera mort, il veut être incinéré et que s’il lui est arrivé de faire quelque chose dans la vie que l’on veuille, en signe de reconnaissance, jeter ses cendres au vent ».

Nous le savions aussi d’une façon moins précise ; il nous parlait quelque fois de l’inutilité et de la vanité de toutes les cérémonies qui entourent la mort : « il ne faut pas contempler la mort, disait-il, elle est trop horrible ; dès que l’esprit a quitté le corps qu’on cache vite le corps, vite un drap pour le recouvrir et qu’on n’en parle plus. »

C’est Stefano, le fils aîné de Pirandello, qui a montré à Alvaro avant que la dépouille fût acheminée au crématoire du Verano la demi-page très brève où étaient tracées les dernières volontés de son père, d’une écriture si ferme et si jeune, sur un papier si jauni et si fané qu’elles devaient remonter, pense Alvaro, à une quinzaine d’années au moins. Il voulait s’en aller tout seul comme il l’avait toujours été, ni parents ni amis, ni discours, ni prêtres, seul sur le char des pauvres, et ses cendres jetées au vent, ou transportées à Agrigente et murées avec une pierre très ordinaire dans sa petite maison de CaosCCCXXX.

On dût lire ce papier au bon curé accouru pour le requiem, il en fut très déconcerté ; il ne savait que penser, il se décida pour l’indulgence et s’en remit à la miséricorde divine ; être brûlé et dispersé au vent quand on est né chrétien ne peut être compris, pardonné que par Dieu. Le représentant du pouvoir temporel prit la chose avec plus d’âpreté. C’était déjà un tour peu excusable que d’être mort le jour même de la réunion du Comité académique : on y continuait le dictionnaire, mais s’en aller sans prendre congé, [sans un signe ?] ni chemise noire, ni musique, ni grands honneurs était simplement inacceptable. Comment pouvait-il rapporter tout cela au Duce ? Il prit la demi-page des mains du curé, la lut, la relut, la recopia et ne dit pas merci. « Il s’en est allé en claquant la porte – Se n’è andato sbattendo la porta » murmura-t-il, et entre son chagrin et son désagrément il se sentit bien malheureux en reprenant la via Antonio Bosco.

Comme vous le saviez déjà, cher ami, Pirandello est mort le 10 décembre 1936 à 8 heures 30 du matin dans sa petite maison de la rue Antonio Bosco où il habitait avec son fils Stefano. Il était malade depuis trois jours, il avait pris froid en assistant aux prises de vue du film qu’on tirait de son roman Feu Mathias PascalCCCXXXI. Il semble qu’il se soit très peu défendu et qu’il ait très vite consenti à ce que la congestion pulmonaire très violente qui l’avait surpris après l’attaque d’angine de poitrine de l’année précédente, ne pût pas être guérie. Aux docteurs qui lui disaient de garder toute confiance, il répondait avec calme et gentillesse : « Mais pourquoi avez-vous peur des mots : vous voyez bien que je suis en train de mourir » « Io so benissimo che stò morendo. » Quel dommage – « Peccato » - disait-il à Stefano j’avais justement trouvé enfin mon décor pour le 3ème acte des Géants de la montagneCCCXXXII (tout devait se passer sous un vaste olivier « un ulivo saracenoCCCXXXIII »).

Il évitait de s’attendrir. Pourtant il dit à ses enfants : « Aimez-vous bien, aimez-vous. Cela seul importe plus que tout (« questo è cio che più importa ».

Des quelques amis qui ont vu le cercueil des pauvres quitter la maison sans oser ni l’accompagner, ni parler, ni crier, un seul à cheveux gris pleurait doucement en cachant ses larmes.CCCXXXIV

Il me semble cher ami que rien ne doit, ne peut être ajouté et que les fantaisies les plus charmantes, fussent-elles radiophoniques, ne pourraient qu’encombrer la Vérité toute simple et telle qu’il l’avait toujours souhaitée.CCCXXXV

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Je vous avais dit je crois que les [cendres ?] étaient conservées non pas sous une vilaine pierre mais dans une urne très belle et de forme grecque au musée d’Agrigente [mots illisibles].CCCXXXVI

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (21 février 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 21 février 1957.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet 2 février 1957, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5)

 

[Lettre en-tête 5 rue des Arènes V°]CCCXXXVII

Chère Marie-Anne

Je vous rends les lettresCCCXXXVIII (et grand merci de toute la peine que vous avez prise). Il n’y a donc qu’à rendre à L[ ?] [O ?] le m[anu]s[crit], que d’ailleurs elle me réclame.CCCXXXIX (Vous serez gentille de me le renvoyer.)

Votre « cher Valery Larbaud » était bien émouvant. De cela aussi, merci.

Et avec grande amitié

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (10 mai 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 10 mai 1957.
Cher ami,

J’espère que vous avez un jour reçu tout ce que j’ai pu vous apporter comme preuves de la vraie mort de Pirandello.CCCXLI

Ce n[uméro] contient un RamuzCCCXLII beau et rafraîchissant comme l’ombrage d’un chêne au soleil. Et aussi 2 très belles pages de vérité d’AudibertiCCCXLIII. Mais hélas cette Françoise de LignérisCCCXLIV venant après l’Histoire d’O – est-ce la ou le même – achève de me désenchanter sur ce Grand guignol pour âmes pâles.

J’ai bien envie de souhaiter à de Sade de meilleurs disciples, oui des disciples plus compréhensifs.

A vous fidèlement,

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1958.

Cher ami, je vous fais porter par Placide le volume que vous m’avez prêté. Curieux petit livreCCCXLVI : sans doute fort sincère mais encore dans les limbes m’a-t-il semblé ; comme un cliché de photo pas suffisamment révélé et qui aurait eu besoin d’un bain plus fort. Une curieuse assonance avec FromentinCCCXLVII, le même ton ingénu mais non pas, hélas, la lumière du Sahara ou du Sahel. Et dans l’ordre purement romanesque, une étrange ruse qui tourne en maladresse : ne pas tenir ses promesses ce qui est aussi grave pour un romancier que pour un homme ?! Nous attendons des splendeurs ou des catastrophes, le prince renversé, ou fou d’amour ou assassiné… eh bien non ce n’était qu’un petit voyage ; nous pensons à la fin qu’il va mourir ou enlever Louise, eh bien non il guérit et se soignera pendant six mois et nous ne saurons plus rien de cet amour réveillé ni de ce petit palais promis qui annonçait la féérie des yeux et du sentiment. Je ne crois pas que le lecteur moyen pardonne ces choses mais le vrai lecteur – où se trouve-t-il ? – qui a pensé à l’avenir de l’écrivain, ou plutôt à son devenir a peut-être certaines raisons d’être confiant. Et je vois bien que Jean Grenier est confiant ce qui me paraît très significatif. Pourtant Giraudoux ou même Alain Fournier auraient tiré de cette histoire quelque chose de plus riche de plus émouvant… Régnier, à force de ne rien vouloir ajouter à sa vision élémentaire nous fait soupirer après P[ierre] Loti. Toute l’amitié de

Marie-Anne (qui doit sûrement se tromper).

 

Ce n’est qu’au bout de mon 4ème cachet de phosphore que j’ai re-su que la petite ville voisine de la campagne de FrancisCCCXLVIII s’appelle …. Etampes !

N’est-ce pas très alarmant ?

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1958.

Hélas cher ami, je crois que la mémoire de Paul MorandCCCL est en défaut ; Benjamin a eu peut-être le désir d’aller le voir à Vichy mais au dernier moment il y a renoncé et c’est moi qui ai pris le train pour Vichy. Paul Morand m’a reçue très gentiment comme il sait faire, mais il était fort embarrassé, il m’a avoué n’avoir pu trouver le moyen de parler de Benj[amin] à Laval et bien entendu il m’a promis de le faire mais il a jugé prudent d’attendre encore… On n’a plus eu de nouvelles. Je suis persuadée qu’il souhaitait réussir. Les évènements se sont précipités et la Gestapo, elle, n’a pas hésité à intervenir. Voilà tout ce que je peux dire.

J’aimerais bien vous parler du [1 mot illisible] de PortalCCCLI ; bien sûr il était très riche mais je vous ai écrit qu’il avait tout donné. Je vous veux un jour prochain [pour] déjeuner à la maison vous saurez cette histoire merveilleuse et si triste. Donnez-moi un jour qui vous conviendra et bon travail. Avec toute l’amitié

De
Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1958.

Cher ami, il me semble qu’il y a un temps infini que je ne sais plus rien de vous ?

Comment allez-vous ? Avez-vous échappé à la grippe asiatique ? Et Germaine ? Je ne sais trop si l’on vous a invité aux 2 PirandelloCCCLIII en cours car je n’ai pu cette année que m’en rapporter … ou plutôt je crois que Vilar tient à vous inviter lui. L’a-t-il fait ? Quant à Ce soir on improvise ce fût assez cocasse les invitations pour la générale arrivées 2 jours après la gé[nérale], inutilisables ! Mais si vous voulez y aller, si vous n’y êtes pas encore allé, dites-le moi, ou plutôt voici un laissez-passer. Je n’ai jamais eu autant de travail ni autant de maladie. Mais je pense que cette année s’achève mon dialogue avec PirandelloCCCLIV. Nous nous sommes tout dit. Pauvre grand ami, je commence à vraiment bien le connaître. C’était quelqu’un de tout à fait exceptionnel dans son divin naturel et sa douce simplicité.

Ecrivez-moi un mot si vous le pouvez et demandez moi à déjeuner bientôt.

Bonne année à vous et à Germaine et toute ma vieille amitié.

Marie-Anne

GintzburgerCCCLV est très chic et vous [mot illisible] places. N’importe quel [mot illisible]. Voici toujours un carton où vous marquerez vous-même une date (mercredi relâche).

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1958.

Cher ami, « un nouveau petit incident cardiaque ? » Comme si c’était la chose la plus naturelle du monde… mais je ne savais pas qu’il y en avait eu d’autres ! Vous voyez bien où est la « méfiance » ? Non, cher ami il n’y a pas lieu de vous inquiéter pour cette impropriété de terme. Je suis corse vous le savez, je ne manie pas toujours très bien le français. Et je suis bien trop désolée de savoir que votre long silence était dû à tant d’inquiétudes et d’ennuis. J’avais sottement pensé que vous aviez été interprété pour vous-même ce qui dans ma lettre ne se rapportait qu’à G[aston Gallimard] et que vous ayez mis si longtemps à me le dire m’avait paru manquer en moi de confiance. Voilà tout ! Ce jeune Giordanetti est très consciencieux, jeune un peu bête comme on dit dans le midi ; je suppose qu’il viendra déjeuner à la maison puisqu’il ne reste que 3 ou 4 jours à Paris. Voulez-vous y venir le même jour le 3 ou le 4 ? Mais surtout restez bien immobile, étendu, calme autant qu’il se peut et surtout [rassuré ?] [mot illisible] mon amitié fidèle.

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1958.

Oui je vous attendrai avec plaisir le lundi 16 à 12h¾ ou 13h ? Vous avez donc signé aussi un manifeste ?CCCLVIII Mais lequel ? Nous aurions dû signer le même. Bien sûr De Gaulle. Mais ce ne pourra hélas je le crains empêcher que ces gens là-bas continuent la guerre, ils veulent leur indépendance. S’il était le « souvenir » que j’espère il devrait la leur laisser… et à nous tous la paix et que nos pauvres petits français reviennent enfin chez eux.

Pauvre PortalCCCLIX, comme il est loin déjà et il n’y a que 2 mois ! Je vais lire la NRF reçue hier. Il a fallu que cet Arrighi m’empoisonne Cargèse et j’allais partir il y a 8 ou 10 jours. Mais tout finira bien par se « tasser » comme on dit. Au revoir, vous allez recevoir La ChineCCCLX, je vous y ai abonné parce que c’était plus simple. Mais c’est très long à venir, vous ne l’aurez guère avant août. Votre Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1958.
Cher ami

Ce n’est donc pas terminé cette affaire d’O et vous avez un vrai procès !? Mais que diable votre dame perverse et son éditeur auraient dû agir pour que vous soyez épargné… car si l’on devait juger aussi sévèrement tous les confesseurs, les trois quarts de la planète seraient au bagne. Votre rôle a été celui du grand confesseur qui écoute et donne l’absolution. C’est évidemment cette absolution que l’on vous reproche… mais absoudre ne signifie pas partager le péché.

Enfin ça ne peut pas aller bien loin tout de même cette condamnation ! « Dangereux » vous l’êtes certainement comme tous les esprits libres… et vous voyez bien le sort qui est fait aux esprits libres. L’essentiel est l’espoir de cette guérison et que le clair obscur s’achève au salut ! Mais vous aurez manqué la plus belle, la plus réconfortante fête de bonne humeur que Paris ait [1 mot illisible] depuis des années L’imprésario de SmyrneCCCLXII de Goldoni ! Il faudra l’aller trouver à Venise.

A bientôt j’espère et toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1958.
Cher ami

La NRF de janvierCCCLXIV – le très humain ChardonneCCCLXV et cet entonnoirCCCLXVI mystérieux…mélange de Mallarmé et d’Histoire d’O qui j’en ai peur ne fera pas avancer d’un pas la connaissance de l’univers invisible et cette affligeante controverse [un mot illisible] à qui il aurait peut-être mieux valu ne pas faire tant de publicité. Mais un ensemble richissime et de plus excitant pour l’esprit avec cet excellent FernandezCCCLXVII sur Aragon.

GiordanettiCCCLXVIII dans son innocence – pas tellement innocente – m’a parlé [d’un] article que vous lui aviez fait lire sur Benjamin et que vous m’aviez promis aussi et il m’a parlé notamment de la fameuse lettre du moine basque à la lecture de laquelle mon frère indigné s’était écrié : que c’est bête les curés ! A vrai dire je me rappelle surtout cette indignation et j’ai un peu oublié la lettre du moine. Ne pourrais-je la relire ave ces études LalouCCCLXIX, AudisioCCCLXX, etc… que je vous rendrai comme il se doit. Dois-je aussi vous rendre tout de suite le précieux BlanchotCCCLXXI. Celui-là vous aime et peut-être vous connaît-il mieux que tous les autres.

A bientôt et toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1958.

Cher ami, me revoici parisienne ayant échappé aux trombes d’eau et autres excentricités qui se sont déversées sur l’Ile. Là-bas j’avais fini de lire Le Clair et l’obscurCCCLXXIII… satisfaite sinon comblée par cette aristocratie de la pensée ; sentiment qui nous est donné assez rarement dans les grandes revues, je crois, et qu’à la NRF me dispense aussi à chacune de ses pages… et magnifiquement… Blanchot. Mais jamais autant, ni aussi haut, ni aussi loin que dans cette Vocation de V[irginia] V[Woolf]CCCLXXIV que je viens de lire.

J’espère que vous êtes maintenant tout à fait reposé et beaucoup moins inquiet pour Germaine. Oui les mémoires d’Outre-tombe sont infiniment plus beaux que ceux de Vigny plus riches de tout : de haine et d’amour et je les aime aussi d’une façon un peu partiale pour toute la gentillesse envers la duchesse d’AbrantèsCCCLXXV si injustement maltraitée par d’autres. Chateaubriand ne l’appelle jamais que M[ademoise]lle de Comnène ; il lui pardonne volontiers ses hyperboles quand elles sont louanges pour lui ; il est vrai qu’elle adorait M[ada]me Récamier… et qu’elle avait su en dire du bien à Napoléon.

Mais à vrai dire il n’y aura jamais de mémoires comparables à ceux de Chateaubriand, c’est bien entendu.

Il vous faut choisir un jour prochain (sauf jeudi) pour que nous puissions continuer cette conversation et que nous mangions les premières huîtres (premières pour moi) et vous me direz que vous avez bien travaillé et que la Vallée-aux-loups vous a complétement rétabli… tonifié et rallegrato.

Tous mes vœux pour Germaine et toute l’amitié de

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (6 janvier 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 6 janvier 1958.
Cher ami

Non le travail c’est mieux que la grippe, et je suis contente qu’il continue et qu’elle soit terminée.CCCLXXVI

Oui, pour Ce soir on improviseCCCLXXVII. Je vous ferai avoir deux places quand vous aurez envie d’y aller. Ça se joue maintenant à l’Athénée. Pour Pirandello, je voulais dire simplement qu’ayant traduit 26 pièces, je commençais à en avoir fait le tour. Pour le portrait ou l’étude ? Non je n’ai fait qu’une petite introduction à Vieille SicileCCCLXXVIII qui paraît dans les Chroniques du peuple aux Ed[itions] S[ociales], G[aston] G[allimard] l’ayant définitivement enterrée (épuisée depuis 25 ans).

J’ai eu plaisir à la redonner à ce bon public si neuf et à la vie. Ce sont les seules nouvelles qu’avait traduites Benj[amin] et qu’il avait choisies avec Pirandello. Vous allez recevoir le volume dans une huitaine de jours.

Voulez-vous venir déjeuner avec moi ce mercredi à 1h[eure] ? Mercredi 12. Oui j’espère. Ma fidèle pensée à Germaine. Toute l’amitié de

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (5 février 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 5 février 1958.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet 5 février 1958, avenue du Général Leclerc (14°), adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V.

 

[Lettre en-tête NRF]

Chère Marie-Anne

Le travail et la grippe, cela se ressemble beaucoup. Je ne sais trop si c’est de l’un ou de l’autre que j’ai surtout souffert. En tout cas, la grippe semble évanouie, et le travail me tourmente toujours (il s’agit de ma P[einture ?] M[oderne ?]CCCLXXIX. Est-il raisonnable de vouloir la pousser si loin ? Je n’en sais rien, mais je ne suis pas libre de ne pas le faire. En outre c’est un sentiment bien agréable de penser qu’il vous reste à trouver l’essentiel. Enfin…

A ce propos, je m’aperçois que j’ai inventé un signe de ponctuation : c’est une parenthèse qu’on ouvre, et qu’on ne ferme pas.

Je n’ai pas très bien compris si c’était une étude sur Pir[andello] que vous écriviez ou un « Portrait de Pir[andello] ».CCCLXXX Dites-le moi.

Il est toujours agréable, et un peu bouleversant de voir du Pirandello. Henri IVCCCLXXXI me semble un peu trop beau mais j’aime beaucoup Ce soir on improviseCCCLXXXII. Je retournerais bien le voir, si vous aviez une carte encore pour moi.

Voilà. Bien sûr, j’aurai plaisir à venir déjeuner la semaine prochaine, le jour qu’il vous plaira, sauf le 13 pourtant. Amitié.

Jean P.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (12 mars 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 12 mars 1958.

[Enveloppe cachet 12 [août ?] 1958 adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

ACargèse (CORSE)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (13 mars 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 13 mars 1958.

[Enveloppe en-tête NRF- Librairie Gallimard, cachet du 13 mars 1958, rue des Ecoles, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Denfert-Rochereau

Paris (5)

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (1er mai 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 1er mai 1958.

[Lettre en-tête NRF, 2 feuillets]

Chère Marie-Anne

Maurice GarçonCCCLXXXIV étant tombé malade, l’affaire a été renvoyée à plus tard. Ah, ce n’est pas du tout la Brigade mondaine qui me juge, mais la 13ème Chambre correctionnelle (comme tout le monde.)

La mort de Georges PortalCCCLXXXV me fait de la peine. Je ne le connaissais guère que par vous, et ne l’avais, je crois, jamais rencontré. Mais le Protestant était émouvant.

Je le croyais riche. Et quelles horreurs ?

Me voici rentré.CCCLXXXVI J’ai beaucoup travaillé, pas toujours avec bonheur.

Paul MorandCCCLXXXVII m’écritCCCLXXXVIII :

« Dans la bagarre académique, qui devient purement politique, je dois apporter la preuve que j’ai aidé des Juifs durant la guerre…

Benjamin Crémieux m’a écrit le 5 août 1942, demandant à venir me voir à Vichy. Marie-Anne Comnène ne voudra-t-elle pas témoigner par lettre que je l’y ai reçu ? René BousquetCCCLXXXIX témoignera de son côté que je suis intervenu auprès de lui lorsque Benjamin Crémieux fut interné à Toulouse.

Il faudrait que LacretelleCCCXC eût les témoignages en main avant le 6 mai. »

Vous déciderez. Et je vous envoie toute mon amitié.

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (5 juin 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 5 juin 1958.
Cher ami

Merci de ces pages des « 4 dauphins » - qui est-ce Nadine LefèbureCCCXCI ?

FrancisCCCXCII ne m’en a jamais parlé. Mais quelle idée peut-on avoir de Cargèse à travers ces racontars ? Cargèse est ailleurs ; je vais y partir dans trois ou quatre jours et j’espère que vous m’y donnerez de meilleures nouvelles de Germaine et de vous-même.

Toute l’amitié de votre

Marie-Anne

Non je me trompais, je transmets à Francis ces pages. Il me dit que Nadine est une amie d’enfance, gentille, un peu « simplette » ajoute-t-il ; elle a eu le prix VeillonCCCXCIII et publie chez Gallimard.

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (6 juin 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 6 juin 1958.

[Enveloppe cachet du 6 juin 1958, rue des Saints-Pères (7°), adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5°)

 

Chère Marie-Anne

Je ne pourrai pas venir vous voir tout à l’heure. Un nouveau petit incident cardiaque me rend immobile ou peu s’en faut.

Mais à bientôt quand même, et avec amitié.

Jean P.

Votre lettre me demeure aussi mystérieuse : inexplicable

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (24 juin 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 24 juin 1958.

La Saint Jean

Cher ami. Je serais contente que la santé de Germaine pût vous permettre de me rendre ce déjeuner perdu. Aimeriez-vous rencontrer [Alkeros] et sa femme, une femme savante fort sympathique, ou préférez-vous que nous remettions cette rencontre à un jour où vous serez moins inquiet ? Dites-le moi simplement n’est-ce pas, et venez si vous le pouvez ce samedi, ou le mardi suivant déjeuner à 1 heure à la maison.

Je crois que ce temps est pour beaucoup dans l’affaiblissement de [la?] malade, que le soleil paraisse enfin !

A très bientôt j’espère et bonne fête -

Marie-Anne

PS : oui, ça s’est arrangé tout à fait pour le [« Saint? »] plus de peur que de mal -

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (25 juillet 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 25 juillet 1958.

[Enveloppe en-tête NRF, cachet du 25 juillet 1958, adressée à]CCCXCV

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri-Barbusse

E.V. (5°)

 

Chère Marie-Anne

Comment signer ? Tous les amis que j’avais eu en Russie d’AlexeieffCCCXCVI à Babel et à Pilniak ont été tués dans un coin de prison, sans jugement.CCCXCVII Je souhaite, pour les amis que je puis avoir au Portugal, qu’A[ ?] C[ ?] reste indéfiniment en prison.

Je quitte Paris lundi pour Honolulu et Tokio [sic].CCCXCVIII (C’est surtout du jardin zen de Kyoto que j’ai grand besoin.) Ungaretti est du voyage.

Mais à bientôt tout de même et affectueusement

Jean P.

Je vous rends le manuscrit : toujours un peu embarrassé. Du moins est-il direct, humain, franc.

Que de morts autour de nous. De celle de Germaine RichierCCCXCIX, je ne me console guère.

Mais j’ai pensé plus d’une fois à votre belle-sœur.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (16 août 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 16 août 1958.

[Carte postale en couleurs représentant Cargèse – La Marine et le village]

C’est donc bien [après ?] l’Angleterre qu’il faut voir la Corse et surtout Cargèse. J’y suis encore pour je ne sais plus combien de jours et même si je vais à Venise SegusoCD Zattere (y serez-vous au congrès de la C[ ?] E[ ?])CDI, je crois que je reviendrai pour tout septembre et peut-être une partie d’octobre. Il faut y venir ; il me semble que vous aimerez nos langoustes, nos perdreaux et ma vieille maison un peu bosselée mais [un mot illisible] si bien ouverte sur la mer et qui est, je crois bien, le seul refuge que je puisse désormais offrir à mes amis ;

Fidèlement

Marie-Anne

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (28 août 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 28 août 1958.

Cher ami, je pense que l’on vous juge aujourd’hui à la brigade « mondaine » pour n’avoir pas été en somme assez « mondain ». Ayez la bonté de me dire que tout s’est facilement arrangé.

Georges PortalCDIII – le petit neveu d’Amiel et l’auteur d’un Protestant – est mort à l’hôpital S[ain]t-Louis dans le dénuement presque absolu ayant donné tous ses biens à qui il croyait devoir tout donner, et sa vie n’était pas finie, sa pauvreté ne l’avait ni aigri, ni désespéré ; il croyait encore à la bonté et à l’amour après les horreurs qui lui avaient été prodiguées et l’indifférence du plus grand nombre. Il faut donc croire qu’une justice invisible lui avait voilé sa misère. C’était un très cher ami.

A bientôt, j’espère et rassurez-moi sur l’issue de cette drôle d’affaire d’O.

Toute l’amitié de

Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (26 octobre 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 26 octobre 1958.

Carte postale « AKAHITO, un des 36 poètes immortels du Japon. Détail d’un émaki attribué à Fujiwara Nobuzane, mais plus probablement du XIIIème siècle », plus 1 feuillet)

Chère Marie-Anne

C’est une aggravation de la maladie de GermaineCDIV, qui m’a retenu à Paris tout cet été. Me voilà du coup bien exténué, sans compter toute la préoccupation que me donne ma P[einture ?] M[oderne ?] (sur le point, j’espère malgré tout, d’être achevée). Pour le moment, je me repose à la Vallée aux Loups, sous les tulipiers et catalpas plantés, avec un soin émouvant, par Chateaubriand (qui du coup me devient sympathique. Sans compter que les Mémoires inédits de VignyCDV, que donne la NRF, sont loin de valoir ceux d’Outre-Tombe. C’est que Ch[ateaubriand] se réjouissait des malheurs. Une certaine cruauté va bien à l’homme de lettres.) Mais que Cargèse me semble beau ! Que j’ai envie de le voir enfin !

Vous avais-je dit que j’avais préparé pour la NRF un « hommage à Benjamin » qui comprenait avec la conférence sur Balzac six ou sept témoignages. Il a été refusé, et j’en suis peiné pour cent raisons. Que faire ? Puis-je vous le remettre 

Je me sens un peu fatigué, un peu accablé. Mais je suis à vous bien affectueusement

Jean Paulhan

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (30 octobre 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 30 octobre 1958.

[Enveloppe cachet du 31 octobre 1958 rue des Saints-Pères, adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri Barbusse

Paris (5°)

A Cargèse (Corse)CDVI

 

[Lettre en-tête NRF]

Chère Marie-Anne

La vérité est que je n’arrête pas de rêver de Cargèse. (D’ailleurs, j’y songeais depuis Rose Colonna. Mais c’est devenu beaucoup plus aigu.) Croyez-vous vraiment que je puisse y aller l’an prochain – au printemps par exemple ?

J’achève de me remettre à la Vallée-aux-loups. La brume couvre le parc, les feuilles des châtaigniers tombent, et dès que la nuit est tombée, on entend toute sorte de pas mystérieux. Ne voudriez-vous y venir déjeuner quelque jour, et passer l’après-midi ? Recevez toute l’amitié de

Jean P.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (1er novembre 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 1er novembre 1958.

[Carte postale représentant au recto : Cargèse – Le port avec mention manuscrite de MAC « Cargèse Les cigales ne chantent que l’automne » et au verso « la Corse – Port de Cargèse »]

Cher ami, je suis encore ici mon berger ne daignant pas descendre de sa montagne il me faut l’attendre quelques jours tout chargé de projets et menant ses troupeaux sans hâte. Je suis bien triste de cette aggravation du mal de Germaine et votre été sans vraies vacances.CDVIII Cargèse est toujours là pour vous accueillir et toutes les saisons y sont bonnes. Cet hommageCDIX ?! oui j’aimerai le lire. Pourquoi ce refus mais aussi … pourquoi vous l’ai-je demandé Il ne faut rien attendre des [mot illisible] et les morts ne sont pas morts tant qu’on est [injustes ?] envers eux : on les traite comme si ils pouvaient se battre et vous savez que Ben[jamin] ne se battait que pour les autres. A très bientôt cher ami et dites-moi quand vous [mot illisible] être à Cargèse [mots illisibles]

Votre [illisible]

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (6 décembre 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 6 décembre 1958.
Cher ami

Cet hommage à Roger Martin du GardCDX est fort beau … surtout ses textes inédits. Et ce curieux dessin de MargaritisCDXI qui le fait ressembler à De Gaulle. Peut-être avais-je tort dans ma dernière lettre de parler de l’infidélité de G[aston] G[allimard]. Il a été merveilleusement fidèle à M[artin] du Gard et à beaucoup d’autres… Mais tant qu’ils ont été vivants ! Or la vraie fidélité… devrait commencer à la mort. Et d’ailleurs qu’est-ce qu’un hommage ? Si réussi soit-il ? Une pierre sur un tombeau ! Et pour qui n’a pas de tombeau, à quoi bon les pierres.

La pensée de tous ignorée, si humble soit-elle, est autrement rayonnante et féconde et doit toujours suffire.

J’espère que vous allez bien et que vous [un mot] de soucis pour la santé de Germaine. Et j’apprends que vous êtes le père de ce « curieux » GoncourtCDXII que je n’ai pas lu mais j’ai beaucoup aimé ce que ce Colonel a répondu à BeckCDXIII. Vive la Belgique « savez-vous » et avec retard bon anniversaireCDXIV aux méditerranéens.

Fidèlement Marie-Anne

Jean Paulhan à Marie-Anne Comnène (23 décembre 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020878 – 23 décembre 1958.

[Enveloppe, cachet du 23 décembre 1958, rue des Saints-Pères (7°), adressée à]

Madame Marie-Anne Comnène

40, rue Henri Barbusse

E.V. (5°)

 

[Lettre format carte en-tête 5 rue des Arènes, V°]

Chère Marie-Anne

Eh bien, je viendrai déjeuner chez vous le 3, avec grand plaisir. (C’est ce jour-là, vers onze heures, que M. GiordanettiCDXVI vient me voir.)

Mais non, il n’y a pas là de défiance : c’est un incident de ce genre qui m’avait envoyé vers le début de novembreCDXVII, pour un mois à la Vallée aux Loups (dont les Rothschild, devenus propriétaires, font – vous le savez peut-être, une maison de villégiature pour intellectuels mûrs, mais peu fortunés.)

A bientôt donc. Passez de bonnes fêtes.

Jean P.

Il me semble que la Semaine sainteCDXVIII est de l’excellent Aragon. Avez-vous le Paysage cruel d’Edith BoissonnasCDXIX ? Sinon, je vous l’apporterai. Il me semble que le malheureux (mais admirable) JivagoCDXX est bien mal traduit.

Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan (24 décembre 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 125, dossier 020536 – 24 décembre 1958.

Mais je n’avais pas du tout compris que ces troubles étaient d’origine cardiaque ; non que ce soit plus dangereux que le reste mais il faut tellement plus d’attention, de calme et de prudence et ne pas galoper comme vous faites et ne pas faire de gymnastique intempestive, ni de longues marches. Enfin vous êtes je l’espère en de bonnes mains médicales. Non, j’ignorais tout de la nouvelle affectation de cette Vallée aux loups et c’est assez chic que la mémoire de Châteaubriand soit protégée par ses pareils.

Oui je trouve aussi qu’il y a dans la Semaine sainteCDXXII à peu près tous les [dons ?] d’Aragon mais aussi et terriblement ses limites. AurélienCDXXIII m’avait paru malgré tout une chose plus vraie pour lui et pour le lecteur, l’obsession y était constamment émouvante et remplaçait avantageusement cette encyclopédie [un mot] appliquée et un peu lassante de la S[emaine] S[ainte]. Cette jeunesse qu’il s’évertue à maintenir dans la S[emaine] S[ainte] était dans Aurélien à l’état de nature et toute dissertation pro domo en était absente. Enfin les « je m’en fous et contrefous » si inutiles n’étaient pas présents non plus pour soutenir la démonstration (assez faiblement). Se détachent sensiblement de cet immense labeur, 3 ou 4 figures sans importance mais présentes. Berthier, M[ademoise]lle Visconti, Gericault assez peu, Richelieu mieux à cause de l’eau de Cologne. Oui, en somme moyens créateurs assez limités mais poésie très grande et sans cesse éveillée animant ces comparses et les réchauffant comme le soleil réchauffe des endroits médiocres et qui ne vivent que par lui.

Non je n’ai pas lu le Paysage cruelCDXXIV et je n’ai d’ailleurs jamais rien lu de E[dith] BoissonnasCDXXV que ce que vous en avez donné dans la NRF. Toujours si curieux, froid comme les pierres dures ; vif et fort, toujours lointain. Pourquoi ? Qui est cette dame ? Est-elle grecque, basque ou espagnole, ou péruvienne. J’ai une fois vu d’elle un beau portrait. Je n’ai pas encore lu Jivago. Faut-il attendre une meilleure traduction ?CDXXVI Mais son aventure est certes tragique, pauvre Pasternak. Et pourquoi faut-il que des idées fassent tant souffrir ces hommes ? J’ai relu votre Clair et obscurCDXXVII. Il faut tout à fait que je sache comment vous reçoit, comment vous voit Blanchot. Prêtez-moi son livre sur vous et restez étendu, calme, rieur, en mangeant

[suite illisible]