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Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).
Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :
1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…
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Merci de votre lettre. Il me semblait bien que nous serions d’accord. Le défaut a une suite, sur laquelle je serai impatient d’avoir votre avis (vous devinez bien que je veux en venir aux lieux-communs – et même que les raisons pour lesquelles nous nous fermons au sens des lieux communs me semblent à l’origine d’un défaut ) que je n’aurais vertes pas dénoncé, si je ne pensais pouvoir le redresser. Mais nous reparlerons de tout cela.)
Il est question de Vacances dans la prochaine nrf. N'aurez-vous pas de notes à me proposer bientôt ? Il ne faudrait pas que votre collaboration s’arrêtât à Belleville.
A vous
Jean Paulhan
(je vous avais remercié de vacances il y a déjà longtemps. Je pense que Grasset vous a fait suivre ma lettre.)
je regrette bien vivement que votre plaquette soit condamnée à ne pas voir le grand jour : vous mettez le doigt sur l’unique problème littéraire qui soit digne d’intérêt et vous faites à une découverte considérable, exprimée avec une vigueur parfaite, un sort obscur et confidentiel dont elle est mal récompensée. Je suis d’accord avec vous bien plus que vous ne pensez, beaucoup trop même, car je trouve votre titre et votre conclusion infiniment trop modestes. « Sur un Defaut de la Pensée Critique » dites-vous. Mais c’est plutôt « sur l’inanité de toute critique littéraire » qu’il aurait fallu dire ! Vous dites très bien que personne n’est juge des intentions profondes d’un créateur, surtout pas le créateur lui-même ! C'est donc trop peu que le critique soit prudent – qu’il se taise ou se fasse créateur lui-même ! C'est vexant d’en revenir à Wilde et à « Intentions » - tout démodé que vous paraissait cet ouvrage... mais Wilde a raison.
Je vous remercie de l’envoi cordial que vous m’avez fait de cet article si remarquable ; j’y suis très sensible et je vous prie d’être assuré de mes sentiments très dévoués et sympathiques
Julien Lanoë
Je médite en ce moment une conférence que l’on m’a demandée sur le crépuscule du romantisme. Je parlerai en particulier de Lautréamont et me permettrai de citer plusieurs passages de votre plaquette qui me seront très utiles.
Si l’unanimisme est aujourd’hui pauvre et livresque, c’est qu’il est devenu un filon littéraire. J'admets que ce soit malgré Jules Romains lui même, mais c’est un fait qui ne se nie pas. On pouvait d’ailleurs le prévoir : le talent des livres qui l’exposaient était trop remarquable pour que le sentiment mis en jeu ne parût plus bientôt qu’un prétexte. Comme vous le dites vous-même, la réussite a été fort belle, et le malentendu s’en est aggravé. Aucun écrivain original n’y échappe : le mode d’expression, ses ressources pour l’avenir retiennent toute l’attention – et quand l’auteur qui l’a créé continue lui-même à l’exploiter avec fruit, tout le reste s’efface aux yeux de son public. Vous ne pouvez m’empêcher de dire que les bandes rouges de la NRF à la devanture des libraires, les articles des critiques professionnels, la satisfaction des dilettantes avides d’une nouvelle formule d’art, ont défloré l’unanimisme et que la vie tout en acte de Robert Garric est infiniment plus émouvante.
J'aime beaucoup MORT de QUELQU'UN et le VIN BLANC de la VILLETTE. Mais vous ressentez comme une injure la simple observation que la littérature a un champ d’influence toute autre qu’un homme d’action !
Je me permets d’estimer celui-ci davantage à cause de l’efficacité tangible, directe, immédiate. A cause, aussi, de la liberté intérieure de cet homme. Car jamais Garric n’aura même la faculté de se dire qu’il aurait pu avoir son appartement avenue du Bois.
L'injure ne vient pas de moi (qui ne me permets aucunement de vous juger et constate seulement les limites de l’écriture) mais de vous qui parlez de l’ingratitude et le de la « muflerie » de ma génération envers ses aînés. Je vous assure, Monsieur, que je ne revendique nul écrivain, quel qu’il soit, comme membre de ma famille et que la carrière d’aucun ne me tente. Vous voyez à quels terribles malentendus expose la littérature puisqu’il a suffi que j’écrive une note de deux pages dans une revue (sur un sujet sans rapport avec les lettres) – pour que vous me mettiez de force dans votre corporation et m’estimiez déjà votre débiteur !
Croyez néanmoins que je regrette la peine que je vous ai faite par la brièveté d’une parole sans nuance, et soyez assuré que mes sentiments de respect et de sympathie viennent d’un coeur absolument sincère
Julien Lanoë
Votre carte semble datée du 3 Septembre, mais je ne l’ai reçue qu’hier.
[Carte postale : Ile de Port-Cros (Var). Ses sentiers longeant les crêtes sauvages où nichent les goëlands » (Port-Cros, Marceline Richard)]
19.8 [été 29?]
Cher ami
Voici les épreuves. Je trouve votre étude tout à fait intéressante (mais Shakespeare, Nietzsche... vraiment ? Non, l’on se dit que vous n’en avez pas dit assez pour avoir le droit d’aller jusque-là.)
Beaucoup d’amitié, de Port-Cros (quand y viendrez-vous ?)
c’est bien des voeux de toute sorte, que je fais pour vous : Accueillez-les. Je suis content que ce soit à Port-Cros.
Le prochain carnet sera dirigé contre vous, je veux dire contre ce que vous pensez des écrivains – et que je crois contradictoire à ce que vous pensiez d’autre part du lieu commun : c’est enfin de vous-même que je tâcherai de vous défendre.
Mais nous en reparlerons.
N'avez-vous plus écrit ? Merci de m’avoir fait lire la lettre de Jules Romains et votre réponse.
je vous imagine à Port-Cros et j’y adresse ma lettre avec un plaisir religieux. J'aime tant pensé que vous avez échappé au Bottin pour deux mois et que vous respirez sur un sommet. C'est sans doute ce qui vous permet d’avoir cette belle écriture, si maîtresse d’elle-même. N'oubliez pas que j’ai vu, en pleine hiver, la lune se lever face à votre vigie. Alors quel silence et quelle altitude ! Je suis du coeur ma lettre montant par ce chemin de mulet vers ce fort, fermé comme un cloître et mystérieux comme un blockhaus abandonné par des héros de Stevenson.
Je suis touché que vous ne m’oubliiez pas. J'ai fait ce printemps un grand voyage en Afrique, pour les affaires de mon père, comme dit l’Evangile. J'ai vécu un mois à Dakar et je suis descendu jusque sur la Côte d’Ivoire. Je n’ai pas rapporté une seule note écrite ; sans doute suis-je peu sensible aux détails pittoresques et ne peut-on rapporter de ce pays sans forme que l’émoi très subtil et très puissant que finit par imprimer la monotonie de l’Espace et du Temps. C'est d’ailleurs un très beau sujet de réflexion et de poésie, mais qui demande du recul. Si je peux l’accomoder [accommoder] bientôt en langue française je vous le proposerai avec plaisir.
Je regrette votre discrétion dans le concert de la nrf. D'autant plus que votre Guerrier appliqué, qui aurait été si bien reçu ici, n’est pas venu jusqu’à moi. Ou mieux encore, cette étude sur la Poésie que Commerce a publié, je crois, pendant mon absence. Suis-je incorrect ? Pardonnez-moi. Je ne voudrais pas sembler un quémandeur et je ne suis pas bibliophile.
Supervielle est-il rapatrié au fort François Ier ? J'aimerais beaucoup avoir de ses nouvelles. A l’occasion, dites mon souvenir et mes respects à Marcel Henry et à Madame Balyne, anges protecteurs de votre île. Car je suppose que les craintes que Jean Grenier exprimait dans la nrf se refèrent à une période révolue ?
Je vais sûrement à Paris, ou du moins j’y vais en courant pour des affaires de famille ou pour des réunions métallurgiques. Mais à l’automne prochain j’irai vous rendre visite dans les jardins suspendus de la rue de Beaune.
Merci de votre sympathie à laquelle je réponds bien vivement
Vous trouverez ici un article sur l’admirable livre de Limbour que vous m’aviez donné à mon dernier passage à Paris.
Vous serez gentil de me dire si vous le passerez à la nrf.
Vous me feriez très grand plaisir en m’envoyant, s’il est possible, la nouvelle traduction de Meredith (Diana) que donne mon ancien professeur de la faculté de Rennes. FaitIV.
Je vais écrire, si je le puis, à Gabriel Marcel, qui s’est bien mal placé, à mon avis, pour juger la Princesse Blanche.
Je pense que Benda continue à monter la garde. dans votre bureau comme dans vos colonnes. Votre hospitalité fait l’admiration de tous vos lecteurs.
Port-Cros devait être délicieux en Janvier. J'ai souvent pensé à vous.
Merci de l’accueil que vous m’avez fait en Janvier Décembre. Il m’a touché d’autant plus que j’étais depuis longtemps silencieux.
Ne doutez pas de mes sentiments cordiaux et dévoués
Merci de votre mot. Laissez-moi espérer que vous parlerez quelque jour de Robert Sébastien dans la nrf. (Que fait-il, que devient-il ?)
*
J'attends donc votre note sur le Pari (Deux pages environ, n’est-ce pas ?) Mais, je vous en prie, donnez)moi aussi celle sur les Loups. Je l’attendrai jusqu’au 13, s’il le faut (Et même jusqu’au 14).
Amitiés
J.P.
[Le Pari par Ramon Fernandez NRF n°231 déc 1932
Les Loups par Guy Mazeline NRF n°231 déc 1932
Il y aura une chronique sur Robert Sébastien à propos du Bal Masqué NRF n°272 mai 1936]
Vous trouverez dans ce numéro-ci votre Alexandre. Excusez-moi d’un tel retard (mais les dimensions de votre note aussi étaient inhabituelles, et j’ai eu quelque peine à la placer.
- J'ai même dû prévoir, pour le cas où le numéro ne pourrait la contenir telle quelle, deux coupures. Je ne sais encore si elles ont dû être faites (elles ne touchaient, en tout cas, qu’à des passages tout à fait secondaires). Je crois qu’elles ne l’auront pas été. De cela aussi, excusez-moi.)
*
Tout serait plus simple si vous me donniez des notes plus régulières. Ne voudriez-vous pas essayer ? (et pour moi j’y tiendrai beaucoup. Je vous envoie à tout hasard, le Pari de Fernandez et les Loups de Mazeline. Il me semble que l’un et l’autre peuvent vous intéresser. Dites-moi le plus tôt possible, je vous prie, quel est celui que vous retenez (ou si vous les retenez tous deux). Il me faudrait là (ou les) notes pour le 8 novembre au plus tard.
Que devenez-vous ? Je vous serre amicalement les mains
Merci. J'envoie votre mot à Paillart, et j’attends impatiemment les Loups.
Comme j’aimerais recevoir de vous des notes régulières ! Je suis tout à fait heureux d’avoir celles-ci (bien qu’elle me semble injuste _ ou du moins dangereuse. N'insistez-vous pas un peu trop sur la part « ingrate » ou « regrettable » de l’oeuvre, trop peu sur ce qu’elle contient, je crois, de fort et de neuf).
Votre ami
Jean Paulhan
Quand vous viendrez à Paris, prévenez-moi, je vous prie, quelques jours à l’avance. Il faudrait tâcher de nous voir, mieux qu’il n’est possible de le faire à la nrf.
n’accepteriez-vous pas de renoncer à la première ligne de votre note sur les Loups ? Je vous en prie. Je ne la comprends pas ; et il me semble qu’elle empêchera votre lecteur de vous comprendre. Fallait-il attendre Jean Desbordes, dans notre pays, pour savoir qu’il est des familles divisées...
Votre note est bien forte et juste. Merci de me l’avoir donnée. Elle passera, avec la note sur le Pari, le 1er Décembre.
Pardonnez-moi. Je n’avais pas de réponse de vous, le temps me pressait (et il est vrai que je vous ai écrit fort tard, mais je n’avais bien lu votre note que sur épreuves), j’ai pris sur moi de supprimer les premiers mots de votre note, de la faire commencer à « il n’y a pas seulement des drames de familles... »
Me voici tout à fait ennuyé : Louis Emié m’avait promis une lettre sur Emily Bronté, et je viens de la recevoir. (Elle est loin de valoir la vôtre_ qu’il me faut cependant vous rendre.)
Quant à Breton, Gilbert Lecomte m’avait demandé d’écrire la note. Peut-être oubliera-t-il de le faire. Laissez-moi garder la vôtre, que j’espère pouvoir donner.
Excusez mon retard. Ce petit travail n’était pas facile. De plus, j’ai été si inquiet de la santé de mon père la semaine dernière que la tâche était encore plus difficile. J'aurais voulu vous envoyer à une époque décente mes souhaits de bonne année. Sachez tout de même que mes sentiments d’amitié sont constants et de doutez pas e mon cordial dévouement
Je donne votre note sur Breton dans ce numéro. Vous allez recevoir d’autre part les épreuves de Christophe Colomb d’ici deux ou trois jours. (Le livre ne paraîtra pas avant la mi-février).
Laissez-moi quelques jours encore les poèmes de Rivet. Je les trouve touchants et frais. Tout de même je me sens assez loin de votre enthousiasme.
[Carte postale : ancien Nantes – arrivée à Nantes, en 1832, de la Duchesse de Berry, habillée en paysanne. On la voit devant la grille du Château où elle fut conduite après son arrestation, le 7 novembre 1832.]
Dimanche 12 mars 33
Cher ami
Je compterai cette fois encore sur vous pour la correction des épreuves et je vous en remercie.
Je vous en prie, renvoyez-moi les poèmes de Henry Rivet. Je ne sais que lui dire et je voudrais les placer sans retard.
Le défaut principal de la N.R.F. me paraît être qu’elle parle, trop tard, de trop peu de choses. N'est-ce pas votre sentiment ? Et ne pensez-vous pas que toute que part du numéro – mettons dix à quinze pages _ devrait être consacrée :
aux films du mois
aux pièces de théâtre
aux expositions et aux livres d’art
aux concerts
et (pourquoi pas?)
aux faits-divers
aux conversations
aux événements de la vie intime
aux événements politiques (ce qui sera diablement difficile).
Le tout traité en notes brèves, d’une demi-page chacune.
Et (j’en viens à la question principale) n’accepteriez-vous pas de me donner de temps en temps de telles notes ? Songez-y, et répondez-moi, je vous prie.
Votre ami.
Jean Paulhan
Je crois aussi qu’à s’attaquer aux « événements du jour, ce qu’il faut bien appeler la métaphysique de la nrf se préciserait, s’affermirait. Enfin, vous imaginez sans peine combien je voudrais ici pouvoir compter sur vous.
Laissez-moi, je vous prie, vous demander deux corrections. Si votre note paraît le 1er Décembre, ce sera près de quelques autres notes, la plupart élogieuses ou pleines d’estime, qui ont trait à des romans. « L'effroyable bavardage du roman contemporain » semblerait ainsi désavouer tel jugement d’Arland ou de Fernandez. Ce n’est pas ce que vous voulez. D'autre part, j’aimerais vous voir renoncer à « une jeune femme que l’on édite pour la première fois » Il nous faut, je crois, éviter tout ce qui pourrait donner le sentiment d’une note de complaisance ou « de relation ».
Envoyez)moi le plus vite possible le Corps je vous prie.
Votre ami
Jean Paulhan
Est-ce qu’un grand (ou seulement un bon ) romancier n’est pas un homme qui se passe de bon goût ? Les Plaisirs de l’A. Me semblent, malgré l’odieux de certains passages (le printemps à Paris) étrangement fort.
Allusions à
Portrait de jeune fille par Yvonne Chabas NRF n°255 déc 34
Je souffre sottement des yeux. Me voici privé de lire et décrire. Pardonnez-moi donc de vous dire si tard mon amitié et mes voeux (qui sont très vifs.)
Il me semble que vous m’aviez fait une promesse : ne m’enverrez-vous pas bientôt les 12 ou 24 pages promises ? Je serais tout à fait heureux et fier de voir la Ligne de coeur entrer dans « Métamorphoses ».
Je suis conquis, subjugué – comme aucun de vos ouvrages n’a jamais pu le faire.
Vous m’avez plongé en plein drame et j’en éprouve un véritable ravissement : je m’abandonne à une adhésion totale. La plupart de ces poèmes en prose me touchent très personnellement.
Vous avez transformé des expériences vécues en morceaux de littérature pure, d’un grain plus serré que celui d’aucun sonnet.
Sans doute, il fallait qu’il y eut d’abord le Cornet à dés, et l’Opium de Cocteau, et Orpaillargues, par exemple rappelle le ton de Raymond Roussel – mais personne n’avais jamais mis au point, avec une pareille perfection, ces armes à double tranchant, ces contes si exacts qui parfois tournent le coeur et qui toujours fascinent l’esprit.
Je vis ici, à Grasse, dans un milieu d’industriels (matières premières pour parfumeries, dit le papier commercial) qui me familiarise avec des expressions dont j’aimerais me servir pour louer les Causes Célèbres : les huiles essentielles, la [concrète], les absolus... etc -
Je suis tombé malade en Janvier ) ne me demandez pas de quoi, les médecins n’en savent rien. C'était ma fièvre incendiaire et capricieuse dont je garde un excellent souvenir, mais à laquelle a succédé une convalescence nauséabonde et accablante, dont je commence tout juste à émerger. Je conçois en même temps la chance qui m’est échue de vivre en Provence pendant quelques semaines. J'occupe, sur la route de Cabris, une cellule suspendue devant un paysage sublime. Si vous étiez à Juan les Pins, je courrais vous y rendre visite.
J'ai beaucoup pensé à vous quand j’étais malade : je sais par expérience ce que font souffrir les maux d’yeux. J'aimerais savoir comment vous vous en êtes guéri.
Je travaillerai pour vous dès que j’en serai capable. Merci encore pour les admirables C.C. -
Oubliant que je venais d’atteindre le demi-siècle, je me suis fracassé le genou, en sautant hier par dessus un mur de pierres sèches. Hélas. Je ne suis pas en humeur de vous fournier auj. [aujourd’hui] en munitions contre des amis insensibles à la poésie (amis du genre ruisselant, comme disait Max)
Les meilleurs morceaux ne sont peut-être pas les plus comestibles. Distinguons (surtout pour des raisons musicales, comme on ferait un choix parmi les Variations Goldberg)
La Camionnette angevaise et le Bal de la Chanson
Les Pailles en Coin et la Bannière du Rêve
p. 141 à 155 ([j?] à L'Autre chose)
Adoration des Couleurs p. 159 à 171.
Et pourquoi pas, pour les âmes sensibles, les p. 309 à 320 (jusqu’à Adrien, mon Etre) – du Voilier Solarie;
De toutes façons, me semble-t-il, il faudrait publier d’abord la présentation, c’est à dire les pages 1 à 9.
Pour le surplus de votre lettre, je vous répondrai bientôt. (Cela dépendra dans une large mesure de ma mobilité et verticalité) mais votre gentille résistance me touche beaucoup.
IMEC, fonds PLH, boîte 159, dossier 021926 – janvier 1956.
Nantes-Janvier 56
Cher ami,
Je venais de choisir cette carte avec l’intention de vous envoyer mon fidèle souvenir. Klee pour Klee, voeu pour voeu. Voilà qui est curieux et touchant (pour moi). Vous seul trouverez la clef de cette co-répondance.
Bien sûr, j’aimerais parler de la Marraine du Sel.
Bien sûr, j’aimerais vous voir mais la rue du Bottin m’intimide. Permettez-moi d’aller jusqu’aux Arènes un jour prochain. (Je vais à Paris une fois ou deux par mois – mais je n’abuserai pas de la permission...)