Correspondances écrites et reçues par Jean Paulhan (1925-1936 et 1950-1958), éditées en collaboration avec l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC, Caen) et la Société des lecteurs de Jean Paulhan (SLJP).

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Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).

Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :

  • 1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
  • 1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…

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  • Pour consulter les archives-papier originales de Jean Paulhan à l'abbaye d'Ardenne, inscrivez-vous à l’IMEC.

Pascal Pia

1928/1957

Pascal Pia à Jean Paulhan

Correspondance (1928–1957)

2016
Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL, 2016, license cc.
Source : IMEC, fonds PLH, boîte 183, dossier 095985
Ont participé à cette édition électronique : Clarisse Barthélemy (Responsable éditorial) et Camille Koskas (Responsable éditorial).

Pascal Pia à Jean Paulhan (1928) §

IMEC, fonds PLH, boîte 183, dossier 095985 – 1928.

Pia

Chers amis,

J’ai reçu ce matin votre mot. Excusez moi de n’être pas allé vous voir ces temps-ci, et même de ne pouvoir venir lundi, ni un autre jour en ce moment. Mais ça ne va pas du tout. Je souffre du côté et ai peine à me tenir. Je ne sors que quelques heures l’après-midi pour me rendre à la Bibl. que [Bibliothèque] des Bx [Beaux] Arts où je déchiffre le manuscrit de Bouchard, et ce simple voyage est une entreprise toute pleine de difficultés. Je dois, bientôt, être un peu charcuté: on me fera de jolis trous au galvano-cautère. J’irai vous voir un jour dès que j’irai mieux, ou s’il y avait un peu d’accalmie dans le travail de mes ganglions.

Merci. Suzanne et moi vous aimons bien.

P.P

Pascal Pia à Jean Paulhan (11 septembre 1929) §

IMEC, fonds PLH, boîte 183, dossier 095985 – 11 septembre 1929.
Chers amis,

Excusez-moi de vous écrire si tard que nous n’irons pas à Port Cros; sans doute vous en êtes-vous déjà aperçus ? Il nous a vraiment été impossible d’entreprendre un autre voyage que celui de Knocke [Knokke-Le-Zoute?], d’où nous sommes revenus le 1er août. Depuis j’ai dû travailler sans discontinuer, faute de galette ; Suzanne a été quelque peu malade le mois dernier ; enfin nous avons cherché un appartement pour le terme d’octobre. Il est quasi trouvé (c’est à Colombes, dans un immeuble qu’on achève de construire), reste à fabriquer la galette pour payer le 1erde terme, et celui qu’on appelle de garantie afin de vous le soutirer immédiatement. Comme vous pouvez voir, la vie est décidément une aventure étrange ; et comme toutes ces belles occupations que nous avons font croire en Dieu !

J’ai vu [André] 1Malraux quelquefois depuis son retour de Perse . Il va bien, à tous points de vue ; il reste sur ses positions. J’ai vu aussi [Brice] Parain à la NRF, et à la Bibliothèque, Alix [Guillain] et [Bernard] Groethuysen. Comme vous pouvez vous en rendre compte, tous les anarchistes sont à Paris.

Suzanne et moi vous remercions de l’hospitalité que vous aviez bien voulu nous offrir à Port-Cros, mais les circonstances ne nous sont pas propices, n’y pensons donc plus.

A bientôt ; ne vous pressez pas de rentrer, il fait ici un temps d’orage sans orage qui vous donnerait immédiatement une forte envie d’être ailleurs.

Cordialement àvous

P Pia.

Avez-vous vu les journaux qui annonçaient l’accident d’auto de Max [Jacob]2 ; tous ses amis lui avaient déjà dit, il y a quelques années lorsqu’il était à Lariboisière, que les véhicules lui étaient contraires. Naturellement, comme tous les fakirs, il ne voulait pas le croire.

PS. J’oubliais aussi de vous dire que depuis le 12 16 ou 18 juillet, [René] Bonnel (3), quelques libraires et moi étions définitivement inculpés. Les interrogatoires de l’instruction ne commenceront qu’après la rentrée des juges, c’est-à-dire dans un mois au plus tôt.

Pascal Pia à Jean Paulhan (20 février 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 183, dossier 095985 – 20 février 1936.
 Chers amis,

Depuis le début du mois, on a une adresse àLyon. La voici : Pia, 7 rue Vendôme. Je n’ai pas pu aller vous voir lorsque nous avons déménagé (31 janvier) car je ne me suis absenté de Lyon que deux jours, qu’il a fallu passer en travaux de force, malles et paquets.

Lorsqu’il vous arrivera de passer par ici, arrêtez-vous à Perrache et venez nous voir. Lyon n’offre rien de bien attrayant, mais comme j’y travaille la nuit et que j’y dors une bonne partie de la journée, je n’ai que peu de rapports avec ce triste endroit. On a trouvé un appartement près du parc, à 20 minutes du centre et dont les quatre fenêtres s’ouvrent sur les quais du Rhône.

Et vous, que devenez vous ? Et comment allez vous ? Peut-être pourrons-nous aller passer deux ou trois jours à Paris aux alentours de Pâques, mais rien n’est encore certain. Donnez-nous de vos nouvelles, on ne vous oublie pas et on vous envoie, Suzanne et moi, nos bonnes et dévouées amitiés.

Pia -

Pascal Pia à Jean Paulhan (20 février 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 183, dossier 095985 – 20 février 1936.
Chers amis,

que devenez-vous ? On serait heureux d’avoir de vos nouvelles et d’apprendre que vous comptez bientôt vous rendre à Port Cros, en vous arrêtant à Lyon.
Si vous aviez sous la main un type dans l’embarras, qui connaisse à peu près l’orthographe et à qui un emploi de correcteur à Lyon conviendrait, je pourrais actuellement le faire entrer au Progrès. L’équipe de correcteurs du canard est composée de vieux bonshommes sans grandes qualités professionnelles et le chef d’atelier me demande si je ne connais pas un bon correcteur qui veuille venir ici. Au tarif syndical de Lyon, l’emploi est d’ailleurs singulièrement moins payé qu’à Paris. Les correcteurs gagnent ici 48 f. [francs] 80 par jour (31 f [francs] + 17. 80 de vie chère selon l’échelle mobile) pour un service d’environ 7 heures. Mais le gars que je pourrais recommander obtiendrait certainement mieux. D’abord, il obtiendrait d’être payé au mois. Au minimum on lui offrirait 1500 et, en discutant, sans doute obtiendrait-il 1800. Repos hebdomadaire, naturellement, et sans doute aussi (mais c’est à discuter) vacances payées.

Evidemment, il faudrait qu’il connût la correction, (ou qu’il se mît à l’apprendre avant de commencer son travail - c’est peu de choses : un certain nombre de signes, et quelque connaissance des caractères d’imprimerie - En tout cas il faudrait qu’il prétendît la connaître, puisqu’en somme il viendrait ici comme premier correcteur.

Son service serait un service de soir et de nuit : de 6 h ½ à 1 h ½ du matin. Comme les appointements n’auraient rien de sensationnel, il est clair que l’emploi conviendrait mieux à un célibataire qu’à un homme marié, la vie étant à peu près aussi chère à Lyon qu’à Paris.

Si vous voyez quelqu’un que la proposition puisse intéresser, écrivez-moi le plus vite possible, ou que le gars m’écrive : Je lui donnerai les indications nécessaires pour la lettre de candidature qu’il devra adresser à Lyon à l’administration du canard.

A bientôt j’espère. Amitiés de Suzanne et cordialement à vous

P. Pia

PS. – Jean n’avait-il pas, un moment, cherché un emploi pour son aîné ? Si jamais ça pouvait l’intéresser, qu’il le dise : on apprend beaucoup de choses dans une imprimerie de journal… Mais l’aîné de Jean a-t-il fait son service, ou en tout cas est-il pour le moment dégagé des obligations militaires ?

Pia 7 rue Vendôme, Lyon.

Pascal Pia à Jean Paulhan (17 octobre 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 183, dossier 095985 – 17 octobre 1936.
Chers amis,

J’ai trouvé votre lettre en rentrant de congé. On avait projeté Suzanne et moi d’aller en Espagne, d’abord par curiosité, et ensuite par économie, mais on n’a pas pu entrer. Depuis le début de septembre, la frontière était fermée et il aurait fallu, pour forcer la consigne, des autorisations barcelonaises que nous ne possédions pas. On est donc restés dans les Pyrénées-orientales. Et vous, qu’avez-vous fait ?

Je viens d’apprendre à l’instant par un de mes amis, Robert Chatté, qui vous a téléphoné, que vous étiez rentrés à Paris. Etes-vous allés jusqu’à Port-Cros? Ce serait impardonnable alors de n’avoir pas fait escale à Lyon. D’ailleurs, on ne vous y a pas vus non plus davantage lorsque vous avez dû aller en Suisse mettre de l’ordre dans les papiers de [Albert] ThibaudetII Je sais bien que Germaine n’aime pas Lyon - nous non plus - mais ce n’est pas une raison pour être à ce point infidèles.

Le Chatté qui vous a téléphoné est un malheureux personnage, un neurasthénique né dont l’ascendance morbide est assez lourde. Fils de paralytique - son père est mort alors quand lui avait 5 ou 6 ans. Je crois vous avoir déjà parlé de lui. Il a, pendant des mois, été voir [Blanche] Reverchon ; ça n’a pas donné grand’chose, et pour l’instant - depuis six mois - elle Reverchon se refuse à le voir (j’ignore si [mot illisible] cet abandon fait partie du traitement ou non). Cependant elle l’a aiguillé vers un certain abbé [Jivry?] prêtre psychanalyste, en qui il ne manifeste aucune confiance. Si vous connaissiez un autre dr [docteur] psychanalyste, qui consentirait sinon à le soigner, du moins à le voir une ou deux fois, vous l’aideriez peut-être à apaiser une inquiétude et un désespoir atroces. Une autre manière de l’aider serait aussi de lui indiquer sinon un travail régulier, du moins une occupation qui lui prendrait une partie de la journée*. Quand il retrouve un peu de paix, et que ses talents de débrouillard de la Chapelle reprennent le dessus, il arrive à vivre et à faire vivre un de ses amis, un dessinateur hollando-javanais (et bègue par dessus le marché) nommé ElsenIII en vendant aux journaux les dessins de celui-ci. Pour ma part, je leur fournis les légendes idiotes dont ils ont besoin.

Je comprendrais très bien, occupés comme vous l’êtes, que vous ne teniez pas à voir ce malheureux type. Mais si vous avez un tuyau qui puisse lui être utile, écrivez-moi, je lui transmettrai. (A tout hasard, son adresse est : Robert Chatté, 32 bis rue d’Orsel, Paris 18è). J’oubliais de vous dire qu’il pourrait faire un vendeur de librairie aussi bon qu’un autre. Il a travaillé autrefois chez un libraire de la rue Castiglione, et s’est occupé longtemps de vendre lui-même des bouquins d’occasion à des libraires.

J’avais appris la mort de [Eugène] Dabit par les journauxIV. Quelle triste fin, en effet. Je le connaissais peu ; cependant nous avons tous dîné ensemble un soir à Châtenay [-Malabry], et je n’avais gardé pour lui que des sentiments sympathiques. Ça devait être quelqu’un de très bien, et ce qu’en dit Gide renforce en moi cette impression.

Ecrivez nous de temps en temps. J’espère que d’ici la fin de l’année on trouvera, Suzanne et moi, l’occasion d’aller passer 3 ou 4 jours à Paris. Vous n’imaginez pas ce qu’on peut s’emmerder ici. Espérons que l’hostilité de la ville nous sauvera de la crétinisation absolue et qu’on ne sera pas complètement abrutis quand on aura passé encore 2 ans ici et payé [nos?] dettes. A bientôt vous deux et toutes nos vieilles et chaudes amitiés.

Pia

Pascal Pia à Jean Paulhan (16 juin 1939) §

IMEC, fonds PLH, boîte 183, dossier 095985 – 16 juin 1939.
 Chers amis,

Excusez-moi, vous allez comprendre pourquoi j’écris peu. Voici, à peu près mon horaire : je me lève vers midi ½. Nou demeurons à 40 minutes environ du journal. Je suis au boulot de 2 h. de l’après-midi à 3 h. du matin sans arrêt. Après avoir fait seul, aux alentours de 4 h. du matin, l’unique repas de ma journée, je vais au lit pour recommencer le même trafic quelques heures après.

L’été va être très pénible. Il fait ici une chaleur humide assez débilitante : Je redoute que Suzanne et la gosse la supportent mal. Colette nous a fait d’ailleurs une diphtérie il y a deux mois environ.

Et vous, comment ça va ? Je Etes-vous toujours à Châtenay [-Malabry]? Si vous avez un moment, un jour, racontez nous un peu ce qui a pu vous arriver depuis un an. Ici, je suis coupé de tout et n’ayant jamais le temps d’écrire j’ignore ce que deviennent mes amis. Je ne reçois plus la NRF depuis que nous avons quitté Lyon, c’est-à-dire deux ans ; Ça n’est d’ailleurs pas étonnant, avec ces changements d’adresses, et à vrai dire, depuis Alger, mes loisirs ne m’auraient guère permis d’en couper les pages.

Il n’est pas impossible que j’aille à Paris bientôt, mais en coup de vent. Y serez-vous encore, veinards qui prenez des vacances ?

Nos amitiés et puissions-nous nous revoir bientôt.

Pia -

Pascal Pia à Jean Paulhan (1er octobre 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 183, dossier 095985 – 1er octobre 1957.
Cher Jean,

Je trouve ton mot en rentrant à Paris, d’où j’étais reparti après avoir enterré le pauvre Robert [Chatté]VI. Le diagnostic que tu me communiques confirme ce qui m’avait été dit, avant les obsèques, par les infirmières et les assistantes sociales de l’hôpital. Pour ma part, je n’avais pas douté de l’issue de la maladie, mais, après la visite que j’avais faite à Chatté avant mon départ en vacances, je présumais qu’il lui restait encore deux mois à vivre. Dans les derniers jours d’août, il était [mot illisible] sorti de sa chambre pour bavarder avec moi sur un banc du jardin. Je pensais alors le revoir encore aujourd’hui, mal en point mais vivant. On n’est jamais assez pessimiste.

Je vais m’occuper des formalités que soulève la liquidation de sa succession. On me dit qu’il faut que je m’adresse à un notaire. Naturellement, je m’emploierai à te restituer ou à te faire restituer ce qui te revient, mais comme je n’avais pas les clefs de son logement j’ai demandé au greffe de la justice de paix que les scellés soient mis sur sa porte.

A tout hasard, tu devrais m’envoyer une lettre d’allure un peu officielle et guindée, - celle que tu enverrais à un exécuteur testamentaire que tu ne connaîtrais pas, - pour me réclamer les livres qui t’appartiennent. Cela pourrait m’être utile auprès du notaire ou des hommes de loi qui peuvent me soupçonner de vouloir détourner telle ou telle pièce de l’actif de la succession.

Je serais heureux de te revoir de temps en temps, mais pourtant j’ai plutôt tendance à me cacher. Il aurait mieux valu que Chatté fût à ma place, et moi à la sienne. Je me sens las, de toutes les façons.

Bien à toi

P. P.

Embrasse Germaine pour moi.