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Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).
Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :
1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…
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Ont participé à cette édition électronique : Clarisse Barthélemy (Responsable éditorial), Camille Koskas (Responsable éditorial) et Amaury Nauroy (Transcription).
L'inutilité de cette démarche m’apparaît dans toute son évidence, et je ne puis cependant m’empêcher de l’entreprendre.
Je viens de recevoir votre lettre au sujet de « Noirs, mes frères ». Je n’oserais pourtant plaider en faveur de ce petit roman si vous même ne me disiez pas qu’il est d’une qualité incontestable.
Il y a , en ce moment, en France, des dizaines de milliers de jeunes hommes qui désirent venir en Afrique. Nous sommes submergés par des demandes d’emploi. Cependant, leurs idées, sur la colonie sont généralement faussées par une littérature dénuée de valeur et de vérité. Et ils sont à l’affût de tout ce qui est publié sur l’Afrique.
Je puis me leurrer. Mais il me paraît que les quelques uns qui ont déjà lu « Noirs, mes frères », ont été touchés, alors même que le sens profond de ce livres pouvait leur échapper. Et, pensant à ces jeunes hommes, à leurs rapports futurs avec les Noirs, je ne puis m’empêcher de faire cette tentative, je ne puis m’empêcher de croire que ce livre les aiderait à prendre contact avec ce pays, leur permettrait de ne pas céder à cette façon, hélas trop commune, d’écarter les Noirs, de les rejeter, de les juger comme s’ils étaient hors d’une mesure humaine;
Je ne sais si cela est d’une importance quelconque, mais c’est bien volontiers que j’assumerais les risques financiers de l’édition. J'ajouterai encore que si je suis assuré d’un excellent article dans « Climats » dont le directeur, le général Chevance-Bertin est un de mes amis. Egalement dans « Témoignages chrétiens ».
Je ne puis vous exprimer quel réconfort, quelle joie votre lettre m’a apporté. - Déjà, au moment de présenter mon manuscrit chez Gallimard, je vous avais écrit une lettre qui ne fut jamais envoyée – C'était pour vous prier de lire ce petit roman, même si les lecteurs le refusaient – Etait)ce orgueil de ma part ? Il me semblait ne pouvoir accepter de verdict définitif que de vous.
Je demande à ma très chère amie, Marthe Bernson, de vous porter ce manuscrit – Sans doute y a-t-il encore quelques retouches à y faire, sans doute la préface devra-t-elle être simplifiée, peut être même supprimée. J'espère me trouver Paris dans le courant du mois de Mai – Et c’est très volontiers, si M. Gallimard l’acceptait que je supporterais le prix de l’édition. Il me semble que le roman doit paraître – Mais, bien sûr, je puis me tromper.
J'espère, cher monsieur, avoir un jour la possibilité de vous apporter un témoignage de confiance, d’admiration, de gratitude.
Lors de son séjour en Guinée mon ami Paul Pilotaz m’avait avertie de votre désir de revoir son manuscrit « Noirs, mes frères ».
J'en ai été très heureuse, car il me semble que vous, Monsieur, mieux que tout autre, sauriez reconnaître dans cette oeuvre des valeurs profondes, non encore accessibles à tous : Pilotaz écrit comme il plante ses arbres fruitiers en Savoir ou sa bananeraie en Guinée avec ses Noirs, posément, un peu maladroitement peut-être, mais avec un rendement sûr qui fait l’admiration des connaisseurs.
S'étant mis très tard à écrire (à la suite d’une consultation graphologique auprès de mon mari !) il reste encore en dehors des relations et des habitudes littéraires.
Mais je suis certaine, cher Monsieur, que d’être attentif à lui ne sera pas peine perdue, et que vos conseils lui seront précieux.
Sauf contre-ordre (VAU 19-49) je passerai à la N.R.F. demain, mardi, à 5 1/2h vous remettre le manuscrit, comme Paul Pilotaz vous l’avait annoncé il y a quelques semaines déjà.
Je m’excuse du retard et vous prie de croire, cher Monsieur, à l’expression de mes sentiments très reconnaissants
Je vous remercie de votre lettre, mais ce n’était pas la peine de me dire : « n’y croyons pas trop encore ». J'ai l’habitude et je suis très armé.
Si je n’ai pas le prix de la Guilde, je me ferai donc une raison – Je n’aime pas beaucoup cette locution qui pourtant dit bien ce qu’elle veut dire : comme si les hommes ne pouvaient être apaisés que par une raison-
J'espère pouvoir me rendre à Paris avant mon départ pour la Guinée, et Gérard me dit qu’il serait peut-être possible de vous avoir à déjeuner ou à dîner -
Je ne vois comment terminer – vous assurer de mes sentiments... Je cale, je n’ai pas encore de mot – Je pense à votre lettre en réponse à la mienne, alors que j’étais tout près d’abandonner, - à Gérard que vous m’avez envoyé...
C'est vrai, j’ai eu le prix de la Guilde. Cela reste pour moi, une chose tout à fait étonnante.
J'ai vu à Lausanne, Dominique Aury. Quelle joie de pouvoir rencontrer, de savoir vivants des êtres comme-elle ! Et quel entourage : elle, Gérard !
Dois-je vous remercier ? De tout. De tout cela qui semble avoir été ordonné par un magicien. Après sa rencontre, je n’ai plus guère eu à suivre les indications de sa baguette.
comme Gérard me paraît inquiet et comme cela se comprend.
Ici, sans contact avec les autres, nous échappons à cette anxiété journalière - Le physique l’emporte – C'est lui, notre propre corps, qui réclame notre attention : chaleur, piqûres de moustiques. Et pour ne pas céder à l’événement (Oh, ces Noirs, loin d’eux, j’oublie toujours combien ils peuvent être impatientants) ils faut qu’à chaque instant nous remettions de la paix un peu partout en nous.
Vous me dites ne pas aimer les pommes – Mais qu’en penserait un psychanalyste.
A mon tour de venir vous féliciter et vous dire combien je suis heureux de cette unanimité qui se fait autour de vous.
Très affectueusement vôtre
Paul Pilotaz
Ma femme - en patois savoyard il un a pour désigner son épouse un mot pour signifier « mon encombrement » - me charge de vous transmettre son meilleur souvenir - et aussi ses félicitations.
Je reçois vos lettres parlant du Caravaggio, celles aussi que Lily me communique – Madame [Demange] a lieu souvent des opinions définitives, mais, la connaissant, je sais que son affectivité est presque toujours en cause, non la valeur des peintures du Caravaggio. C'est là sans doute qu’il faudrait chercher, et en ayant décidé d’aller spécialement en Italie voir l’exposition de ces chefs d’oeuvre, il lui paraît révoltant que, passant à Milan, nous n’ayons pas, nous , trouvé un instant pour nous y arrêter. Et, effectivement, je devrais dire affectivement, cela est révoltant. Je fais moi 1.000 kilomètres, vous pas même un pas... Dépêchez vous, Jean, de disparaître sous la table.
Nous partons avec la joie de savoir que dans une quinzaine de jours vous nous [suivrez?].
Je ne sais pas encore si j’irai vous chercher à Benty ou bien attendrai que le bateau accoste à Conakry. Cela dépend. Je voudrais beaucoup que vous fassiez de jour la remontée ou la descente de la Mallacorée, qui est la rivière menant au petit port de Benty. Je vous enverrai donc un télégramme à Dakar -
Qui eût dit, Monsieur, qu’il vous appartiendrait d’ajouter aux innombrables tristesses du temps actuels la tristesse des reniements ? Un hebdomadaire grand public répand à centaines de milliers d’exemplaires votre « honte » d’avoir été résistant ) Combien parmi ceux qui vous liront sauront-ils démêler le caractère spécieux d’un raisonnement qui ne vous a certainement pas convaincu vous-même. Car enfin, Monsieur, souvenez-vous, pour les authentiques résistants – mis à part quelques aventuriers – La résistance n’a été que l’application pratique d’une révolte de la conscience individuelle et nationale – Et alors, comment regretter, comment renier une révolte de la conscience ? En avoir « honte » pour reprendre votre mot -
[mot illisible] si des injustices ont été, ou n’ont pas été, commises par la suite, c’est là une toute autre question que vous embrouillez avec la première et qui se relie à l’éternel problème des grands mouvements populaires et de guerres. Il reste d’ailleurs à prouver qu’elles furent le fait de ces mêmes authentiques résistants – Votre attitude actuelle contribue à accroître une confusion vivement souhaitée à titre de revanche, et par la minorité agissante qui présentera les résistants, et pas ceux, plus monstrueux, qui furent trop [veuls?] trop attachés à des intérêts matériels ou simplement trop indifférents pour s’indigner sous l’occupation et prendre leur part d’un combat dangereux. Quelle aubaine pour eux de se voir apporter par un esprit brillant et à grand fracas de [spécieux?] justificatifs de leur comportement, et de plus, quelles délices ! aux dépens des combattants !
En somme, d’une part, votre reniement prouve qu’il existe dans votre esprit – mais y existe-t-elle vraiment ? ) une confusion de notions et de valeurs que l’on est en droit de s’étonner de trouver chez un Paulhan, d’autre part, permettez-moi de vous faire remarquer qu’il eût été plus courageux que votre indignations, si elle est sincère, se claironnât plus tôt, alors qu’elle n’était pas soutenue par l’inévitable reflux d’une partie de l’opinion publique – c’est en cela – Monsieur, qu’aidant le Babbitt, vous êtes vous-même Babbitt.
Comment ne sentez-vous pas, Monsieur, que les jeux intellectuels auxquels vous vous plaisez, et dont, j’en suis sûre, vous savez admirablement démonter le mécanisme, déceler les failles et les absurdités, sont sans danger tant que vous les gardez pour vous-même, mais méritent d’être sévèrement jugés lorsque vous les répandez, sans pour autant, comme la plupart des écrivains, concevoir qu’à une influence plus grande correspondent des obligations morales et une responsabilité plus grandes également ?
J'ai tenu, Monsieur, à vous faire part de ces réflexions qu’il vous appartiendra évidemment de traiter avec dédain. Mais je ne peux davantage, sans protester, supporter votre attitude actuelle que je n’ai pu il y a quelques années, [deux mots illisibles] supporter les hideurs de l’occupation et de la collaboration – vous me direz qu’il n’y a pas de commune mesure entre vous et un drame national ) Si cependant, car votre influence contribue elle aussi à diviser, à troubler, dont à affaiblir les Français en tendant inconsidérément à tous vents de perfides arguments pour salir ce qui fut tout de même de plus beaux et de plus [mot illisible] de notre pays -
Veuillez croire, Monsieur, à toute la tristesse avec laquelle j’ai écrit cette lettre, où j’aurais aimé pouvoir vous assurer de mon admiration -
[signature illisible]
Madame Pilpoul
30 AV. Charles Floquet – Paris (7è)
femme d’un F.F.L
arrêtée pour résistance
Prison de Fresnes
Camp de Romainville
Camps de Sarebrück (Neue Bremme)
Camps de Ravensbrück
Camps de Buchenwald Shonefeld
actuellement malade des suites de déportation
et, pour qu’il n’y ait aucune équivoque, non-communiste.
Comment ai-je pu rester si longtemps sans vous écrire ? Nous prenons le bateau aujourd’hui même, le Djolibo, frère ou soeur du [Duhiko], emportant nous aussi un caméléon.
Je vais me remettre à [travailler?] à mon roman. Je [sens?] très bien ce que vous m’en dites, sans trop bien savoir moi non plus en quels termes je suis avec lui. Guidé, essayant à mon tour de le guider, toujours un peu timide devant lui -
Oui, j’approuve totalement, entièrement votre « Lettre » - Comme tous ceux qui l’ont lue. Mais que ceux pour qui elle a été écrite ne comprennent pas qu’elle l’a été pour eux, pour leur sauvegarde morale... ! [Si?] rien en eux ne circule, ils se vont durcir, sclérosés -
Nous vous attendons avec joie. J'espère aussi que le temps se mettra au beau jour pour votre arrivée. L'automne, en Savoie, est presque toujours splendide.
La cueillette des fruits a commencé et se poursuivra maintenant jusqu’à la fin d’octobre. La récolte n’est ni bonne ni mauvaise, c’est à dire pas aussi bonne qu’à un moment je l’espérais, pas aussi mauvaise que je la croyais certains autres jours.
Lily est rentré avec les enfants depuis une quinzaine de jours, et bientôt, les deux grands vont retourner en pension – Claude est parti depuis déjà pas mal de temps, les [Bernson?] aujourd’hui seulement. Lui nous a parlé de l’écriture d’André Gide, de celle aussi de Sartre qu’il dit être un spéléologue .IL y a, dans l’écriture de ce dernier, de grands blancs, de grandes cheminées, un grand attrait du gouffre.
Je pars tout à l’heure, mais ne puis quitter ce pays sans vous envoyer un mot. J'ai dû, cette année, prospecter des terrains, batailler pour une société de vente.
J'ai vu, l’autre jour, M. [Lupitalier?].
- M. Paulhan va bien ?
- oui, je l’ai vu il n’y a pas très longtemps.
- Il doit avoir beaucoup de travail avec sa N.R.F.
- Sûrement.
- Et ça doit bagarrer. Mais sites-lui de tenir le coup. Mauriac... C'est un salaud, Mauriac, et un mauvais écrivain.
J'ai lu « les deux étendards . Ce que ça fait plaisir de rire ça. Cette intensité, ce don taotal. Non, à côté, aucun roman valable depuis... ni Malraux, ni même le « Voyage ».
Jean. J'espère bientôt vous revoir. Avec toute mon amitié.
Je ne puis y résister – les autres ne sont pas prêtes, mais je vous envoie ces deux-là. Ce sont des chants de griots. Je ne sais si ce n’est parce que je suis « du pays » mais je trouve cela plain de saveur, de naïveté, de poésie.
Si, par hasard, vous pensiez qu’ils sont dignes de la revue, j’aimerais qu’ils paraissent un peu après, presque tout de suite après Kanda -
C'est une griote de Coyah qui les chantait. Je les ai recueillis en [mot illisible] puis me les suis faits traduire. Je dois en avoir encore 4 ou 5 – Dites-moi s’il me faut les mettre ua propre et vous les envoyer -
Au lieu de vous dire que je savais bien à qui je devais d’être sur la liste des « possibles », je vous ai répondu... je ne sais trop quoi; Mais c’est ma manière d’être, un peu sotte bien sûr, à laquelle je ne peux rien.
C'est comme pour mon nouveau livre... il me fait moi-même presque ignorer que je l’écris.
Nous nous réjouissons tout de vous avoir bientôt avec Dominique. Le ciel est en train de déverser des cataractes afin d’être bleu quand vous serez ici.
C'est très agréable de recevoir une lettre qui dit que « Kanda » est l’un des meilleurs romans parus depuis dix ans – Elle est d’un monsieur W P Romains, critique puisque le service de presse luia été fait, et malheureusement au chômage. Cela console un peu du silence qui semble se faire par ailleurs. Mais qui est ce M.W.P. Romains ? Ah, si je pouvais lui donner une chronique littéraire !
Nous sommes allés dimanche à Lausanne et y avons vu une Dominique qui venait de se lever – [Keks ?] me dit aujourd’hui pas téléphone qu’elle a été nouveau malade – Pourquoi ne peut-on rien faire pour elle ? Quand je la vois dans cet état, j’ai envie de taper du pied et de me mettre en colère. Notre corps ne devrait pas sentir de maladies ; il est fait pour rouler, sans ennuis, et qu’à peine, de temps en temps on lui concède un léger malaise.
Oui, c’est à vous, Jean, que j’écris ça, si plein de patience et de générosité devant toutes les misères. Et celles du corps sont peut-être à la fois un apprentissage et une somme -
A bientôt, Jean, à Paris sans doute puisque vous ne pouvez pas venir ici.
Nous sommes très heureux de vous attendre – Ne prenez de billet que pour Chambéry nous irons vous y chercher, sans doute au train qui arrive vers 15 heures – Dites-nous si c’est vendredi ou samedi.
Avec l’amitié de Lily et de
Paul
Le train doit partir de Paris vers 8 heures du matin.
Nous avions tous tiré des conclusions à peu près identiques à celles de M. [Heine?], nous pensions tous que notre longue saison sèche nous mettait à l’abri des attaques cryptogamiques, et puis un champignon a fait son apparition, il s’appelle « cercospora », et a eu, dès la première année, une virulence aussi grande que sous les climats qu’on lui savait le plus favroable.
Ce n’est guère qu’à la fin de cette année que je saurai où j’en suis. Jusqu’à présent aucun traitement n’a donné de résultat, et dès lundi je vais commencer à arracher les bananiers – à arracher toute a plantation – et à replanter. J'ai bien réfléchi, c’est dur, mais je crois n’avoir plus que cela à faire.
Lily est ici pour une semaine encore, et mai [mots illisibles]
Nous menons dans ce pays, une politique invraisemblable. La France s’y ruine matériellement et ruine en même temps les fragiles assises morales de ces populations.
Que va-t-il sortir de cette anarchie ? Est-ce nous qui, vieillissant, acquérons comme un [mot illisible] nouveau, celui de l’abîme, est-ce le monde lui-même qui tout entier [mot illisble] , Tout paraît nous échapper, tout devient déraison.
Lily et moi sommes toujours de tout coeur avec vous et nous vous envoyons toute notre amitié.
Paul
- Pour les bananiers, j’espère quand même y arriver -
[carte postale.Braque – La Carafe, Musée d’Art Moderne, Paris]
Samedi [1956]
Cher Jean
Je me sens un peu licorne mais une licorne très imparfaite : j’ai ouvert la première boite celle dans laquelle on avait mis la mousse, la rose et le petit livre rouge.
Tout est devenu alors très long et très difficile.
Nous avons passé tous ensemble de très bonnes vacances à la montagne.
Papa et maman sont partis ce matin et nous sommes tous les trois au lit avec une petite [mot illisible] confortable et têtue. (Les vacances étaient vraiment trop courtes cette année).
Jean quand viendrez-vous avec Dominique nous voir à la maison ? Je vous embrasse très très fort.
Vous êtes un ami adorable et votre petit mot m’a beaucoup touché. Non, ce qu’a François n’est paraît-il pas grave. Le spécialiste de Lyon auquel le petit docteur vous a adressé dit qu’une culture physique approprié suffira à redresser et maintenir cette colonne vertébrale qui a l’air de s’infléchir de manière inquiétante. Je vais [mots illisibles] chez un kinésithérapeute et j’apprendrai à lui faire faire des mouvements dont elle a besoin.
Leurs vacances dans la neige ont été gaies et joyeuses. Ils ont beaucoup skié et dansé. J'ai laissé à Notre Dame de Bellecombe Hélène qui a quelques jours de plus et amené Jean-Paul et Françoise. Tous les deux peinent sans enthousiasme sur leurs devoirs scolaires.
Paul est parti le jour de la Noël. Je ne sais si j’irai le rejoindre. Mes 40 kilos (où m’arrêterai-je ?) m’interdisent la moindre fatigue. Mais Dieu que la solitude doit peser à mon solitaire de mari ! A moi aussi d’ailleurs mais je n’ai rien d’une solitaire.
De toute façon je viendrai à Paris sûrement et je serai heureuse de vous voir, chez Jean.
Merci cher Jean de votre [petit?] mot d’amitié. [mot illisible] si fraîche, si vive, est morte en quelques heures d’un infarctus cardiaque. Ce fut terrible. Ma mère et [mot illisible] sont ici parmi nous. Bien sûr, malgré leur courage, ils ne peuvent accepter ce vide atroce, et leur solitude.
Je pars tout à l’heure pour la Guinée et ne puis manquer, j’en ai fait la promesse, d’envoyer cette brochure aux Gens de Lettres et aux Dirigeants Terrestres de ma connaissance. C'est à ce double titre que je vous la fais parvenir -