Correspondances écrites et reçues par Jean Paulhan (1925-1936 et 1950-1958), éditées en collaboration avec l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC, Caen) et la Société des lecteurs de Jean Paulhan (SLJP).

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Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).

Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :

  • 1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
  • 1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…

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Roland Purnal

1936/1958

Roland Purnal à Jean Paulhan

Correspondance (1936–1958)

2016
Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL, 2016, license cc.
Source : IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101
Ont participé à cette édition électronique : Clarisse Barthélemy (Responsable éditorial) et Camille Koskas (Responsable éditorial).

Roland Purnal à Jean Paulhan (10 juin 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 10 juin 1936.

Purnal

Cher Monsieur,

Je vous renvoie en hâte les épreuves corrigées que vous avez la gentillesse de me faire adresser.

Merci, mille mercis. Avez-vous reçu le manuscrit de ma petite pièce MAIE ?

Vous me feriez un bien grand plaisir en voulant bien me donner votre critique(enfin quelques mots) à ce sujet.

Croyez, cher Monsieur, à mes sentiments les plus cordiaux.

Purnal

Marillotégia, Erromardie, ST JEAN DE LUZ (B.P)

Roland Purnal à Jean Paulhan (1er juillet 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1er juillet 1936.

Morillotégia

Erromardie

ST.JEAN DE LUZ

(B.P.)

Ce mercredi,

Cher Monsieur,

Je vous remercie de ce que vous avez fait pour MAIE auprès du Comité de « Mesures ». Je m’attriste un peu de voir que l’on trouve la fiancée trop belle. (Depuis 4 ou 5 ans que j’écris pour le théâtre, elle est, hélas, toujours trop belle).

Vous avez la gentillesse de me demander les autres drames courts dont un sot excès de confiance en moi-même m’a fait vous parler à Paris. J'ai, en effet, deux pièces brèves : un drame & une farce outrancière. Seulement, je viens de les relire à l’instant, & elles me paraissent vraiment insignifiantes. Il faudrait que je les récrive d’un bout à l’autre – chose vraiment impossible à l’heure où je vous écris.

Je me trouve pris jusqu’à la nuque dans une tragédie nouvelle assez massive : « Torrès de Quévédo ». (Les Perses, version définitive). Il s’ensuit que ce travail réclame un effort intense & que je ne puis m’en distraire un seul instant ) sous peine de voir tout retomber. J'aimerais, par ailleurs pouvoir y mettre le point final dans le courant du mois d’août.

Je vais sans doute vous paraître indiscret, - mais je voudrais vous demander quelque choses :

Il s’agit de ce « Créon » dont Barrault fit l’hiver dernier plusieurs lectures en son grenier.

J'ai réduit, remanié le texte, etc. Douze épisodes assez courts &, je crois, assez substantiels.

Ne voyez-vous pas le moyen d’en publier quelque fragment, - soit dans « Mesures », soit dans la « Nouvelle Revue Française » ?

Si la chose n’était pas possible, - & c’est le second voeur que je forme auprès de vous ) pourrais-je éventuellement solliciter votre appuis sur la question de l’édition en volume à la « Nouvelle Revue Française »?

Je me permets, à tout hasard, de vous envoyer par même courrier l’unique exemplaire dont je dispose.

Laissez-moi vous dire tout ce qu’une telle chose représente pour moi ; & que vous m’aideriez à sortir de l’espèce d’étouffement moral où je me trouve depuis plusieurs années.

Grand merci encore, cher Monsieur. Croyez, je vous prie, aux sentiments d’un homme qui aimerait un jour pouvoir se dire votre ami.

Purnal
Roland Purnal

Roland Purnal à Jean Paulhan (1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1950.
Cher Jean,

Je fais état de partir, pour Paris dans le courant du mois de Janvier.

Je ne sais trop comment je vais m’arranger pour y vivre. Mais il fallait bien que je me décide à partir de ma cambrousse. Oui, que je brusque l’aventure – même sans avoir mis le point final aux divers travaux que tu sais.

(Faute de quoi je n’en serais plus sorti vivant...

Je crois que seul l’AIR de Paris pourra me donner le coup de fouet indispensable....

Dans l’ensemble, je suis content. Tout cela tient admirablement. Mais que de peines, Seigneur, que de misères et que d’horreurs !

(Je me suis cruellement reconnu dans le portrait que tu fais de l’ »Homme Egaré » Oui, pas moyen de s’y méprendre. J'en ai perdu le sommeil durant trois semaines)

De « l’homme Egaré » je suis passé à tes autres livres que je ne connaissais pas du tout.

Roland Purnal à Jean Paulhan (22 juillet 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 22 juillet 1950.
Cher Jean,

Ton message et quel message, TON message qui me parvient dans le temps même où je m’apprêtais à t’écrire, TON message qui me bouleverse, car il porte au comble mes remords, etc...

Que te dire et comment te dire , Je ne sais comment te marquer ma gratitude;

Ce travail, rien que ce travail. Je me suis épuisé par une trop longue tension d’esprit. Est-ce la faiblesse de cet esprit qui me rend si méticuleux ? (Donc, quand un esprit manque d’ouverture, et que l’orgueil le fait aller jusqu’au masochisme...)

Il faut toujours que je m’épuise en conjectures, que j’épilogue sur tout ce que je trouve et m’achoppe au moindre détail.

J'ai beau me dire que j’ai atteint la cinquantaine, qu’il est temps d’exécuter et d’accomplir, je n’arrive pas à me délivrer de ce scandale. Chaque matin, je redonne dans les excès que j’ai condamnés la veille.

Depuis trois bonnes années en ça, j’ai défait et redéfait vingt fois le même ouvrage (et j’en ai HUIT sur le métier !)

On ne saurait imaginer pire solitude. Tu sais à présent le pourquoi de mon silence abominable;

Que s’il t’agrée d’ouïr un jour quelque confession plus substantielle, je suis prêt à te la faire de vive voix.

A l’heure qu’il est, je crois tout de même que je suis SORTI de l’impasse.

Je t’entends d’ici me soufflant avec un drôle de sourire : « C'est égal, on s’en souviendra de cette planète! »

Est-il besoin de te le dire ? Moi qui fais le hibou, qui suis noir à faire peur, le temps me dura dans MA spélonque.

Atrocement ! Ce n’est donc pas de gaieté de coeur que je retarde d’en sortir à tout jamais ! (Tant, à mes yeux, tout porte ici le signe de la peste).

Mais quoi ? Sans argent et sans manuscrits, que pourrais-je faire en ce Paris que pourtant j’aime plus que tout au monde.

Autant dire, rien.

Ah, combien j’ai regretté souvent de n’avoir pas souscrire d’emblée à l’invite si généreuse de Marcel Arland ! (« Pays », « Paysage »).

De toutes les fautes que j’aurai commises dans ma vie, c’est à coup sûr la plus lourde, et je la paie aujourd’hui atrocement cher.

Mais voilà : que devenait l’oeuvre à faire dans ces conditions ? Q'on le veuille ou non , la chronique théâtrale est un métier qui vous tient fort sujet.

Je l’avoue, j’ai manqué de crête.

Pour m’en tenir à l’heure présente, j’ai commencé de recopier l’un des manuscrits en question. Je présume qu’il sera fin prêt à la fin du mois prochain.

(Cela s’intitule : « Fanfare pour conjurer la Peste »)

Après quoi viendront (assez vite) « Don Miguel de Toro »

et... Mais te je parlerai de tout cela dans quelque autre lettre... Aujourd’hui, c’est vrai, je suis tellement déchiré que je puis à peine m’énoncer.

Adieu, cher Jean. Veuillez me rappeler au bon souvenir de Madame Paulhan

Comme à celui du cher Arland,

il va sans dire.

Adieu encore; Je t’embrasse de toutes mes forces.

Roland Purnal

14 rue Delannay

Froidmont (par Tournai).

Roland Purnal à Jean Paulhan (28 juillet 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 28 juillet 1950.
Cher Jean

Je suis bien résolu d’activer le travail. Encore un coup, les ruraux, et la campagne (ici, la paline de Bouvines) je m’en suis fait donner de la bonne façon. Je veux guérir de cette lèpère, et le plus tôt sera le mieux. (D'autant que la guerre, etc...)

Que Barrault me gratifie là d’un sentiment que je n’eus jamais. Sans blague, est-ce qu’il perd la tête ? Il faut battre la breloque pour me prêter pareil propos ! Enfin, passons.

Que je m’impatiente surtout d’avoir le petit livre de contes que tu veux bien me promettre.

Sois sans inquiétude : depuis trois ans, je TE réserve la tragédie de Toro. Vaille que vaille, TU seras en possession de ce livre – avant Noël.

Mille compliments et amitiés à Jean Dubuffet

Je t’embrasse

R

Roland Purnal à Jean Paulhan (30 décembre 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 30 décembre 1950.
Cher Jean

Pardonne si j’ai apporté du retard à te répondre : Grosse toux, la fièvre, et le reste. J'endève plutôt de voir que tu n’as pas reçu ma lettre de novembre. C'est par pure charité, sans doute, que tu m’assures que je suis pas l’Homme Égaré de la tête aux pieds ? Moi qui ne cesse de me forger des monstres pour les combattre ! (les moindres occasions sont autant de pierres d’achoppement pour un homme faible, - et je suis la faiblesse en personne).

Quoi qu’il en soit, je ne sais comment te marquer ma reconnaissance. Je viens d’achever (pour la quatrième fois depuis six semaines) la lecture de TON « Guerrier Appliqué ».

Ah, quelle merveille, quelle maîtrise, - et la main toujours, qui s’efface dans le temps qu’elle pourrait le mieux se faire valoir ! Lalou, certes, à la coup d’oeil juste, quand il écrit (dans ses Témoignages sur la guerre) : « Mais il faut tirer hors de [mot illisible] cet extraordinaire manuel d’attention mentale qu’est le Guerrier appliqué... » (page 108)

Je compte arriver à Paris à la fin de Janvier (exactement : le 27).

D'ores et déjà, je suis en quête d’un endroit dont je pourrais faire mon quartier. Il s’en faut que ça aille tout seul.

Je mets mes hommages aux pieds de Madame Paulhan

et je t’embrasse

R.

(chez J. Pollet, 117 rue Washington)

(Il se trouve que l’Ami chez lequel j’habite présentement possède TOUS tes livres dans l’édition originale).

Je t’ai écrit environ le milieu du mois dernier. Je n’ose croire que tu n’as PAS reçu mon message.

Que se passe-t-il ? Si jamais je t’avais manqué en quelque chose, j’en aurais tout le remords et tout le chagrin du monde. Veuille me rappeler au bon souvenir de Madame Paulhan.

Je t’embrasse

Purnal

(chez Monsieur Jacques Pollet

117, rue Washington

Bruxelles)

Roland Purnal à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1951.

Ce Vendredi

Cher Jean

J'ai relu vingt fois le message que tu m’as fait tenir. Vraiment, vraiment, TU es partout et je ne laisse pas quelquefois de me demander si je suis digne de ces quotidiennes attentions que tu me prodigues.

Barrault ? Bien sûr. Je vais tenter de lui écrire, seulement, avoue que son attitude n’est guère propre à m’encourager beaucoup. Vaille que vaille, je lui écrirai puisque ton geste m’y invite.

J'ai lu le livre de la Guilde que tu m’avais prié le jour même de ton départ : « Châteaux en enfance » (drôle de titre) par Catherine Colomb. Que t’en dire ? Un peu bien lent, un peu bien gris, avec, sans doute, quelques fusées de côté et d’autre. Dans l’ensemble ça ne me paraît guère bien convaincant.

Je t’adjure d’oublier l’affaire J.P. Un gros manuscrit ? Non, et quoi encore ? Que J.P commence par briller autrement que par son silence. Alors, que je [vais?]-je – mais alors seulement puisque tu sembles y tenir.

J'ai reçu une lettre magnifique de Madame Dominique Aury : « Il fallait dire tout de suite que vous aviez en horreur l’Immoraliste. Mais si vous voyez dans le dernier catalogues des livres de la Guilde un auteur ou un ouvrage dont il vous intéresserait de parler, y consentiriez-vous ? Jarry, par exemple ou Melville (Benito Cereno) »

On ne saurait montrer plus de délicatesse. Que dis-je ? Plus de chaleur humaine. Bien entendu, je lui ai répondu que j’acceptais son offre – de grand coeur.

M. Lacasse, vieil homme de lettres un peu hibou, brûle du désir d’avoir le papier que tu lui aurais promis pour le prochain « Bulletin » des Arènes de Lutèce, [Locasse?] ou Lacaze – un nom comme ça. Tout me persuade en tout cas, qu’il tient à maintenir bien haut les fastes du Ve arrondissement.

Je continue de m’ennuyer beaucoup de vous (de Germaine et de toi-même).

Quand comptes-tu revenir ?

Je t’embrasse

Roland

Je te quitte pour relire ton message une fois de plus.

Roland Purnal à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1951.
Cher Jean

Je te remercie de ton chèque (arrivé à Midi juste) et du message qui le précédait (Vendredi soir).

Merci, merci... quel soulagement !

Sans mentir (l’autre semaine) j’ai cru tout de bon que c’en était fait de ton serviteur. Du plomb. Quelle ignominie. J'en suis encore tout hébété.

Dimanche (après ton message) me sentant tout ragaillardi, je suis allé m’enfermer toute la journée dans l’atelier de de [Paris?] et j’ai arrêté le scénario de ma Farce. De ce coup, nul doute, je la tiens d’un bout à l’autre. C'était difficile (en raison d’un excès de documentation). Il ne me reste plus qu’à l’écrire, ça ne me fait pas peur. (C'est égal : je crois que j’attache trop d’importance à a texture de mes ouvrages. Oui, la texture, la liaison des parties, etc.)

J'attends ton retour avec impatience. Mille compliments et amitiés à Germaine.

Je t’embrasse

R

Affaire Pollet :

Je ne partage pas ton optimisme. En effet, le ton de ma lettre ne laissait pas d’avoir quelque chose de blessant.

Témoin ceci : « Pareil présent mon cher Jacques, méritait bien que tu te souviennes que le télégraphe existe : quelque dépêche ou autre chose – vu que le métier d’épistolier est un métier qui t’effraie », etc.

J'ai relu « les Oiseaux s’envolent d’Elémir Bourges. Quelle imprudence !

Toute conscience, application et probité chez notre auteur ? Que reste-t-il de tout cela ? Un margouillis pour les chats. Ce n’est pas drôle.

(Dans mon verger de Froidmond en 191b, je tenais ça pour un chef-d’oeuvre.)

Roland Purnal à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1951.
Cher Jean,

Tu as raison, mille fois raison. Comment ai-je osé te soumettre un pareil parier ? D'y penser, ça me fait rougir. Je ne suis pas prêt d’oublier non plus la leçon que tu m’as faite de sortir de chez Gallimard. C'est bien fait, fallait pas que j’y aille – comme un nigaud.

Puisque tu as néanmoins l’exquise générosité de me souffler je vais faire une dernière tentative.

Je t’embrasse

R

Je travaille toujours d’arrache -pied pour Honegger.

Scéniquement, le problème me semblait d’abord insoluble. A présent ça va tout seul (ou presque).

Dimanche (ou lundi) le papier sur Gide : ça ne serait pas trop tard ? Je compte faire un saut jusqu’à chez toi samedi prochain.

Roland Purnal à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1951.
Cher Jean

Voici la lettre de J. Pollet (sans doute, sans doute, épistolier, si l’on n’a pas la vocation, épistolier, c’est là un métier qui effraye – tout comme celui de galérien...) Réflexion faite, il se pourrait que j’arrive un jour à lui pardonner. Un jour, mais pas aujourd’hui; Ah, fichtre, non !

J'ai rencontré hier, rue Vaneau, (j’avais oublié de te le dire) oui, j’ai rencontré Jean Lambert : avec son tact habituel, il m’a offert ce que tu sais... Un tel propos, venant de tout autre que lui, m’aurais cabré sur le champ ! Mais le moyen – devant pareille délicatesse... ? J'ajoute que, d’entrée de jeu, il avait prononcé ton nom. Je ne sais plus du tout ce que je lui ai répondu. Toute passivité, bien sûr... Je n’ai pas la sueur facile, mais quand j’y repense je suis ému jusqu’aux larmes.

Je t’embrasse

René

S'il se trouve que je puisse t’être bon à quelque chose, n’hésite PAS à me faire signe.

Roland Purnal à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1951.
Cher Jean

Par deux fois, le téléphone, et chaque fois quelque voix qui n’est PAS la teinne. Je crois comprendre que ton mal est sur le point de céder.

Bravo, mais quand ? Je ne trouve guère de réponse à cette question, et je m’en afflige d’autant.

En ce qui me concerne, arrivé ici jeudi soir.

Voilà mon adresse à tout hasard : ADRESSE PROVISOIRE

Hôtel Montebello

18, rue Pierre Leroux (VIIe)

Télé : Ségur 41.18

Je t’embrasse

PURNAL

Mille compliments et amitiés à Madame Paulhan

R...

Roland Purnal à Jean Paulhan (1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1951.

LE RENDEZ-VOUS À LA CHARTREUSE

Que l’auteur, certes, a mis la main sur un grand cas psychologique : un certain amour où l’homme ne compte pas : l’amour un peu bien équivoque qu’une jeune fille porte à sa propre soeur (depuis l’enfance), un amour vraiment impossible et qui parfois se tourne en haine et dont elle essaye de se défaire... En vain, d’ailleurs, car un tel mal est, de soi, sans remède, etc.

Après une enfance villageoise assez malheureuse (leurs parents s’entendent comme chien et chat) ANNIE et sa soeur cadette sont emmenées à Nîmes par leur grand’père (un brave homme) et une nouvelle commence pour elle dans la demeure des grands-parents.

Entrée au lycée, puis au stade (basket ) rencontre avec quelques garçons (Jean-Pierre, Henri Jacques – des sportifs).

Partout, Annie se montre jalouse des compagnes et des compagnons de sa soeur au moins de se rendre malade. Elle ne s’entend avec personne, etc.

Mort du grand’père : ce deuil ne laisse pas de réjouir Annie, car, du coup, c’en est fait des tiers, des sorties et des rencontres. Elle pourra mener avec la soeur la vie recluse dont sa passion tyrannique rêve depuis longtemps. Or donc, on se claquemure dans la vieille demeure. Etant plus douée pour l’étude que sa cadette, Annie s’emploie à lui donner le goût du travail. Elle y réussit à merveille. Elle la fait triompher au Bac et au 1er Certificat de licence. Annie n’en reste pas moins obsédée de la peur de perdre sa soeur Il arrive qu’elle l’égratigne, qu’elle la rudoie, qu’elle la blesse même (et le sang coule). Ce qui lui vaut alors ce mot de la blessée :

« Je savais bien que tu étais jalouse de moi. Tu es heureuse, à présent ? Tu pourrais me tuer. Ça se voit dans tes yeux. Et peut-être qu’un jour tu le feras. Parce que tu m’aimes à ta manière... »

Tant et si bien qu’Annie arrive à reconquérir toute l’affection de sa soeur. Au poitn qu’elle... (voir page 68) (scène que je trouve très belle).

Il semble pourtant que jusqu’ici Annie soit pure de tout coupable équivoque. Elle n’aspirait qu’à retrouver le royaume de l’enfance que chacun de nous porte en soi.

Hélas ! Elle ne pouvait prévoir que l’enjeu monterait si haut. Après la scène de la page 68 (mentionné + haut) Annie ne tarde pas à se rendre compte que sa cadette est éprise d’elle – selon la chair.

Dès lors, sa décision est prise. Elle se raidit tout de bon et s’arrange pour lui faire épouser un écrivain. (« Mariage qui est une farce » dira plus tard la cadette. Ils se sont laissé marier comme des enfants dans une comédie de patronage).

Cela fait, Annie s’installe à Paris, y fonde quelque hebdomadaire et en devient la rédactrice en chef.

Deux ans + tard, revenant à Nîmes, elle retrouve sa soeur – qui mourra des suites d’une fausse couche, etc.

(Toute cette fin est embrouillée en diable et je ne suis pas sûr d’avoir bien compris).

Un tenant de Freud (ou Potachon) verrait sans doute en Annie le type parfait de la délirante par trouble sexuel inconscient.

Pour moi, cette Annie m’apparaît dans une sorte d’innocence tragique. C'est un peu Phèdre, malgré soi incestueuse. On ne sait d’elle que son angoisse et son repentir. Elle ne peut, certes, faire horreur tant elle fait pitié.

Au résumé, ce n’est pas indifférent. Bien que... Ici aussi, le « bavardage » se donne carrière à l’excès – Manque de rigueur, de fermeté.

Une certaine justesse de ton dans le dialogue.

Roland Purnal à Jean Paulhan (30 avril 1951) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 30 avril 1951.
Cher Jean,

Consultant, l’autre matin, ta collection de la N.R.F., je suis tombé sur la page que tu consacres à Jacques Rivière. Que te dire et comment te dire ? Tout le reste est de la bourre à côté. Tu m’as fait saisir ce que c’est qu’une certaine vérité du coeur. Je n’en dis pas davantage, et pour cause.

J'ignorais que Rivière eût été fait prisonnier le 24 août quatorze. Je te dirai un jour ce que cette terrible date éveilel dans mon esprit.

Je t’embrasse

R.

Je te remercie de ton billet J'aurais mauvaise grâce, je pense, de ne pas faire signe à Barrault.

Roland Purnal à Jean Paulhan (1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1952.
Cher Jean

Voici la phrase (je cite) que je voulais te dire :

« En somme, tant qu’on est dans la guerre, on se dit que ça sera mieux dans la paix, etpuis on bouffe cet espoir – là comme si c’était du bonbon, et puis c’est rien quand même que de la emrde » (Voyage, 292).

Qui fera jamais mieux dans le genre ? La prose de prose ? C'est vraiment de la soupe aux choux.

Vendredi, chez toi : huit heures moins cinq. D'avance, les Indes me comblent de joie.

Je t’embrasse

R

Roland Purnal à Jean Paulhan (8 octobre 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 8 octobre 1952.
Cher Jean

Méalin, pas sérieux ? Allons donc ! Mais c’est la sériosité même. Je le soupçonne seulement d’être un peu tatillon; Rassure-toi, les choses iront à merveille;

Je l’ai vu hier : il compte y mettre la dernière main au début de la semaine prochaine.

Je t’embrasse

R

Ma santé commence à me faire suer. Il ne se passe pas de semaine qu’un nouveau malaise ne se déclare dans quelque coin de ma carcasse. J'ai peur, surtout, de perdre la vue.

Roland Purnal à Jean Paulhan (1954) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1954.
Cher Jean

Pardonne-moi : 'est absurde ce que je t’ai dit là. Comment pourrais-je avoir des choses terribles pour toi ? Décidément mon mal (poussée d’osté = myélite) ce mal m’a quelque peu détraqué la cervelle.

Allons, n’y pense plus, je te prie.

Et crois que j’essayerai de tenir mes promesses

Je t’embrasse

Roland

Je savais que l’état de Germaine empirait. Chaque fois que je voyais Perros, il m’en parlait. Faute de pouvoir t’aider, j’ai préféré de me taire.

Roland Purnal à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1955.

[Purnal]

Cher Jean,

Tu as raison : je suis le dernier des lourdauds. C'est trop peu dire : en plein ce qu’on appelle un [saere?] ! Mais que veux-tu ? Je tremble toujours à l’idée de violer ma thébaïde. Quelle misère, et pourtant c’est vrai.

Je t’embrasse

Roland

Je viens de voir l’exposition de Picasso (Pavillon de Marsan). On se sent tout petit quand on entend ça ! Je songe surtout à « la Musique » et à « l’étude pour les Demoiselles d’Avignon ». Si, par chance, un jour, tu étais de loisir, j’aimerais à revoir tout cela en ta compagnie. Mon petit taureau (or, silex) m’aide beaucoup dans l’oeuvre en cours (Pancho Vargas)

Je t’embrasse encore

R.

Roland Purnal à Jean Paulhan (1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1955.
Cher Jean,

Je viens de voir Adamov. Affaire entendue. Je tâcherai de lui donner quelques articles )à la fin de la semaine prochaine. Mais, de grâce, ne m’envoie plus personne à l’avenir Notre équipe est constituée. Il n’y manque pas un bouton de guêtre. Mais je suis heureux tout de même de dépanner Adamov.

Je t’embrasse

Roland

Roland Purnal à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1957.
Cher Jean.

Voici une lettre d’Hubert Pruvost qui est, je pense, tout à fait propre à t’éclaire sur la question.

(Je l’ai montrée à Jacqueline mais par à Fred, et pour cause).

Je t’embrasse et j’attends ton retour avec impatience.

Mille compliments à Toesca.

Roland

Roland Purnal à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1957.
Cher Jean,

Je t’envoie sans plus attendre ce message d’Hubert Pruvost que je viens de relire plusieurs fois.

Se peut-il rien imaginer de plus émouvant ?

C'est te dire que j’ai bon espoir que tout s’arrangera.

Mille amités à Toesca

Je t’embrasse et à bientôt

Roland

Roland Purnal à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 1957.
Cher Jean,

J'ai pu m’entretenir ce matin, durant plus d’une heure, avec le cher Hubert Pruvost : (son attention, sa compétence, sa gentillesse ont fait merveille, comme de coutume).

Pour tout dire, il se plaint un peu de la réserve de Frédéric à son égard : réserve qu’il juge excessive.

Si, au lieu d’écrire, en effet, la missive dont je t’air parlé, ton fils s’était ouvert, sans plus, des on malaise à lui, Pruvost, il aurait mis ce dernier en meilleure posture pour régler l’affaire en question.

Baste ! Pruvost n’en est pas moins prêt à tenter de redresser la situation...

(il verra ton fils lundi prochain)

Sans pouvoir répondre, toutefois, du succès de l’entreprise, car pour l’heure « le vent n’est PAS à l’affectation ».

Entends par là qu’il est vraiment très difficile de « maintenir » à Paris, etc...

Je t’embrasse et garde bon espoir

Roland

Roland Purnal à Jean Paulhan (15 décembre 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 15 décembre 1958.
Cher Jean,

Je ne sais comment te demander MON pardon pour t’avoir manqué de si odieuse manière dans la circonstance tragique où tu te trouvais samedi dernier.

La vérité, c’est qu’étant privé de toute sommeil depuis une quinzaine de jours, et travaillant sans relâche, j’étais devant toi, ce jour-là, en état d’HYPNOSE : hors d’état d’entendre ce que tu m’apprenais, absent des autres autant que de moi-même, - perdu, en somme, corps et biens...

Ce n’est qu’une fois dans le métro que j’ai pris conscience de ce que j’avais fait. Revenir sur mes pas, t’expliquer et le reste ? Je ne l’ai pas osé.

Depuis lors, je ne suis plus que rage et que honte, désemparé comme rarement été.

Et j’ai tout le chagrin du monde.

C'est tout

Purnal

Roland Purnal à Jean Paulhan (17 décembre 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 188, dossier 096101 – 17 décembre 1958.
Cher Jean,

Merci, ô merci ! J'ai trouvé hier soir ta lettre sur mal table... (Tu as reçu la mienne, j’espère ?) Quel bonheur que la petite Claire s’en soit tirée à si bon compte !

Un mot sur René : son accès d’humeur à l’endroit de Maurice Garçon. Je connais René depuis assez longtemps pour t’assurer de la manière la plus formelle que son propos n’est entaché d’aucune médisance. Pour ma part, je ne vois là-dedans qu’un simple abus – imputable à l’inquiétude où le jette l’affaire en question.

René a toujours eu pour toi une grande dévotion. Si léger qu’il se montre parfois dans le train ordinaire de la vie, il ne relâche jamais rien de sa fidélité – dès qu’il s’agit, par exemple, de St. Ex, d’Honegger ou de toi-même.

C'est dire qu’en cette occurrence, je le crois seulement victime de son impatience. De là qu’il se laisse entrainer par son imagination.

Quant à mon ROMANCERO, c’est quelque chose à quoi je tiens terriblement.

Ce n’est pas du tout une simple plaquette comme celui de [Lorea?]. Mais un long poème d’environ deux mille vers (58 romances). Chacun de ces romances est le fruit d’une expérience personnelle, - en pied de la lettre : mon TESTAMENT dans le domaine de la poésie.

Mais je veux le laisser dormir pendant quelques mois. Car il importe que tout d’abord je te donne PANCHO VARGAS. Si tout marche comme je l’espère, j’y aurais mis le point final environ le premier FÉVRIER.

Quel dommage qu’il me faille oeuvrer dans la plus cruelle pénurie d’argent. Il y a des jours où il me semble que je deviens fou tout de bon ! Tu en as eu, d’ailleurs, la preuve l’autre samedi : oui, j’étais quasiment dingo, ce fameux jour.

Je t’embrasse, et j’irai, si tu me le permets, te voir samedi.

Roland