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Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :
1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…
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Bertha Rhodes
1926/1958
Bertha Rhodes à Jean Paulhan
Correspondance (1926–1958)
2017
Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL, 2017, license cc.
Merci pour ta lettre et la gentille carte d’Aubure1. Je viens de rentrer. J’étais à Windermere où tout va bien. J’en suis
contente, Arthur se porte bien et a l’air heureux. Mais j’ai rapporté un gros rhume qui me
gêne. Je ne sais pas au juste quel jour j’arriverai à Paris mais pas avant le 1er octobre. Tes parents m’ont invité [invitée], je ne sais pas combien
de temps ils veulent me guarder mais peut-être une quinzaine de jours, puis la
tante à Bexhill m’attends [m’attend]. J’ai bien des choses à faire ici encore pour
m’installer en rentrant. Que je serai contente de revoir ta Maman2 ! Elle viendra je crois à la gare me
chercher. Moi je crois qu’il vaut mieux laisser dormir les malentendus. Après si longtemps
on peut bien oublier ces choses. Je pense que tu es de mon avis là, si tu ne l’es pas tu
as bien changé, il faudra faire ta connaissance une fois encore. Ça sera gentil.
Excuse moi je vais soigner mon rhume. Un jour bientôt je te reverrai.
Où est [es]-tu ? Tu n’est [es] pas malade ? J’ai cru que tu me dirais que j’étais sage
d’avoir tâché de faire ce que tu m’as dit de faire.
Je suis comme des enfants. J’aime qu’on fasse attention à moi quand je fais des efforts.
Mais sérieusement je suis un peu inquiète de ne pas avoir eu un mot de toi depuis que je
t’ai écrit le 19 février. J’ai reçu le [la] nrf pour Mars.
Le 20 Février la Tante a eu une attaque cérébrale, après elle n’a pu remuer que le bras
droit. Je suis allée chaque jour à Southport pour aider à la soigner. Puis je suis tombée
malade moi-même de la grippe. Je vais mieux mais pour le moment je suis affaiblie. Je
crois me remettre bientôt. Tante Annie est morte le 7 mars. Nous l’avons enterrée jeudi.
Elle était très fatiguée de la vie. Elle n’a pas pu saisir le someil [sommeil] dont elle
avait besoin.
Enfin, c’était le coma jusqu’à la fin.
J’ai beaucoup à faire ces jours-ci. Je t’écrirai plus longue [longuement] une autre
fois.
Je t’embrasse. J’embrasse aussi Germaine. Comment va-t-elle ?
Merci bien de ta lettre et la carte. Je n’ai pas le temps à présent de t’écrire
beaucoup.
Voici le récit, c’est à peu près à l’heure n’est-ce pas ?
J’ai presque honte de te l’envoyer. Je le sens faible et peu de choses pour intéresser
d’autres personnes que moi. Quand je pensais à te l’écrire à Windermere, c’était pour te
faire comprendre un peu les choses qui [tenaient ?] et me préoccupées [préoccupaient]
là-bas.
J’ai lu la lettre de R[ainer] M[aria] Rilke3. C’est bien sympathique. Quand je te
revoir [reverrai], je te demanderai de me parler de lui. Vous avez eu bien des tristesses
pour le commencement de l’année.
Le pauvre Orso4 il a dû être triste de vous quitter car je crois que les
bêtes savent quand la morte [mort] les approche. Mais je crois aussi qu’il n’a pas dû
beaucoup souffrir de la maladie. J’ai eu la jaunisse autrefois. J’ai ressenti une [un]
malaise généralle [général] difficile à définir. J’ai pensé à plusieurs choses que j’avais
l’intention de dire à Germaine. Tant pis. Excuse ce griffonage [griffonnage].
Vous avez sans doute commencé l’année mieux que moi, je suis au lit avec un gros rhume et
un poumon pris. A présent, je vais bien. Nous avons justement fini les affaires du
testament de Tante Annie, j’en suis bien aise.
A Windermere ce n’est pas arrangé encore. Après un tas de lettres là-dessus on m’a
préparé une pétition à l’évêque de Carlisle, je l’a [ai] signé [signée] et on l’a présente
pour moi devant le Consistory Court. J’attends la réponse qui doit me permettre de faire
réparer l’erreur qu’on a fait [faite] pour les tombeaux.
Il y a beaucoup de petites choses qui m’occupent. Ma cousine veut redevenir sujet
britannique, il faut appuyer ses demandes.
Que je réponds à ta question. Que m’avait écrit Sala5 en 1919 ? Voyons, ce n’est pas bien intéressant sauf comme
exemplaire échantillon de méchanceté. Tu te rappelles l’occasion ? En
rentrant à Paris, tu m’as donné une nouvelle adresse et tu me reprochas de t’avoir écrit
peu. J’ai répondu que je t’écrirai là, que je t’avais écrit des lettres que tu n’avais pas
reçu [reçues]. Elle écrit sur du papier à chiffre A[ ?] P[aulhan] : « Non, Jean ne vous
écrit ni ne reçois vos lettres en cachette ». Elle continua que je « manquez [manquais] de
perspicacité » si je pensais cela peut-être. Que vous m’écrivez par simple politesse.
Qu’elle [approuvait ?] « plutôt par pitié » de moi. Que mes lettres étaient de la bêtise.
Elle dit encore qu’elle n’était jamais trompée sur la fausseté de mon caractère que je me
nommai ta sœur mais que j’aspirais à devenir ta maîtresse ou ta femme. Que même si elle
venait de [à] mourir ce n’est pas moi que tu choissirait [choisirais] pour ses enfants.
Elle finit par me dire de ne plus « cramponner ». Naturellement, je n’ai pas répondu. Elle
n’a pas dû croire elle-même à ce qu’elle disait. Tout de même pour ne pas être cause de
friction entre vous, je t’avais écrit qu’il vallait [valait] mieux que nous ne nous
écrivions plus l’un à l’autre. Je sais bien que parfois je t’avais écrit des choses qui me
passaient par la tête sur le moment. Je comptais sur toi de m’entendre avec un grain de
sel6. Notre correspondance pendant la guerre m’a aider [aidée] à
supporter la vie triste que je menais chez ma tante, et puis toutes tes lettres de
Madagascar, tu étais toujours bien brave ! Cette lettre ne me plaît pas à écrire mais
voilà j’en suis débarrassée.
Avez-vous passé un petit séjour agréable à Port-Cros7? C’est bien là tout le long de
l’année ? Il me tarde de le voir et aussi de vous revoir. J’aimerais voyager un peu cette
[cet] été. Je suis toujours très contente de mon « chez-moi ». Je me dis souvent qu’un
jour je me mettrai à lire le tas de choses qui attend. Je commençais à lire « Les Hommes
de la route »8, c’est très bien. Mais je ne l’ai pas continué, je le ferai.
Depuis Noël, nous avons eu les tempêtes et la pluie. Les ardoises s’en vollent
[s’envolent] des toits et les cheminées se rabattent, la terre est pleine d’eau. Beaucoup
de gens sont malades. Au revoir,
Il me tarde de savoir comment tu vas, que tu vas mieux9. Tu a [as] le
droit de dire que je ne mérite pas de savoir puisque je ne t’écris pas plus souvent. Tu
étais bien brave de m’écrire avec ton seul œil. Au moins j’ai pensé souvent à toi.
J’ai fait beaucoup de choses qui ne sont pas intéressantes ces jours-ci. Il fait froid,
je n’aime pas le froid, je me promène dehors, j’ai froid, je rentre, je me change, puis
j’ai someil [sommeil]. Le temps passe.
Je vais bien maintenant, je sens la différence depuis qu’on m’a enlevé ces sources de
poison.
Le dentist [dentiste] dit que ma bouche s’est guérite merveilleusement. Il
regarde son œuvre avec plaisir, c’est les dents pour manger avec qui me manquent il va
m’en mettre, il prend des impressions [empreintes] avec beaucoup de précautions. Il me
faut aller le voir souvent. Mais c’est pour quelques minutes seulement. Hier, je suis
encore allée à Southport. La tante demande toujours à me voir, elle s’ennuie parce que son
fils et sa fille ne lui causent pas.
Beaucoup de gens qui m’ont écrit ce Noël se plaignaient d’être malades.
Es-tu allé à Port-Cros te remettre ?11 Tout ce que tu m’écrivais m’a
bien intéressé [intéressée]. Il serait domage [dommage] de mettre des maisons quelconques
à Port-Cros. Quels sont les terrains militaires dont tu parles ? Tu dis « entre
les qui séparent les forts ». Oui, je crois que Mr. Henry12 quand il s’intéresse
« ne laisse pas pousser l’herbe sous ses pieds ». Tristan da Cunha13 va perdre son pasteur. Il était d’autres
fois [autrefois] dans les environs d’ici. Il est tombé malade, on va le chercher et en
même temps on leur amène un autre. On n’avait que deux semaines pour trouver un pasteur et
l’équiper. C’est un type adventureux [aventurier] qu’on a trouvé, il va s’ennuyer là. Je
suis allée entendre les chants de Noël à la Cathédrale, on a chanté parmi d’autres [entre
autres] une berceuse de William Blake. Miss Barnes14 m’a montré un jour un livre qu’elle a de lui. C’est étrange quand
tu m’as montré les images de lui je n’en avais jamais entendu parler. Je suis toujours
contente que Noël soit passé. Il faut faire trop de lettres, c’est une scie. J’écris à
quelqu’un avec un paquet ou une carte. Cela croise avec le leur, je leur écris mes
remerciements et cela aussi se croise avec une lettre d’eux, puis s’il raconte qu’ils sont
souffrants ou tracassés, il faut encore écrire leur sympathie. Ça ne fini [finit]
plus.
Je tâcherai de t’écrire mieux bientôt. Si tu m’écris raconte-moi beaucoup de choses et de
toi. Ta Maman me raconte – sa lettre m’arrivai [m’est arrivée] avec la tienne – que
Germaine t’a très bien soigné. J’embrasse bien Germaine. Je vous souhaite tous les deux
une bonne année. Je t’embrasse.
Voilà bien du temps que je ne t’ai pas écrit, pourtant ta dernière lettre m’a fait grand
plaisir. Tes lettres font toujours plaisir. Maintenant c’est pour te dire que je viens. Tu
le sais déjà peut-être, j’amène Miss Thomas, elle désire te connaître et Germaine aussi.
Elle est sympathique. Elle n’est pas jolie comme figure mais je la trouve attachante. Elle
me parle souvent de tes enfants15, elle aimerait les voir. Elle aime la
jeunesse surtout les garçons. Je vais lui montrer Paris un peu. Elle n’est jamais sortie
d’Angleterre sauf quand elle avait 3 ans elle est allée en Ireland [Irlande] avec sa
famille. Tu as une bonne idée, si tu vous trouvez une maison un peu trop grande
pour vous. Vous pouvez me sous-louer une pièce pour quand je viens en France. Comme tu dis
tu pourras me surveiller. Tu es optimiste. J’ai presque le désespoir de jamais arriver à
travailler sérieusement. Certainement je vois que je ne travaillerais pas ici en hiver,
pas la peinture au moins. Souvent il fait très sombre, on ne voit pas bien. Quand il fait
clair, il fait froid et cela m’ôte le peu d’énergie que j’ai.
Ces jours-ci il fait beau, je suis allée à Windermere. Arthur va bien. Je lis ton carnet
toujours dans la revue et d’autres choses aussi. J’étais très contente de revoir
« Cœur »16 de M[onsieur] Supervielle. J’aimerai [aimerais] avoir
son livre « Le Survivant »17 je crois que c’est le titre. Ce morceau
dans Commerce18 l’été passée [passé] fût si bien. Nous arriverons samedi à
10 heures 18 à la gare S[ain]t-Lazare.
Nous resterons à peu près deux semaines c’est peu mais la tante à Bexhill nous
attend.
Il me tard [tarde] de vous revoir tous les deux.
Je vais bien j’ai eschappée [échappé] à la grippe mais beaucoup de monde ont été malade,
on est gêné partout. Il me faut aller à Southport demain puis j’ai ma malle à faire.
Au revoir à bientôt.
Je vous embrasse tous les deux bien affectueusement.
Quand nous étions à Bexhill nous sommes allées à Londres pour déjeuner avec une très
vieille dame. Elle était l’amie d’enfance de tante Annie. Quand elle est allée à l’école
pour la première fois, elle nous a dit, elle [était] une petite fille, têtue, passionnée,
prête à dire des sottises à tout le monde. Ma tante un peu plus âgée qu’elle, y fut
[était] déjà. Elle était calme et bonne, elle avait des [soins ? elle prenait soin de]
pour sa petite amie. Tout le long de leur vie, elles n’ont jamais eu un malentendu.
Maintenant elles ont le même âge n’est-ce pas ? Peut-être même elle [devancera ?] ma
tante sans doute parce qu’elle est bien vivante. Les personnes [mortes ?] ne peuvent pas
vieillisser, peut-être peuvent-elles avancer dans autres sens, mais vieillir,
non.
Mon grand-père qui avait 30 ans quand il est mort, a trente ans encore selon dans ce
monde, autrement il n’est plus mon grand-père. Mais cela n’est pas l’histoire que
j’allais te raconter.
Mrs McL.S. est jolie encore, ses yeux brilles [brillent], ces [ses] cheveux sont tous
[tout] blanc et bien coiffées [coiffés], une robe de la soie noire, des boucles d’oreilles
et deux longs colliers en (je ne trouve pas le mot c’est une pierre verte) avec un bouquet
de fleurs mauve à son corsage. Elle a causé toute l’après-midi. Elle nous dit : « j’ai
reçu ce matin encore une lettre d’Emmie ». Nous avons demandé qui est Emmie et pourquoi
écrit-elle ? La voilà lancé [lancée] sur son histoire. Emmie est l’ancienne domestique de
sa sœur. La sœur de Mrs McL.S. est morte il y a quelques années aussi [ainsi que] leur
frère qui était Amiral de la flotte bien estimé. Ils habitaient Londres, chacun avait un
appartement. Emmie était plusieurs années avec sa maîtresse qui en mourant lui a légué une
pension et en plus £100. Emmie a tout de suite donné plus que la moitié de l’argent à des
œuvres de bienfaisance, puis avec le reste elle a acheté 257 (je crois que c’est le
nombre) livres de chants religieux avec notations. On a cru qu’elle allait en doter un
temple quelque part. Mais non, elle disait qu’elle les prendra avec elle quand elle ira au
paradis, que les saints là-bas ne savent pas chanter, qu’il leur tarde qu’elle arrive avec
les livres. Elle faisait les journées, je crois, comme lingère chez des particuliers
pendant quelque temps. Un jour, elle disait tout-à-coup que Dieu le Père lui avait défendu
de travailler plus qu’un jour par semaine. Elle lui obéit. Son père était jardinier dans
les grands jardins botaniques à Kew. Elle est allée raconter à sa famille ses expériences.
Son père l’écoutait tranquillement puis il dit : « Je crois ma fille que tu es maboule ».
Elle n’est plus allée voir sa famille qui d’ailleurs ont déménagés. Elle aussi a quitté
Londres, elle est allée au bord de la mer, là elle a acheté une petite maison. Elle habite
seule mais elle songe à louer une de ses chambres à une jeune ouvrière. De là-bas, elle
écrit souvent à Mrs McL.S. Quand elle ne reçoit pas de réponse assez longue, elle lui dit
tout son mécontentement. Elle dit que son ancienne maîtresse et le frère de celle-là
viennent de Paradis pour la voir, qu’elle les amène promener avec elle en autobus. Ils
sont allés aussi avec elle au cinéma pour voir « Ben Hur ».
Mrs McL.S. lui dit « j’espère que vous leur avez payer [payé] leurs places parce qu’ils
n’ont pas d’argent avec eux ? ». « N’ayez pas peur, elle répond, cela s’est bien
arrangé. » Elle dit que longtemps Dieu la faisait souffrir à cause de sa maîtresse parce
que celle-là avait avant de mourir permis au médecin de lui faire quelques petites piqûres
de morphine, cela lui a valut [valu] un peu de repos car elle souffrait affreusement.
Emmie dit maintenant que c’est fini Dieu ne lui punit plus à cause des péchés de sa
maîtresse mais à cause de Mrs McL.S. parce que c’est elle qui a sugérer [suggéré] au
médecin de faire les piqûres et encore pour d’autres péchés semblables.
Récement [récemment] elle dit qu’elle a des nouvelles de Paradis, que toute la famille de
Mrs McL.S. sont là et qu’il leur tarde qu’elle les rejoins [rejoigne]. Mrs McL.S. répond
dignement qu’elle espère que quand le moment vient qu’elle doit quitter cette terre elle
sera prête et contente mais qu’en attendant elle ne compte faire aucune démarche dans
cette direction. Je disait [disais] que je n’aime pas l’idée que Emmie peut venir voir Mrs
McL.S. pour tâcher de lui persuader de partir avec les livres de chants. Mais la dame ne
craint rien elle dit que Emmie croit que Dieu lui a défendu d’aller la voir.
J’ai prié à Mrs McL.S. de demander conseil au médecin qui a soigné sa sœur et qui a aussi
soigné Emmie autrefois. La sœur disait que Emmie était drôle parfois. Je souhais
[souhaite] que rien de désagréable n’arrive à cette dame qui a 87 ans.
3.
J’ai été très occupée à nettoyer mon appartement cela sera bientôt fini j’espère.
Je pense souvent avec plaisir que je te reverrai à la fin de juin.
En attendant, j’ai une visite à faire qui ne m’amuse pas beaucoup.
Je tâcherai à te causer encore bientôt.
J’embrasse Germaine, je doit [dois] lui écrire aussi.
Quand ta lettre, ta longue lettre m’est arrivée je fus au lit. J’avais une méchante crise
de foie comme je n’en avais pas eu depuis presque deux ans. A présent, je vais mieux. Mais
elle est très bien ta lettre, je l’ai lu [lue] même deux fois tout de suite. Tu as très
bien décrit ce que tu as senti je l’ai bien suivit [suivi]. Si je fus à ta place,
c’est-à-dire, si j’avais une revue et le reste le sentiment de responsabilité me pèserait
tout le temps comme ça, moi j’ai facilement des soucis. J’ai été souvent émerveillée par
la facilité avec quoi tu entreprends les projets et endosses les responsabilités. Tu as
raison de remarquer que, quand tu as des idées noires ou étranges, tu es malade
Je te supplie de mettre cette idée quelque part dans ta tête où elle se retrouvera quand
tu as besoin d’elle, surtout quand ta chère femme ne soit [n’est] pas à côté de toi pour
te la faire rappeller [rappeler].
Il ne te faut jamais négliger un [une toux ?]. Les [toux ?] fatigue [fatiguent] le
cœur.
Non, je ne vais pas t’ennuyer avec ça mais tu sais bien que j’ai raison.
Tu sais ta Maman m’a guérit [guérie] d’une bronchite il y a 23 ans je n’en ai plus eu
mais c’est vrai que je tâche à être prudente. Tu sais il ne faut pas penser à quitter ce
monde de sitôt, tu n’as même pas mon âge. Moi, malade, je suis engourdie mais toi tu fais
une maladie attachante19.
Il ne faut jamais hésiter à se soigner de peur d’être ennuyeux aux autres. Je ne sais pas
si tu te rends compte que tous tes gestes sont gracieux cela fait que tu es intéressant ou
même supportable quand un autre ne le serait pas…
Les Supervielle ont dû être en soucis pour leur fils. Est-ce qu’ils seront à Port-Cros
cette année ? Et Port-Cros, quand comptes-tu y aller ? C’est domage [dommage] le
« blanc-nez » peut-être encore bu [trois mots illisibles]. Dites si vous venez à Londres,
ne pouvez-vous pas pousser jusqu’ici, je serais enchantée.
Miss Cooper m’annonce qu’elle doit arriver dimanche le 23. Elle restera 2 ou 3 jours. Je
ne pourrai pas vous donner une chambre ici en même temps qu’elle mais je prendrai une
chambre à l’hôtel pour vous recevoir si vous arrivez à ce moment-là. Pensez en [y] dites
moi. Je vais demain lundi à Windermere pour deux ou 3 jours. Il me faut voir Arthur, aussi
si on a bien peint la maison.
A propos de peinture, j’aimerais vous envoyer de la bonne couleur de notre fabrication à
la Vigie20 pour finir de peindre les portes et fenêtres si ce
n’est pas fait et que cela vous fasse plaisir. De vert comme on a déjà n’est-ce pas ? Et
faut-il l’adresser chez Berthold21 ? Salins de Heyres
[Hyères].
J’ai lu le premier livre volume de Remy de Gourmont mais pas encore le
deuxième il a des idées intéressantes parfois. Je viens de lire « Le Survivant »22
je l’aime beaucoup. J’avais lu un grand morceau dans Commerce je le retrouvai avec
plaisir. Je chercherai d’autres livres de M. Supervielle quand je reviens à Paris.
2.
Il décrit avec tant de délicatesse. Il est charmant.
Je n’ai pas lu le numéro juin de la revue mais je vois qu’il y a quelque chose de Henry
[Henri] Michaux23.
Ma visite à « Brockhampton Park » s’est bien passé [passée]. C’était la veuve du cousin
de mon père, le cousin Fairfax qui m’avait envoyé [envoyée] à Paris pour étudier
l’art24. Mrs Rhodes est sa seconde femme, elle m’invitait avec insistance,
j’aurais préféré d’aller une autre fois parce que j’ai assez à faire à présent. C’est
intéressant d’aller de temps en temps où tout se passe très soigné. Mais je ne l’aimerais
pas pour toujours. Je me sens trop surveillée quand une femme de chambre me sors [sort] la
robe, les bas et tout ce que je dois porter. Je [me] rebelle. Je me mes [mets] toujours
autres choses. Un soir nous dinâmes Mrs Rhodes et moi ensemble dans la grande salle à
manger, les plats bons et le service bien fait. Nous parlions doucement des choses pas
importantes. On avait remarqué qu’il y avait peu de mûriers dans le pays, de là on parla
de vers à soie. Pour continuer à dire quelque chose, je racontai une petite histoire du
petit fils d’une amie. Le garçon tout petit avait 3 vers à soie qu’il aimait beaucoup, il
les nomait [nommait] « Pip », « Squeak » et « Wilfred » après les trois héros des
enfants25. Un jour, il courait à sa maman, il
était très agité, il criait : « Wilfred est perdu ». La maman mit son chapeau et elle
court vite chez une amie dont le fils se nomait [nommait] Wilfred, un ami de son petit.
Mais il fût tout sauf. Ce ne fut que le vers à soie qui était perdu. Tout à coup il y
avait auprès du buffet les assiettes qui dégringolaient et les plats qui se choquaient et
le valet qui sortait précipitament [précipitamment] de la pièce. « C’est dit Madame très
tranquillement que le nom du valet est Wilfred ». « Je ne le savais pas, je dis, rien de
personnel. » Le maître d’hôtel dit que le valet fut tellement amusé qu’il ne pouvait plus.
Madame dit « en effet » si on compare cette longeur [longueur ?] de Wilfred à un vers à
soie c’est assez drôle. » Je n’osais plus regarder Wilfred !
Je prenais ma boîte à couleurs avec moi mais je n’ai rien fait, il pleuvait presque tout
le temps.
Au revoir Jean, portes-toi bien et sois bien prudent.
J’ai beaucoup de choses à faire ces jours-ci.
Je vous embrasse bien tous les deux.
Bertha
P.S. Mrs Rhodes s’intéressait beaucoup à tout ce que je lui dis de Port-Cros, je lui ai
montré mes esquisses. Elle a trois filles par son premier marriage [mariage], qui habitent
pas loin d’elle. J’ai prêté la revue n° mai à l’aînée qui la trouvait très
intéressante.
Ta lettre m’est arrivée hier soir. Merci bien. Avez-vous pu vous reposer toi et Germaine
après les évènements pénibles ? J’ai de la peine à vous savoir fatigués26.
Je te réponds ce petit mot tout de suite. Oui, je veux bien aider avec les frais pour
Port-Cros comme je t’ai dit.
Les 2000 fr[anc]s et 3000 s’il y a besoin. Il me serai [serait] le plus commode de les
prendre avec mon argent pour le voyage et te les donnerai à Paris. Mais s’il te les faut
avant, dis-le moi je m’occuperai de les envoyer.
Je tâcherai d’arriver à Paris avant le 14 juillet qui n’est pas un jour pour voyager en
France. Je regrette que Jeanne27 ne viens [vienne] pas à la Vigie cette année surtout parce que c’était
plus reposant pour Germaine de l’avoir. J’aiderai si je peux mais je ne suis pas
cuisinière. Jeanne était amusante aussi.
Tu ne m’as pas répondu pour la couleur28 que j’ai offerte. Si tu le
veux pour cette année, il faut le dire parce que je dois passer au bureau dire au
secrétaire comment faire pour l’envoyer.
Si on ne vas [va] pas l’employer à présent, il vaut mieux l’avoir tous [tout] frais une
autre fois. La couleur ne gagne pas à être conserver [conservée] dans la chaleur. Non, je
ne savais pas la mort de Mlle Hubaine, je te remercie de m’avoir dit ainsi je pense écrire
un mot à Mlle Suzanne29 qui
doit bien être triste de la perdre.
Oui tu as raison pour les idées en théorie mais elle n’exauce pas du devoir d’être aussi
prudent que possible dans la pratique.
On dois [doit] savoir s’observer un peu en-dehors de soi si on peut le dire.
Je vais mieux je tacherai aussi d’être prudente.
J’ai eu Miss Cooper ici pour une toute petite visite, elle est partie pour Chester. Je
vous montrerai Chester si vous resterez quelques jours ici. Je serai heureuse de vous
rejoindre et de voyager avec vous à Port-Cros30. J’ai bien à faire. Au revoir. J’embrasse Germaine, je la remercie pour
sa lettre. Je t’embrasse bien.
Je suis rentrée hier soir de Windermere. J’espère que tout s’arrangera. Nous avons,
n’est-ce pas un contract [contrat] avec les Hazlehurst qu’ils s’occupent tout [tous] les
deux d’Arthur. Or l’homme est malade, il ne guérira jamais tout à fait mais il ne le sait
pas, sa femme était aux despoir [désespoir] pensant que puisqu’ils ne peuvent pas remplir
leur devoir que je voudrais les chasser et chercher d’autre ménage. Je l’ai rassuré
[rassurée]. Elle s’occupe d’Arthur admirablement sauf qu’elle n’a pas le temps de lui [le]
promener deux fois par jour. Un voisin l’a fait ces jours-ci pour l’aider mais il ne peut
pas toujours. Le médecin voulait proposer un homme qu’il connaît pour les promenades, mais
je ne le trouve pas très pratique, ce type est tuberculeux, il est très supérieur et il
veut un assez fort gage. Enfin le médecin veut placer son homme.
Moi je préfère de donner la liberté à Mrs Hazlehurst de choisir et engager celui qui
sortirai [sortira] avec Arthur parce qu’elle vera [verra] tout de suite si cela ne va pas.
Aussi je n’aimerai pas comme veut le médecin enlever de l’argent des gages des Hazlehurst
pour payer l’autre comme si on ne l’avait pas confiance en eux qui ont bien fait pendant
plus de quatre ans. Je les ai beaucoup réconfortés ; ensuite il me faut avoir l’avoué de
mon avis aussi, je lui ai écrit pour le voir. Le pauvre H[azlehurst] a l’os du machoir
pourit [de la mâchoire pourri], trop pour qu’on puisse opérer. On l’a traité, on a arrêté
le mal pour le moment. Peut-être le [au] printemps pourrait-il reprendre l’occupation pour
quelques temps [ ?]
Arthur était très content de nous voir. Mais il avait des larmes aux yeux à notre départ.
Nous faisions [avons fait] trois bonnes promenades avec lui malgré le temps de gros
[grosses] averses. Je suis très contente des bonnes nouvelles de Germaine. Je vous
embrasse bien tous les deux. Excuse en hâte.
Votre Bertha
Le tableau est arrivé mais je n’ai pas eu le temps de le déballer.
Je viens de lire un livre de guerre le plus poignant et le plus psychique (si on peut
dire ainsi) que j’ai lu. Le connais-tu ? « Good bye to all that » par Robert Graves
(Jonathan Cape). Robert Graves est un poète dont les vers sont appréciés. Il écrit son
autobiographie. Le récit est très fort mais aussi il montre comment la guerre changait
[changeait] les hommes, leurs pointes [points] de vues [vue], leurs idées, leurs
sentiments, surtout en [chez] ceux qui sont restés pendant de longues périodes sur le
front.
Son père était d’origine Irlandais et sa mère allemande. Il faisait ses études à
Charterhouse, une influence très bourgeoise, il ne s’entendait pas très bien avec ses
camarades mais il jouissait bien de bons [bonnes] vacances passé [passées] chez les
parents de sa mère en Allemagne et aussi d’autres en Pays de Galle.
Il allait entrer à l’Université quand la guerre éclata. Il s’engagea aussitôt, en peu de
temps il se trouvait officier en France avec un régiment gallois. Il raconte franchement
tout ce qu’il voyait, tous [toutes] les erreurs et les défauts imprudemment même, on me
dit qu’on va le poursuivre pour cela même
2.
Il fut blessé trois fois. Pendant les congés de convalessence [convalescence] il ne
pouvait guère supporter la vie civile, il lui tardait de repartir pour eschapper
[échapper] à ces insincérités. Il épousa une jeune fille d’idées très avancées. Ils se
marriaient [marièrent] très légalement que pour faire plaisir aux parents. La guerre fini
[finie], ils passaient des années très difficiles, ils avaient quatres [quatre] enfants et
peu d’argent. Il était à l’université d’Oxford aidé par le gouvernement, il finit par être
reçu à ses examens, il entra dans l’enseignement. A cette époque, il fut influencé par le
communisme. Il accepta une situation à l’université du Caire, là il se disputait avec ses
collègues, il préférait rentrer en Angleterre. Peu à peu il se de s’était
défait de tout. Ses idées politiques, sa religion, les traditions de sa classe, sa
famille, il reniait ses poèmes même. Vers la fin, on entrevoit un drame et sa femme le
quitte ou plutôt ils se séparent. Ses amis à cause de un ou d’autres de ces faits
l’avaient abandonné. Toute sa vie s’est « désintégrée » comme il dit, il ne reste plus
rien. Il écrit ce livre même pour pouvoir se débarrasser de ses souvenirs.
3.
Graves a écrit son livre l’été passé, c’était publié en novembre. Tu dois le faire lire à
un de tes collègues. C’est vrai ! Ce n’est pas à négliger. J’ai lu aussi un autre livre
sur la guerre par Ernest Hemingway « Farewell to Arms ». C’est bien mais ce n’est pas
aussi fort que le livre de Graves. Hemingway a vu la guerre en Américain,
servant faisant son service dans une ambulance italienne. Il est un Américain
prudent, il parle de tout mais avec discrétion. Selon lui, les Italiens font la guerre
naïvement. Il raconte le grand [reculement ?] de l’armée italienne d’une manière
impressionnante. Il se démobilisa, ce n’était que prudent, tout juste il eschappa
[échappa] bel d’être fusillé. Avec tout cela se melle [mêle] une histoire d’amour tendre
et sympathique qui finit dans la tristesse avec la morte [mort] de la jeune femme. Avant
de lire ses [ces] deux livres, j’ai lu « A l’Ouest rien de nouveau »32. J’ai pris le livre en
français. C’est de beaucoup moins cher qu’en anglais. Je trouve ce livre fort, brutal
même. Il me semble à moi une collection un receuil [recueil]
4.
d’histoires qu’on a récité [récitées] ici et là au moment de la guerre. Même pour les
personnes qui ont oubliés [oublié] ces moments d’horreur c’est d’autant plus
impressionnant. C’est habillement [habilement] écrit et le moment choisi pour le faire
sortir fut propice. Justement on désirait regarder la guerre de toutes ses faces. Et
encore la réclame a été savament [savamment] faite.
Encore j’ai lu d’autres livres.
« The bridge of San Louis Rey » par Wilder. Ce livre est sorti il y a à peu près deux
ans. Le connais-tu ? C’est très bien imaginé pas banal du tout, les [personages]
personnages très vivantes [vivants] il me plait.
Aussi j’ai lu un ancien livre de Virginia Woolfe [Woolf] « Night and Day ». C’est
intéressant mais par moments un peu traînant.
Je lirai d’autres livres d’elle quand je trouve l’occasion.
Je n’ai pas encore lu « Death of a Hero »33 mais j’espère l’avoir bientôt. C’est très recherché. Les livres en
Angleterre sont beaucoup plus chers qu’en France. Je voulais m’abonner à une librairie
mais on me disait que beaucoup de
5.
monde se sont inscrit pour les livres que je désire. Miss Barnes qui les a déjà demandé
[demandés] m’a permit [permis] de les prendre à sa place, il faut lire très vite. Moi je
ne lis pas rapidement, cela m’a bien occupée depuis le nouvel an et avec des lettres à
n’en [plus] finir qui pressaient et moi un peu fatiguée aussi, mais je vais mieux à
présent. Voilà pourquoi tu n’as pas reçu [de] lettre de moi. Maintenant ce long griffonage
[griffonnage], peux-tu le déchiffrer ?
Je suis très contente d’apprendre que tu vas mieux et que vous avez passé de bons
[bonnes] vacances à Salié [Salies-de-Béarn]34. Je te
remercie beaucoup de la longue lettre que tu m’as écrite quand tu étais malade. Quand tu
es malade, tu m’écrit [écris] plus et il me semble que je te connais davantage. Peut-être
c’est que tu as plus de temps mais même que j’en profite ainsi je ne veux pas que tu soit
[sois] malade pour cela.
D’ailleurs tu me dis que tu es content que je t’avais écrit comme si je n’avais pas écrit
depuis longtemps. Or je t’ai écrit dix jours avant cela. Je crois l’avoir adressé rue de
Grenelle35. Si tu ne l’as pas reçu, je ne t’adresserai plus rien à la nrf, ce
n’est pas la peine. Aussi as-tu reçu des bonbons à ton rentré [retour] du Midi il [ils]
devaient t’attendre rue de Grenelle. La lettre n’avait pas d’importance, je t’y ai parlé
du numéro nrf de septembre, je te dis que je l’aimais.
Je n’ai pas fait de la peinture encore, la vie est trop pleine, je n’ai pas eu le temps.
J’avais espéré pouvoir venir à Paris à cette époque mais je ne puis pas l’arranger encore,
je suis encore retenue puis vers le 12 février j’ai le projet d’aller voir les tableaux
italiens à Londres et en même temps faire un crochet pour voir deux tantes. Miss Thomas y
va aussi. Après cela on verra.
Tu te trouve [trouves] bien rue de Baune [Beaune]36 ?
Je suis contente d’apprendre que M[arcel] Arland a reçu ce prix37, il
est gentil et sympathique. Mon sourire à son égard est un sourire sympathique pas méchante
[méchant] du tout.
Au revoir Jean.
Je vous embrasse bien affectueusement tous les deux.
Je te remercie beaucoup du « Forçat innocent »38, j’en suis très contente car je désirai beaucoup
de l’avoir. Je veux lire à mon aise les morceaux que j’ai déjà entendus et les autres. Il
me faut du temps afin de saisir la poésie. Je pense avec joie que vous devez venir. Tu
m’as dit Décembre. Dis-moi quand tu pense [penses] que ça sera. Quelle est la date de la
conférence à Oxford ? Est-ce que les Supervielle vient [viennent] aussi à Liverpool ? Je
souhais [souhaite] vivement un peu de beau temps pour votre visite, je veux vous montrer
un peu le pays. Je suis très contente de savoir par ta mère que Germaine va mieux et que
vous avez pu visiter les Arland. Il a fait bien mauvais temps ces jours-ci, moi j’ai pris
froid et j’ai soufferte [souffert] du foie pendant quelques jours ça va mieux.
J’ai lu deux livres.
« The Water Gipsies » par A. P. Herbert. C’est un portrait des gens qui habitant des
péniches et d’autres qui ont affaire avec eux. C’est vivant et agréable à lire mais rien
de très frappant. Il fait bien pendant à « Red Wagon » par Eleanor Smith. Celle-là décrit
les gens qui voyagent avec les tentes de foires et de spectacles et leurs rencontres avec
les bohémiens.
L’autre que j’ai lu est « The Edwardians » par V[ita] Sackville-West. Cela rend bien
l’aristocratie sous Edward VII beaucoup de cachoterie et par contrast [contraste] on
rendait justice aux Victorians, les vraies, une grand-mère du héro [héros] qui crachait et
se grattait quand elle en a eu envie. Je ne dit [dis] pas que cela est beau mais c’est
franc.
Demain nous devons être à Marseille. Je ne t’ai pas demander [sic] mais je me demande si
je receverai [recevrai] un mot de toi là. Il me tarde de savoir comment ça va avec les
amis de Port-Cros. Je fus peinée de vous savoir fatigués tous les deux un moment.
Allez-vous bien maintenant ?
Je t’écris dans un grand vacarme, il fait orage, les vagues montent sur les ponts, le
bateau plonge et remonte, peu de monde ont dîner [dîné], notre petite table fut fier
[fière] d’être au complet, c’est la table du troisième officier, un jeune Ecossais. Toute
une table de service est partie par terre, une casse formidable
16 jan[vier].
Aujourd’hui presque tous les passagers sont descendus se promener à Marseille. Je suis
allée à Notre Dame de la Garde et à la Corniche, il faisait très beau. Hier soir, je me
suis couchée de bonne heure, ma malle et mes valises voyageaient toutes seules par terre
dans la cabine, les vagues sautaient par-dessus tous les ponts du bateau. Cela dura
jusqu’à notre arriver [arrivée] dans le port. J’arriverai à Colombo le 2 février et j’en
repartirai le 25 du même.
Je me suis bien reposé [reposée] déjà le voyage me fait certainement du bien.
Je fais quelques petites esquisses de la mer et des côtes en passant. Récement
[récemment] j’ai lu Aldington « Roads to Glory ». Aussi Winston Spencer Churchill’s
autobiographie. Je trouve encore que Aldington écrit bien et carrément mais ce qu’il fait
manque de charme et il n’a pas d’art pour remplacer le charme. J’ai commencé à lire
l’article de M. Benda39, ça va
tout doucement.
Maintenant j’ai someil [sommeil] après la promenade. Au revoir Jean.
Je vous embrasse bien affectueusement tous les deux.
Bertha
17 [janvier]
Il fait très beau, nous allons partir tout à l’heure. Près de nous, est un des nouveaux
bateaux des Messageries Maritimes à cheminées carrés [carrées], il a l’air cubist
[cubiste].
Vous allez bien maintenant ? Je l’espère. Quel domage [dommage] s’il vous faut quitter
votre maison et le jardin si beau. Est-ce qu’on ne peut pas faire quelque chose au fait ?
Je fais un jolie [joli] voyage. Il commence à faire chaud. Nous serons à Port Soudan
demain matin. Il fait beau tout le temps.
Je me plais bien à Kandy, il fait beau, il fait chaud le pays est jolie [joli] et les
gens sont amusants. Il y a un lac pas très grand, on peut faire le tour dans [en] une
heure facilement. Au bout du lac, l’eau sort sous un petit pont on contrôle l’eau [pour]
que cela ne vide pas le lac. L’eau descend par un escalier de neuf marches très hautes,
sur le plus haut la plus part de l’eau vient dans un [une] espèce de tuyau qui fait bec.
Je crois que c’est exquis pour les gens qui veulent se laver. Ils grimpent pour se mettre
sous le bec puis ils savonnent les cheveux, les hommes ont les cheveux longs ici, ensuite
le bec d’eau les rince bien. D’autres se metent [mettent] sur les autres marches tout à
fait en bas, on lave le linge, on le trempe on l’étend sur les grandes pierres ou les
rochers on le savonne, on le plie puis on batte bat les rochers avec le linge.
J’ai vu une belle robe en soie [cerise ?] étendu [étendue] à sécher sur les rochers. Les
prêtres buddist [bouddhistes] sont très chics, ils s’habillent toujours en jaune, depuis
l’orange [un mot] jusqu’au citron pâle. Parfois une robe en soie orange est doublé
[doublée] de citron, comme ils ont la tête toute tondue ils portent souvent des parapluies
noirs, mais il y en a un qui a une ombrelle jaune à bordure orange. Ils ont toujours à la
main un morceau de soie de couleur très vive, je ne sais si c’est un mouchoir ou un petit
sac. Ils ont souvent un éventaille [éventail] de palme à manche d’écaille et un petit
garçon apporte leurs livres ou leur mallette.
Un homme vient de devenir fou, il a poussé de hautes cries [hauts cris], il s’est roulé
sur la terrace [terrasse] devant ma fenêtre avec beaucoup de poussière. Une foule
l’entourait. Au bout d’un quart d’heure de cries [cris] et d’agitation, l’homme est allé à
un rickshaw, il avait tout déchiré ses vêtements. Il enleva les cousins [coussins] et pris
[prit] en-dessous un petit couteau, il est parti en courant dans la rue et la foule après
lui, il va faire du malheur, on aurait du l’enfermer tout de suite avant qu’il est [ait]
pris le couteau.
Les arbres sont très beau [beaux], ils ont des fleurs en quantité et de drôle de fruit,
choses comme des courges qui [tiennent ?] au tronc. Connais-tu le « papaw »40 ? On me l’apporte avec du thé et des
toasts le matin dans mon lit.
Il me semble qu’il puisse avoir ici beaucoup de resemblance [ressemblance] à [avec]
Madagascar. Le lac est plein de tortoises [tortues] et de petits poissons. Un mendiant à
qui on avait donné plus qu’il ne pouvait manger un jour a vidé son sac pour les tortoises,
il y avait 6 ou 8 qui ont profité mais le lendemain il est revenu il y avait 25 ou
davantage, ils sont difficiles à compter parce qu’ils plongent à [au] fond rapidement. Je
vois beaucoup de choses de ma fenêtre. J’ai fait quelques esquisses, je te les montrera
[montrerai] n’est-ce pas ?
Il me tarde d’avoir de vos nouvelles, de savoir que vous allez bien tout [tous] deux et
de savoir vos projets.
J’ai lu une partie de l’article de M. Benda, le commencement est très obscur je vais
persévérer41. Je vais à
Colombo demain [un mot] pas en revenant. Les moustiques sont très petites mais elles
piquent fort.
Les mouettes à Colombo sont les mouettes en miniature.
Il y avait un lézard dans ma chambre pendant quelques nuits dès que j’éteint [j’éteins]
la lumière il rampait. Je crois qu’il cherchait des arraignées [araignées] et des mouches,
il semblait grimper et tomber, lutter et manger, je suis contente qu’il soit allé
ailleurs. Les lézards sont grands ici.
Me voici à Marseille, le bateau partira bientôt. Je viens de recevoir une lettre de
Liverpool qui me dit qu’on m’avez [avait] fait suivre plusieurs lettres or je n’en ai
reçue [reçu] aucune. Peut-être je les aurai un jour. Il se peut qu’il y ait une lettre de
toi parmi tout cela, j’espère que non parce que je voudrais bien avoir de tes
nouvelles.
J’ai fait un très beau voyage. Dans une semaine, je serai rendu [rendue] chez moi
Nous sommes passés près de la Corse hier, cela a l’air d’un pays très intéressant.
Port-Saïd m’amuse beaucoup, tous ces types à Port-Soudan, il y a des gens avec les cheveux
en brosse pleins de terre, les Anglais les appelle [appellent] « fuzy-wuzy »42, ils ont des dents magnifiques mais pour le reste ils
sont très sales.
Il y a peut [à peu] près 75 personnes qui descendent ici et 25 qui monte [montent] en
bateau. C’est presque l’heure du thé et nous allons partir. Il faut que je donne ceci pour
le courrier. Au revoir.
Tu es bon cher Jean de m’écrire deux fois et de me dire tant de bon cher papa43. Je comprends qu’il a été le
même jusqu’au bout, digne et volontaire.
Je pense à lui et sa vie comme quelque chose de bien rare, bien beau. Je suis fier
[fière] qu’il avait de l’affection pour moi, ce n’ai [n’est] pas seulement maintenant que
je le pense, c’était toujours mon sentiment.
J’ai écrit deux fois à ta maman. La deuxième fois pour lui demander s’il y a de la place
pour moi chez elle avant Pâques. C’était mon idée de partir d’ici mardi pour éviter
l’encombrement de Pâques. Si je reçois d’elle un mot demain ou même lundi matin, je
pourrai partir, sinon ce sera pour après Pâques. Il me tard [tarde] d’être auprès d’elle
et de vous tous. Mais celle-ci sera une visite courte. Comme tu dis si j’avais su j’aurais
pu descendre à Marseille pour venir à Paris.
Si je pars mardi, j’arriverai mercredi matin à 10 heures 15 à peu près. J’écris à la hâte
pour le faire partir ce soir.
Ta mère et ta tante45 ont été très contentes de recevoir vos lettres et moi aussi d’avoir par
elles de tes nouvelles. Merci des mots que vous tous les deux m’ont envoyés. Tout ici
marche aussi bien qu’on peut attendre dans les circumstances [circonstances]. Madame
Paulhan m’a dit qu’elle a bien dormit [dormi] la nuit sauf une fois après avoir mangé un
morceau à l’heure de notre diner. Je sors avec elle, nous nous occupons de quelques petits
projets qu’elle a à cœur.
Je regrette pour vous tous que les bouletins [bulletins ?] des enfants ne sont pas
meilleurs, aussi ils ne sont pas venus pour Pâques comme c’était entendu. Je crains que ça
soit leur mère46 qui les empêche.
J’étais un peu fatiguée un jour mais ça va mieux à présent, mon voyage m’a fortifiée. Je
suis contente que vous vous plaisez à Houillèes [Houillès]47. Il faut avoir bonne mine quand vous revenez pour nous faire
plaisir. Cette après-midi nous avions le projet d’aller chez les de [Gaultier ?] mais
justement ton cousin Jules Bruyère est venu, il est resté longtemps, nous ne sommes pas
sortis. Il espère vous voir à votre retour. Dis quand vous compter [comptez] revenir car
j’aimerais rester pour vous voir un peu.
Il me semble que vous êtes parmi des gens bien sympathiques.
Portes toi bien.
Je vous embrasse bien affectueusement tous les deux.
Merci de ta lettre je l’ai trouvée en rentrant. Comment a [as]-tu trouvé ta maman ? Je
m’inquiète du travail qu’elle fait sans cuisinière. Elle cuisine volontiers et vite je le
sais mais avec tout le reste c’est trop. Je suis contente que tu aimes la nouvelle maison.
Te rappelles-tu la girouette à Erquy48 qui
grinçait toujours quand il y avait du vent. On l’entendit [l’entendait] dans tous les
coins de la maison. Il y a eu beaucoup de vent ici ces jours-ci. J’ai un tablier en bois
devant la cheminée de ma chambre, après avoir nettoyé dérière [derrière], je ne l’avais
pas recaller [recalé] comme il fallait, il ne me laissait pas dormir, je me levai. J’ai
mis de petites calles en bois et [caoutchouc ?] dont je me sers pour la fenêtre
mais il n’en voulait pas dès que je me couchai [pan ?] : les cales furent par terre. Je
l’ai arrangé depuis. Comment vont les petits pieds de Germaine ? Pour des pieds malades,
ils ont eu de rudes épreuves dans ce déménagement.
A Windermere ce n’était pas précisément ce que je pensais qui empêchait. C’est que Connie
la fille de Mrs Hazlehurst est souffrante. Elle est gentille mais délicate et autrefois
elle a eu des troubles gastriques, elle allait beaucoup mieux ces dernières années mais la
maladie et la morte [mort] de son frère ont été trop pour elle, elle a tout à fait cédée
[cédé] à ses nerfs. Des jours elle ne quitte pas son lit, d’autres elle reste tassée dans
un fauteuil. Elle [se] sent près à vomir, elle n’ose pas manger, elle ne veut pas
rencontrer des gens, elle dit qu’elle n’oserait pas traverser la chaussée. Sa mère pensait
qu’elle ne pourrait pas partir en vacances. Je suis allée voir le médecin, il faut faire
quelque chose. Le médecin l’a réexaminé[e], il nous assure qu’il n’y a rien à l’estomac
que les nerfs qui l’irritent et qu’un séjour au bord de la mer fera le plus grand bien il
la soigne pour la préparer à partir. Je les relance à présent par lettres pour qu’elles
soient prêtes le 14 août, dès après ma visite à Gloucestershire. Je serai là deux semaines
auprès d’Arthur. Je crains qu’il ne soit le 1er Septembre avant que je
ne sois libre de venir à Port-Cros. J’en suis désolée il me tard [tarde] beaucoup d’y être
avec vous. Quand irez-vous ?
Mon dentiste vient de chercher avec les rayons X après un petit morceau d’os qui s’est
détaché du machoir [de la mâchoire] il ne la [l’a] pas retrouvé donc il conclu [conclut]
que c’est sorti tout seul. Tant mieux ! Je me sens bien à présent mieux que depuis
quelques années.
Au revoir Jean.
Je vous embrasse tous les deux bien affectueusement.
[carte postale représentant la statue de Neptune à la Malmaison ]
[10 avril 1931]
Monsieur Jean Paulhan
Chez le Docteur Choffé
Houeillèes [Houeillès]
Lot-et-Garonne
Vendredi
Avant-hier nous sommes allées à S[ain]t Cucufa avec les jeunes filles anglaises. Hier les
deux enfants49 ont passés la journée ici, je crois que Pierre t’a écrit.
Cette après-midi nous trois nous devons aller chez les de [Gaultiers ?]. Il fait beau ces
jours-ci. J’espère que vous avez d’aussi beau temps. Marie Dumas50 va arriver ici, sa mère
reste un peu plus au Mans. Revenez bien portant. Je vous embrasse.
Ta lettre m’a fait grand plaisir. Je suis ici à Windermere, il pleut souvent quand il ne
pleut pas on en parle comme à quelque chose d’extraordinaire. Miss Thomas est avec moi et
Arthur est très content [de] nous avoir auprès de lui. Il imagine toutes sortes de
difficultés et de maux pour qu’on s’occupe de lui un peu plus. Nous avons trouvés beaucoup
de choses négligées dans la maison pour nous occuper. Nous n’avons pas pu tout revoir
depuis quelques années aussi l’hiver passé Mrs Hazelhurst a eu trop à faire avec son mari
malade.
Je compte partir de Liverpool le 1er sept[embre] donc je serai à
Paris le 2. Je repartirai le 4 au soir. Le train de 5 heures et je serai avec vous le 5
n’est-ce pas ? Peut [Peux]-tu faire dire à Berthot52 de me chercher à la
gare de Salins pour apporter mes valises, tu seras bien aimable. Je [pense ?] monter tout
de suite à la Vigie pour ne pas perdre du temps si précieux. Je suis contente que ta maman
a promis de venir à Port-Cros l’an prochain, c’est une bonne idée. Elle me dit qu’elle n’a
pas le courage d’aller à Mont-sous-Vaudrey53 cette année. Je lui ai dit qu’elle doit aller ailleurs avec moi
faire un petit séjour. J’espère qu’elle y pensera à mon retour de Port-Cros.
Pendant la semaine que j’ai passé à Cheltenham, il faisait très humide et même froid, il
gelait dans la nuit. Ma vieille parente était très contente [de] me voir. Elle fut très
aimable. Moi je fus bien aise de rentrer chez moi, je n’aimerais pas habiter ce pays
malgré qu’il soit bien jolie [joli].
Vous êtes partis bien tard54 pour Port-Cros mais cela ne m’étonne pas les
déménagements cela c’est toujours plus longue [long] qu’on ne compte à l’avance.
Si vous voulez bien j’aimerai [aimerais] voyager avec vous pour rentrer à Paris.
Je vous embrasse bien affectueusement tous les deux.
A bientôt
Bertha
Bertha Rhodes à Jean Paulhan (20 septembre 1931) §
Tu as déjà apris [appris] sans doute que nous sommes ici depuis trois jours tous quatre
ensembles. Si vous étiez ici ce sera complète55. Je suis contente que vos nouvelles sont bonnes.
Il pleut ce matin mais je crois que le temps se lève. Je dois aller me promener avant le
déjeuner.
Je suis bien surveyée [surveillée] ici crois-le. Mes chers amis veulent que je profite de
tout.
J’ai eu une bonne leçon hier de M. Pointelin56, la
famille assistant.
Je n’avais pas grand-chose à lui montrer que ces deux petites esquisses de chez toi aussi
une aquarelle que je fis à Windermere. Il est très encourageant et critiquant aussi. Il me
trouve en progrès. Il préfère l’esquisse des cerisiers que tu l’aimes. Il me pousse à
travailler et les familles appuyent là-dessus.
M. Pointelin nous a montrer [montré] de ses œuvres intéressantes. Il est très entrain.
J’ai commencé une esquisse hier peut-être pourrai-je la continuer cet après-midi.
Excuses ce griffonnage – il me faut sortir.
Je vous embrasse bien tout [tous] les deux, à bientôt.
Le premier jour que je passai à Bexhill ces vieilles dames m’ont amené [amenée] au
cinéma, il y fit très froid, j’ai attrapé un vilain rhume de cerveau aussi des douleurs
rhumatisantes. Je vais mieux sauf que j’ai encore un peu de douleur dans le dos. Il fait
beau temps à présent. J’avais envie de rester à Paris mais en même temps je suis contente
de rentrer chez moi. Ta maison est bien je l’aime beaucoup et la vue de ta chambre je
voudrais la faire. Je vous souhais [souhaite] d’être très heureux dans votre maison.
J’ai lu « Vol de nuit » c’est palpitant57. Deux numéros de nrf m’attendaient. J’ai fini de lire
« Saint-Saturnin »58 c’est beau. Les réflexions de ton père59 me donnent beaucoup à réfléchir c’est si bien une partie de lui-même
qu’il a mis là. Si tu fais faire un tirage à part, tu m’en garderas un n’est-ce pas ? Tu
me donneras de tes nouvelles. Je tâcherai d’écrire encore bientôt.
Je vous embrasse bien affectueusement tout [tous] les deux.
Votre lettre vient d’arriver merci bien. J’arriverai mercredi j’espère au moins que la
mer ne soit pas trop mauvaise pour le bateau. Je suis contente d’un côté que mon arrivé
[arrivée] soit si opportune pour votre absence, je ferai tout ce qu’elles veulent les deux
pauvres chères amies60. Ma très chère amie doit sentir qu’elle a perdu le fond de son
existence61. Vous avez
raison reposez-vous bien tout [tous] les deux, vous avez besoin avec votre vie si active
et cette douleur en plus.
J’espère vous voir un peu tout de même je resterai je crois jusqu’au 15 avril et je
tacherai de vous embrasser avant votre départ62 si c’est possible vous serez très occupé [occupée], moi je le
suis à présent, il me faut faire mes paquets. Je suis allée pour mon billet ce matin et à
d’autres courses.
A bientôt chère Germaine.
Je vous embrasse tous les deux bien affectueusement.
J’ai juste le temps de mettre ceci à la boîte pour la seule levée de dimanche.
J’irai demain matin chercher mon billet et retenir une place si je pense. J’arriverai
mercredi donc à la gare S[ain]t Lazare à 10 h[eure]s 15 je crois si ce n’est pas changer
[changé] de 2 ou 3 minutes.
J’espére que ta chère maman n’est pas souffrante qu’elle ne m’a pas écrite. J’étais voir
ma tante à Southport hier, c’est son anniversaire aujourd’hui elle a 85 ans.
J’ai beaucoup de choses à faire demain.
Au revoir !
Je suis triste et en même temps heureuse de penser à mon arrivée chez vous.
Ta gentille lettre d’Houeillès m’a fait grand plaisir. Merci bien pour vos souhaits. Je
vous aurais envoyer [envoyé] les miens au nouvel an mais je savais que vous devez être à
Houeillès pour vous reposer. Tu es bien sage de travailler aussi de te promener à la
campagne. C’est heureux que tu t’entendes si bien avec « Frédéric »63. Les syndicats tu sais, ils sont un peu démodés à certains endroits. Les
membres se révoltent contre leur tyranie [tyrannie], ils ont dépassé leur utilité.
Le gâteau dont tu me parle [parles] est d’origine écossais mais on le fait maintenant en
Angleterre.
Je suis contente que tu aies Pierre : tu l’influenceras peut-être64.
C’est bien que S[ala]65 soit disposée au divorce mais ne te fie pas à des dispositions il te
faut des actes. La disposition est le résultat de tes démarches, si tu les relâches, la
disposition changera.
Tu me diras n’est-ce pas comment il se passe pour le jugement.
J’embarque pour la mer des Antilles le 25 janvier à Avonmouth. Je ferai un voyage de 5
semaines allée et retour. Ecris-moi je te prie avec les dernières nouvelles avant mon
départ pour que je le recoive [reçoive] le 22 ou le 23 au plus tard car nous n’avons pas
de courrier le dimanche et je pars de très bon matin le lundi sinon le dimanche. Le bateau
doit être à Barbadoes [la Barbade] le 6 février, Trinidad le 7 février, La Guaira le 9,
Cristobal le 12 et Kingston le 16. On débarquera à Avonmouth, Bristol le 1er mars. Si on m’écris [écrit] en route l’adresse est Miss B. Rhodes passenger SS
Cartina Elder & Tyffes Line, Kingston, Jamaica. Tyffes tu sais s’occupent des bananes.
Je ne sais pas quand il faut se prendre pour m’écrire mais très à l’avance. Je n’aimerais
pas que ta lettre se perdre [perde]. J’aimerais mieux la recevoir en rentrant le 1er mars. Puis après cela, il me faut aller voir Arthur et ensuite
peut-être pourrais-je venir à Paris. J’avais trop fait avant Noël, j’étais très fatigué
[fatiguée] au Nouvel An et maintenant j’ai beaucoup à faire pour mon départ.
Miss Thomas a été très fatiguée aussi. J’aimerais l’amener avec moi se reposer sur le
bateau. Je ne sais pas si elle veut. Oui j’ai lu « Antarès ». J’allais justement te dire
que je le trouve très bien, beau. Il me tarde d’avoir la suite.
R[amon] Fernandez aussi m’intéresse avec ses « continuités ». Tu as un numéro là très
intéressant66.
Mes meilleurs vœux pour ton anniversaire67. Voici les photographies68 pour toi, je les faisais
arranger comme ça pour envoyer avec mes souhaits de Noël. Dis-moi ce que tu en penses.
L’expression d’Ali69 avec
Zézette est amusante. Maine70 trouvera
Moustapha bien je crois, je suis contente d’avoir une de lui [sic], il me fait de la peine
toujours quand je pense qu’il n’était pas heureux d’être ramené chez son ancien maître. Ce
chat était un vrai méridional. Les quatre petites sont celles que Maine désire je crois.
Fais passer le petit que j’ai promis à Mme Simone je te prie. Des quelques vues qui valent
cela j’en ferai faire des cartes postales.
Les petits poissons71!
Ils vont bien j’espère, est-ce qu’ils grandirent vite ?
Oui j’ai lu « Hermidas Bénard »72 c’est
bien et c’est sympathique aussi. Quand est ce que nous autres nous allons voir M. Godeau
marié73 ? Est-ce que M[ada]me Caryathis74 veut dire que le roman a gâté son amour ? C’est
bien qu’elle garde encore de l’estime. Mais qu’est [ce] qu’elle veut dire exactement par
l’estime. Je trouve que c’est de plus en plus difficile de savoir ce que les gens veulent
exprimer par les mots qu’ils employent. On voit rarement le vrai fond de la pensée des
autres, puis on est étonné de comprendre leur interprétation de leurs mots.
Après demain je pars à Windermere passer quatre jours avec Arthur. Miss Thomas y va
aussi. Je trouve toujours beaucoup de choses à faire chez moi et surtout à la saison de
Noël.
Il y a deux choses qu’il me tarde de savoir. Que ton affaire aboutit75 et puis que le bail de la Vigie soit renouvellé [renouvelé].
J’ai envoyé un cake et des bonbons pour toi avec beaucoup d’affection.
Merci bien de vos bons souhaits et la jolie vue. Je me souviens bien du Mont
S[ain]t-Michel. J’aurais été enchanté [enchantée] de vous voir si vous avez [aviez] pu
venir mais il faut songer à cela quand vous avez quelques jours de libres autrement vous
passeriez tout votre temps en route, il faut vous rendre compte qu’il y a au moins 10
heures de traversée et 8 heures de chemin de faire [fer] entre S[ain]t-Malo et Liverpool.
J’avais pensé à partir lundi mais je ne puis pas j’espère néanmoins d’arriver à Paris à la
fin de la semaine. Je pense que cette photo est la seule des agrandies que vous n’avez
pas.
Je vous embrasse tous les deux avec mes meilleurs vœux pour 1933.
Vous êtes de retour de Houeillès sans doute. Avez-vous fait un séjour agréable ? Je
l’espère. Il faut bien que je t’écrive, autrement tu vas penser que je ne veux pas le
faire. [Pas ? N’est-ce pas ?] Mais j’ai été très occupée j’ai fait beaucoup de choses mais
pas des choses qui t’intéresses [intéressent]. Après tant de des boires [déboires] avec
des ouvriers, j’ai fini par avoir une sonnette qui marche, une citerne qui se remplit et
un geyser [un chauffe-eau] qui fait de l’eau chaude sans la verser toute par terre.
Mon appartement est presque toute nettoyer [tout nettoyé]. J’ai fait mes comptes pour
Arthur et la maison à Windermere et pour mes impôts sur la revenue [le revenu], après
quelques retards et changements de procédés j’ai signé le tranfer [transfert] de ces
actions dont je t’ai parlé mais je n’ai pas encore reçu l’argent mais c’est comme
fait.
J’ai vu pas mal de gens qui désiraient me voir, des amies et d’autres. Mais avec tout
cela, je n’ai pas travaillé comme tu entends le travail.
J’attends toujours de savoir quand sera aura lieu le « meeting » à Londres où
je dois aller en route pour Bexhill. Je crois que j’irai la semaine prochaine y passer une
dizaine de jours. Tu vois je ne fait [fais] rien d’intéressant.
J’aimerais bien avoir de vos nouvelles, qu’est [ce] qu’il y a de nouveaux [nouveau] pour
les affaires ?
Ta maman me raconte la morte [mort] de M[ada]me Pelletier et que Pierre a fait des
traductions. Et puis M. Pointelin78 est mort. Le monde qu’on connaît se rétrécit quand la vie se
prolonge.
Jean, tu es bien gentil de me répondre si vite et de m’expliquer le but de la nrf. Je
saurai mieux à présent comment il faut la regarder. Je n’aime pas beaucoup le mot
« imposer » que tu ajoutes à « faire comprendre de grands écrivains ». Quand on veut me
forcer d’accepter quelque chose, je tire toujours dans l’autre sens. Tes idées sur moi et
la religion me font sourire. Justement plusieurs de mes amies trouvent que c’est la
religion qui me manque.
Moi il me semble que je suis croyante mais je n’ai pas de patience avec les détails de la
religion qu’on [invite ?insiste ?] pour ceci et cela. D’ailleurs je n’ai pas lu ni
Sterne79 ni de Quincey80. Tu sais je suis très ignorante pour beaucoup de choses. Les
écrivains grands ou non qui sont inconnus doivent être bien contents que tu les fasses
connaître pendant leur vie mais est [ce] que ce n’est pas d’aller contre la nature des
choses [ ?] Si on les connaît trop tôt, ils tomberont dans l’obscurité plus vite après.
Après la mort des gens on peut regarder leur vie ou leurs œuvres comme aussi complète
[complètes] qu’ils [elles] peuvent être tandis que tant qu’ils vivent, il peut toujours en
sortir des choses bouleversantes.
A présent ce qui me préoccupe c’est que Arthur est souffrant. On m’écrit qu’il s’est
évanoui plusieurs fois à la suite d’une [hémorragie ?] et la chaleur. Je vais demain matin
à Windermere. Cela change un peu mes projets. Si Arthur va mieux, j’irai à « Brockhampton
Park » jeudi mais je serai de retour ici le lundi suivant en tout cas.
Merci bien Jean de ta petite lettre. Vous êtes bien gentilles [gentils] tous les deux, je
sera [serai] très contente d’être témoin à votre marriage [mariage] et je le souhais
[souhaite] pour bientôt82. Mais pouvez-vous vous marrier [marier] avant la renonciation de
à l’appel ? Moi aussi j’aimerais que tu sois marrié [marié] au plus tôt mais sans doute
n’ai-je pas les mêmes raisons que ta maman.
Même en reculant notre départ pour Port-Cros et ce n’ai [n’est] pas peu dire car je me
sens en train pour le travail. Un jour je causais avec mon encadreur. Je lui disais que je
faisais de la peinture, il a dit poliment qu’il voudrait voir de mes œuvres. Ces jours-ci
je lui ai montré quelques-unes, il fut épaté, il m’a persuadé d’envoyer à une exposition
qui aura lieu bientôt, on va voir s’ils seront accepté [acceptés].
Je compte d’être à Paris dans le courant de la semaine prochaine. J’attends toujours ce
maudit papier qu’il faut signer. Cela fait, je prendrai mon billet et puis en route. En
attendant, il m’arrive toujours des choses à faire. Je suis allée encore à Windermere.
Arthur est un peu plus fort mais je n’aime pas son teint jaunâtre. J’ai parlé avec son
nouveau médecin.
M. Marcel Henry est un ami précieux. J’ai beaucoup d’estime pour lui. Dis, lui as-tu
demandé si vous devez vous marier sous la communauté des biens ou autrement ? J’en pense
en cas que tu as des difficultés à payer la pension de S[ala] et qu’elle tache à faire
faire une saisie. Quel bonheur quand tous [toutes] ces affaires seront terminés
[terminées] ! Je pense tout le temps signé ? pas signé ? Tu m’enverras un petit mot dès
que c’est fait, n’est-ce pas ?
Bonjour Jean, comment vas-tu ? Moi je vais bien mais un peu lasse de toutes les
obligations de Noël. Je suis toujours contente quand cette saison soit passée ensuite on
peut s’occuper d’autres choses. Ma petite visite si précipitée à Paris me reste comme un
jolie [joli] rêve complète [complet] et sympathique. En me faisant ton témoin83, tu as fait la chose que j’ai le plus désirée. Merci.
Travailles-tu bien pendant les vacances ?
J’aime bien « La légende de Prâkriti »84, je la relirai.
Il y a quelque temps tu m’as demandé ce que je pense du petit vers sur la bouchère que tu
as recopié pour moi. Bien, c’est gentil mais de la poésie. Hmmmm.
Maman en faisait autant souvent, il y avait des jours qu’elle ryhyimait tous
[tout ce] qu’elle disait.
Les rhyimes sont souvent agréables et utiles pour se souvenir de choses avec
précision comme des fables. Voilà Monsieur !
J’ai une préférence pour les choses saisissables à l’esprit.
Nous sommes parmi les brouillards plus que jamais, parfois ils se lèvent pendant une
heure ou deux puis ils se rabbatent [rabattent] sur nous et pourtant le pays manque l’eau.
L’été passé si beau puis pas de grande pluie l’automne, les réservoirs sont au plus bas,
on nous menace de nous rationer [rationner] sévèrement.
Je passais le jour de Noël avec Miss Thomas et le lendemain avec une autre amie à
Southport. Hier j’ai pris le thé avec Miss Barnes. Mercredi je dois aller voir la tante à
Southport, ce n’est pas amusant.
Mes meilleurs vœux à toi et à Maine86 pour le
nouvel an.
Merci de ta lettre. Elle m’inquiète un peu. Qu’est-ce que tu veux que j’y comprenne ?
Qu’il sera plus prudent de ma part de ne pas venir à présent. Comment saurais-je quand le
moment difficile sera passé87. Dans nos journaux, on parle seulement
des tarrifs [tarifs ?] et des armements et que tout est tranquil [tranquille]. En tout
cas, je ne sais pas encore si je serai assez remise pour arriver à Paris le 24. Il faut
que je me décide le 20 pour retenir ma place et couchette.
Ma visite à cette vieille dame ne m’a pas réussi. J’ai repris mal, j’ai eu des douleurs
pendant 10 jours. Ce n’est que ce matin que c’est un peu calmé. J’ai été plus prise même
que je n’étais à Port-Cros dans les premiers jours, le dos et les cuisses. Je désire
beaucoup venir mais est-ce que ce sera prudent ? J’ai rechuter [rechuté] deux fois
déjà.
Oui ta maman m’a dit pour le « Whistler ». Il y a quelque temps quand on en a parlé j’ai
demandé à le voir mais il m’a si peu impressionné [impressionnée] que je ne me rappelle
même pas le sujet.
Envoie moi un catalogue si tu le pense [si tu y penses] que je vois si il y a d’autres
choses qui m’intéresse.
J’aimerai [aimerais] venir dès que je peux, dit-moi [dis-moi] si tu crois que je ferai
bien ou non.
Sois prudent toi !
Je ne sais pas si les anglais sont plus sages au fond mais ils prennent les choses
autrement.
En 1926 il y avait une grève générale ici. On n’est pas aller [allés] jusqu’à vouloir
tuer les gens. Tout le monde a eu beaucoup de patience, le moment est passé sans trop de
difficulté et les gens qui l’ont arrangé n’ont pas gagné grand-chose. Le danger ici vient
des gens payés par les Russes et d’autres pays étrangers qui parlent de faire guerre
civile, il y a toujours certaines gens qui n’ont rien à perdre qui veulent avoir un peu de
butin si l’occasion se présente.
Les sans-travail sont trop bien payés à présent mais je ne sais pas pour combien de temps
le pays peut les supporter ainsi.
Quant à Alfred c’est trop tard de penser à lancer celui-là dans le commerce, il a fait de
tout et perdu. Il a 64 ans et c’est un malade. Il a asthme, bronchite, hernie et Dieu sait
quoi encore – il passe souvent 2 ou 3 semaines au lit. Il y est à présent je crois. On est
tranquil [tranquille] pour le moment.
Mary va mettre cette lettre à la boîte pour moi. Voici une lettre bien peu intéressante,
pardon !
Je vous embrasse bien affectueusement tous les deux.
Merci Jean de ta longue et bonne lettre. Comme tu dis ce n’est pas une raison de ne pas
écrire qu’on fasse des choses ennuyeuses mais on est tempté [tenté] d’attendre qu’il y ait
d’autres choses à dire. Quand je suis en France, j’eschappe [échappe] à beaucoup de choses
désagréables pour le moment mais elles s’entassent pour la rentré [rentrée]. Les choses
agréables n’ont pas cet [cette] habitude. Aujourd’hui tout à l’heure je pars pour
Windermere, Miss Thomas me rejoins [rejoint] à Preston en route nous allons passer une
semaine avec Arthur. Lundi je suis rentrée de Bexhill très lasse mais je me suis remise
assez vite.
Je n’ai pas trop fait, il ne me va pas là. Ces vieilles dames ne font rien mais elles le
font avec une telle exactitude que c’est fatigant. Je suis allée à Londres de Bexhill pour
la journée seulement, je suis allée voir les tableaux à l’Academy le matin puis au
« meeting » il y avait 40 Messieurs et moi, ils étaient aimables rien d’émouvant se passé
[ne s’est passé] et tout était dans le journal le lendemain mais ma tante fut contente que
j’y fus allée.
Mais dis donc. Tous ces crapauds et grenouilles89. N’auras-tu trop d’habitants dans ton
jardin, d’avoir quelques me fait du bien mais tout ça ! En as-tu mis des œufs ?
Quel joli timbre a ta lettre !
J’ai enfin fini de lire « Smara »90, je l’aime bien, quel domage [dommage] que
le jeune homme soit mort. « Le dict de Padma »91 m’intéresse. Il me fait souvenir d’une causerie avec un jeune
buddist [bouddhiste] à Candy. Bien des choses aux amis de Port-Cros. J’ai beaucoup de
sympathie pour eux. Les procès sont bien agaçantes [agaçants]92. Je suis bien heureuse de penser
que nous pourrions aller à la Vigie encore pendant longtemps.
J’ai reçu aussi une lettre de ta maman. Je suis contente que tout s’arrange pour qu’elle
puisse venir à Port-Cros. Je lui écrirai de Windermere. Tu me feras jouer aussi aux boules
n’est-ce pas ?
Il me faut aller commander le taxi, finir mes paquets, déjeuner et partir.
Au revoir.
Je vous embrasse tout [tous] les deux bien affectueusement.
Cher Jean il ne faut pas te laisser décourager, on ne peut pas toujours faire également
bien. J’aime à croire que cela va mieux déjà. Il se peut que toutes ces causeries
politiques autour de toi te fatigue [fatiguent]. On ne peut pas s’user à tout faire dans
la vie.
Non tu ne ma [m’as] pas dit que c’était sûr que tu viendras. Mais je souhaitais vous
voir. Tu m’as dit « à bientôt ». Je fus contente. Ensuite je m’inquiétais à l’idée que je
vous manquerai car je prévoyais quelques absences pour moi. Alors c’est pour une autre
fois. En effet. Jeudi je fus prête, le taxi à la porte pour aller à Windermere quand j’ai
apris [appris] que Amy était morte la veille. Je suis allée donc à Southport car je leur
avais offerte [offert] une place dans le tombeau de ma tante. L’enterrement a eu lieu
vendredi par un bien mauvais temps froid, vent et pluie battante. Ma tante Clara est
beaucoup plus faible de tête maintenant, ses deux autres enfants qui étaient là ne lui
avaient pas dit qu’Amy fut morte. C’était étrange. Le Pasteur fut là. On avait une [un]
service à la maison et la mère dans la pièce à côté n’y comprenait rien.
J’étais très lasse après tout mais demain je vais à Windermere pour passer 3 jours auprès
d’Arthur. On me dit qu’il va mieux. S’il fait beau, je lui ferai faire quelques toutes
petites promenades pour reprendre ses forces.
J’ai lu « Le Combat avec l’ange »93, c’est très moderne style comme la
peinture et c’est bien dans Paris que cela se passe mais je ne trouve pas les caractères
principaux du tout intéressants. Cela manque de vie et de force à mon avis.
Pour « L’homme invisible » on ne nous a pas indiqué une morale et j’ai conclu comme je
t’ai dit qu’il faut être prudente.
Dis-moi si ton travail marche.
Au revoir
Je vous embrasse bien tous deux.
Bertha
J’ai causé avec une dame qui a un tableau par Girard elle aimerait
savoir quelque chose sur Girard, de quand était-il ? et si ses tableaux sont appréciés.
Son tableau est « Les trois mendiantes ». Peux-tu me dire quelque chose ? Il n’est pas
moderne évidement [évidemment].
Merci bien de ta lettre intéressante. Peut-il qu’une de tes lettres à moi soit perdue ?
Ta maman m’a dit d’une lettre venant de Dôle que tu dois m’envoyer. Aussi tu me parles du
petit-fils de Maine94 comme si tu m’as déjà
annoncé son arrivé [arrivée] or je n’ai rien su. Je suis content [contente] que le petit
va bien et aussi que sa maman va mieux. Oui en principe moi aussi je veux partir avec
vous, je tâcherai d’arriver à Paris le 11 juillet au plus tard.
Nous avons eu les prières et la pluie mais pas assez encore de la pluie. Maine est allée
voir son dentiste, n’est-ce pas ? C’est très important quand on soupçonne une dent, à
présent je suis payée pour le savoir je viens d’en souffrir aussi ces jours-ci. Un nerf
n’avait pas assez de place pour mourir, la dent fut donc congestionnée puis un abcès se
forma. Mon dentiste était en vacances, j’attendais son retour quand enfin il travaillait
la dent, il ne fut pas à temps pour empêcher l’abcès de se ramasser une deuxième fois.
Tout cela m’a fait beaucoup de douleur et surtout une perte de temps, j’avais en même
temps très mal à la tête. Tout se calme maintenant.
J’ai passé une semaine à Windermere avec Miss Thomas et Arthur, il va bien. Les arbres et
les buissons ont fleuris comme jamais cette année, ils sont tous jolies [jolis]. Nous
avons fait de gentilles promenades.
Moi je plains beaucoup Mme Paulhan de tout le tracas de sa maison. Mais il faut finir
avec le propriétaire n’est-ce pas avant d’embarquer à faire autre chose. Je crois que vous
faites bien de ne pas emmener Tatou95 à Port-Cros, à part son amitié avec Marouf96 il sera aussi bien ailleurs. Ali97 viendra
n’est-ce pas ?
Si Maine prend les billets et les places avant mon arrivé [arrivée], elle sera bien
gentille de faire pour moi aussi que je sois avec vous. Peut-être me
faudrait-il m’arrêter à Bexhill en route, je ne sais pas encore. Je n’ai pas vu la toile
dont je t’ai parlé de Girard, elle appartient à une cousine de mes cousins qui habite loin
d’ici.
Je souhais [souhaite] que le portrait de Maine soit tout ce que tu attends, il me tard
[tarde] d’arriver pour le voir et surtout pour vous voir tous.
Pour ce que tu me dis de ton travail, cela m’intéresse mais tu me fais marcher un peu
vite, je perds haleine.
Voici. Quand j’apris [appris] qu’il y a des sauvages qui ont une langue bizarre avec un
mot pour exprimer les deux contraires, etc. sans aller plus loin je me l’expliquais ainsi.
Les deux contraires sont les extrêmes limites d’une série – une line [ligne] dont le
milieux [milieu], le moyen, le souhaitable est le bon, le vrai selon leur idée.
Tout qui s’écarte de ce bon état ou idée est mal et peut-être exprimé par un seul mot
pour tout qui n’est pas le bon. Aussi entre la bonté et la méchanceté, il y a
l’indifférence, pour beaucoup d’hommes sur la terre l’indifférence est l’état idéal. Entre
l’esprit et le corps, il y a l’homme complet et ainsi de suite. Mais je divague, je
néglige ce que tu me dis. Oui je comprends bien que la pensée est une chose et le langage
une autre. Ceci en est une exemplaire [un exemple] je pense. Et puis on fait ce qu’on peut
avec les mots qui se présentent, pas besoin de me rappeler les difficultés de trouver les
mots qui ont à peu près la même valeur pour moi et ceux qui les entendent. En France, on
m’a souvent dit que j’ai dit une chose quand ma pensée n’était pas cela. Même en ma propre
langue mais plus rarement. Oui, oui c’est presque toujours [l’entourage ?] du mot qui
précise le sens. Je ne te comprends pas très bien ici « qu’elle tire parti de ce double
sens » et ensuite et je ne sais pas ce que tu veux dire par la « pensée infinie de Dieu ».
Que Dieu soit infini – que la pensée de Dieu soit infinie – qu’on pense infiniment à
Dieu ?
Enfin pourquoi mettre tout cela sur le dos des sauvages ?
Je suis bien stupide sans doute, je tâcherai de repenser à tout cela que tu dis.
En général, je préfère les simplifications aux amplifications.
Merci de ta lettre. Moi aussi je t’écris un mot à la hâte. Oui je serais très contente de
savoir la fin de cette [cet] engagement de ta mère à propos de la pension de S[ala]. Mais
je ne sais pas si c’est possible de le faire légalement. A [as]-tu demandé à Marcel
Henry98
avant de la proposer. Je suis convaincu [convaincue] vu les circonstances qu’une promesse
même écrite et signée de la part de S[ala] ne tiendra pas. Il ne faut pas t’en
[fier ?].
Voici les photographies, il y en a qui ne sont pas intéressantes mais je te les envoie
car [quand] même.
Pour les agrandissements, j’avais reproché aux petites épreuves que la distance n’était
pas claire, on a soigné la distance en sacrifiant le premier plan donc c’est trop noir
dans plusieurs cas. Les gens qui dévelopaient [développaient] les films trouvaient Nîmes
épatant ! Marceline99 fait toujours
bien n’est-ce pas ?
J’ai suprimé [supprimé] quelques-unes. Toi qui mange [manges] les raisins. M. Henry qui
avait 2 oreilles de même côté de la tête. Je suis content [contente] de toi où tu es seul.
Derrière, j’ai mis parfois une date ou un nom pour que tu les retrouve [retrouves].
Dis-moi ce que tu en pense [penses]. Bientôt j’enverrai à d’autres personnes celles qui
les intéresse [intéressent]. Peux-tu sans indiscrétion me faire avoir une photo de ta mère
où elle rit, de M. Church100, elle est
si bien là, il a su l’atrapper [l’attraper]101.
Je vais demain à Cheltenham pour une semaine chez la vieille parente Mrs Rhodes. Elle
m’invite, cela m’ennuie d’y aller mais la visite sera faite.
La nrf m’a envoyé une carte disant que mon abon[nement] finit le mois d’octobre et que je
dois envoyer 72 fr[anc]s. Or puisque j’avais demandé à Maine102 de bien vouloir s’en occuper, je
vais envoyer la somme à elle pour ne pas embrouiller.103
Pour ma lettre de juillet, je croyais que tu me répondais brièvement et gentillement
[gentiment] parce que tu désespérais de me faire comprendre.
Nous reparlerons.
Il faut maintenant que je trotte chercher une robe que j’ai fait faire et qui sera à
peine finie à temps pour ma visite.
Mon propriétaire est toujours très malade.
Pauvre M. Henry, on a bien mal choisi leur « espion ».
Au revoir.
Je vous embrasse bien affectueusement tous les deux.
C’est très bien la feuille du papier Mesures104
et le prospectus, elle promet bien. Merci et de tes lettres. Mais je voudrais que tu
ailles mieux. Je n’ai pas compris d’abord que tu étais si sérieusement souffrant105. Mes meilleurs vœux pour l’année, que vous irez alliez mieux
tous les deux. Je vais beaucoup mieux depuis 15 jours à peu près, ce n’est pas trop tôt.
J’ai renoncé à mon projet d’aller en croisière cet hiver au moins pas un longue
voyage, c’est trop compliqué d’être absent si longtemps. Aussi j’ai bien des choses à
faire maintenant que Noël est passé.
Jeudi passé, j’ai fait venir mes jeunes amies et leur mère pour voir une nouvelle pièce
pour la jeunesse « Ferry Inn ». Nous nous sommes bien amusées. On dit que l’auteur Alec
Atkinson[1] est tout jeune.
Il me fait de la peine penser à la famille Dumas et leur douleur. La pauvre Ritonne il ne
m’étonne pas qu’elle soit indécise. Il doit être un fou tout de même le mari de Mme
Javelas d’acheter [mot illisible].
Aujourd’hui, je suis sortit [sortie] avec une amie de Southport, sa sœur aussi aurait dû
venir mais elle était enrhumée. Nous avons vu « La dame indécise » et « L’heure
sorcière », deux films bien.
Après-demain, j’aurai deux autres amies ici et puis ce sera tout pour le moment.
Je vous ai envoyé de l’argent pour que vous achetiez quelque chose au lieu de vous
envoyer du cake. La douane est très ennuyeuse à présent. D’ailleurs, je ne sais pas si
vous tu as reçu le cake que je t’ai envoyé [à] la fin de novembre. Je ne te dis pas cela
pour que tu dis [dises] merci mais parce que j’ai signé en l’envoyant un papier promettant
de payer ce qu’on pourrait me demander ensuite. Si le cake n’est pas arrivé quand ils se
présenteront, je leur dirai quelque chose au lieu de payer le supplément.
Quand je suis allée voir ma vieille parente je lui ai montré de mes peintures, or elle
veut que je lui donne une que je n’ai pas envie de laisser partir alors je la copie. Cela
m’apprendra à lui montrer des choses, n’est-ce pas ?
Je n’ai pas l’adresse des Church106, tu seras bien
gentil de leur donner cet [cette] enveloppe ci-dedans.
Ta lettre est arrivée hier en même temps que « Mesures ». Merci Jean. Je suis très
contente que Maine107 va bien maintenant. On n’a
pas trouvé que la machine à écrire fatigue son bras ?108 Tu ne dis pas comment tu vas
toi-même. Le pays est beau au lac blanc, la carte est jolie109. Tu
n’as pas eu trop froid. Moi les pays froids ne me disent rien du tout, pas même en été.
Nous avons un hiver doux en somme mais il y avait quelques jours un vent très glacé, dès
qu’il fasse froid mon cœur se fatigue, autrement je vais bien.
Il me fait de la peine que ta Maman soit fatiguée. Elle a eu des soucis pour Mlle
Suzanne110, n’est-ce pas ? Et sans doute des soins à donner.
Mademoiselle va mieux je crois d’après la lettre de Madame Paulhan. Jolette m’a écrit une
gentille lettre.
« Mesures » est bien, mes félicitations. J’ai déjà coupé les pages et j’ai lu « Le
Cageot »111, c’est gentillette. Je ne lis pas beaucoup à présent, je
m’endors là-dessus. J’ai encore cinq numéros de nrf pas même coupés, d’ailleurs le dernier
février a été mal assemblé, les pages 305 à 320 se répètent il y a sans doute autant qui
manquent. J’allais te dire que j’aimerais m’abonner pour « Mesures ». Peut-être serai-je à
Paris quand le prochain numéro paraîtra. Comme ça ce ne sera pas la peine de l’envoyer
ici.
Je viens de finir le tableau de la Gatinière que j’ai fait pour Mme Rhodes, elle me l’a
demandé, il m’a pris beaucoup trop de temps faute de jour, je suis contente de m’en
débarrasser. J’ai eu le malheur de casser deux dents pas en même temps et je ne sais
comment. Mon dentiste a été malade mais il espère pouvoir me voir demain. Hier je suis
allée voir « Forgotten Men », un film de propagande contre la guerre. J’ai vu aussi
« Madchen en uniforme », « Blossom time », « Shall the children pay », « Jew Süss » et
« La Maternelle ». Très variés, tu vois.
On va jouer « Poil de carotte », c’est défendu de le jouer publiquement dans cette cité
donc on le fait par souscription, on ne paie pas à la porte, c’est donc privé.
Mes bonnes amitiés à des aux amis de Port-Cros. Je les souhais [leur souhaite]
de bons succès dans toutes leurs entreprises.
Je vous embrasse bien fort tous les deux.
Bertha
Il ne faut pas que tes lettres se perdent, je n’aime pas cela.
Comment va ta gorge ? Où est [es]-tu ? Que devient [deviens]-tu ? Moi je me remets d’une
grosse rhume, je tousse encore un petit peu mais cela va passer bientôt. J’aime bien
« Mesures ». J’aime « Trop d’amitié à la fois »112,
c’est sympathique mais s’il regarde seulement un peu le fiel n’est jamais bien loin. Et ce
Hopkins113 qui fait tintinnabuler ses mots, il nous
chatouille l’oreille. Mais est-ce que vraiment cela donne quelque chose en français. Il me
semble que cela change beaucoup en traduction.
Le papier de Mesures est bien, il n’est pas lourd. Nous avons eu beaucoup de tempêtes.
L’autre jour, le vent a démoli le haut d’une cheminée que je vois de ma chambre. Une
mouette s’intéressait toute la journée à regarder par le trou, elle planait au-dessus se
laissant descendre à presque toucher le toit, puis fait un tour pour se rassurer et
revenait. Je me demandais ce qu’elle pouvait voir de si attachant, une chatte avec ses
petits peut-être !
Comment va Maine114 et tout le monde ? Voici
une rue où je passe souvent.
Je t’embrasse bien affectueusement et Maine avec toi.
Elle se passe ces jours-ci. Tu connais Miss Thomas. Elle qui a toujours été si gaie, si
pleine de resources [ressources] était devenue triste, soucieuse, minée par quelque
chose.
J’attendais ses confidences.
La dernière fois qu’elle est venue me voir, elle avait retrouvé son humeur habituel
[habituelle]. Je m’en étais aperçue tout de suite, elle affrontait la vie avec
assurance.
« Vous avez de vieux journaux ? » « Mais oui. » « Beaucoup, beaucoup ? » « Venez voir. »
Ils s’empilaient depuis deux mois et demie, j’avais oublié de les faire enlever avec les
[?]
« Vous me les donnerez ? je puis les emporter ? » « Certainement. » Je trouvai pour elle
un grand sac en carton. Elle le mis [mit] par terre, elle foura [fourra] les journaux
dedans avec grand sérieux les forçant dans les coins.
« Vous allez être bien chargée pour rentrer comme ça. » Elle se releva, les joues rouges
– « je vous expliquerai ». Miss Thomas est membre d’une communité [communauté] dissidente
dont le nouveau Pasteur, jeune et plein de zèle, s’est ingénié de trouver moyen de secouer
ses brebis quelque peu endormies. Il a proposé que chacun se prive de quelque chose
jusqu’à Pâques au profit des rénovations de leur temple qui en a besoin.
Nous connaissons les jeûnes classiques depuis la carême catholique jusqu’à la semaine de
dévouement de l’armée du Salut.
Mais chez les dissidents, c’est du nouveau.
Miss Thomas veut prendre part à toutes les bonnes œuvres. Aussi elle désire encourager le
jeune Pasteur. Mais que faire ? Il ne s’agit pas simplement de donner de l’argent,
d’ailleurs elle en a peu, il faut se sacrifier personnellement.
Elle mène une vie très simple, elle ne s’offre jamais de spectacles, elle mange si peu
qu’avec moins elle s’affaiblirait, de se priver de chauffage également, elle prendrait mal
et puis des amies lui ont donné du charbon pour ses étrennes, ce ne serait pas gentil de
ne pas s’en servir.
Enfin n’aura-t-elle rien à offrir à Dieu qui lui a donné la vie et l’intelligence et le
don de savoir aider aux autres qui lui fait tant de plaisir à exercer.
Peut-être a-t-elle fait part à Dieu de sa difficulté [ ?]
L’idée lui est venue subitement, éblouissante et si simple ! Elle n’achètera plus de bois
ni d’allume-feu jusqu’à Pâques. Elle s’est souvenue que pendant la guerre quand on ne
pouvait pas avoir du bois, on s’est fait d’allume-feu de journaux. On les froissait, on
les tirait, on les tordait, on les roulait en coques et les voilà prêts.
« Cela me fait travailler, je donne aussi mon travail mais j’aime en faire beaucoup à la
fois parce que c’est salissant pour les mains ».
Merci Jean de ta lettre. Tu es gentil de m’expliquer ce qu’on fera en cas de danger alors
je comprendrais mieux mais je souhais [souhaite] bien que cela n’arrive pas. Ce que tu me
dis de la petite maison que ta Maman désire m’intéresse beaucoup j’aimerais savoir
davantage115. Alors est-ce qu’on [peut] prévoir quand l’affaire avec le
propriétaire finira ?
Crois-moi je me fais de la bile pour les affaires politiques.
Oui, tu as raison, un pays vu de distance semble agir comme un seul homme tandis qu’il
[ils] se disputent tout le temps. Je ne crois pas que Mac Donald reste longtemps au
pouvoir116. Mais cela me console pas beaucoup si le mal est
déjà fait. Une chose qui me frappe en regardant nos deux pays, c’est que le français en
temps ordinaire se laisse aller à des fantaisies, enthouse [s’enthousiasme] pour des idées
étranges, ou s’inquiète de ce qui peut arriver s’il agit. Mais dès que la difficulté ou le
danger arrive vite, il s’arrange pour être pratique, il fait comme tout le monde et tout
le monde le fait. Excuse-moi, je crois que vous ne vous rendez pas compte de ce mouvement,
nous non plus de notre mouvement inverse. En temps ordinaire, l’anglais écoute à tous les
types qui ont des idées à raconter, il n’a pas l’air d’en faire grand cas mais de
l’influence tout de même. La difficulté arrivé [arrivée], il se dit voilà le moment où il
faut avoir le courage de ses opinions, ou il faut se sacrifier pour ses
opinions principes et le voilà qui s’entête comme un Don Quixot [Don
Quichotte]. C’est un peu ce que fait Mac Donald pour les désarmements.
J’ai vu ce mouvement dans le cas et les particuliers117.
Quelques jours avant la déclaration de conscription par Allemagne, on nous a fait
répondre à des questions sur la League et les armements. Voici.
Doit la Grande Bretagne rester membre de la League ? Je réponds (oui)
Désirez-vous réduction d’armes par consentement [ ?] (non)
Qu’on prohibe la fabrique d’armes pour profit ? (oui)
Si une nation insiste d’attaquer une autre doit-on continuer à l’empêcher (a/ par moyen
économique (oui), par moyen militaire (oui) et puis comme commentaire je dis l’idéal est
paix sans peur de guerre. Si on a la volonté de paix assez longtemps, les armes
disparaîtront.
Une nation n’insiste pas à attaquer, elle attaque et les autres doivent être assez fort
[fortes] pour l’empêcher tout de suite. De se désarmer tandis que [les] autres s’arme
[s’arment] en secret est suicide.
Malheureusement je ne cause pas avec les ministres118.
Voilà en bref et assez mal dit.
Je griffonne, j’ai hâte.
Je vais à Windermere demain pour la journée, il faut que je me couche de bonne heure pour
pouvoir partir à 7.15 demain matin.
Il me surprend un peu que tu sois conseiller municipal119.
Merci de ta gentil [gentille] carte. Puisque tu trouves ce que je t’ai dit intéressant,
fais-en comme tu veux. Je me fis [fies] à ton avis mais arranges le français et
l’orthographe pour moi je te prie. B. Rh suffit bien pour signer. Je suis contente que je
dis des choses qui t’intéresse… Je te dirai de les [mot illisible] de Mesures quand je
l’aurai vu. Je suis très contente que l’affaire pour Ritonne marche bien. Tu me diras
quand elle arrive à son [titre ?] n’est-ce pas ? Tu es bien gentil de me raconter tant de
choses. J’ai une longue lettre de ta maman chérie, elle me raconte beaucoup de choses,
mais avec tout cela je ne sais pas encore où est la petite maison qu’elle désire.
Etes-vous rentrez [rentrés] mieux portant après votre petit repos à Trestel121 ?As-tu rédigé un programme aussi pour
le conseil municipal ? Les gens autour de moi reçoivent les nouvelles politiques selon
leur type individuel mais je crois qu’il y en a peu qui se rendent compte du sérieux.
L’autre matin, qu’on a encore raconté qu’Allemagne avait encore affronté le
reste du monde. Je rentrais de faire mes achats. La dame du rez-de-chaussée m’appella.
« Je veux vous parler. Entrez cinq minutes ! » J’étais pressée mais elle est si gentille,
une grand-mère parfaite, je m’arrête. Je dis : « les nouvelles ne sont pas bonnes. »
Quoi ? Je n’en sais rien. Mais vous avez la radio et les journaux. Oui mais je ne lis pas
les politiques, à quoi bon ? Nous sommes à peu près où nous étions en 1914… Pas possible !
Les politiciens se sont rencontrés, ils ont tout arrangé je le crois. Je voudrais vous
dire qu’il nous faut décider si nous devons nous en irez aller ou non. Ici nous
n’avons pas une chambre à donner et si l’un ou l’autre nous tombions malade ce serait
gênant. Ma fille veut que je m’approche d’elle, mon fils et ma sœur de même. Si je
m’approche d’un, je serai bien éloigné [éloignée] des deux autres, nous sommes ici depuis
9 ans, et chaque printemps la question se pose… Elle se repose encore. La dame du 1er me happe en passant. « Les nouvelles par TSF sont affreuses, je ne
les crois pas. Je ne veux pas vivre pendant une autre guerre ! C’est impossible. Les
Allemands sont les gens comme nous ils savent qu’ils perderaient[perdraient] leurs jeunes
gens et tous [tout] le reste, ils sont des gens bien savants, bien travailleurs.
D’ailleurs avec leurs aéroplanes, nous serons tous [tués ?] tout de suite et je vous dis
que moi je ne veux pas faire queue pour la nourriture, je préfère mourir tout de suite, je
ne veux plus vivre !! « Ce ne sera peut-être pas vous qui déciderez cela ! » Je m’éloigné
[éloignais). La sonnette. La petite amie consolatrice arrive. « Oui les nouvelles sont
fâcheuses. Moi je ne m’en fais pas de soucis. Si Dieu permet qu’on fasse la guerre avec
leur nouvelle machine, nous serons tous tués et puisqu’il n’y aura pas de lendemain, il
n’y a pas à s’en soucier, voilà tout. » Avec tout cela, on n’est pas plus avancé. Au
revoir, Jean.
Je viens. Très contente d’avoir tes deux lettres. J’ai mon billet pour partir lundi.
J’arriverai donc mardi matin à la gare S[ain]t Lazare. Veux-tu dire à ta Maman pour moi je
te prie qu’on vient de me dire que j’arriverai à 9 heures 49 minutes. C’est plus tôt que
l’heure que je lui ai dit. Je suis contente de savoir les projets. Domage [dommage] que
nous ayons moins de temps à Port-Cros mais d’autre part nous aurons Madame Paulhan tout le
temps avec nous122.
Je viendrai vous voir avant votre départ pour Vittel123.
J’aurai beaucoup à voir et entendre.
Je n’ai pas la tête très solide pour le moment, la dent cassée a été arraché [arrachée]
avant-hier, il me semble que j’ai été au « boxing » et que j’ai reçu un « knockout » sur
le machoir [la mâchoire]. Il fait grand vent, les fenêtres sont secoué [secouées] et les
portes claquent mais il ne fait pas froid. Je veux voir le jardin si jolie [joli].
Ta [ton] dernier mot m’arrive. Tu m’as sauvé [sauvée]. J’allais justement sortir pour mon
billet avec l’intention d’arriver à Paris le 1er juin. Maintenant je
ravise [révise] mes projets. Je regrette que vous ne pouvez pas partir et surtout pour
Maine pour son traitement. Oui je veux aller plus tard à Mont-sous-Vaudrey124. Mais quand ? En allant à
Port-Cros ? Je regrette aussi que je ne vous verrai pas sitôt.
Je vais tacher de faire ma visite à Bexhill vers la fin de juin si ma tante veut, alors
je serai libre de venir un peu plus tôt en juillet… Si tu as un moment dis un peu vos
projets pour l’été et comment tout marche.
Il n’y a pas de soucis j’espère ! Mercredi, j’étais à Southport chez Miss Thomas et hier
j’ai reçu une amie pour la journée. J’écris à la hâte.
Je te souhais [souhaite] un beau jour pour ton anniversaire125 et que tu en aies beaucoup d’autres. Je suis
bien rentré [rentrée] après un voyage facile, très peu de monde. Il y a je ne sais pas
pourquoi une élection municipal [municipale] pour mardi dans notre quartier, il y [en]
avait une déjà il y a un mois, je ne sais ce qu’on a fait du candidat élu pour qu’on
désire un autre. Miss Barnes ne peut pas me renseigner. Miss Barnes va avoir une cousine
chez elle pour un mois. Elle ne sait pas si elle désire avoir une visite, il y a si
longtemps depuis qu’elle n’a reçu une parente car elle n’avez [avait] pas une chambre à
offrir. Elle veut que je lui aide à causer avec cette dame. Cela n’est pas mon fort comme
tu sais. Miss Thomas est venue hier me voir : elle est très enthusiasmée [enthousiasmée]
pour son nouvel appartement. Je dois aller la voir mardi après la [le] vote. Une autre
amie m’écrit qu’elle vient jeudi me voir. Demain, je vais chez mon dentiste.
Les gros beaux livres que tu m’as donné [donnés] arriveront demain, Cook s’est chargé de
l’expédition. Ils sont des trésors. Merci beaucoup.
Je reprends ma vie d’ici. Je crois qu’il y a peu de personnes qui ont deux vies qui ont
si peu de liens entre elles (sauf les hommes qui [entretiennent] 2 maisons). Ma vie en
France parmi vous et ma vie ici : l’une est aussi profondément la mienne que l’autre.
Aussi elles m’absorbent autant l’une que l’autre. Les visites à des parents et des amies
sont autres choses.
Je vais maintenant écrire à Kate. Il a plu beaucoup tout le mois de novembre. Les dates
[dattes] sont très bons [bonnes] j’en mange encore. Mais quelle quantité !
J’aimerai bien avoir des nouvelles de ta Maman et de savoir qu’elle va mieux.
Oui tu as raison de critiquer, c’est même ton devoir. Je protestais que tu faisais de la
peine sans arriver à convaincre à ce qu’il me semblait mais j’ai eu tort de le dire. Tu
sais mieux que moi comprendre ta Maman. Pour le moment je fus très découragé
[découragée] : j’ai voulu aider tant que j’ai pu et cela était si peu126. Moi aussi, j’ai toujours entendu
beaucoup de critiques de la maison, justes et pas justes. Ces derniers temps aussi, on a
donné souvent des conseils les uns tout à fait contraires aux autres. Je ne suis pas
aveugle non plus aux défauts de la maison. C’est facile de critiquer je me dis mais
difficile de changer quelque chose effectivement. Je crains que tu ne t’aies privé pour
moi d’un livre que tu aimes beaucoup. J’admire Breughel comme dessin et tecnique
[technique] : il est épatant. Il impose ses idées brutallement [brutalement] mais je ne le
trouve pas sympathique tandis que dans Lebourg j’ai une joie de voir un coin ou un moment
de la nature bien rendu.
Je reviens de Windermere. Arthur va bien, nous avons fait plusieurs promenades ensemble.
J’ai vu quelques maisons qu’on a batit [bâti] depuis ma dernière visite
Une m’a plu, bien située mais pas tout à fait comme je veux dedans. Je crois qu’une dame
va l’avoir. Je me demande si je ferai bien de faire bâtir une maison pour moi par là. On
partage une propriété en lots. Je réfléchis.
Je suis très occupée de beaucoup de petites choses.
Voici le premier mot que j’écris cette année, c’est pour te souhaiter tous [tout ce]
qu’il y a de bon pour toi et les tiens. Merci bien Jean de tes deux lettres. Tu es gentil
de me donner si vite des nouvelles de ta maman, je suis rassurée depuis que je sais
qu’elle va bien.
Le nom des éditeurs des dessins de Bruegel [Brueghel] que tu me demandes est G. Van Oest
& C° Bruxelles.
Je suis contrariée pour ce que tu me dis du procès. Mon [Ma] première idée était que de
quitter la maison nuirait pour l’indemnité mais on disait que non. A quoi bon les avocats,
les avoués et les hommes d’affaires si avec leurs études et leurs expériences, ils ne
peuvent pas savoir une chose comme ça. Il nous faut nous fier seulement à notre
instinct !
Pour soi-même, on peut écouter son instinct mais en parlait aux autres il faut des
raisons. Il fait très sombre aujourd’hui et la pluie tout de même je vais voir une
exposition parce qu’il [elle] va fermer cette semaine. Je suis contente que les jours de
fête finissent. Je suis lasse. Quant à la nrf, je suis encore au mois d’août quand
j’arriverai à M. Weston, je ferai attention.
Est-ce que tu travailles à la Pénélope pour les « Fleurs de Tarbes » ? Je croyais qu’il
était déjà achevé127. Bon succès.
Tu étais bien gentil de me donner des nouvelles. Merci et aussi pour le Piranesi, belle
ruine. Mais si c’est pour indiquer l’espèce de maison qu’il me faut, cela ne me convient
pas.
J’ai surtout besoin d’une maison solide à chaufage [chauffage] central ce qui est encore
rare dans les maisons à dimentions [dimension] modeste.
On m’a montré un lopin de terre bien situé mais j’attends qu’on me dise ce qu’on propose
bâtir là-dessus. Ce n’est pas la beauté de la maison qui m’empêchera de venir en France.
Si je trouve des domestiques ou des dames de confiance pour leur laisser la maison, je
reviendrai bien ou peut-être même je fermerais en été. Il a fait très froid ces temps-ci
et Miss Barnes de peur que sa salle de bains ne gelle [gèle] a allumé un poêle qui sent
bien mauvais, cela m’impoisone [m’empoisonne]. C’est amusant les chats. Les bêtes sont
bien avisés [avisées] pour les endroits chauffé [chauffés]. Je t’ai déjà dit des moineaux
qui se chauffent contre certaines briques d’une cheminé [cheminée] que je vois. Jean Dumas
fait bien de se remarier. J’espère qu’il sera heureux.
3
Je suis contente que les Fleurs de Tarbes soient fini. Tu en aies [es] content toi ? Dans
la nrf en sérial [en feuilleton ?] il me faut de la patience si je veux commencer par la
fin, n’est-ce pas ?
Miss Barnes est enchantée de Lacretelle. Aujourd’hui je vais à Southport chez mon amie
Lillie Harrison pour écouter l’interrement [enterrement] du roi128.
Il y a longtemps qu’un roi d’Angleterre ne soit morte [mort] on se demandait ce que les
gens allaient faire, on commande le deuil pour la Cour mais les autres font comme il
veuillent [ils veulent]. Eh bien il [ils] ont mis le deuil presque tous même ceux qui ne
le font pas pour leur propre [leurs propres] parents. Tous les magazines [magasins] et
boutiques ferment aujourd’hui sans qu’on le leur demande.
Il y a 35 ans j’ai vu la procession de la reine Victoria mais maintenant je ne puis pas
faire les longues stations dans les foules qu’il faut. Je verrai au cinéma demain ou
après-demain ce que j’entends aujourd’hui.
Mon voisin au rez-de-chaussée est mort ces jours-ci, il avait 82 ans. Cela nous a occupés
un peu, voir sa femme etc. Il faut que je trotte.
Au revoir Jean.
Je vous embrasse tous les deux bien affectueusement.
Bertha
Voici des photos.
J’ai envoyé à Marceline de toutes celles que j’ai fait agrandir des enfants, elles seront
à Port-Cros si elle est avec vous. Que tu saches.
Voici je suis prête à partir, presque je n’ai que mettre mon chapeau et fermé [fermer]
les compteurs. Le taxi viendra dans une heure à peu près. Je chercherai Miss Thomas à la
gare ensuite au bateau qui attend dans un bassin. Nous n’arrêterons pas avant Madère où
nous devons être le 25, puis à Santa Cruz le 27 et Las Palmas le 28. On rentre le 5 avril,
pas une très longue [un très long] voyage. Tu est [es] gentil de m’écrire. Je suis bien
contente qu’il y ait d’autres pensionnaires. Merci de m’avoir proposé la promenade en
Italie j’aurais accepté volontiers d’y aller si ce n’est que j’ai tant de choses à faire
ce printemps et peut-être l’été aussi. Mrs Hazlehurst doit quitter Arthur le 15 mai,
j’irai m’installer là avec Miss Thomas si elle est assez remise de sa fatigue. Je ne sais
pour combien de temps il me faut y rester.
On m’a fait un projet de maison à Windermere mais comme on n’était pas très net sur la
question de entretenir la chausse [chaussée] qui y mènera, j’ai consulté mon avoué qui va
s’en occuper.
Ça aurait été très bien de voir Jean Dumas et sa fiancée aux îles Canaries comme me
raconte ta Maman mais je ne vois pas comment il serait dans mon bateau à moins de venir à
Liverpool.
2
C’est domage [dommage] que la pièce de M. Supervielle ne réussit pas mieux, il est
sérieux130. C’est un homme bien gentil et intéressant malgré
que sa poésie m’a déçu.
D’abord, je me suis dit voici une poésie que je vais comprendre, mais pas. C’est aussi
glissante que le reste mais j’aime ses romans. Je trouvais le n° 1 Mesures de cette année
intéressant. La poésie chinoise surtout. J’ai vu à l’exposition à Londres le tableau de la
dame qui devait se séparer de ses enfants. C’est très très vieux. Les sermons aussi
étaient bien, je comprends que les idées étaient bien trop modernes pour leur temps.
J’emporte 6 numéros de nrf pour lire si je peux ratrapper[rattraper] ma lecture.
J’écris bien mal aujourd’hui, je suis lasse de mes préparatifs.
Quant au Daily Express, je n’ai rien su de ce que tu me dis. Je ne la connais que de
nom.
Toutes ces politiques sont bien inquiétantes, on fait des gaffes tout le temps. Le fait
de la tour de Babel se fait sentir encore. On ne comprend plus l’autre même quand c’est
bien traduit. Puis on est surpris par les gestes.
Au revoir Jean.
Je vous embrasse tous les deux.
Bertha
As-tu reçu les photos de Dominique et aussi le phasme. Tu m’as parlé des autres et de moi
[qu’en ?] penses-tu ?
Merci pour la lettre et toutes les nouvelles. Tu seras bien gentil de me dire comment tu
trouve [trouves] ta Maman en rentrant. Je suis contente que les enfants de Maine vont bien
et qu’ils n’ont point changés.
Voici le portrait de la dame Chinoise qui dit adieux à son mari et ses enfants, la dame
de la poésie dans Mesures. On dit que le tableau fut peint à l’époque
même. Je suis très occupée. Je te raconterai cela un autre jour.
Ta lettre ma [m’a] fait grand plaisir. Mais Oui je suis très très occupée. Demain en huit
je déménage. Je vais mettre mes meubles dans une petite maison près de chez Arthur en
attendant une autre plus commode. Mrs Hazlehurst voulait retarder son départ, la maison de
sa fille n’est pas prête. Alors je tâche à faire le déménagement et cela sera fait, et
puis je m’installe chez Arthur le temps qu’il faut pour trouver des gens pour lui. Si ce
n’est pas trop longue [long] je peux venir à Port-Cros tout de même je fais de mon mieux
pour cela.
L’adresse de Arthur
« Spring Cottage »
44 Ellerthwaite Road
Windermere
Westmorland
Il y aura toujours quelqu’un là pour faire suivre des lettres même que je n’y suis
pas.
Voici toutes les photographies de mon voyage que j’ai fait agrandir.
Je décide que c’est temps que je quitte cet appartement et tout de même cela m’attriste
car j’ai été bien contente ici, personne pour me contrarier. D’autre part, Windermere est
bien jolie et je n’aurai pas le trajet à faire pour voir Arthur.
Tu as du travail avec les papiers de Thibaudet131 mais
cela doit être intéressant aussi. Je serai très contente de voir le Fleurs de
Tarbes, je tâcherai de la lire comme il faut.
Oui j’ai aimé le poème des Amoureuses infirmes132, l’idée est gentile [sic], puis on se figure le jeune homme
dans le monde. Je suis heureuse que Ritonne soit nommée.
Vous serez bien gentils toi ou Maine de faire changer mon adresse chez NRF. Tu ne me dis
rien de Maine, va-t-elle mieux avec le printemps ? Je le souhaite. Le printemps est venu
tout à coup il y a une quinzaine nous avons eu de beaux jours mais aujourd’hui il fait
frais. Au revoir.
Bien sûr je vous attends à Pâques, vous serez les premiers à me faire visite dans la
nouvelle maison. Vois l’adresse ci-dessus. Tu peux t’en servir quand tu m’écris, le
facteur m’apporte mes lettres ici à côté. J’avais commencé à t’écrire et voilà encore une
lettre de toi. Tu as été bien gentil et bien patient de m’écrire tant de fois sans que je
réponds [réponde]. Merci de toutes les lettres. Je suis peinée que ta mère soit fatiguée
et que tu as des soucis pour elle. J’aurais aimé venir vous voir tous mais je ne sais
pas
2
comment le faire pour le moment. On a toujours quelques choses à me demander pour la
nouvelle maison. Il me semble que pour l’année 1937 – l’exposition133 et tout cela – il devrait avoir des gens qui demanderont
prendre la suite de la pension. Si il y a des demandes à acheter de la part des gens
honnêtes et solides, conseils [conseilles] à ta maman d’accepter. Moi j’ai toujours trouvé
la nourriture bonne à la pension.
Je m’inquiète de Madame Paulhan elle travaille trop et avec des soucis en plus. A-t-elle
des soucis en particulier à présent ?
Ma maison progresse, il y a encore beaucoup de choses à faire à l’intérieur puis il faut
la sécher avant de la décorer. Une fois installé là-dedans
3
tout dépendra des femmes que je trouve pour m’aider, si elles seront bien et capables je
pourrai facilement quitter la maison de temps en temps. La maison n’est pas grande mais je
chercherai deux personnes pour qu’elles se tiennent companie [compagnie] en mon absence.
Hier j’ai pris des photographies de la maison, je t’en enverrai dès qu’elles
sont seront tirées.
Ta lettre de Port-Cros m’a fait bien revoir l’île. Le fort du Moulin doit être charmante
[charmant].
Merci pour Mesures, je vois qu’il y a là des choses qui m’intéresseront
quand je me mis à lire. J’ai encore tout la nrf pour l’année à commencer
je n’ai pas été en train à lire quoi que ce soit.
A présent, je suis dans la maison où sont mes meubles tâchant d’y mettre un
4
peu d’ordre et de propreté. Une amie Lillie Harrison de Southport est avec moi elle est
très gentille, elle s’occupe de la cuisine puis nous faisons de courses ensemble elle
tricote des peignoirs et des pantoufles elle est amie avec des oiseaux.
Ma maison n’aura pas d’atelier pour commencer mais j’espère ajouter un en bois. Peut-être
alors je me mettrai à peindre.
Le pays a été bien joli de couleurs boleaux [bouleaux ?] hêtres, chênes quelques pins
puis une tempête a balayé presque toutes les feuilles, nous avons vu de la neige sur les
montagnes ces derniers jours. Il y a un couple de faisans qui se promènent parfois dans le
jardin qui est un paquet de peu des bois. J’aurai aussi le bois comme jardin à
l’autre maison.
5
J’ai maintenant un [une] TSF. Cela marche très sagement. Lillie H[arrison] le surveille.
Tout à l’heure nous allons assister à l’office dans une cathédrale.
Je te renvoie ces jolis papiers. Ces gens en Amérique disent en effet que comme ils ont
le droit de le faire ils ont prélevé 10 pour cent sur vos dividendes pour cause de l’impôt
sur le revenu. Si vous tenez à protester contre ce qu’ils font on vous écouterait
seulement si vous êtes citoyen américain, votre commerce dans ce pays même et votre bureau
situé là aussi. Comme tu n’es qu’un (non resident alien) il n’y a rien à
faire, ne gaspille pas des timbres à répondre. Je ne savais pas que Ritonne fut nommée
j’en suis très contente.
La pauvre chère Maine de souffrir tant ! elle a beaucoup de mérite à travailler.
6
Je vais mieux je suis un peu reposer [reposée] depuis que je suis ici, j’ai moins de
malaise. Une drôle de chose m’arrive, mes cheveux sont moins blancs. Mon médecin de
Southport m’a donné quelque chose à prendre contre le rhumatisme. Je le prends depuis
quelques mois, cela fait un peu de bien mais surtout il fait que les cheveux qui poussent
à présent sont noirs. Le mélange est gris comme il y a dix ans. Arthur va bien, il est
toujours content [de] me voir quand je me présente chez lui.
Au revoir Jean. Je tâcherai d’écrire plus souvent.
Je vous embrasse tous les deux bien affectueusement.
Merci Jean de ton mot rasurant [rassurant]. Non tu ne m’ennuie [ennuies] jamais. Ces
papiers disent que Utah Copper & Kennecot Copper veulent [manger ?]. Une feuille est
pour nommer un des hommes només [nommés] là pour qu’il vote pour vous. Mais c’était déjà
trop tard pour que le papier parvient avant le meeting, c’est pourquoi je ne me suis pas
pressé [pressée] de répondre samedi. D’ailleurs l’affaire n’a pas d’importance ils le
feront car [quand] même. Ils disent que les directors dans l’une companie [compagnie] sont
les mêmes que dans l’autre pour la plupart.
Voici les photos de ma maison. Elle n’est pas grande et les pièces ne sont pas très haute
[hautes]. C’est bien une maison d’ici. Il faudra quelque temps pour que le ciment et
plâtre sèchent avant de finir l’intérieur.
Lillie Harrison est rentré [rentrée] chez elle pour 4 ou 5 jours elle va revenir, elle
est gentille pour moi.
Je vais jusqu’à la boîte à lettres malgré le mauvais temps. Je préfère sortir avant la
nuit il n’y a que de réberbéres [réverbéres] sur la grande route bien sûr j’ai une lampe
électrique. Comment vont tout le monde ?
Port-Cros m’a beaucoup manqué cette année. Je me l’apperçois [m’en aperçois] davantage
que l’hiver commence.
Je voudrais te souhaiter bonne [bon] anniversaire un peu tard peut-être pour le 2. Tu
m’excuseras quand je te dis que Miss Thomas est morte ce matin même quand je l’ai vu la
dernière fois elle était très très faible presque pas là dans son lit. Deux de ses nièces
sont restées auprès d’elle. Mon avoué m’a envoyé la dépêche en ajoutant qu’elle m’a nommée
exécutrice avec lui. Ces corvées-là m’arrive [arrivent] toujours s’ajouter à mes
occupations. Moi j’avais pris mon billet pour venir à Paris pour arriver le 14. J’espère
pouvoir le faire tout de même pour passer le Noël avec ta Maman et vous serez là n’est-ce
pas, vous ne serez pas partis. Il faut que je reviens [revienne] au nouvel an.
Merci de ton mot. Je craignais des empêchements mais j’ai [eu] raison de tous. J’attendai
[attendais] pour le dire sûr (si le temps ne m’arrête pas en route). J’arriverai à 9.45
h[eures] à la gare S[ain]t-Lazare jeudi matin le 19. Nous avons eu un temps
invraisemblable après grêle, neige, dégelle [dégel], regelle [re-gel] il a fait
tempête-pluie. Beaucoup de chemin son [sont] impassable [sic]. On signale dans le pays
quelques grandes chaussées 6 pieds sous l’eau.
Eh bien la crise est passée, les évêques sont contents. Je crains que le pauvre Duc de
Windsor ne trouve pas le bonheur qu’il croit auprès de cette femme134. Il a bien travaillait [travaillé] pour le
pays comme prince et comme roi mais il a cru pouvoir avoir un peu de liberté. Il a compris
dès le commencement que cette femme ne ferait pas bien comme reine.
Au revoir, à bientôt.
Je vous embrasse tous les deux bien affectueusement.
Il me fait de la peine Jean de te savoir toujours fatigué aussi tes yeux. A part mes yeux
qui voient de moins en moins, je vais très bien mais j’ai vieilli, je fais tout très
lentement. Le docteur est surprit [surpris] que j’aie pu me remettre. Je trouve ton projet
bien. Avec un si bon projet, il faut l’acomplir [accomplir] aussitôt. Je ferai ce que je
pourrai. Je suis contente que Germaine puisse venir, il faut aller doucement en voyageant.
Le printemps commence ici nous sommes à peu près 1 mois en retard sur Paris. Nous avons
l’été devant nous. Je vous donc attends. Si par hasard je suis sortie quand vous arrivez
tu sais Miss Wawn habite en face de moi aussi la famille Evans est sous le même toit
qu’elle. Que je serai contente vous revoir tous les deux. Nous aurons beaucoup à nous
dire.
Je trouve que d’écrire grand me déroute dans les lettres.
Ta lettre arrive à l’instant. Que je suis contente de la recevoir aussi de savoir que tu
ailles mieux les yeux aussi.
J’écris à la hâte parce que je vais sortir aux provisions avec Miss Wawn. Je profit
[profite] pour mettre ceci au bureau de postes. Je ne sors pas seule. On a peur pour moi
des voitures. Je vais à ce que dit le médecin merveilleusement mieux comme santé, je
repris ma couleur et forces aussi j’engraisse (je voudrais m’en passer) aujourd’hui, il y
a d’autres jours je ne vois presque rien. Le docteur dit que je perdrai la vue. Le cœur me
donne comme un coup de pied de temps en temps. Assez de moi.
Ton heureux nouvel de Maine se sent assez bien pour prendre des vacances [sic]. Ce serait
parfet [parfait] si elle pu [pouvait] pousser jusqu’ici. Je le désire bien.
En tout cas tu sais que tu est [es] toujours le bienvenu chez moi. La chambre t’attend.
Il a fait très beau pour les fleurs ce printemps, des masse [masses] de couleur aux
buissons.
Que c’est triste de [que] Supervielle souffre tant si longtemps, il est bien
attachant.
Je ne savais pas que [Minine ?] s’est marié je n’ai aucune nouvelle de la France sauf par
toi. Elle est jeune n’est-ce pas de se marier. Comme vont les Arlands [sic] ?
Viens je te prie Jean. Je voudrai te revoir pendant que cela m’ait [est] encore possible.
Docteur Skene m’a dit que je dois perdre la vue de seul œil qui voit. Bien sûr que cela
peut se tarder on ne sait pas. J’ai bon [mien ?] je vais bien autrement sauf par moment le
cœur maplati [m’aplatis ?].
J’ai passé un bon été à part le temps qui a été affreux. Je suis content [contente] que
tes yeux vont mieux. Je suis triste que Maine n’a pas pu profiter du [de la] campagne. Tu
me trouveras bien portante je crois sauf les yeux et le cœur.
Je vous embrasse bien fort tous les deux.
Bertha
Je n’ai pas besoin que tu écris très gros pour moi si je vois tout.
Jean je suis très contente de recevoir de tes nouvelles aussi celles de Maine.
Viens, comme tu dis, [au] mois de décembre136, je regrete [regrette] de ne pouvoir venir à ta rencontre. Ne voyage pas
s’il fait trop froid, je ne veux pas que tu prenne [prennes] mal. Le docteur est content
que tu viennes me voir.
Le temps est au froid. Mon cœur le resent [ressent]. Neige sur les montagnes. Je
t’attends donc [en] décembre. Il me tard [tarde] de te voir. Je vœux [veux] que tu aies
les esquisses et des photos que tu désire [désires] aussi ramasse les [Pointelans ?] et
quels livres tu vœux [veux].
Le Docteur Skene m’a dit de te le demande [demander]. Il trouve que je suis triste. Je
m’inquiète du voyage pour toi. Si tu as quelqu’un qui peut venir avec toi (homme ou
femme), je rembourse les frais. Je ferai retenir chambres à un hôtel où vous seraient
[serez] bien. Tu viendras auprès de moi et nous causerons. Dans la maison je fais de moins
en moins.
Je ne vois qu’avec un petit peu d’un œil et cela peut finir à n’importe quel moment. J’ai
passée [passé] un moment pénible. Miss W[awn ?] a été mauvaise, elle tâche à m’isoler. Je
suis très seule mais j’ai une femme de ménage deux jours de semaine. A présent, il y a la
neige, très jolie mais je voudrai bien m’en passer. J’écris tant que c’est encore possible
et tu viendras quand tu le pu [peux] n’est-ce pas ?
C’est une dernier [dernière] bonté que je demande. J’ai la [vue ?] bien et même de
couleur dans les [jours ?] mais l’œil est très inquiétant, c’est près du cerveau.
Au revoir. Je vous embrasse bien fort tous les deux.
Ta lettre m’a rasuré [rassurée], je suis facilement inquiète ces jours-ci. Je te remercie
je serai bien contente [de] te voir. Mais voici ce qu’il y a. Le temps est bien mauvais
pour voyager, les chemins gelés, tant d’accidents de personnes et de voitures. Les
contrôles coupent beaucoup de trains pour économiser. Aussi il y a une mauvaise grippe
dans tout le nord d’Angleterre. Samedi le journal dit qu’il y avait 3000 gens au lit avec
la grippe à Kendal. Les médecins sont tous tombé [tombés] malades dont Docteur Skene. On
mande les médecins et des garde-malades en retraite. Ne penses-tu qu’il faudrait mieux
attends [attendre] un peu ? Cela va passer.
Je suis peiné [peinée] que Germaine souffre davantage. Je souhais [souhaite] qu’elle
aille mieux bientôt. Fais attention au rhumatisme, cela fatigue le cœur. Je veux te voir
mais je ne veux pas que tu risques de te faire du mal. Je vais assez bien à présent sauf
toujours les yeux et la tête, je puis continuer comme je suis quelque temps, je crois.
J’écris bien mal.
Tu as bien fait Jean de ne pas venir il y a trop de risques en ce moment aussi il ne faut
pas inquiéter Maine. Je sais de moi-même combien les inquiétudes font soufrir [souffrir].
Il faut écouter de sages conseilles [conseils].
Mais je veux te dire que dès que c’est prudent vient [viens] sans même que je te le dise.
C’est que ma tête n’est pas très bien pour le moment à côté de l’œil abîmé et je pense que
à la fin cela peut toucher au cerveau. Je peut [peux] me tromper. Docteur Skene ne m’a pas
vu [vue] depuis avant Noël. Il va mieux, il viendra un jour bientôt. Je ne donne jamais
des lettres à Miss W[awn ?] pour mettre à la boîte, je n’ai jamais eu confiance en elle.
Elle est très curieuse aussi elle fait des méchancetés, tours pour s’amuser. Elle trouve
la vie trop monotone. Ma femme de ménage est bonne mais elle est très occupée à présent.
J’écris mal mais tu comprends. Je vais sortir avec Miss W[awn ?] je vais mettre ceci à la
boîte.
Je veux bien te voir le 26 si cela t’arrange mais je crains pour toi c’est le plus
mauvais moment de l’année. Notre temps est toujours un mois en retard de cel [celui] de la
France pour le printemps. Aujourd’hui, il fait de la neige avec un vent pénétrant.
Serait-ce possible de remettre le voyage jusqu’à après Pâques. N’arrive pas le dimanche si
tu peux l’éviter. Le dimanche les trains sont plus lents, il n’y a pas de voitures à la
gare.
Mes félicitations d’avoir le prix139, d’ailleurs on te doit bien cela. J’ai reçu une
lettre d’Ursule après si long temps mais c’est de ma faute. Elle a fait bien plaisir à la
lire je pense l’entendre parler.
Docteur Skene me trouve assez bien. Moi les petits maux de la vieillesse me gêne
[gênent}.
J’embrasse bien tendrement Maine.
Je t’embrasse bien fort et je désire beaucoup te voir mais pas que cela te fasse mal140.
Oui vient [viens] comme tu dit [dis] le 28. Je serai bien contente de te voir. Mais fais
attention au voyage, couvre toi bien. Il fait très froid surtout la nuit. Je vais beaucoup
mieux ces jours-ci. Mais pas guérie cela ne se peut je crois et la vue diminue. Et Maine,
qui de vous deux a eu raison ? Dis-moi qu’elle va mieux.
Je vois personne que Miss W[awn?] qui tache à présent à être aimable avec moi.
Je vous embrasse tous les deux très tendrement.
Bertha
Il tombe de la neige toujours sur les montagnes.141
Peu de jours après ton départ, Docteur Skene est venu me voir. Je lui dis que je veux
venir à Paris. Il répondit : « Gather ye rosebuds while ye may »142. Il avait l’air de me trouver bien.
La semaine suivante, j’étais occupée avec rammoners [ramoneurs] à la cuisine. Emmeline
avait écrit qu’elle arriverait le 31 avril puis elle s’annonce pour le 27. Cela me donnait
à faire et
Quand enfin elle arrivait, je descendis trop vite à 6.30 du matin ouvrir, je faillit
[faillis] tomber puis le cœur allait mal. Enfin je vais mieux.
Mais je demande bien pardon du délai. Dis-moi si encore je puis venir. Ce n’est pas trop
tard pour vous ? Dis-le moi franchement.
Germaine je ne veux pas gêner si vous avez des projets.
Est-ce que vous pouvez aussi recevoir Emmeline, elle ne désire pas aller faire de
tourisme toute seule.
Nous pouvons je crois partir jeudi le 31 mai. Je me suis fait photographier et Doctor
Skene va témoiner [témoigner] pour le passeport.
Tes deux lettres arrivées ce matin. Que la vie est triste. Ma grand sympathie pour vous
deux, j’embrasse tendrement Maine. Il doit te contrarier de la quitter en ce moment. Ne
t’inquiètes pas pour nous. Tout est commandé pour le voyage alors nous viendrons à Paris.
Je demanderai à Cook de nous trouver un petit hôtel où nous pourrions rester 4 nuits.
Peut-être je te verrais un moment quand tu rentre [rentres]. Ensuite il se peut que nous
irons voir Ursule. Je vais lui écrire. Je tâcherai voir Ritoune.
Docteur Skene est toujours de même avis. Il veut que je continue tant que je vois du
tout, après on peut tanter [tenter] opérer l’œil qui a cataract [la cataracte] mais il y a
grand risque qu’on enlève le peu de vue que j’ai sans me donner davantage.
Je me suis decide [décidée] à ne pas venir à présent c’est plus prudent. La nuit passée,
j’ai eu un peu de ce malaise dans le dos du [dû] à nerves [aux nerfs]. Je ne veux pas que
cela me prenne en voyage et peut-être ajoute [ajouter] à tes ennuis. Ce n’est pas bien mal
mais car [quand] même. Je suis très déçu [déçue] de ne pas pouvoir venir te voir. Comment
va la pauvre souffrante Maine je songe beaucoup à elle, aussi à toi.
Peut-être nous viendrons en septembre je l’espère, je suis pressée au revoir
Tu as de la chance d’aller te chauffer au soleil. Oui sois bien prudent, ne t’expose pas
à prendre la fièvre et surtout n’oublie pas à revenir. J’étais mal, foie et cœur, un peu
mieux à présent mais très enrhumée. Tu as bien sentit [senti] qu’on a parlé de toi. Doctor
Skene dis [dit] que si tout va bien je pourai [pourrai] venir l’été prochain faire une
petite visite à Paris surtout si on vient à ma rencontre jusqu’à Londres.
Je vois très mal ces jours-ci. Ta lettre a mis plusieurs jours as [à] venir donc je me
presse a [à] répondre. J’ai reçu de Georges [Oms ?] une jolie vue de Rome aussi des mots
gracieux pour me remercier pour le portrait.
Pardon que je ne t’ai pas écrit depuis si longtemps. Très contente de recevoir ta lettre,
je m’inquiétais pensant que tu était [étais] malade.
Mes sympathes tes douleurs doivent être très agaçants [agaçantes].144 Je suis contente que Maine soit plus à
l’aise.
J’ai été pendant quelque [quelques] mois très tourmenté [tourmentée] par les histoires
faites par la charmante voisine, elle tâchait
m’isoler pour me dominer. Je la repousse, je désire qu’elle ne vient [vienne] plus chez
moi. Je ne puis pas venir à Paris. Docteur Skene dit que je ne dois pas voyager. Parfois
l’œil ne voit pas du tout, ensuite la vue revient un peu. Je suis navrée de ne pas te
voir. J’ai l’air d’aller mieux, par moment je me sens bien, je marche au village mais le
cœur n’est pas bien. Je pense que tu auras de bons moments avec Fred[éric]. Dis-lui bien
des choses de ma part. Que fait-il ?
Peut-être j’arriverai à me remettre. Je vous embrasse tendrement tous les deux.
Bertha
24. Aujourd’hui je vais mieux mais je n’ai pas le temps de te faire la lettre.
IMEC, fonds PLH, boîte 190, dossier 096182 – janvier 1953.
6 Jan[vier] [19]53
Rockcroft,
Cornbirthwaite,
Windermere
Tel 609
Cher Jean,
Je te demande pardon bien pardon de t’avoir laissé si longtemps sans mot de moi. C’est à
cause de mes yeux surtout. Je vois de moins en moins. L’an passé Docteur Skene était fâché
contre moi je ne sais pas au juste pourquoi il me négligé [négligeait]. Il y a deux
semaines il est redevenu aimable. J’ai dû ne pas te dire qu’il y a un an je me suis cassé
avec [séparée de] Miss Wawn tout à fait je l’ai mis [mise] à la porte.
J’étais devenue faible et fatiguée [cette ?] vilaine femme tachée [tâchait] de me dominer
tout à fait à me faire des misères. Je me rendais compte que mes ners [nerfs] ne pouvais
[n’en pouvaient] plus. Je résistais. Elle aussi elle me voyait l’eschapper [lui échapper].
Enfin depuis un an nous ne nous voyons plus que dans la rue. Il y a deux semaines Docteur
[Skene] est venue [venu] me voir il dit qu’il ne ma [m’a] jamais vu meilleur [meilleure]
mine. Il dit que je puis penser à venir en France, au beau temps si tout va bien mais pas
encore.
L’hiver commençait très tôt et le froid m’a attrapé [attrapée] vers Noël, j’étais
fatiguée. A présent je me sens bien et plus fort [forte]. Les yeux me gênent beaucoup je
devais revoir l’occulist [occuliste], Docteur dit après le froid
Rockfrot,
Cornbirthwaite,
Windermere
Tel 609
Docteur redoutte [redoute] l’opération sur l’œil pour moi. Je lui dis « je serai tout à
fait aveugle bientôt ? » Il dit oui. C’est déprimant. J’ai été très contente d’avoir de
vos nouvelles. Merci de toutes les lettres.
Une chose merveilleuse m’est arrivée. En 1940, ta Maman m’a écrit une carte jolie vue
d’Erquy. Quand c’est arrivé, je cuisiné [cuisinais], je la [l’ai] mise sur la cheminée du
salon tout de suite elle est disparue dans un unterstice [interstice] entre bois et mur,
je ne voulais pas faire démolir la cheminée mais souvent jai pensais [j’ai pensé] à la
carte que je n’avais pas lue. Le jour avant Noël, il y avait deux électriciens qui me
remettaient une prise électrique, ils avaient besoin de défaire la boiserie de la cheminée
et voilà la carte. Elle m’a faite [fait] un plaisir tu ne peut [peux] pas penser combien.
Elle est une jolie vue du mole d’Erquy prise d’un jardin, elle me décrit l’installation
chez Jean Dumas145, très commode.
Je ne puis plus à présent. Je tâcherais de t’écrire bientôt. Vous êtes bien courageux
tout [tous] les deux je vous embrasse bien fort.
Je viens! Tu entends je viens! Tu es bien gentil de vouloir venir me chercher à Londres
mais je ne veux pas voler. J’ai tout arrangé. J’ai les billets. Oh pardon j’écris trop fin
d’ailleurs je ne vois presque pas ce que j’écris. Je pars le 30 de bonheur [bonne heure].
Mrs Evans ira jusqu’à Londres avec moi pour me mettre dans le train à Victoria qui passe
par Douvres-Dunquirc [Dunkerque]. Paris Gare du Nord 9 heures matin 1er mai. J’ai bien besoin que toi ou quelqu’un me cherche à la gare. Je vois très
mal surtout si je suis un peu fatiguée.
Je passais [j’ai passé] une année mauvaise l’an passé. Je vais mieux à présent sauf la
vue.
Je suis pleine de sucis [soucis ?] pour vous. Avez-vous eu à changer d’adresse si fait,
comment est-ce pour Maine ? Je pense souvent à elle.
Je vous embrasse tout [tous] les deux bien affectueusement.
Cher Jean, je viens de recevoir une lettre de toi 19 avril. Quel choque [choc] cette
chère Maine[1] après tous [tout ce] qu’elle a souffert de sa
maladie une chute ! Toutes mes sympathies avec tous les deux. Il ne faut jamais penser que
tes lettres me sont indifférentes. J’y tiens beaucoup toujours.
Tout l’an passé j’ai voulu venir à Paris mais j’étais souffrante aussi j’avais une grande
déception pour mes yeux en plus Dr Skene ne voulait pas entendre parler pour moi de
voyager. Ce n’est que ces derniers [dernières] semaines-ci que je vais mieux, tant de
choses me réclament. A présent, j’ai tout arrangé pour venir mais dis-moi si ma présence
dérangera. Je tiens beaucoup à vous revoir et je resterai bien tranquil [tranquille] une
fois près de vous. J’ai des réservations de trains pour partir le 30 avril. Train bateau
arrivant Gare du Nord 1er mai 9 heures du matin. Ecris-moi un petit
mot [pour] me dire que vous êtes toujours à 5 rue des Arènes. On me demande l’adresse où
je vais descendre.
Je suis maintenant tout à fait rassurée pour mon voyage aussi presque prête. J’ai perdu
un peu l’habitude de faire des voyages. Je voudrais tant vous voir tout [tous] les
deux.
Mrs Evans fut à Victoria pour me trouver à mon arrive [arrivée]. Nous sommes bien arrivé
hier soir. Je viens d’écrire à M. Henri Thomas146 qu’il
trouvera l’argent à la Bank que tu m’as indiqué [indiquée].
Je te remercie à Germaine et toi pour la visite si agréable et bienfaisant que j’ai fait
chez vous. Que c’était bien de vous revoir. Aussi de voir toute ta famille intéressante.
J’envoie de bons [bonnes] amitiés à vos cousins Bruyère. Je regrette de ne pas avoir dit
au revoir aux Choffé147. J’étais pressé [pressée] à la fin.
Il pleut à présent. Je suis allée au village ce matin.
Cher Jean, écoute. Je suis très triste et je ne sais au juste que faire. C’est mes yeux.
L’opération sur l’œil droit paraît bien fait [faite] et je vois avec mais pas bien. On ne
m’a pas encore donné de [mot illisible]. C’est plutôt embrouillant. Je suis allé [allée]
voir hier l’occulist [oculiste] qui me soigne at [à] Manchester, il est content de ce
qu’il a fait mais il me dit que j’ai une infection à l’œil gauche qui va sans doute
augmenter puis gagné [gagner] l’œil droite [droit] en ce cas je serais tout à fait
aveugle, qu’il peut l’empêcher un peu avec traitement qu’il faut continuer tout [toute] ma
vie. Un [traitement ?] embettant [embêtant], il me faudrais [faudrait] avoir toujours
quelqu’un à côté pour mettre des goutes [gouttes] dans les yeux.
Moi je crois qu’il se trompe peut-être de ce qu’il voir derière [voit derrière] mon œil
gauche.
J’ai eu de regrettes [regrets] plusieurs fois que je n’ai pas accepté de voir la dame
occulist [oculiste] dont tu m’as parler [parlée] qui est bon pour le diagnosis
[diagnostic] et qui t’as aidé de conseils. Serait-il possible de la voir maintenant ?
Ma santé à certains égards est meilleur [meilleure] à présent. Mrs Evans pourrait
m’accompagner. Nous pourrons venir à un hôtel pas loin de toi pour 3 ou 4 jours pour ne
pas te déranger. Je vais renouveller [renouveler] mon pasport [passeport] qui est au bout
de sa course. Il me faut aller voir l’occulist [oculiste] encore le 28 mai et j’aimerai
avoir le cœur net avant cet [cette] date.
Plus tard je désire beaucoup que tu vient [viennes] me voir ici.
Que c’était beau ce que tu me racontais que Maine se réveillait et causait avec
Marceline. Excuse cette lettre.
Je vous embrasse tout [tous] les deux. Mrs Evans est bonne pour moi, ma santé est mieux
depuis qu’elle a fait une cuisine pour moi. Au revoir et pardon.
Merci de tes deux lettres. Tu est [es] si bon de t’occuper de mes affaires mais je te
prie ne fais rien je ne puis pas venir. Plus tard j’espère pouvoir fair [faire] quelque
chose. Comme les amis dont tu me racontais récement [récemment]. J’ai vieilli beaucoup
surtout depuis que j’ai été à l’hôpital à Manchester, je suis devenue très malade là, le
foie ne résistait pas à leur traitement, c’était horrible.
Quand tu arranges pour ton été tâche à fair [faire] place à un séjour ici si Fred[éric]
vient avec toi il sera le bienvenu aussi.
C’est bête je tache à faire trop mon vieux cors [corps] se fatigue très facilement. Mrs
Evans soigne très bien ma nourriture, cela m’a sauvait [sauvée]. Je n’ai pas encore des
lunettes qu’il me faut. Je t’embrasse bien fort.
Bertha
Pardonnes moi de t’avoir dérangé. J’embrasse Maine.
Je suis-je crois près de ma fin tout fois [toutefois] on ne sais [sait] jamais avec moi.
En tout cas je n’a [n’ai] pas très longtemps. La maladie gagne et je suis très lasse par
moments. Je désire te voir.Viens et tu peux amener quelqu’un avec toi, je ne peux pas
sortir je suis terriblement seule je veux causer avec toi je veux avoir des nouvelles de
vous et de tous que je connais comme tu m’en a [fais ?]. Je te remercie tes lettres m’ont
souvent remise de fatigue. Les médecin [médecins] ne dit [disent] rien sur qui compter ils
sont trop occupés et souvent ils n’ont pas permission de prescrire de drogues nécessaires.
Beaucoup de jeunes filles se font infirmières mais il y en a pas pour nous aider.
Rockcroft,
Cornbirthwaite,
Windermere
Tel 609
Je désire tellement que tu viennes je rendrai les frais de voyage. [On ?] n’a pas permit
d’envoyer de l’argent. J’ai demandé à l’avoué j’ai [mot illisible] que on vient et que je
veux donner quelque [mots illisibles] que faire ? Il dit acheter des manteaux de laine
nous en avons de bons dans le nord ici. Je ferai cela, aussi pour qui t’accompagnerai. Je
vous prie de ne rien apporter, une bonne [mot illisible] et de causette avec toi, c’est
tout. Tu es bien bon de me dire tant de choses. Les gens autour de moi ne sont pas sérieux
pour mettre lettre « au postes » [à la poste].
J’écrirai encore.
Mary Bridge a de sa famille malade. Je l’attend [attends] dès qu’elle peut venir.
J’embrasse tous que [ceux] que j’aime, Maine, Fred[éric]150 et sa
petite famille. Juillete [Juliette ?], j’aurai aimé la revoir, Barbara Church, Dominique
Aury, autre encore.
Je [pâtis ?] d’un remède qui n’arrive pas par une erreur. Miss Proctor a mis l’ordonnance
dans pharmacie boîte je ne sais pas laquelle et je souffre en attendant. Docteur est allé
loin voir son père malade.
J’embrasse Maine et ta famille et toi en pensant à tes parents.
Merci bien de ta lettre. Viens chez moi n’hésite pas. Que je nais [n’ai] pas parlé de mes
yeux il y avais [avait] tant à dire et j’en suis si triste j’en ai remis à une autre fois.
Je vois de plus en plus mal. Doctor Skene dit que ce que je perds de vue maintenant je
perds pour toujours rien à faire. Tous [tout] est très difficile. J’ai eu Mary Bridge ici
pour quelques heures pour m’aider, mettre un peu d’ordre, elle est très occupée. Je ne
sors pas de c’est [mot illisible].
Maintenant est un mauvais moment de l’année. Mrs Evans s’occupe de moi je suis très
malheureuse.
Il faut que je laisse partir ce mot. Je t’embrasse bien fort. A bientôt, j’espère.
Cher Jean, vient [viens] si il t’es [est] possible je suis bien malade. Depuis Noël 1956
j’ai été malade, j’ai eu la tête cassé [cassée] on m’a espérer [espérée] morte mais tout
de même je suis encore ici, je suis faible, je puis marcher quelques pas, premier temps je
n’avais pas de souvenir, maintenant ça va mais pas toujours. Certaines personnes on [ont]
été et sont encore très malveillant [malveillantes] pour moi pensant profiter après ma
mort.
Vien [viens] je te prie m’embrasser mais soit [sois] très prudent pour toi-même. Que
c’est triste les gens de notre âge s’en va [vont] un par un. Les Brugères si bon et
honorable. Je suis près de la maison que nous avons habitée il y a beaucoup d’années avec
mes parents presque tout le monde de ce temps est mort. J’ai eu cystitis [cystites] et
autres choses de ce [sort ?] nerveuses et certains disent que je doit [dois] être mort. Je
veux attendre que Dieu arrange cela.
Je t’écrirai encore si je ne suis pas mort [morte]. Dites-moi de Maine, je l’embrasse.
Souvenirs à d’autres que je connais. Il y a longtemps que personne ne m’a embrassée.
Bertha
Ma femme de ménage est bonne mais elle ne doit plus venir dans cette house on a tant
d’autres bonnes.
Je me réjouis de penser que je te verai [verrai] bientôt. On a toujours compté que Grange
over Sands est à 3 heures ou davantage selon rapid [train rapide] ou non de Manchester. On
peut avoir à changer en route, à présent on ne peut rien savoir de sûr. Les agents que tu
a [as] employé doivent savoir le plus. Moi je ne puis pas aller demander et ici au
N[ursing] H[ome] on est très mal servi pour commissions. Une fois qu’on a quelqu’un dans
la maison on peut attendre longtemps un service au [à] moins que l’idée leur prend tout à
coup. Hier j’avais une visite d’ancienne domestique qui connaissait mes parents. Je suis
un peu fatiguée d’écouté [écouter] tant de parler [conversations]. J’écris de mon lit. Tu
va [vas] me trouver changé [changée] c’est à cause de tout ce qu’on m’a fait subir mais à
présent je gagne un peu de force et de colour [couleurs].