Correspondances écrites et reçues par Jean Paulhan (1925-1936 et 1950-1958), éditées en collaboration avec l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC, Caen) et la Société des lecteurs de Jean Paulhan (SLJP).

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Le projet « Hyper Paulhan » de l’OBVIL [Observatoire de la Vie Littéraire] propose les reproductions numérisées (mode image) et transcrites (mode texte) de lettres déposées dans le fonds Jean Paulhan et quelques autres fonds à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 St-Germain la Blanche-Herbe).

Ces lettres sont extraites des dossiers de correspondances passives et actives de Jean Paulhan. Elles s’inscrivent dans deux tranches chronologiques :

  • 1925-1936, années pendant lesquelles Jean Paulhan a été nommé rédacteur en chef, puis directeur de La Nouvelle Revue française,
  • 1950-1958, années de redémarrage de La NRF, après l’interruption de la fin de la guerre et de l’après-guerre…

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Armand Robin

1936/1958

Armand Robin à Jean Paulhan

Correspondance (1936–1958)

2016
Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL, 2016, license cc.
Source : IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232
Ont participé à cette édition électronique : Clarisse Barthélemy (Responsable éditorial), Camille Koskas (Responsable éditorial) et Amaury Nauroy (Transcription).

Armand Robin à Jean Paulhan (4 juin 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 4 juin 1936.
Cher Jean Paulhan,

J’ai reçu, il y a longtemps déjà, votre réponse au sujet de manuscrits que je vous avais apportés ; elle était sévère sans doute, mais plus encore très bienveillante et très confiante : aussi, contrairement à ce que peut-être vous avez craint, m’a-t-elle encouragé.

Aujourd’hui je voudrais bien que vous jetiez un coup d’œil sur les poèmes que vous trouverez ci-joints. Je serais très heureux que vous puissiez les accepter, mais je n’ose guère l’espérer. En tout cas j’aimerais connaître votre avis.

Veuillez croire, Monsieur Paulhan, à mes meilleurs sentiments,

Armand Robin,

24, rue des Fossés St Jacques Paris 5è

Armand Robin à Jean Paulhan (4 novembre 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 4 novembre 1936.
Cher Paulhan,

Je suis confus de vous proposer encore un poème pour votre revue.. Mais depuis trois mois mes amis me prient de vous proposer « Offrandes » et, tout récemment, E. Mounier m’a très instamment recommandé de vous l’adresser.

Pour ma part je confesse que je suis conscient de la très grande beauté de ce poème et je serais surpris, je l’avoue, si cette œuvre n’était née que pour l’oubli.

Et pourtant j’ai peur… Il me semble que vous allez me « refuser » ce poème. Malgré toutes sortes de prières, j’ai refusé longtemps de vous l’envoyer, car j’avais peur… Non pas la peur d’être décourager personnellement : je suis au-dessus du succès ; je l’ai prouvé et je le prouverai. Mais la peur, en cas de refus, de perdre toutes mes illusions sur le rôle joué par les revues dans l’histoire de l’Art et de la Pensée. Souvenez-vous qu’il y a quelques années encore j’étais garçon de ferme et que tout cela me paraissait si beau.

Veuillez agréer, Monsieur Paulhan, l’expression de mes sentiments respectueux,

Armand Robin,

24 rue des Fossés Saint-Jacques Paris 5è

Armand Robin à Jean Paulhan (11 novembre 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 11 novembre 1936.
Cher Paulhan,

Merci. Très simplement. Je suis profondément touché par la façon dont vous avez accueilli ce poème.

Davantage encore, - plus intimement, si je puis ainsi parler – merci de vos deux remarques pénétrantes, qui m’ont éclairci soudain sur des faiblesses qu’il m’aurait fallu quelques mois pour entrevoir. De cela, je suis très, très content.

Et maintenant je ferai de mon mieux pour me rendre, si je le puis, plus digne de votre confiance : je me rends bien compte que c’est maintenant que commence l’Art pour moi, que ce poème ne peut et ne doit être qu’un point de départ.

Veuillez agréer, Monsieur Paulhan, l’expression de mes sentiments de sympathie et de respect,

Armand Robin,

24 rue des Fossés Saint-Jacques Paris 5è

Armand Robin à Jean Paulhan (23 novembre 1936) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 23 novembre 1936.
Cher Paulhan,

Je vous renvoie dès ce soir le texte de ce poème destiné à Mesures. Je l’ai considéré retouché en deux endroits, qui me semblaient bien faibles ; j’aurais aussi désiré transformer quelques deux ou trois vers de la dernière partie, mais il m’aurait fallu, je crois, créer à neuf des développements entiers pour y réussir.

Par ailleurs je crois avec vous que la cinquième partie rétrécit, amenuise le poème, qu’il choque, venant après la quatrième partie. Je pense même que notre impression est très objective, car c’est l’impression de tous les amis à qui j’ai présenté le poème.

Et pourtant j’hésite à supprimer cette strophe, car c’est grâce à elle seule que l’univers est offert objet par objet, trésor par trésor ; grâce à elle, l’être à qui s’adresse le poème ne reçoit pas cette offrande comme une charge qui lui remplit soudain les bras, mais comme une conquête, successive, timide d’abord…

Aussi voudrais-je vous demander si la place réelle, la place nécessaire de cette strophe n’est pas tout de suite après la troisième strophe ?... Elle en est la suite logique et par ailleurs il me semble même que l’autre strophe :

« J’ai dépouillé pour toi les plaines mouillées d’aube » etc……

Pourrait en acquérir un élan nouveau.

Le poème ne cesserait ainsi d’aller en s’ouvrant de plus en plus et, grâce à ce déplacement de strophes, peut-être cet épanouissement deviendrait-il encore plus efficace. Je m’étonne de n’y avoir pas songé plus tôt.

J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer, Monsieur Paulhan : j’avais adressé, il y a une semaine, aux « Cahiers du Sud » un autre poème : non seulement il est accepté, mais les « Cahiers du Sud » veulent le publier dès le 1er décembre.

Je suis tout de même heureux d’ajouter que ces « succès » ne risqueront pas, je crois, de me gâter : j’ai trop de malheur au cœur pour qu’une joie extérieure puisse y changer quelque chose désormais. Tant mieux.

Ma lettre est un peu longue. Excusez-moi et croyez, Monsieur Paulhan, à mes sentiments de respectueuse sympathie,

Armand Robin

Armand Robin à Jean Paulhan (1er janvier 1950) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 1er janvier 1950.
Cher Jean,

Je réponds bien tard à votre lettre. C’est qu’il m’est devenu difficile d’écrire en langue française ; je sens que je m’exprimerais plus aisément en chinois. Je vous assure que c’est vrai. Je vous envoie ces poèmes d’Attila Joszef [sic]. Je vous envoie aussi mes vœux les plus sincères pour la nouvelle année. Permettez-moi de souhaiter que la santé revienne à votre femme et croyez-moi toujours vôtres.

A. Robin,

P.S. – Je suis très fatigué

Armand Robin à Jean Paulhan (18 novembre 1952) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 18 novembre 1952.
Bien cher Jean,

Je suis un peu ennuyé : j’ai appris ces jours derniers que vous aviez d’abord confié la traduction des poèmes d’Ungaretti à des gens comme Lescure, etc…. Vous n’avez fait appel à moi que lorsqu’il fut bien clair que tous ces poètereaux bourgeois ne pouvaient y réussir.

Pourquoi ne pas confier Maïakovsky [sic] à là [sic] réactionnaire Elsa Triolet ?

Je ne vous en veux pas. Mais cela complique évidemment mes rapports avec Ungaretti.

Bien à vous,

Armand

P.S – J’ai eu la joie de faire acheter le texte de Remizov pour une utilisation à la radio : il va toucher 40 000 fr ; je suis très heureux.

Je vous joins la préface de « Poésie nous traduite ». Il me semble qu’elle devrait paraître dans la revue avec la première non-traduction.

Armand Robin à Jean Paulhan (25 décembre 1955) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 25 décembre 1955.
Cher Jean,

Je crois qu’au contraire vous comprenez très bien :

à Paris, outre tout le reste, je m’occupe de ce bulletin sur les radios mondiales ; ce travail suffirait déjà à me faire vivre avec le sentiment qu’il n’y a pas « une minute à perdre ». Je ne puis m’en occuper (et m’occuper du reste) qu’à condition d’aller très vite et de passer outre à tous les petits détails ici et là.

Paseyro est un vrai poète et je suis heureux de m’être occupé de son œuvre. Mais le pauvre me tarabuste depuis des mois ; il ne veut pas encore comprendre que je m’occupe de 40 choses différentes en même temps.

Alors, il vient des moments où, après avoir fait le maximum pour trouver du temps libre ici ou là, j’ai la faiblesse de m’énerver sur quelque difficulté secondaire. Puis, j’ai trop le sentiment que, dans plusieurs milieux, il se perd encore du temps à me tendre des pièges. Je devais un peu me guérir de ce sentiment de persécution.

M’occuper de moins de choses à la fois ? Ce n’est pas possible, ce serait le véritable suicide. Il vaudrait mieux veiller aux moments de fatigue, pour éviter les erreurs.

Je vous souhaite de tout cœur de bonnes fêtes et vous envoie une pensée affectueuse.

Armand

Armand Robin à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 1957.

(Note : j’interdis ce texteI à la NNRF, cette revue ayant publié le fasciste Guillevic et le fasciste Clauderoy [sic])

Armand Robin : PREMIER THEME CHINOIS

PREMIER THEME CHINOIS

Tchang san travaille beaucoup, mange très mal
Et s’habille très mal ;
C’est pourquoi en peu d’années
Il a mis de côté ses sous.
Li-sseù ne travaille pas beaucoup, il mange bien
Et il s’habille bien ;
C’est pourquoi alors il ne peut pas
Mettre de côté des sous.
A la maison de Tchang sans à la porte
Il y a un grand arbre ;
Sur le tronc de l’arbre il y a un grand trou ;
Il y a un grand serpent dans ce trou.
Tchang-san n’a pas les caractères du cœur en paix ;
Il a trois cent sous chez lui au secret ;
Il a peur qu’on les lui vole ;
Sa maison n’est pas à lui, c’est le logis des trois cent sous.
Li-sseù a ouvert le trou pour regarder,
Car il n’avait jamais vu un serpent
Et depuis des années
Il avait très envie de voir ce que c’est qu’un serpent.
C’est à minuit que Tchang-san
A pris ses sous pour les cacher
Et c’est au point du jour que Li-sseù
Est venu les voler.
A l’origine Tchang-san
Etait un homme riche ; puis
Il fut volé par quelqu’un ; alors
Il est devenu l’homme pauvre.
Je ne sais pourquoi sur l’arbre
Li-sseù voulut écrire son propre nom ;
A sa place je n’aurais rien écrit ; même si j’écrivais,
J’écrirais que c’est le serpent qui a volé.
Pour dire que je ne l’aurais pas écrit, aujourd’hui
J’ai écrit trois lettres ; puisII les ayant écrites,
Je les ai fermées et suis allé
A la poste les porter.
Ecole des langues orientales, 22 janvier 1942.

Armand Robin à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 1957.

Depuis 1940, sans autres interruptions que dûes [sic] à de très brèves fatigues, Armand Robin publie pour un tout petit nombre de lecteurs sérieux et honnêtes, un bulletin d’écoutes de radios en langues étrangères.

L’indépendance de ce travail est restée entière sous les régimes les plus divers.

Armand Robin à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 1957.

En 1893, au village de Bagdada, en profonde Russie, naissait le fils de capitaine-forestier Vladimir Maiakovsky.

En 1913, s’élargissant en forêt, - forte forêt de lui tout seul-, sur la forêt de la grand’vills, il écrit : VLADIMIR MAIAKOVSKY par VLADIMIR MAIAKOVSKY. Il n’y perd aucune feuille, lui.

Armand Robin.

 

VLADIMIR MAIAKOVSKY
PAR
VLADIMIR MAIAKOVSKY

*
Cher JeanIII,

Il m’a semblé qu’il était bien de débarrasser Maïakovsky de sa légende de « dandy » dadaïste, etc… etc… En fait il avait la carrure d’un paysan.

Affectueusement à vous

Armand

Armand Robin à Jean Paulhan (1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 1957.

COTEAUX D’ECHOS IV

 

DU SYLLABICIDE AU SITE :

 

Non, nom !

Je nomme séverins les habitants de Sèvres. Qu’ici on aime une jeune fille en lui disant : « Je vous aime, séverine » et non : « Je vous aime, sévrienne ! »

 

DU SITE LETTRICIDE AU POETE SYLLABICIDE :

 

On lit dans Dulaure(1)

« SEVRES ou SEVES

Parait dériver d’EVRES, EVES ;

« EVMES [ ?] » signifie rivière, eaux »

 

D’entente avec Dulaure

Sèvres sans « r » a l’air de tenir l’eau en l’esse.

Pour tous les sons c’est saineVI sève.

 

DU POETE SYLLABICIDE AU SITE LETTRICIDE :

 

NomVII, oui !

Oui, j’ai oui :

SEVE surVIII SEINE se dit ce site.

 

DU SITE AU SYLLABICIDE :

 

Aurez-vous, saIX poitrine en colline de sèveX,

Aurez-vous souriante souveraine séverine ?

Cher JeanXI,

Voici la sève et la séverine et la Seine et Sève.

Vous avez raison : par prudence il vaut mieux laisser les neuf renards pour la Saison II du Cycle Séverin.

Armand

P.S. – J’ai amélioré d’un mot le Ministre de l’Intérieur.

Armand Robin à Jean Paulhan (2 février 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 2 février 1957.

Le Bonaparte des Syllabicides.

Longtemps j’ai pensé que Jean Paulhan n’attaquait que les mots, les entreprenant avec prude âpreté, les contraignant à se porter au mieux d’eux-mêmes, ne les laissant en paix que parfaits.

J’ai vu avec plaisir que, de surcroît, il était syllabicide. Dans les bons mois, il met trois jours à retrancher deux syllabes. Par une rare charité, il en ôte aussi chez les autres et ces autres en deviennent plus sains.

Je le soupçonne de vouloir fonder sur de fermes assises l’empire des syllabicides.

Armand Robin, 2 février 1957.

Armand Robin à Jean Paulhan (27 août 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 27 août 1957.
Jean,

Je suis tombé en arrêt, au milieu d’un roman, sur cette phrase.XII

Amitiés

Armand

P.S. – Je relis les derniers poèmes de Supervielle. C’est vraiment très beau.

Armand Robin à Jean Paulhan (25 septembre 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 25 septembre 1957.
Cher Jean,

Le titre « Cycle séverin » me plaît. Il faut qu’on puisse dire à une jeune fille : « Ma séverine » et non, horriblement, « ma sévrienne ».

Je vous écris du « Café des Jardies »où Jean Rostand vient jouer au échecs. Le patron en est très fier.

Généralement on aime les poètes dans ce pays.

Il y a 20% de Bretons à Sèvres. Et des Bretons des Côtes du Nord et plus spécialement de mon côté des Côtes du Nord.

J’ai appris qu’il y a un renard près de cet étang. Je vais essayer de le rencontrer.

Je vous embrasse bien fort.

Armand

Armand Robin à Jean Paulhan (26 septembre 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 26 septembre 1957.
Bien cher Jean,

Je n’ai pas pu, ce matin, voir aucun des renards. Mais il y a les coqs. Ils sont (à ma connaissance) sept qui se répondent sur ces collines ;

D’où un titre pour le prochain poème séverin : « COQS HAUTS SUR COTEAUX »

Toujours selon Marylou Petitjean il y a aussi un sanglier près de Marnes la Coquette. J’hésite à aller le voir. De toute façon je lui dédie un poème : A SOLITAIRE SOLITAIRE ET TIERS    

Je vous embrasse tout fort. La tortue aime qu’on lui lise son poème

Armand

Armand Robin à Jean Paulhan (15 octobre 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 15 octobre 1957.
Cher Jean,

C’est le cœur navré que je viens par ces lignes vous faire mes adieux. Quand nous nous rencontrerons, le mieux est que nous ne nous parlions pas.

J’ai pensé toute cette nuit à cette entrée du fasciste Guillevic et du fasciste Claude Roy dans la revue. Il m’est absolument impossible d’envisager désormais une collaboration quelconque là où ces mouchards publient. Vous savez très bien que les anarchistes ne transigent pas.

Je penserai à vous ainsi et à vos, qu’à Dominique, Marcel et France, fort souvent, avec douleur, et avec une amitié inchangée,

Armand

P.S. – Ayant surpris la famille Supervielle en conversation avec Claude Roy, j’ai déjà rompu toute relation avec elle.

P.P.S. Au moment de mettre cette lettre à la boîte, j’ai le sentiment d’une cruelle séparation.

Armand Robin à Jean Paulhan (23 octobre 1957) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 23 octobre 1957.
Cher Jean,

J’aurais voulu répondre plus tôt à votre lettre affectueuse, qui m’a mis du baume au cœur.

Je n’ai pas dit (et je ne l’ai jamais pensé ni ne le penserai) que la direction de la Nrf était blâmable. J’ai dit simplement que j’avais éprouvé du chagrin à voir paraître dans la revue deux littérateurs connus pour être des propagandistes communistes, et dont la valeur est très contestable.

Puis il y a autre chose : le monde communiste me fait actuellement une cour assidue, essayant d’obtenir par la séduction ne serait-ce qu’une apparence de concession infinitésimale de ma part. Alors j’accentue mon refus complet.

J’ai écrit cette préface à « Poésie non-écrite ». Je vous envoie aussi un autre poème chinois.

Nous allons monter en décembre, avec une troupe d’avant-garde, « Sur une flûte de vertèbres » et « Maïakovsky, par Maïakovsky ».

J’ai passé par quelques journées douloureuses. Merci encore pour votre lettre et vroyez à toute mon affection,

Votre

Armand

P.S. Vu aujourd’hui A. Petitjean, qui revient de Russie.

Armand Robin à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 1958.
Cher Jean

Voici donc des derniers poèmes. Il fait chaud, il vaut la peine de le dire.

Affection

ArmandXIV

Armand Robin : LES NEUF POEMES DU SEPT MAI
Poème 7 : « L'HOMME QUI FINIT MAL, L'HOMME QUI FINIT MAURIAC »

L'HOMME QUI FINIT MAL, L'HOMME QUI FINIT MAURIAC

Il m’arrive un malheur ; « mal » ou « maux » c’est une
Seule syllabe, « mauriac » c’est presque trois syllabes :
Et l’une et demie syllabe est importune ;
Cette une et demie syllabe est une suivante syllabe.
Il a l’une et demie syllabe qui va mal ;
Je ne sais pas qu’en faire : où placer ce « rien » ?
Même en vers ce « riac » est très inélégant.
Une idée : je donne Donner ce « rise » au caniche Winnie, pour qu’il le mange !
Winnie, car Winnie c’est le caniche de Jany,
Et Winnie l’aime, je l’aime aussi : je l’aime autant que Jany.
Puis il n’aime pas les « r », çà lui fait mal aux dents.
Alors que faire de ce « riac » ? Je vais 'l’écourter en « iac »;
Oui, çà y est : on peut le passer à Winnie
Et Winnie pensera, de dent en dent : « Mon iac est bien joli ! »
Oui, Winnie, entre tes dents, c’est un beau « iac » !
« Un peu laid Wwyw peut-être », diront quelques passants ;
Mais Winnie en rira ; avec « iac » ou sans « iac »
Le caniche nommé Winnie est toujours tout charmant.
Mais, vous allez me questionner : « Que devient ce Mauriac ? »
Eh bien : c’est tout simple ; il est mort, ce Mauriac,
Il est devenu mort en perdant sa syllabe.

Armand Robin, 7 mai 1958.

 

Aux lecteurs :

Le poème 8 du sept mai sera communiqué incessamment ; il fait partie du recueil « LES METAMORPHOSES DU MALHEUREUX FRANCOIS » et est intitulé : « Il deviendra chenille et même cochenille »

Armand Robin à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 1958.

ARMAND ROBIN : UN NOUVEAU POEME DU 7 MAI

EN REGARDANT LA RESTAURANTIERE JE ME SUIS RASSASIÉ

La restaurantière avait belles arcades
Sourcilières ; mais elle parlait sans [mot illisible]
Elle m’a vu entrer, a pensé, « Il va manger! »
Et me^me elle m’a dit, « Il faut manger! »
Mais moi, j’avais envie de la regarder.
Elle osa me servir un mets très abondant.
Je devais manger lentille par lentille, lentillement,
Quelque chose qui s’appelait [encore?] un escalopement.
Ce manger, c’était comme un escaladement.
Et moi j’écrivais un poème, lentille par lentille, lentillement.
Sur la restaurantière que je regardais restaurement;
Nous étions au restaurant.
Si j’écris ce poème c’est pour dire seulement
Que j’écris des poèmes quand je suis au restaurant;
Ceci s’est passé le sept mai mil neuf cent cinquante et huit
A vingt heures, rue [mot illisible], heure, date et lieu dans vos dents
Lentille par lentille, lentillement.
Il y avait la complicité d’une mademoiselle :
Mademoiselle Maîté, aussi sage que belle,
(C'est la serveuse) me disait : « Je ne croyais
« Pas que dans un restaurant on pouvait
« Ecrire des poèmes en regardant Mademoiselle
« Et, l’[en?] laissant le mets solitaire,
« Dîner d’un dîner de regards de restaurantière. »
Je vous l’assure, elle parlait ainsi, Mademoiselle Maîté :
Il y a des témoins, ils tous ri, puis tous ils ont apprécié ;
Les serveuses françaises parlent un bon français ;
Elle parlait ce bon langage, Mademoiselle Maîté.
Quand j’eus fini mon poème, Mademoiselle Maîté
Me dit : « Maintenant je vais aller me coucher! »
Pendant un quart d’heure encore, je suis resté
Restauransement avec la restaurantière,
Lentille par lentille, lentillement.
Armand Robin, 7 mai 1958, 20h-21h.

Armand Robin à Jean Paulhan (1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 1958.

Armand Robin : LE SEUL MECHANT BOEUF DU NIVERNAIS (publication déjà réservée)

LE SEUL MECHANT BOEUF DU NIVERNAIS

I

Je ne veux pas offenser les boeufs du Nivernais,
Boeufs honorables, boeufs honorés, boeufs bien nés ;

A Pougues les Eaux, quand j’y ai vécu,
Ils furent ma consolante famille, nul ne l’a su.

Puis la Nièvre est un département charmant ;
Les coteaux y sont comme les vallons, par moments.

Donc je n’encornerai qu’un seul boeuf du Nivernais,
Le seul vilain boeuf qu’on aît vu au Nivernais.

II

Ce vilain boeuf s’appelait François Mitterand
Et tous vous diront qu’il avait l’air très méchant.

C'est qu’il était boeuf et ne savait pas qu’il était boeuf ;
Ce boeuf avait fureur de ne pas être boeuf.

Quand un ami, par exemple, lui disait : « Malheureux
« François, vous êtes boeuf! » Il était coléreux.

Il n’aimait pas du tout l’humilité de l’herbe ;
Il reprochait à l’herbe de n’être pas superbe.

Les autres boeufs se courbaient vers l’herbe, eux ;
Et l’herbe faisait tout pour les rendre bons herbeux.

Mais lui, je vous l’ai dit, c’était un méchant boeuf ;
Aucune herbe, c’est naturel, n’aimait un tel boeuf.

III

Tout cela sera conté pendant des siècles dans le Nivernais
D'herbe en berne, de boeuf à boeuf, de Nivernais à Nivernais.

Mais il n’y a pas que l’histoire du mauvais boeuf
Avec l’herbe ; il y a l’histoire des filles avec le mauvais boeuf.

IV

Les filles, c’est connu, ne recherchent pas les boeufs ;
Et même, c’est connu, elles ne disent rien aux boeufs.

Mais ce boeuf-là, je vous l’ai dit, ne savait qu’il était boeuf ;
Il s’en vint vers les filles sans savoir qu’il était boeuf.

C'est prosaïque à dire : toute fille fut vache.
L'une d’elles frappa le boeuf à grands coups de cravache,

Lui faisant rare honneur, car les coups de cravache
Sont pour les chevaux ; elle avait, dans sa tache ;

Fait une erreur sur l’animal ; elle aurait dû penser :
« Il ne sera jamais cheval, même fouetté ! »

Tout cela conté pendant des siècles dans le Nivernais,
De vache à vache, de fille en fille, de Nivernais à Nivernais.

O malheureux François :
Dans les mémoires tu resteras mauvaise herbe !
O malheureux, malheureux François
Avoir vécu vivre mauvais boeuf et finir mauvaise herbe !
O malheureux, malheureux, malheureux François !

Poèmes à suivre : « LE SIRE DES RONDELLES » (Jacques duclos). « l’AMBASSADEUR DES GENS D'ARGENT » (l’ambassadeur soviétique). - « HOU ! HOU ! HOUOUH ! SUR HROU! » (Khrouchtchev).

Armand Robin à Jean Paulhan (16 février 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 16 février 1958.
Cher Jean,

Je suis content que vous preniez du temps pour votre œuvre personnelle.

Voici le poème Kalmouk.

J’ai lancé une nouvelle légende. Je vais vous raconter la chose, cela vous amusera.

Mercredi dernier j’ai accompagné jusqu’à son quartier une actrice, Anne Blancard, qui joue actuellement au théâtre de Chaillot. Elle habite près de la place Pigalle. Nous avons décidé qu’elle répandrait le bruit suivant : elle me rencontre souvent la nuit près de chez elle, lorsqu’elle rentre du théâtre, dans un café de la place Pigalle ; je suis chaque fois ivre-mort, j’ai une bouteille à la main et (ceci est très important !) je chante la Madelon en langue turque.

Elle est très ardente à répandre le bruit. J’espère que vous ne le contredirez pas.

Affectueusement

Votre

Armand
qui s’amuse un peu.

P.S. « La Madelon en turc », c’est louable. Mais Anne Blancard est de Montpellier et risque de s’entendre demander : « Comment avez-vous su que c’était du truc ? »

Il serait peut-être utile, pour ne pas détruire les efforts de cette jeune personne, de dire qu’en fait il s’agit de « la Madelon en cadurcien » (patois de Cahors).

Armand Robin à Jean Paulhan (16 février 1958) §

IMEC, fonds PLH, boîte 192, dossier 096232 – 16 février 1958.

ARMAND ROBINXV

*

CYCLE SEVERIN

 

D’une seule syllabe, à peine,XVI ma seule note ici : Je nomme séverins les habitants de Sèvres. Qu’ici on aime une jeune fille en lui disant : « Je vous aime, séverine » et non « je vous aime, sévrienne. »

Sèvres, septembre 1957

Cher JeanXVII,

Marilou Petitjean me confirme qu’il n’y a pas seulement un renard, mais plusieurs. On en a un jusque sur la route de Versailles.

Il me semble que « Cycle séverin » est agréable à l’oreille. Restait à expliquer ce titre. Il faut que j’y réfléchisse encore.

Mme Church nous quitte. Ville d’Avray retentit d’éloges pour elle (le jardinier notamment raconte partout à quel point elle est bonne, intelligente, etc… Quelqu’un m’a dit : « Si vous la connaissiez ! »)

C’est confirmé : nous jouons Maïakovsky cet hiver.

Je vous embrasse tout fort. La tortue va bien.

Armand

P.S.XVIII Je viens d’obtenir l’adresse de 6 renards. Ils viennent manger avec les poules et le chien de « La ferme de la Ronce ». Je vais aller les voir et m’en faire des amis.